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  • Nigeria, un pays saigné à blanc et c’est le peuple qui paie.

    Rapport de la commission consacrée au Nigeria lors de l’école d’été du CIO

    Voici le rapport de la Commission sur le Nigeria qui s’est tenue lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu du 21 au 26 juillet dernier à Louvain. L’introduction a la discussion a été réalisée par Kola Ibrahim, permanent du secrétariat du DSM (Democratic Socialist Movement, section du CIO au Nigeria) de la province d’Osun et responsable du travail étudiant, qui nous a fait part de la situation sociale et économique dans laquelle se trouve ce pays d’Afrique de l’ouest et ses 170 millions d’habitants.

    Par Yves (Liège)

    Partout dans le pays les gens éduqués ou non parlent de révolution, des mouvements indépendants se lancent spontanément, il y a plus de 12 grèves générales annuellement depuis quelques années, mais bien qu’une volonté de changement est clairement présente dans la conscience collective, les directions syndicales du Congrès des syndicats TUC (Trades Union Congress – qui regroupe principalement les cadres) et du Congrès du travail du Nigéria NLC (Nigeria Labour Congress – le syndicat principal des ouvriers et employés) démobilisent quand ils n’arrêtent pas purement et simplement les mouvements sociaux.

    Les inégalités économiques s’accentuent malgré 13 ans de gouvernement civil (principalement le PDP – Parti démocratique populaire) après plus de 30 ans de gestion militaire. Dans ce contexte, les camarades du DSM s’attèlent au lancement d’une plateforme politique : le ‘‘Socialist Party of Nigeria (SPN)’’, une alternative socialiste face à la corruption, aux politiques capitalistes anti-pauvres et néolibérales ; un parti des travailleurs, de pauvres et de jeunes prêt à redistribuer équitablement les richesses du pays pour le bénéfice de la majorité.

    Une pauvreté endémique en pleine abondance de ressources naturelles et humaines

    Le Nigéria est le 6ème pays exportateur de pétrole brut au monde, et le premier du continent africain, mais faute de raffineries, il exporte son pétrole brut pour importer son carburant. L’exportation de pétrole brut et de gaz participe à hauteur de 80% aux revenus du gouvernement. L’industrie minière y est encore balbutiante malgré des ressources en fer, zinc, étain, or, pierre à chaux et marbre car les investissements miniers sont principalement absorbés par le secteur des hydrocarbures. Malgré une croissance de plus de 7% en moyenne du PIB depuis plusieurs années (le Produit Intérieur Brut était de 262 milliards de dollars en 2012 selon les données de la Banque Mondiale), et d’énormes revenus dus à l’exportation du pétrole et du gaz, le Nigéria présente un déficit budgétaire dû à la corruption (139ème sur 176 pays en 2012 d’après Transparency International) et des problèmes de gouvernance endémiques et chroniques.

    Bien qu’au Nigéria certains pasteurs soient millionnaires en dollars, et que le pays abrite de nombreux millionnaires (hommes d’affaires mais surtout hommes d’Etat) et milliardaires (dont Aliko Dangote magnat du ciment devenu 25e fortune mondiale dépassant ainsi Mittal), le rêve Nigérian, lorsqu’on ouvre les yeux, c’est plus de 70% de la population (54% en 2004) qui vit sous le seuil de pauvreté (1) et plus de 40% des jeunes sans emploi qui vivent de débrouillardise quotidienne. Encore une fois, le schéma capitaliste se répète, ces chiffres sont l’illustration de la main mise d’ 1% de la population qui contrôle 80% des richesses du pays, ceci vient s’ajouter à la corruption endémique du gouvernement qui – toutes fonctions administratives confondues – absorbe 30% du budget de l’Etat. Les législateurs nigérians sans aucun scrupule se payent mieux que Barack Obama, les sénateurs touchent 720.000 $ contre 400.000 $ l’année pour le président US. Non content de se payer grassement, les brigands du gouvernement détournent allègrement les bénéfices dus aux revenus du pétrole. En effet, le secteur des hydrocarbures perd en moyenne 30 milliards $ par an avec la complicité des multinationales et de courtiers indépendants, le tout ajouté aux opérations de sabotage de groupuscules de plus en plus violents (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger). Il faut dire que les mouvements non-violents des années ‘90 se sont fait réprimés dans la violence et beaucoup de leurs activistes ont soit été assassinés soit emprisonnés (Ken Saro-Wiwa du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni -MOSOP-par exemple).

    Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, alors que sa population s’élevait à 55 millions d’habitants en 1970, elle est aujourd’hui estimée à un peu plus de 170 millions de vies humaines dont 2/3 ont moins de 25ans. D’ici 2050 le Nigéria devrait être le 3ème pays le plus peuplé au monde. Un potentiel énorme en termes de mouvements de masses qui vont certainement continuer à se produire.

    Le gouvernement de Good Luck Jonathan, comme les gouvernements précédents, pratique un clientélisme dans la «redistribution» des revenus du pétrole. Le président Goodluck est un chrétien du sud (les régions pétrolifères) et les membres de son gouvernement font prioritairement manger leurs proches, le taux de pauvreté atteint 80% dans certains Etats du nord du Nigeria. Cette politique de ‘‘diviser pour mieux régner’’ aggrave le problème de la question nationale qui n’a jamais été résolu.

    Mais il ne faut pas se mentir, la pauvreté est aussi très présente dans le sud, le peu de revenus qui y parvient est détourné par les dirigeants locaux et le reste sert à y corrompre les activistes, les militants et les membres de la société civile. Le nord a peur de ne plus avoir accès au fédéral et l’entourage du président fait tout pour garder le pouvoir. Pour s’accrocher à leur pouvoir, ils corrompent ceux qu’ils peuvent (et sécurisent ainsi leurs intérêts) et combattent les autres (opposants, objecteurs de conscience, activistes) sans distinction, ce qui accentue la crise nationale.

    En plus de la confession et de la provenance géographique, vient s’ajouter une mosaïque ethnique des plus complexes, avec plus de 374 ethnies présentes, dont 3 (Igbo, Yoruba, Hausa) représentent 58% de la population (2). Cette situation est héritée du processus non démocratique par lequel les différentes ethnies ont été soumises au joug de l’impérialisme britannique en 1914 avec la fusion des provinces du nord, du sud, et de la colonie de Lagos en une colonie du Nigéria. L’indépendance de 1960 a simplement remplacé l’impérialisme britannique par une minorité dirigeante capitaliste de Nigérians qui, de génération en génération, a aggravé les conditions de vie et l’exploitation de la vaste majorité des Nigérians.

    La guerre du Biafra de 1967 à 1970 a failli conduire à la scission du pays, d’ailleurs il y a 8 ans, une étude de l’ONU envisageait une balkanisation du Nigéria. Le pays n’en est peut être pas encore à ce stade, mais les crises répétées, la mauvaise gestion et les contradictions du pouvoir menacent effectivement l’existence du Nigéria. Le DSM est avant tout pour une unité de la classe ouvrière, mais soutient le droit de chaque ethnie à l’autodétermination, jusqu’à la sécession si elle a été voulue par référendum et soumise à un vote démocratique direct.

    Le secteur agricole est le premier employeur du pays avec près de 70% de la population qui en dépendent. Malgré une énorme superficie de terres fertiles souvent sous-exploitées, cette proportion tant à baisser avec un exode rural sans précédent (Lagos est passé de 300.000 habitants en 1950 à 15 millions aujourd’hui) et la prolifération de méga-fermes qui, contrairement aux petits paysans qui ont toujours des méthodes de récolte primitives, bénéficient de subsides de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’a pas atteint l’indépendance alimentaire pourtant possible avec des investissements cohérents. Pour l’instant, le Nigéria importe pour 200 millions $ de nourriture américaine par an. Le ministère fédéral de l’agriculture et du développement rural a récemment proposé de distribuer plus de 10 millions de téléphones portables à des petits fermiers pour une valeur d’à peu près 20 € chacun (3). Encore une fois, cette initiative semble être un moyen de siphonner les fonds publics. Les agriculteurs ont prioritairement besoins de fonds, pas de téléphones, d’investissements dans le réseau routier, de puits de forages pour une meilleure irrigation, de services médicaux de bases pour eux et leurs familles qui sont leur main d’œuvre principale.

    Pour rester dans le secteur de la téléphonie mobile, l’explosion du nombre de numéros de téléphones ces 11 dernières années (10 millions par an) est en fait une croissance superficielle du secteur de la communication. En réalité, seuls 30 millions de personnes sur 170 ont accès au téléphone. La défectuosité du réseau fait que ceux qui ont les moyens d’avoir un numéro en ont généralement 3 ou 4 pour être joignables. Il faut ajouter que cette ‘‘success story’’ nigériane ne profite qu’à 1% de la population active qui travaille dans le secteur des télécoms. Les 50 milliards $ engrangés par le secteur ces 10 dernières années ne participent pas à la croissance mais plutôt à une extraction ou plus précisément une exportation d’une partie des revenus des Nigérians.

    En plus de l’éducation et de la santé, qui ensemble n’égalent pas la part du PIB dédiée au remboursement de la dette (30%), l’électricité est un autre de ces secteurs qui a et qui continue de manquer cruellement d’investissements malgré les belles promesses de Goodluck et 24 milliards $ censés avoir été investis durant l’ère Obasanjo dans l’amélioration de l’approvisionnement en électricité…

    Pour exemple, l’Afrique du Sud, qui en nombre d’habitants équivaut à un tiers de la population nigériane, produit un peu plus de 40.000 mégawatts d’électricité annuellement et ce n’est même pas assez pour toute la population dont la majorité de toutes façons ne peut pas se permettre l’accès au réseau. Le Nigéria, lui, produit annuellement 4000 mégawatts d’électricité dont 1000 ne peuvent pas être distribués à cause de ‘‘lignes électriques qui sont restées faibles depuis des années’’ d’après les termes du président Jonathan en déplacement au Pakistan. Le Nigéria se retrouve avec 30% de sa population ayant possiblement accès à l’électricité mais sans garantie de livraison, ceux qui le peuvent n’ont donc d’autre choix que d’acheter un générateur… Pour régler le problème, la stratégie du gouvernement a été une augmentation de 100% des tarifs d’électricité pour rendre le secteur attractif aux investissements privés, suivi de la revente des plans de productions à 10% de leurs valeurs d’investissements. (4) Inutile de préciser que le problème est toujours plus que présent, et que même la capitale vie dans le noir.

    ’‘Ne trahissez pas la lutte !’’ (5)

    En janvier 2012, le gouvernement Jonathan a décidé d’implémenter 4 mois à l’avance l’arrêt des subventions sur l’essence, pensant profiter du réveillon du nouvel an, pour faire monter le prix du pétrole du jour au lendemain de 30 à 66 cents. Dès le lendemain, le Nigéria a montré que les mouvements révolutionnaires observés en Tunisie et en Egypte n’étaient pas uniquement l’apanage du Maghreb ou du Moyen Orient. L’augmentation des prix de l’essence resserrant le nœud autour de la corde déjà au cou de nombreux Nigérians a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère qui a abreuvé les Nigérians en soif de changement.

    La chute des revenus des Nigérians, l’extrême pauvreté généralisée, les transports en commun éventrés, le délabrement du système de santé, l’éducation abandonnée, sont autant de facteurs qui ont ouvert la boîte de pandore. Mais c’est surtout l’écart de richesse de plus en plus grandissant entre les 1% des plus riches, généralement des politiciens devenus millionnaires du jour au lendemain grâce aux revenus du pétrole qui devraient servir à améliorer les conditions de vie de la population, et cette même population exsangue, qui ont poussé les masses dans la rue dès le 2janvier 2012.

    Pendant sept jours les jeunes et les masses désorganisées étaient dans la rue, mais c’est le 9 janvier, avec l’entrée en jeu de la classe ouvrière organisée et le mot d’ordre de grève générale indéfinie – qui en plus de poser la question du pouvoir est l’équivalent d’une insurrection -, que la donne a complètement changé.

    Le mouvement est parti de quelques dizaines de milliers de manifestants par ville à plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues par manifestation (1 million rien qu’à Lagos), celles-ci se sont rapidement étendue à plus de 10 Etats et ont rassemblées plus de 40 millions de personnes nationalement. Malgré seulement 10% de travailleurs syndiqués, c’est le pays tout entier qui était en suspend, l’activité économique était à l’arrêt, mais surtout, le régime (et même l’opposition) ainsi que le système capitaliste faisaient face à un vrai risque d’effondrement. Même Boko Haram (islamistes fondamentaux du nord qui ont fait plus de 3000 morts ces 4 dernières années) était isolé et a préféré faire profil bas pendant toute la durée des manifestations, voyant clairement qu’avec la montée de la lutte des classes, l’action de masse collective était préférée par tous et ne laissait aucune place au actions terroristes individuelles. Comme en Egypte, on a vu des groupes de manifestants chrétiens, débout, protégeant les musulmans pendant leurs prières. Les divisions ethniques, géographiques, linguistiques ont elles aussi disparues pour laisser place à une conscience de classe.

    Avec la propagation du mouvement, les travailleurs et les masses ont réalisé qu’il fallait plus de détermination pour vaincre le régime. Des slogans tels que ‘‘Jonathan doit partir !’’, ‘‘we want good gouvernance not Goodluck’’ étaient scandés en cœur, les masses avertissaient les dirigeants syndicaux de ‘‘ne pas trahir le combat !’’ La classe dirigeante, dos au mur, a fait ce qu’elle fait dans ce genre de situation, elle a brandit la menace d’une répression à grande échelle menée par l’armée. C’était sans compter que beaucoup de policiers et de membres de l’armée (généralement les moins gradés) montraient de la sympathie au mouvement, allant jusqu’à applaudir certaines manifestation.

    Néanmoins, les dirigeants syndicaux (TUC et NLC) ont pris cette menace de répression comme excuse pour mettre fin à la grève générale le 16 janvier, unilatéralement bien évidemment, renforçant ainsi le régime et diminuant la confiance des travailleurs en leur capacité de combattre face à l’oppression.

    Il y a eu au total 20 morts et 600 blessés sur l’ensemble des manifestations, ce qui est ‘‘moyen’’ selon les standards de répression nigérians. Malgré cela, certaines manifestations ont continué ici et là, mais il manquait une alternative politique crédible et combattive vers laquelle les mouvements toujours combattifs auraient pu se tourner.

    Alors que la grève aurait pu mener à un changement de régime et pourquoi pas de système si la direction avait été courageuse, le but du NLC et du TUC était avant tout de récupérer le mouvement, ils ne s’attendaient pas à être dépassés par son ampleur ni à la tournure qu’il a pris. Alors que celui-ci commençait à remettre globalement le système en question, les directions syndicales ont préféré simplement jouer la carte de la frayeur afin d’avoir des concessions rapides du pouvoir. Au final, la grève aura simplement mené à une remise en place partielle des subventions sur l’essence, ramenant le prix à 45 euro cents par litre, après être monté de 30cents initialement à 66ç/L le 1er janvier 2012.

    Face à la menace d’utiliser la répression, une direction syndicale plus combative aurait dû lancer un appel de classe aux militaires et aux policiers aussi concernés par les problèmes des manifestants.

    Et pour être plus productif encore, il aurait fallu former des comités démocratiques de défense (armés si nécessaire) pour protéger et défendre les rassemblements et les manifestants.

    Encore mieux, avec une direction audacieuse, la menace du régime d’utiliser la répression aurait pu permettre au mouvement et aux travailleurs de passer à l’offensive et de fermer la production de pétrole, prendre le contrôle des transports aériens, maritimes, routiers ainsi que des services et des échanges de biens. Cela aurait complètement changé le rapport de force en faveur du mouvement et isolé le gouvernement.

    Une direction téméraire aurait permis d’enfin mettre sur la table la possibilité d’une transformation profonde du Nigéria, de le retirer des mains des capitalistes locaux et étrangers qui pillent le pays depuis des décennies, et de se diriger vers un gouvernement socialiste de pauvres, de jeunes et de travailleurs afin que les ressources du pays soient utilisées dans l’intérêt de tous et non d’une poignée de kleptocrates.

    Mais c’était sans compter que le TUC et le NLC attendent de pouvoir manger leur part du gâteau, ils n’ont pas d’idée d’alternative à apporter au capitalisme, d’où leur approche contre productive lors des évènements de 2012, et leurs positions pro-capitalistes en général.

