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  • Afrique : Ebola déclaré crise d’ampleur mondiale

    Entre épidémie, psychose et business

    L’épidémie d’Ebola est en train de s’étendre à toute l’Afrique de l’Ouest. Partie de Guinée-Conakry, elle touche à présent le Sierra Leone, le Liberia et a déjà fait des victimes au Nigeria. Des rumeurs non confirmées font état de cas en Côte d’Ivoire. Ce qui est sûr, c’est que vu l’ampleur qu’a pris cette épidémie, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne soit confirmée dans notre pays. Quoiqu’il en soit, cela suscite déjà une véritable crise qui se traduit d’une part par une réaction de panique de la part des populations, d’autre part par un profond questionnement sur la nature de cette maladie et de cette épidémie.

    Dans cet article, nous allons expliquer plus en détail d’où vient cette maladie, mais surtout expliquer en quoi l’épidémie est aggravée par le système capitaliste qui une fois de plus révèle son caractère destructeur.

    Mais avant d’entrer dans le sujet, nous voudrions tout d’abord exprimer au nom du CIO nos sincères condoléances avec toutes les victimes de cette maladie et à tous ceux et celles qui continueront à souffrir des conséquences de l’épidémie après qu’elle soit passée.

    Article par Jules Konan, CIO-CI

    Ebola c’est quoi ?

    L’Ebola est un virus provoquant une fièvre hémorragique (c’est-à-dire, sanglante) meurtrière. Il doit son nom au fait que la première épidémie déclarée de cette maladie s’est produite au Congo (alors Zaïre) en 1976, dans un village près de la rivière Ebola. Les premiers symptômes de la maladie sont très semblables à ceux du palu : mal de te?te, gorge irritée, fièvre, tremblement, diarrhée, douleurs aux articulations… Après 4 5 jours, surviennent les symptômes hémorragiques proprement dit : l’individu commence à manifester des éruptions cutanées, puis à vomir et pisser du sang ; du sang lui coule du nez, des gencives, des yeux, de l’anus… La personne meurt le plus souvent de déshydratation (perte d’eau intense causée par les saignements) après une ou deux semaines.

    Ce virus se transmet uniquement par les fluides vitaux : sang, salive, sueur, sperme, urine… Les personnes guéries ou décédées demeurent contagieuses jusqu’à deux mois après la guérison ou le décès. La maladie par contre n’est normalement pas contagieuse par l’air. En outre, comme ce virus a la particularité de tuer très vite, il n’a habituellement pas le temps de se propager très rapidement et très loin. La plupart des épidémies sont jusqu’ici restées isolées à quelques villages, touchant 100-200 personnes (en tuant la majorité d’entre elles) avant de disparaitre. Entre deux épidémies, le virus vit vraisemblablement “caché” dans le corps d’animaux en brousse qui eux-mêmes ne sont pas affectés (un peu comme le palu et le moustique) ; on soupçonne les chauve-souris, mais aussi certains singes, les porc-épics, gazelles… La maladie en effet survient toujours en région forestière, jamais dans les savanes.

    C’est donc bel et bien ici la toute première fois que l’on a affaire à une épidémie de pareille ampleur – qui parvient à s’étendre à toute une région puis à des pays entiers (et la toute première fois que cette maladie se déclare en Afrique de l’Ouest et non en Afrique centrale). Jusqu’ici, la flambée d’Ebola la plus grave avait été celle de 1976 au Zaïre, qui avait fait 280 victimes, avec une mortalité de 90 %.

    De fait, la variété de virus qui sévit en ce moment n’a une mortalité “que” de 60 %, ce qui laisse sans doute plus de possibilités aux victimes pour transmettre la maladie à d’autres personnes. Avec plus de 1000 personnes tuées dans quatre pays lors des 5 derniers mois (mais 500 rien que dans le dernier mois, vu que le nombre de morts et de cas est en accélération – à noter qu’il s’agit uniquement du nombre de cas rapportés ; encore plus de gens sont sans doute morts en brousse sans que personne ne l’apprenne), l’OMS a déclaré cette crise comme étant d’“intérêt mondial”.

    Les remèdes ?

    Le plus gros problème de cette maladie est qu’il n’y existe en ce moment aucun remède connu, aucun vaccin, aucun médicament. Comme il s’agissait jusqu’ici d’une maladie ne touchant que quelques centaines de personnes par an dans des régions isolées et dans des pays pauvres, les entreprises pharmaceutiques (pour la plupart privées et entre les mains de capitalistes occidentaux) préfèrent concentrer leurs recherches sur des maladies à profits garantis, comme le cancer, la grippe ou l’obésité. De leur côté, les laboratoires africains sont sous-équipés et les meilleurs chercheurs sont partis depuis bien longtemps servir de manœuvres dans les hôpitaux américains ou européens. Le manque d’un remède ne vient donc pas du fait que cette maladie est le fruit d’une “conspiration” ou d’un “châtiment divin”, mais est tout bonnement le fruit des contradictions du système capitaliste pour lequel seul comptent les profits immédiats.

    Pour les victimes donc, le seul espoir aujourd’hui est de recevoir des soins intensifs de la part des équipes médicales, soins qui ne servent pas à tuer la maladie (vu qu’il n’aucun remède n’existe encore), mais à aider le patient à survivre aux effets de la maladie (notamment en lui faisant boire ou en lui injectant beaucoup d’eau afin de lutter contre la déshydratation causée par la perte de sang), en attendant que la maladie passe d’elle-même. Pour les malades en phase terminale par contre, la seule aide que l’on peut apporter est une série d’antidouleurs et de calmants pour faciliter le décès de la personne.

    Un aspect très important du travail des équipes de secours est l’isolement des malades afin de protéger leurs proches. Cela inclut non seulement la mise en place et le respect de mesures de protection très strictes, mais aussi de nourrir tous ces malades (dans des conditions souvent difficiles), les laver, etc. mais aussi leur tenir compagnie vu qu’ils se retrouvent seuls dans une sorte de cage, ce qui ne fait qu’aggraver l’impact psychologique pour des personnes qui voient déjà la mort arriver. De plus, comme aucun fluide provenant de ces malades ne peut quitter la zone de quarantaine, des procédures spécifiques doivent également être suivies en ce qui concerne les objets touchés par ces malades : la vaisselle, les serviettes, les nattes, etc. doivent être brulées après usage.

    Le travail des équipes de soins est loin d’être facile, d’autant que comme les docteurs et infirmiers sont en contact permanent avec les malades, la moindre erreur dans le suivi des procédures peut s’avérer rapidement fatale. En Guinée, des docteurs ont même fait grève à un moment car ils ne bénéficiaient pas d’un équipement adéquat leur permettant de s’approcher des malades sans être eux-mêmes contaminés.

    Des ONG très bien équipées et au personnel spécialement formé, comme Médecins sans frontières, sont arrivées sur le terrain. S’il faut saluer le travail de ces personnes, véritables héros – dont les exploits et le sacrifice sont comparables à ceux effectués par les sauveteurs de Tchernobyl –, il est évidemment à regretter que les effectifs et moyens déployés restent insuffisants, et qu’une fois de plus, les pays africains dépendent d’une aide extérieure pour faire face à une crise à laquelle ses pays n’étaient pas préparés.

    Et les églises et mosquées n’ont jamais été aussi remplies…

    Prévention

    La seule solution pour arrêter l’épidémie est de l’empêcher de s’étendre en la contenant. Comme la maladie se transmet par le contact physique avec des liquides corporels, des mesures de sécurité sont recommandées comme par exemple le fait de ne pas se serrer la main ni s’embrasser, et d’éviter tout contact physique de manière générale. C’est ici l’occasion de saluer le comportement responsable de pasteurs qui recommandent à leurs fidèles de suivre une procédure alternative lors du traditionnel geste de paix lors de la messe (ne pas se serrer la main mais simplement se sourire, etc.). N’oublions pas non plus de nous laver les mains avec du savon aussi souvent que possible !

    Toute personne s’approchant d’un malade ou d’un individu suspect doit impérativement porter un équipement spécialisé : masque, lunettes, gants, chemise en plastique, pantalon, bottes… Qui seront désinfectés après utilisation et ne quitteront pas la zone de quarantaine.

    Évidemment, ces conseils sont faciles à donner, mais beaucoup moins à respecter. Il est estimé que la distance de sécurité à respecter par rapport aux personnes suspectes est de un mètre. Si on peut éviter de se serrer la main à l’église, il est tout de même difficile de ne pas être touchée par la sueur ou les postillons d’une personne potentiellement contaminée lorsqu’on monte dans le gbaka ou le woro-woro (surtout pendant les embouteillages dans la chaleur). De même, on dit de se laver les mains régulièrement, mais que faire pour les personnes qui vivent en brousse ou pour tous ces habitants des quartiers pauvres d’Abidjan où les coupures d’eau sont si fréquentes ?

    On dit aussi qu’il faut disposer de manière sécurisée des corps des malades décédés. En effet, on estime que 80 % des cas de contamination sont dues au fait d’avoir touché le corps d’une personne décédée de la maladie. L’évacuation sécurisée des corps des malades va cependant à l’encontre de nombreuses traditions, selon lesquelles le corps du mort doit non seulement être ramené au village et non enterré ou incinéré à l’hôpital comme il est recommandé, mais en plus être exposé pendant un certain temps pour que ses proches puissent se recueillir auprès de lui ; dans certains pays, il est même de tradition de danser avec le corps à travers le village. Les équipes médicales ont parfois du mal à convaincre les habitants de les laisser enterrer, voire incinérer les corps, aussi rapidement que possible après le décès.

    Les effets personnels (vêtements, etc.) des victimes doivent également être brulés, les cercueils désinfectés… Tout cela est très dur à accepter pour beaucoup de familles, et cela a dans certains cas même mené à des attaques de la part de la population sur les équipes de secours. Il faut pourtant bien comprendre que dans certains cas, la tradition doit être mise de côté afin d’éviter la mort de toute une famille ou de tout un village. Mais les moyens manquent aussi souvent pour transmettre le message et faire comprendre aux populations qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. Dans certains cas aussi, c’est la pauvreté qui pousse les proches à tenter malgré les avertissements de se saisir d’une chemise ou des bijoux de leur parent décédé – ainsi on voit que la misère endémique, fruit du système capitaliste, aide la maladie à se propager.

    Il faut contenir les foyers d’épidémie autant que possible. Cela signifie bloquer les accès aux villages touchés, bloquer les frontières des pays touchés (y compris au niveau des aéroports), et effectuer des tests médicaux sur chaque personne désirant passer. Ces mesures doivent être prises de la manière la plus humaine possible, mais ferme et sans exception aucune. Par exemple, au Nigeria, les autorités non seulement ont laissé rentrer des personnes infectées du Liberia alors qu’elles avaient déclaré la fermeture totale des frontières, mais en plus ont autorisé une des infirmières infectées par le virus à rester à domicile plutôt qu’à l’hôpital. Cette dame a depuis pris la fuite pour se réfugier dans son village, et a peut-être infecté des dizaines d’autres personnes en cours de route. On n’ose imaginer les conséquences qu’aurait l’épidémie si elle survenait à Lagos…

    Une maladie de pauvres ?

    Si aucun remède n’existe contre Ebola, on remarque que comme pour d’autres maladies comme le choléra, etc., certaines personnes résistent mieux que d’autres. Des personnes ayant une alimentation variée et contenant assez de vitamines ont plus de chances que d’autres de s’en sortir. C’est pourquoi il est recommandé de manger autant de légumes et fruits que possible, en prenant en compte aussi le miel, les noix, les œufs, etc. Mais évidemment, les “régimes miracles et naturels” promus par de nombreuses personnes sur internet sont loin d’être pratiques et à la portée de la plupart des bourses, en particulier dans les campagnes africaines où certains produits sont carrément impossibles à trouver.

    Cette crise a une fois de plus mis en relief le sous-développement des pays africains, causé par l’influence délétère de l’impérialisme et la corruption sans borne des élites locales qui en est la conséquence, qui ne fait qu’aggraver la crise. Le manque d’infrastructures pour les soins ou la protection des populations (le CHU de Treichville à Abidjan ne dispose par exemple pas de zone de quarantaine), la faiblesse des moyens de communication et le manque d’instruction de la population qui rendent plus difficile la transmission des messages de prévention, la pauvreté et le manque de structures d’accompagnement qui poussent certaines personnes à tenter d’aller travailler ou voyager malgré la maladie parce qu’elles n’ont pas le choix pour pouvoir gagner de quoi manger…

    C’est notamment le cas dans l’Ouest ivoirien, où de nombreuses personnes viennent tout de même du Liberia ou de Guinée commercer sur les marchés ivoiriens, faute d’autres ressources ; tandis que des Ivoiriens continuent eux aussi à tenter de se rendre pour commercer dans ces pays, ne sachant si on les laissera revenir chez eux.

    De même, comme la maladie peut se transmettre par voie animale, notamment par la faune sauvage, il est recommandé de ne pas toucher ni consommer aucune viande de brousse tant que l’épidémie est présente. Pourtant, on dénonce le fait que des braconniers continuent leurs activités de chasse et de vente de viande de brousse malgré l’interdiction, et tentent de convaincre les habitants d’acheter leur gibier en dépit des risques.

    En outre, la crise profite aux églises et mosquées, mais aussi à de nombreux charlatans, faux pasteurs et soi disant marabouts qui prétendent guérir ou protéger d’Ebola par des “médicaments” connus d’eux seuls et moyennant un fort prix. Encore une fois, la crise est aggravée par l’ignorance et la misère qui pousse les gens à adopter des comportements dangereux pour eux et pour leur entourage.

