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  • Soins de santé de qualité contre marché « libre »

    Le film ‘Sicko’ de Michael Moore nous offre une belle occasion de discuter plus profondément des soins de santé aux Etats-Unis. Comment fonctionne ce système? Et y a-t-il des alternatives?

    Par Bart Van der Biest

    Le choc des chiffres

    Une enquête, réalisée dans treize pays industrialisés a comparé 16 indicateurs médicaux. Les Etats-Unis y ont reçu une cote très basse : l’avant-dernière position du classement. Ainsi, les USA ont-ils obtenu le pire résultat en ce qui concerne l’insuffisance pondérale à la naissance et la mortalité infantile pendant le premier mois suivant la naissance. La durée moyenne du séjour en maternité y est très basse : seulement deux jours. En Belgique, en 2000, la moyenne était de plus de cinq jours ; dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), quatre jours.

    Selon une enquête de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur un total de 25 pays, les Etats-Unis se classent 15e au niveau de la qualité des soins de santé. Cette enquête de l’OMS a tenu compte de l’état de santé général de la population. La caricature du mauvais style de vie du «gros Américain» n’a donc pas d’impact sur le classement. Divers paramètres ont été utilisés pour mener l’étude: le pourcentage de la population qui fume, la consommation d’alcool, l’utilisation de graisses animales saturées, le taux de cholestérol,…

    Si l’on jugeait selon le ‘mauvais’ style de vie, les Japonais emporteraient la première position! Le Japon connaît notamment un pourcentage élevé de fumeurs : 61% des hommes et 14% des femmes. Mais malgré cela, le Japon est en première position en ce qui concerne les soins de santé. Un autre chiffre alarmant: les Etats-Unis sont en 27e position en ce qui concerne la longévité.

    Les “listes d’horreur” des soins de santé américains

    Le Journal of the American Medical Association du 26 juillet 2006 a donné un exemple saisissant de la mauvaise qualité des soins de santé aux Etats-Unis. Dans ce pays, les erreurs médicales constituent la troisième cause de mortalité. Chaque année, 225.000 Américains meurent d’erreurs médicales dont 12.000 pour cause de chirurgie superflue, 80.000 suite aux infections dans les hôpitaux, 106.000 à cause des effets secondaires des médicaments, etc.

    4 à 18% des patients qui subissent un traitement polyclinique en subissent des effets négatifs qui nécessitent à leur tour un traitement supplémentaire chez un autre médecin. En chiffres bruts, cela signifie:

    • 116 millions de consultations supplémentaires chez un autre médecin
    • 77 millions de prescriptions supplémentaires
    • 17 millions d’interventions supplémentaires de premiers secours
    • 8 millions d’hospitalisations supplémentaires
    • 3 millions de traitement supplémentaires de longue durée
    • 199.000 décès suite à un traitement supplémentaire (donc une succession d’erreurs)
    • un total de 77 milliards de dollars de frais médicaux supplémentaires

    D’après les chiffres de l’OCDE, en 2001, la Belgique a dépensé 9% de son produit intérieur brut (PIB) en soins de santé. Les USA étaient en première position de ce classement avec 13,9% du PIB. Etrange lorsque l’on sait que les Américains doivent payer eux-mêmes la majorité de leurs frais médicaux. Seulement un quart de la population jouit d’une assurance garantie par des programmes d’aide publics et près de 47 millions d’Américains ne disposent d’aucune forme d’assurance maladie. La part des dépenses publiques dans le total des dépenses de soins de santé s’élève en moyenne à 72% dans les pays de l’OCDE, mais à seulement 44% aux Etats-Unis. Et ce sont pourtant les USA qui dépensent le plus en soins de santé (4.900$ par habitant), malgré leur inefficacité et leur coût élevé.

    Caisses de soins de santé: D’abord les actionnaires, puis les patients

    Aux Etats-Unis, les soins de santé sont en principe régulés par le soi-disant « marché libre ». Résultat: chaos total. Il existe d’innombrables formes d’organisation, chacune ayant sa propre dynamique économique, ses frais, son lot d’assurances, sa qualité et son accessibilité. Les clients concluent des contrats avec des clauses de soins auprès de prestataires bon marché répartis sur de vastes territoires. Les gens sont orientés vers le centre A pour les soins de première ligne, vers l’hôpital B pour l’aide médicale d’urgence, vers le bâtiment C pour les hospitalisations, vers la polyclinique D pour les diabètes, vers la maison de repos E, etc.

    Les sociétés d’assurance et les prestataires de soins (hôpitaux, médecins de famille, maisons de repos,…) sont organisés dans les Health Maintenance Organisations (HMO). Ces industries concluent aussi des contrats avec les employeurs pour leurs salariés. Certaines font partie du secteur non-marchand, d’autres sont commerciales, cotées en Bourse et emploient les managers les plus cher du pays.

    L’unique but des soins de santé aux Etats-Unis est la réalisation de profits. Plus on dépense pour soigner les patients, moins il y a de dividendes à distribuer aux actionnaires. Dans le film de Michael Moore, ce mécanisme est mis à nu. Les assurances-maladie privées font tout pour éviter de rembourser un assuré. On va jusqu’à recruter des détectives qui enquêtent sur le passé médical du patient afin de pouvoir lui réclamer de l’argent en cas de « rétorsion d’informations » lors de la conclusion du contrat. Ainsi, un cancéreux peut se voir refuser le remboursement de ses frais médicaux pour avoir omis de signaler une infection bactérienne.

    D’un point de vue médico-technique, l’offre de soins professionnels est satisfaisante. Du moins pour ceux qui y ont accès. En pratique, les soins de santé de bonne qualité aux Etats-Unis sont un privilège des riches. Ceux qui n’y ont pas droit doivent en appeler à la charité et aux soi-disant ‘dispensaires collectifs’ (‘community health centers’).

    Aux Etats-Unis, la médecine préventive est quasi-inexistante et se limite à la diffusion de dépliants informatifs, des vaccinations et des enquêtes auprès de la population. Les soins de santé sont entièrement centrés sur les individus et se limitent en fait à des soins curatifs. Si on veut vendre la maladie et la santé sur un marché économique, les soins de santé doivent être regroupés en paniers de ‘produits’ négociables à un certain prix. La prévention n’y trouve pas sa place.

    L’approche commerciale a pour effet de déresponsabiliser les individus et les collectivités. L’impossibilité d’investir dans la santé et dans l’usage rationnel des possibilités génère le consumérisme, la surconsommation et l’usage inapproprié. Tout ceci contribue à gonfler la facture qui se répercute finalement dans la médecine curative, d’où les coûts élevés aux Etats-Unis.Aux Etat-Unis, mais également en Europe, l’idée de “liberté de choix” n’est qu’un alibi pour le marché des soins de santé. Mais la plupart des gens n’ont pas la possibilité d’y faire leur marché. Tout y est régulé par l’offre et la demande de soins.

    La santé publique en Europe : Terre promise ?

    Ces dernières années, en Europe également, la tendance est à la commercialisation des soins de santé. Les avocats du système américain affirment que le ‘libre’ marché dans les produits de soins aboutira à l’efficacité, à la maîtrise des coûts, au libre choix et à la qualité.

    Plusieurs tentatives ont été faites pour donner les soins de santé en pâture aux vautours du privé par le biais des institutions internationales (entre autres l’OMC et l’UE). Par exemple, seule la pression syndicale a permis d’éviter (provisoirement ?) que le secteur de la santé (et ses dérivés) tombe dans le champ d’application de la directive “Bolkestein”.

    Bien loin de la vision idyllique qu’en donne “Sicko”, les soins de santé en Europe souffrent de graves carences. A l’instar d’autres secteurs, la politique néo-libérale y a laissé des traces profondes. Les mesures d’économie n’épargnent pas ce secteur et les problèmes sont donc le plus souvent dus à un manque de moyens qui met sous pression les systèmes de soins de santé universels comme le NHS (National Health Service) en Grande-Bretagne.

    Et en Belgique ?

    La pression financière accrue sur les soins de santé qui deviendrait intenable pour les pouvoirs publics sert d’argument massue pour justifier l’ouverture du secteur au privé. Ainsi, les longues listes d’attente dans le secteur des maisons de repos constituent l’alibi parfait pour des initiatives privées. Dans ce secteur, les maisons de repos commerciales sont en train de gagner du terrain : il y a déjà 7 grandes sociétés d’investissement qui sont actives sur le terrain. Elles y font évidemment des bénéfices, ce qui implique des économies sur le personnel, les bâtiments, l’infrastructure,… L’engagement de ces sociétés d’investissement n’est évidemment pas dicté par l’amour des personnes âgées…

    Dans les hôpitaux, on sous-traite les tâches secondaires (comme les services de nettoyage) et on privatise les activités les plus lucratives. Dans certains hôpitaux (publics), il y a plusieurs catégories de personnel qui coexistent : à côté du personnel nommé en voie d’extinction, il y a les contractuels qui sont engagés dans des entités juridiquement distinctes où les salaires et les conditions de travail sont nettement inférieures…

    Une commercialisation accrue ne peut qu’aboutir à terme à un système de soins de santé à deux vitesses : une offre de base accessible à tous et des soins de luxe pour ceux qui peuvent se le permettre.