    Grève générale de 48h pour la mise en œuvre effective du salaire minimum

    En mars 2011, quelques jours avant les élections présidentielles, le Président Goodluck Jonathan a ratifié la loi garantissant le salaire minimum à 18.000 Niaras (83,5 €), une mesure clairement électoraliste pour pousser les travailleurs à voter pour son parti, le PDP (le Parti démocratique populaire). Un fifrelin à côté des revenus du pétrole et surtout encore plus quand on voit ce que gagne un sénateur indemnités comprises : 720.000 $/ans. 3 ans auparavant, le NLC avait demandé à ce que le salaire minimum soit de 58.000 Niara (269 €), le syndicat s’est finalement contenté d’accepter sans revendications la baisse de celui-ci à 18.000 Niaras malgré le fait qu’avec l’inflation (13% l’an passé et jusqu’à 50% pour certains biens de consommation), les augmentations du prix de l’électricité, des frais scolaires etc. ça n’est clairement pas suffisant.

    Cependant, 2 ans après, les gouverneurs des Etats s’abritent derrière un soi-disant manque de financement de l’Etat fédéral pour ne pas payer ce salaire minimum. Pire encore, récemment, le Sénat (Chambre haute de l’assemblée nationale) a voté l’exclusion de la loi sur le salaire minimum de la ‘‘liste législative exclusive (Exclusive Legislative List)’’, permettant ainsi à chaque Etat de déterminer ce qu’il veut (le gouverneur dira ‘‘ce qu’il peut’’) payer aux travailleurs. Encore plus, ça empêcherait dans le futur toute lutte sur le plan national pour une augmentation du salaire minimum, celui-ci étant devenu une compétence des Etats. L’insensibilité du Sénat veut que les sénateurs se soient octroyés une pension à vie le jour-même où ils ont voté le retrait de la loi sur le salaire minimum de la Liste Exclusive de la Constitution. Certains gouverneurs se targueront certainement de payer le salaire minimum, après l’avoir baissé dans leur législation évidemment… L’argument derrière ce retrait, est la volonté d’un ‘‘véritable fédéralisme’’ qui n’est pas mis en avant lorsqu’il s’agit de payer les gouverneurs dont le salaire est déterminé par une agence fédérale au niveau national. Heureusement pour l’instant il y a un statu quo car la chambre des représentants (chambre basse de l’assemblée nationale) a voté contre le retrait de la loi sur le salaire minimum de la List Exclusive Legislative.

    Alors que cette attaque du Sénat sonne comme un coup de semonce au TUC et au NLC pour défendre résolument les droits et conditions de vies des travailleurs, encore une fois, la direction du NLC et du TUC ne fait rien pour mobiliser les travailleurs et rien non plus pour expliquer pourquoi la loi doit rester sous la Liste Exclusive de la Constitution. Dans les Etats où les travailleurs ont combattu ardemment pour l’implémentation effective du salaire minimum, les directions du NLC et TUC ont fermé les yeux (et les oreilles, et la bouche). Au lieu de lancer un appel à la grève générale, les travailleurs sont abandonnés aux désidérata de leurs gouverneurs. La seule grève annoncée par les directions syndicales nationale a été annulée le 20 juillet 2011 alors que la détermination des travailleurs avait atteint son paroxysme. Pire, Abdul Wahed Omar, président du NLC, a avoué que dans certains Etats, les directions syndicales négociaient à la baisse le salaire minimum si les gouverneurs de ceux ci arrivaient à prouver leur inhabilité à payer les 83€ (6). Certaines entreprises privées refusent tout simplement de payer le salaire minimum sans aucune justification si ce n’est celle du profit maximum pour l’entreprise et les actionnaires. Encore une fois les directions syndicales ne font rien. Au mieux, celle-ci se lamentent et se contentent de lancer des menaces dénuées de tout contenu.

    C’est ce manque de combativité du NLC et du TUC qui implicitement donne carte blanche aux législateurs pour sabrer encore plus les acquis des travailleurs.

    Le Parti Socialiste du Nigeria (SPN) appelle le Congrès du travail du Nigéria (NLC) et le Congrès des syndicats (TUC) à commencer dès à présent une mobilisation pour une grève générale nationale de 48 heures ainsi qu’à organiser un mouvement de masses pour s’opposer à cette décision du Sénat de retirer la loi sur le salaire minimum de la liste Exclusive qui va à l’encontre des droits des travailleurs, et aussi de commencer sans plus attendre la lutte pour une mise en œuvre complète et effective du salaire minimum de 83€ à tous les niveaux.

    Les directions syndicales doivent aussi aller dans les entreprises privées qui refusent de payer le salaire minimum avec un plan d’action et des meetings pour sensibiliser puis mobiliser les travailleurs pour des piquets de grèves et des manifestations massives en cas de refus de paiement. Les droits sont rarement donnés, ils sont arrachés !

    ‘‘L’éducation est un droit ! Le changement de système est notre but !!!’’

    L’investissement du gouvernement dans l’éducation au Nigeria ne représente que 8% de la part du PIB alors que celui-ci devrait atteindre 26% d’ici 2020 pour rejoindre les normes internationales, mais encore une fois rien n’est fait.

    Comme dans beaucoup de pays du monde, les étudiants ont du mal à payer leurs frais d’inscription à l’université, donc beaucoup n’y mettent jamais les pieds. Par exemple, le minerval de l’université d’Etat de Lagos (LASU) est passé de 120 € à 1.500 €. Ceux qui y ont accès et qui parviennent à payer leurs études jusqu’à la fin de leur parcours académique se retrouvent presque systématiquement au chômage (quelques centaines sur 10.000 trouvent un emploi). Et même ceux qui travaillent n’ont pas la garantie d’avoir un salaire qui leur permettra de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille par la suite.

    Les hommes d’affaires et propriétaires terriens du Sénat et de la Chambre des représentants font ce qu’ils font le mieux, ils privatisent et commercialisent l’éducation. Bien que la plupart des membres de l’assemblée nationale ont été formés à l’école publique, leurs enfants allant dans des écoles privées (99%), l’éducation publique est abandonnée à son sort.

    Plutôt que de rénover les bâtiments, certains sont détruits prétextant de nouvelles constructions qui souvent ne voient jamais le jour. Il s’agit là encore de chantiers de détournements de fonds publics. Le trop faible investissement dans l’éducation (infrastructures et programmes de cours), l’irresponsabilité de la classe dirigeante pousse depuis des années les étudiants et les professeurs à manifester, malheureusement souvent passivement, leur mécontentement.

    Un peu partout dans le pays, le NUT (National Union of Teachers) est en grève passive/casanière (sit-at-home strike) depuis le 1er juin dans les Etats où l’indemnité particulière des professeurs (TPA – Teacher’s Peculiar Allowance) n’est pas effectivement payée. La direction de l’ASUU (Academic Staff Union of Universities – Syndicat du personnel académique des universités) a lancé une action de grève indéfinie car le gouvernement rechigne à mettre en place les accords de 2009 pris avec le syndicat concernant le financement (et la rénovation) d’infrastructures, de locaux, et des programmes de cours académiques ainsi que l’augmentation de leurs salaires. Deux des syndicats du polytechnique (secteur des sciences et des technologies, génie civil) sont en grève depuis 3 mois, il s’agit de l’ASUP (Academic Staff Union of Polytechnics – syndicat dupersonnel académique du polytechnique) et du SSANIP (Senior Staff Association of Nigeria Polytechnics – association du personnel senior des polytechniques du Nigeria). Ils ont mis en suspend leur grève après 78 jours avec menace de la reprendre si le gouvernement ne montrait pas concrètement qu’il s’attelait à répondre à leurs demandes. Cette grève a d’ailleurs surpris le gouvernement qui ne s’attendait pas à voir les élèves de polytechnique soutenir leurs professeurs. (7)

    Nos camarades du DSM (Mouvement démocratique socialiste) ont lancé le ERC (Education Rights Campaign – Campagne pour les droits à l’éducation) en 2004 afin de pourvoir une plateforme qui soutient le droit à une éducation gratuite (via un financement adéquat), efficace et gérée démocratiquement.

    C’est par le biais d’affichages massifs, de distributions de tracts, de rassemblements, de conférences et de meetings qu’ils mènent campagne contre l’augmentation brutale des frais scolaires et la médiocrité des conditions d’étude et de logement.

    Ils sont contre la victimisation des étudiants activistes et l’interdiction des syndicats étudiants dans certaines universités, quand ils ne sont pas récupérés ou infiltrés par des agents du gouvernement. Il supportent les travailleurs de l’enseignement dans leurs demandes pour de meilleures paies et conditions de travail, et ils mènent campagne pour que les étudiants puissent construire leurs syndicats comme des organismes de lutte, démocratiques, basés sur la masse, avec une direction courageuse et révocable à tout instant.

    L’association nationale des étudiants du Nigéria, le NANS, est l’organe qui est censé représenté les étudiants au niveau national. Mais celui-ci est pro establishment, corrompu et la plupart de ses dirigeants ne sont mêmes pas des étudiants. Dans certaines zones des motions de censures contre le président ont d’ailleurs été votés. Souvent contre productif lors de mouvements de grèves, le syndicalisme au NANS est monétisé et politisé. Localement, les syndicats d’étudiants ont généralement à leur tête des personnes inexpérimentées ou pro capitalistes. Et d’autres syndicats d’étudiants sont tous simplement interdits par certaines directions scolaires.

    Il faut une lutte commune du corps professoral et estudiantin afin d’éviter que l’un ne soit contreproductif ou se plaigne de l’autre et il est nécessaire qu’une prise de conscience globale des professeurs et des étudiants qu’une avancée pour l’un est une avancée pour l’autre émerge.

    Il ne faut pas des grèves passives où les professeurs et étudiants restent chez eux, mais des manifestations où ils sont actifs et marchent côte-à-côte ; pour ça, il faut des meetings, des distributions de tracts des conférences afin de conscientiser les plus larges couches possibles d’étudiants de professeurs mais aussi de la population (les parents d’élèves notamment).

    C’est pourquoi le Parti Socialiste du Nigéria lance un appel à la direction du NLC et du TUC pour une mobilisation en vue d’une grève générale de 48h et des mouvements de masses qui réuniraient les pauvres, les jeunes au chômage, les étudiants, et les travailleurs afin de transformer le Nigéria.

    Les étudiants sont les travailleurs de demain, il est donc indispensable que les principaux syndicats de travailleurs se joignent à la lutte pour le sauvetage de l’éducation nigériane et par la même occasion face pression sur le gouvernement pour l’implémentation effective du salaire minimum et la fin des violences policières (certains étudiants qui manifestaient contre les mesures d’austérités prises par les gestionnaires de l’éducation se sont fait tuer lors de manifestations). (8)

    Le Parti Socialiste du Nigeria, l’alternative socialiste qui se construit : ‘‘Un parti pour les millions (pauvres, jeunes et travailleurs ndlr) et non pour les pillards millionnaires’’

    Pour paraphraser Mark Twain : ‘‘Les chiffres et les faits montreraient probablement qu’il n’existe pas de classe criminelle Nigériane distincte à part l’assemblée nationale.’’ (9) La population en a marre de voir ses richesses pillées par les kleptocrates au pouvoir en collaboration avec les multinationales présentent sur le terrain. Non content de siphonner les ressources naturelles, le pouvoir en place vampirise son peuple en augmentant tour à tour, le prix de l’électricité, les frais d’inscriptions, l’essence tout en attaquant le droit des travailleurs à un salaire décent et des étudiants à des syndicats démocratiques.

    En plus de ces problèmes économiques dont on ne parle que trop peu dans nos médias occidentaux, le Nigéria est devenu tristement célèbres ces dernières années par les attentats répétés de Boko Haram dans le nord du pays.

    Le problème de Boko Haram est à mettre en lien avec la question nationale non résolue depuis l’indépendance. Alors que la gauche petite-bourgeoise esquive la question nationale, nos camarades du DSM plaident pour une conférence de souveraineté nationale avec une majorité de représentants élus de travailleurs pour parler de la question nationale ainsi que des problèmes économiques, afin de décider de la marche à suivre, car ceux ci doivent être réglés pour pouvoir régler, entres autres, le problème de Boko Haram.

    L’Islamisme fondamental qui a fait 3600 morts depuis 2009 selon Human Rights Watch, est le résultat de l’échec de la prise en main sérieuse de la question nationale par les gouvernements successifs, de l’état délabré de l’économie nigériane, du manque d’investissement dans l’éducation, de la pauvreté abjecte de certaines région, de l’abandon de certaines régions par l’administration qui n’est là que pour s’enrichir, en somme de la mauvaise gouvernance qui définit la classe dirigeante nigériane depuis son indépendance.

    Boko Haram se présente comme une réponse à la politique dirigeante, d’ailleurs, ce groupuscule est le plus enraciné au nord dans les provinces les plus pauvres et s’est développé le plus facilement après une catastrophe naturelle ignorée par l’Etat. Ce groupe terroriste n’est pas une création récente mais est une entité qui s’est développée graduellement par effet boule de neige jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. Boko Haram, qui signifie littéralement ‘‘la société occidentale est diabolique’’, reflète rien que dans son nom une haine de tout ce que représente l’occident, cette haine est alimentée par le Big Business de la capitale et la richesse exubérante des dirigeants. Le gouvernement, utilise Boko Haram comme alibi pour augmenter la militarisation du pays (la loi martiale est déjà effective dans 2 Etats sur 3) et ainsi harceler et intimider toute personne ou groupe qui serait critique envers le gouvernement. On voit comment les attaques contre les droits démocratiques de la population vont de pair avec la protection des intérêts capitalistes de la classe dirigeante. (10)

    Le TUC et le NLC ont échoué à la construction d’un authentique parti démocratiquement géré par les travailleurs, les masses et les pauvres, et dévoué à la répartition équitable des ressources humaines et naturelles pour le bénéfice de tous. Le Parti Travailliste (Labour Party), créé par le NLC et dont nos camarades du DSM ont aidé à la construction dans les années ‘90 avant de s’en faire exclure, est aujourd’hui une autre de ces factions politiques qui se dit ‘‘l’alliée des travailleurs’’ tout en dinant à la table du grand capital, protégeant ses intérêts et se désolidarisant du peuple lorsque les politiques anti pauvres s’acharnent sur la population. L’organisation interne du parti n’a plus rien de démocratique non plus. Pour qu’un aspirant ait une chance de se faire élire à un poste, il doit mettre la main à la poche et payer les leaders du parti jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Niaras (jusqu’à 5000€) afin de pouvoir concourir pour le poste.

    En 2003, nos camarades se sont présentés avec un programme socialiste en tant que candidats du Parti de la Conscience Nationale (NCP) qu’ils ont permis de transformer en un véritable parti politique alors qu’il n’était qu’une conscience, un mouvement de protestation balbutiant. Ils ont obtenu d’impressionnants résultats, 2ème avec plus de 77.000 voix officiellement dans le district sénatorial ouest de Lagos, malgré des preuves de bourrages d’urnes, d’achats de voix, et autres fraudes électorales. On a fait les meilleurs scores du NCP à l’échelle nationale sur base d’un programme résolument socialiste. Malheureusement, l’histoire a fait que nos camarades ont dû quitter ce parti après le virage à droite de sa direction et de son programme. Nos camarades ont néanmoins pu recruter des éléments désabusés du parti qui aujourd’hui jouent un rôle de cadre important dans le DSM. (11)

    Le Mouvement Socialiste Démocratique (DSM) n’est pas officiellement reconnu comme un parti politique au Nigéria. Pour ce faire, il faut que les membres du Comité National Executif viennent de 24 des 36 Etats du pays, il faut avoir son quartier général à Abuja (ce qui coûte 5000€), et payer 5000€ en plus uniquement pour enregistrement du parti (contre 25€ en Afrique du Sud).

    En plus des difficultés financières, la répression à l’encontre de nos camarades est grandissante. Lors des rassemblements du 1er mai, 15 de nos camarades se sont fait arrêtés pour avoir distribué des tracts du SPN et vendu leur journal (Socialist Democraty), leur matériel politique a bien entendu été détruit. Il a fallu que les camarades se mobilisent internationalement et localement pour faire pression sur les autorités locales pour que nos camarades aient finalement été libérés.