    Il n’est donc pas étonnant de voir que les pays les plus touchés sont des pays qui souffrent depuis des années d’une grande instabilité, de guerres civiles, de conflits ethniques et coups d’État à répétition, et où l’économie est sous développée et les ressources naturelles mal utilisées : Guinée, Liberia, Sierra Leone. L’épidémie qui s’est déclarée dans ces pays vient s’ajouter à la longue liste des souffrances de leur population, souffrances dont la cause est également à aller chercher du côté du système qui entretient les divisions et aide des criminels à se maintenir au pouvoir.

    Par ailleurs, il convient aussi de souligner le fait que ces pays qui vivaient depuis des années à l’écart de toute aide étrangère, se retrouvent tout à coup au centre de l’attention et reçoivent des centaines de millions d’euros dans le cadre de la lutte contre l’épidémie, alors que ces pays ne disposent de toute façons pas de l’infrastructure ni du personnel adéquat pour y faire face. En plus, vu la déficience des institutions étatiques et le caractère d’urgence, il ne fait aucun doute qu’une grande partie de cet argent sera facilement détourné à d’autres fins par les cadres de ces États.

    Impact économique et social

    Comme les frontières sont bloquées, qu’il y a des barrages partout, et que certains villages sont encerclés par l’armée qui tire à vue, le commerce s’est arrêté dans de nombreux endroits. Certaines personnes n’ont également même plus accès à leur champ. C’est pourquoi le prix des denrées alimentaires est en train de flamber à Conakry ou même à Bissao. Les villages et régions concernées de leur côté ne reçoivent plus d’essence ou autres produits de première nécessité leur venant des villes. Au Bénin, des rumeurs selon lesquelles l’oignon protègerait de la maladie, ont fait grimper le prix de ce légume à des hauteurs inimaginables.

    Puisque la circulation des avions s’est également littéralement interrompue, de nombreux projets de développement ou entreprises sont à l’arrêt vu le rapatriement du personnel ou l’absence prolongée de cadres étrangers. Les États de plusieurs pays ont d’ores et déjà annoncé revoir leurs chiffres de croissance à la baisse. C’est aussi de nombreuses familles qui se retrouvent séparées par la fermeture des frontières.

    De manière plus anecdotique, de nombreuses équipes sportives ont également été privées de tournée à l’étranger : l’équipe américaine de basketball par exemple a décidé de ne pas se rendre au Sénégal de peur du virus. D’autres sportifs d’Afrique de l’Ouest ont été privés d’accès aux Jeux olympiques de la jeunesse de Nankin en Chine. Ailleurs, ce sont les réfugiés pro-Gbagbo au Liberia qui cherchent maintenant à revenir en Côte d’Ivoire coute que coute, et qui sont à présent confrontés au refus du gouvernement, alors que celui-ci les invitait encore à rentrer il y a quelques mois, ce que eux refusaient de faire.

    Les déga?ts psychologiques seront par contre dans de nombreux cas irréparables. Des reportages font état de familles entières emmurées vivantes par leurs voisins : si le père a contracté la maladie, on soupçonne tout de suite l’ensemble de la famille, et la mère, la fille, le fils sont enfermés dans leur maison et bloqués dedans. Les habitants attendent ensuite, les larmes aux yeux, que l’ensemble des occupants de la maison soient morts de la maladie ou de faim, restant sourds aux appels à l’aide qui viennent de l’intérieur pendant plusieurs jours, puis cessent… D’autres personnes ou familles soupçonnées d’être porteuses du virus, pour éviter pareil sort, courent se réfugier dans la forêt et tentent d’y survivre en mangeant des plantes sauvages ou en volant sur les champs de leurs voisins. Certains villages sont bloqués par l’armée. Lorsque les habitants tentent de les quitter, on leur tire dessus à vue, sans même aucun avertissement.

    Certains malades aussi refusent d’admettre qu’ils sont touchés d’Ebola, et cherchent à convaincre leur entourage, voire les médecins, qu’ils ne souffrent que d’un petit palu. Cela soit pour des raisons psychologiques (le fameux « Ça ne peut arriver qu’aux autres »), soit parce qu’ils espèrent cacher leur maladie de peur de voir leur famille et leurs proches se faire maltraiter comme d’autres avant eux. Si les États disposaient de moyens suffisants pour traiter et isoler les malades, ce genre de choses n’arriveraient pourtant pas.

    Le personnel soignant est lui aussi rejeté par son entourage, chassé par sa famille, vu qu’il a le plus de chances de contracter la maladie. C’est un véritable sacrifice qui est demandé aux infirmiers et docteurs. Pour les encourager à accepter ce choix, dans certains cas, le personnel soignant voit tout d’un coup son salaire passer à 100 € par jour au lieu de 100 € par mois ! Et parfois, cela crée des jalousies et des rumeurs parmi les populations qui pensent que ces gens viennent profiter de leurs souffrances.

    Même les survivants continuent de souffrir, sont rejetés par leur entourage, quand bien même ils portent un certificat garantissant qu’ils ne sont plus porteurs du virus. Et ces personnes se souviendront sans doute toute leur vie de ces jours passés avec la maladie, la mort en face, sans aucun autre espoir autre qu’un miracle… Et que dire de ces enfants qui sont seuls survivants de toute leur famille, de ces quelques habitants survivants dans un village dont tous leurs voisins sont décédés ?

    Les périodes de psychose comme celle-ci aussi, comme à chaque fois, sont aussi le moment où éclatent les jalousies, où une personne en accuse une autre d’être malade dans son seul intérêt personnel. De nombreux “innocents” meurent ainsi abandonnés par leurs proches.

    De nombreuses rancœurs subsisteront longtemps après la crise. Des personnes fragilisées, des familles dévastées, des haines, des maisons vides et des villages fantômes, des soldats et des médecins dont les nuits resteront à jamais peuplées de cauchemars… L’épidémie est dans une certaine mesure pire qu’une guerre, car l’ennemi est invisible et il est impossible de parlementer avec lui.

    Une fois que l’épidémie sera passée, de nombreuses personnes ayant perdu leurs proches vivront dans une pauvreté et un désespoir pires encore que ce qu’ils avaient connus auparavant. Cela signifie que la Guinée plongera encore un peu plus dans son état de sous-développement et de barbarie latente, tandis que le flot de réfugiés vers les pays “riches” comme la Côte d’Ivoire continuera à s’accroitre.

    La situation en Côte d’Ivoire

    La Côte d’Ivoire semble aujourd’hui encore épargnée par l’épidémie, en raison notamment du contrôle des frontières par l’armée, de la fermeture des marchés dans les villages de la frontière avec le Liberia, etc. Une quarantaine de cas suspects ont été identifiés, mais aucun n’a été confirmé comme porteur du virus, même si des rumeurs persistantes font état de victimes dans le nord du pays. Si l’épidémie se déclarait en Côte d’Ivoire, ce serait extrêmement grave, vu que le pays n’est clairement pas prêt non plus à affronter ce défi en termes d’équipement, de moyens ou de personnel. Toute la sous région est menacée, il n’y pas lieu de croire qu’un pays sera a priori épargné plutôt qu’un autre.

    Mais on comprend bien que si un ou plusieurs cas d’Ebola venaient à être déclarés en Côte d’Ivoire, le gouvernement ivoirien pourrait être tenté de tout faire pour ne pas que ça se sache, afin d’éviter les nombreuses conséquences économiques et diplomatiques que cela pourrait avoir. Par exemple, malgré le fait que seul quelques cas aient été déclarés au Nigeria, la France recommande désormais déjà à tous ses ressortissants d’éviter ce pays coute que coute. Imaginez ce qui se passerait en Côte d’Ivoire !

    En plus, si le gouvernement ivoirien parvenait à se sortir de cette crise en affirmant qu’aucun malade ne s’est déclaré dans le pays, cela augmenterait grandement l’image de Ouattara et de son équipe aux yeux de la population, notamment par rapport à son électorat traditionnel et par rapport aux personnes qui aujourd’hui regrettent d’avoir voté pour lui. Mais ce serait un jeu extrêmement dangereux, parce que le fait de taire la présence de la maladie plutôt que d’y répondre tout de suite risquerait de la voir se propager à tout le pays avant que le gouvernement ne se voie finalement contraint de réagir. Encore une fois, la crise risque de s’aggraver du fait des jeux d’argent et des calculs politiciens inhérents à ce système.

    La crainte est également de voir se renforcer le chauvinisme ivoirien, c’est-à-dire le mépris affiché par de nombreux Ivoiriens envers les ressortissants des pays voisins. Il faut pourtant bien comprendre que si nos frères et sœurs guinéens, libériens ou sierra-léonais se retrouvent dans pareille situation, c’est parce qu’ils sont eux aussi des victimes du même capitalisme, du même impérialisme (qui n’est qu’une extension du capitalisme) que nous autres qui connaissons la crise depuis vingt ans, victimes de ce même impérialisme qui aujourd’hui encore fait et défait les gouvernements, pille les richesses et crée la misère dans notre pays et dans les pays voisins.

    Une conspiration ?

    De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le fait que cette maladie serait une invention de l’Occident pour décimer la population africaine. Il convient cependant de relativiser quelque peu. Rappelons tout de même que Ebola, depuis son apparition en 1976, n’a jamais tué au total que 2500 personnes (1000 cette année, 1500 au total auparavant), alors que le paludisme continue à tuer chaque année 660 000 Africains sans que personne ne crie au scandale – c’est-à-dire que si Ebola a tué 1000 personnes au cours des six derniers mois, on peut aussi supposer que 330 000 personnes sont déjà mortes du palu au cours de la même période. Pourtant, aucune psychose et tout le monde trouve ça normal. C’est sans compter aussi les accidents de la route, la faim et les violences…

    Ebola est une maladie très grave et qui effraie de part son caractère impressionnant et son haut taux de mortalité. Cependant, il faut bien se rendre compte que ce n’est pas la maladie la plus mortelle au monde, et que l’épidémie pourrait être facilement contenue si seulement nos pays étaient développés comme il se doit, si la population était éduquée et bien nourrie, si du personnel était disponible sur place…

    Ebola n’a donc pas été inoculée à la population africaine dans le but exprès d’exterminer cette population ou de nuire aux pays concernés (qui voudrait nuire au Liberia ??). Il a été avancé que cette épidémie est le fruit de tests militaires par certaines puissances qui désireraient voir quel effet cette maladie pourrait avoir si elle était employée comme arme de guerre. Cela est possible, même si l’hypothèse d’une origine naturelle nous semble tout de même plus probable. Si l’épidémie était le fruit d’une machination, cela ne devrait que nous renforcer dans notre conviction d’en finir avec ce système. Mais quoiqu’il en soit, nous n’avons pas besoin de contes de fées pour regarder en face l’horreur du système capitaliste : la réalité est sans doute beaucoup plus terre à terre, mais elle n’est que le fruit logique du fonctionnement de ce système.

    D’autres évènements sont à déplorer : à Monrovia, après l’attaque d’un centre de soins par des bandits qui ont fait sortir les malades et emporté les couvertures infectées et souillées de sang malade. Il semblerait que les bandits aient été motivés par la croyance qu’Ebola n’existe pas mais est une invention du gouvernement qui désirerait s’en servir à des fins politiciennes. Du coup, on est en train d’envisager de bloquer tout le quartier de West Point, qui compte 75 000 habitants. La mobilisation des jeunes du quartier par leur association n’a pas permis de retrouver les 17 malades enfuis, et on craint qu’ils soient partis se cacher ailleurs en ville, risquant une nouvelle vague de contaminations.

    D’autres pensent que tout cela ne serait qu’une machination pour inoculer de force aux Africains un sérum expérimental à l’effet non prouvé et qui pourrait avoir des effets secondaires inconnus. Il s’agit en fait bel et bien d’un médicament expérimental, mais qui a déjà prouvé son efficacité après avoir guéri plusieurs malades de nationalité américaine – sans savoir quelles seront les conséquences que ce “médicament” pourrait avoir sur leur santé par après. Mais face à cela, d’autres personnes haussent le ton en disant que « Ces personnes ont été soignées uniquement parce qu’elles sont blanches, alors qu’un médicament existe, les États-Unis préfèrent le garder pour leurs propres ressortissants et laisser mourir les Africains » – nous avons donc ici deux théories conspirationnistes qui se contredisent l’une l’autre !

    Vu la souffrance quotidienne et l’inégalité et l’injustice qui caractérisent l’existence des millions d’Africains, vu le manque d’éducation et de culture générale aussi pour beaucoup de gens, il est compréhensible que certaines personnes commencent à tout mélanger et à se croire victimes d’un complot téléguidés par des sectes sataniques à l’étranger. Il faut cependant savoir se pencher sobrement sur les faits et faire la part des choses : oui, ça va mal, mais non, tout ce qui arrive n’est pas le fait d’une machination ou d’un complot. Et ce n’est pas non plus parce que quelqu’un tire profit d’une situation, qu’il a forcément provoqué cette situation.

    D’ailleurs, ce “masochisme” africain est aussi lié à l’illusion qu’en Europe, tout va mieux, et que seuls les Africains sont laissés pour compte : pourtant, il a été récemment révélé que même des pays comme le Royaume-Uni ou la Belgique ne possèdent quasiment aucune structure pour l’accueil et la quarantaine des malades – une capacité de quelques dizaines de personnes au grand maximum ! S’il est vrai qu’au jeu de la crise du capitalisme, l’Afrique a quelques longueurs d’avance, cela ne veut pas dire que la crise ne touche pas les pays européens, loin de là ! Ce n’est pas pour rien que des enfants s’évanouissent de faim dans les écoles en Grèce, que 3000 jeunes Irlandais quittent leur pays chaque mois, ou que toute la presse belge parle en ce moment de l’apparition des délestages électriques.