    David et Goliath…

    Les soins de santé à Cuba et aux USA

    Le cauchemar des soins de santé aux Etats-Unis contraste avec la situation à Cuba. Malgré les critiques que l’on peut faire au régime cubain, il est frappant de constater que la santé publique y est meilleure qu’aux Etats-Unis. A Cuba, les soins de santé sont gratuits et universels. Il y a un système de soins intégrés qui met l’accent sur la prévention. Les médecins soignent leurs patients mais agissent aussi sur les causes. Ils appliquent un politique médicale au niveau des quartiers. Dans les laboratoires cubains, la recherche sur les vaccinations est très poussée.

    Des milliers de médecins cubains travaillent dans 68 pays différents. Rien qu’au Venezuela, il y a près de 20.000 travailleurs de la santé cubains. Pas mauvais pour un pays du Tiers-Monde avec autant d’habitants que la Belgique. Les médecins compétents ne deviennent donc pas forcément des vampires assoiffés d’argent…


    Ce que nous proposons

    Notre remède à la soif de profit de l’industrie pharmaceutique, à la commercialisation rampante et au cancer de la médecine de presta-tion: la création d’un service de santé public et national qui coiffe, organise et coordonne les différents services de santé dans l’intérêt de la santé publique et pas du profit ou du prestige de quelques individus et institutions.

    La mise en oeuvre d’un tel système se heurte au fonctionnement du capitalisme. Une autre santé publique n’est possible que dans un autre monde : un monde socialiste.

  • Le néoliberalisme: un système malade !

    “Sicko” ou l’industrie de la santé américaine mise à nu

    Dès le 10 octobre, nous pourrons voir dans les cinémas belges le documentaire « Sicko » du réalisateur Michael Moore. Après « Bowling for Columbine » et « Fahrenheit 9/11 », il dévoile une autre catastrophe nationale au Etats-Unis : les soins de santé.

    Par Bart Van der Biest

    Moore s’est construit une réputation de critique acerbe des puissants du monde auprès d’un large public. Quand les entreprises américaines des soins de santé ont appris qu’elles seraient le sujet du prochain film de Michael Moore, un véritable état de siège a commencé. Cela a manifestement eu pour effet que nulle part dans le film, on ne voit une confrontation physique entre Michael Moore et des membres de conseils d’administration ou des porte-paroles de l’industrie de la santé, ce qui est pourtant le cachet du critique américain. Mais pas de panique : le film a d’autres tours de force.

    A travers le film, en comparant les soins de santé américains avec ceux des autres pays industrialisés, il montre le véritable désastre sanitaire aux Etats-Unis. Ce film montre le rôle évident de « Tricky Dick » alias le président Nixon dans cette catastrophe.

    Il est cependant regrettable que le film n’aborde le problème que pour ceux qui ont une assurance maladie, ce qui laisse un gros point aveugle de 47 millions d’Américains qui en sont dépourvus. Obtenir une assurance n’est pas une panacée, mais ceci n’est que le début du calvaire. Les assurances maladie étant privées, la soif de profits conduit ici aussi à des situations absurdes et surréalistes que Michael Moore met en scène. La manière badine avec laquelle Michael Moore cadre les histoires adoucit les faits, mais on en a pas moins envie de crier vengeance : quelques témoins y ont littéralement perdu la vie.

    Sur l’air connu de Star Wars, défile à l’écran la liste (35 pages!) des maladies pour lesquelles il est impossible de prendre une assurance maladie privée. Une visite à Guantanamo Bay montre jusqu’où cette absurdité peut aller. La prison/forteresse américaine sur le sol cubain est le seul lieu aux Etats-Unis où existent des soins de santé universels et gratuits,… alors que de nombreux sauveteurs du 11/9 sont abandonnés à leur triste sort.

    Ce documentaire de Michael Moore a, comme d’habitude, le mérite de dénoncer des injustices. Cependant, on peut regretter le ton quelque peu moralisateur (typiquement américain) de la critique et de son approche des soins de santé européens qui est tout sauf nuancée. L’Europe est présentée comme le pays de cocagne où la politique néolibérale de ces dernières années n’a été apparemment qu’un mauvais rêve. Mais c’est oublier le démantèlement de la sécurité sociale en Europe. Le Service National des Soins de Santé (NHS) en Grande-Bretagne est mis sur un piédestal, alors qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait d’actions contre la fermetures de cliniques.

    “Sicko” est cependant vivement recommandé à tous ceux qui veulent savoir quel avenir nos politiciens néolibéraux et les patrons nous préparent.

  • Après l’explorateur : Un démineur ou un dynamiteur ?

    Crise gouvernementale :

    Faute d’un gouvernement capable de renouveler les subsides, des centaines d’emplois ont été un temps menacés dans le cadre du Plan fédéral des grandes villes ou encore d’ASBL comme les Restos du Coeur. Une solution provisoire a été trouvée mais l’Orange bleue aura au moins réussi un sacré tour de force : menacer directement des emplois alors même que le prochain gouvernement n’existe toujours pas ! C’est finalement assez symptomatique de l’avenir que nous réservent nos politiciens, qu’elle que soit leur langue (de bois).

    Nicolas Croes

    Depuis le 10 juin, nous avons eu droit à une valse de «carrures» politiques qui n’ont finalement rien pu faire d’autre que d’admettre l’impasse dans laquelle ils se trouvaient. L’informateur Reynders a été suivi du négociateur Dehaene, juste avant le formateur Leterme à qui a succédé l’explorateur Van Rompuy. Et puis quoi ensuite ? Un démineur ou un dynamiteur ?

    On a un peu l’impression d’être dans un de ces vieux films où deux camions se foncent dessus en espérant que l’autre flanchera le premier et sortira de la route. Sauf qu’ici, il manque la vitesse… A tel point que Guy Quaden, le gouverneur de la Banque Nationale, a averti qu’un tel retard dans la formation du gouvernement aura des répercussions économiques. Histoire de déjà prévenir la future coalition qu’elle aura peut-être encore plus à faire en termes d’attaques sociales? Avec la crise des crédits hypothécaires américains qui s’est transformée en crise boursière et financière et s’étend peu à peu au reste de l’économie mondiale, cela fait froid dans le dos…

    Ce qui est certain, c’est que la pression augmente sur les probables partenaires, qui semblent pourtant avoir tout essayé pour n’arriver encore à rien après plus de 100 jours de discusssions. Ecolo a été approché, sans succès. L’explorateur a même fait appel à l’ex-négociateur pour tâter le pouls du Boulevard de l’Empereur. Mais au siège du PS, on est fort peu désireux d’apporter le moindre soutien à Reynders et Leterme. Sans pour autant qu’il y ait de virage à gauche, comme vous pourrez le voir dans cet article. Alors quoi, un démineur ou un dynamiteur ?

    Vous trouverez plus de précisions sur notre position vis-à-vis de la question nationale dans le dossier de ce journal mais, en définitive, dynamiter les institutions actuelles n’est pas pour nous déplaire. Oui, une communauté profite de la situation. Oui, cette communauté d’intérêt repart sans cesse à l’attaque. Mais cette communauté, c’est celle des riches, celle des patrons et des acti-onnaires. Si Leterme, Reynders, Milquet, Verhofstadt ou Di Rupo patinent autant, ce n’est pas vraiment parce qu’ils sont en désaccord sur la manière de réagir à cette offensive. Ils l’appuient tous mais ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la sauce – toujours fédérale ou davantage régionalisée – à laquelle ils veulent l’assaisonner.

    Cette crise est la leur, aux travailleurs d’apporter leur propre réponse: celle de la solidarité, par-dessus toutes les frontières, y compris linguistiques.

  • PS et Région wallonne. Demotte lave plus bleu ?

    Rudy Demotte, le successeur que s’est choisi Di Rupo comme Ministre-président de la Région wallonne, a donné une interview de rentrée au Soir. Elle illustre à merveille le dicton populaire « Avec un socialiste comme ça, qui a encore besoin des libéraux ? ».

    Par Jean Peltier

    Après avoir rappelé le credo du PS wallon (non au confédéralisme, tout pour le redressement économique wallon), Demotte en arrive aux moyens à employer pour assurer ce redressement. Et le festival commence : « La Wallonie doit redevenir une ‘’terre laborieuse’’. Je serai celui qui y veillera. Qui va libérer le marché ». Un peu surpris par ce mâle discours sarkozyste, le journaliste risque « ‘’Libérer le marché’’, de la part d’un socialiste… ». Demotte appuie alors sur l’accélérateur : « Un socialiste moderne, convaincu de l’importance d’offrir les meilleures conditions aux investisseurs – à commencer par les investisseurs flamands (…). Il faut offrir des garanties aux gens qui détiennent des capitaux et qui sont prêts à investir. L’accord social chez Ryanair récemment est un bel exemple d’une Wallonie aux antipodes de son image conservatrice, grévicultrice, etc. ». Et Demotte assène le coup final « Il faut un nouveau « pacte social wallon », liant mouvement syndical, patronat, responsables publics (qui) renvoie à l’impératif wallon : la prise de conscience (de) ne compter que sur nous-mêmes ».

    Ce nouveau pacte social pour attirer les investisseurs, on voit donc bien ce que cela signifie pour Demotte : ligoter les mains des syndicats en convainquant leurs dirigeants qu’il n’y a pas d’autre moyen que de supprimer les « rigidités » du marché du travail (fini les contrats à durée indéterminée, vive les contrats précaires, la flexibilité des horaires, l’intérim à gogo et la « facilitation » des licenciements) et en réduisant les possibilités de grève (en les faisant bloquer par les dirigeants syndicaux et, si besoin, en imposant le service minimum dans les services publics cher au cdH.