    L’Implosion et les conflits internes du parti travailliste et des autres partis « de gauche » en plus de leur soutien tacite aux politiques d’austérité du gouvernement, envoient des messages contradictoires aux électeurs et à leurs membres qui ne savent plus vers qui se tourner. Sans alternative sérieuse, certains envisagent même parfois l’armée, en cas de crise prolongée, comme solution salvatrice malgré les 3 décennies de juntes militaires au pouvoir qui n’ont pas amélioré la situation du pays et les problèmes ethniques qui s’y retrouvent comme dans le reste du pays.

    C’est pour toutes ces raisons que l’activité politique principale de cette dernière année de nos camarades du DSM a été la construction d’un parti plus large, le SPN.

    La seule façon de régler la question nationale, de mettre fin à la corruption des élites dirigeantes, d’avoir des salaires décents, de pousser les investissements massifs dans la santé, les transport, les infrastructures, l’éducation et d’arrêter leurs démembrement et privatisations ; la seule voie pour mettre fin à la misère dans laquelle vie la grande majorité de la population Nigériane malgré l’extraordinaire abondance de ressources humaines et naturelles, est de mettre en place un système socialiste ou le propriété des secteurs clés de l’économie est collective et sous la gestion démocratique des travailleurs eux-mêmes. C’est à cela que s’attèlent nos camarades du DSM avec la construction du SPN, avec le soutien moral, physique et financier des autres sections du Comité pour une Internationale Ouvrière qui militent pour donner corps à un véritable socialisme partout dans le monde.


    Notes :

    (1) http://www.bloomberg.com/news/2011-01-18/nigeria-s-poverty-ratio-rises-to-70-of-population-trust-says.html

    (2) http://www.unrisd.org/80256B3C005BCCF9/search/C6A23857BA3934CCC12572CE0024BB9E?OpenDocument&language=fr

    (3) http://www.punchng.com/news/we-need-funds-not-phones-farmers-tell-fg/

    (4) http://www.reuters.com/article/2013/06/03/nigeria-electricity-privatisation-idUSL5N0EF27H20130603

    (5) « Socialist Democracy » March/April 2013 (et 2012) p.7, Nigeria’s general strike/mass protest against fuel price hike, Vital lessons for the working class and youth, by H.T. Soweto,

    (6) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2195

    (7) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2192

    (8) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2188

    (9) It could probably be shown by facts and figures that there is no distinctly native American criminal class except Congress. – Pudd’nhead Wilson’s New Calendar

    (10) http://pmnewsnigeria.com/2013/08/14/how-boko-haram-was-created-arogundade/

    (11) Marx is back, CWI Summer School 2013 Monday 22nd July Daily bulletin, building in Nigeria, for a party that truly represents working class people.

  • Afrique du Sud : Un an après le massacre de Marikana

    Tant les capitalistes que la classe des travailleurs se préparent à des troubles sans précédent

    Le 16 août 2012, à Marikana, une ligne sanglante a été tracée dans le sable politique de l’Afrique du Sud après que la police ait froidement abattu 34 grévistes et blessé 78 autres. Les quelques secondes de ce massacre qui sont passées à la télévision ont démoli des décennies d’illusions soigneusement entretenues par le gouvernement de l’ANC (le Congrès National Africain) et l’Etat capitaliste. Ce recours de l’Etat à la forme la plus brutale de répression contre les grévistes de l’entreprise minière britannique Lonmin a mis en branle une nouvelle période de révolution et de contre-révolution dans le pays.

    Liv Shange, Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)

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    Pour en savoir plus:

    Un an plus tard, l’offensive des patrons des mines contre les emplois et les droits des travailleurs ne cesse de prendre de l’ampleur. Mais les leçons du massacre de Marikana sont profondément enracinées dans la conscience de millions de travailleurs et de jeunes, et cela prépare le terrain pour de plus amples bouleversements axés autour de l’industrie minière, le secteur économique central du pays.

    Marikana : nous n’oublions pas

    Le massacre du 16 août 2012 était une opération soigneusement orchestrée, dont l’objectif était d’écraser le défi représenté par les travailleurs de Lonmin pour le gouvernement et l’ordre capitaliste. A la suite de jours (et d’années) de répression, des milliers de travailleurs s’étaient rassemblés sur la colline, ‘‘la montagne’’ clôturée de barbelés qui surplombe Marikana, mais ils ont été attaqués par derrière à coups de tirs d’armes automatiques et de canons à eau. Chassés vers l’ouverture de cinq mètres dans la clôture, un premier groupe a été littéralement abattu devant les caméras. La majorité des personnes tuées et blessées a ensuite été portée hors de vue des caméras, au milieu de rochers et de buissons d’une autre petite colline. Beaucoup de victimes ont été abattues à bout portant, dans le dos ou alors qu’elles levaient les bras en l’air pour se rendre. La police a délibérément détruit les visages des morts en roulant sur leurs crânes avec des véhicules blindés. ‘‘L’enquête’’ de la police a par contre été bien moins préparée. Il s’agissait très clairement d’une maladroite tentative de couvrir cette violence.

    La véritable histoire de Marikana a été largement connue grâce à la ténacité des travailleurs qui ont poursuivi leur combat après le massacre, la grève se développant même à l’échelle de toute l’industrie minière nationale. Dans les jours qui ont précédé et suivi le massacre, l’opinion publique avait subi un déluge virtuel de propagande vicieuse contre les travailleurs de Lonmin et leur lutte. Suite à la trahison du Syndicat national des mineurs (le NUM), les travailleurs n’ont eu d’autre choix que de prendre eux-mêmes en main la lutte pour un salaire décent. C’est pour ce ‘‘crime’’ qu’ils ont eu à faire face à une répression abjecte et ont été dépeints comme des criminels sanguinaires et assassins, comme des sauvages possédés ou encore comme de malheureuses victimes des manipulations d’une ‘‘troisième force’’. Jeremy Cronin, du Parti ‘‘communiste’’ sud-africain (SACP) a remporté la palme en condamnant publiquement les grévistes en tant que ‘‘gros bras de la mafia du Pandoland’’ (une région d’Afrique du Sud). L’Etat, de son côté, n’a cessé de marteler le refrain de ‘‘l’auto-défense’’ de la police devant la Commission Farlam qui a enquêté sur le massacre. Cela n’a fait qu’illustrer à quel point cette parodie de procès a été déconnectée de toute réalité.

    La répression sanglante des luttes des travailleurs en général, et de celles des mineurs en particulier, n’a bien entendu pas commencé à Marikana. Tout juste deux semaines plus tôt, le 1er août 2012, par exemple, cinq travailleurs qui protestaient ont été abattus par la police à l’extérieur Rustenburg, à l’entreprise Aquarius K5. Leurs meurtres n’ont constitué qu’un nouveau paragraphe sur les pages sombres des pratiques des entreprises. L’ampleur de la violence publique infligée aux travailleurs Lonmin, qui a secoué l’Afrique du Sud et le reste du monde, ne devait rien au hasard. Il s’agissait d’une riposte calculée face au plus sérieux défi auquel faisait face l’African National Congress (ANC, Congrès National Africain) : une révolte de mineurs contre le syndicat des mineurs NUM, qui tout au long de l’ère post-apartheid a joué un rôle clé pour contrôler les mineurs et soutenir les patrons de l’industrie minière, l’épine dorsale de l’économie sud-africaine. Le NUM est devenu le pilier du Congrès des syndicats sud-africains (le COSATU) et de l’alliance dirigée par l’ANC au pouvoir (qui comprend également le Parti ‘‘Communiste’’ Sud-Africain). L’autorité du NUM n’était pas seule à être menacée. La capacité de l’ANC à préserver la confiance de la classe dirigeante capitaliste en tant que force capable de ‘‘contrôler la classe ouvrière noire’’ (selon les mots du Business Daily pour résumer la raison d’être de l’ANC) était aussi en jeu. La répression décidée par l’ANC et le grand actionnaire de Lonmin Cyril Ramaphosa (ancien dirigeant du NUM, député de l’ANC et 21e fortune africaine) devait par conséquent affirmer l’autorité de l’Etat-ANC à l’aide de fusils.

    ‘Ceci n’est pas notre gouvernement’

    “Longue vie à l’esprit de nos héros” : commémoration du massacre de Marikana ce 16 août 2013, à l’initiative du WASP.
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    La tentative de noyer la grève dans le sang a exposé aux yeux de millions de personnes quel était réellement devenu le rôle de l’ANC, du NUM,… avec une clarté aveuglante et instantanée. L’un des principaux enseignements du marxisme – que le noyau dur de tout Etat se compose de ‘‘bandes d’hommes en armes’’ qui défendent la classe dirigeante, tout en s’appuyant également sur des institutions plus ‘‘douces’’ (comme le parlement en tant que moyen de renforcer régulièrement les illusions ressenties envers le système) et avec l’aide de prolongements comme les syndicats, les partis politiques et les médias afin de justifier l’oppression des uns par les autres – a été soudainement compris bien au-delà de la portée des militants marxistes. Marikana a clarifié que le gouvernement ANC est un gouvernement dirigé par un parti qui n’existe que pour défendre les intérêts des capitalistes, que le NUM est l’outil principal pour mener à bien cette tâche et que la police, les tribunaux et les médias soi-disant neutres ne sont guère plus que les propriétés effectives des grandes de grandes entreprises.

    Ce qui découle directement de ces conclusions, c’est la nécessité d’une alternative politique pour la classe des travailleurs. Les mineurs, tout d’abord dans la ceinture des mines de platine de Rustenburg puis dans les mines de tout le pays, ont suivi l’exemple des travailleurs de Lonmin et instauré des comités de grève indépendants. Le permanents syndicaux du NUM, qui gagnaient parfois l’équivalent de dix fois le salaire d’un travailleur ordinaire, ont été chassés des bureaux syndicaux. Grâce à la diffusion de la grève, à son unification et à sa coordination, les compagnies minières et le gouvernement ont été contraints de reconnaître les comités de travailleurs. Dans l’esprit des grévistes, dès le début, cela était lié à la nécessité de renverser le gouvernement des patrons pour le remplacer par un gouvernement des travailleurs. Au fur-et-à-mesure que les travailleurs ont retrouvé confiance dans leur capacité de s’organiser, de combattre et de gagner, l’idée de construire un nouveau parti, une alternative politique à l’ANC et aux partis établis pour défendre les intérêts des travailleurs, a pris racine en tant qu’urgente nécessité. De là sont sortis le Comité de grève national sur base du développement des comités de grève locaux en octobre 2012 et le Workers and Socialist Party (WASP) fondé en décembre 2012.

    De nouvelles batailles sur le front des mines

    A partir de Marikana, la conscience de classe au sein de la classe ouvrière sud-africaine a atteint un nouveau stade. Les luttes se développent sur divers fronts, des lieux de travail aux communautés locales, sur base quotidienne. Et alors que celles-ci sont en pleine recrudescence, le contexte actuel est que les choses ne peuvent pas continuer comme avant – au sein de la classe ouvrière et de la classe capitaliste. Encore une fois, les contradictions politiques et économiques sud-africaines atteignent leur expression la plus concentrée dans l’industrie minière. Les ventes perdues suite à la vague de grèves d’août-décembre 2012 sont certainement irritantes pour les patrons, mais ce n’est pas cela qui explique les attaques actuelles contre l’emploi dans les mines : c’est le ralentissement inexorable de l’économie mondiale. Les cours de l’or et du platine ont chuté, par exemple, et les profits et marges de manœuvre des multinationales minières s’en sont retrouvés réduits. L’objectif visé par les licenciements actuels est de supprimer l’offre excédentaire de minéraux comme le platine et l’or afin de restaurer la profitabilité tout en s’en prenant à la confiance retrouvée des travailleurs.

    Avant les évènements de Marikana, des entreprises minières avaient déjà tâté le terrain pour réduire la surproduction en essayant de fermer des puits de mines autour de Rustenburg. Après avoir été forcés de battre en retraite par le mouvement de grève, ils ont repris l’offensive immédiatement après la fin des grèves en commençant un lock-out (une grève patronale par la fermeture des sites) et en expulsant 6.000 travailleurs au puits de Kusasalethu de l’entreprise Harmony Gold à Carletonville le jour du Nouvel An 2013. Amplats, premier producteur de platine au monde, a suivi en annonçant deux semaines plus tard la mise sous cocon (fermeture avec possibilité de réouverture ultérieure) de quatre puits à Rustenburg, la fermeture d’une mine et le licenciement de 14.000 travailleurs. Sous la pression du gouvernement et de la combativité des mineurs, ces chiffres ont été revus à trois puits et à 6000 travailleurs pour l’instant. Alors que l’AMCU (Association of Mineworkers Union et Construction, née d’une scission de la fédération des syndicats d’Afrique du Sud COSATU) est toujours empêtrée dans les consultations avec les patrons concernant cette ‘‘révision stratégique’’, les patrons agissent déjà et comptent bien finaliser leur projet pour la deuxième moitié de l’année 2013. De son côté, AngloGold Ashanti a annoncé la réduction d’un tiers de sa production mondiale en un an, plus que probablement essentiellement en Afrique du Sud.

    Tout comme Amplats, Glencore Xstrata est un cas pilote pour la classe dirigeante. Eux aussi comprennent bien cette vérité de la classe ouvrière : une attaque contre un est une attaque contre tous. Tout au long de l’année 2013, l’industrie minière n’a cessé d’être marquée par des grèves spontanées dirigées par les travailleurs eux-mêmes. À la mine de chrome de Glencore Xstrata à Tubatse (région de Limpopo), 2000 travailleurs ont protesté contre le fait que la société ait protégé un superviseur blanc raciste qui avait agressé un travailleur noir. La société a immédiatement agi en déclarant la grève illégale et en licenciant les 2000 travailleurs avec le soutien de tous les patrons des mines et des spéculateurs internationaux. Les patrons de Xstrata Glencore veulent empêcher toute victoire des travailleurs aujourd’hui engagés dans la bataille pour récupérer leurs emplois, avec le soutien du Workers and Socialist Party (WASP) et du Democratic Socialist Movement (DSM, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud, active au sein du WASP). Certains commentateurs bourgeois parlent d’une possible réduction d’emplois de l’ordre de 200.000 postes au cours des quelques prochaines années. Pendant ce temps, la monnaie nationale (le Rand) baisse, de même que le taux de croissance et les recettes fiscales. L’inflation est la hausse, tout comme le taux de chômage et la dette publique. L’économie sud-africaine approche d’un point tournant que craignent tous les analystes pro-capitalistes, car cela peut déclencher une crise sociale globale.

    Une paix sans justice ?

    En plus de ces attaques contre l’emploi dans les mines, la classe dirigeante veut se débarrasser du système de négociation collective et plus souvent recourir à une répression similaire à celle qui a pris place à Marikana. Une série ‘‘d’accords de paix’’, sous diverses étiquettes, a été conclue au lendemain du massacre. Le dernier en date est ‘‘l’accord-cadre pour une industrie minière durable’’ qui fait suite aux négociations entre le gouvernement, l’industrie et le syndicat, sous la direction du Vice-Président Kgalema Motlanthe (un ancien secrétaire général du NUM). Tout comme les accords précédents, il ne contient que de vagues promesses pour améliorer le niveau de vie dans les communautés minières. Par contre, il est beaucoup plus concret concernant le respect de la loi et de l’ordre, avec notamment le stationnement permanent de la police et ‘‘d’autres forces de sécurité’’ sur toutes les sites miniers. Les travailleurs et les syndicats devraient prendre la responsabilité de maintenir la ‘‘paix’’ alors que les patrons se préparent à la guerre. Pendant ce temps, les menaces et les assassinats contre les dirigeants des travailleurs associés à l’AMCU ont continué, provoquant parfois de sanglantes représailles.