    Comme nous l’avons déjà dit plus haut, en tant que marxistes, nous comprenons que la réalité du système capitaliste est beaucoup plus prosaïque, ce qui n’enlève pourtant rien au fait qu’il s’agit d’un système horrible dont nous devons nous sortir à tout prix. Le “conspirationnisme” est une tendance extrêmement dangereuse et sournoise, que les militants anti-impérialistes et anti-capitalistes doivent éviter à tout prix. Mais nous reviendrons sur ce thème dans un article futur.

    Dénoncer ce qui doit l’e?tre

    Tout comme nos camarades du Mouvement socialiste démocratique au Nigeria, nous ne pensons pas qu’il n’existe « aucun remède » à Ebola. Qui cherche trouve ! Cette maladie a longtemps été négligée par les grands laboratoires de recherche car pour eux, seul compte le profit. On préfère se concentrer sur maladie de riche que maladie de pauvre. C’est pour la même raison que la recherche traine aussi par rapport au palu, au choléra, etc. Il faut également dénoncer le fait que pratiquement aucune recherche indépendante n’est accomplie en Afrique même, faute de moyens, d’équipement et de personnel – de ce fait, nous restons dépendants de la recherche occidentale. Équipons-nous, finançons notre recherche, on va trouver et on va soigner !

    En attendant, si le seul remède potentiel est le fameux sérum Zmapp, il faut bien se rendre compte que nous n’avons pas le choix, vu l’urgence de la situation, que de tenter cette solution de rechange en attendant mieux. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer à dénoncer le manque de clairvoyance et l’irresponsabilité de tous les dirigeants capitalistes et acteurs du secteur pharmaceutique, pour qui tant qu’un problème ne s’est pas mué en une crise d’ampleur sous-régionale ou mondiale, il n’existe pas !

    Il faut dénoncer également le sous-développement et la pauvreté qui aggravent l’épidémie et facilite sa propagation, par l’adoption de comportements à risques. Quand des gens sont prêts à mourir d’Ebola plutôt que de voir bruler la chemise de leur frère, il est clair que ça ne va pas. Il faut dénoncer aussi tous ceux qui sèment des mensonges en cherchant à maintenir leur réputation où à tirer un profit personnel.

    Mais au-delà de ça, ce qui revient à dénoncer, c’est une fois de plus, le capitalisme en tant que système pour qui seul compte le profit, qui remet les problèmes à plus tard, crée le chaos, pousse les gouvernements à sans cesse dire que “tout va bien” et mentir à la population, et dont le mode de fonctionnement gâte la population à sa racine et la pousse à la malhonnêteté et à des actes désespérés afin de survivre.

    C’est pourquoi, malgré les nombreuses menaces qui pèsent sur nous, suivons l’ensemble des recommandations sanitaires pour éviter la contamination – nous appelons d’ailleurs à ce titre la Cici à organiser des comités populaires de sensibilisation dans les quartiers et à l’intérieur du pays pour ne pas que cette activité reste le monopole des chefs religieux, des politiciens bourgeois et des ONG occidentales…

    …Mais surtout, continuons aussi à nous organiser et à lutter pour la reconstruction d’un puissant mouvement prolétaire qui chassera tous ces vautours qui jouent avec nos vies et avec notre santé – un mouvement populaire qui reprendra le contrôle de la société en vue de sa reconstruction totale sur des bases socialistes : une société débarrassée de la misère, de l’ignorance, de la recherche de profits et de l’insalubrité, afin que de telles crises ne puissent plus jamais se reproduire dans le futur ! C’est cet objectif que vise le CIO en Côte d’Ivoire, en Afrique et dans le reste du monde !

  • 1994 : La tragédie du Rwanda

    Il y a vingt ans, presqu’un million de personnes mouraient au Rwanda dans l’indifférence quasi générale des médias de l’époque. C’était la conséquence directe d’un siècle de pouvoir colonial avec complicité de la France sous la présidence socialiste de François Mitterrand. Le dossier dossier ci-dessous a été écrit par Andy Ford et est paru dans les pages du magazine mensuel Socialism Today, publication du Socialist party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles.

    Le génocide au Rwanda s’est étalé d’avril à juin 1994. Il s’agit de l’un des évènements les plus effroyables de l’Histoire. On estime à 900.000 le nombre de personnes qui ont perdu la vie, souvent tuées par des voisins ou des collègues.

    Le Rwanda est un petit pays au cœur de l’Afrique au sol est volcanique et fertile. Il y pleut en suffisance et son altitude est assez élevée pour éviter que les habitants ne soient touchés par la malaria ou victimes des mouches tsétsé. C’est pourquoi ce pays a toujours connu une forte densité de population et a tenu les influences européennes quelque peu à distance.

    Le Rwanda pré-colonial consistait en une société qui a, petit à petit, pris forme d’État avec l’avènement d’un « roi » et d’un État de structure clanique. La tradition y était orale, l’écriture n’existait pas encore. Le Roi Rwabugiri (1860-95) a consolidé le premier véritable royaume en conquérant d’autres clans ou en collaborant avec eux. Il s’agissait d’une société basée sur l’élevage avec le « système ubuhake » par lequel les éleveurs prêtaient le « bétail » en échange de services et de loyauté et/ou d’accès à des pâturages. Pour ceux qui s’en sortaient un peu moins bien, il y a avait « ubureetwa » – l’utilisation de terres en échange de travail non rémunéré – ou « akaze », simplement du travail non rémunéré.

    « Tutsi » était un terme large désignant celui qui avait du bétail, « Hutu » celui qui n’en avait pas. Les liens réciproques et les mariages mixtes étaient très courants et les deux groupes parlaient la même langue. Un missionnaire belge constatait en 1922 : « Les termes Tutsi et Hutu ne réfèrent pas à l’origine mais aux conditions sociales de richesse, en particulier en matière de bétail. Un chef de tribu ou un riche est appelé un Tutsi. » (Catherine Newbury, The Cohesion of Oppression : Clientship and Ethnicity in Rwanda 1860-1960, Columbia University Press, 1993).

    Le Rwanda colonial

    Au congrès de Berlin de 1884, le Rwanda a été attribué à l’Allemagne. Lors de ce congrès, le continent africain a été réparti entre les puissances européennes. La classe dirigeante allemande n’a effectivement reçu le nouveau territoire qu’en 1894, lorsque le comte de Gatzen arriva à Kigali. L’Allemagne a eu peu d’impact sur la colonie isolée mais elle repoussa quand même les envahisseurs belges qui venaient du Congo, alors sous contrôle du roi Léopold II. Des moyens étaient tirés des colonies sous la forme d’un impôt sur les huttes imposé via le roi rwandais. Le Royaume britannique a lui aussi utilisé des impôts sur les huttes, en fait pour chaque habitation, en Afrique du Sud afin de forcer les agriculteurs auto-suffisants à entrer dans l’économie capitaliste. Ils devaient gagner un salaire en travaillant pour des entreprises britanniques et pouvoir ainsi payer les impôts.

    En 1917 se déroula une attaque commise par des troupes belges depuis le Congo, et le Rwanda a été conquis. Une collaboration avec les souverains autochtones s’est établie, certains obtinrent des armes et du soutien en échange d’aide pour le prélèvement d’impôts et l’exploitation de matières premières. L’exploitation des agriculteurs (Hutus) qui existait précédemment a été intensifiée par les Belges qui pour cela firent appel aux chefs de tribus (Tutsis). Newbury écrit : « les chefs de tribus qui voulaient travailler avec les Belges ont vu leur pouvoir et leur richesse augmenter. En échange, ils étaient censés imposer des lourdes charges à la population, initialement pour fournir des porteurs et de la nourriture aux Européens, ensuite, via l’agriculture et la construction de routes forcées. »

    La « guerre » contre le royaume Bukunzi en 1923-25 illustre clairement els conséquences de cette politique. Les chefs de tribus Tutsis voulaient le bétail des souverains de Bukunzi et les Belges voulaient les imposer. Bukunzi se situait plus haut dans les montagnes par rapport au reste du Rwanda et les expéditions allemandes qui avaient voulu s’approprier ces territoires en 1907, 1909 et 1914 avaient été vaincues. Sous domination belge, une querelle de succession a offert une opportunité d’intervention. La première expédition belge se perdit en chemin, mais la seconde soumit le territoire à une occupation militaire brutale pour laquelle elle reçut le soutien des troupes rwandaises locales, en échange de bétail. La reine de Bukunzi décéda en 1925, en plein combat contre les Belges.

    Les chefs de tribus s’approprièrent des produits ou du travail forcé, souvent, en prétendant qu’il s’agissait d’un service traditionnel non seulement pour servir les maîtres coloniaux mais aussi leurs propres besoins. Les expulsions forcées furent nombreuses, et la violence massive et omniprésente. Newbury cite un agriculteur rwandais qui déclarait en 1970 : « ils arrivaient et prenaient une vache sous prétexte que tu étais un rebelle. Il n’y avait rien à faire : à la moindre résistance, on était arrêté voire assassiné. »

    L’ubureetwa et l’ubuhake ont augmenté étant donné que beaucoup d’agriculteurs dépendaient d’agriculteurs mieux lotis qu’eux et de chefs de tribus. Sans protection, ils perdaient facilement leur bétail, leur terre voire les deux. Ainsi, les dominateurs belges décidèrent en 1931 d’intensifier la production de café. Ils imposèrent à chaque chef de tribu Tutsi d’organiser la culture de 1.000 plants de café de sorte que chaque personne qui était dans l’ubereetwa (utilisation de terres) devait obligatoirement cultiver 54 plants dans le cadre du travail non rémunéré.

    Les Belges incorporèrent les pratiques rwandaises telles que l’ubuhake et l’ubureetwa dans la législation coloniale, mais un fermier Hutu qui avait un litige avec un chef de tribu Tutsi devait en référer aux tribunaux locaux pour régler le conflit. Les dominateurs coloniaux avaient utilisé et intensifié les obligations pour exploiter davantage leur colonie. Il y avait une codification des formes précapitalistes de travail.

    Une exploitation extrême

    Dans les années 1920 et 1930, le pouvoir belge au Rwanda est devenu systématique. En 1921, les exploiteurs coloniaux imposèrent un impôt de 10 francs par vache à tous ceux qui possédaient plus de dix têtes de bétail, celui qui avait moins de dix têtes devait payer cinq francs. Cela occasionna une division entre ceux qui avait du bétail et ceux qui en avaient peu ou pas. En 1933, il y a eu un recensement de population tristement célèbre via lequel chacun devait s’enregistrer comme ‘Tutsi’ (15%), ‘Hutu’ (80%) ou ‘Twa’ (5%). Les Twas étaient les chasseurs-cueilleurs originels du pays.

    Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu une forte croissance au Rwanda. Beaucoup de routes ont été construites et le système akaze de travail non rémunéré était de plus en plus détesté. L’objectif était d’utiliser la terre fertile, la population nombreuse et le bétail du Rwanda pour fournir les centres industriels et miniers du Congo en nourriture.

    L’exploitation via les chefs de tribus Tutsis fut intensifiée avec culture forcée de plantes (on présentait hypocritement cette culture comme un exercice à but éducatif…), assèchement des marais pour cultiver du café, service obligatoire dans les mines du Congo ou installation obligatoire sur d’anciens terrains boisés. Les fermiers étaient exploités de manière impitoyable. Cela allait si loin que lors d’une « famine » en 1943, il y eut 300.000 morts alors qu’au même moment, de la nourriture était exportée. Le travail forcé ne pouvait continuer, l’opposition massive à son encontre devenait trop forte. L’Ubureetwa fut aboli en 1949 et l’ubuhake en 1954 mais, dans beaucoup de territoires, il subsista cependant.

    La politique du « diviser pour régner » par laquelle seuls les Tutsis recevaient une formation et étaient utilisés pour l’administration de l’autorité et les principales positions commerciales assura que cette minorité détenait tout le pouvoir entre ses mains. Telle pratique permettait à un très petit nombre de Belges de contrôler quatre à cinq millions de Rwandais. Il s’agissait de colonialisme classique, à l’instar des méthodes appliquées par la classe dominante britannique en Irlande, au Sri Lanka, en Inde et ailleurs de par le monde. Karl Marx signalait ainsi que la Grande-Bretagne régnait sur l’Inde avec une armée indienne financée de l’extérieur du pays. Le même modèle fut appliqué par la classe dirigeante belge au Rwanda.

    Même le gouverneur belge au Congo, Charles Voisin, reconnaissait en 1930: “Sans collaboration avec les autorités locales, le pouvoir occupant serait impuissant et confronté à l’anarchie.” (citation du livre de Newbury). Dans le cas du Rwanda, la ‘division ethnique’ a, en grande partie, été créée par les colonisateurs.

    Le soulèvement des Hutus

    Une conscience Hutu s’est développée parmi les masses rurales sous la direction de commerçants Hutus et de petits fonctionnaires qui n’avaient pas accès aux hauts postes de l’administration coloniale. Deux des principaux leaders étaient journalistes pour des journaux catholiques qui n’avaient un public que parce qu’ils jouaient sur la colère latente en zone rurale.

    Ils ont commencé à semer l’agitation contre la maison royale et la domination des Tutsis, de sorte que le problème fut posé en termes ethniques. Il fut appelé à la suppression du travail forcé et à son remplacement par du travail rémunéré sous contrats. Il fut exigé que les personnes à la campagne puissent avoir accès au crédit et que les Hutus soient admis dans les écoles et l’enseignement supérieur. Ces importantes revendications étaient limitées par la tendance à les placer dans le cadre de l’identité Hutu. En l’absence d’un programme de transformation socialiste de la société, les revendications revenaient en fait à prendre aux Tutsis pour donner aux Hutus. Les leaders hutus dépendaient même de la division de la société rwandaise et s’opposaient même aux cartes d’identité sur lesquelles l’origine tribale n’était pas mentionnée. Ils argumentaient vouloir mesurer le progrès de l’égalité.