    Les intentions de Demotte sont donc claires comme du cristal au niveau de la Région wallonne. Il continuera – et accentuera – la politique social-libérale qu’a menée Di Rupo. Mais ses déclarations ont aussi une signification au niveau fédéral. Elles sont d’abord une offre de service en bonne et due forme adressée aux partis de l’Orange bleue, et en particulier au CD&V : si vous n’arrivez pas à vous entendre à quatre, le PS est disponible et mener une politique libérale ne nous fait pas peur ! Mais elles montrent aussi quelle « opposition » le PS s’apprête à mener au cas où il ne ferait pas partie du nouveau gouvernement : Là où la droite cherche à passer à force, nous, nous réussissons à rassembler les dirigeants du patronat, des partis et des syndicats autour d’une politique favorable aux investisseurs ». Le PS en champion du libéralisme consensuel contre le libéralisme d’affrontement social !

    Espérons que ces déclarations feront réfléchir ceux qui pensent encore que le PS rejeté dans l’opposition développerait une critique de gauche d’un gouvernement chrétien-libéral et desserrerait le frein qu’il a placé sur la FGTB afin que les syndicats secouent le gouvernement. En candidats permanents au pouvoir et à la gestion néolibérale, les dirigeants du PS n’ont pas la moindre envie de voir les travailleurs dans la rue… même contre la droite !

  • Carrefour / GB. Succès de la deuxième tournée du bus du CAP

    Du 13 au 15 septembre a eu lieu la deuxième tournée du bus du CAP auprès des seize GB menacés de fermeture et de « remplacement » par des magasins franchisés avec perte de salaire (jusqu’à 25%!).

    par Serge Katz

    Cette tournée a été fructueuse. La récente explosion de la question nationale n’y est pas étrangère. Elle a pu servir d’accroche aux discussions tant au nord qu’au sud du pays. C’est l’un des grands avantages du CAP que de pouvoir dépasser les préjugés entre Flamands, Bruxellois et Wallons. Même à Hal, dépeinte pourtant comme extrêmement chatouilleuse sur cette question, la population a bien compris que, face à la politique désastreuse du grand capital, nous sommes tous dans le même bateau. A Gilly, Quiévrain, Rocourt et Tournai, la présence de deux Flamands solidaires en Wallonie a entrainé les mêmes effets. Face à une démoralisation compréhensible, nous avons montré que les clients et travailleurs de Carrefour ont les mêmes intérêts et ne sont pas seuls.

    Les gens à qui nous avons parlé ont compris qu’au delà de la crise politique actuelle, l’important reste la casse sociale que nous prépare le futur gouvernement. Mouvement rigoureusement fédéral, le CAP a été perçu comme une alternative aux partis traditionnels. Aussi avons-nous reçu de nombreuses marques de sympathie et beaucoup de promesses d’engagement. A Rocourt, une bien belle théâtrale de la troupe « A Contre Temps » sur les méfaits de la haute finance a permis d’attirer l’attention et de nouer des contacts extrêmement prometteurs, y compris avec une déléguée syndicale. A Tournai, nous avons rencontré des personnes qui ont récolté pas moins de 12.600 signatures contre la fermeture du magasin ! A ces chiffres s’ajoutent ceux de notre pétition que nous n’avons pas omis de faire remplir. Des contacts ont été pris en vue d’actions communes au sein d’un Comité de solidarité avec les travailleurs.

    La tournée des GB a montré que le CAP est sur la bonne voie. C’est à partir de telles actions concrètes que nous pouvons faire le lien entre les usagers et les travailleurs. C’est ainsi que nous aiderons les gens à relever la tête et, avec le CAP, à soutenir les grèves et autres actions à venir dans les entreprises.

    Vous pouvez visionner la vidéo de cette tournée sur le site du Comité pour une Autre Politique: www.autrepolitique.be

  • Bye Bye Belgium? Questions / réponses sur la crise communautaire

    La crise politique paralyse la Belgique

    Plus de cent jours après les élections, aucune issue n’est en vue. Journalistes et politiciens étrangers regardent ce spectacle avec stupéfaction, comme The Economist qui a prédit la fin de la Belgique. On peut être plus que certain que les classes dirigeantes des pays européens confrontés à des régions qui aspirent à plus d’autonomie – la Grande-Bretagne, l’Espagne, la France ou encore l’Italie – suivent ces développements avec grande attention.

    Dossier par Anja Deschoemacker

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    Fédéralisme responsable?

    Alors que les deux syndicats juraient leurs grands dieux avant les élections qu’ils s’opposeraient à toute régionalisation du marché de l’emploi, les dirigeants flamands de la CSC – maintenant que “leur” parti a de nouveau la possibilité d’avoir le Premier ministre – laissent désormais la porte ouverte sur cette question. Les déclarations de Cortebeeck prouvent que la direction de la CSC pourrait donner son accord à, par exemple, une proposition de Bea Cantillon (Centre pour la Politique Sociale de l’Université d’Anvers), pour qui on peut transférer partiellement le budget de la sécurité sociale en fixant des objectifs. « Un Etat régional qui par sa politique diminue les dépenses de la sécurité sociale serait recompensé. Un Etat régional qui augmente les coûts sera financièrement puni. » (Knack, 25/07). Elle appelle ça « un fédéralisme social responsable ». Cela serait – suivant la veille tradition belge – présenté comme une victoire à la fois par les nationalistes flamands (« un premier pas vers une régionalisation ») et par les partis francophones (« pas de régionalisation »).

    Les syndicats ne doivent pas se battre pour une division de de la pénurie –résultat de l’écrémage systématique de la richesse produite qu’opèrent patrons et actionnaires – mais doivent mener une lutte contre contre chaque démantèlement social et pour plus de moyens.
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    Mais si la discussion sur l’éclatement de la Belgique se mène ouvertement, les prises de positions en faveur du maintien du pays gagnent en force. A la surenchère communautaire répond le sentiment grandissant que « la récréation est terminée » et qu’il est temps de faire appel à un « véritable homme d’Etat».

    Comment un tel chaos a-t-il pu arriver ? Et que va-t-il arriver maintenant ? Pour nous, socialistes révolutionnaires, s’ajoute la question du programme à défendre. Les revendications nationalistes flamandes – caractérisées par la suffisance, et l’égoïsme – ne sont en aucun cas une option. Mais les « belgicistes » ont-ils pour autant une solution valable ? Pas vraiment… Le MAS/LSP ne défend ni l’élite nationaliste flamande – qui ne veut rien d’autre qu’exploiter plus encore les travailleurs flamands – ni les intérêts de patrons comme Albert Frère (la plus grosse fortune de Belgique) ou encore de la monarchie.

    D’où vient la surenchère communautaire?

    Dans le passé, l’oppression passée de tout ce qui avait trait au flamand a ouvert la voie à l’amertume et la méfiance. Les écoliers flamands apprennent dans leurs cours d’histoire que les Flamands ont dû se battre pour acquérir le simple droit d’utiliser leur langue et ont été souvent trompés quand la lutte imposait des concessions. Dans cette logique, « les francophones » reçoivent aujourd’hui, selon les flamingants, la monnaie de leur pièce.

    Ici, c’est à dessein que « les franco-phones » sont entre guillemets, car il n’existe pas de groupe linguistique homogène. L’élite francophone qui a jadis laissé la Flandre stagner dans le sous-développement est la même que celle qui a durement exploité et opprimé les travailleurs wallons. Ce n’est pas par hasard si Marx a décrit le jeune Etat belge – créé par les grandes puissances européennes comme Etat-tampon contre la volonté d’expansion de la France qui suivit la révolution française – comme un vrai « paradis pour le patronat ».

    La majorité du mouvement flamand a toujours recherché une solution au sein de la Belgique. Aujourd’hui encore, seuls la N-VA et le Vlaams Belang sont séparatistes, mais les études sur l’électorat de ce dernier démontrent paradoxalement qu’il comprend plus d’unitaristes et de monarchistes que d’indépendantistes. La surenchère communautaire n’est donc en rien une lutte consciente pour une Flandre indépendante.

    De l’autre côté, le régionalisme wallon – dont la direction se référait au programme de réformes de structures de la FGTB – est depuis longtemps déjà en déclin. Il faut dire que le rêve d’une Wallonie autonome et « donc plus sociale » a viré en cauchemar face à la croissance du chômage, aux salaires et au niveau de vie en général plus modeste qu’en Flandre, etc.

    La surenchère communautaire est à la fois le résultat de cette histoire et du jeu de poker politique de la classe dirigeante belge. Cette dernière possède le pouvoir économique – et donc le réel pouvoir politique – et mène les partis traditionnels par le bout du nez. Elle a toujours su manipuler les différences de langue et de mode de vie pour faire payer ses profits et ses privilèges à la majorité de la population. Le but n’a jamais été la scission finale de l’Etat. Comme l’expliquait l’écrivain flamand Geert Van Istendael au Soir, on peut tout faire avec un bouc émissaire sauf le tuer, à moins de devenir soi-même responsable. Mais, combinée à la politique antisociale qui engendre toujours plus de manque et de frustration, la surenchère communautaire peut mener à l’exacerbation des tensions nationales.