    Cet accord-cadre est à considérer dans le cadre des tentatives du gouvernement ANC pour rassurer les capitalistes des mines et la classe dirigeante dans son ensemble sur les capacités de ce parti à regagner le contrôle de la situation après Marikana. Ce n’est bien entendu aucunement un hasard si cet accord intervient au moment du début des négociations salariales dans els secteurs de l’or et du platine, les négociations les plus polarisées depuis des décennies avec par exemple la revendication d’une augmentation de 120% contre l’offre patronale de 5% dans le secteur de l’or et le début d’une vague de licenciements de masse. L’attaque portée contre le Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud) en essayant de prendre pour bouc émissaire la membre du DSM Liv Shange accusée d’être responsable de l’anarchie dans l’industrie minière et menacée d’expulsion fors d’Afrique du Sud (voir notre article à ce sujet) fait partie des efforts visant à amoindrir la capacité de combat des mineurs.

    En dépit des efforts de l’ANC, ses déchirements internes continuellement en cours sont la preuve que ses dirigeants, par ailleurs grands gestionnaires d’entreprises, doivent encore être convaincus que les choses peuvent être gardées sous contrôle. Alors que la faction du président Zuma semble toute-puissante pour l’instant, sa paranoïa est une indication qu’elle reconnait que d’autres forces peuvent jouer un rôle grandissant, par exemple autour de du vice-président de l’ANC Cyril Ramaphosa.

    De plus en plus, la classe dirigeante sud-africaine se prépare à un ‘‘Plan B’’ sans ANC. La formation de Agang (‘‘Construire’’ en langue Sotho), un nouveau parti politique dirigé par le magnat des mines et ancienne directrice de la Banque Mondiale Mamphela Ramphele est à considérer dans ce cadre. L’opposition de droite de la Democratic Alliance s’acharne actuellement à avaler d’autres partis pour constituer une ‘‘super-opposition’’. L’ancien président de la Ligue de la Jeunesse de l’ANC Julius Malema est désormais le ‘‘commandant en chef’’ des Economic Freedom Fighters (EFF), un parti nouvellement créé, dans l’espoir de tirer profit de cette nouvelle situation avec un programme de revendications radicales. L’ANC devrait avoir à souffrir de lourdes pertes aux prochaines élections au parlement national et aux parlements provinciaux.

    Un an après Marikana, nous sommes au seuil d’une tourmente qui pourrait ébranler les bases de l’Afrique du Sud. La classe ouvrière sud-africaine vient seulement d’entamer la reconstruction de ses organisations de classe indépendantes. L’AMCU, le syndicat qui a repris une grande partie des adhésions au NUM dans la ceinture des mines de platine de Rustenburg et dans l’industrie de l’or dans le sillage des dernières grèves, doit encore démontrer comment il se comportera dans la pratique, à commencer par la lutte contre les licenciements. Jusqu’à présent, l’absence apparente de toute stratégie de riposte est une grande source de préoccupation. Le Cosatu, la fédération syndicale à laquelle appartient le NUM, semble de son côté incapable de se remettre de sa capitulation historique face aux patrons de Marikana. Les dirigeants du Cosatu ont toléré le massacre et continuent de soutenir les dirigeants de l’ANC pour leur réélection. Rien n’est fait pour mener des campagnes efficaces, au contraire, la fédération ne cesse de sombrer avec de nombreuses luttes intestines.

    Il est grand temps pour les travailleurs, les chômeurs, les jeunes et les étudiants d’agir sur base de la leçon essentielle de Marikana : il n’existe pas de force plus puissante que la classe ouvrière indépendamment organisée et unie dans l’action. Izwi labasebenzi (le Democratic Socialist Movement) appelle les mineurs du Comité national des travailleurs à travailler à l’élaboration d’un plan de contre-attaques conjointes, coordonnées entre les différents secteurs miniers et entre les syndicats afin de stopper les licenciements de masse et de lutter pour des salaires et des emplois décents.

    Nous appelons également à une journée nationale d’action contre les suppressions d’emplois, pour la nationalisation des mines, des banques et des grandes entreprises afin de les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et des collectivités locales, pour l’emploi et des conditions de vie décentes avec un bon logement et un enseignement gratuit pour tous.

    Izwi labasebenzi / DSM lutte pour l’unité de la classe ouvrière et exhorte tous les authentiques combattants de la classe ouvrière à s’unir dans la construction du Workers and Socialist Party (WASP). Le meilleur hommage que nous puissions rendre aux camarades fauchés à Marikana est de construire l’arme politique capable de vaincre leurs meurtriers une fois pour toutes : un parti ouvrier de masse armé d’un programme socialiste.

  • Afrique du Sud : des convulsions sismiques

    L’École d’été internationale du CIO qui s’est déroulée en Belgique la semaine passée, s’est ouverte sur le récit époustouflant des derniers développements épiques de la lutte des travailleurs d’Afrique du Sud, avec l’importante participation du Democratic Socialist Movement (CIO en Afrique du Sud) et le lancement du Parti socialiste et ouvrier (WASP).

    Par Nick Chaffey, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le CIO s’est réuni en Belgique cette semaine pour son école d’été annuelle. Des centaines de camarades du CIO venus d’Afrique du Sud, du Nigeria, de Tunisie et du Moyen-Orient, des États-Unis, du Canada et du Québec, du Brésil et du Venezuela, d’Australie, de Chine, de Malaisie, et de toute l’Europe, étaient présents pour discuter de la situation mondiale, du programme du socialisme, et des perspectives pour la lutte de classe des travailleurs mondiale.

    La session a été introduite par le camarade Alec Thraves du Socialist Party of England & Wales, qui a effectué plusieurs visites en Afrique du Sud, et par le camarade Mametlwe Sebei du DSM (CIO Afrique du Sud).

    L’Afrique du Sud totalement changée par le massacre de Marikana

    Alec a commencé par un aperçu des changements rapides qui se sont déroulés après la lutte des mineurs et son impact partout en Afrique du Sud et dans chaque couche de la société. Le meurtre délibéré de 34 mineurs par la police – sous un gouvernement ANC qui est soutenu par la fédération syndicale, Cosatu, et par le syndicat officiel des mineurs, le NUM (National Union of Mine Workers) – a démontré la brutalité des méthodes employées par l’État. La réponse des mineeurs a elle aussi démontré la puissance et la force de la classe ouvrière et le rôle vital que le DSM et le CIO ont joué.

    L’expérience du massacre et de la lutte des mineurs a révélé la véritable nature du régime ANC post-apartheid à de larges sections de la classe ouvrière.

    Non contents de revenir à une répression digne du temps de l’apartheid, la politique pro-capitaliste du gouvernement a créé une énorme inégalité dans la société, et provoqué un mécontentement croissant de la part des travailleurs. Des luttes se sont développées autour de la revendication d’un salaire décent partout en Afrique du Sud, mais cette revendication a été rejetée par le dirigeant du NUM, qui reçoit lui-même un salaire de 1,5 millions de rands (80 millions de francs) payé par les patrons des mines. Il n’est donc guère étonnant que les travailleurs rejettent ces dirigeants corrompus et développent leur propre lutte militante.

    C’est dans ce cadre que le DSM a joué un rôle crucial en organisant la coordination de comités de grève indépendants non officiels, en posant une alternative à la crise et en construisant une nouvelle direction.

    Alec a expliqué qu’après son discours à un meeting de masses avec les mineurs, les travailleurs étaient si enthousiastes à l’annonce de la solidarité du CIO, et de la nouvelle des énormes grèves et luttes qui parcourent toute l’Europe, qu’ils ont acheté 250 exemplaires du journal du DSM à la fin du meeting.

    Les comités de grève ont dû organiser des meetings illégaux dans des parcs, et tous les jours, les membres du DSM Liv Shange et Sebei apparaissaient dans la presse et à la télé, et recevaient chaque jour de nouvelles demandes d’aller parler à des meetings de masse.

    Une société hyper violente

    En plus des luttes pour le salaire, les travailleurs sont obligés de lutter même pour les plus basiques des services. Dans certains quartiers, on voit des travailleurs qui vivent dans des abris en tôle qu’en Europe, on n’utiliserait même pas pour y ranger des animaux ni même des outils ! Alec a ainsi expliqué que « Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau, il y a seulement la misère ». Ces conditions engendrent des problèmes tes que le crime et la consommation de drogues, mais aussi, heureusement, la croissance d’idées révolutionnaires ; le DSM a construit des sections dans les pires bidonville d’Afrique du Sud.

    Les femmes militantes ont également fait preuve d’un énorme courage, surtout à Freedom Park, où les femmes ont été terrorisées par les viols atroces perpétrés par le Golf Club Gang, et contre les attaques homophobes qui voyaient des lesbiennes avérées ou non se voir infliger des “traitements correctifs” par des violeurs qui espéraient ainsi les “soigner” de leur “maladie”.

    L’Afrique du Sud reste une des plus violentes sociétés de la planète. Récemment, un dirigeant des mineurs du Syndicat association des mineurs et de la construction (AMCU, un syndicat indépendant formé par les travailleurs contre le NUM corrompu) a été assassiné par des miliciens à la solde du NUM. Le secrétaire général du Cosatu a lui aussi parlé de sa crainte de se voir assassiné. Soixante-dix personnes ont été tuées lors de la grève des mineurs, et ç’aurait été plus encore, sans la présence et le rôle joué par le DSM. Alec nous a raconté un meeting dans un parc avec une centaine de travailleurs pendant une étape cruciale de la grève.

    La discussion était très dure politiquement, vu le danger qu’il y avait que les mineurs décident de reprendre le travail. Certains militants ont fait une proposition qui était d’envoyer un avertissement aux mineurs avant de partir tuer 50 “jaunes” (ouvriers qui travaillent malgré la grève) le lendemain. Les camarades sont intervenus pour contrer cette proposition, en demandant qu’à la place soit envoyée une délégation de représentants des mineurs pour aller discuter avec eux, démolir les arguments des patrons et convaincre plus de travailleurs de rejoindre la grève.

    Avec le soutien d’autres, des mineurs et du DSM, le Parti socialiste et ouvrier (WASP) a été officiellement lancé, et se prépare maintenant à participer aux élections l’an prochain. La lutte de classe est devenue plus intense et plus violente que partout ailleurs, et la conscience socialiste est bien plus grande. Il est vrai que nous avons de dangereux adversaires au sein de l’ANC, parmi les grands patrons et certains dirigeants syndicaux. Toutefois, nos camarades d’Afrique du Sud, comme ceux du Nigeria, du Kazakhstan et du Sri Lanka, ont mis en avant nos idées malgré les mêmes menaces. Nous avons de dangereux adversaires, mais aussi de puissants soutiens parmi les millions de travailleurs, de chômeurs et parmi tous les miséreux qui vivent dans les bidonvilles.

    Le rôle du DSM

    Le camarade Sebei, un de nos dirigeants sud-africains, nous a informé du travail du DSM et nous a expliqué comment une si petite organisation a pu se voir élevée au point où elle est en ce moment en train de jouer un si grand rôle dans un tel mouvement.

    Le DSM s’était préparé à ces évènements, grâce à son analyse complète de la situation à laquelle est confrontée l’économie capitaliste et des relations de classes en Afrique du Sud. Nous avions identifié le maillon faible de l’alliance tripartite (ANC, Parti “communiste” et Cosatu) avec sa tentative de lier et de subordonner la classe ouvrière au gouvernement, surtout vu l’importance de l’extraction de matières premières, et la façon dont le secteur des mines serait le premier touché en cas de crise économique mondiale, surtout à partir du moment où l’économie chinoise commencerait à ralentir. C’est cette analyse qui nous a décidé à nous orienter vers les mineurs de Rustenburg, et qui nous a permis de nous retrouver directement à la tête du mouvement lorsque la grève a éclaté , c’est notre analyse et notre stratégie qui nous a permis de faire cela, et non pas un simple coup de chance, comme certains de nos adversaires (y compris nos rivaux à gauche) l’ont suggéré.

    Pendant très longtemps, il a été clair qu’une guerre cruelle et brutale était en train d’être perpétrée contre les mineurs de Rustenburg par leurs patrons. Au cours des quatre dernières années, nous avons vu commencer de grands combats, impliquant des milliers de mineurs. Le DSM a construit une base dans cette ville, et a étendu son influence à toute l’Afrique du Sud. Cette guerre cruelle et sans merci a duré pendant très longtemps.

    Cinq de nos membres qui travaillaient dans les mines de Rustenburg ont été tué trois semaines avant le massacre de Marikana.

    La direction du DSM a identifié le fait que c’était à Rustenburg que la résistance des mineurs et de la classe ouvrière se développait le plus rapidement. Cette analyse a été rejetée par les autres forces de gauche, qui l’ont décrite comme “gauchiste”. Beaucoup d’autres organisations de gauche avaient tiré la fausse conclusion, vu la faiblesse du Cosatu, qu’il fallait abandonner le travail parmi les travailleurs organisés. Dans un tel contexte, les premières personnes à rencontrer des mineurs ont été les camarades du DSM, et notre intervention nous a élevé à Rustenburg et au-delà, à tout le secteur minier.

    Le DSM a utilisé la grève pour mener campagne pour l’idée d’une alternative, qui vivait déjà dans l’esprit des mineurs, après qu’à peine 300 secondes de violence aient exposé toute l’ampleur de la réalité du régime – un régime prêt à noyer la lutte des travailleurs dans le sang uniquement afin de protéger les super-profits des patrons des mines. Après une première intervention à Marikana, le DSM a rassemblé à Rustenburg l’ensemble des comités de grève indépendants qui avaient été construits par les mineurs vus la méfiance envers le NUM, qui est un syndicat qui se bat pour les patrons et non pas pour les travailleurs. Nous les avons amenés autour d’un programme commun et d’un plan d’actions, nous sommes parvenus à briser l’isolement des travailleurs de Lonmin, et nous avons apporté la possibilité de gagner leurs revendications salariales et de remporter une victoire. Ce qui a commencé par une rupture d’avec le NUM, a été le début de la décomposition de l’alliance tripartite de l’ANC, du Cosatu et du PCAS, qui détenait la clé des intérêts capitalistes en Afrique du Sud.

    Le WASP

    La grève n’est pas retombée après la victoire à Lonmin, mais au contraire s’est étendue à tout le pays, vers le nord dans le Limpopo et dans toutes les régions minières. Lorsque le DSM a convoqué une réunion qui a rassemblé les comités de grève de toute l’Afrique du Sud, cette coalition et son autorité parmi les mineurs et au-delà ont permis le lancement d’un nouveau parti des travailleurs, le WASP.

    Lancé le 23 mars, ce parti a connu un succès immense, bien au-delà de nos attentes. Lors de cette réunion où nous attendions 100 personnes, 500 sont arrivées. Certains travailleurs ont marché pendant des kilomètres pour y participer. Toutes les radios, tous les journaux du pays ont mentionné la création du nouveau parti. Dans trois régions où des représentants des mineurs n’avaient pas été envoyés, les mineurs ont marché sur les bureaux de leur syndicat pour demander pourquoi ils n’avaient pas été invités.

    Ce qui hante à présent la classe dirigeante, surtout depuis le lancement du WASP, est que sa vision est en phase avec celle de larges couches de la classe ouvrière et de militants du Cosatu. Un sondage dans les syndicats a révélé que l’ANC, le PCSA et l’alliance tripartite sont complètement discréditées aux yeux de la base, qui veut que le Cosatu rompe avec l’ANC pour former un nouveau parti des travailleurs. Malgré le large soutien exprimé au président Zuma lors de la conférence de l’ANC, une majorité de la Cosatu rejette ces déclarations et appellent à cesser le soutien à l’ANC.

    Sebei a expliqué que plus intéressant encore est l’attitude des travailleurs vis-à-vis de l’idée du socialisme. Un journaliste demandait : « Pourquoi le reste de la gauche vous déteste-il et vous traite de “gauchiste” ? » Parce que pour nous, la gauche officielle est en réalité à droite par rapport à la vision des travailleurs d’Afrique du Sud. 80 % des délégués Cosatu sont pour la nationalisation et pour que l’industrie soit dirigée par des comités ouvriers, et concluent que les travailleurs ont besoin d’un changement fondamental dans l’organisation de la société, c’est-à-dire, du socialisme. C’est pour cette raison que le programme du DSM qui appelle à la nationalisation des mines, des banques et des monopoles sous le contrôle démocratique des travailleurs est en phase avec les travailleurs actifs et les couches avancées de la classe ouvrière. D’autre principes avancés par le DSM ont gagné un large soutien.