    Les dirigeants belges essayaient en vain de maintenir leur système en expérimentant la représentation « ethnique » dans les institutions naissantes mais la situation à la campagne restait pratiquement inchangée. Seuls 6% du conseil d’État consultatif étaient Hutus alors qu’ils représentaient 80% de la population. Les leaders hutus mobilisaient autour de la revendication d’un “gouvernement de majorité” même si une division au sein du mouvement hutu même était déjà présente entre ceux qui défendaient un point de vue anti-Tutsis et ceux qui défendaient l’égalité pour tous.

    En novembre 1959, les Hutus se soulevèrent massivement. Le mouvement a démarré lorsqu’un leader hutu fut attaqué par des jeunes tutsis. Des huttes ont été brûlées dans tout le pays et il y a eu beaucoup de violence. Les forces tutsies, mieux organisées et armées, essayèrent de réprimer brutalement la protestation. Les Belges ne pouvaient soudainement plus compter sur leur collaborateurs locaux. Ils parvinrent à peine à rétablir ce qui ressemblait à de l’ordre en nommant des Hutus responsables, de sorte que les anciens collaborateurs Tutsis furent abandonnés à leur sort. Lors des élections de 1960, les partis Hutus remportèrent 84% des voix. L’indépendance suivit en juillet 1962.

    La France intervient

    Avec l’héritage de la division et de l’exploitation ainsi que l’ingérence de la Belgique qui permettait à l’élite hutue de garder un pied dans la porte, le gouvernement du Rwanda n’a jamais été stable. Cela demeura ainsi jusqu’au coup d’État de Juvénal Habyarimana en 1973. Ce coup d’État a été soutenu par les Français, qui utilisaient l’argument qu’un État à parti unique amènerait la “stabilité”. Dans un certain sens, le coup d’État confirmait que la Belgique avait abandonné l’espoir d’une domination néocoloniale sur le Rwanda. Le pays se retrouva sous sphère d’influence française.

    Il s’agissait d’un État à parti unique, d’une dictature anti-communiste, un régime-marionnette aux ordres de la France. Habyarimana obtenait régulièrement plus de 90% des voix lors de la tenue d’élections truquées. Son soutien s’est progressivement affaibli. Certains leaders hutus quittèrent le navire à la dérive, d’autres fuirent à l’étranger. La principale base de soutien d’Habyarimana provenait du groupe Akazu, surtout dans sa propre région.

    Le régime dépendait de plus en plus de l’extrémisme hutu pour compenser le manque de progrès sur le plan économique et social. Plus de 90 % de la population dépendaient toujours de l’agriculture et moins de 5% avaient accès à l’électricité. En 1989, le prix du café s’est effondré et Habyarimana a accepté un programme du Fonds Monétaire International, ce qui occasionna de fortes mesures d’austérité et la pauvreté allant de pair pour la population.

    Le Front Patriotique rwandais (FPR) a joué sur le mécontentement. En 1990, le groupe vint d’Ouganda au Rwanda. Le FPR était surtout composé de membres de la guérilla tutsie et était dirigé par le président autoritaire actuel, Paul Kagamé. Le FPR n’est pas parvenu à renverser le régime parce qu’en février 1993, les Français sont intervenus.

    Le régime de Habyarimana a perdu de plus en plus de soutien, le fait que le pouvoir était détenu par des Hutus ne suffisait pas à fournir la population en nourriture, eau potable ou électricité. Habyarimana dut conclure un accord avec le FPR. Cela se fit via les accords d’Arusha en 1993, par lesquels la France et les USA essayèrent d’imposer un partage de pouvoir.

    En avril 1994, l’avion d’Habyarimana fut abattu, peut-être par l’Akazu. Ils avaient rassemblé des armes avec la complicité de la France, dont 500.000 machettes, des listes de Tutsis et une milice avait été mise sur pied, l’Interhamwe. Les trois mois qui suivirent, il y eut presqu’un million de morts. La plupart tués à coups de machettes. L’autorité française était au courant du plan mais a laissé faire pour maintenir les liens avec les alliés. Ce qu’on appelle la « mission de paix » de la France a complètement ignoré le bain de sang et juste protégé les criminels. Lorsqu’Interhamwe a été battue par le FPR, les troupes françaises ont couvert ses troupes dans leur fuite vers le Zaïre.

    L’impérialisme est coupable

    Pour tenter de minimiser leur propre responsabilité dans le terrible bain de sang, les Français ont commencé à parler de “vieille haine” et à dire que de toute façon « les Africains sont comme ça ». L’extrême-droite et certains médias parlaient d’un exemple de primitivité africaine. Une version légèrement sophistiquée consiste à dire que des politiciens sans scrupules ont conquis le pouvoir et l’ont conservé en jouant sur les rapports entre tribus et l’identité ethnique. Les choses sont présentées de cette manière dans un rapport de Human Rights Watch, “None Left to Tell the Story”. La responsabilité des troubles sanglants est reportée sur les Africains. De telles explications ne suffisent tout simplement pas pour comprendre ce qui s’est passé.

    Dans le livre ‘Collapse’ de Jared Diamond, les limites de l’histoire de la “haine ethnique” sont expliquées. Il indique que sur l’île d’Ijwi dans le lac Kivu, une île qui est rwandaise ethniquement même si elle fait partie du Congo, les identités Tutsi et Hutu sont plus disparates et moins importantes. Il n’y a pas eu de manipulation ethnique par l’impérialisme belge à cet endroit. D’autre part, la population Twa du Rwanda – ni tutsie ni hutue – a également été attaquée. Dans une région au nord-est du Rwanda où il y avait moins de Tutsis, beaucoup de Hutus ont été assassinés.

    Diamond donne une image claire de la vie au Rwanda juste avant le génocide. Il esquisse une image de densité de population croissante avec épuisement et érosion du sol et un morcellement des terres qui a fait que beaucoup de gens n’avaient plus assez de terres arables. Cela a provoqué une large sous-alimentation. Dans les villages, il y avait une polarisation entre un groupe de riches propriétaires terriens impitoyables d’un côté et de pauvres sans terre de l’autre côté.

    De plus en plus de conflits ont éclaté à propos de terres entre propriétaires, pères et fils, veuves et beaux-frères,… Les tribunaux traditionnels recevaient de nombreuses affaires de cette sorte. Juste avant le génocide, il y eut d’ailleurs une forte augmentation des conflits juridiques. Toute la société a connu une tension insoutenable qui a finalement conduit aux atrocités du génocide. (Collapse: How Societies Choose to Fail or Survive, Penguin, 2011)

    L’impérialisme et le capitalisme ont démontré leur faillite à chaque instant. L’impérialisme belge a, en réalité, créé les identités tutsi et hutu pour pouvoir piller le pays. Les entreprises belges et les administrateurs coloniaux ont renforcé les formes de travail traditionnelles pour favoriser leur propres intérêts. Même après l’indépendance, le Rwanda a été soumis aux dominations étrangères, d’abord avec les Belges puis avec le néo-colonialisme français.

    Seul un gouvernement des travailleurs et des pauvres reposant sur une planification socialiste et démocratique de la production est capable de libérer la population du Rwanda des dominations coloniales et de dépasser la division créée par les exploiteurs capitalistes. Une perspective internationaliste claire doit y être combinée, pour une transformation socialiste de la société dans la région subsaharienne et au-delà.

    Au lieu de ça, la dictature soutenue par les Français a progressivement perdu le soutien de la population et dépendait de plus en plus des extrémistes Hutus. Le pays stagnait et les tensions augmentaient à la campagne. L’État français soutenait les forces meurtrières afin de maintenir le Rwanda dans sa propre sphère d’influence. En protégeant Interhamwe, des centaines de milliers de personnes ont été massacrées.

  • Afrique du Sud. En défense des métallos : stop aux mensonges!

    Les patrons, les politiciens capitalistes de l’ANC (Congrès national Africain) et la DA (Alliance Démocratique) et les médias hurlent d’une même voix contre les travailleurs du métal. Ils dénoncent leur grève en coeur et blâment les métallurgistes d’être responsables de tous les problèmes de l’économie capitaliste sud-africaine. Les médias fourmillent d’experts pour se prononcer à ce sujet, mais ce ne sont en fait qu’un ramassis de porte-paroles du capitalisme.

    Ces «experts» affirment tous que la grève des métallurgistes va « paralyser l’économie » et causer la ruine de l’Afrique du Sud. Cela est-il vrai ? Non! Il s’agit d’un non-sens. Ces mensonges visent à tenter de monter la population contre la grève, les métallurgistes et leurs syndicats. La réalité, c’est que ce sont les patrons qui sabotent l’économie.

    La “violence” des gréviste ?

    Afin d’aider à faire entrer ces mensonges dans la tête des gens, la grève est dépeinte dans les médias comme étant “violente”. Les “experts” aiment à parler du “droit au travail”, c’est-à-dire le droit à recourir à des jaunes, des briseurs de grève, et à saper la grève! L’Alliance Démocratique veut même faire adopter une loi disant que si une grève est “excessivement” violente, elle ne serait alors plus protégée par la loi, ce qui permettrait aux patrons de licencier les grévistes sans le moindre problème.

    Cette proposition de la DA ouvre grand la voie à l’utilisation d’agents provocateurs de la part des patrons et des politiciens capitalistes. Si une telle loi est adoptée, tout ce qu’il conviendra de faire pour briser une grève sera d’envoyer des voyous engagés par les patrons pour causer des problèmes afin de pouvoir déclarer la grève non-protégée et permettre ainsi de menacer les grévistes de licenciement s’ils ne reprennent pas le travail. L’Alliance “Démocratique” n’est intéressée que par la défense des droits et privilèges des patrons.

    Qui crée les richesses de la société ?

    D’où provient toute la richesse de l’économie ? Fondamentalement, il s’agit de la nouvelle valeur ajoutée par les travailleurs dans le processus de leur travail – en particulier dans le secteur de l’industrie manufacturière. Les “experts” affirment que cette grève sera grandement dommageable puisque l’industrie manufacturière représente 15% de l’économie sud-africaine. Cela signifie donc que 15% de la production économique du pays est générée par 230.000 métallurgistes uniquement dans un pays de 52 millions de personnes !

    Pourquoi les “experts” ne louent-ils pas cette énorme contribution à la richesse du pays et aux profits des patrons de la part d’un si petit nombre de travailleurs ? Les métallurgistes doivent être les plus généreux du pays pour être responsables de 15% de l’économie en recevant des salaires si misérables… Ces données illustrent en réalité l’extraordinaire surexploitation dont sont victimes les métallurgistes, exploités par des patrons si avides de profits qu’ils se battent bec et ongles pour éviter une modeste augmentation salariale de 12 à 15% !

    De quoi parlent-ils lorsqu’ils se réfèrent à “l’économie” ?

    Dans le cadre de la lutte des patrons contre les travailleurs, ils essaient de nous rendre la situation plus confuse à l’aide de prétendus “experts” économiques. Les “experts” adorent parler “d’économie”. Mais à chaque fois qu’ils utilisent cette expression, les travailleurs doivent entendre sonner l’alarme! Les “experts” ne sont parlent pas vraiment de “l’économie”, mais plutôt des intérêts patronaux au sein de l’économie. Ces intérêts ne sont pas identiques à ceux des travailleurs au sein de cette même économie. Le secteur manufacturier représente 15% de l’économie. Après la grève, même si les métallos parviennent à arracher leur augmentation de salaire et la satisfaction d’autres revendications, ce secteur représentera toujours 15% de l’économie. La seule chose qui va changer, c’est que la part de ces 15% qui revient aux patrons du secteur en tant que profits sera plus faible et la part revenant aux métallurgistes sous forme de salaire sera plus élevée.

    La seule raison pour laquelle le secteur se contracterait en raison de salaires plus élevés pour les métallurgistes, ce serait à cause du sabotage des patrons. Les patrons peuvent décider de se séparer de travailleurs ou de fermer des usines afin de restaurer leurs profits. Ils chercheraient, en d’autres termes, à saper les acquis de la grève. Ce serait là l’œuvre des patrons, et en rien une conséquence de la grève.

    La grève empêche-t-elle les patrons d’investir ?

    La réponse habituelle des “experts” est de dire que si les patrons ont de plus faibles bénéfices, alors ils ne seraient pas en mesure d’investir et de créer de nouveaux emplois. Eh bien, tout ce que nous pouvons dire à cela est : qu’est-ce qu’ils peuvent bien encore attendre maintenant ? La part de la richesse produite nationalement qui va aux salaires n’a cessé de diminuer ces dernières années. Les entreprises sud-africaines disposent d’une réserve de liquidités de 500 milliards de rands sud-africains (environ 34 milliards d’euros, NDT). Ils ont tellement d’argent qu’ils ne savent pas quoi faire avec ! Cette somme pourrait être investie pour créer des emplois. Mais pour les capitalistes, il est plus rentable de spéculer avec cette somme sur les marchés financiers. Tout ce qu’ils veulent, c’est des bénéfices, encore plus de bénéfices.

    Comment se fait-il que la grève des métallurgistes, qui a commencé il y a peu, soit subitement devenue l’excuse expliquant pourquoi les capitalistes ne peuvent pas investir ? Cet argument est bien évidemment un non-sens. En réalité, les capitalistes sont en grève de l’investissement depuis des années : les investissements des entreprises d’Afrique du Sud dans l’économie sont maintenant 3% inférieurs à ce qu’ils étaient en 2008! Est-ce la faute des métallurgistes? Non, tout ce temps, les patrons ont simplement saboté l’économie.

    La grève rendrait-elle le pays moins compétitif ?

