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  • L’oppression continue ! La lutte pour une alternative socialiste reste nécessaire…

    Femmes et capitalisme

    Au nom de la politique de l’égalité des chances, la Ministre flamande Kathleen Van Brempt (SP.a) a annoncé cette année qu’elle investirait 5 millions d’euros dans des entreprises qui dispensent une gamme de services destinés à soulager les tâches ménagères de leurs employés, comme repasser, faire les courses, préparer des repas chauds pour le soir, garder les enfants dans des crèches proches de l’entreprise et aider au nettoyage. Pour chaque euro que ces entreprises y investiront, la Communauté flamande en ajoutera un de ses propres deniers.

    Ivy Meert

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    Quelques chiffres

    • Les femmes gagnent en moyenne 14,9% de moins que les hommes. Si on prend en compte les grandes disparités en matière de travail à temps partiel, l’écart est de 20,5%. Il s’élève même à 25% si on tient compte du fait que les femmes se retrouvent plus souvent avec des salaires bas et très bas. 10,3% des femmes gagnent moins de 1500 euros brut par mois contre 2,7% chez les hommes.
    • La violence domestique est la cause principale de mort et de handicap permanent des femmes entre 16 et 44 ans en Europe.
    • 40,3% des femmes entre 15 et 49 ans travaillent à temps partiel.
    • 56% des réfugié(e)s sont confronté(e)s à la violence sexuelle (ces actes sont perpétrés par des membres du personnel des centres d’asile dans 25% des cas)
    • Un tiers des mères isolées vivent sous le seuil de pauvreté.
    • 43% des cas de viol déclarés restent sans suite.

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    La Ministre insiste sur le fait que les ouvriers de l’industrie automobile et les caissières des supermarchés doivent aussi pouvoir en profiter et pas seulement les hommes et les femmes préoccupés par leur carrière. A première vue on dirait une mesure socialiste, mais il y a une grosse anguille sous roche. L’organisation patronale flamande VOKA s’est vu confier un rôle important dans l’affectation de l’argent prévu. Il va aider les entreprises à développer les services. Cela ne promet rien de bon, car tout l’argent investi devra en rapporter encore plus.

    Une question importante reste en suspens : qui va-t-on engager dans ces services d’aide ménagère et avec quel statut ? Pour l’instant, Van Brempt se tait là-dessus dans toutes les langues. On peut parier sans grand risque de se tromper que ce seront surtout des femmes et qu’on aura recours aux titres-services. De nouveau une baisse de charges pour les entreprises et une augmentation des charges pour beaucoup de femmes.

    Notre point de vue : la socialisation des tâches ménagères

    Le MAS se prononce pour la socialisation des tâches ménagères au sein de services publics, mais ça ne signifie pas qu’elles doivent être remplies par des femmes sous-qualifiées et sous-payées.

    Organiser des services collectifs tels que des salons-lavoirs, des restaurants de quartier, des ateliers de repassage, des crèches,… devrait servir à alléger fortement le travail des femmes – et accessoirement des hommes – au foyer. Cela permettrait aussi de rendre le travail plus efficace, meilleur marché et plus écologique qu’à l’heure actuelle où chaque famille a ses propres appareils ménagers. La raison pour laquelle tout ce qui précède est mis au conditionnel tient au fait que ça ne peut se réaliser que par une lutte unifiée de tous les instants dans les entreprises comme dans la rue et par un contrôle démocratique.

    Celles (et ceux) qui travaillent dans de tels services ont évidemment droit à un salaire et à un statut dignes de ce nom. Il n’y a pas de raison de considérer que la prestation d’un service comme l’aide au nettoyage doive être moins valorisée financièrement que n’importe quel autre boulot. Si la division sexuelle des tâches est encore fortement implantée dans la culture, la morale et l’éducation, il n’y a toutefois aucune raison que le travail habituellement confié aux femmes soit moins valorisé.

    Cela reste pourtant le cas actuellement, car il y a des secteurs typiquement féminins comme la confection, le nettoyage et la vente où les salaires du personnel exécutant sont très bas. Les chiffres qui démontrent l’actualité de l’oppression des femmes sont éloquents : une femme gagne en moyenne 25% de moins qu’un homme. Ce pourcentage est aussi élevé parce que ce sont surtout les femmes qui travaillent à temps partiel. L’écart salarial s’élève encore à 17% si on prend en compte le salaire horaire moyen et à 6% pour des fonctions équivalentes (chiffres : dossier Equal Pay Day 2008, Femmes FGTB).

    On considère toujours le salaire de la femme comme un complément à celui de l’homme. Les femmes qui souhaitent faire un travail ou des études qui ne correspondent pas à leur rôle traditionnel dans la société devraient pouvoir le faire sans qu’une lourde pression sociale ne fasse tout pour les en dissuader.

    Dès que la majorité de la population, qui est aussi celle dont dépend la production, parviendra à arracher la propriété des moyens de production des mains de l’élite capitaliste pour les gérer elle-même et que le socialisme sera instauré, on en aura fini avec l’exploitation des travailleurs. On aura du même coup créé la possibilité d’en finir une fois pour toutes avec l’oppression des femmes, mais ce n’est pas une garantie. Il appartiendra d’abord aux femmes de s’élever contre les mesures qui porteront atteinte à leurs intérêts, mais elles pourront compter sur le soutien d’un grand nombre d’hommes comme ce fut le cas lors de la Révolution russe de 1917.

    La dépendance par rapport à la famille traditionnelle subsiste sous le capitalisme

    Le capitalisme met l’accent sur la famille traditionnelle. Nous ne sommes évidemment pas contre l’existence des familles, mais nous disons que les femmes doivent acquérir leur indépendance financière. Ce n’est qu’ainsi qu’une famille peut être une forme de coexistence volontaire.

    Les dernières années ont vu la famille traditionnelle (l’homme comme principal soutien matériel avec une femme et des enfants à sa charge) décliner en tant que modèle dominant de vie en commun. Les Verts flamands ont saisi la balle au bond avec une proposition de stimuler le “cohabitat” que Groen ! décrit ainsi : «C’est une forme d’habitation communautaire où plusieurs personnes ont leur propre habitation et préservent donc leur vie privée. Mais il y a aussi des aires communes où les habitants peuvent se réunir et organiser des activités. Le cohabitat est non seulement bénéfique à l’interaction entre les gens et à la compression des coûts du logement, mais offre aussi une plus-value écologique considérable. Les cohabitants logent de façon plus compacte et utilisent donc moins d’espace. Le partage d’équipements communs entraîne de grosses économies d’énergie et d’eau. »

    Outre le fait que les mesures ci-dessus n’offrent que très peu d’avantages pour l’environnement dans un système capitaliste qui se caractérise par la surproduction (y compris sur le marché immobilier) et qui est constamment à la recherche de débouchés, on peut se demander si la solution qui est mise en avant ne va pas alourdir les charges qui reposent sur les épaules des femmes. L’essentiel est que Groen ! trouve que le cohabitat peut offrir une solution à la hausse du nombre de familles monoparentales, des isolés, des personnes âgées et au fait que les enfants restent plus longtemps chez leurs parents.

    Mais on renvoie ainsi presque tous les problèmes de société à la charge de ménages individuels dont le nombre de membres est indéterminé. En pratique, ça va souvent mener à une situation où la femme doit non seulement s’occuper de son homme et de ses enfants, mais aussi des personnes âgées et/ou des isolés et/ou des jeunes adultes qui logent dans le même cohabitat.

    La famille traditionnelle se décompose peu à peu. De plus en plus de femmes étudient, travaillent et veulent être maîtres de leur sort. Cela a mené dans un premier temps à ce que les femmes soient confrontées à une double tâche quotidienne et à la pauvreté si leur homme ne gagne pas assez. De cette manière, les femmes sont confinées dans le carcan de la famille traditionnelle. La proposition de Groen ! revient en fait à élargir la soi-disant famille traditionnelle sans la remettre fondamentalement en question.

    Le capitalisme est aussi très attaché au maintien de la famille traditionnelle :

    • Elle assure à bon compte la reproduction de la force de travail, tant au quotidien que sur une génération
    • Le travail de la femme au foyer fait office de tampon économique en période de crise : il permet d’exercer une pression à la baisse sur les salaires sans susciter de révolte immédiate ; c’est un moyen de faire des économies sans que les gens ne le ressentent directement.
    • Elle permet d’élargir les débouchés économiques, car la publicité incite chaque famille à acheter séparément ses appareils ménagers et à les remplacer rapidement.
    • On nous y éduque très tôt à devenir plus tard des femmes au foyer et des soutiens de famille. Nous y apprenons à nous identifier aux intérêts des membres de notre famille plutôt qu’à ceux de nos collègues de travail. Des hommes qui hésitent à faire grève parce qu’ils ont une famille à entretenir. Des femmes qui hésitent à s’insurger contre leur condition parce qu’elles ne veulent pas que leurs enfants en subissent les conséquences. La famille inculque aux filles l’idéologie du sacrifice – être toujours disponible pour les autres – et fait de la soumission une vertu, ce qui constituera plus tard un frein à leur propre émancipation.
    • Elle permet de mal rémunérer les femmes pour le travail qu’elles fournissent à l’extérieur de la maison. Les femmes y apprennent à être d’abord des femmes au foyer et à voir leur travail à l’extérieur comme un revenu d’appoint. Comme les femmes ne voient pas leur travail comme une finalité, elles ont du mal à s’organiser pour améliorer leurs conditions de travail et se laissent confiner dans des professions typiquement féminines que les hommes évitent : un travail routinier, monotone et sous-qualifié sans possibilités de promotion.

    Tant qu’une partie du monde de l’entreprise recourt à la force de travail bon marché des femmes, il y aura des contradictions dans les intérêts du monde de l’entreprise. D’une part les entreprises ont besoin des femmes en tant que force de travail, d’autre part elles ont besoin de femmes au foyer qui assurent la reproduction de la force de travail des hommes en leur offrant le gîte et le couvert. Ces différents intérêts peuvent entrer en collision et les femmes doivent en profiter pour s’insurger et exiger de ne plus être taillables et corvéables à merci.

    Nous n’avons pas besoin de charité individuelle, mais de services publics de qualité qui arrachent les plus faibles à la dépendance familiale. La Sécurité sociale est un système de protection collective. Le démantèlement de cette sécurité sociale va de pair avec l’accentuation du rôle de l’individu et des formes de sociabilité individuelles comme la famille.

    Il faut abolir la famille en tant qu’institution qui enferme les hommes et les femmes dans un carcan pour mieux les exploiter, mais cela ne signifie évidemment pas que la famille doive disparaître en tant qu’entité relationnelle. Il faudra lutter pour cela, car les capitalistes ne le permettront jamais. Le socialisme est nécessaire pour éviter que les acquis de la lutte des femmes ne soient sans cesse remis en cause.