    Le principal évènement de la semaine passée a été la démission de 18 conseillers ANC. Ayant entendu parler de notre revendication selon laquelle les représentants doivent être élus, soumis à révocation de leur base, et ne devraient recevoir pas plus que le salaire moyen d’un travailleur, ils ont décidé de nous rejoindre.

    Développer le DSM

    Après avoir lancé le WASP en tant qu’idée, l’organiser dans la pratique c’est avéré une tâche difficile mais que nous avons brillamment accomplie en construisant le soutien des masses pour notre programme. Cette tâche n’était pas simple, surtout vu le fait que nous n’avions qu’un très petit nombre de cadres expérimentés. La DSM a dû trouver le juste équilibre entre l’effort de construction du WASP et la construction d’une base solide pour le DSM en tant que pilier du nouveau parti.

    Le DSM a multiplié par dix son nombre de membres au cours de la dernière période, ce qui est un immense succès, vu la difficulté de développer un cadre du parti dans un contexte d’analphabétisme répandu, avec des militants très combatifs mais qui doivent aussi pouvoir s’assimiler nos idées.

    Sebei a expliqué comment le DSM parvient à construire une base solide pour nos idées. Le soutien a gagné suffisamment d’élan pour gagner les travailleurs des transports en plus des mineurs en tant que colonne vertébrale du parti, mais il nous a également permis d’attirer les travailleurs de la chimie et un syndicat de manœuvres agricoles qui a dirigé plusieurs grèves l’an passé.

    Ailleurs, le niveau de la lutte grandit autour de la question des services publics, du logement et de l’électricité, deux choses qui sont considérées comme normales en Europe mais qui, en Afrique du Sud, sont le fruit d’une lutte brutale. Dans les semaines qui viennent, le DSM compte convoquer une assemblée de travailleurs, qui rassemblera des mineurs, des travailleurs d’autres secteurs, la base du Cosatu, les militants des quartiers pour les services publics, et les étudiants, afin de lancer une campagne pour l’emploi.

    Il est clair que le WASP va se développer en tant que point focal pour tous les travailleurs, y compris des groupes qui nous ont aidé à mener campagne pour le retour de notre dirigeante Liv Shange, qui a été récemment attaquée par le régime. Le régime a en effet profité du fait qu’elle soit rentrée au pays rendre visite à ses parents pour lui refuser un nouveau visa et l’empêcher de revenir en Afrique du Sud où elle vit depuis 10 ans, est mariée et est mère de deux enfants. La campagne pour son retour en Afrique du Sud a forcé le gouvernement à capituler. L’impact de la campagne a été si grand, que Liv est passée à de nombreuses reprises au journal télévisé, avant même les reportages sur l’état de santé de Mandela.

    Plus que les facteurs objectifs et les efforts des membres du DSM, Sebei a dit dans sa conclusion que : « Nous avons l’Internationale la plus révolutionnaire, dont les idées, les perspectives, le soutien des camarades et le sacrifice de toutes les sections du CIO, nous ont permis d’accomplir ce travail. Sans l’Internationale, nous n’aurions jamais pu réussir. »

    Importance des développements

    Au cours de la discussion, notre député irlandais Joe Higgins a fait un bref rapport de sa visite en Afrique du Sud où il a assisté à la fondation du WASP au nom du CIO : « C’était époustouflant, épatant, de voir l’enthousiasme et l’élan de la classe ouvrière qui se bat pour un changement et pour une nouvelle société. Il était extrêmement gratifiant de voir le rôle joué par nos camarades, de voir nos claires idées, stratégie, tactique, être reprises par les travailleurs.

    Nous commémorons cette année le centième anniversaire du Dublin Lock Out, une énorme lutte menée par les travailleurs d’Irlande contre les patrons et contre l’État, pour une vie meilleure. Cette lutte s’est vue dirigée par des révolutionnaires comme Jim Larkin et James Connolly, dont les noms resteront à jamais gravés dans le cœur de la classe ouvrière. Il n’est pas exagéré de comparer les évènements de Dublin 1913 à ceux qui se déroulent en ce moment en Afrique du Sud, sous la direction du DSM et du CIO ».

    En conclusion à la discussion, un camarade d’Angleterre qui a lui aussi visité l’Afrique du Sud, a dit : « Nos idées sont en train de pénétrer dans la conscience de la classe ouvrière, et d’être reprises comme les siennes. Nous articulons la marche à suivre pour la classe ouvrière, qu’elle-même sent de manière instinctive. Car tous les travailleurs savent au fond d’eux-mêmes qu’ils n’ont pas de voix politique, et qu’ils n’ont rien à attendre d’un éventuel maintien du capitalisme.

    Lors de la conférence du DSM en février, après trois jours de longues discussions, un travailleur d’une mine d’or a été tellement inspiré par tout ce qu’il a entendu, qu’il est rentré chez lui et a vendu 50 journaux à ses voisins – je ne pense pas que nous ayons perdu du soutien par le fait qu’il les ait réveillés au milieu de la nuit pour leur parler. Un autre jeune mineur d’or, qui n’avait pas rejoint le DSM, a dit qu’il voulait rejoindre plus que toute autre chose dans le monde.

    Le principal problème est de développer notre cadre pour qu’il puisse jouer de manière indépendante, et développer le soutien pour nos idées. Cela demande énormément de temps, et la misère freine notre travail. Chaque tentative d’organiser des évènements hors des localités des camarades demande une collecte de fonds. C’est pourquoi le soutien financier du CIO nous a tellement aidé dans tout notre travail.

    Les capitalistes à la recherche d’alternatives

    Les élections générales à venir seront les plus polarisées et les plus tendues depuis la fin de l’apartheid en 1994. Le gouvernement de l’alliance tripartite de l’ANC, du PCAS et du Cosatu est sous pression et se disloque. De nombreux analystes disent que le vote en faveur de l’ANC va passer sous la barre des 60 %, ce qui signifie que l’ANC perdrait la majorité des deux tiers qui lui permet de modifier la constitution à sa guise. La classe dirigeante craint cela, et se prépare à des alternatives. L’Alliance démocratique, un parti blanc, est un train de recruter des cadres noirs afin d’attirer les électeurs noirs. Les libéraux ont lancé un nouveau parti autour de célèbres militants noirs. Ils reconnaissent le fait que l’ANC est en train de perdre le soutien de la classe ouvrière.

    Mais le plus important est la tendance à gauche à former des nouveaux partis. Le WASP n’est pas le seul sur la scène. Notre programme a de nombreux points avec celui des “Combattants pour la liberté économique” (EFF) de Julius Malema, comme la nationalisation, et Malema a un véritable pouvoir d’attraction envers les jeunes et les pauvres.

    Mais « Dis-moi qui sont tes amis, et je te dirai qui tu es », dit le proverbe : le numéro trois de la direction des EFF est un ancien gangster devenu hommes d’affaires, qui a été conseiller en relation public pour les patrons des mines, et dont le nom est mêlé à de nombreux scandales.

    « Nous vous attendions »

    En même temps que la scission dans l’ANC, on voit des scissions dans le Cosatu, que les syndicats les plus combatifs sont en train de quitter. Les manœuvres agricoles ont été forcé de s’organiser eux-mêmes en reprenant les méthodes des mineurs. Lorsque nos camarades ont visité les grévistes sur leurs fermes du Cap, ces derniers leur ont dit : « Nous vous attendions ».

    Les élections générales seront le premier test électoral pour le WASP. Le système électoral sud-africain et notre renommée font en sorte que nos chances d’obtenir au moins un député sont assez élevées (bien que nous ne puissions faire la moindre promesse à cet égard). Il nous faut environ 42 000 votes au niveau national, et le cout pour nous présenter est de 10 millions de francs – plus encore si nous nous présentons en même temps aux élections régionales. Il nous faudra peut-être faire un appel financier afin de soutenir cette campagne.

    Nous sommes arrivés à un stade où les travailleurs les plus avancés se sont déjà joints au DSM et où les masses larges sont en route. Si nous n’avions pas pris l’initiative de créer le WASP, nous n’en serions pas là aujourd’hui, nous serions complètement inconnus.

    Tous nos camarades du monde entier doivent féliciter le DSM pour l’ampleur des efforts fournis. Ce travail a mis plusieurs années avant de porter ses fruits. Si nos camarades n’avaient pas tenu bon et n’avaient pas maintenu leur position coute que coute, nous n’aurions jamais pu accomplir quoi que ce soit.

    Le travail réalisé en Afrique du Sud doit être une source d’inspiration pour toutes les sections du CIO dans le monde entier. Nous pouvons rapidement passer de petits groupes à une influence de masse en un très bref délai. Il y a beaucoup de travail à faire. Avec le soutien du CIO, le DSM restera le joyau dans la couronne de notre Internationale. »

  • Marikana : le massacre qui changea la face de l’Afrique du Sud

    Une critique surprenante de la faillite du projet “progressiste” de l’ANC (African National Congress, le parti de Nelson Mandela) a été diffusée sur la BBC2 fin du mois dernier. Dans ce documentaire, un ancien militant anti-apartheid britannique revient en Afrique du Sud et constate ce qu’est devenu l’ANC. Ce film a permis de faire plus largement connaître les récents événements survenus en Afrique du Sud et dans lesquels les militants de notre parti-frère en Afrique du Sud jouent un rôle déterminant.

    Par Alec Thraves, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Peter Hain, est député du Parti Travailliste pour la circonscription de Neath (au Pays de Galles, en Grande-Bretagne). Ancien activiste anti-apartheid dans sa jeunesse, il retourne dans son Afrique du Sud natale et découvre comment l’ANC est en train de perdre le soutien des travailleurs noirs et comment ce parti est perçu après avoir ordonné le massacre de Marikana, où 34 mineurs de l’entreprise Lonmin ont été tués par la police en août 2012.

    La critique de la faillite des idéaux de société et des projets “progressistes” (notamment autour de l’ancien slogan de l’ANC “une meilleure vie pour tous”) de l’ANC après 18 ans au pouvoir – et plus particulièrement encore concernant la vie des pauvres – est très forte, Peter Hain a l’air ostensiblement choqué et profondément déprimé lorsqu’il entend dire de la part d’anciens partisans de l’ANC qu’après le massacre de Marikana, ils ne voteront plus jamais pour ce parti. Peter Hain confirme également ce que le Democratic Socialist Movement (DSM, section sœur du PSL en Afrique du Sud) avait déclaré immédiatement après le massacre, à savoir que ‘‘Marikana avait chnagé l’Afrique du Sud pour toujours.’’

    Les membres du DSM n’ont pas attendu plusieurs mois ou dû entendre le rapport de la commission d’enquête du gouvernement Zuma pour savoir ce qui s’était réellement passé, puisqu’ils avaient entendu les faits racontés des bouches même des survivants. Les événements de Marikana ont constitué un meurtre prémédité, consciencieusement planifié avec la complicité des plus hautes instances du groupe minier Lonmin, de la police et du gouvernement.

    Les vidéos montrant les mineurs se faire massacrer par la police ont conduit le député Hain à accepter le fait que la brutalité du capitalisme sud-africain était toujours bien présente, même avec un gouvernement à majorité noire dominé par l’ANC. Ce reportage démontre clairement que le NUM (National Union of Miners, le syndicat national des mineurs) a été pris la main dans le sac pour s’être laissé corrompre par la direction de la mine et que les syndicats liés à l’ANC (comme le COSATU : Congress of South African Trade Unions, la centrale générale liée à l’ANC) ont été utilisés pour briser le mouvement de grève !

    Par contre, ce reportage comporte des manques, notamment le fait qu’après le massacre de Marikana se sont développés des dizaines de comités de grèves illégaux qui ont répandus la grève à travers toute la région minière, impliquant des douzaines de puits miniers et plus de 150.000 mineurs. Ces comités furent initiés, développés et dirigés par des membres et des sympathisants du DSM (Democratic Socialist Movement, section du CIO en Afrique du Sud). Peter Hain a bien entendu voulu mettre en avant le rôle de son héros Nelson Mandela, et a de ce fait involontairement expliqué quelle fut sa contribution à la situation désastreuse actuelle, à laquelle doit aujourd’hui faire face la classe ouvrière sud-africaine.

    Les objectifs de Mandela – d’après son ami Peter Hain – étaient d’obtenir une majorité parlementaire noire et une démocratie libérale stable. Afin d’atteindre cet objectif, Nelson Mandela a accepté que le capitalisme continue d’exister sans être menacé, un capitalisme dominé par une bourgeoisie blanche, en échange d’un gouvernement dominé par des noirs. Le résultat de cette politique d’équilibre des pouvoirs après 18 ans sont un terrible accroissement des inégalités entre riches et pauvres et l’arrivée d’une élite noire corrompue s’enrichissant sur le dos des masses pauvres.

    Peter Hain cherche à se convaincre lui-même que tout ne fut pas pour le plus mal. Il dit notamment que l’ANC a construit 3 millions de nouvelles maisons. Je les ai vues ces maisons à Durban et à Johannesburg et elles ne sont pas appelées ‘‘boites d’allumettes’’ pour rien (matchbox houses en anglais). S’y allonger signifie d’avoir ses pieds dépasser de la porte ! Elles ne sont pas bien solides, ne disposent pas de toilettes ou d’accès à l’électricité, et n’ont pas la moindre arrivée d’eau. Peter Hain notait aussi que les écoles promises par l’ANC ont été construites. Mais les professeurs que j’ai rencontrés là-bas, au ghetto de Freedom Park, me racontaient qu’ils avaient 60 élèves par classe, sans aucun cahier, ce qui n’est pas une amélioration par rapport au reste de l’Afrique.

    C’est un député Hain complètement démoralisé que l’on voit attaquer le président Zuma à propos de la corruption monumentale qui règne à tous les niveaux de pouvoir de l’ANC tant au niveau local que national. Zuma a rejeté l’attaque, en niant avoir utilisé 24 millions d’euros des caisses de l’Etat pour rénover et remeubler son luxueux complexe immobilier et rejetant l’accusation sur les médias au prétexte qu’ils avaient exagéré le problème. Peter Hain est resté quasiment sans voix devant tant l’incompétence, l’arrogance et la collusion patronale qui imprégnait la réponse présidentielle. Cet entretien est extrêmement indicatif de la fracture désormais présente entre les masses et les dirigeants de l’ANC.

    Toute l’ironie de l’histoire, c’est que Peter Hain s’est tourné vers l’ancien dirigeant des jeunesses de l’ANC, Julius Malema, en cherchant une opposition à la corruption de la direction représentée par le président Zuma. Après Marikana et durant les 2 mois de grève des mineurs, Malema a cherché à s’attirer les bonnes grâces des travailleurs en exigeant avec eux la nationalisation des mines. Ce n’était cependant pas une profession de foi idéologique mais bien une tentative populiste de gagner un certain soutien dans le cadre de sa lutte interne contre Zuma et pour être ré-admis dans l’ANC. Homme d’affaire millionnaire, Malema est sorti du même moule que les restes des noirs apprentis bourgeois corrompus de l’ANC. Ce n’est en aucun cas un allié des travailleurs.

    Partout où Hain est allé durant ses deux semaines de visite, l’histoire de l’oppression capitaliste de la classe ouvrière sud-africaine a constamment défilé sous ses yeux. Dans la province du Cap-Occidental, les ouvriers agricoles sont censés vivre avec seulement 7,5€ par jour. Mais un grand propriétaire a magnanimement autorisé ses laboureurs a “manger autant de raisin qu’ils le souhaitent et on serait surpris de voir à quel point ils peuvent manger.’’ (citation reprise du documentaire) Dans la province du Cap-Orientalse développe un exode massif de jeunes à la recherche d’un emploi. Au final, nombre d’entre eux se sont retrouvés abattus par balles au fond des mines de Rustenburg. Les familles qu’ils laissent derrière eux n’ont littéralement pas un sou et essaient de survivre tant bien que mal à travers les campagnes.

    Au jour d’aujourd’hui, la réalité matérielle des masses en Afrique du Sud est des plus sombres. Mais Peter Hain conclut ce documentaire impressionnant en essayant de rester optimiste, en espérant que l’ANC sera à la hauteur de ses tâches et de son héritage démocratique. Une telle pensée utopique n’est pas étonnante de la part d’un député du parti travailliste proche du patronat britannique. Les expériences des mineurs et des autres franges de la classe ouvrière sud-africaine et les leçons qui en ont été tirées au cours de ces quelques derniers mois ont tracé de biens meilleures balises concernant la manière de traiter avec les grosses fortunes du gouvernement de l’ANC.