    Les “experts” rétorqueront que des salaires plus élevés pour les métallurgistes rendraient l’Afrique du Sud “moins compétitive”, et que des délocalisations s’ensuivraient vers des régions du monde où les salaires sont plus bas. Les “experts” présentent ce phénomène comme s’il était tout aussi inévitable que le lever du soleil à l’Est. C’est un mensonge. Encore une fois, les patrons menacent de saboter les gains de la grève. Ce qu’ils disent vraiment, c’est qu’ils vont fermer leurs entreprises en Afrique du Sud et les déplacer à l’étranger pour obtenir des profits plus élevés pour eux-mêmes plutôt que de payer les métallos avec un salaire équitable.

    Les capitalistes veulent être gagnants sur les deux tableaux. L’ANC, soutenue par les grandes entreprises sud-africaines, est allé très loin dans la défense et l’application des idées dominantes néolibérales du capitalisme mondial, qui affirment que les obstacles au commerce doivent être supprimés, les services publics privatisés, les marchés ouverts et que la loi de la concurrence doit être élevée au dessus de tout. Globalement, cette stratégie a permis aux grands capitalistes d’Amérique et d’Europe de transférer le pouvoir et la richesse de la classe des travailleurs à leur propre classe sociale. Quand cela les arrange, les patrons sud-africains soutiennent ce processus, et quand ce n’est pas le cas, ils en blâment les travailleurs. Pour les travailleurs, le néo-libéralisme est synonyme de nivèlement des salaires par le bas. C’est ainsi que des usines qui avaient été délocalisées en Chine parce que les salaires y étaient plus bas qu’ailleurs sont en train d’être transférées vers des pays aux salaires encore plus faibles en Asie du Sud-Est.

    Le socialisme peut répondre à ces mensonges

    Ces problèmes sont liés au système capitaliste. C’est pourquoi les travailleurs doivent être armés d’idées socialistes. Les problèmes des capitalistes n’ont aucune raison d’être nos problèmes. Nous devons disposer d’une claire compréhension que la seule alternative est une alternative socialiste. Les travailleurs doivent exiger la transparence de la comptabilité des sociétés sud-africaines qui prétendent qu’ils ne peuvent pas rivaliser avec les entreprises étrangères. Des comités de travailleurs doivent ensuite examiner leurs profits, les rémunération de la direction, les frais d’entretien, les salaires versés aux travailleurs et les prix qu’ils facturent pour leurs produits ou services. Mais même dans les cas où les entreprises parviendraient à prouver qu’elles ne peuvent pas rivaliser avec leurs concurrents, les travailleurs ne devraient pas soutenir les profits capitalistes en demandant à la classe ouvrière de payer des prix élevés pour des biens et des services ou en maintenant les salaires au plus bas au nom de la classe capitaliste.

    Si les entreprises ne peuvent véritablement pas rivaliser, dans un premier temps, nous allons exiger leur nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ce doit être la revendication essentielle du mouvement syndical en lutte pour défendre les emplois. Mais au final, seule une société socialiste peut mettre fin à la course vers le bas des conditions de travail et de salaire et sera capable de donner de bons emplois et un bon niveau de vie à tous les travailleurs et leurs familles.

    De la même manière qu’ils sont organisés dans les syndicats, les travailleurs doivent être politiquement organisés, dans des partis comme le Workers and Socialist Party (WASP) afin de lier la lutte sur les lieux de travail à une lutte commune de la classe des travailleurs pour une société socialiste.

  • Afrique du Sud. Victoire de la grève des mineurs du platine !

    Un important pas en avant dans la lutte pour un salaire minimum vital pour tous

    Déclaration du Workers’ And Socialist Party (WASP)

    Le WASP salue aujourd’hui la résolution de cinq longs mois grève dans le secteur du platine ; une victoire non seulement pour les mineurs et leur syndicat l’AMCU, mais pour tous les travailleurs et les pauvres. Les augmentations pour les travailleurs les moins payés de 1000 rands (70 euros) dans la première et la deuxième année et 950 rands (65 euros) pour la troisième représentent des gains sans précédent et une étape importante dans la lutte pour un salaire décent pour tous.

    L’accord qui a été accepté par les travailleurs est la preuve que la lutte unie et déterminée paie. Les concessions importantes que les compagnies minières ont été forcées de faire ont révélé au grand jour leurs mensonges sur le fait qu’ils ne pouvaient pas payer ces augmentations.

    La détermination qui a permis aux travailleurs de tenir pendant ces cinq mois difficiles est une source d’inspiration pour les travailleurs, les communautés en lutte et les jeunes à travers l’Afrique du Sud et au-delà. La grève a polarisé la société sur des bases de classes et a clarifié la position de chaque camp sur le front des classes. Le WASP, tout au long de cette grève, a clairement montré son soutien aux travailleurs. Les partis politiques tels que l’ANC et le PC ont eux prouvé qu’ils étaient indubitablement du côté des patrons. Les syndicats jaunes comme le NUM, Solidarity et le WAU ont également imprimé leur trahison dans les esprits de centaines de milliers de travailleurs. L’accord signé aujourd’hui est aussi une victoire sur la quasi-armée de détracteurs qui a tenté de diaboliser non seulement les travailleurs en grève et l’AMCU, mais également quiconque qui oserait soutenir activement leur action, qui ruinerait soi-disant l’économie sud africaine.

    Cette grève, inspiré par les martyrs de Marikana a été la plus importante depuis les grèves des mineurs de 2012. Elle a posé les contradictions fondamentales du système économique capitaliste : la nécessité de nationaliser l’industrie minière afin que les ressources minérales massives puissent être utilisés pour en finir avec les salaires de misère, créer des emplois et développer les communautés minières et la société dans son ensemble. L’étape d’aujourd’hui devrait servir de plate-forme à partir de laquelle le mouvement ouvrier dans son ensemble prendrait la direction donnée par l’AMCU pour continuer la lutte jusqu’à ce but.

    Les mineurs doivent se préparer à repousser les tentatives probables par les patrons des mines de récupérer demain ce qu’ils ont concédé aujourd’hui. Aucun retour en arrière n’est acceptable : la richesse minérale de cette terre est suffisante pour fournir des emplois à beaucoup plus ! La victoire des travailleurs du platine va certainement renforcer la confiance des métallos, des travailleurs de la construction et du secteur public, pour lesquels la grève se profile et qui doivent affronter des négociations salariales difficiles pour ne citer que quelques exemples. Le WASP continuera à se tenir fermement en première ligne de ces luttes et de travailler à maximiser son niveau d’organisation, d’unité et de clarté.

  • Afrique du Sud : Bilan des élections de 2014

    Le président Jacob Zuma

    La victoire de l’ANC, le WASP et l’EFF.

    Par Weizman Hamilton, Secrétaire Général du WASP

    L’ANC, le Congrès national africain, a remporté les élections avec 62% des voix. Cela représente une légère baisse de soutien, une perte de 3,5% qui représente quelques centaines de milliers de voix en chiffres absolus. Étant donné le mandat de 5 ans rempli de scandales du président Zuma, dont le massacre de Marikana (où la police avait tiré sur des mineurs en grève, causant plus de 30 morts) et le Nkandla-gate (autour de la résidence privée du président Jacob Zuma), les stratèges de l’ANC doivent pousser un grand soupir de soulagement.

    Cela masque toutefois que l’ANC fait face à un rejet important. Plus de dix millions d’électeurs ne se sont pas inscrits pour aller voter et six millions de personnes s’étaient bien enregistrées mais ne se sont pas rendues aux urnes. 16 millions de personnes n’ont donc pas pris part à ces élections. Les données correspondantes pour les années 2004 et 2009 étaient respectivement de 12 millions et de 12,4 millions. L’ANC, dans les faits, est sur le point de composer un gouvernement minoritaire qui n’a reçu le soutien que de 11 millions d’électeurs, à peine 32%.

    L’ANC n’a pas abordé ces élections avec la même complaisance que les fois précédentes. Ils ont tardivement réalisé que leur position dominante, particulier parmi la classe ouvrière et les pauvres, ne devait pas tout simplement être tenue pour acquise. La machine électorale de l’ANC a été huilée et est passée à la vitesse supérieure. Même s’il n’y a pas eu de corruption généralisée, cela ne signifie pas que l’ANC a joué le jeu de manière honnête durant la campagne électorale. L’ANC confond volontairement son rôle de parti politique et son contrôle gouvernemental de l’appareil des services sociaux. Le budget pour les colis alimentaires aux plus démunis a été fortement augmenté les mois ayant précédé les élections, et les bénéficiaires ont bien sûr entendu qu’il s’agissait d’un cadeau de l’ANC, qui a passé sous silence que cela provenait en fait des caisses de la collectivité. Les 12 millions de personnes qui reçoivent des subventions sociales (retraites, pensions d’invalidité, aide à l’enfance) entendent régulièrement que ces allocations leur sont versées ”par l’ANC”. L’ANC répand aussi le mensonge selon lequel un échec électoral pour l’ANC signifierait le retour du système de ségrégation raciste de l’apartheid. Particulièrement parmi les aînés, beaucoup n’ont pas voté pour Zuma mais bien pour le “parti” de la libération qui a mis fin à l’apartheid .

    Le réseau de patronage de l’ANC a été utilisé à plein rendement. La chaîne publique SABC a d’ailleurs retiré à la dernière minute deux publicités télévisées de l’opposition – de l’Alliance démocratique (DA) et des Economic Freedom Fighters (EFF) – au motif fallacieux qu’elles “inciteraient à la violence”. Le jour du scrutin, aux stations de vote, il a été rapporté que l’ANC distribuait de la nourriture gratuite et des t-shirts afin de corrompre les pauvres et les désespérés. En Afrique du Sud, de vastes sommes d’argent sont dépensées pour les élections, sans qu’aucune règle n’existe sur la publication des finances des partis. Nous pouvons raisonnablement supposer que d’importantes sections de la classe capitaliste ont versé des sommes gigantesques dans la campagne de l’ANC. La direction de l’ANC est en réalité un comité exécutif de la nouvelle classe capitaliste noire. Plus de 50% des membres du Comité exécutif national de l’ANC sont des administrateurs de sociétés importantes, et un tiers sont administrateurs de plus d’une entreprise, un sur dix ayant des mandats à la direction de cinq entreprises ou plus. 72 % des membres de la direction de l’ANC sont détenteurs d’actions, 50 % possèdent des actions dans plus d’une entreprise et 18 % détiennent des actions de plus de cinq sociétés. Quinze membres de la famille Zuma sont impliqués dans la gestion de 134 entreprises, dont 83 ont été mises en place après l’arrivée de Jacob Zuma à la présidence. Le Vice-président de l’ANC, Cyril Ramaphosa, possède une fortune estimée à plus de 6 milliards de rands sud-africains (573 millions de dollars).

    Le Workers and Socialist Party (WASP) avait relevé l’énorme défi de se présenter contre ce mastodonte avant même d’avoir eu son premier anniversaire en tant que parti. Nous sommes bien sûr déçus du nombre de voix limité que nous avons obtenu, et qui se situe en deçà de nos attentes. Nous avons reçu un peu plus de 8000 voix (0,05%). Ce faible résultat électoral ne saurait toutefois mettre de côté les énormes progrès réalisés par le WASP dans sa courte existence, notamment avec la construction de poches de soutien parmi la classe ouvrière. Peu de gens ont voté pour nous, mais cela représente la couche la plus consciente des travailleurs. Nous avons déjà reçu des appels téléphoniques de délégations de travailleurs qui voulaient rassurer la direction du WASP et encourager le parti à poursuivre la tâche de construire «leur» parti.

    Le manque de ressources pour mener la campagne a constitué un problème fondamental. Le combat destiné à réunir les fonds nécessaires à payer les énormes dépôts électoraux afin de pouvoir déposer une liste a signifié que nous avons passé plus d’un mois sans un sou avant de lancer la deuxième phase de collecte de fonds pour le matériel électoral et notre fonds de campagne. Il ne fait aucun doute que si nous avions eu les ressources nécessaires pour atteindre plus de gens, notre soutien électoral aurait été plus élevé. En outre, les médias dominants ont décidé dès ce début d’année que le récit des élections se limiterait à une course à trois chevaux entre l’ANC, la DA et EFF. Le WASP a été exclu de toute couverture médiatique sérieuse. Même le lancement de notre manifeste politique n’a pas été couvert, ce qui n’a pas empêché les médias de parler du lancement de la campagne d’un petit parti religieux qui a au final reçu bien moins de voix que le WASP.

    Mais il y a d’autres facteurs politiques importants à prendre en considération. Malheureusement, le WASP n’a pas été en mesure de consolider sa position parmi les mineurs. Malgré le rôle crucial joué par les fondateurs du WASP – le Democratic Socialist Movement (section sud-africaine du Comité pour une Internationale Ouvrière) – dans le mouvement des mineurs contre le syndicat national des mineurs affilié à l’ANC (le NUM) et qui les a fait rejoindre le syndicat des mineurs auparavant marginal AMCU, la direction de l’AMCU a tout fait pour éliminer notre influence parmi les mineurs. Des membres et sympathisants du DSM et du WASP ont été attaqués et expulsés du syndicat, ce qui a fréquemment conduit à la perte de leur emploi. Les dirigeants de l’AMCU ont diffusé le mensonge que le WASP est derrière le nouveau syndicat jaune et anti-grève, et ils ont honteusement été aidés dans cette tâche par de minuscules forces de ”gauche” jalouses. L’Union Workers Association (WAU) a tenté de profiter de la démoralisation parmi les mineurs dans le cadre d’une grève de trois mois sans salaire. Le WASP s’est donc retrouvé face à l’hostilité de la direction de l’AMCU et au ”resserrement des rangs” bien compréhensible des mineurs au beau milieu d’une grève à la vie à la mort. Le WASP a eu de grandes difficultés à mener campagne dans le secteur des mines de platine, quelques camarades ont même dû faire face à des menaces de mort.