  • Venezuela. La révolution en danger

    La défaite d’Hugo Chávez lors du référendum de décembre marque un point tournant du processus révolutionnaire vénézuelien. Le fort taux d’abstention indique une frustration grandissante quant à la lenteur des changements. Dans le même temps, l’opposition de droite a été fortement encouragée par sa victoire. Tony Saunois analyse la situation présente.

    Tony Saunois

    Le 2 décembre 2007, Hugo Chávez, président du Venezuela, a malheureusement encaissé sa première défaite électorale depuis sa montée au pouvoir en 1998.

    Donner de plus grands pouvoirs au président, autorisant ainsi Chávez à se présenter pour plus de deux mandats, établir ‘le pouvoir populaire’, décrire le Venezuela comme un ‘Etat socialiste bolivarien’, réduire la semaine de travail de 44h à 36h, voilà quelques-uns des 69 amendements proposés pour changer la constitution datant de 1999. Ces amendements ont été rejetés par 50,7 % contre 49,2% des électeurs, et avec un fort taux d’abstention (44%).

    Le rejet de ces propositions pose d’importantes questions quant au futur de la révolution et aux dangers faces auxquels se trouvent maintenant la classe ouvrière et les masses. Cela illustre clairement la nécessité pour tous les socialistes, au Venezuela et internationalement, d’analyser la conjoncture actuelle de la lutte contre le capitalisme et les grands propriétaires, ainsi que les tâches que doivent assumer les militants dans le mouvement.

    La défaite du référendum représente un pas en arrière pour la classe ouvrière et a aidé à renforcer l’opposition de droite pro-capitaliste. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses membres au Venezuela appelaient à voter OUI au référendum. Et cela en dépit des importantes limitations de ces propositions, comme celles qui tendaient à augmenter les pouvoirs centraux de la présidence, qui permettait ainsi à la droite de dépeindre le régime comme ‘dictatorial’. Mais malgré ces faiblesses, cela aurait été une erreur de donner comme consigne l’abstention ou le boycott, comme certains sur la gauche ont pu le faire, comme par exemple le dirigeant syndical Orlando Chirino. En effet, la victoire du non a eu comme effet de laisser ceux qui appelèrent au boycott plus isolés des activistes, rendant ainsi encore plus difficile de formuler des critiques des imperfections et manquements du gouvernement.

    C’est une sérieuse défaite, bien qu’elle ne soit pas décisive. Mais il est aujourd’hui urgent de tirer les leçons de cet épisode si l’on veut pouvoir éviter d’autres défaites -qui risquent de s’avérer plus sérieuses- et faire avancer le processus révolutionnaire.

    Comme nous l’avons commenté à l’époque, l’arrivée de Chávez au pouvoir représentait le commencement de changements importants dans la situation internationale. L’élection de Chávez a signifié un rejet décisif des politiques néolibérales qui ont dominé les années 90 suite à la chute des dictatures bureaucratiques et des économies planifiées dans l’ancienne Union Soviétique et l’Europe de l’Est. Son gouvernement n’était en effet pas prêt à capituler face aux exigences de l’impérialisme en appliquant des politiques néolibérales.

    Initialement, Chávez ne parlait pas de socialisme mais se limitait à l’idée d’une ‘révolution bolivarienne’. Son régime populiste et nationaliste en est venu rapidement à appliquer des réformes radicales qui sont entrés en conflit avec l’impérialisme US et l’oligarchie dirigeante qui dirigeait le Venezuela depuis des décennies. Ces derniers ont organisé une série de tentatives pour renverser son régime. Chacune de celles-ci – une tentative de coup en 2002, un lock-out patronal en 2002-03, un référendum en 2004 pour essayer de démettre Chávez – a échoué grâce au mouvement spontané des masses soutenant Chávez.

    Ces conflits opposants les masses et la classe dirigeante ont provoqué à chaque fois une radicalisation politique. Cela s’est reflété par exemple lorsque Chávez déclara que la ‘révolution’ n’était pas seulement ‘bolivarienne’ mais aussi ‘socialiste’. Il déclara aussi que le Venezuela s’était embarqué sur la route de la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’. Après sa victoire électorale de décembre 2006, il est allé plus loin en annonçant son soutien au programme de transition et au concept de révolution permanente développés par Léon Trotsky.

    Compte tenu du contexte d’offensive idéologique dirigée par la classe dirigeante et de ses représentants au sein des anciens partis ouvriers de masse contre le socialisme, ces développements représentaient et représentent toujours des pas en avant importants. Ils ont été reçus de manière très enthousiaste par une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes qui observaient le Venezuela et Cuba – plus récemment, la Bolivie, avec l’élection d’Evo Morales, et maintenant l’Equateur – comme des contrepoids radicaux de gauche face à Bush, Blair et le capitalisme néolibéral.

    Pendant que dans d’autres pays, l’application de politiques néo-libérales entraînait des plans d’austérité et des attaques sur les conditions de vie des travailleurs, le gouvernement de Chávez a introduit une série de réformes populaires, que nous soutenions, comme expliqué dans différents autres articles et dossiers (www.socialistworld.net). Elles ont été financées par le haut prix du pétrole sur le marché mondial et la croissance économique, qui a particulièrement été bénéfique pour la classe moyenne.

    Pauvreté et aliénation

    Quoiqu’il en soit, de nombreux problèmes sociaux persistent, avec un taux de pauvreté qui reste élevé. La frustration qui découle de l’incapacité à résoudre ces problèmes, couplée à la colère par rapport à l’augmentation de la corruption et aux méthodes bureaucratiques ont créé le terreau pour la défaite du référendum. Le taux de chômage est officiellement de presque 10%. L’insuffisance de nourriture, une inflation au dessus des 20 % et l’énorme crise du logement ne peuvent pas être résolus tant que le système capitaliste survit. Le manque de plus de 2,7 millions de maisons, avec environ 1,3 millions d’habitations ressemblant plus à des petites cabanes qu’à des véritables logements, illustre à quel point la situation reste désespérée pour des millions de personnes.

    La pauvreté et l’aliénation dans la société se reflètent par le haut taux de criminalité, et plus spécifiquement de meurtres, qui touche essentiellement les grandes villes. En 2000, le ‘taux de meurtres’ s’élevait à 33,2 pour 100.000 comparé à 1,1 au Japon ou encore 5,51 pour les Etats-Unis. Depuis, la situation s’est encore aggravée et aujourd’hui, la capitale Caracas est plus violente que Rio.

    En novembre 2007, onze meurtres par jour étaient signalés à Caracas. Environ 1000 personnes ont été kidnappées en 2006 pour ensuite exiger des rançons. La criminalité est aujourd’hui un grand sujet de controverse et le gouvernement est considéré comme avoir été incapable de le résoudre. Certains pourraient argumenter qu’il n’est pas correct de blâmer Chávez concernant ce haut taux de criminalité. Mais le crime existera toujours dans des sociétés qui sont touchées par la pauvreté et le malaise social. En dernière instance, cela ne peut se résoudre qu’en se débarrassant définitivement du capitalisme et des conditions sociales qu’il engendre.

    La question de la criminalité est une question cruciale, et il est important pour le mouvement ouvrier de la prendre en compte d’une manière pratique. La police, faisant parti de la machine d’Etat capitaliste, est criblée par la corruption. Les communautés locales doivent s’organiser pour se défendre des attaques criminelles violentes et des gangs. Une des plus grosses faiblesses du mouvement est l’absence d’un mouvement indépendant conscient et organisé de la classe ouvrière et des pauvres. Si un tel mouvement existait, la construction de conseils élus démocratiquement dans les communautés locales pourrait être liée à la formation de comités de défense. Ceux-ci pourraient alors prendre des mesures pour se débarrasser des gangs criminels et offrir une véritable alternative pour tous les jeunes désorientés qui sont attirés par ces bandes.

    En finir avec le capitalisme

    Les problèmes socio-économiques qui continuent à empoisonner le Venezuela proviennent de la continuation du capitalisme. Les discours de Chávez et la propagande pour un « socialisme du 21ème siècle » ne sont pas un programme qu’on peut appliquer.

    Le haut taux de pauvreté, la bureaucratisation et la corruption croissantes, au sein du gouvernement, des directions syndicales et même des organisations sociales et locales, ont exacerbé la colère, la frustration et la déception parmi de larges couches de travailleurs et de pauvres, et particulièrement dans les zones urbaines. Tout cela, ajouté à l’incapacité à faire avancer le processus révolutionnaire, a plongé la situation dans une certaine impasse. La déception est sans doute moins forte dans les zones rurales qui ont pu bénéficier d’un grand nombre de réformes, mais l’ambiance est largement retombée dans les villes.

    La cause plus profonde de tout cela provient de l’incapacité à rompre définitivement avec le capitalisme et à établir un gouvernement des ouvriers et des paysans, basé sur une économie socialiste planifiée démocratiquement. Un grand nombre de personnes ont dû se dire que ne pas voter ne représentait pas une menace contre-révolutionnaire immédiate. Cependant, si on ne sort pas de cette impasse, les forces contre-révolutionnaires vont croître et finalement se débarrasser du régime de Chávez.

    De nouveaux dangers menacent Chávez et son régime. Puisque les réformes ont largement été financées par un prix du pétrole sans cesse croissant, cette situation peut se retourner par les symptômes d’une crise mondiale. Cela pourrait provoquer une chute des revenus tirés du pétrole, et donc un recul dans les réformes.

    Entre ‘74 et ‘79, le régime nationaliste et populiste de centre-gauche de Carlos Andrés Perez avait introduit des réformes sociales significatives qui furent financées par la hausse du prix du pétrole. En ‘79, le baril de pétrole avait atteint les 80$. Peu après, ces réformes devinrent infinançables car une crise faisant chuter le prix du baril à 38$ frappa le Venezuela dans les années ‘80. Le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté explosa de 17% en 1980 à 65% en 1996. C’est un avertissement clair à Chavéz et à la classe ouvrière sur ce qui risque d’arriver si le capitalisme n’est pas remplacé par une économie socialiste démocratiquement planifiée.