    Comme l’écrit le journal néerlandais HRC Handelsblad: si le pays se désintègre aujourd’hui, ce sera plus à cause du désintérêt de la population que pour de véritables tensions nationalistes dans les couches larges. Nous sommes du même avis et voyons surtout un jeu politique où la population est réduite à l’état de simple spectateur dans les développements actuels.

    Quels sont jusqu’ici les résultats de la régionalisation?

    La scission de diverses compétences – la communautarisation de l’enseignement ou la régionalisation partielle des villes – a donné d’excellents résultats… pour la classe dirigeante ! Tous les commentateurs politiques sérieux admettent que cela a été une aide précieuse pour « l’assainissement du pays », c’est-à-dire le démantèlement de « l’Etat providence ».

    Depuis presque 20 ans, les partis flamands ont été obligés de gouverner avec le PS. S’ils veulent aller plus loin dans la satisfaction de leurs revendications aujourd’hui, ce n’est que pour améliorer la situation du patronat: un marché de l’emploi encore plus flexible, des conditions de travail et de salaire encore pires, moins de sécurité sociale,… Ce jeu se joue également de l’autre côté de la frontière linguistique. Le PS a de cette manière réussi à être considéré comme un parti d’opposition tout en étant au gouvernement : «nous devons assainir», «nous devons couper dans le budget de l’enseignement», «nous devons chasser les chômeurs», etc «sinon la Flandre scissionnera la sécurité sociale ou même le pays».

    Pendant ce temps les riches restent en dehors du collimateur et reçoivent cadeaux sur cadeaux: diminutions de charges et d’impôts, amnistie fiscale,… Les revenus du capital prennent une place toujours plus grande dans la richesse nationale au détriment des revenus salariaux. Mais tant que dure le show communautaire, personne ne pense aux poches qui engloutissent réellement la richesse nationale ! Ce ne sont pas celles des travailleurs, chômeurs et pensionnés wallons, flamands ou bruxellois !

    Dans une situation de ralentissement de la croissance économique mondiale suite à la crise du crédit hypothécaire américain, la surenchère communautaire ne va pas disparaître de si tôt car car il faut bien en faire payer le prix à quelqu’un.

    Le scénario d’une séparation est-il réaliste?

    Cette question se pose surtout à cause de l’impasse actuelle dans les négociations entre les deux « communautés » pour le gouvernement. Mais une séparation devra également être négociée, notamment pour les frontières des Etats, l’avenir de Bruxelles, la division de la dette nationale et de ce qui reste encore du patrimoine national après Verhofstadt I et II. Sans scission négociée, le seul autre scénario est celui d’une guerre civile autour des questions territoriales et surtout autour de Bruxelles et sa périphérie.

    Car une Flandre sans Bruxelles est immédiatement beaucoup moins intéressante. La région bruxelloise est responsable de 20% du PIB belge et sur les 340.000 navetteurs qui travaillent à Bruxelles, il n’y a pas moins de 230.000 flamands. De plus, la Wallonie et Bruxelles sont les partenaires commerciaux les plus importants des entreprises flamandes.

    Une Flandre indépendante qui voudrait garder Bruxelles devrait par contre accepter que cette Flandre soit un Etat bilingue. Et afin d’être acceptée comme membre de l’Union Européenne, la Flandre devrait très probablement souscrire au traité sur les minorités, ce qu’elle refuse de faire jusqu’à présent. Elle devrait alors accorder à la minorité nationale francophone en Flandre des droits ou des facilités et pas seulement dans les communes à facilités actuelles, mais partout où il y a une minorité francophone importante.

    Et là, c’est encore dans l’hypothèse où la population bruxelloise voudrait rejoindre une Flandre indépendante, ce qui est déjà extrêmement improbable dans le cadre d’une scission négociée, mais devient totalement impensable dans un scénario de déclaration unilatérale d’indépendance.

    C’est pour cela que le groupe De Warande (auteur d’un Manifeste pour une Flandre indépendante) ne men-tionne pas Bruxelles et que Bart De Wever (N-VA) place l’indépendance de la Flandre dans un avenir lointain dans lequel la Belgique se serait « vaporée » entre des Etats régionaux presque autonomes et l’Union Européenne.

    Selon le MAS/LSP, ce dernier scénario est utopique : la création d’un véritable Etat européen n’est pas possible dans le cadre du capitalisme car elle présuppose que les différents Etats européens (et les élites économiques qu’ils représentent) stoppent leur concurrence entre eux alors que l’objectif actuel de l’UE est justement un projet dans lequel cette concurrence peut s’effectuer de façon encore plus brutale, entre autres en libéralisant et démantelant totalement les services et les systèmes de sécurité sociale. Et ces dernières années ont été les témoins de bien des problèmes dans la construction de l’UE: le Pacte de stabilité n’est presque plus respecté, il n’existe pas de politique extérieure unifiée, la Constitution est momentanément enterrée, le protectionisme économique réapparaît,…

    Nous pensons donc qu’une scission de la Belgique n’est pas une perspective probable à court terme. D’ailleurs aucune partie du pays ne compte une majorité qui y soit favorable, ni dans la classe dirigeante ni dans le mouvement ouvrier.

    Au contraire des nationalistes flamands, le MAS/LSP n’est pas non plus convaincu de l’inexistence d’un « sentiment belge » ou du fait que les différences culturelles entre la Flandre et la Wallonie soient insurmontables. La différence linguistique masque justement de fortes similarités, des choses qui tombent directement sous le sens des étrangers mais que beaucoup de Flamands et de Wallons ne voient plus derrière les institutions, les politiciens et les médias. On ne connait pas le nombre de « familles mixtes » entre les régions et une scission ferait du tissu économique un gigantesque gruyère.

    Un divorce n’est facile qu’avec consentement réciproque et accord sur la séparation des biens. Sans accord, la scission de la Belgique ne saurait être qu’une grande bagarre. Et dans un tel type de divorce, les politiciens doivent pouvoir compter sur une réelle volonté de séparation auprès de la majorité de leur population, ce qui n’est pas le cas.

    Cette question nationale peut-elle être résolue?

    Le seul lieu où reste encore des traces de l’oppression et de l’humiliation nationale est la périphérie de Bruxelles, où la population d’origine, flamande et moins aisée, est sous pression depuis déjà longtemps, mais ce phénomène est plus une donnée socio-économique qu’une invasion francophone consciente.

    Tout d’abord, les nouveaux arrivants plus aisés ne sont pas seulement des francophones, mais aussi des eurocrates ( il faut noter que les eurocrates néerlandais ne choississent qu’exceptionnellement le côté flamand, vu comme « provincial » et « borné »). Pour arrêter ce développement, la politique actuelle du logement – qui partout donne priorité au plus grand portefeuille – doit être remplacéé par une politique qui offre des habitations sociales confortables et abordables comme garanties à ceux qui veulent rester dans la région. Cependant, tous les nouveaux arrivants ne sont pas riches; bon nombre d’entre eux sont des familles de travailleurs qui souhaitent élever leurs enfants dans une environnement plus vert et plus agréable. Une politique sociale de logement, combinée à une masse de stimulants pour permettre aux populations parlant d’autres langues de s’intègrer dans la communauté locale donnerait de biens meilleurs résultats que la politique actuelle de harcèlement qui a pour effet de pousser tous les francophones dans les bras des partis francophones dont la politque antisociale ne diffère en rien de celle de leurs collègues flamands.

    Le MAS/LSP n’est pas d’accord avec les nationalistes flamands pour qui la cohabitation des différents peuples au sein d’un Etat est impossible. En soi, le MAS/LSP n’a rien contre un élargissement des compétences des autorités régionales et locales. Mais à la condition que cela soit demandé par une majorité de la population dans la région impliquée et que le but soit d’arriver à une meilleure politique, à une politique sociale qui pourvoit aux besoins de tous.

    Le MAS/LSP défend une démocratie aussi large que possible. Nous reconnaissons le droit à l’autonomie et même à la séparation si cela est demandé par la majorité de la population de la région impliquée. Le MAS/LSP s’oppose par contre à une régionalisation si le but est d’arriver à une politique d’austérité encore plus dure, imposée dans une région pour l’être ensuite dans l’autre. La scission de l’enseignement illustre cette tactique. Pour cette raison, nous nous opposons de façon résolue à la scission de la sécurité sociale, de la politique d’emploi et de la concertation sociale.

    Nous sommes pour un élargissement des droits démocratiques, ce qui signifie entre autres lutter pour le droit à un travail et à des services dans sa propre langue. Le bilinguisme ne peut pas être imposé, seulement stimulé, notamment avec un enseignement de bonne qualité pour tous les élèves. Le MAS/LSP pense que les droits linguistiques des minorités nationales – flamande à Bruxelles et en Wallonie, francophone dans la périphérie de Bruxelles, en Flandre et en communauté germanophone, germanophone en Wallonie – doivent être inscrit dans la Constitution. Une politique linguistique démocratique n’est possible qu’avec assez de moyens. C’est la seule manière de faciliter la cohabitation. La contrainte n’entraîne qu’une résistance aigrie.

    Les droits des immigrés – sur le plan linguistique, mais aussi dans l’enseignement et les autres services – doivent être également inscrits dans la Constitution. Les travailleurs autochtones y ont aussi grand intérêt : c’est justement leur manque de droits qui fait la présence de travailleurs étrangers sur le marché de l’emploi qui fait peser une pression sur tout les salaires.