    La position du National Union of Metalworkers of South Africa (NUMSA, Union nationale des métallurgistes d’Afrique du Sud) a également entraîné une situation compliquée. Après avoir pris la décision audacieuse et historique en décembre dernier de ne pas faire campagne pour l’ANC, décision prise lors d’un Congrès extraordinaire, la direction du NUMSA, malheureusement, n’a pas réussi à développer cette position en une alternative positive au-delà de la promesse de fonder un parti des travailleurs d’ici 2016. Cela a ouvert un espace important pour que le WASP parvienne à gagner des militants clés des métallos, des délégués syndicaux et des responsables régionaux dont certains ont été parmi nos militants les plus actifs, mais la faiblesse de la direction a eu un impact sur l’ensemble des membres. Beaucoup ont différé leurs attentes pour une alternative de la classe ouvrière jusqu’à après ces élections. Malheureusement, la direction du NUMSA n’a fait aucune recommandation de vote à ses membres.

    Pendant des mois, le WASP a fait campagne pour que le NUMSA ne manque pas l’occasion historique que les élections de 2014 représentaient dans le cadre de la construction d’une tête de pont pour le véritable socialisme en essayant d’obtenir une poignée de sièges au parlement. Nous avons invité le NUMSA à prendre place à la direction du WASP et à présenter ses propres candidats aux élections. Malheureusement, la direction du NUMSA n’a pas retenu cette offre. Le WASP a néanmoins établi une base importante parmi les membres de ce syndicat.

    L’hésitation de la direction du NUMSA a également fourni une excuse au reste de la gauche sud-africaine pour ne pas soutenir le WASP pour ”soutenir le NUMSA”. Le Democratic Left Front, un ”mouvement” d’intellectuels de la classe moyenne, a fait écho au NUMSA et s’est abstenu de donner une consigne de vote claire aux électeurs en préférant ”soutenir ceux qui veulent jeter leur bulletin de vote, le sauvegarder pour un futur parti des travailleurs de masse et / ou voter pour des forces anticapitalistes comme première étape vers la construction d’une plate-forme électorale anticapitaliste pour les élections de 2016.” Ce groupuscule parle d’anticapitalisme là où il faut parler de socialisme et de plateforme là où il faut parler de parti!

    Pour concrétiser cette position confuse jusqu’à sa conclusion logique, les forces académiques sympathisantes de ce groupuscule ont lancé en avril une campagne de boycott pour voter “Non”, malheureusement soutenue par Ronnie Kasrils et d’autres vétérans respectés des luttes qui ont rompu avec l’ANC. Cette campagne a appelé les électeurs à s’abstenir ou à voter pour un petit parti. Le WASP a discuté avec Ronnie Kasrils et a averti que cette campagne était source de confusion et n’aurait pas d’effet au-delà d’une ”victoire morale”, les bulletins annulés ne faisant en fait que magnifier le poids des suffrages exprimés pour l’ANC.

    Les critique de tels ”socialistes” de salon ne peuvent pas être prises au sérieux. Même s’ils chantent aujourd’hui au sujet de leur prophétie auto-réalisatrice, cela ne peut passer sous silence le rôle audacieux et héroïque de ceux qui ont agi plutôt que de s’effacer.

    Ces critiques ont trouvé un écho, y compris à l’échelle internationale, chez de petits groupes qui se sont emparés du faible résultat du WASP pour l’attaquer ainsi que le Comité pour une Internationale Ouvrière. Ces petits groupes se sont mis de côté dans la lutte pour construire un nouveau parti des travailleurs et beaucoup d’entre eux n’ont fait aucun appel de vote clair dans ces élections.

    Enfin, le WASP avait une concurrence sérieuse avec les Economic Freedom Fighters (EFF). L’EFF a engrangé un bon résultat et gagné plus d’un million de voix, soit près de 30 députés, sans mentionner un nombre similaire de députés provinciaux. Ce parti de gauche populiste ayant un programme de gauche portant sur la nationalisation et l’expropriation des terres, a lancé un appel à la jeunesse et aux pauvres. Son chef, Julius Malema, est un ancien dirigeant de la ligue des jeunes de l’ANC qui a été expulsé, et il a été en mesure d’attirer à lui d’importantes sections de la ligue de la jeunesse. Ses réseaux au sein de la nouvelle élite noire à l’intérieur de l’ANC lui a fourni les ressources nécessaires pour mener une campagne efficace. Le WASP appelle les membres de l’EFF à être ouverts à discuter du programme de l’EFF, des tâches qui font face à la classe ouvrière et du rôle des dirigeants de l’EFF au sein du parlement et face à la pression incessante de la classe capitaliste.

    Des discussions ont eu lieu en août dernier entre le WASP et l’EFF, où nous avions proposé de constituer un bloc électoral, de déposer des listes communes de candidats et d’unifier le vote anti-ANC, un objectif stratégique clé. D’importantes différences existaient toutefois entre le WASP et l’EFF au sujet de la nationalisation, du socialisme et d’autres questions cruciales et nous défendons notre droit de débattre de ces questions avec la classe ouvrière et les pauvres. Dans le sillage du massacre de Marikana, il faut aider la classe ouvrière dans la clarification des tâches nécessaires à la transformation socialiste de la société.

    Malheureusement, l’EFF a rejeté notre proposition d’un bloc électoral, a exigé la liquidation effective du WASP au sein de l’EFF et qu’aucune discussion ne porte sur questions programmatiques et politiques. Le WASP n’avait pas d’autre choix que de se présenter indépendamment suite à cette réponse de la direction de l’EFF.

    L’EFF a réalisé un important pas en avant, sans avoir cependant fait aussi que ce qu’ils avaient espéré. Cela s’explique en partie par les attentes exagérées semées par mes dirigeants parmi leurs membres, mais cela reflète aussi le scepticisme de la classe ouvrière envers l’EFF. Le NUMSA par exemple, a explicitement rejeté l’EFF à son congrès extraordinaire de décembre en raison de son incapacité à appeler au contrôle des travailleurs de l’industrie nationalisée et à leur position équivoque sur la nécessité du socialisme. Si le WASP et l’EFF avaient pu parvenir à un accord de principe, un tel bloc électoral aurait pu agir comme un pont pour la classe ouvrière et cela aurait donné à l’ANC une correction sanglante. Malheureusement, cette occasion a été gaspillée.
    Même si nous n’avons pas réussi à combler le vide à la gauche de l’ANC, nous avions raison de nous présenter dans ces élections. Nous avons joué un rôle de pionnier et posé les fondations du développement d’un parti des travailleurs parti basé sur un programme socialiste. Ce processus se poursuivra dans la période à venir.

    Nous avons gagné des positions de soutien cruciales pour les idées du socialisme révolutionnaire parmi la classe ouvrière, les communautés locales et les jeunes, et allons consolider ces positions à la suite des élections. Nous avons toujours dit que le WASP est d’abord et avant tout un parti de lutte, et une étape seulement dans la construction d’un parti de masse des travailleurs. Nous allons maintenant tourner notre attention vers une campagne pour un nouveau parti de masse des travailleurs et pour unifier les protestations sociales afin de construire un puissant mouvement de la jeunesse socialiste. Le WASP va s’engager dans le débat avec le NUMSA et d’autres forces dans le cadre de la lutte pour franchir les prochaines étapes de la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs.

    La majorité obtenue par l’ANC dans ces élections ne représente pas la fin du processus. Le nouveau gouvernement devra faire à la crise sociale qui existe actuellement. Le correspondant de la BBC a résumé les perspectives de ces autorités capitalistes en disant : “L’ANC est susceptible d’utiliser son mandat impressionnant pour son Plan national de développement – en rejetant la nationalisation et en mettant l’accent sur les investissements et les infrastructures.” Cela signifie plus d’attaques néolibérales et plus de lutte de classe. Le WASP interviendra pour aider à construire une alternative socialiste de masse.

  • Succès du lancement du manifeste du Workers’ and Socialist Party !

    Ce samedi 29 mars, le Socialist and Workers Party (WASP) a lancé son manifeste électoral pour les élections de 2014 lors d’un rassemblement tenu à Katlehong. Liv Shange, secrétaire générale adjointe du WASP, a présidé la réunion.

    Par des correspondants du Workers’ and Socialist Party (WASP)

    Weizmann Hamilton, secrétaire général du WASP, a abordé l’historique du WASP et l’urgente nécessité pour la classe ouvrière et les pauvres de disposer de leur propre parti, un instrument de combat pour défendre leurs intérêts. Hamilton a expliqué la signification du titre de ce manifeste : « Seul le Socialisme Signifie Liberté », notamment en référence au congrès de 1987 de la fédération syndicale COSATU, qui avait adopté la Charte de la Liberté comme manifeste politique pour le mouvement syndical. Son titre était : « le Socialisme Signifie la Liberté ». Après 20 ans de ‘‘démocratie’’ sous le règne de l’ANC, ce slogan avait sérieusement besoin d’être remis à jour. Il est clair que la poursuite du capitalisme – qu’il soit géré par un gouvernement issu de la minorité blanche ou par un gouvernement de la majorité noire – signifie pauvreté, chômage et inégalités. Aujourd’hui, pour des millions de gens, il est de plus en plus clair que seul le socialisme signifie liberté !

    Liver Mngomezulu, secrétaire général assistant du National Transport Movement a pris la parole et apporté la solidarité de son syndicat fort de 50.000 au WASP.

    Moses Mayekiso, le président du WASP, a introduit les points-clé du manifeste. « Nous affirmons qu’à moins que l’économie ne soit transformée par la nationalisation des mines et des autres secteurs-clé, il n’y aura jamais de sécurité en Afrique du Sud. Pourquoi la pauvreté devrait-elle exister alors que notre pays est si riche ? Mais pour une émancipation réelle, nous avons besoin de structures capable de donner le pouvoir à la classe ouvrière. »

    • ECONOMIE – nationalisation des banques, des mines, des exploitations agricoles, des grandes usines et des grandes entreprises sous contrôle démocratique de la classe ouvrière et des communautés au sein d’une économie socialiste planifiée.
    • TERRE – nationalisation des 36.000 exploitations agricoles sous contrôle démocratique des travailleurs et de la communauté ; aide d’Etat aux petits agriculteurs et à l’agriculture vivrière ; détermination de l’utilisation des terres non-agricoles par des comités de communautés.
    • SALAIRES ET REVENUS – pour un salaire minimum de 12.500 rands et pour l’instauration d’un revenu minimum garanti de 80.000 rands pour tous ceux qui vivent en Afrique du Sud.
    • SERVICES PUBLICS – programme massif de travaux publics pour la construction de 2,5 millions de maisons avec électricité, sanitaires, eau courante et connexions routières décentes ; pour des soins de santé gratuits pourvus par un secteur national de soins de santé universel; pour un enseignement gratuit, accessible et de qualité.
    • DROITS – Pour l’unité de la classe ouvrière contre le sexisme, le racisme, la xénophobie et la répression.
    • CORRUPTION ET DÉMOCRATIE – pour un État des travailleurs et un gouvernement socialiste ; tous les représentants publics doivent être élus, révocables et recevoir seulement le salaire moyen d’un travailleur qualifié.
    • POLITIQUE ÉTRANGÈRE – pour la solidarité internationale de la classe ouvrière ; aucun soutien à des gouvernements capitalistes, quelle qu’en soit la forme.

    Les autres orateurs – tous candidats du WASP aux élections – ont illustré l’intérêt que suscité le WASP ainsi que les racines dont il dispose au sein de la classe ouvrière et parmi les communautés pauvres.

    Lebogang Mstweni, secrétaire de la section du NUMSA (le syndicat des métallos) à Tseti et délégué syndical, a expliqué comment son syndicat, actuellement le plus grand d’Afrique du Sud, a décidé de ne pas faire campagne pour l’ANC en 2014, puisque ce parti ne représente plus la classe ouvrière. Elle a toutefois déclaré qu’il fallait une alternative face à l’ANC, ce pourquoi elle a décidé d’être candidate du WASP.

    Sithembile Nqulo, un membre de l’AMCU (syndicat des mineurs et des travailleurs de la construction) et mineur dans une mine d’or de Carletonville, ainsi que Nkosinati Mpopo, délégué syndical de l’AMCU à Rustenburg, ont tous deux parlé de la façon dont le massacre de Marikana en 2012 (la police avait tiré sur des grévistes et tués plus de trente d’entre eux) avait été un brutal réveil pour les mineurs. L’ANC était devenu non seulement prêt à collaborer avec les dirigeants des mines, mais aussi à noyer les luttes des mineurs dans le sang. C’est à partir de cette lutte qu’est né le WASP afin de répondre à la recherche d’une alternative qui s’est développée parmi les rangs des mineurs.

    Le WASP a annoncé qu’il comptait lancer une pétition afin d’exiger la démission du président Zuma, suite à l’éclatement du scandale de corruption de Nkandla. Une campagne orientée vers les services publics va également être lancée afin de donner une direction aux dizaines d’actions qui se déroulent chaque jour dans les services publics des communautés pauvres. Une coordination nationale des lutte doit être construire, de même qu’une campagne cherchant à intégrer dans la bataille les jeunes chômeurs et les étudiants.

  • Afrique du Sud, la lutte est intense en prélude aux élections

    Par Liv Shange, Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)

    Le président Jacob Zuma a annoncé que les élections parlementaires sud-africaines se tiendront le 7 mai prochain. Au moment-même où était faite cette annonce, le pays était secoué par des actions et des grèves. C’est dans ce contexte qu’une opportunité historique se présente au WASP, parti dans lequel est activement impliqué le DSM.