    Ainsi, les mineurs du Comité National de Grève (toujours non officiellement reconnu aujourd’hui), les membres du Démocratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud) et de d’autres groupes de la classe ouvrière ont lancé ensemble le Worker’s and Socialist Party (WASP, Parti des travailleurs et des socialistes) dans le but de concurrencer à armes égales l’ANC aux prochaines élections. Il s’agit d’un énorme pas en avant pour offrir aux travailleurs et aux masses pauvres une représentation politique qui leur soit propre.

    La seule option pouvant constituer une alternative à ce gouvernement corrompu protégeant un régime capitaliste brutal et à ce que Peter Hain décrit comme ‘‘profondément démoralisant’’ est la construction d’une société socialiste démocratique basée sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie dans le cadre d’une planification démocratique de l’activité économique.

  • Afrique du Sud : Workers and Socialist Party (WASP) – premiers pas pour unifier les luttes

    Après le lancement du WASP, le travail est en cours pour, d’une part, compléter l’enregistrement officiel du parti auprès des autorités et, d’autre part, s’enraciner ç travers l’Afrique du Sud et établir ses structures. Notre attention est principalement consacrée aujourd’hui sur une campagne pour de véritables emplois, avec de bons salaires et de bonnes conditions de travail pour les centaines de milliers de travailleurs exploités dans le secteur public. A cela est liée la lutte pour le développement des services publics les plus élémentaires (comme l’approvisionnement en électricité et le logement) dans les quartiers ouvriers. Nous soutenons aussi les revendications des mineurs pour un salaire décent et contre la fermeture des mines.

    Liv Shange, Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Afrique du Sud)

    Le Socialist Democratic Movement et des militants mineurs construisent le WASP notamment par le biais de manifestations, dans les communautés minières de Johannesburg et de Limpopo par exemple. Le premier mai, WASP organise un grand rassemblement à Carletonville, une ville construite autour de l’activité d’extraction de l’or, au sud de Johannesburg, avec pour thème de lier toutes les différentes campagnes entre elles autour de la nécessité de nationaliser l’industrie minière sous le contrôle démocratique des travailleurs et de leurs communautés, afin de disposer des moyens pour améliorer les conditions de vie des masses.

    Profitant de cet océan de chômage de masse, le gouvernement de l’ANC utilise le plus désespérés des sans-emplois dans divers projets tels que le Programme de travail communautaire (Community Work Programme, CWP) et le Programme de soins à domicile (Home Based Care). Les sans-emplois travaillent dans ces services publics pour des salaires de misère s’élevant dans certains cas à 500 Rands sud-africains par mois (soit… 42 euros ! NDT). Ces travailleurs effectuent un travail extrêmement important – l’entretien des rues, l’enseignement pour adultes, les soins de santé de base pour les plus démunis – qui devrait être au cœur des responsabilités du secteur public.

    Mais au lieu de prendre ses responsabilités, le gouvernement a réduit son intervention à un mélange de ‘‘charité’’ et de surexploitation qui enrichit des entreprises privées et engendre une grande corruption. A la place de créer de vrais emplois pour répondre aux besoins réels des communautés, dans de nombreux cas, les ministères ne considèrent que les appels d’offres d’entreprises pour ensuite leur livrer des ‘‘volontaires’’ qui travaillent afin ‘‘d’apporter une contribution’’ à la société tout en acquérant une expérience de travail. Mais tout cela n’est payé qu’un salaire de misère. Certains même ne reçoivent rien du tout et se retrouvent littéralement dans une situation de travail forcé. Le Workers and Socialist Party est en ce moment impliqué dans la construction d’un comité de travailleurs destiné à rassembler tous les travailleurs de ces programmes d’exploitation des sans-emplois dans la province de Gauteng afin d’organiser une lutte unifiée.

    La classe des travailleurs crie partout sa colère face aux déplorables conditions de vie. A Wedela, une commune ouvrière à un jet de pierre de plusieurs mines d’or, le conseil communal, dirigé par l’ANC, a coupé l’électricité de centaines de personnes qui sont aux prises avec des prix sans cesse croissant. Cette situation dure depuis des mois et s’ajoute à la colère qui s’est accumulée depuis le mouvement de grève des mineurs il y a quelques mois et depuis la lutte contre l’entreprise Harmony Gold, qui avait licencié 6.000 travailleurs, ce qui avait bien entendu provoqué une lutte massive. Le WASP s’est construit au travers de ces luttes grâce à l’activité de ses jeunes militants.

    Alors que les travailleurs et les chômeurs sont obligés d’aller collecter du bois dans les forêts et de recueillir l’eau des ruisseaux (contaminée par le pillage des mines), les grandes entreprises réalisent des milliards d’euros de profit. Pourtant, l’emploi des mines est en danger. D’ici juillet, 14.000 mineurs de Rustenburg pourraient être au chômage, si l’entreprise Anglo Platinum (le n°1 mondial dans l’extraction de platine) parvient à appliquer sa restructuration destinée à accroître sa sauver ses marges bénéficiaires face à l’effondrement de la demande sur le marché mondial en difficulté. Cette attaque contre les travailleurs pourrait en enclencher d’autres dans diverses sociétés minières, dans le secteur aurifère par exemple, puisque le prix de l’or est également en baisse. Pour les capitalistes, ce ne sont que des mesures temporaires au détriment des travailleurs. À plus long terme, les barons miniers n’ont pas de quoi s’en faire, ils sont assis sur le plus vaste gisement de minéraux au monde, pour une valeur estimée à au moins 3.000 milliards d’euros. Leur plus grand danger, c’est la probable reprise des luttes des mineurs.

    Le gouvernement de l’ANC a clarifier dans quel camp il se situait : la nationalisation a été explicitement rejetée par son dernier congrès, en décembre dernier, et le président Zuma a déclaré que les ‘‘protestations violentes’’ étaient la première priorité de l’Etat dans le cadre de la ‘‘lutte contre la criminalité’’. Pendant ce temps, la fédération syndicale Cosatu, alliée à l’ANC, est déchirée par des tensions internes de plus en plus violentes. La nécessité de construire le WASP en tant qu’alternative politique et des comités de travailleurs indépendants du Cosatu ne saurait être plus brûlante.

    Il s’agit d’une véritable course contre le temps. Le DSM travaille avec acharnement à la construction du WASP et à l’unification des nombreuses luttes actuellement en cours. Le WASP dispose actuellement de structures dans toutes les 9 provinces du pays, avec un travail très intéressant vers les diverses couches de travailleurs, dans les secteurs du transport et des autorités locales par exemple. Espérons que ce Premier Mai puisse être le point de départ d’une campagne nationale de masse pour des emplois et des salaires décents, pour de bons logements, l’accès à l’électricité et aux autres services de base et pour la nationalisation de l’industrie minière.

  • Afrique du Sud : le Workers & Socialist Party lancé à Pretoria

    Un départ qui a dépassé les attentes

    Hier, plus de 500 travailleurs de Tshwane (l’agglomération qui englobe la ville de Pretoria, 2 millions d’habitants), délégués de mineurs, militants syndicaux et des communautés se sont rassemblés dans le Lucas Van Den Bergh Community Hall à Pretoria pour le lancement du Workers & Socialist Party. La salle ne pouvait pas contenir le nombre de participants, beaucoup d’entre eux ont investi le champ voisin.

    Par des correspondants du CIO

    Le lancement du nouveau parti a dépassé toutes les attentes. Le WASP fait vibrer une corde parmi les masses de la classe ouvrière, cela ne fait aucun doute. Dans l’autre camp, l’establishment (l’ANC, ses partenaires au sein du gouvernement, les dirigeants de droite de la fédération syndicale Cosatu et le patronat) s’est fortement inquiété de ce lancement. Une nouvelle force est en plein développement. La classe ouvrière s’organise et se prépare à relever les immenses défis qui lui font face, les idées du socialisme sont à nouveau largement embrassées.

    La réunion a été présidée par Weizmann Hamilton, secrétaire général du Democratic Socialist Movement (DSM, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud). Parmi les orateurs se trouvaient Mametlwe Sebei (porte-parole du WASP et membre de l’exécutif du DSM), Elias Juba (président du comité national des mineurs), Ephraim Mphahlela (président du Mouvement national des transports NATAWU), Elmond Magedi (Mouvement des jeunes socialistes), Liv Shange (DSM) et Joe Higgins (député irlandais du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise).

    Les orateurs des organisations de supportrices du nouveau parti incluaient des délégués des travailleurs des mines d’uranium de Klerksdorp, des mines de fer de Kumba Iron Ore à Cap-Nord, des mines de platines de Bokoni, de Gold Fields KDC, des mines d’or Harmony, des mines de charbon Mpumalanga, des mines d’or de l’Anglo Gold Ashanti, etc.

    Manifeste du WASP

    • Nationalisation des mines, des fermes, des banques et des grandes entreprises. L’industrie nationalisée doit être placée sous le contrôle démocratique des travailleurs et des communautés de la classe ouvrière. L’économie doit être démocratiquement planifiée afin de satisfaire les nécessités sociales et non le profit.
    • Pour la fin du chômage et la création d’emplois socialement utiles pour tous ceux qui recherchent du travail. Luttons pour un salaire décent de 12.500 rands sud-africains par mois (environ 1000 euros).
    • Non aux expulsions et aux coupes dans les budgets – pour un investissement massif dans le logement, l’électricité, l’eau, les infrastructures sanitaires, les routes, les transports publics et les services sociaux.
    • Pour un enseignement public gratuit, de la maternelle à l’université.
    • Pour un service national de soins de santé gratuits accessible à tous.

    Principes du WASP

    • Nous rejetons catégoriquement la corruption des politiciens et partis pro-capitalistes.
    • Tous les candidats du WASP à des positions élues – que ce soit en tant que conseiller ou de député – sont soumis au droit de révocation immédiat.
    • Pour des représentants des travailleurs au salaire des travailleurs. Tous les représentants élus sur base du manifeste du WASP ne recevront que le salaire moyen d’un travailleur qualifié. Le reste sera reversé au WASP.

    Le WASP va maintenant se concentrer sur sa prochaine phase de développement. Le WASP va bientôt annoncer une nouvelle date pour la convocation d’une conférence destinée à établir des structures démocratiques, élire une direction et développer son manifeste.

    Il existe de nombreux combats dans lesquels le WASP compte s’investir : une campagne pour la révocation des conseillers corrompus, une campagne pour les droits au travail, la collecte d’un million de signatures de soutien du WASP (afin de pouvoir se présenter aux élections) et préparer le terrain pour une grève générale si les patrons et le gouvernement osent frapper l’industrie minière de licenciements.

  • Intervention au Mali : Impérialisme ou "guerre humanitaire" ?

    Face aux terribles méthodes réactionnaires des djihadistes qui ont pris le pouvoir au Nord du Mali, aux côtés du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), l’intervention militaire française (qui reçoit entre autres l’appui logistique de l’armée belge) s’est présentée comme une aide extérieure – à la demande des Maliens "eux-mêmes" – pour défendre la ‘’démocratie’’ et les ‘’droits de l’homme’’. Il est certains que les terribles méthodes des groupes djihadistes réactionnaires révulsent à juste titre. Doit-on pour autant soutenir cette intervention ? Quelles solutions sont réellement capables de pacifier la région ?

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    • Sahel : Non à la guerre au Mali ! L’intervention impérialiste va approfondir la crise et l’instabilité

    Une situation sociale désastreuse

    Malgré ses grandes ressources naturelles (le Mali est le troisième producteur d’or d’Afrique), ce pays est aujourd’hui l’un des plus pauvres au monde. En 2011, il s’est classé 175e sur les 187 pays pris en compte par l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies. Le taux de mortalité infantile est faramineux, de même que la malnutrition, l’analphabétisme… ce à quoi s’ajoute aussi la pratique largement répandue de l’excision.

    Toute la région au Nord du ‘’Mali vert’’ connait une situation plus dramatique encore. Cette région a toujours été défavorisée en termes d’investissements et d’infrastructures, tant durant la période de la colonisation française qu’après l’indépendance (en 1960), et plus particulièrement encore sous la dictature du général Moussa Traoré (à partir de 1968). De plus, les pluies se tarissent en raison du réchauffement climatique, une catastrophe pour tous les peuples de la région qui dépendent quasi uniquement de l’élevage et de fermes. Cette situation globale liée à la chute du tourisme (en conséquence de la crise et de l’augmentation des violences) a laissé des villes comme Tombouctou totalement sans ressources à l’exception de l’aide humanitaire limitée – et souvent intéressée – venue de l’occident et d’ailleurs (notamment, précédemment, de la Libye de Kadhafi).

    Il n’est pas exagéré de dire que les zones désertiques du Nord constituent un véritable océan de misère, de colère et de désespoir. Voilà le terreau pourri sur lequel ont pu proliférer mafias de trafiquants de drogue, milices armées, combattants de type Al-Qaïda, kidnappeurs, etc.

    La responsabilité du régime de Bamako

    Les problèmes dans le Nord du Mali sont connus de longue date. Les révoltes y ont été nombreuses, particulièrement en 1990. Ce fut d’ailleurs l’un des facteurs (mais ni le seul, ni le plus important) qui a conduit à la chute de la dictature de Traoré en 1991. Il a fallu attendre 1996 pour que les différents groupes touaregs brûlent symboliquement leurs armes en échange de promesses d’investissements destinés à améliorer les terribles conditions de vie en vigueur dans cette région. Mais ils ont largement été trahis, et ne furent pas seuls dans ce cas.

    La dictature de Traoré s’est effondrée à la suite d’une véritable révolte des masses, avec une mobilisation extraordinaire de la jeunesse (qui a connu de régulières explosions de colère depuis 1977), des femmes et de la base de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM). Grèves générales et manifestations de masse ont déferlé sur le pays pour réclamer la fin de la dictature, mais aussi plus de justice sociale.

    Faute de prolongement politique résolu à s’en prendre aux racines du système, un vide a été laissé pour qu’une aile de la hiérarchie militaire opère un coup d’État afin d’assurer une ‘’transition démocratique’’ avant tout destinée à préserver la structure de l’État et le système d’exploitation tout en sacrifiant le dictateur (gracié en 2002). Malgré tout, le régime présidentiel autoritaire a eu du mal à être installé, et les protestations de masse se sont poursuivies (notamment en 1993).

    Le régime a continué à se plier en quatre pour servir les intérêts de l’impérialisme, essentiellement français, et s’est soumis de bonne grâce aux diktats du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale en appliquant un politique néolibéral sauvage qui a détruit les services publics existants. Ce fut plus particulièrement le cas dans les années 2000, sous le règne d’Amadou Toumani Touré, le putschiste de 1991 élu à la présidence en 2002.

    Socialisme ou barbarie

    Ni en Afghanistan, ni en Irak, ni ailleurs, la guerre n’a été la solution pour instaurer la démocratie, mais, par contre, la ‘’lutte pour la démocratie’’ a systématiquement servi à masquer la défense des intérêts impérialistes. Dans le cas du Mali, il s’agit de s’assurer le contrôle des ressources de la région, au Mali, mais aussi au Niger voisin. La France puise plus d’un tiers de l’uranium nécessaire à ses centrales nucléaires au Niger. Elle vient d’ailleurs de décider d’envoyer ses troupes spéciales pour protéger l’uranium du géant français du nucléaire, Areva (c’est la première fois que les forces spéciales servent de milice pour une entreprise privée). La ‘’Françafrique’’ existe toujours bel et bien, comme l’avait encore illustré l’Opération Licorne en Côté d’Ivoire, pays lui aussi voisin du Mali. Si une grande partie de la population peut aujourd’hui favorablement accueillir les troupes étrangères face au danger du djihadisme réactionnaire, la réalité du ‘’Malifrance’’ ne va pas être bien longtemps masquée. Aujourd’hui, de nombreux rapports font déjà état de crimes de guerre des deux côtés du conflit, tandis que les troubles se sont étendus jusqu’en Algérie, où les braises du sanglant conflit interne des années 90’ n’ont jamais été éteintes.