    Malheureusement, certains dans la gauche socialiste n’ont envisagé ce problème que pour le traiter de sectaire ou d’inutilement détaillé. Mais maintenant, confronté à ce brusque retour de manivelle du référendum, ils prennent conscience un peu tard des dangers et commencent à s’en faire l’écho. Cela s’illustre par le fait que la Tendance Marxiste Internationale (IMT), qui avait cherché à agir comme conseiller bénévole d’Hugo Chávez, a critiqué, suite à la défaite du référendum, une dangereuse « illusion, qui existe parmi la direction et les masses elles-mêmes, que la révolution serait une espèce de marche triomphale qui pourrait éviter tous les obstacles ». (Alan Woods, La révolution vénézuélienne à la croisée des chemins, 11 janvier)

    Cependant, le groupe vénézuélien de la IMT semble avoir été victime de ce danger précisément, sous-estimant les dangers auxquels doivent faire face les masses et la possibilité de contre-attaque de la part et d’engranger des succès de la part de la contre-révolution. Deux jours avant le référendum, un article publié sur le site de IMT prédisait : « Et nous ne doutons pas que la décision de la majorité sera en faveur du OUI… La victoire du OUI le deux décembre est le premier pas dans ce sens. »

    L’avertissement du référendum

    Les conséquences de l’incapacité à en finir avec le capitalisme commencent à éroder l’enthousiasme pour Chávez et son régime. Il faut souligner que 44% se sont abstenus lors du référendum et le nombre de personnes ayant voté « oui » est de trois millions inférieur au nombre d’électeurs de Chávez lors des élections présidentielles de décembre 2006. Le nombre de votant pour le oui était même inférieur d’un million au nombre d’adhérents revendiqué par le parti récemment lancé Partido Unificado Socialista de Venezuela (PSUV).

    De plus, le NON a triomphé dans les 9 états les plus peuplés des 23 et dans 13 des villes les plus grandes, y-compris Caracas. Le OUI a triomphé dans les 14 états les plus ruraux et les moins peuplés. Dans la capitale, des anciens bastions chavistes, comme Petare, Caricuao et Catia ont enregistré un vote substantiel pour le NON et un haut taux d’abstention. Mais surtout, la droite a pu engranger 300.000 votes de plus que lors de la dernière élection présidentielle.

    Les signaux d’alerte auraient pu être vus lors de la dernière campagne présidentielle en décembre 2006. En dépit du fait que Chávez ait gagné avec une claire majorité, la droite, l’opposition pro-capitaliste, a commencé à se fédérer autour de Manuel Rosales et en est ressortie renforcée. La campagne électorale a été marquée par de plus gros meetings de la droite et un niveau de participation plus faible de la part des supporters de Chavez. Les masses se rallieront derrière Chávez lorsque la menace d’une défaite apparaîtra comme un scénario sérieux.

    Le faible niveau d’activité et de participation dans la campagne électorale illustre une croissance du sentiment de colère et de frustration face à l’incapacité à pousser le processus révolutionnaire en avant. Malgré l’enthousiasme immense qui a résulté des réformes dans la santé, l’enseignement et dans l’approvisionnement de nourriture, la continuation du capitalisme a provoqué un taux de chômage élevé, des pénuries de nourriture, une inflation croissante, une crise massive du logement et une bureaucratisation et une corruption en hausse. En plus de ces problèmes sociaux, il faut souligner l’explosion du nombre de crimes, et spécialement de crimes violents, qui a commencé à mener à la frustration, et même à la désillusion parmi certaines parties des supporters de Chávez.

    Ces questions ont permis à l’opposition de droite de ramener des tranches entières de la classe moyenne sous sa bannière. La menace d’une victoire de la droite aux élections présidentielles avait provoqué un renforcement du soutien à Chávez. Mais cette fois cette menace directe n’a pas été vue par les masses dans le référendum pour changer la constitution. Bien qu’il reste une véritable marge de manœuvre à Chávez et qu’il gagnerait probablement les élections si elles devaient se tenir aujourd’hui, cette défaite est un sérieux avertissement des processus qui commencent à se mettre en place.

    Résurgence de la droite

    Les effets des problèmes socio-économiques ont été renforcés à cause de quelques erreurs commises par Chávez et dont l’opposition a su jouer, utilisant la peur des gens et plus spécifiquement de la classe moyenne. Ils ont accusé Chávez de bâtir une « dictature déguisée ». Le CIO a averti que la décision de refuser à RCTV sa licence (une station radio-télévisuelle de droite pro opposition) permettrait à l’opposition de se réunifier et de se réorganiser. Nous écrivions : Malheureusement, le refus de renouvellement de la licence de RCTV, à cause de son timing et de la manière dont il a été fait, est une erreur tactique du gouvernement de Chávez dont l’opposition pourra jouer ». (RCTV et la question des médias, 20 juillet 2007) Cette question est devenue un point central autour duquel l’opposition de droite a été capable de mobiliser et de redynamiser ses forces. De larges manifestations ont été lancées avec le soutien de couches d’étudiants de la classe moyenne autrefois inactives.

    Ces inquiétudes se trouvèrent renforcées par certains des amendements proposés à la constitution de 1999, qui servaient à renforcer le pouvoir de la présidence sans contrepoids démocratique et comprenaient de forts éléments bonapartistes. La limite du nombre de fois qu’un candidat pouvait être élu allait être effacée et le mandat présidentiel allait être prolongé de 6 à 7 ans – comme c’était le cas en France durant la cinquième république de Charles de Gaulle. Un état ouvrier démocratique ne peut être assimilé à un régime bonapartiste. Dans un véritable état ouvrier démocratique, al question de savoir formellement qui est président et pour combien de temps serait immatérielle. Cependant, le Venezuela n’est pas une démocratie ouvrière et cette question a été perçue par certaines couches de la société comme une attaque sur les droits démocratiques et a été utilisée comme une arme par l’opposition.

    Le président, et non le parlement, devait aussi obtenir le pouvoir de nommer tous les officiers de l’armée. Il devait aussi obtenir le pouvoir de désigner de nouvelles zones géographico-politiques, comme des municipalités fédérales, et de nommer les différentes autorités censées les administrer. Il n’existait pas de définition du niveau de pouvoir de ces nouvelles autorités et districts territoriaux. D’autres propositions telles que la suppression du « droit à l’information » dans le cadre d’une déclaration d’état d’urgence par le président. Les socialistes défendent le droit pour le gouvernement Chávez de prendre toutes les mesures nécessaires à l’empêchement de toute tentative de prise de pouvoir par la droite, à travers un autre coup d’état par exemple. Mais ce ne sont pas des questions constitutionnelles, en les traitant comme telles le gouvernement offre à la droite le bâton pour lui taper dessus. Alors que l’opposition dynamisait ses supporters de la classe moyenne, des pans des supporters traditionnels de Chávez se retrouvaient désorientés dans la campagne.

    Tout cela s’est retrouvé encore renforcé par une colère montante contre la bureaucratie et son approche « par le haut », par l’absence d’un véritable système démocratique ouvrier et d’une participation consciente et active des masses à la lutte. Les supporters de Chávez n’étaient pas prêts à aller de l’avant, ni à soutenir le NON, ils se sont pourtant tenus à l’écart des bureaux de vote. Selon des rapports de nos membres au Venezuela, beaucoup le regrettent aujourd’hui.

    Une des tâches auxquelles sont confrontés les masses et les marxistes dans n’importe quelle révolution est de parvenir à gagner le soutien des couches moyennes dans la société (étudiants, petits commerçants,…) qui sont aussi exploitées socialement et économiquement par le capitalisme. Le mouvement révolutionnaire socialiste a besoin de les convaincre de qui sont leurs véritables ennemis et qu’ils n’ont rien à craindre du socialisme. Au contraire, une société socialiste peut leur offrir une solution à leurs problèmes et développer leurs talents et leurs capacités. Malheureusement, l’attitude adoptée par Chávez a donné l’arme qu’il fallait à la droite pour les récupérer.

    Les marxistes ne considèrent pas vulgairement la classe moyenne et tous ceux qui ont voté NON comme une masse réactionnaire homogène. Cette approche erronée a été amplifiée par le IMT immédiatement après le référendum. Woods a simplement dénoncé « les petits commerçants, les étudiants « gosses pourris des riches », les employés gouvernementaux, pleins de ressentiment face aux avancées de la « plèbe », les pensionnés nostalgiques « des bons vieux jours » de la quatrième république… Ces éléments apparaissent comme une force formidable en termes électoraux, mais dans la lutte des classes, leur poids est pratiquement nul ». (La défaite du référendum – Qu’est-ce que cela signifie ? 3 décembre 2007)

    Ce revirement a revigoré l’opposition et montre clairement la menace croissante de la contre-révolution. D’un autre côté, on n’en est pas encore au point d’une défaite décisive pour le mouvement. La droite pourrait regretter cette tactique, car elle pourrait provoquer une réaction des masses et pousser le mouvement plus à gauche. Il reste encore du temps pour tirer les leçons nécessaires, ce qui permettra de renverser le capitalisme et de définitivement en fini avec lui.

    Mais il existe une nouvelle urgence, une course contre le temps : la contre-révolution essayera de capitaliser sur la situation d’impasse actuelle. Un brusque changement dans la situation économique et une chute du prix du pétrole pourrait accélérer ces développements et donner l’opportunité à la droite de se renforcer et de préparer le terrain pour une défaite plus décisive de Chávez et des masses.

    Il est urgent de tirer le bilan des luttes des travailleurs, des jeunes et des masses des différentes étapes traversées par la lutte depuis la venue au pouvoir de Chávez. A cela, il faudra ajouter les leçons cruciales de la classe ouvrière internationale pour aider les travailleurs et les jeunes à tirer les conclusions nécessaires pour s’assurer la défaite définitive de la contre-révolution et pour s’assurer que la transformation socialiste et démocratique de la société puisse continuer.

    Le pouvoir économique

    Tout en clamant son soutien pour la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’, en pratique, Chávez a essayé de construire une économie et un Etat parallèles, côte-à-côte avec les monopoles et la machine d’Etat existants. Bien que Chávez ait augmenté l’intervention de l’Etat dans l’économie, il n’a nationalisé ni les grandes banques ni les monopoles, qui demeurent dans les mains du privé. Jusqu’à présent, il a limité les nationalisations à l’aciérie Venepal, ainsi qu’aux compagnies de télécommunication et d’électricité, CANTV et EDC.

    Malgré les attaques hystériques contre Chávez de la part de l’impérialisme américain, suite à la croissance économique dans le secteur privé, ce dernier compte à présent pour une plus grande part dans l’économie que ce n’était le cas avant l’arrivée au pouvoir de Chávez.

    Malgré les menaces verbales de Chávez de nationaliser les banques, il ne l’a pas fait. Basés sur une croissance du crédit qui a surtout bénéficiée aux classes moyennes, les résultats des banques vénézueliennes ont de quoi rendre jaloux l’ensemble du monde bancaire. Les profits réalisés dans le secteur bancaire ont crû de 33% en 2006. Les retours sur investissement ont dépassé de 33% la norme internationale.

    Les supermarchés d’Etat ‘Mercal’, tout en vendant de la nourriture bon marché pour les pauvres, sont dans une logique de compétition avec les grosses chaînes de magasins et de supermarchés d’alimentation. Même si sous certaines conditions –dans le cas d’une situation de double pouvoir par exemple- des éléments d’économie parallèle peuvent être utiles et permettre de réaliser quelques progrès, une telle situation ne peut jamais durer indéfiniment.