    Bruxelles-Hal-Vilvorde est le dossier symbolique par excellence. N’importe quelle « solution » – scission et/ou élargissement de Bruxelles – n’en est pas une si on ne tient pas compte des droits de la minorité qui s’y trouve. Ce n’est que si les minorités voient leurs droits garantis qu’on peut arriver à une solution bénéfique pour tous.

    Plus de moyens pour une vraie politique sociale et des droits pour chaque groupe de la population sont les seules véritables conditions pour une cohabitation harmonieuse. Notre pays possède plus qu’assez de richesses pour pourvoir aux droits et besoins de tous les travailleurs et de leurs familles. Mais nos gouvernements choisissent de donner des milliards au patronat sous forme de baisse des soi-disants charges patronales, de diminutions d’impôts pour les riches et de toutes sortes de manoeuvres fiscales.

    En manipulant la question nationale dans le passé et aujourd’hui, la bourgeoisie crée des problèmes de société plus grands encore qu’elle est incapable de résoudre ensuite. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils ne peuvent pas être résolus: avec assez de moyens et une démocratie aussi conséquente que possible les travailleurs peuvent faire en sorte que la cohabitation ne soit pas seulement viable, mais aussi agréable.

    Dans un système où la production des biens et de la richesse est basée sur la soif de profit d’une petite élite qui règne en Belgique à travers les divers gouvernements, il y aura fatalement toujours des besoins non-satisfaits qui mèneront à des luttes diverses. Mais la seule lutte qui peut offrir une issue est celle du mouvement ouvrier pour une société basée sur la satisfaction des besoins de la majorité et qui mette en oeuvre une planification démocratique de l’économie afin de répondre de la façon la plus efficace aux besoins de tous, c’est-à-dire une lutte pour le socialisme.


    La question nationale en Belgique:

    Une réponse du mouvement ouvrier est nécessaire!

    Fin 2005, une Conférence Nationale du MAS/LSP a mené une discussion sur la question nationale en Belgique sur base d’un texte retravaillé par la suite.

    Vous pouvez trouver cette brochure sur www.marxisme.org ou demander une version papier de ce texte à la rédaction!

  • Travailleurs wallons, bruxellois et flamands. Tous ensemble contre la droite

    Au moment de la parution de ce journal, nous n’avons toujours pas de gouvernement. Après plus de cent jours, les négociations ne semblent pas bouger. Les politiciens du Nord montrent du doigt « les Francophones » tandis que ceux du Sud dépeignent « la Flandre » comme un bloc homogène égoïste obnubilé par la scission du pays.

    par Peter Delsing

    Pourquoi les revendications communautaires sont-elles devenues si importantes? Le pays est-il vraiment en voie de scission, comme certains médias et politiciens amateurs de sensations fortes le disent ? Avec la crise politique qui se développe autour de la (non-) formation du gouvernement, c’est devenu un sujet de discussion partout parmi la population, à la maison, dans le train ou au boulot.

    Les politiciens bourgeois, de part et d’autre de la frontière linguistique, ne peuvent pas se vanter d’avoir réalisé grand’chose sur le plan social. Il leur serait difficile d’affirmer que notre pouvoir d’achat a augmenté. Bien au contraire, les manipulations de l’index, la hausse continue du coût du logement et aujourd’hui l’augmentation du prix de beaucoup de produits de base (pain, oeufs, bière, etc.), les salaires et les allocations des travailleurs et de leurs familles ont systématiquement perdu de leur valeur.

    Les politiciens ne peuvent pas dire non plus qu’ils ont amélioré la sécurité de l’emploi: une entreprise rentable comme Janssen Pharmaceutica vient de licencier 688 salariés. Ont-ils contribué à réaliser une combinaison meilleure entre le travail et la famille? La pression au travail, le stress et le manque d’épanouissement individuel sont devenus la norme. A la fin de la route toujours plus longue (à cause du Pacte de Solidarité), c’est une pension au rabais qui nous attendra.

    Le seul thème sur lequel la plupart des politiciens, y compris ceux du PS et du SP.a, souhaitent encore se positionner, c’est le thème communautaire. Tout serait la faute, selon les cas, des Flamands ou des francophones. Ce jeu politique est scandaleux, si on prend en compte les problèmes sociaux réels qui existent dans la société et le clivage toujours plus important entre les riches et les pauvres.

    Nous ne pensons pas qu’une scission de la Belgique est aujourd’hui à l’ordre du jour, même si cela peut devenir un scénario bien réel si nous laissons faire les politiciens actuels. Suite à l’excitation que font monter les médias, le soutien à la division du pays aurait, selon les sondages, augmenté de part et d’autre de la frontière linguistique. C’est un développement bien inquiétant pour les travailleurs. La majorité de la population n’a rien à gagner dans les jeux communautaires qui dominent le débat actuel.

    Du côté flamand, les partis de droite, et derrière eux beaucoup de petits patrons, espèrent pouvoir imposer des mesures d’austérité importantes en Wallonie, à Bruxelles… et en Flandre par le biais de la régionalisation. Le VOKA (l’organisation du patronat flamand) veut scissionner les caisses de chômage avec une politique envers les chômeurs differenciée selon les régions. Ils espèrent ainsi briser plus facilement la résistance des syndicalistes à leur politique antisociale.

    Mais, du côté francophone, le front « communautaire » n’est pas plus « social » : tant le MR et le CDH que le PS se sont déjà prononcés en faveur de restrictions au droit de grève, comme chez Ryanair. Leur résistance à une régionalisation accrue vient des difficultés économiques que connaissent la Wallonie et Bruxelles et de leur inquiétude face au rythme élevé et à l’ampleur des mesures d’austérité que veulent imposer les partis flamands. Mais pas du tout d’une opposition de fond à cette politique d’austérité.

    Il est clair que la période à venir sera marquée par des crises économiques et de nouvelles et dures mesures d’austérité. Tous les salariés de Belgique, qu’ils soient flamands ou francophones, doivent se préparer aux attaques du patronat. Cela ne sera pas possible si la droite et ses laquais nous divisent. Pour un nouveau parti des travailleurs, contre la droite et la politique antisociale, participez au CAP dans votre région, informez-vous des idées du MAS/LSP. Organisez-vous pour défendre les intérêts de tous les travailleurs. Rejoignez-nous !

  • « Le SP ne suit pas ses propres principes »

    Pays-Bas : des membres critiques du SP lancent un nouveau parti

    Interview avec Rick Denkers, ex-président du SP à Emmen et membre de la direction provisoire du nouveau parti Solidara. La création de Solidara a été rendue publique à la mi-septembre après l’exclusion du député Düzgün Yildirim par la direction du parti.

    Rick, d’où vient cette commotion dans le parti ?

    Rick Denkers : Après les élections provinciales, il est apparu que le fonctionnement interne du SP était très déficient. Un parti qui récolte 16% des voix tout en continuant à fonctionner sur base de vieilles méthodes maoïstes se heurte évidemment à des problèmes. Ces dernières années, de nombreux socialistes ont adhéré au SP sans en partager le passé. Le manque d’espace pour le débat interne les heurte de plein fouet.

    Le SP est vu comme une success story par une grande partie de la gauche en Europe. Ne connaît-il pas une euphorie consécutive aux victoires électorales qui permet à la direction d’empêcher toute discussion ?

    RD : Non, ce n’est pas le cas. La base du parti est composée de militants, même si le SP compte beaucoup plus de membres sur papier. Aujourd’hui, ce sont justement les militants de base qui demandent un débat dans le parti. Et la seule réponse de la direction est la répression partout où ça se produit : exclusions, suspensions, campagnes de calomnies,… Il y a en ce moment des centaines de membres, dont pas mal de mandataires élus, qui sont en train de quitter le SP. Dans ce sens, le sommet du parti se coupe de plus en plus de sa propre base.

    Cet été, un groupe de membres a mis sur pied le Comité pour la Démocratisation du SP et plusieurs d’entre eux ont déjà choisi d’être actifs dans la construction d’un nouveau parti, Solidara. Quelle est la suite ?

    RD : Une partie du CDSP continue la lutte pour plus de démocratie dans le parti. Ils comptent sur le congrès que le parti tiendra en novembre pour engager la discussion. D’autres oeuvrent déjà à la création d’un nouveau parti parce que nous faisons le constat qu’un SP démocratique n’est plus possible à moins de faire table rase de toute la structure actuelle du parti avant de recommencer à construire. Nous avons opté pour un nouveau parti qui se base sur les vrais principes socialistes.

    Le nouveau gouvernement Balkenende – qui réunit le parti chrétien CDA et les sociaux-démocrates du PvdA (qui ont remplacé les libéraux) – a révélé ses projets pour l’année prochaine. Comment le SP et Solidara y réagissent-ils ?

    RD : En dépit de son énorme score électoral et des moyens dont il dispose, le SP n’est pas en mesure de formuler une réplique digne de ce nom au gouvernement. Le fait que Wilders (1) ait le champ libre pour faire son show et apparaître comme l’opposition à Balkenende en est le meilleur exemple. Solidara a déjà clairement et publiquement pris position contre Wilders, contre sa manière de détourner la démocratie pour semer la haine et le racisme. Avec Solidara, nous voulons aussi mettre en avant un programme clairement internationaliste en prenant exemple sur le socialiste allemand Karl Liebknecht qui disait que la classe ouvrière n’avait pas de patrie.