    Seul un mouvement organisé sur une base de classe et résolu à livrer aux masses le contrôle des ressources du pays est apte à résoudre les divers problèmes entre ethnies (Touaregs, Bambaras, Dogons, Bozos…), en éliminant la division fratricide que peut entraîner la lutte pour la survie en désespoir de perspectives communes.

    Les travailleurs et les pauvres du Mali jouissent d’une longue tradition de lutte, un tel mot d’ordre n’a rien d’un fantasme.

  • Mali : l’intervention impérialiste n’offre aucun espoir à la classe des travailleurs

    Du Libéria au Congo et à la Somalie, de la Sierra-Léone au Rwanda et au Burundi, du Soudan au Sud-Soudan et au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Nigéria et maintenant au Mali, une grande proportion de pays post-coloniaux et néo-coloniaux d’Afrique sont victimes de faillites étatiques. Comme le Démocratic Socialist Movement (DSM) l’a toujours défendu, la raison sous-jacente de cette faillite (qui se manifeste par des guerres, des rébellions, des coups d’états et l’instabilité gouvernementale), c’est l’incapacité des Etats à satisfaire les besoins essentiels des masses.

    Par Lanre Arogundade, Démocratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    • Rubrique de ce site consacrée à l’Afrique

    Mais le glissement vers le chaos et l’anarchie est encore plus appuyé par, de temps à autre, des questions ethniques non-résolues, dont les racines se trouvent dans la volonté de s’accaparer des ressources naturelles et dans le dessin de frontières artificielles par les anciennes puissances colonisatrices.

    Il y a également l’intégration des pays africains néo-coloniaux dans le giron du capitalisme mondialisé – ce qui correspond de facto à l’agenda de re-colonisation – qui est venue avec l’imposition de politiques publiques néo-libérales et anti-pauvres à travers lesquelles la richesse se concentre en un nombre toujours plus restreint de mains pendant que l’immense majorité des pauvres et des travailleurs souffre de privations.

    La vraie tragédie de l’Afrique, c’est que ces pays sont riches en ressources humaines et naturelles, à tel point qu’une telle pauvreté devrait être une abhérration. Cependant, comme nous le voyons tous les jours, ces ressources sont sources de beaucoup plus de maux que d’aides. Ainsi, parfois, plus riche en minérai est le pays (comme la RDC ou le Nigéria) plus grand est le nombre de guerres, de guerres civiles ou le chaos de ce pays.

    Au dela de cela, la crise qui secoue le Mali n’est que le dernier chapitre d’un conte sordide. La réalité reste qu’en dépit de l’intervention de l’impérialisme francais et des forces de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce ne sera pas la dernière crise à cause de la fragilité croissante des soi-disantes démocratie africaines. C’est cette fragilité qui a fait que la classe dirigeante malienne (civile ou militaire) s’est jetée dans les bras des forces d’intervention étrangères. Les jeunes officiers formés par les Etats-Unis, qui avaient préalablement planifié un coup d’état contre le gouvernement civil, ont dû se rétracter quand ils se sont rendus compte du sous-équipement et de la sous-motivation de leurs troupes.

    Aucune défaite des forces islamistes au Nord Mali ne pourra sortir la grande majorité des maliens de la pauvreté aussi longtemps que le système d’oppression capitaliste se maintiendra aux commandes.

    Bien que la cause immédiate de la crise actuelle est la pression des restes des forces touaregs (qui ont conservés leur loyauté d’autrefois à l’ex-régime de Muhammar Khadafi) pour obtenir par la force leur Etat propre, le facteur déterminant dans cette crise reste le fait que le gouvernement de Bamako a pratiquement perdu toute légitimité à cause de son incapacité à résoudre les problèmes fondamentaux auxquels est confrontée la population malienne. En lancant un appel à l’intervention militaire étrangère, la classe dirigeante malienne a agit de facon à classer l’affaire, après avoir précipité l’économie dans un état de dépendance envers l’aide étrangère qui lui permet à peine de survivre. Comme Walter Rodney le disait dans son livre Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique, “Si le pouvoir économique est situé en dehors des frontières nationales de l’Afrique, alors le pouvoir politique et militaire est de fait situé en dehors des frontières nationales jusqu’à ce que les masses des paysans et des travailleurs se mobilisent pour offrir une alternative à ce système de parodie d’indépendance politique.”

    En effet, c’est cette dépendance économique qui rend le Mali si vulnérable à n’importe quelle crise sur le marché des matières premières puisque les deux piliers de son économie restent la production agricole et la prospection d’or. En 2001, le Mali est devenu le 3° plus grand extracteur d’or d’Afrique avec 41 tonnes par an (après l’Afrique du Sud et ses 391 tonneset le Ghana avec 72 tonnes). Il n’est pas exclu que les riches réserves d’or du pays aient été une motivation majeure pour les rebelles, de même que l’étalage des vastes ressources minérales de RDC continue d’encourager des rébellions armées répétées et tout comme les “diamants du sang” constituent le facteur central dans la guerre menés par les rebelles de Charles Taylor qui toucha la région de la rivière Mano (Libéria, Sierra Léone et Côte d’Ivoire) des années ’90 jusqu’à tout récemment.

    Pourtant, le Mali figure dans le classement des 25 pays les plus pauvres au monde selon l’Observatoire Economique Africains. La croissance économique s’est écroulée pour atteindre 1,1% en 2011, une situation économique attribuée en partie “ à la crise post-électorale de la Côte d’Ivoire, à la guerre en Lybie et à la flambée des prix du pétrole, du gaz et de la nourriture”, avec comme conséquence un boom de la pauvreté pendant que le chômage frappe les catégories les plus jeunes de la population dont 15,4% des 15-39 ans. “Les jeunes sans emploi représentent 81,5% du total des sans emlplois du pays.” Tout cela est arrivé après que le pays ait accepté le prêt du FMI qui précède chronologiquement l’incursion rebelle au Nord-Mali

    Malheureusement, ce niveau de pauvreté n’arrêtera pas les impérialistes dans leur volonté de faire payer au pays les frais liés à l’entrée en guerre, tout comme l’Irak a dû le faire et doit toujours le faire pour la guerre du Golfe, via ses ressources pétrolières, ou comme le Libéria a dû payer sa propre guerre avec ses abondantes plantations de caoutchouc qui sont désormais vendues insouciamment à des intérêts économiques étrangers. Le plus grand propriétaire mondial de caoutchouc peut se vanter de ne pas détenir sur son territoire national la moindre usine de caoutchouc ne serait-ce même que pour les semelles de pantoufles…

    Au Mali, cette volonté se présente sous la forme de nouvelles exploitations impitoyables des gisements d’or et de la politique économique néo-libérale via la privatisation des principaux secteurs de l’économie.

    Des pays comme le Nigéria sont extrêmement désireux de contribuer à l’envoi de troupes au Mali, car ils sont confrontés à leurs propres crises internes. La classe dirigeante Nigériane s’appuie sur les services secrets étrangers (américains, israëliens et anglais) pour faire face aux campagnes de bombardements de Boko Haram (organisation islamiste nigériane qui est en rébellion armée dans ce pays et est également présente au Mali, ndlr ). Apparemment, cette intervention est aussi un moyen d’envoyer l’avertissement que l’utilisation de la force brute soutenue par des puissances étrangères peut devenir une option au Nigéria.

    Cependant, nous devons mettre en garde contre cette réponse musclée et militaire qui échouera à enrayer la menace posée par l’insurrection de Boko Haram. Il convient de rappeler que ce sont les brutales réponses militaires – avec le meurtre de sang-froid du leader de Boko Haram, Mohammed Yusuf, en 2009 – qui ont conduit à l’escalade des activités de Boko Haram avec son cortège de massacres insensés et de destructions debridées des institutions d’Etat et de bâtiments l’Eglise, tous deux percus comme des ennemis.

    Pareillement, après des années d’expéditions militaires par les pouvoirs capitalistes mondiaux menés par les Etats-Unis – et qui ont coûté des milliards de dollards et la vie de centaines de milliers (si ce n’est de millions) de soldats et de personnes sans défenses – des pays comme l’Afghanistan, l’Irak, le Pakistan ou encore la Lybie où les forces impérialistes ont mené une guerre contre les soi-disant terroristes, restent les pays les plus instables, où la pauvreté règne, des pays non-démocratique et plus divisés que jamais.

    Evidemment, les conséquences de l’actuelle expédition impérialiste au Mali ne va qu’empirer la situation politique et sociale du Mali et du Nigéria qui a donc envoyé des soldats commme composantes des troupes de la CEDEAO. Les insurgés tuant déjà beaucoup de soldats déployés au Mali.

    Les véritables socialistes et les véritables militants de la classe ouvrière continueront de s’opposer à l’intervention impérialiste au Mali et dans d’autres parties de l’Afrique car elle n’offre aucune perspective d’espoir pour les travailleurs. Mais les forces de la désintégration continueront d’être présentes tant qu’il n’y aura pas d’intervention décisive de la classe ouvrière agissant de concert avec les paysans pauvres et les fermiers.

    Il est donc devenu impératif de faire croître la conscience sociale des travailleurs à travers la construction d’un puissant mouvement politique avec l’objectif de conquérir le pouvoir sur base des idées socialistes.

    Seul un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres pourra opposer la garantie du droit à l’autodétermination aux tentatives des groupes armés de s’imposer non démocratiquement et par la force aux populations.

    Du Mali au Nigéria, au Libéria, au Kenya et au Soudan, un tel gouvernement devra prendre les décisions pour aller vers la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique et la gestion des travailleurs dans l’objectif de libérer les ressources nécessaire à la réalisation d’un programme d’investissement public massif dans l’éducation, la santé, les logements et les infrastructures rurales.

  • Sahel : Non à la guerre au Mali ! L'intervention impérialiste va approfondir la crise et l'instabilité

    La crise des otages de quatre jours qui a eu lieu dans le complexe gazier d’In Amenas dans le Sud-Est de l’Algérie ainsi que son issue sanglante a constitué un véritable choc au niveau international. Ce raid et la riposte de l’armée algérienne ont tué au moins un travailleur algérien, 37 otages et 29 preneurs d’otages. Ces derniers étaient membres de la brigade Al Multhameen, la ”Brigade des Masqués”, qui a annoncé de nouvelles attaques contre des intérêts étrangers à moins que ne cesse l’offensive militaire étrangère au Mali. Dans la foulée, le Premier ministre britannique, David Cameron, a averti que la lutte contre le terrorisme en Afrique du Nord pourrait continuer "des décennies".

    Cédric Gérome, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Nombreux sont ceux qui sont légitimement repoussés par les actions des groupes djihadistes réactionnaires tels que celui qui a effectué cette opération en Algérie. Cela s’est ajouté aux nombreux rapports faisant état des horribles méthodes qui prévalent sous le joug imposé par les combattants islamistes dans le Nord du Mali (exécutions sommaires, torture, amputations, lapidations, interdiction de la musique, destruction de lieux saints,…). Cette barbarie constitue la principale réserve de munitions idéologiques aux défenseurs de l’intervention militaire de l’armée française dans cette région, qui semble actuellement avoir un important taux de soutien dans l’opinion publique. Les derniers sondages indiquent que le soutien pour "l’Opération Serval" au sein de la population française est actuellement de plus de 60%. Néanmoins, les récents développements en Algérie indiquent que cette offensive militaire terrestre, contrairement aux arguments officiels, est susceptible de générer davantage de crise et de violence dans la région.

    Pour le moment, la plupart des rapports des médias indiquent que les Maliens, dans leur grande majorité et en particulier dans le Sud, accueillent favorablement l’intervention française. Avec la propagande qui accompagne inévitablement ces épisodes de guerre, à ce stade, beaucoup de maliens pourraient véritablement penser et espérer que l’intervention du gouvernement français pourrait les protéger contre certains des groupes armés qui terrorisent la population du Nord.

    L’état d’esprit de la population dans les différentes régions du pays est toutefois difficile à estimer de façon indépendante, surtout dans le Nord, puisque tant le ”gouvernement de transition” malien (qui est essentiellement la façade politique d’un régime militaire) que les militaires français interdisent l’accès aux zones de combat aux journalistes. Dans ces zones, les soldats ont reçu l’ordre de ne pas laisser passer les journalistes, certains ont même vu leur matériel être saisi par les autorités.

    Le fait que tant d’efforts soient effectués afin d’éviter toute libre information est en soi une raison suffisante pour faire naître de sérieux soupçons quant au véritable agenda des dirigeants maliens et de l’impérialisme français. Cela pourrait-il être lié d’une façon ou d’une autre avec l’accumulation de rapports qui parlent d’atrocités commises par l’armée malienne ? Quelques jours seulement après le début des opérations militaires, la Fédération internationale des droits de l’homme, Human Rights Watch et Amnesty International dénonçaient déjà des cas d’exécutions sommaires du fait de l’armée malienne et des milices pro-gouvernementales.

    Représailles ethniques et violations des droits de l’homme par l’armée malienne

    Lors de la reprise de villes précédemment perdues par l’armée malienne, soutenue par les forces françaises et de la CEDEAO (la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), les punitions collectives contre la population locale et les règlements de comptes sanglant avec les minorités touareg et arabe, en particulier, on connu une escalade.

    Dans les villes de Sévaré et de Niono, au centre du Mali, les preuves de massacres, de ”chasse à l’homme”, de cadavres jetés dans les puits par l’armée, de soldats empêchant les témoins de quitter la ville et d’autres graves violations se sont amassées depuis quelques jours. Deux jeunes habitants interrogés par un journaliste français ont expliqué que "Etre arabe, touareg ou habillé de façon traditionnelle pour quelqu’un qui n’est pas de Sévaré suffit à vous faire disparaître. Le port de la barbe est un suicide."

    Le Modèle malien

    Ces exemples dévoilent le côté sombre d’une guerre engagée sous la bannière des ”droits de l’Homme” et de la ”démocratie”. Tout cela porte un sérieux coup à la version d’une guerre du ”bien contre le mal” telle que décrite par les politiciens capitalistes occidentaux. Un rapport d’Amnesty International a par exemple mis en lumière, avant même que l’offensive militaire n’ait commencé, que le recours à des enfants-soldats n’est pas la pratique exclusive des combattants djihadistes. Des officiers maliens et des milices pro-gouvernementales font de même.

    La réalité est que l’exemple malien de ”démocratie” et de ”stabilité” tant vanté n’a jamais existé. Le régime d’Amadou Toumani Touré ("ATT") était corrompu, clientéliste et autoritaire. Beaucoup de ses propres hauts fonctionnaires ont directement été impliqués dans le trafic de stupéfiants et ont trempé dans des trafics et des enlèvements de toutes sortes, avec l’aide de certains de ces gangsters du Nord et du Sahara actuellement désignés comme étant des ”terroristes” et contre qui se mène la guerre actuelle.

    La vérité qui dérange, c’est que les activités d’AQMI (Al Quaïda dans la Maghreb Islamique) et d’autres groupes armés a été tolérée des années durant par le régime de Bamako. Ces groupes ont été un élément essentiel dans les circuits criminels qui ont contribué à l’enrichissement personnel et à la corruption de hauts fonctionnaires du gouvernement et de l’armée (d’après le Bureau de lutte contre la drogue des Nations Unies, 60% de la cocaïne présente en Europe aurait transité par le Mali). Ces groupes avaient également l’avantage de pouvoir être utilisés comme un contrepoids à l’influence et aux exigences des Touaregs.

    Dans l’armée, les généraux siègent dans des bureaux richement décorées tandis que les soldats ont parfois envoyés au champ de bataille sans matériel appropriés, sans bottes par exemple. Le ressentiment et la colère des soldats du rang contre la corruption de la hiérarchie et contre le refus du régime d’ATT de mener une lutte sérieuse contre les groupes armés du Nord ont constitué un élément clé dans le processus qui a conduit au coup d’Etat militaire de mars 2012 réalisé par des officiers subalternes. Ce coup d’État, ironiquement, a été dirigé par un capitaine de formation américaine, Amadou Sanogo, et a entraîné la disparition du ”régime démocratique” d’ATT.

    Les puissances occidentales, dans un premier temps, ont craint que la nouvelle junte au pouvoir n’échappe à leur contrôle et l’ont donc rejeté. Ils ont même décidé, après le coup d’Etat, de suspendre l’aide au Mali, entraînant toute la société dans une pauvreté plus grande encore. Ils ont ensuite changé d’attitude en se rendant compte que Sanogo, qui avait tout d’abord adopté une rhétorique anti-élite et populiste afin de s’attirer du soutien, était hésitant et s’est finalement montré prêt à collaborer avec l’impérialisme.