    Pour les marxistes, une situation de double pouvoir peut émerger lorsque la classe dominante n’a plus le contrôle de l’économie ou de l’Etat, du fait que son pouvoir est contesté par un mouvement révolutionnaire parmi la classe des travailleurs. Tout en concurrençant la classe dirigeante, devenue incapable de diriger la société, la classe ouvrière n’a cependant pas encore pris le pouvoir entre ses mains et imposé une défaite décisive aux capitalistes. Cette situation se conclut toujours soit par la prise du pouvoir par les travailleurs, soit par le rétablissement du contrôle de la classe dirigeante.

    Les capitalistes se battront jusqu’au bout afin d’empêcher le secteur étatique d’assumer un rôle de plus en plus important dans ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée, et ne tolèreront jamais de se voir retirer les leviers de leurs pouvoirs économique et politique. Si c’est nécessaire, ils recourront même à la dictature militaire brutale afin d’empêcher un tel mouvement de se développer. Pourtant, procéder à une incursion graduelle de l’Etat dans l’économie capitaliste est exactement ce que Chávez a essayé de faire. Parallèlement, il a laissé le pouvoir économique décisif dans les mains des capitalistes, qui l’ont utilisé par exemple pour imposer des pénuries de café, de riz, de haricots et d’autres aliments de base, comme riposte face aux prix des produits contrôlés par l’Etat.

    Ces pénuries ont joué un rôle important dans la campagne que l’opposition a mené en vue du référendum. Dans un sondage réalisé en novembre 2007, 75% des Vénézueliens pensaient que les pénuries de nourriture étaient volontairement suscitées par le patronat afin de saboter l’action du gouvernement. Cependant, dans un sondage entrepris dans la semaine précédant le référendum, une majorité accusait l’inefficacité et la corruption du gouvernement.

    Il est impossible d’assagir un tigre en retirant une à une chacune de ses griffes. De la même manière, il est impossible de retirer les capitalistes du contrôle de l’économie en grapillant graduellement un secteur après l’autre. Dans les faits, Chávez n’a même pas été jusque là. L’économie du Venezuela est hautement monopolisée. Cinq grosses familles oligarchiques – Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton et Phelps – ainsi que quelques grandes banques, contrôlent les secteurs décisifs de l’économie, à l’exception du pétrole. Aucun de ces conglomérats n’a été touché par Chávez.

    Le fait de ne pas avoir nationalisé ces monopoles laisse à la classe dominante le contrôle de l’économie. Résultat : durant le récent boom économique, qui avait notamment vu une augmentation des dépenses de l’Etat en faveur de différents programmes publics, des profits gigantesques ont été réalisés. Dans le même temps, les capitalistes ont eu tout le loisir d’organiser le sabotage économique afin de miner l’action du gouvernement.

    Les signes d’un ralentissement

    L’ensemble de ces facteurs se sont reflétés dans le référendum. Pourtant, au lieu de réaliser que cette défaite reflète la frustration, la déception et une certaine impasse dans la situation actuelle, ce sont au contraire les masses qui sont accusées d’un ‘manque de compréhension’. Dans son émission télévisuelle hebdomadaire, ‘Alo Presidente’ du 6 janvier, Chávez affirme reconnaître que la population, ainsi que l’appareil d’Etat, ne sont pas “preparés pour faire face à ce qu’impliquait la réforme constitutionnelle, à savoir un renforcement du socialisme”. Plus menaçant, il déclara qu’ils (les habitants de Caracas et d’autres villes) “…ont une dette envers moi. Je l’ai noté dans mon agenda. Nous allons voir s’ils me paieront cette dette ou pas”. (Spanish daily paper, ABC, 9 décembre 2007)

    Cette méthode d’analyses des reculs et des défaites fait écho à celle qu’utilisaient les dirigeants des partis communistes et socialistes réformistes lors de mouvements révolutionnaires historiques, tels que le Chili en 1970-73 ou la révolution espagnole dans les années ’30. Ces derniers justifiaient leur inaptitude à rompre de manière décisive avec le capitalisme en prétextant que les masses n’étaient ‘pas prêtes’ et que cela allait ‘provoquer’ la réaction.

    Ayant dans un premier temps accusé le manque de compréhension des masses pour la défaite, Chávez a finalement conclu qu’il n’avait pas d’autre choix que de ‘ralentir la marche des événements’: “L’avant-garde ne peut pas se séparer des masses. Sa place est avec les masses! Je veux rester avec vous, et pour cette raison, je dois ralentir le rythme.” (6 janvier)

    Les marxistes n’adoptent pas une approche sectaire vis-à-vis des masses, et ne peuvent ignorer le niveau de conscience et de compréhension politique existant. Cela aurait pour résultat d’avancer des slogans et des initiatives politiques qui ne seraient pas compris, et couperaient les révolutionnaires des larges masses. Les marxistes s’engagent activement dans le dialogue politique, dans l’échange des idées et des expériences, et mettent en avant des slogans et des revendications qui peuvent aider les masses à avancer dans leur lutte, et à tirer les bonnes conclusions sur le type de programme, de tâches et de méthodes nécessaires pour aboutir au socialisme.

    Mais utiliser cela comme un argument pour ‘ralentir la marche de la révolution’ est quelque chose de tout à fait différent. Ce ‘ralentissement’ inclut un remaniement ministériel en janvier. Il s’agit surtout de redistribuer les portefeuilles ministériels parmi les ministres actuels. Un élément significatif, cependant, est le fait que l’ex-vice-président, Jorge Rodriguez, a été délogé et remplacé par l’ancien ministre du logement, Ramón Carrizales. La nomination de Rodriguez il y a un an avait été annoncée à l’époque comme un tournant à gauche dans la ‘route vers le socialisme’.

    Il est probable que le ralentissement du rythme des réformes débute par un relâchement des contrôles sur les prix que le gouvernement avait précédemment introduits. En les desserrant, le gouvernement espère pacifier ses relations avec les producteurs et distributeurs du secteur de l’alimentation, qui avaient réagi en créant des pénuries dans la distribution. Il s’agissait de purs actes de sabotage, auxquels le gouvernement s’était montré incapable de réagir en nationalisant ces compagnies.

    Derrière ce ‘ralentissement’, Chávez tente d’établir un ‘consensus national’ et d’apaiser les capitalistes. Dans l’émission ‘Alo Presidente’, Chávez argumentait : “Nous devons procéder à des améliorations dans le cadre de nos alliances stratégiques. Nous ne pouvons pas nous laisser dérouter par des tendances extrémistes. Nous ne sommes pas des extrémistes et ne pouvons l’être. Non ! Nous devons rechercher des alliances avec les classes moyennes, y compris avec la bourgeoisie nationale. Nous ne pouvons cautionner des thèses qui ont échoué dans le monde entier, comme l’élimination de la propriété privée. Ce ne sont pas nos thèses.”

    En d’autres termes, ayant essuyé une défaite lors du référendum, Chávez en conclut qu’un accord doit être recherché avec la classe dominante. Les socialistes ne prônent pas l’élimination de toute la propriété privée, comme par exemple la nationalisation de tous les petits magasins ou la réquisition des maisons des particuliers. Néanmoins, il est nécessaire de nationaliser les monopoles et les banques qui dominent l’économie, et d’introduire une démocratie ouvrière dans le cas où une planification socialiste prend forme. Chávez a également annoncé l’amnistie pour certains personnages impliqués dans l’organisation du coup d’état de 2002, et ce afin “d’envoyer au pays un signal clair comme quoi nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences”.

    Il n’y a pas de troisième voie

    Chávez revient en fait à la position qu’il défendait avant qu’il n’embrasse l’idée du socialisme, celle d’une ‘troisième voie’. Cette thèse s’appuie sur la vision erronée comme quoi il serait possible, en travaillant main dans la main avec l’aile ‘progressiste’ de la classe capitaliste, d’en finir avec la pauvreté et la corruption, et de développer une forme de ‘capitalisme plus humain’. Cette idée fait écho à la ‘théorie des deux stades’ avancée dans le passé par les staliniens et certains socialistes réformistes. Ces derniers prétendaient que, dans les pays semi-coloniaux, avant qu’il ne soit possible de renverser le capitalisme, il était nécessaire de développer l’industrie et l’économie en collaboration avec les capitalistes ‘progressistes’, postposant ainsi la question du socialisme aux calendes grecques.

    De telles idées ont mené à la défaite du mouvement ouvrier durant la guerre civile espagnole, ou encore au Chili en 1973, et n’ont jamais abouti à la moindre victoire. A l’époque contemporaine, la classe dominante des pays semi-coloniaux est liée à l’impérialisme et est incapable de développer la société. Cette tâche retombe sur les épaules du mouvement ouvrier, aidé des autres classes exploitées par le capitalisme, et fait partie intégrante de la transformation socialiste de la société.

    Ce n’est pas la première fois que Chávez tente d’apaiser les classes dominantes. Il s’agit en réalité d’une répétition de ce qu’il avait mis en avant suite à la défaite du coup d’état entrepris en 2002 par la réaction. Il demanda alors au peuple de rentrer chez lui, appelant à l’unité nationale et à la construction d’un ‘consensus national’.

    Même le IMT a été obligé de reconnaître le caractère erroné d’une telle politique : “‘Aidé’ par ses conseillers réformistes, le président a tiré certaines mauvaises conclusions du référendum”. (Woods, La révolution vénézuelienne à la croisée des chemins, 11 janvier) Mais il est évident que Chávez porte une part importante de responsabilité également.

    Woods déclare que “Chavez a bien compris le fait que la révolution a besoin de franchir ce saut qualitatif”. (Rencontre avec Hugo Chávez, Avril 2004) Encore une fois, dans La nationalisation de Venepal : qu’est-ce que cela signifie? Woods assure ses lecteurs que “Le président Hugo Chávez a révélé constamment un instinct révolutionnaire infaillible”. (21 janvier 2005) Pourtant, aucune de ces caractéristiques n’est perceptible dans les ‘mauvaises conclusions’ tirées par Chávez.

    Chávez, parlant lors du congrès d’ouverture du PSUV nouvellement formé, fut forcé de reconnaître que le gouvernement restait paralysé par ‘l’inefficacité, la bureaucratie et la corruption’. Il insista également sur la nécessité de résoudre les “problèmes persistants tels que le crime, les pénuries alimentaires et l’inflation.”. “Pourquoi le lait a-t-il disparu? Pourquoi est-ce que la sécurité reste un tel problème…Pourquoi n’avons-nous pas été capables de limiter la corruption (sans parler de l’éradiquer)?”