    Ce jour-là, un délégué syndical de l’AMCU (1) de la mine d’Amplats a été abattu par la police alors qu’il était en compagnie d’ouvriers en route pour un rassemblement de masse dans le cadre d’une grève pour une augmentation du salaire mensuel minimum à 12.500 rands (environ 850 euros). Une grande partie des mines étaient à l’arrêt. À ce délégué assassiné, s’ajoute à une liste – qui ne cesse de s’allonger – de militants de victimes de l’extrême violence de la police.

    Ces trois derniers mois, 32 actions de protestation ont en moyenne eu lieu chaque jour, aux dires du ministère des Affaires policières. A titre de comparaison, il n’était question que de 3 actions en moyenne par jour durant la période 2009-2011. L’Afrique du Sud était alors déjà l’épicentre de la protestation mondiale, avec le plus grand nombre d’actions au monde. Outre la grève des mines et d’autres actions ouvrières, la contestation gronde dans les quartiers pauvres et les bidonvilles contre les prix d’électricité inabordables, contre l’incapacité du gouvernement à fournir de l’eau potable, des sanitaires ou des logements ou encore contre la corruption galopante.

    Ainsi, les habitants de la ville minière de Brits, dans la province du Nord-Ouest, sont descendus en rue pour protester contre le manque incessant d’eau courante. La police a réagi en abattant quatre manifestants ! Les habitants soupçonnaient le gouvernement ANC de magouiller pour pouvoir finalement confier les contrats à des entreprises privées pour qu’ensuite elles récompensent les politiciens qui les avaient soutenues…

    Ces dernières semaines, il y a également eu plusieurs grèves d’étudiants qui protestaient contre l’exclusion massive de jeunes de la classe ouvrière de l’enseignement supérieur. Ces mises à l’écart sont la conséquence du manque de subventions publiques.

    Politisation et polarisation

    Les prochaines élections renforcent la politisation et la polarisation croissantes de la société. Le bain de sang de Marikana en 2012 a clarifié le caractère du gouvernement ANC et de l’État. Cela a eu un impact sur la conscience de millions de travailleurs.

    Dans presque toutes les communautés où l’on proteste vit l’idée d’un boycott des élections en vue de sanctionner l’ANC. Mais parallèlement, des millions de personnes sont à la recherche d’une alternative politique. Début février, l’enregistrement des électeurs a été clôturé et, au final, 25,3 millions de personnes se sont enregistrées, soit 80,5% du corps électoral. D’après la commission électorale indépendante, c’est le plus haut niveau jamais atteint.

    La collaboration de classe sur laquelle le pouvoir de l’ANC et la démocratie bourgeoise se sont basés ces 20 dernières années commence à s’effriter. C’est particulièrement visible au sein de la fédération syndicale Cosatu (Congress of South African Trade Unions) liée à l’ANC. Ainsi, la centrale la plus importante de cette fédération, le syndicat du métal NUMSA, a rompu avec l’ANC et dfend l’idée d’un parti des travailleurs (voir notre édition précédente). Huit autres centrales du Cosatu s’opposent également au président de la fédération, Dlamini, toujours plus isolé. Même dans les centrales fidèles à l’ANC, des fissures deviennent plus en plus visibles.

    Dans ce qui reste de la direction du Cosatu, autour de Dlamini, on peut également voir des dissensions. La réunion extraordinaire du Bureau Exécutif Central de mi-février a été boycottée par neuf des dix-neuf membres. Malgré tout, il y a été décidé de ne pas tenir de congrès extraordinaire tel qu’exigé par les neuf absents pour revoir la suspension du populaire secrétaire général de Cosatu Vavi. Un courrier a également été adressé à la NUMSA pour menacer le syndicat de suspension ou d’exclusion suite, entre autres, à la décision de ne plus soutenir l’ANC.

    La polarisation se reflète dans le remodelage du paysage politique. Suite la vague de grèves de 2012, le Democratic Socialist Movement (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud et parti-frère du PSL) et le comité de grève des mines ont pris l’initiative de créer le Workers and Socialist Party (WASP). Nos membres travaillent dur pour construire le WASP et participer aux élections de mai en tant qu’unique réelle alternative socialiste.

    Julius Malema, l’ancien président des jeunes de l’ANC aujourd’hui exclu du parti, connaît une croissance rapide avec son Economic Freedom Fighters (EFF) parce que cette organisation est considérée par beaucoup de travailleurs et de jeunes désespérés comme une alternative facile. L’EFF a refusé toute alliance électorale avec le WASP mais, en revanche, a récemment conclu un accord avec l’Inkatha Freedom Party, un parti particulièrement réactionnaire responsable de la mort de dizaines de milliers d’activistes anti-apartheid. Il s’agit d’un avertissement quant à l’orientation prise par Malema & Co.

    Échec d’unification de l’opposition de droite

    Le propriétaire de mine et millionnaire Mamphela Ramphele a lancé l’an dernier un nouveau parti, Agang-SA, en le présentant comme le parti des “noirs responsables” du monde des affaires. Malgré tout le battage médiatique dont l’initiative a bénéficié, elle n’a pas su décoller. Ce parti a annoncé une collaboration avec “l’opposition officielle”, la Democratic Alliance. Cette dernière est en pleine tourmente et Ramphele a été présenté candidat à la présidence de la DA. Mais tout s’est effondré cinq jours plus tard. La construction d’une opposition de droite unie face à l’ANC fut un échec.

    Les élections de mai représentent une opportunité majeure. Un parlementaire issu du mouvement des travailleurs pourrait considérablement renforcer les luttes en faisant entendre leur voix au sein du parlement bourgeois, derrière les lignes ennemies. Environ 63.000 voix sont nécessaires pour parvenir au parlement national. Nous ferons tout pour y parvenir. Il s’agit d’un effort important pour les socialistes d’Afrique du Sud, mais aussi pour les militants du reste du monde. Un succès pour le WASP serait un pas en avant majeur vers la révolution socialiste, tant en Afrique du Sud que dans le reste du continent et du monde.

    Comment un élu socialiste peut-il faire la différence ?

    Les élus du Comité pour une Internationale Ouvrière comme Joe Higgins (au parlement irlandais), Paul Murphy (au parlement européen) ou Kshama Sawant (au conseil de Seattle), utilisent leur mandat pour construire et renforcer les mouvements de lutte.

    Kshama Sawant a ainsi utilisé sa position afin de soutenir la mobilisation concrète pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure aux USA. Depuis qu’elle est entrée au conseil début janvier, diverses mobilisations et actions ont eu lieu en regroupant des milliers et des milliers de personnes. Sa position de principe a été remarquée dans tout le pays, ce qu’a d’ailleurs écrit Michael Moore sur son site.

    Paul Murphy s’est lui aussi fait le défenseur des mouvements et campagnes de luttes, ce qui lui a valu de se voir refuser l’accès au Kazakhstan et au Sri Lanka. Il soutient aussi des actions de protestation dans notre pays, du combat des ouvriers d’ArcelorMittal à l’opposition face à la politique d’asile asociale.

    Joe Higgins s’est engagé dans la contestation contre la nouvelle taxe sur l’eau en Irlande et, avant cela, contre l’augmentation des prix du ramassage des ordures ou l’instauration d’une taxe supplémentaire sur les maisons. Les choses n’en restent pas aux communiqués de presse, Joe utilise sa position pour favoriser la plus grande implication de la base au travers de la construction de comités de lutte.

    Nos élus vivent du salaire moyen d’un travailleur qualifié, le reste revient au mouvement. Le fait d’être élu n’entraîne donc aucun privilège. Un parlementaire socialiste conséquent en Afrique du Sud aurait un impact dans le pays, sur tout le continent africain et même le reste du monde. En tant qu’internationalistes, nous nous engageons dans le défi de conquérir une telle position.

    Solidarité internationale

    La campagne électorale du WASP coûtera environ 150.000 euros. Une grande partie de ces moyens sont récoltés en Afrique du Sud, mais un appel à la solidarité internationale a été lancé. Cette campagne offre une chance unique d’obtenir un élu socialiste conséquent en Afrique du Sud. Le PSL a promis une contribution de 6.000 euros pour que ce soit possible. Nous récoltons cet argent parmi nos membres et sympathisants. N’hésitez pas à apporter votre contribution ! => Appel à la solidarité internationale

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    (1) Association of Mineworkers and Construction Union, syndicat qui a remplacé le NUM (lié au gouvernement de l’ANC) comme syndicat central des mines de platine après le massacre de Marikana en 2012 (la police avait ouvert le feu sur des mineurs en grève, causant des dizaines de morts).

  • Afrique du Sud : Le WASP participera aux élections de 2014!

    Moses Mayekiso – ancien secrétaire général du syndicat des métallos NUMSA – sera tête de liste du WASP

    Le Workers and Socialist Party (WASP) est enregistré pour les prochaines élections de l’Assemblée nationale ainsi que pour les élections législatives dans les provinces du Nord-Ouest, de Limpopo et de Gauteng. La composition de la liste nationale a été rendue publique ce 13 mars lors d’une conférence de presse tenue à Johannesburg.

    Le candidat à la présidence et tête de liste nationale du WASP est Moses Mayekiso, militant syndical de premier plan au cours des années ‘70 et ‘80, actif au sein du Metal & Allied Workers Union (Mawu) dont il est devenu secrétaire général. Le Mawu fut, avec d’autres syndicats, à la base de la création de la fédération syndicale Cosatu en 1985. Le Mawu fut également la colonne vertébrale de la création du Syndicat national des métallurgistes d’Afrique du Sud (le Numsa), dont Moses fut le premier secrétaire général. Il fut élu à ce poste alors qu’il était en prison, sur base de son activisme contre l’apartheid et pour le mouvement ouvrier. Une campagne internationale avait alors exigé sa libération et des manifestations pour la « liberté du camarade Moses » ont eu lieu dans de nombreuses villes à travers le monde.

    Moses était encore secrétaire général du Numsa quand ce syndicat a adopté une résolution appelant à la création d’un nouveau parti des travailleurs en 1993. Il a maintenant rejoint le WASP et a pris place au sein de sa direction.

    Il fut aussi le premier président la South African National Civic Association (SANCO – le «quatrième» membre de l’Alliance tripartite) et a consacré ses efforts ses dernières années à reconstruire ce mouvement sur base de véritables principes socialistes au vu du lamentable échec de la SANCO pour relayer la marée montante des protestations. Moses fut aussi député de l’ANC (African National Congress) de 1994 à 1996, mais a démissionné pour se concentrer sur le travail de terrain visant à construire la SANCO à la suite de la chute de l’apartheid.

    Les listes du WASP représentent la classe des travailleurs et les pauvres du pays

    Tous les candidats sur les listes du WASP sont des travailleurs, des syndicalistes et des activistes des communautés ou parmi la jeunesse. Ceux qui peuvent le mieux représenter les intérêts de la classe ouvrière sont des membres de la classe ouvrière. Le WASP rejette la ‘professionnalisation’ de la politique et cette idée selon laquelle les gens ordinaires n’auraient ni les compétences ni la capacité d’assumé une position élue.

    Les principaux candidats qui ont parlé lors de la conférence de presse de présentation des listes sont : Mametlwe Sebei (figure-clé de la vague de grève qui a suivi le massacre des mineurs en grève de Marikana en août-septembre 2012), Weizmann Hamilton (secrétaire général du Democratic Socialist Movement – DSM section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud et parti-frère du PSL, l’une des organisations fondatrices du WASP – militant de longue date anti-apartheid et syndical), Liver Mngomezulu (secrétaire général du syndicat du transport National Transport Movement union, NTM), Matron Mhlanga (membre exécutif de l’African Traders Organisation, ATO), Sithembile Nqulo (mineur, Carletonville), Lebogang Mtsweni (militant du syndicat du métal Numsa), Jabulani Madlala (militant du syndicat du métal NUMSAà l’usine Toyota de Durban), Paul Gaaje (travailleurs aux services médicaux d’urgence, Fochville), Nkosinathi Mpopo (mineur, Rustenburg).

    Des représentants des travailleurs au salaire d’un travailleur

    Le salaire de base d’un député en Afrique de Sud est de 72.000 rands par mois (environ 4.820 euros), ce qui signifie concrètement que les élus sont déconnectés de la vie quotidienne des travailleurs et des pauvres. Ils figurent parmi les mieux payés du pays et se placent de ce fait au sein de l’élite. Le WASP rejette totalement ces positions privilégiées de soit-disant “élus du peuple”.

    Chaque élu du WASP ne recevra comme salaire que l’équivalent de celui d’un ouvrier qualifié. Le restant sera reversé pour la construction du WASP ainsi que pour soutenir les luttes des travailleurs et des jeunes. Les salaires et dépenses des élus du WASP seront publiquement disponibles afin que chaque citoyen sud-africain puisse les contrôler. Le WASP fera usage du droit à révoquer ses élus si ceux-ci deviennent corrompus ou ne respectent pas le manifeste du parti. Ce droit de révocation ne sera pas au seul usage de la direction du WASP, mais aussi des membres et affiliés du WASP.

  • Possible percée des idées socialistes en Afrique du Sud: participez!

    Soutenez la campagne électorale du Workers and Socialist Party!

    Des élections se tiendront début mai en Afrique du Sud au cours desquelles le Workers and Socialist Party (WASP) a de réelles chances d’obtenir un élu. Ce nouveau parti large a notamment émergé suite aux luttes des mineurs dans lesquelles le Democratic Socialist Movement (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud) a joué un rôle crucial. Mais pour pouvoir participer à ces élections, un grand effort est nécessaire, principalement d’ordre financier. Nous vous appelons à rendre possible cette percée des idées socialistes en Afrique du Sud en effectuant un don généreux !