    Le Nord du Mali: un désastre social et humanitaire en cours

    Les effets dévastateurs provoqués par les politiques néolibérales du régime d’ATT, soutenu par l’Occident, ont permis au capital français de dominer des pans importants de l’économie malienne, ont ruiné la vie de beaucoup de gens et ont considérablement augmenté le chômage de masse, la pauvreté, la précarité.

    Le Mali est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde, se classant 175e sur 187 pays en 2011 selon la grille de l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies. Ce pays a un taux de mortalité infantile et maternelle, de maladies et de malnutrition plus élevé que dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, et un taux d’analphabétisme de 75%.

    La marginalisation sociale de longue date du Nord du pays ainsi que le manque d’investissements et d’infrastructures dans cette région ont créé un océan de misère extrême et un niveau très élevé de ressentiment et de désespoir.

    En outre, tous les experts affirment que la sécheresse va s’approfondir dans le Sahel et que les pluies se tarissent en raison du réchauffement climatique. Il s’agit d’un désastre environnemental de grande ampleur pour tous les peuples de la région, car ils dépendent presque entièrement de l’élevage et de fermes.

    La forte baisse de l’activité économique touristique suite à l’augmentation du niveau de violence a été un facteur aggravant, avec un impact désastreux sur certaines régions et villes complètement dépendantes du tourisme pour leur survie (comme Tombouctou).

    Ce cocktail a créé une catastrophe sociale monumentale qui fut le terreau fertile du développement d’un territoire quasiment sans droit, fait d’une interaction complexe de mafias de trafiquants de drogue et de milices armées, aux côtés de combattants de type Al-Qaïda, de kidnappeurs et de bandits de toutes sortes.

    Une guerre pour la domination et le profit

    Une série de turbulences politiques ont été connues depuis l’épisode du coup d’État de Sanogo, qui a reflété la crise politique organique du pays et est l’acte de naissance de l’actuel gouvernement intérimaire. Formellement, la légitimité démocratique de ceux qui détiennent le pouvoir à Bamako est réduite à zéro. Cela n’empêche pourtant pas le gouvernement français d’exploiter le fait que ce régime militaire a ”demandé” à la France d’intervenir. Il ne s’agit que de la propagande destinée à alimenter l’idée que l’intervention militaire a été décidée suite à la demande d’aide du ”peuple malien” !

    Mais combien de temps sommes-nous censés croire que cette guerre n’a rien à voir avec le fait que le Mali possède de l’or, de l’uranium, du bauxite, du fer, du manganèse, de l’étain et du cuivre ? Ou avec le fait que ce pays est voisin du Niger, la source de plus d’un tiers de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises ?

    La dure réalité est que cette escalade militaire dans le Sahel, sous la bannière de la ”guerre contre le terrorisme”, ne vise à rien d’autre qu’à servir les intérêts impérialistes de la France : garantir la poursuite du pillage des immenses ressources de la région aux avantages de ses multinationales et de ses institutions financières.

    Les entreprises françaises ne sont pas les seules à avoir un appétit croissant pour cette région du monde. Les investissements directs chinois au Mali ont été multipliés par 300 de 1995 à 2008. Le Mali occupe effectivement avec la Zambie, l’Afrique du Sud et l’Egypte le sommet de la liste des pays africains où la Chine réalise ses plus gros investissements.

    Un rapport conjoint de l’office allemand des Affaires étrangères et du ministère de la défense montre qu’un budget de plus de trois millions d’euros a été alloué aux activités allemandes au Mali depuis le début de l’année 2009. Une dépense supplémentaire de 3,3 millions d’euros est prévue pour les années 2013 à 2016. De toute évidence, cette guerre s’inscrit dans un contexte plus large de compétition entre les différents puissances afin d’étendre leur influence régionale et de garantir leur accès à des ressources et des marchés importants.

    Vers un ”Sahelistan” ?

    Politiciens et commentateurs capitalistes ont prévenu du danger de l’instauration d’un ”Sahelistan”, un paradis pour les groupes terroristes de la région du Sahel.

    Bien entendu, aucun militant marxiste ou progressiste ne peut éprouver de la sympathie pour les djihadiste d’Al-Qaïda et d’autres groupes de ce type, dont l’idéologie et les méthodes constituent un danger mortel pour le mouvement ouvrier et les masses pauvres en général. Un lieu où les couples d’adolescents risquent la mort par lapidation s’ils se tiennent la main en public est une perspective répulsive pour l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes.

    Ces groupes prétendent appliquer la volonté de Dieu, mais ne sont pas exempts de contradictions. Ainsi, ces groupes ont des pratiques telles que l’amputation ou le fouettement de gens qui fument des cigarettes tout en étant eux-mêmes impliqués dans la contrebande de cigarettes et de drogue. Pour certains de ces groupes, l’idéologie religieuse n’est qu’une préoccupation de second ordre, et parfois tout simplement une couverture pour leurs activités mafieuses.

    Ces groupes réactionnaires ne sont que des champignons naissant sur un organe pourri qui est incapable de fournir à la majorité de la population, et surtout aux jeunes, un moyen d’aller de l’avant et d’avoir une vie décente. La peur, le manque de moyens de survie, l’absence de ressources financières, le besoin de protection, ou tout simplement l’absence d’alternative intéressante pour lutter contre la corruption des élites locales et les envahisseurs étrangers sont autant de motivations pour rejoindre ces groupes. En l’absence d’un mouvement fort et indépendant de la classe ouvrière uni aux pauvres des villes et des campagnes qui se mobilise pour offrir une perspective et un programme de changement social et politique, ces groupes armés peuvent continuer à exister et à se développer.

    Tout cela ne rend pas l’intervention militaire plus justifiable, de même que cela n’enlève en rien la responsabilité des puissances impérialistes bellicistes et de leurs marionnettes au pouvoir à Bamako face à cette situation.

    Les premiers rapports des frappes aériennes françaises contre les villes de Gao et de Konna, la semaine dernière, faisaient état d’entre 60 et 100 personnes tuées dans ces deux villes, y compris les enfants déchiquetés par les bombes. Les responsables militaires français ont eux-mêmes averti que des dizaines de morts parmi les civils sont presque ”inévitables”, puisque les rebelles vivent parmi la population et utilisent une tactique de guérilla pour se cacher.

    L’intervention militaire: une solution miracle?

    Tout cela jette de sérieux doutes sur l’objectif d’une brève campagne militaire de "quelques semaines". Encore une fois, c’est une chose d’envahir un pays et d’engranger de premiers succès militaires, mais c’en est une autre de se retirer et de compter sur une armée faible, impopulaire, fragmentée et corrompue pour reprendre le contrôle d’un territoire immense sans s’en prendre à la moindre des causes de la situation sociale explosive qui prévaut. La comparaison avec le bourbier afghan vient légitimement à l’esprit: selon le dernier rapport du Pentagone sur les progrès des forces afghanes, une seule des 23 brigades de l’armée afghane est "capable de fonctionner sans aucune aide extérieure".

    Peter Chilson, des Affaires étrangères américaines, a écrit : ”Le vaste désert du Nord du Mali est un endroit difficile à vivre, sans même parler de guerre. Pendant huit mois de l’année, la température y dépasse 120 degrés Fahrenheit en journée (48 degrés Celsius), dans un pays vaste et peu peuplé où il est facile de se cacher, surtout pour les forces djihadistes qui connaissent bien le terrain. Toute armée, qu’importe sa taille et son équipement, aura difficile à les chasser."

    La France peut être incapable d’éviter un engagement à long terme avec ses propres forces militaires. Au fur et à mesure que le nombre de blessés civils augmentera et que l’occupation occidentale et ses abus réveilleront les amers souvenirs de la période coloniale, cette intervention pourra précisément fertiliser le sol pour les djihadistes et d’autres groupes réactionnaires et leur attirer de nouveaux candidats pour participer à la ”croisade contre le maître colonial".

    A mesure que se poursuivra le conflit et que ses dramatiques conséquences seront exposées, l’atmosphère de relative acceptation cèdera place au doute, à la réticence et à l’hostilité. L’opposition va grandir et devenir plus audible. En France, les illusions envers la politique étrangère du gouvernement soi-disant ”socialiste”, qui serait fondamentalement différente de celle de Sarkozy, aura du mal à se maintenir. Toute l’idée défendue par François Hollande de la fin de la ”Françafrique” sera de plus en plus considérée pour ce qu’elle est : une plaisanterie cynique.

    Par ailleurs, ce qui s’est passé dans le Sud de l’Algérie n’est peut-être que le premier exemple d’une longue série d’effets boomerangs. En conséquence de cette intervention, plusieurs choses peuvent revenir à la face de l’impérialisme. Le chaos se répand et les problèmes de la région vont s’accumuler.

    Socialisme ou barbarie

    Un mouvement organisé sur une base de classe qui lierait la lutte contre la réaction fondamentaliste à un programme économique audacieux visant à exproprier les grandes entreprises et les grandes propriétés foncières ainsi qu’à résoudre les problèmes sociaux et la corruption pourrait rapidement obtenir un large soutien parmi la population malienne.

    Un tel mouvement pour l’égalité sociale devrait respecter les revendications et les droits de toutes les minorités ethniques et culturelles de la région afin de gagner en sympathie dans le pays comme sur la scène internationale.

    La construction d’un tel mouvement de masse peut apparaître comme une solution lointaine pour beaucoup de gens. Mais il s’agit du seul moyen de sortir de ce cauchemar grandissant. Le système capitaliste a montré à maintes reprises, partout sur le continent africain et au-delà, que le seul avenir qu’il a à offrir est de plonger la majorité de la population dans un cycle de barbarie, de crise économique, de guerre et de misère.

    • Non à l’intervention impérialiste dans le Nord du Mali ! Retrait des troupes étrangères du Mali – retrait des troupes françaises du Sénégal, de Côte-d’Ivoire, du Burkina Faso, du Tchad,…
    • Non à l’Etat d’urgence, pour le rétablissement de toutes les libertés démocratiques au Mali !
    • Pour la construction de comités de défense multiethniques démocratiquement organisés par la population malienne afin de chasser toutes les milices réactionnaires, mais aussi de résister à toute tentative d’occupation néocoloniale militaire du Nord !
    • Pour l’autodétermination des Touaregs! Tous les peuples du Sahel et du Sahara, ainsi que tous les peuples au sein de chaque pays, doivent avoir l’égalité des droits, et doivent décider de leur propre avenir !
    • Les richesses du Mali appartiennent au peuple malien ! Pour le contrôle et la gestion démocratique des grandes propriétés foncières, de l’Office du Niger, des mines et des secteurs stratégiques de l’économie malienne par les travailleurs et les pauvres, et non pas des gestionnaires corrompus ! Pour la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique !
    • Pour le financement d’un plan de développement économique basé sur les besoins des masses maliennes et contrôlées par elles !
    • A bas le régime de Bamako ! Pour un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres, afin de commencer la mise en œuvre de politiques socialistes pour développer le pays, sur base de la lutte commune des masse, organisées démocratiquement de la base.
  • Afrique du Sud : Fondation du Workers and Socialist Party

    La récente fondation du Workers and Socialist party (WASP) est un évènement qui a le potentiel de changer le paysage politique de l’Afrique du Sud tout comme la lutte de Marikana l’a fait au niveau industriel. A la base de cette initiative se trouvent le Democratic Socialist Movement (affilié au Comité pour une Internationale Ouvrière) et des représentants des comités de grève de Bokoni Platinum à Limpopo, Royal Bafokeng and Murray and Roberts à Rustenburg et North West and KDC à Carltonville. Le lancement de ce nouveau parti a eu lieu en dépit de faits apparemment sans rapport, mais qui sont très susceptibles des actes délibérés de sabotage : le retrait de l’autorisation de tenir le meeting au stade de Limpopo quelques heures à peine avant sa tenue, les très dures conditions de libération des dirigeants du comité de grève de la mine de platine de Bokoni et le boycott de l’événement par les médias.

    Communiqué de presse initialement publié le 17 décembre par le Comité Exécutif du DSM, les représentants du comité de grève de la mine de Bokoni, de Harmony Gold, d’Anglo Gold Ashanti, de Royal Bafokeng et de Murray Roberts.

    En dépit de ces difficultés pour cet événement qui devait être un rassemblement et une conférence de presse destinés à annoncer l’intention de lancer un nouveau parti et pour célébrer la libération sous caution des dirigeants du comité de grève de la mine de Bokoni, les représentants qui ont pu être présents après l’annulation du rassemblement n’étaient pas découragés et étaient déterminés. Les participants ont été très inspirés par la lecture de quelques messages de solidarité issus des mines de Harmony Gold, d’Anglo Gold Ashanti ainsi que des organisations sœurs du DSM au Nigeria, au Venezuela, en Chine et ailleurs, y compris de la part de paul Murphy, élu du Socialist Party irlandais au parlement Européen.

    La nécessité d’un parti comme le Workers and Socialist Party a été clairement mis en évidence par les rapports des divers dirigeants de comités de grève au sujet de la situation qui existe dans les mines dans le pays suite à la grève. A Bokoni, un état d’urgence a été imposé et les travailleurs trouvés dans les villages environnants et qui n’étaient pas au travail ont été forcés de se présenter à la mine. A Harmony Gold, les travailleurs ont repris la grève et, ailleurs, le mécontentement couve sous la surface. Le plus grand nombre de revendications pour lesquelles les travailleurs ont fait grève dès le mois d’août, en payant le prix d’une grande perte de revenus et des vies sacrifiées suite au massacre de Marikana, restent insatisfaites.

    La fondation du WASP fut modeste, en présence de 20 délégués seulement, et a concrétisé l’idée d’une alternative basée sur un programme socialiste s’engageant à la nationalisation des secteurs dominantes de l’économie et notamment de l’industrie minière. Le WASP devra considéré comme l’une de ses revendications clé la nationalisation des mines sous la propriété, la gestion et le contrôle direct des travailleurs dans le cadre d’un processus conduisant à la transformation socialiste de la société, seule base sur laquelle une solution durable aux problèmes des mineurs et de la classe ouvrière dans son ensemble peut être trouvée.

    Cet événement est donc la première étape historique dans le processus de lancement d’un parti de masse des travailleurs construit sur les comités de grève, le premier bataillon dans la lutte pour unir les travailleurs des mines, des usines, des fermes, des communautés ainsi que les étudiants en vue de créer une force redoutable, le 21 mars 2013.

    Le WASP devra se distinguer de tous les autres partis politiques par son programme clairement socialiste, son approche de la politique électorale, mais aussi sur le terrain des luttes. Ses représentants publics seront soumis à la révocabilité immédiate et toucheront le même salaire qu’un travailleur. Il devra faire la différence face à l’ANC, où tous les candidats en lice pour la présidence du parti sont engagés dans la préservation de l’asservissement de la classe ouvrière sous le capitalisme – le système dont le WASP est dédié à l’abolition.

    Dans les prochains jours et mois menant à son lancement, le WASP va mobiliser du soutien en sa faveur avec une résolution appelant à la construction du parti, afin de populariser l’idée d’une alternative au sein de formations organisées telles que les syndicats, les organisations communautaires, les mouvements sociaux et les organisations politiques, toutes invitées à adopter cette résolution pour rejoindre le WASP. Le WASP va se battre pour unifier les protestations des services publics, les luttes étudiantes contre les frais de scolarité inabordables et les luttes sur les lieux de travail en général, contre les licenciements et la flexibilité. Dans le cadre de la mobilisation pour le lancement du WASP, ses militants se rendront dans tout le pays afin de récolter un million de signatures en vue de se présenter aux élections de 2014. Le WASP mènera également une campagne pour la révocation de tous les représentants politiques incompétents et corrompus afin de les remplacer par des représentants du WASP – des représentants des travailleurs, au salaire des travailleurs. Le WASP va se lancer de tout son poids dans les campagnes de lutte contre la corruption.

    Une série de rassemblements régionaux sont prévus pour adopter la résolution qui sera la base du programme du WASP, en direction du lancement officiel du parti en mars.

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