    Ces questions sont d’une importance cruciale. Malheureusement, la réponse de Chávez se limite à l’affirmation selon laquelle l’année 2008 sera l’année des ‘trois R’ : ‘révision, rectification et relance’. Pourtant les problèmes qu’il identifie ne se résoudront pas en ‘ralentissant la révolution’…

    La conscience de classe se développe

    Quelques jours plus tard, Chávez semblait repartir vers la gauche. Dans ‘Alo Presidente’ du 20 janvier, se référant aux pénuries alimentaires, il brandit la menace de la nationalisation de la terre et des banques. Ce n’est pas la première fois qu’il menace les banques ou d’autres secteurs de nationalisation, et rien ne nous certifie que ces menaces vont être mises à exécution. Ce n’est pas un hasard si ces menaces ont été faites pendant le congrès du PSUV; elles seront utilisées pour tenter de couper l’herbe sous le pied de certains activistes qui critiquent le tournant à droite de Chávez. En même temps, cela illustre que son régime peut toujours balancer vers la gauche et adopter des mesures de gauche plus radicales, y compris la nationalisation.

    La bureaucratie et la corruption sont des problèmes cruciaux auquel le mouvement fait face aujourd’hui au Vénézuela. Pourtant, sans un système de démocratie et de contrôle ouvriers, un véritable bataille contre ces problèmes est irréalisable. Cela reflète une des principales faiblesses du mouvement. Accomplir une révolution socialiste demande l’organisation consciente et indépendante du mouvement ouvrier, soutenu par la jeunesse, les couches pauvres des villes, les sections radicalisées de la classe moyenne et par tous ceux qui sont opprimés par le capitalisme. Du fait de sa conscience de classe collective, qui se développe et s’affermit grâce au rôle qu’elle joue dans la production, la classe ouvrière a besoin de jouer ce rôle dirigeant décisif.

    Jusqu’à présent, cela n’est pas reflété d’une manière pleinement consciente et organisée au Venezuela. Sans ce contrôle conscient et constant de la base, le développement de méthodes bureaucratiques monte inévitablement à la surface, et cela dans n’importe quel mouvement ouvrier ou révolutionnaire. Depuis le début, Chávez et les dirigeants du mouvement ont adopté une approche unilatérale, du sommet vers la base. Le régime s’est contenté du support des masses – et les a lancés dans la lutte lorsque la menace de la contre-révolution était clairement posée – mais les masses n’ont pas consciemment pris la direction du mouvement.

    La fondation du PSUV peut offrir une importante opportunité de construire un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière; un tel parti, doté d’un programme révolutionnaire socialiste, peut devenir une arme importante afin de faire avancer le processus révolutionnaire. Au moment où nous écrivons ces lignes se tient le premier congrès du parti, auquel participent 1.600 délégués (et qui est prévu de durer jusqu’à deux mois!) Le PSUV revendique plus de cinq millions de personnes inscrites pour rejoindre le parti, bien qu’il ne soit pas clair si ce sont des gens désirant réellement construire un parti socialiste, ou plutôt des gens enregistrés par les organisateurs locaux à partir du registre des électeurs. Si le PSUV se veut être un instrument pour porter une révolution victorieuse, alors il aura besoin de membres actifs, et pleinement impliqués dans les débats et les prises de décision; un tel parti ne peut se limiter à une addition de tous les partis pro-Chávez déjà existants. Le droit de se constituer en tendances, et de permettre le débat démocratique seront des éléments essentiels pour faire de ce parti une arme efficace pour la classe ouvrière, et pas un instrument docile au service de la politique du gouvernement.

    Malheureusement, le PSUV a été formé du sommet, Chávez nommant un comité comprenant deux anciens généraux chargés de le mettre sur pied. En janvier, Jorge Rodriquez fut nommé responsable de la ‘coordination générale du PSUV’. Le CIO soutient le combat pour un PSUV pleinement démocratique avec un programme révolutionnaire socialiste.

    La démocratisation des syndicats et la construction de comités démocratiquement élus sur les lieux de travail, afin d’établir un système de contrôle ouvrier, font partie des tâches les plus urgentes. De tels comités doivent être également mis sur pied dans les quartiers ainsi que dans l’armée. Structurés et coordonnés au niveau local, régional et national, ces comités pourraient constituer la base d’un gouvernement ouvrier et paysan. A travers la nationalisation des cinq banques et conglomérats familiaux, un plan démocratique et socialiste de l’économie pourrait ainsi être mis sur pied.

    Cela ouvrirait la possibilité de forger des liens avec le mouvement des masses en Bolivie et, accompagné de la construction d’une démocratie ouvrière à Cuba, pourrait permettre le développement d’une fédération socialiste démocratique de ces différents pays. Cette perspective pourrait à son tour constituer un tremplin pour stimuler la révolution socialiste à travers l’ensemble du continent latino-américain. Une telle voie demeure la meilleure garantie afin d’assurer la défaite de la réaction qui, comme le récent référendum l’a illustré, peut reprendre du poil de la bête tant que le capitalisme ne sera pas renversé.

  • De la moisissure sur un système pourri

    Fascisme hier et aujourd’hui

    Il y a tout juste 75 ans, Hitler accédait au pouvoir en Allemagne. Même si sont régime s’est effondré depuis longtemps, la lutte anti-fasciste est encore d’actualité. De nombreuses organisations sont actives autour de ce thème mais, trop souvent, elles n’ont pas une idée claire de ce qu’est le fascisme aujourd’hui. Pourtant, une lutte efficace nécessite de bien connaître son ennemi.

    Jeroen Demuynck

    Que signifie le fascisme?

    Les définitions du fascisme données par des théoriciens bourgeois sont souvent très vagues. On en parle ainsi comme d’une “idéologie qui met en avant un Etat totalitaire“ ou encore “d’une forme d’Etat où l’individu ne peut pas se développer”. Mais, le plus souvent, on parle du fascisme comme étant une “idéologie réactionnaire et raciste”. C’est très certainement correct, mais tout régime réactionnaire ou raciste n’est pas nécessairement fasciste. Le problème est qu’une définition inexacte conduit à l’utilisation du terme avec légèreté ainsi qu’à une tactique erronée pour lutter contre le fascisme dans la pratique, et pas seulement dans les mots. Pour arriver à une définition précise du fascisme il faut accorder beaucoup d’attention au contexte dans lequel celui-ci s’est développé.

    Les premiers groupes fascistes, les « Fasci di Combattimento » (les faisceaux de combat), ont été constitués par Benito Mussolini directement après la Première Guerre Mondiale. L’Italie a connu une période de forte lutte des classes qui a ébranlé les fondements mêmes du capitalisme. En 1919 et 1.663 grèves s’étaient déroulées en Italie et il n’y en eut pas moins de 1.881 en 1920. Des centaines d’usines, et non des moindres, ont été occupées par les travailleurs. A l’instar de ce qui s’était produit au cours de la toute récente révolution soviétique en Russie, ce mouvement avait la force de rompre les chaînes de l’exploitation capitaliste. Il n’a toutefois pas pu compter sur une direction conséquente et consciente car le Parti Socialiste (PSI) craignait de laisser le mouvement s’envoler et a voulu le faire “atterrir“. Mussolini lui-même a par la suite déclaré que PSI n’avait pas su saisir le potentiel de la situation.

    C’est sur base de cet échec de la direction du mouvement des travailleurs que les fascistes ont pu se construire et se développer. La peur au ventre, la tête pleine de souvenirs du mouvement ouvrier de 1919-1920, le patronat italien a décidé de s’organiser contre le prolétariat et les groupes fascistes de Mussolini lui sont venus à point. A cause de la défaite du mouvement vers le socialisme et du manque de soutien des classes moyennes et des plus pauvres pour la classe ouvrière, le mouvement fasciste a pu grandir. Les troupes de choc fascistes ont été utilisées pour casser physiquement le mouvement des travailleurs : plus de 3.000 socialistes ont été assassinés par les chemises noires en Italie entre décembre ‘21 et novembre ’22.

    L’Allemagne a connu un scénario comparable dix ans plus tard. Dans un pays ravagé par la crise économique, la bourgeoisie a fini par soutenir les nazis afin de briser la résistance de la classe ouvrière. Paralysée par la division et les erreurs des dirigeants du parti socialiste et du parti communiste stalinisé, le mouvement ouvrier n’a pas pu résister à la montée d’Hitler.

    Le fascisme se prétend « anti-capitaliste » mais, dans la pratique, il protège les intérêts de la classe dirigeante. Sa base économique est le solidarisme qui prétend que la seule ligne de rupture existe entre les « nations » et qu’il n’y a donc pas de différences entre les intérêts des travailleurs et ceux des capitalistes. Les syndicats, les grèves ou d’autres actions, la concertation salariale,… tout cela est donc à proscrire. On en arrive donc à un système corporatiste où travailleurs et capitalistes «en consensus» dirigent l’économie dans l’intérêt du « peuple ». Dans la pratique, cela signifie que les travailleurs n’ont juste rien à dire, si ce n’est de travailler dans l’intérêt du «peuple» patronal national…

    Quelle est le danger aujourd’hui?

    Aujourd’hui, la situation est différente. La crise économique et politique est moins profonde. Le patronat a plutôt besoin d’une politique forte et néolibérale au lieu d’une politique protectionniste. Alors que le fascisme classique se basait sur le mécontentement de la classe moyenne (les petits particuliers, les agriculteurs,…), ces couches pèsent aujourd’hui beaucoup moins lourd dans la société. C’est en fonction de ce contexte que l’on doit situer ce que l’on appelle aujourd’hui le néofascisme.

    A cause de l’absence d’une base sociale active, les néo-fascistes se tournent vers le populisme et l’électoralisme, vers le soutien passif. Cela se remarque très clairement avec le Vlaams Belang qui défend un programme patronal et néoliberal mais qui peut surtout grandir grâce au mécontentement contre la politique antisociale des partis traditionnels. Ainsi, de même que la défaite du mouvement des travailleurs dans les années ’20 et ’30 a créé l’espace pour le fascisme, l’absence d’un parti large qui défende les intérêts des travailleurs et de leurs familles est une opportunité pour le succès électoral des néo-fascistes.

    Le capitalisme et ses crises créent un contexte de pauvreté qui forme la base sur laquelle des fascistes peuvent se construire.

    Une lutte anti-fasciste ne peut être un succès que si le mouvement des travailleurs met en avant une alternative face au système capitaliste.

  • Cameroun : Grève générale de masse contre la hausse des prix

    Interview d’un socialiste camerounais

    Une grève de masse conte la hausse des prix de l’essence, de la nourriture et d’autres produits de base a paralysé la plupart du Cameroun depuis le lundi 25 février. Quelques concessions mineures ont été accordées mardi soir par le gouvernement (telles que de baisser le prix de l’essence de 600 a 594 francs camerounais) dans une tentative de mettre un terme a la grève, mais sans succès. Du gaz lacrymogène a été lancé sur les manifestants à Douala et à Yaoundé, la capitale, et on dit qu’au moins six personnes ont été tuées.

    Naomi Byron

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    Courrier de lecteur

    Ne pas confondre émeutes et grève générale

    Le titre du dernier article sur la grève au cameroun ne reflète pas correctement la réalité.