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    Mametlwe Sebei, porte-parole du WASP, fait appel à votre soutien pour les prochaines élections

    Chers camarades,

    Le Workers and Socialist Party fait appel à votre soutien pour les prochaines élections générales sud-africaines qui se tiendront le 7 mai 2014. Le WASP est né des luttes des ouvriers mineurs de en 2012 qui ont notamment abouti au massacre de Marikana. Cet assassinat criminel de 34 mineurs en grève – fauchés par les armes automatiques de la police, sous les ordres du gouvernement dirigé par l’ANC – a partout été condamné à travers le monde, en particulier par des organisations ouvrières et des syndicats. Nous ne demandions rien de plus qu’un salaire minimum plus élevé pour nous permettre, ainsi qu’à nos familles, de sortir de la pauvreté écrasante dans laquelle nous vivons. Beaucoup d’entre nous ont fait des centaines de kilomètres loin de nos maisons pour travailler dans les mines afin de soutenir nos familles. Beaucoup d’entre nous vivent dans des cabanes dans des bidonvilles autour des mines sans électricité ni eau courante. En moyenne, chaque ouvrier mineur soutient huit à dix personnes à charge: conjoints, enfants, parents âgés ou autres membres de la famille.

    Les espoirs de millions de familles de la classe ouvrière et de communautés ont été investis dans notre lutte. Mais le gouvernement dirigé par l’ANC a non seulement fermé les yeux face à notre souffrance – celle de ceux au nom desquels ils prétendent gouverner – et était prêt à noyer nos revendications dans le sang. Beaucoup d’entre nous ont été contraints de quitter le Syndicat national des mineurs (NUM, présent dans le gouvernement de l’ANC), qui a refusé de soutenir notre lutte, pour mettre en place nos propres comités de grève indépendants afin de mener notre lutte. Ce sont ces comités qui ont pris la décision de lancer le Workers and Socialist Party pour nous redonner la voix politique que la trahison de l’ANC nous a refusé.

    Avant même le massacre de Marikana, l’ANC était en train de rapidement perdre du soutien. 12,4 millions de personnes n’ont pas voté aux dernières élections tant la désillusion était grande. L’Afrique du Sud a été surnommée la ‘capitale mondiale des protestations’. Les travailleurs utilisent des actions de grève pour améliorer leurs salaires de misère, des communautés entières protestent contre le manque d’eau, de sanitaires, de routes et de logements, et les jeunes protestent contre le coût de l’éducation et le manque d’emplois qui entraine le chômage des jeunes jusqu’aux 50%. Le Syndicat national des métallurgistes d’Afrique du Sud – le plus grand syndicat du continent africain – a tenu un congrès extraordinaire en décembre dernier où il a décidé de mettre fin à son soutien à l’ANC. Le WASP a été créé pour unir les luttes des travailleurs, des communautés et des jeunes. Nous sommes un parti qui se bat pour (1) la nationalisation des mines ; (2) un programme massif de création d’emplois avec un salaire décent ; (3) des investissement dans l’infrastructure des routes, de l’eau, des sanitaires, de logements décents et de services sociaux; (4) l’éducation gratuite; (5) la gratuité des soins.

    Le WASP appelle les travailleurs, les membres de communautés et les jeunes à désigner leurs propres représentants pour se présenter en tant que candidats du WASP : les personnes les plus à même de représenter les intérêts des travailleurs sont les travailleurs eux-mêmes. Même un petit groupe de députés du WASP au prochain parlement – ce qui, selon nous, est tout à fait possible – serait un grand pas en avant pour la classe ouvrière sud-africaine. Cela nous permettrait de faire largement entendre notre voix. Nous en appelons à votre solidarité pour aider à faire une réalité de ce potentiel. Des messages de soutien et la diffusion de notre campagne sont vitaux. Mais le plus crucial est le financement nécessaire pour mener une campagne électorale efficace. L’Afrique du Sud utilise un système de liste à représentation proportionnelle.

    Les exemples de coûts ci-dessous indiquent ce qui est nécessaire au WASP pour mener une telle campagne électorale efficace :

      • Dépôt nécessaire afin de se présenter à l’élection de l’Assemblée nationale : ± 13.200€ ;
      • Dépôt nécessaire afin de se présenter à l’une des élections législatives provinciales : ± 2.970€ ;
      • Production de 1.000 t-shirts: ± 1.650€ ;
      • Location de salle pour un meeting électoral : ± 660€ ;
      • Impression de 50.000 tracts : ± 594€ ;
      • Impression de 10.000 affiches : ± 660€ ;
      • Utilisation d’un téléphone portable pour un organisateur du WASP pendant un mois : ± 79€ ;
      • Essence pour un organisateur du WASP pendant un mois : ± 165€ ;
      • Achat d’un ordinateur portable pour un organisateur du WASP : ± 528€.

    Au total, nous devons récolter au moins 2 millions de rands (150.000€) pour mener cette campagne. Dans l’esprit de l’internationalisme dont le WASP est imprégné, nous lançons un appel à votre soutien pour compléter la campagne de financement que nous menons en Afrique du Sud même. Un pas en avant pour la classe ouvrière d’Afrique du Sud est un pas en avant pour les travailleurs du monde entier.

    En solidarité,

    Mametlwe Sebei


    Le PSL a promis d’effectuer une contribution majeure, à hauteur de 6.000 euros, dont la moitié doit être récoltée avant ce 1er mars. Nous demandons aux lecteurs de socialisme.be de faire la contribution la plus généreuse possible. Cette occasion exceptionnelle exige un effort exceptionnel ! Merci de verser vos dons sur le compte du PSL : BE69 0012 2603 9378, avec ‘soutien WASP’ en communication. (Bic: GEBA BE BB – BNP Paribas Fortis)

  • Afrique du Sud – Décision historique du syndicat des métallos

    Au cours de ce qui restera dans l’Histoire comme le plus important congrès syndical depuis la fondation du Congress of South African Trade Unions (Cosatu) en 1985, les délégués du congrès spécial de la National Union of Metal Workers of Soutah Africa (Numsa) ont pris la décision audacieuse et historique de couper les ponts avec l’ANC, parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid. Avec le retrait de leur soutien financier et logistique à l’ANC, celui-ci va entrer dans les élections 2014 sans le soutien du syndicat membre du Cosatu le plus nombreux et le plus influent politiquement. Etant donné le soutien de la base de toutes les composantes du Cosatu envers la Numsa, y compris dans celles dirigées par des leaders pro-capitalistes, cela signifie que l’ANC est partie pour perdre non seulement le vote des 340.000 membres de la Numsa, mais potentiellement également plus d’un million de voix des autres syndicats affiliés au Cosatu. L’ANC va sortir des élections de 2014 significativement affaiblie. Les scénarios-catastrophes des stratèges de l’ANC eux-même, où l’ANC obtiendrait moins de 50%, ne peuvent être écartés.

    Article du Workers’ And Socialist Party, parti large au sein duquel travaille le Democratic Socialist Movement, section du CIO en Afrique du Sud

    Les répliques du séisme commencé à Marikana, qui ont ébranlé les fondations de l’ordre politique post-apartheid ingénieusement établit dans les négociations de la Conférence pour une afrique du Sud Démocratique (CODESA), ont maintenant trouvé une expression sur le plan politique.

    Pour adapter le titre du livre du commentateur politique Allister Spark sur les perspectives du pays après la CODESA (tomorrow is another country), ”aujourd’hui, l’Afrique du Sud est un autre pays”. Les barreaux en or de la prison politique dans laquelle la classe ouvrière est maintenue depuis 20 ans sont brisés et le processus de l’émancipation de classe et d’indépendance politique de la classe ouvrière a commencé avec force.

    De plus, la Numsa va cesser sa contribution financière au Parti Communiste Sud-Africain, coupant les liens politiques avec ce parti ”en faillite idéologique”, selon les mots du secrétaire général de la Numsa, Irvin Jim.

    La colère et le sentiment de trahison des délégués envers les dirigeants de l’ANC et du PC Sud-Africain se sont exprimés pendant toute la conférence. A aucun moment un seul délégué n’a donné d’argument sérieux pour la poursuite du soutien à l’ANC. Pour les membres de la Numsa, la réalité est claire : l’ANC et le PC Sud-Africain sont des partis de la classe capitaliste. Le prochain gouvernement dirigé par l’ANC, avec le Programme de Développement néo-libéral comme pièce maîtresse, sera un gouvernement consciemment anti-ouvrier et ne mérite pas le soutien de la classe ouvrière.

    A ce stade, la Numsa s’est gardée de décider de soutenir un parti alternatif en 2014 et a simplement réitéré le droit de ses membres de voter individuellement selon leurs convictions. Au lieu de prendre une position claire pour 2014 au cours du congrès, la Numsa a pris la décision de lancer un ”front uni” modelé sur le United Democratic Front des années ’80, pour unir les luttes des travailleurs et des communautés tout en contribuant à former un ”Mouvement pour le Socialisme”. Le Workers’ And Socialist Party, dans sa lettre ouverte à la Numsa, a appelé au lancement d’un réseau syndical socialiste pour aider à surmonter les divisions au sein de la classe ouvrière et à surmonter la paralysie de la lutte unifiée causée par la crise du Cosatu. Nous appelons aussi à une Assemblée de l’Unité de la Classe Ouvrière pour établir un plan de bataille pour les luttes de masse. Dans la décision de la Numsa de lancer un Front Uni et un Mouvement pour le Socialisme, nous voyons que ces appels ont trouvé un écho.

    Cependant, avec les élections nationales et provinciales à quelques mois d’ici, nous avons invité la Numsa à ”prendre sa place dans la direction du WASP”. Le WASP a été lancé pour unir les luttes des travailleurs, des communautés et des jeunes et est organisé de façon démocratique et fédérative qui permettrait à Numsa d’utiliser l’étiquette du WASP pour présenter ses propres candidats, sélectionnés selon ses propres procédures. La Numsa pourrait s’opposer au Plan de Développement National au parlement en tant qu’auxiliaire des luttes qui vont avoir lieu dans les lieux de travail et les communautés.

    Au congrès spécial de la Numsa, la direction a établi les critères que tout parti politique devrait présenter pour obtenir son soutien politique. Ces critères ont été approuvés par les délégués au cours de l’adoption du rapport du secrétariat. Nous pensons que le WASP présente ces critères. Le WASP s’est forgé dans les luttes des mineurs et se base sur la classe ouvrière ; il défend la nationalisation des mines, des banques, des exploitations agricoles, des usines et des autres grandes entreprises sur base du contrôle ouvrier et dans le cadres de la lutte pour une société socialiste ; le WASP est une organisation complètement démocratique. Dans leur nouvelle stratégie politique, la direction de Numsa a reçu le mandat ”d’être attentif à tout parti engagé pour le socialisme dans les élections futures”. Nous répétons donc notre appel envers la Numsa à prendre place dans la direction du WASP et à soutenir et à présenter des candidats sous l’étiquette du WASP aux élections de 2014, ce qui serait une étape cruciale dans la construction du nouveau Mouvement pour le Socialisme.

    Les limites de la position spécifique de la Numsa pour les élections 2014 ne peuvent cependant amoindrir le changement monumental dans le paysage politique annoncé par sa décision. La rupture de l’ordre politique est maintenant bien engagée et le chemin vers l’indépendance politique de la classe ouvrière est ouvert. La décision de la Numsa a accéléré le processus commencé par les mineurs en 2012. En reconnaissant que le changement dans la situation politique post-Marikana demandait la convocation d’un congrès spécial, la Numsa a amené ce processus à un plus haut niveau de conscience.

    Les délégués ont accueilli les survivants du massacre de Marikana et leurs familles et ont levé des fonds à hauteur de 20.000 rands (plus de 20.600€) pour les familles des tués. Ce montant sera augmenté à 500.000 rands (plus de 34.300€) par les employés de la compagnie d’investissement de la Numsa et par la compagnie elle-même. L’importance que le congrès a donné à la lutte des mineurs en 2012, y compris au massacre de Marikana, a montré la reconnaissance de la Numsa envers le rôle des mineurs en tant qu’avant-garde de la classe ouvrière dans sa libération de la prison de l’Alliance Tripartite (ANC, PC sud-africain et Cosatu). L’exode massif de la National Union of Mineworkers était aussi une rupture des liens politiques avec l’ANC. C’est de cette bataille ouverte qu’est né le WASP. La Numsa a maintenant complètement rejoint la bataille que les mineurs ont commencée.

    La Numsa a envoyé un signal clair aux mineurs et aux autres travailleurs, en montrant qu’il ne va pas les abandonner aux directions syndicales pro-capitalistes qui continuent à s’accrocher à l’ANC. Irvin Jim a déclaré que la Numsa ”ne rejettera plus jamais un seul travailleur”, en défi ouvert à la politique ”une industrie, un syndicat” du Cosatu. Jim a même regretté que cela n’ait pas été la politique de la Numsa à l’époque de Marikana. Cela va mettre la Numsa en opposition avec l’aile droite pro-ANC du Cosatu et va certainement mener à une rupture avec le Cosatu. La décision de retirer leurs 800.000 rands de cotisation de membre au Cosatu tant que leur demande de congrès spécial n’a pas aboutit est une autre mesure audacieuse.
    Les projets d’action de masse début 2014 et la solidarité du congrès envers les mineurs (qui vont sûrement mener d’autres luttes pour les salaires et contre les licenciements cette année) montrent que la Numsa va être au centre des luttes des travailleurs dans la prochaine période. La conférence pour le socialisme qui est prévue va continuer la discussion sur la construction d’une alternative politique de la classe ouvrière commencée au congrès spécial. La Numsa a fait les premiers pas dans le nouveau paysage politique qu’ils ont aidé à créer et, avec le WASP et les mineurs, ont entamé la tâche historique de reconstruire une indépendance politique de la classe ouvrière. Le WASP salue la direction de la Numsa et les délégués pour leur décision.

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