    Düzgün a déclaré qu’il avait déjà enregistré 1.400 adhésions au nouveau parti. Quels sont les projets dans un proche avenir ?

    RD : Il faut donner des pieds et des mains au parti. Nous sommes en train de metttre en place des sections locales, d’élaborer des statuts, de mener des discussions,… Nous voulons lancer un parti qui soit très clairement démocratique à la base et où ce sont les membres qui prennent les décisions. Nous fonctionnons aujourd’hui avec une direction provisoire qui prépare un congrès en janvier au cours duquel les membres pourront décider d’un premier programme, des statuts et des structures.


    1. Geert Wilders est le dirigeant du PVV – un petit parti populiste de droite, anti-immigrés et anti-islam – et est comparable à Dedecker en Flandre

  • Les micro-crédits : Un concept cynique du néolibéralisme

    Incroyable ! Un « banquier » reçoit le prix Nobel de la Paix. Muhammad Yunus est le fondateur de la Grameen-Bank, dont le système de « micro-crédit » a entre-temps rencontré l’estime et l’imitation mondiale.

    D’après Sonja Grusch, porte-parole du Parti de Gauche Socialiste, notre organisation-soeur en Autriche.

    La Grameen-Bank est issue d’un projet pilote en 1983 au Bangladesh et a, d’après leurs sources, accordé des crédits à 6,6 millions de personnes jusqu’à présent, dont 97 % sont des femmes. Aux yeux des organisations gouvernementales et des ONG, ainsi que pour des gens de tendances politiques très variées, les micro-crédits sont aujourd’hui internationalement considérés comme la base essentielle de la lutte contre la pauvreté. Les discours critiques sont rares. La quadrature du cercle a-t-elle effectivement réussi ?

    La Pauvreté : un phénomène de masse en pleine croissance

    L’ONU a proclamé la décennie 1997-2006 « décennie pour la suppression de la pauvreté ». En effet, la pauvreté a grimpé. Il ne suffit pas de tirer des chiffres comme « de combien de dollars par jour dispose un homme ». Les chiffres de mortalité infantile, de malnutrition, d’accès à l’enseignement et aux soins de santé ou de la condition de la femme sont partiellement aussi parlants. Il est un fait que le nombre de famines a augmenté dans les deux dernières décennies. Internationalement, il y avait en moyenne 15 famines par an dans les années 80. A l’arrivée du nouveau millénaire, le nombre de famines avait grimpé à 30 par an. Au même moment, environ ¼ de la population mondiale n’avait pas d’accès à l’eau potable. Dans des parties de l’Afrique et de l’Asie du Sud-est, 40 à 50 % de tous les enfants souffrent de troubles dus à des carences alimentaires. Dans l’Europe de l’Est et les Etats de l’ex-URSS, les réductions et privatisations des soins de santé remettent à l’ordre du jour des maladies liées à la pauvreté comme la tuberculose.

    L’aide au développement n’est pas dépourvue d’idéologie

    Des conceptions de comment aider les pauvres, il y en eu et il y en a toujours beaucoup. Jamais elles ne sont dépourvues d’idéologie. Au contraire, elles suivent dans leur développement le courant dominant sur le plan politique et économique. Quand maintenant le micro-crédit est soutenu et dicté par des institutions comme l’ONU et la Banque Mondiale (BM), la méfiance s’avance.

    Dans la politique économique, la doctrine s’est modifiée de façon déterminante depuis les années 80. Le néolibéralisme est le principe dominant tout et le « fun » du micro-crédit en est une expression. Cette évolution va de paire avec un rapport de force politique changé. Dans les années 60 et 70, les ex-Etats coloniaux s’avançaient sûrs d’eux : ils n’étaient pas encore tombés dans le piège de l’endettement, ils s’étaient débarrassés d’une grande partie de leurs seigneurs coloniaux, et avaient acquis une indépendance du moins formelle. Un système alternatif au capitalisme existait en Union Soviétique même s’il s’agissait alors d’une dictature bureaucratique plutôt que d’une démocratie socialiste. Aujourd’hui, la charge des dettes dans les Etats néocoloniaux est accablante, leur dépendance politique et économique est à nouveau grande, et leurs élites dominantes sont le plus souvent les marionnettes de différents Etats impérialistes.

    Le micro-crédit et la politique agricole

    La politique agricole est un thème international particulièrement brûlant et une source de conflits internationaux, par exemple entre les USA et l’UE, ou encore au sein même de l’UE. C’est pourquoi dans les institutions internationales, principalement l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les questions agraires se trouvent au premier plan. La situation actuelle se résume, pour l’essentiel, par les points suivants :

    • Les pays industrialisés disposent d’excédents agricoles dont ils se débarrassent volontiers en les écoulant dans le « Tiers-monde ».
    • Internationalement, la production agricole est de plus en plus industrialisée. Cela conduit les petits paysans, tout particulièrement dans les pays pauvres, à la perte de leurs terres. Ils se retrouvent alors piégés dans un processus d’endettement que les semences à base d’OGM accélèrent.
    • Les pays industrialisés exportent des produits agricoles vers le « Tiers-monde », qui de son côté est assigné aux importations. Il est contraint de se borner à une production strictement orientée vers l’exportation (café, thé, tabac, etc.).
    • D’un côté, la production agricole des pays industrialisés est fortement subventionnée alors que, de l’autre, des contrats particuliers rédigés par l’OMC interdisent de subventionner les pays néocoloniaux.

    La politique des institutions internationales – comme le Fond monétaire international (FMI), la BM et l’OMC – dans laquelle, par exemple, l’octroi de crédit a été lié à de considérables concessions, aggravent encore l’inégalité.

    • Les subventions de biens de première nécessité ont été fortement réduites voire supprimées. Autrement dit, les prix des produits alimentaires de base et du chauffage ont grandement augmenté, ce qui a pour effet direct de couler rapidement le standard de vie de la population. Le mouvement révolutionnaire de 1998 en Indonésie a été maté grâce à un dictat semblable émanent du FMI.
    • La production agricole a été réorientée vers l’exportation, le rendement ainsi constitué sert à rembourser les établissements de crédits. De cette façon, la population même n’est plus en mesure de subvenir à ses propres besoins alimentaires.
    • Les Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) signifient la réduction de subventions agricoles dans les pays plus pauvres. Sur le marché mondial, la production de ceux-ci ne peut pas rivaliser avec celle des Etats impérialistes (qui est elle-même fortement subventionnée).

    Le résultat de cette politique est que, depuis 1995, il y a un accroissement de la sous-nutrition mondiale. Les micro-crédits opèrent également dans ce sens : les crédits sont octroyés, en Inde par exemple, surtout pour construire des petits commerces (magasins). Les gens pauvres sont retirés de l’agriculture au profit du secteur tertiaire (services), et même une partie d’entre eux est utilisée dans la nouvelle chaîne de distribution.

    Il y a de graves conséquences : la dépendance augmente massivement. Tandis que l’agriculture propre ne rapporte que de faibles rendements, ces derniers pourraient cependant permettre d’accéder aux besoins essentiels propres, même sans gagne-pain. Mais via le processus d’abandon du secteur primaire au profit du tertiaire, cela est impossible.

    Les effets secondaires de cette politique font le bonheur des multinationales : la terre est plus facile à racheter aux propriétaires fonciers, jusque-là autochtones, car ils sont endettés par les crédits. Du coup, la dépendance aux aliments issus de l’importation augmente.

    Les micro-crédits et le secteur financier international

    Un argument central pour le micro-crédit est qu’il permet l’accès à l’emprunt à des gens qui, de par leur situation incertaine, n’ont pas droit au crédit « normal ». Ici doit être posée la question suivante : pourquoi la pauvreté ainsi qu’une absence de capitaux chez certains existent-elles dans cette société ? La pauvreté dudit « Tiers-monde » est le résultat d’une exploitation abusive et longue de plusieurs siècles par des Etats impérialistes et colonialistes. Les pays du Tiers-monde ont été systématiquement pillés de leurs ressources naturelles, leurs populations ont été brutalement exploitées et opprimées, et toutes les violences possibles y ont été utilisées pour empêcher le moindre développement industriel indépendant. Les institutions internationales – ONU, FMI, BM, OMC, etc. – ne se sont pas contentées de ne rien faire pour aider ces pays en difficultés, elles ont profondément aggravé la situation déjà particulièrement pénible. Par l’action de la politique néolibérale mise en place depuis les années 80, les contradictions entre riches et pauvres n’ont cessé de s’accroître au sein des pays, de la même façon qu’entre les pays riches et pauvres. Jusque dans les années 70, un crédit ouvert par un ex-Etat colonial était respectivement détenu par son ex-Etat colonisateur. Dans les années, 80, les taux d’intérêt grimpèrent comme jamais auparavant. Ce fut le début du piège de la dette dans lequel se trouvent aujourd’hui enfoncés les pays néocoloniaux. En réalité, on assiste dans les années 80 à un bouleversement du courant capitaliste unique, à savoir que le Tiers-monde alimente en profits les consortiums du monde capitaliste. Par exemple, depuis 1995, la région subsaharienne transfère dans les pays industrialisés du Nord 1,5 milliard de plus qu’elle n’en reçoit. Dans les années 90, l’accès au crédit était fort difficile pour les pays pauvres, et cela a également mené à un manque non négligeable de capitaux. Depuis le passage au nouveau millénaire, cela a encore changé, en partie aussi avec le micro-crédit.