    En fait, il n’y a pas eu de grève générale au Cameroun, mais une grève des transporteurs (chauffeurs de taxi pour la plupart), remarquablement suivie. Au moins là-bas, la question du "droit au travail" lors d’une grève ne se pose pas, ou alors à coup de barres de fer dans le pare-brise…

    Il a bien été question d’une extension du mouvement vers le 27/2, mais le syndicat des transporteurs a vite baissé son pantalon quand il a vu que le mouvement lui échappait, et contre une réduction symbolique du pris du carburant (6 FCFA). A propos, le Franc camerounais n’existe pas, il s’agit du franc CFA, monnaie commune à plusieurs pays de la région. 1000 FCFA = 1,5 €.

    Toujours est-il que la grève a empêché beaucoup de travailleurs de rejoindre leur poste…

    Certains ont sans doute refusé de faire 10 km (ou plus) à pied par solidarité, mais on ne peut pas parler de grève générale décidée et organisée consciemment par la classe ouvrière camerounaise dans son ensemble.

    Par contre, l’article passe sous silence certains aspects moins réjouissants de ce mouvement, tels que:

    – Emeutes et pillages dans les quartiers populaires de Douala (capitale économique) et dans d’autres villes

    – Violences et vandalisme dans ces même quartiers.

    – Répression policière dont le bilan, difficile à évaluer, tourne autour d’une vingtaine de morts.

    En conclusion, d’après les nombreux témoignages que j’ai pu récolter, il n’y a pas eu de grève générale, mais une grève sectorielle très bien suivie, sur laquelle s’est greffée un large mouvement de révolte spontanée et anarchique, alimenté par l’inflation galopante et les provocations du pouvoir (projet de modification de la constitution, fermeture d’une chaîne de télé indépendante…).

    Je ne critique pas ici ce mouvement spontané ni même ses manifestations les moins reluisantes, je dis simplement qu’il faut qualifier correctement ces développements.

    Car c’est justement, comme l’explique le camarade camerounais, l’absence d’alternative politique réelle et cohérente, qui donne lieu à ce type de mouvement sans direction ni but précis.

    La conséquence est très claire : aucune avancée pour les revendications de la population, et une répression féroce en prime. Seul point positif, il n’y a pas eu de dérapage ethnique au Cameroun.

    Dans un pays ou la corruption règne en maître, la construction d’un parti ouvrier intègre et indépendant du pouvoir est plus difficile mais d’autant plus indispensable si l’on veut qu’un jour les travailleurs puissent venir à bout des parasites qui les dirigent et des autres serviteurs zélés de l’impérialisme européen.

    J.L.
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    Ce mouvement montre le pouvoir immense que possèdent les masses laborieuses et les pauvres lorsqu’ils entrent en action. Cela fait trop longtemps que le gouvernement de Paul Biya, qui dirige le pays depuis 1982, est resté impuni tandis qu’il ignore la pauvreté et les luttes de la population, qui s’est trouvée de plus en plus désespérée, tandis que l’élite corrompue se remplissait les poches. La situation est aggravée par la faillite des partis d’opposition à réellement représenter les intérêts des travailleurs et des pauvres. Ce mouvement de grève est une réelle opportunité, non seulement pour forcer le gouvernement à baisser les prix, mais aussi pour le début de la fondation au Cameroun d’un parti de masse des travailleurs et des pauvres, basé sur la lutte.

    Naomi Byron (Parti Socialiste d’Angleterre et du Pays de Galle) a pu interviewer Charles Pa Douala:

    « Depuis ce matin (le 26 février), plus aucune voiture ne bouge, et toute activité a stoppé, parce que les gens ne peuvent pas aller au travail. Les routes sont barricadées par la population avec des morceaux de bois et toutes sortes de matériaux, à l’exception de quelques-unes ou les véhicules de la police et de l’armée peuvent passer. Les routes ont été transformées en terrain de football par les enfants. »

    « Il n’y a aucune activité; toutes les boutiques sont fermées. Aujourd’hui seulement, il y a une certaine tolérance – les gens qui vendent de la nourriture ont eu l’autorisation d’ouvrir, mais hier, ils ne pouvaient pas parce que même les magasins d’alimentation étaient bloqués. »

    « Au début, c’est le syndicat des chauffeurs de transport qui a organise la grève a cause de la hausse du prix de l’essence, mais maintenant tout le monde est impliqué. Maintenant que la population a repris la grève, nous demandons la fin de la hausse du coût de la vie. Les prix doivent être abaissés, ceux du pétrole comme ceux des denrées de base comme le savon, l’huile et la farine. »

    « Le prix de l’essence monte tous les mois. Ce qui a vraiment énervé les gens, c’est que le jour de notre victoire contre la Tunisie (pendant la Coupe de football des nations africaines), tandis que nous faisions la fête, le prix du pétrole a encore été augmenté. Certains d’entre nous veulent que le Cameroun soit éliminé de la Coupe des nations, parce que lorsque notre équipe nationale est en train de jouer, tout le monde est content de regarder le match et personne ne s’implique dans les luttes politiques. »

    « En ce moment, le pain coute toujours 150 FC, mais le prix a en fait augmenté parce que les boulangers ont diminué la taille du pain, même si le gouvernement prétend que le volume est resté identique. Le prix de l’huile de palme, dont nous nous servons pour cuisiner, est passé récemment de 500 à 750 FC, alors que nous avons les palmiers qui la produisent ici, au Cameroun. »

    « Le savon, jusqu’il y a peu, coutait encore 250 FC, mais il est maintenant à 350 FC alors que la plupart des Camerounais vivent avec moins d’un dollar par jour. Avec ces hausses de prix, nous ne pouvons plus rien acheter, même pas du savon. C’est pour ça que le gens sont si motivés par cette grève. »

    « Hier, il y avait étonnamment très peu de violence de la part de la police. La police a laissé les manifestants tranquilles, se contentant d’accompagner les cortèges et de modérer les actions. Hier après-midi, dans un quartier de Douala, la foule est parvenue à capturer 21 policiers et les a gardés plusieurs heures avant de les laisser partir. Mais aujourd’hui (mardi 26 février), ils sont venus avec des véhicules armés et des lacrymos pour disperser la foule. Dès qu’ils voient une manifestation, ils tentent de la disperser. La police et l’armée n’ont pas besoin d’utiliser la force, ils ont besoin d’utiliser le dialogue. Mais parce que les décisions ne viennent pas d’eux-mêmes, ils sont obligés de suivre les ordres d’en haut. Cependant, on nous a dit : si vous voyez un officier qui utilise la violence, ne résistez pas ; trouvez simplement son nom et son adresse, et on s’en occupera. Les flics le savent, ils ont tous très peur. »

    « Juste maintenant, à la prison New Bell a Douala, il y avait une grande foule de gens qui se dirigeaient vers la prison, disant qu’ils allaient défoncer les murs et libérer les prisonniers, mais ils ont été interceptés, avec des tirs de semonce pour les dissuader d’avancer. Ils voulaient rentrer dans la prison parce qu’il y a beaucoup de dirigeants du gouvernement qui ont été emprisonnés parce qu’ils ont volé de l’argent de la collectivité; la foule disait que ça ne valait pas la peine de les laisser en prison, mais qu’il valait mieux aller les rechercher et les forcer à rendre l’argent qu’ils ont volé au pays. »

    « Le gouvernement doit tenter de baisser les prix. Ils disent qu’ils n’ont pas un contrôle total sur l’essence, qu’ils ne peuvent pas simplement diminuer les prix comme ça et qu’on doit leur laisser le temps. Mais on leur a donné une liste des prix auxquels les marchandises devraient être vendues pour satisfaire les gens. C’est la solution que nous recherchons. Tant que rien n’est fait, la grève continuera aussi longtemps qu’il le faut. Jusqu’à demain, s’il n’y a aucun développement favorable, les marchés resteront fermés, mais mardi, on les laissera s’ouvrir pour que les gens puissent acheter à manger; le reste de la journée, nous continuerons la grève. C’est un mouvement très populaire, d’un genre qu’ont n’a jamais vu auparavant au Cameroun. C’est une grande première ! »

    « Aujourd’hui, les gens n’ont que très peu de confiance dans les figures de l’opposition, parce qu’ils ont leurs propres problèmes. Ils se concentrent sur la campagne contre la nouvelle constitution proposée par le gouvernement (qui permettrait au président Biya de rester au pouvoir après son mandat actuel qui doit expirer en 2011) mais nous, le peuple, disons que le coût de la vie est trop cher. C’est pourquoi les chefs de l’opposition refusent de diriger ce mouvement, parce qu’ils ont leurs propres intérêts à défendre, tandis que les masses continuent à construire le mouvement tandis que nous discutons. C’est plus puissant que ce que quiconque aurait cru. »

    Liens:

  • Allemagne: progression du nouveau parti de gauche

    Les médias parlent d’un « virage à gauche » en Allemagne. Si des élections nationales avaient lieu aujourd’hui, Die Linke, le nouveau parti de gauche dirigé par Oskar Lafontaine (qui fut président du SPD, le PS allemand), récolterait entre 11 et 14 % des voix. Lors des élections régionales en Hesse et en Basse-Saxe, Die Linke a franchi le seuil électoral de 5% pour la première fois dans des régions de l’Allemagne de l’Ouest.

    Tanja Niemeier

    Mécontentement social

    Le terreau fertile pour cette montée électorale de la gauche est le mécontentement social qui grandit dans de larges couches de la population. Seuls 15% de la population jugent que les chiffres de croissance économique se reflètent dans leur portefeuille. De nombreux scandales provoqués par la corruption et la fraude fiscale perpétrées par les topmanagers et les super-riches ont éclaté ces derniers mois. Les dernières enquêtes de la brigade financière ont révélé que 700 « citoyens éminemment fortunés » ont placé 3,4 milliards d’euros sur des comptes en noir au Liechtenstein. En revanche, les chômeurs qui ont été durement attaqués ces dernières années, ne disposent plus aujourd’hui en moyenne que d’un budget moyen de 4,35 euros par jour pour leur alimentation, une somme qui ne permet pas d’assurer les 2.300 calories nécessaires.

    Atmosphère combative

    Le fossé entre les profits record et le démantèlement du pouvoir d’achat et des acquis sociaux n’est plus considéré comme inévitable. Les conducteurs de train et leur syndicat indépendant GDL ont réussi récemment à obtenir une victoire après des actions de grève : 11% d’augmentation salariale, une réduction de travail d’une heure par semaine et une prime unique. Les salaires des cheminots allemands sont relativement bas par rapport au niveau européen, mais cette victoire a une grande valeur symbolique. Elle démontre qu’une lutte menée de manière sérieuse peut donner des résultats.

    Les luttes de ces dernières années étaient surtout défensives et les directions syndicales y mettaient fin en concluant souvent des « compromis » vides de contenu pour les salariés. Aujourd’hui, les machinistes ont mis fin à cela. Les autres vont suivre. Dans les services publics et le secteur métallurgique, les travailleurs revendiquent une augmentation salariale de 8%. Dans certaines régions, cette revendication était même symboliquement de 9,4%, le même pourcentage que celui de l’augmentation que se sont accordées les parlementaires… Des actions ont déjà été lancées dans divers secteurs, comme à Stuttgart où les vendeuses de H&M ont mené une grève pendant dix semaines.

    Virage à gauche

    Les travailleurs allemands ont gagné une plus grande confiance en eux mais cela ne suffit pas pour mettre fin au démantèlement social. Le fabricant de GSM Nokia a annoncé la fin de la production à Bochum pour la transférer en Roumanie où les salaires sont seulement de 300 euros par mois. Les 2.300 salariés et les 1.000 temporaires sont menacés d’être jetés à la rue. Avant, Nokia avait reçu 80 millions d’euros de soutien gouvernemental. Les politiciens des partis traditionnels ont appelé au boycott de Nokia. Mais même les commentateurs bourgeois ont posé la question : en quoi Motorola ou Siemens valent-ils mieux, eux qui récemment ont supprimé des postes en masse?

    Dans un contexte de profits record pour les entreprises, les travailleurs revendiquent un morceau du gâteau et les actions offensives jouissent d’un soutien large de la part de la population. Le « virage à gauche » dans la société allemande est bien réel, tant au niveau de la combativité qu’au niveau électoral. Die Linke bénéficie de ce climat mais sa direction semble plus intéressée à participer au pouvoir avec le SPD et les Verts qu’à préparer l’extension des luttes. Pourtant ce n’est pas en participant à des coalitions néolibérales qu’on obtiendra de vraies victoires mais plutôt en liant les combats quotidiens à une perspective de transformation socialiste de la société.

  • + de pouvoir d’achat par + de salaire!

    Hausse des allocations !

    Depuis le début de l’année, une vague de grèves pour plus de pouvoir d’achat et pour une diminution de la charge de travail a commencé à s’étendre dans le pays. Partie des sous-traitant de Ford dans le Limbourg, elle a touché plusieurs dizaines de sociétés, pour le moment essentiellement en Flandre. Pour le patronat et les politiciens de droite, il s’agit là d’une « hystérie du pouvoir d’achat » et de grèves « injustifiables ». Vraiment ?

    Luc Janssens

    Les réactions patronales sont d’une hypocrisie crasse. En 2007, les 30.000 plus grandes sociétés belges ont fait ensemble un bénéfice record de 77 milliards d’euros. Mais les profits historiques et les salaires «himalayesques» des managers de haut vol n’ont évidemment en rien amélioré la condition des travailleurs, des chômeurs et des pensionnés. Ils ont surtout été utilisés pour spéculer sur les marchés financiers et remplir encore un peu plus les poches des riches.

    Pendant ce temps, le gouvernement cherche à épargner pour boucler son budget. Mais il ne regarde pas vers le grand fraudeur fiscal ou vers les profits record des gros actionnaires. C’est aux chômeurs de trinquer et aux travailleurs à se serrer la ceinture. Pourtant, la possibilité offerte aux patrons de déduire les «intérêts notionnel» (voir page 2) va coûter au budget au moins 2,5 milliards d’euros. Mais, là, on ne parle pas de pratique « injustifiable ». Et après ça, on devait encore avaler qu’on manque de moyens pour des mesures en matière de pouvoir d’achat !

    Les actions de ces dernières semaines ont donné des résultats positifs. Les travailleurs des sous-traitants de Ford ont tous obtenu des augmentations salariales en plus d’un bonus salarial. Par la suite, des bonus salariaux ont été obtenus dans la plupart des autres entreprises où des grèves ont eu lieu. La lutte paie !

    La revendication « 1 euro supplémentaire par heure » née dans les premières grèves a ensuite été éclipsée par la conquête de bonus salariaux, qui sont des primes uniques de 500 jusqu’à 1.200 euros par an. Ces primes sont certainement les bienvenues, mais une augmentation structurelle des salaires est nécessaire. Un bonus de 750 euros, c’est bien joli, mais cette prime peut complètement disparaître l’an prochain et le pouvoir d’achat repartira ensuite en marche arrière.

    Seule la lutte pourra arracher cette augmentation. Le secrétaire général de la Fédération des Entreprises Belges, Pieter Timmermans, a appelé les syndicats à garder le contrôle de la situation dans une déclaration au quotidien « Le Soir ». Il a été entendu rapidement dans certains sommets syndicaux. Luc Cortebeeck, le président de la CSC, a ainsi plaidé au Comité National de la CSC pour que tout soit mis en œuvre afin d’éviter que le trouble social ne s’aggrave alors que Claude Rolin, le secrétaire général de la CSC, a déclaré en réaction à l’interview de Timmermans qu’il s’agissait de « quasi-provocation envers les travailleurs ».

    Au lieu de freiner le mouvement pour répon-dre aux demandes du gouvernement et du patronat, les directions syndicales feraient bien mieux d’écouter le signal envoyé par les milliers de travailleurs qui ont mené des actions ces dernières semaines. Ils devraient consulter les militants dans toutes les régions et les secteurs et organiser des réunions interprofessionnelles pour décider d’un plan d’action pour restaurer le pouvoir d’achat par des augmentations de salaire, le rétablissement complet de l’index, la liaison des allocations au bien-être, la suppression de la TVA sur les produits de base, la suppression de tous les cadeaux fiscaux faits aux patrons ces dernières années, le contrôle de la collectivité sur le secteur d’énergie,…

    Pour en savoir plus:

  • Une chose est certaine : la crise politique continue

    Incertitude pour l’après 23 mars

    La guéguerre politique continue sans que son intensité diminue. Le compteur de la crise gouvernementale a beau être arrêté, il est bien difficile au premier coup d’œil de comprendre qui est dans l’opposition et qui est au gouvernement.

    Anja Deschoemacker

    Tout semble possible : un nouveau gouvernement (lui aussi temporaire !) comme la poursuite de l’actuel (avec une réorganisation des ministères) – ce qui ferait peu de différence dans les faits… Comme nous l’avions dit immédiatement après les élections, le seul gouvernement possible sera un gouvernement instable, quelle que soit sa composition.

    Au CD&V, on travaille assidûment à un changement de cap. C’est surtout la vieille garde qui est à l’œuvre, celle qui sait comment passer des compromis de façon relativement « digne » au nom du « pragmatisme ». Pour le nouveau président du CD&V, Etienne Schouppe, ce parti ne doit pas être à thème unique : tout miser sur le plan communautaire pourrait mettre plus encore en danger ses liens avec la CSC et le Mouvement Ouvrier Chrétien. Il est clair que la population en a marre du « tout communautaire » et que ceux qui seront considérés comme coupables du chaos devront en payer le prix, tant au CD&V qu’à la NV-A.

    Du côté libéral, le VLD, qui a connu la défaite du 10 juin, peut compter sur le MR, devenu à cette occasion le premier parti francophone. L’enjeu pour les libéraux est de maintenir et renforcer leur position de plus grande « famille » politique. Mais ils craignent cependant de se retrouver en minorité au gouvernement entre les « partis syndicaux ».

    Le PS veut retrouver rapidement sa place de premier parti francophone, ce qu’illustrent notamment ses attaques contre la déduction des intérêts notionnels (qu’il avait pourtant approuvée dans le précédent gouvernement !). Le PS essaie de reprendre le costume qui lui avait si bien réussi ces dernières vingt années : celui de parti d’opposition au sein du gouvernement. Il peut compter sur le soutien des dirigeants du CDH, enragés contre Reynders, et qui désirent plus que tout assurer leur position de partenaire indispensable du PS à tous les niveaux de pouvoir.

    Pour tous ces partis, seul compte l’horizon de juin 2009. Des élections regroupées, à la fois au niveau régional et fédéral, seraient l’occasion de remettre un peu d’ordre afin de préparer une confrontation directe avec le mouvement ouvrier qui est plus difficile avec des élections toutes proches.

    Il est probable qu’entetemps, l’une ou l’autre réforme d’Etat aura été élaborée. Cela ne sera pas un Big Bang, mais plutôt un compromis belge classique, justifiée au nom du soi-disant « intérêt général ». En fait, même si ces partis ont chacun leurs propres intérêts, ils sont tous liés les uns aux autres par leur propre « intérêt général » : celui de l’élite riche, de la classe dirigeante. L’idée sera de régionaliser le plus possible les coupes dans les budgets (sous couvert de « responsabiliser » les régions) afin d’affaiblir la lutte contre les futurs plans d’austérité.

    La population sera évidemment sollicitée pour « apporter sa pierre à l’édifice ». On demandera donc d’accepter des attaques contre les fonctionnaires, une nouvelle « modération salariale », la poursuite de la chasse aux chômeurs, des contributions individuelles plus importantes des malades pour les soins de santé,… Les partis traditionnels voudront bien sûr aller chercher cet argent chez « tout le monde »… à l’exception du patronat.

    Syndicalistes, militants de terrain, vrais socialistes, restons vigilants et ne nous laissons pas aveugler par la poudre aux yeux qui est bien la seule chose que les partis établis sont prêts à nous distribuer sans compter…

  • La Bolivie à un moment crucial

    De violentes confrontations peuvent survenir

    En novembre et décembre de l’an dernier, la Bolivie était au bord de la guerre civile. L’opposition de droite des provinces orientales riches en gaz avait déclaré l’autonomie en protestation contre la nouvelle Constitution. Ils ont appelé à une grève générale, amenés des gangs armés dans les rues et menacé de casser le pays. Les Ponchos Rojos, un mouvement indigène armé, est venu en soutien du gouvernement. Bien que, depuis lors, la menace de guerre civile s’est amoindrie, la faillite de Morales à rompre avec le capitalisme signifie que la situation pourrait entrer dans une spirale hors de tout contrôle au cours des prochains mois.

    Karl Debbaut, Comité pour une Internationale Ouvrière

    En prenant fonction l’année dernière, Evo Morales, le président bolivien, avait promis de « refondre » le pays, une demande de longue date du mouvement ouvrier et social, en réécrivant la Constitution.

    En Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique Latine, la classe ouvrière, la paysannerie pauvre et la population urbaine pauvre souffrent d’une pauvreté et d’un dénuement bien plus extrêmes que n’ont à subir leurs frères et sœurs du reste du continent. Tandis que plus que la moitié de la population bolivienne vit sous le seuil de pauvreté, les 10% les plus riches reçoivent 40% des revenus du pays.

    Récemment, une inflation élevée affectant particulièrement les prix des denrées alimentaires a aggravé la pauvreté dans la région andine. Les services de santé déclarent que 30% des enfants péruviens souffrent de malnutrition chronique. Ce chiffre atteint 90% dans certains villages, principalement habité par le peuple indigène, dans le département péruvien d’Apumaric. Les enfants de quatre ans ont presque une tête de moins que la taille qu’ils devraient avoir à cet âge selon les standards de croissance. La situation est tout aussi choquante en Equateur et en Bolivie.