    Une autre raison qui explique l’intérêt nouveau des institutions financières internationales pour les pays pauvres est la suraccumulation mondiale. Le capitalisme se trouve depuis les années 80 dans une dépression – il nécessite des profits toujours croissants. La concurrence internationale grandissant, il faut toujours réaliser des profits plus importants, ce qui a pour conséquence une surproduction massive et mondiale (de ce que les gens sont capables de consommer, pas de ce qu’ils ont réellement besoin). Investir de l’argent dans le domaine de la production rapporte de moins en moins de profits. Cela a pour effet de faire migrer les capitaux, en partie tout du moins, vers le domaine spéculatif. C’est ce qui s’exprime dans le boom du marché financier et par les innombrables nouveaux « produits » financiers liés au domaine spéculatif. Les micro-crédits représentent un nouveau marché financier, une nouvelle couche de clients est découverte, de nouvelles possibilités de placements s’ouvrent pour le capital international.

    L’ONU a appelé 2005 l’année du micro-crédit avec comme but à atteindre 100 millions de gens clients du micro-crédit (ou plutôt endettés par le micro-crédit).

    Les micro-crédits seront octroyés par les ONG, et par les établissements bancaires nationaux et internationaux. Depuis longtemps déjà, ce marché est conquis par les grandes banques telles – en Inde par exemple – la banque d’Etat Bank of India, ou la FTC – filiale de la BM –, ou le Fonds Soros au développement économique, ou encore le Response Ability Global Microfinance Fund, un fond appartenant à diverses banques suisses dont le Groupe Crédit Suisse fait partie. Beaucoup de grandes banques travaillent ici avec des filiales dont le nom provient du concept « Développement » ou de quelque chose de similaire pour clarifier des prétentions dites humanistes. C’est d’ailleurs également un excellent moyen de vendre à des investisseurs critiques des pays industrialisés – qui ne souhaitent pas voir leur argent profiter aux budgets de l’armement ou aux pollueurs – des formes de placement qui leur laisse la conscience tranquille (c’est en partie connu comme « Fonds éthique »). La coordination internationale est chapeautée par la BM.

    L’Agence au développement autrichien (ADA), le Centre de compétence de collaboration au développement de l’Autriche orientale l’écrit de façon très directe : « Contrairement à ce qui était le cas il y quelques années, le micro-financement aujourd’hui ne peut plus être de la charité, mais doit être source de profits. »

    Les OGN agissent souvent en tant qu’intermédiaire entre la banque et le « client », soit par conviction, soit par manque d’alternative, soit parce qu’elles sont le prolongement de la politique. Le rôle que joue les ONG – tout particulièrement dans les pays néocoloniaux – doit être considéré de façon critique, car il est fréquent qu’elles soient installées comme instrument pour imposer la représentation dominante (autrement dit : la représentation des dominants), et pour mener les potentielles résistances aux injustices sur des voies contrôlables.

    Le risque pour les banques est comparativement faible : la mensualité d’un micro-crédit se trouve généralement à hauteur de 90 %, et puis surtout, parce que des aides financières d’Etat existent comme garanties (ce qui ne veut absolument rien dire sur les facilités ou les difficultés que rencontre le débiteur pour rembourser son crédit). En outre, une grande partie des frais engendrés par l’octroi de crédit est sous-traité. Cela veut dire que le conseil et la prise en charge, l’appréciation pour savoir qui a droit au crédit ou pas, le remboursement de dettes et la gestion contribution/remboursement est rempli par les ONG et plus spécifiquement par les preneurs de crédit (qui, pour la plupart, sont considérés comme des membres par la Grameen-Bank). Il s’agit ici d’un travail non rémunéré dont la prestation est une condition préliminaire à l’octroi d’un crédit.

    Quand les crédits sont octroyés en euros plutôt qu’en dollars (il s’agit alors quasiment d’octrois de crédits étrangers), les preneurs de crédit – assis sur un siège ambivalent – portent seuls tous les risques de fluctuation monétaire.

    C’est donc en tout point une excellente affaire qui, de plus, jouit d’une publicité gratuite par le fait qu’elle est associée à une image « humaniste ».

    Mise en pratique d’une idéologie : plus de privé, moins de public

    Depuis longtemps déjà, on sent un recul de la politique de développement de la part des Etats. En 1970, l’ONU s’est donnée pour objectif – depuis ce temps-là constamment – confirmé que les pays « riches » payent 0,7 % de leur PIB pour l’aide au développement. Après que les versements aient augmenté depuis le début des années 60, il a de nouveau chuté depuis cette époque. En ce temps-là, la valeur de ces contributions se situait en moyenne à 0,4 % du PIB ; en Allemagne, à environ 0,3 %. Egalement dans les pays néocoloniaux eux-mêmes, des mesures prises pour lutter contre la pauvreté – comme par exemple des subventions d’aliments de première nécessité – furent supprimées, en partie sous la pression du FMI et de la BM. La conception que mettre fin à la pauvreté par des versements des Etats riches (et non pas par les entreprises qui profitent de l’exploitation de ces pays) peut et doit être remis en cause, mais la chute des aides au développement reflète une fois de plus la tendance générale à la privatisation ; tendance que l’on appréhende complètement dans cette politique de sous-aide.

    Ainsi, pendant que d’un côté on assiste à un recul des mesures étatiques, on a de l’autre côté une énorme propagande en faveur du micro-crédit. Dans les années 70, on savait que « la faim n’est pas un hasard » et la responsabilité du colonialisme et de l’impérialisme envers la pauvreté était bien connue. En ce temps-là, beaucoup d’Etats anciennement coloniaux menaient une politique autarcique, autrement dit, ils essayaient de cultiver et de produirent eux-mêmes leurs biens de façon à se rendre indépendant des importations étrangères (ce qui pris fin à l’époque de la concurrence internationale croissante des pays impérialistes, notamment à cause de l’action de l’OMC). Il faut également déceler un changement de paradigme dans la compréhension de la responsabilité envers la pauvreté. Les micro-crédits créent justement l’illusion que, maintenant, chacune et chacun aurait la possibilité de se libérer de la pauvreté. « Chacun de sa chance est l’artisan. » est sans cesse répété par la propagande du micro-crédit. Dans cette maxime, il faut surtout comprendre : qui reste pauvre en dépit de ces magnifiques possibilités, celui-là est coupable.

    Dans l’explication du micro-crédit de 1997, on remarque que les micro-crédits seraient la victoire du pragmatisme sur l’idéologie. Il serait plus juste de dire que les micro-crédits sont le changement d’une idéologie pour une autre.

    La position de Muhammad Yunus, détenteur du prix Nobel, correspond bien à ce changement d’idéologie. Par exemple, il se positionne contre la suppression de la dette du Tiers-monde et pense que « les hommes grandissent grâce aux défis et non par des remèdes de soulagement ». En cela, il néglige complètement que vivre au Bangladesh – pour ne citer qu’un exemple – est déjà en soi un défit au quotidien, et qu’il ne s’agit là en rien de cadeaux, mais tout simplement de mettre fin à l’exploitation.

    Qu’apportent les micro-crédits aux pauvres ?

    Après toute cette critique, on pourrait malgré tout noter que les micro-crédits aident les pauvres, qu’il s’agit de procédés win-win et que par conséquent, banques et entreprises en profitent au même titre que les pauvres. Mais la réalité est toute autre. Aucune étude approfondie n’a été menée sur l’effet des micro-crédits. A ce sujet, il existe toute une série d’exemples individuels d’ordre sentimental et complètement vides de consistance comme des femmes auxquelles un micro-crédit a permis de garder une vache et de renforcer leur confiance en elles. Pourquoi ces études n’ont-elles pas été menées ? En soi, c’est déjà une question pertinente : pourquoi un projet semblable et de si grande ampleur n’est-il pas pesé globalement afin d’en tirer un bilan ? Il y a de la part de critiques une série d’enquêtes et d’exemples qui démontrent les conséquences négatives des micro-crédits.

    Les micro-crédits ont dans leur règlement de très hauts taux d’intérêts. La Grameen-Bank exige des crédits à ouvrir une rente d’au moins 20 %, mais il existe aussi des taux d’intérêts qui vont jusqu’à 40 %. Ces valeurs sont certes moins élevées que chez les prêteurs d’argent privés là-bas, mais elles sont plus hautes que les plus grand crédit dans les banques d’Etat, par exemple. Les taux exorbitants sont légitimés avec de lourdes dépenses administratives pour accorder les crédits et pour gagner des « clients ». Toutefois, ces coûts et prestations sont sous-traités ; ils sont pris en charge en grande partie par les emprunteurs mêmes. Et les grandes banques n’investissent dans un secteur que si ce dernier promet des profits.

    Par le changement d’une économie agricole – qui permettait une certaine indépendance – au secteur des services, la dépendance des emprunteurs s’est accrue, car ils sentent souvent venir le cercle vicieux.

    L’endettement des emprunteurs monte, de façon individuelle ou par l’intermédiaire d’associations d’entraide. Celles-ci constituent la structure de base pour les établissements de crédits et leurs octrois. Les gens qui en font partie n’ont généralement aucune expérience des « grandes » quantités d’argent (or, comme ils sont tous détenteurs de micro-crédits, ils ont encore plus à payer ensemble qu’individuellement). De plus, une grande partie des crédits sont utilisés pour des dépenses immédiates dans des situations de besoin, en cas de mauvaise récolte, de mort d’un membre, etc., ce qui ne correspond pas à des revenus mais à de nouvelles dettes à venir. Et là où des crédits sont risqués pour investir, il y a – comme le montre une étude en Inde du Sud – une pression des banques pour investir dans des magasins (les femmes, par exemple, qui préfèreraient investir dans des vaches sont « convaincues » d’investir dans un magasin). Ces magasins sont rarement rentables, ce qui est logique car : qui va y aller pour faire ses courses ? La population locale n’a pas d’argent ; s’il y avait une demande de tels magasins, il y en aurait déjà depuis longtemps. Mais les banques – qui poussent les gens à investir en masse dans des affaires non rentables – se fichent éperdument de savoir d’où puisse venir l’argent pour rembourser le crédit. Souvent les banques conseillent à leurs clients de faire des emprunts comme s’il s’agissait d’épargne (que pourrait-on gagner sans s’endetter). Andrah Pradesh, qui est fréquemment présentée comme « l’histoire à succès des micro-crédits », est également l’Etat fédéré d’Inde qui connaît le plus grand nombre de décès pour cause d’endettement.

    Il n’y a pas de micro-crédit pour les plus pauvres des pauvres. A cause de critères de sélection qui devrait indiquer une certaine « capacité de crédit » (donc, la chance de pouvoir rembourser le crédit), tous ceux qui, par exemple, sont incapable de travailler, restent des demandeurs de crédit exclus.

    L’argument peut-être le plus fréquent en faveur du micro-crédit est qu’il permet aux femmes des sociétés fortement patriarcales de renforcer leur indépendance. En effet, dans la majeure partie des cas, ce sont les femmes qui sont préférées ou seules comme clientes de micro-crédits. Souvent des associations d’entraide sont mises sur pied ou, en réalité, instrumentalisées. La rencontre de femme dans des groupes, l’échange d’expérience, etc. est naturellement positif pour l’assurance personnelle (il est d’ailleurs étrange que ces structures n’aient pas été créés de toute façon avant le micro-crédit). Mais plus les crédits amènent dans les centres la préoccupation de leur exécution et de leur prise en charge, plus les autres thèmes (violence familiale, place de la femme dans la société) sont mis à l’arrière plan. Souvent, les associations d’entraide sont également utilisées par l’Etat ou par les établissements de crédit (par exemple la Grameen-Bank) pour imposer leurs conceptions au regard des plannings familiaux, d’hygiène, etc. Même quand ces conceptions peuvent être positive (par exemple, ne boire que de l’eau qui a été portée à ébullition), elles s’expriment de façon très paternaliste. Dans les associations d’entraide, on doit également rapporter des évolutions négatives quand les projets ne remportent pas le succès économique et que le remboursement des dettes mène aux conflits dans le groupe. Ce qui est particulièrement négatif, c’est que – dû au fait que ce sont avant tout les femmes qui reçoivent les crédits, mais que les structures familiales ne changent pas – ce sont avant tout les femmes qui tombent dans le piège de la dette. La femme prend un crédit, l’homme l’utilise, mais pas pour payer des choses que lui-même ne payerait pas (l’argent pour les études des enfants, par exemple), et la femme doit ensuite rembourser le crédit en prenant un travail supplémentaire ou en renonçant davantage à ses propres besoins.

    Quelques remarques pour terminer

    Les micro-crédits sont une affaire où des millions – si pas des milliards – de dollars sont en jeu. Les institutions à qui cette charge est confiée sont très différentes. Chaque critique ne peut pas s’appliquer à chacune d’entre elles. Il est indubitable qu’il existe aussi des expériences positives avec des preneurs de crédit qui ont réussi à améliorer leur vie.

    Mais il est primordial de noter que les micro-crédits ne sont en rien une solution à la faim et à la pauvreté. Le mensonge colossal du capitalisme – que chacun peut, de « plongeur », devenir millionnaire – ne deviendra pas subitement une vérité à force d’être répété. Le Bangladesh est volontiers utilisé comme exemple maternel pour illustrer le « succès » du micro-crédit. La population du Bangladesh souffre entre autres d’une eau potable contaminée par l’arsenic et de fréquentes inondations (qui par suites du réchauffement de la planète a été encore davantage aggravé). A ces deux problèmes, il n’y a pas de solution individuelle.

    Au 19e siècle aussi, il y avait l’espoir – grâce à des associations de production et de consommation – d’ériger quasiment des « îlots sociaux » dans le capitalisme. La tentative d’Hugo Chávez au Venezuela de construire une forme d’économie parallèle et juste va également dans ce sens.

    Mais en définitive, tous ces débuts ont échoué dès qu’il s’agissait de supprimer aux gens la pauvreté, l’exploitation et la faim. A partir du moment où la distribution équitable des richesses n’est pas naturelle, ces problèmes ne sont pas non plus solvables par des réponses individuelles. Et justement, les micro-crédits agissent dans le sens d’une individualisation ; les questions par exemple d’une résistance aux prix exorbitants des semences ou à la distribution inéquitable de la terre ne sont pas posées. La faim et la pauvreté sont la conséquence d’un ordre économique dans lequel les profits sont le point de rotation et d’attraction. Le capitalisme a besoin de chômage et de pauvreté pour pouvoir réaliser ses profits. Un capitalisme social – tout particulièrement pour l’ensemble des hommes dans le monde – est une utopie qui contredit les besoins et les mécanismes du système.

    Il est nécessaire, ici et maintenant, de lutter contre la pauvreté et la faim, mais une suppression de ces fléaux de l’humanité n’est possible qu’avec une suppression du capitalisme.

  • Le CAP doit continuer à avancer !

    20 octobre : Assemblée nationale du CAP

    Le 20 octobre se tiendra la prochaine conférence nationale du Comité pour une Autre Politique. La conférence nationale a deux objectifs. Doter le CAP d’une structure efficace et transparente avec l’élection d’une direction nationale. Et mener la discussion sur la poursuite de la construction du CAP.

    Bart Vandersteene

    Le résultat électoral du 10 juin n’a pour le moins pas été un franc succès pour le CAP. Mais, malgré le maigre résultat en voix, cette campagne a permis de construire une confiance mutuelle entre les membres qui est maintenant visible dans les discus- sions qui se déroulent au sein du CAP. La campagne électorale était nécessaire pour rassembler ces gens qui veulent construire un nouveau mouvement politique dans les années à venir. Certains – surtout ceux qui étaient restés au balcon – s’en sont détournés. C’est surtout parce qu’ils ne perçoivent pas le potentiel dont dispose le CAP pour donner une voix politique à tous ceux qui ne se sentent plus représentés par les partis traditionnels.

    Un nouveau parti des travailleurs qui surgira de la lutte

    Le Pacte des Générations a été un moment charnière dans le mouvement ouvrier. Il a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour de nombreux militants syndicaux. Et la sanction électorale subie par le SP.a et le PS en a été une expression partielle. Ce n’est donc pas un hasard si l’initiative de lancer le CAP a été prise dans la foulée du Pacte des Générations. Le CAP a pu s’imposer de plus en plus sur la carte politique sur base d’interventions dans des mouvements de lutte comme à Volkswagen et à Opel. Une participation aux élections en était la suite logique. Hélas, en l’absence de Jef Sleeckx sur les listes, le CAP a vu se fermer nombre de portes et de possibilités.

    Le CAP existe aujourd’hui sur la carte politique. Nombreux sont ceux qui observent comment le CAP va franchir la prochaine étape, comment il va se profiler dans le nouveau contexte politique comme un instrument pour construire un contre-pouvoir sur le terrain politique. Ce sera la discussion centrale le 20 octobre. Avec quelles campagnes, avec quelle approche, avec l’oeil sur quel public-cible, le CAP va-t-il s’impliquer dans la lutte politique et sociale. La campagne que nous avons menée contre la fermeture de 16 GB donne déjà un avant-goût de la direction que le CAP veut prendre. Nous voulons interpeller l’homme et la femme de la rue sur des thèmes de la vie quotidienne. Sur cette base, nous voulons engager la discussion politique avec les gens et les inviter à construire avec nous une nouvelle force politique.

    Le 20 octobre, les membres du MAS/LSP défendront l’idée que le CAP doit s’orienter en premier lieu vers les mouvements sociaux que nous allons connaître dans les mois qui viennent. Car de tels mouvements de lutte sont propices à la prise de conscience qu’une nouvelle organisation politique à la gauche du PS et d’Ecolo est nécessaire.

    Construire le CAP à visage découvert

    Le CAP devra être ouvert à la collaboration avec d’éventuelles initiatives qui naîtraient à l’extérieur de lui. Dans une période où rien n’indique que le PS va virer à gauche et où tout indique qu’Ecolo va accentuer son cours gestionnaire le rapprochant des partis traditionnels, où il est clair que les partis de droite au gouvernement et les patrons vont lancer attaques sur attaques, il y aura des luttes et des discussions qui pourront mener à de nouvelles initiatives dont l’objectif sera similaire à celui du CAP. Nous pensons que le CAP devra engager la discussion de façon ouverte avec tous ces groupes pour pouvoir en arriver à ce que veut le CAP, c’est-à-dire la création d’un nouveau parti des travailleurs, d’un parti pour tous ceux qui doivent vivre et faire vivre leur famille d’un salaire ou d’une allocation.

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