    Les développements politiques en Bolivie, bien qu’ils n’aient pas le même impact international, sont aussi importants que ceux au Venezuela. Les organisations indépendantes des travailleurs boliviens sont, pour des raisons historiques, plus développées qu’au Venezuela. En tant que force politique, ils sont moins influencées par les partis politiques réformistes tels que le MAS (le Mouvement pour le Socialisme, fondé en 1997) dirigé par le président Evo Morales.

    L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales l’année dernière, en tant que premier président indigène dans un pays avec une majorité indigène, a ouvert la voie à des développements dramatiques. La grande masse du peuple attendait du gouvernement Morales qu’il dirige une rupture décisive avec le système capitaliste. Le gouvernement du MAS, arrivé au pouvoir dans un contexte de mouvements de masses puissants qui avaient balayés plusieurs présidents de droite, a réalisé certaines des attentes de la classe ouvrière et des pauvres et a présenté quelques réformes.

    La renégociation des contrats concernant le gaz avec les multinationales en mai 2006, qualifié avec erreur de « nationalisation », a été le changement le plus radical opéré par le gouvernement. Morales, cependant, a hésité devant l’exigence principale du mouvement de masse : l’exigence d’une rupture décisive avec le système capitaliste.

    Impasse

    L’impasse actuelle autour d’une nouvelle constitution illustre qu’une politique qui tente de calmer l’élite riche est extrêmement dangereuse pour le mouvement de masse. La politique gouvernementale de « un pas en avant, deux pas en arrière » a permis à l’opposition de se réorganiser tout en permettant à la mobilisation et à l’énergie des masses de s’évaporer temporairement. La faiblesse du gouvernement a incité l’agression de la classe dirigeante bolivienne et a conduit le pays au bord de la guerre civile. Pour la presse internationale et les commentateurs, le gouvernement doit engager des pourparlers et trouver un accord avec l’opposition de droite. Ils prêchent un statu quo qui est aussi insupportable pour les masses qu’il est inacceptable pour l’élite dirigeante. Pour le gouvernement Morales, le statu quo signifie l’exploitation, la pauvreté, et la discrimination pour la masse de la population au profit de l’élite dirigeante « blanche ». Pour l’élite, il représente une menace persistante à leur pouvoir économique et politique et, avec les organisations de masse des pauvres intactes, une menace continue pour leur règne.

    Le gouvernement du MAS d’Evo Morales a installé une assemblée constitutive le 6 août 2006 pour écrire une nouvelle Constitution. L’opposition de droite a immédiatement employé la concession du gouvernement – selon laquelle n’importe quelle Constitution proposée doit être acceptée par les deux tiers de l’assemblée – pour saboter des procédures.

    Après 16 mois de travail, l’Assemblée Constitutionnelle, suspendue pendant sept mois durant cette période, n’a pas réussi à trouver un accord sur un simple article de la nouvelle Constitution. Le gouvernement du MAS a tenté de conclure un accord avec les représentants politiques de l’élite bolivienne, a fait appel à l’unité nationale, a organisé des protestations de masse pour faire pression contre elle, mais a vu l’opposition se renforcer durant ce processus.

    La date limite pour les travaux de l’Assemblée Constitutionnelle était le 14 décembre 2007, la majorité composée du MAS a décidé avant cette date de rouvrir la session de l’Assemblée dans une caserne militaire près de la ville de Sucre pour approuver une ébauche de Constitution. Les partis d’opposition ont boycotté cette réunion, clamant que cette réunion était illégale. Le MAS a voté pour la nouvelle Constitution qui sera soumise à un référendum à la fin de cette année.

    Menace de guerre civile

    Le 15 décembre, deux Bolivie ont pris les rues : la Bolivie indigène, pauvre et ouvrière pour soutenir Evo Morales le jour où la nouvelle Constitution a été proposée au parlement, la Bolivie riche, propriétaire foncière et « blanche » a marché dans les rues de Santa Cruz pour célébrer la déclaration d’autonomie par cet état et trois autres (Pando, Tarija et Beni). Ces quatre états détiennent 80% des réserves de gaz et de pétrole du pays. Ils ont été soutenus par les gouverneurs de Cochabamba et de Chuquisaca.

    Les aspirations à l’autonomie ou au séparatisme de la part de l’élite riche bolivienne n’a rien à voir avec le droit à l’auto-détermination généralement soutenu par les marxistes pour les nations opprimées et les minorités. Cette demande provient de l’élite riche en vue d’essayer de saboter n’importe quelle tentative de changement social en Bolivie. Ils ont menacé Morales de garantir l’autonomie ou à faire « face à la réalité que la Bolivie aura de nouvelles frontières ».

    L’aile droite emploie la question de l’autonomie de la région la plus riche de la Bolivie, tout comme elle a employé la polémique sur la ville qui devrait être la capitale du pays, pour exposer la faiblesse du gouvernement morales et casser l’unité du mouvement social. L’opposition a déjà partiellement réussi à monter les populations pauvres de différents Etats les unes contre les autres.

    Ces six Etats avaient appelé à une « grève générale » en novembre pour protéger leurs privilèges et protester contre la nouvelle Constitution. Pendant la « grève générale », ils ont mobilisé des troupes semi-fascistes et fascistes prêtes à casser les organisations sociales et les représentants politiques des travailleurs et des pauvres.

    Il est clair que la réaction est armée jusqu’aux dents et qu’elle veut plonger le pays dans l’abîme de la guerre civile si cela est nécessaire pour protéger leurs privilèges. Dans cette défense féroce de leurs propres intérêts, ceux du capitalisme et des propriétaires terriens, le racisme et la haine historique contre le peuple autochtone refont surface. L’attitude de cette oligarchie est illustrée par cet employeur de Santa Cruz qui a demandé à un journaliste espagnol : « Viens, dis-moi,… Comment avez-vous réussi à diviser le peuple indigène ? »

    Une victoire de l’aile droite conduirait à une dictature capitaliste, à une vicieuse contre-révolution qui essayerait de casser non seulement le parti de Morales, mais aussi toutes les organisations sociales des travailleurs, des pauvres et des paysans.

    L’élite regarde comment mener sa vengeance contre la classe ouvrière et les pauvres en raison de la « guerre de l’eau », de celle du gaz, du renversement de leurs présidents et de la victoire de Morales. Si elle réussi, elle renverrait le mouvement en arrière pour des décennies.

    Les troupes réactionnaires armées de la jeunesse de Santa Cruz doivent être confrontées au mouvement des travailleurs et des indigènes. Nous les appelons à suivre l’exemple de « La Coordinadora de Juventudes Anti-Fascista » (la Coordination Anti-Fasciste) à Cochabamba, une initiative prise par la section bolivienne du CIO.

    La Coordinadora est un comité rassemblant les différentes organisations ouvrières et sociales pour organiser la défense du mouvement social, de ses sièges, des voisinages et de ses manifestations. Des comités de ce type, avec des représentants démocratiquement élus, ont besoin d’être installés partout en Bolivie.

    La coordinadora a démontré ce qui est possible. Le 4 décembre, ils ont organisé une manifestation de 10.000 personnes à Cochabamba avec l’appui de plus de 15 organisations comprenant des syndicats, la fédération des travailleurs terriens et différents groupes de jeunesse.

    Les peuples indigènes

    La reconnaissance et les droits des peuples indigènes sont des thèmes centraux en Bolivie, comme dans beaucoup d’autres pays latino-américains. La majorité indigène – majoritairement pauvre et ouvrière – a été brutalisée et opprimée durant des siècles d’impérialisme, d’exploitation par les propriétaires terriens et par le capitalisme.

    Quand la Bolivie a proclamé son indépendance et sa première Constitution en 1825, tout le monde a acquis le droit de vote. Tout le monde, excepté le peuple indigène qui représentait alors approximativement 90% de la population. La nouvelle Constitution proposée par Evo Morales reconnaît pour la première fois les droits et les langues des 36 peuples indigènes qui habitent en Bolivie.

    La détermination du peuple indigène à lutter pour un changement révolutionnaire et la conscience de cette importance a été démontrée quand Morales, en février 2007, a décidé de céder à la pression de la droite qui a exigé que les Ponchos Rojos renoncent à leurs armes. Felipe Quispe, un dirigeant Aymará, a défendu le droit d’être armé en disant : « Nous sommes en danger. Ils vont nous désarmer et c’est de l’escroquerie. Grâce à nos Mausers (fusils), Evo Morales est président. Sans nos armes, nous n’aurions pas été capables de battre l’armée à Warisata [ pendant la « guerre de l’eau »] le 10 septembre 2003. Avec ces armes, nous avons renversé Gonzalez Sánchez de Losada [ ex-président qui s’est sauvé aux USA en 2003] ».

    La nouvelle Constitution a également promis la participation « réelle et vigoureuse de l’Etat et de la société dans l’économie » ; elle interdit et punit le pouvoir des propriétaires terriens ; elle garantit le « droit à la vie, à la nourriture, à l’éducation, à la santé et au logement décent et adéquat ». En outre, elle offre le « droit de travailler à un salaire juste ».

    Tous ces éléments sont positifs mais sont, dans les conditions du capitalisme, impossibles à obtenir pour la majorité du peuple. Néanmoins, le CIO appelle au « OUI » lors du référendum sur la nouvelle Constitution. Une victoire serait une défaite pour la droite et cela donnerait plus de confiance aux masses dans leur capacité à lutter.

    Cependant, la question la plus importante demeurera non résolue car la classe régnante de la Bolivie gardera dans ses mains la richesse et les moyens pour produire cette richesse. Morales et le gouvernement du MAS mènent le mouvement des masses vers la ruelle aveugle de l’essai de parvenir à un accord avec la classe dirigeante en construisant un « capitalisme des Andes ».

    Cette expression a été inventée par Alvaro Garcia Linera, vice-président bolivien, pour signifier un capitalisme plus égal et plus juste qui favoriserait le développement social au lieu de la production pour le bénéfice d’une minorité. Cette idée tout à fait fausse prépare une défaite plus dévastatrice que la précédente. Chavez a perdu son propre référendum au sujet des changements dans la Constitution vénézuélienne. Le recours à des demi-mesures, éviter de prendre le pouvoir économique et politique hors des mains de la classe dirigeante capitaliste et de l’impérialisme, tout cela invite la contre-révolution et la défaite de la classe ouvrière et des pauvres.

    L’année prochaine, les masses boliviennes seront invitées à voter non seulement sur la Constitution, mais également sur d’autres questions. Morales a lancé l’idée d’un « referendum de rappel » pour lui-même et les neuf gouverneurs des provinces. Il espère pouvoir se débarrasser des gouverneurs pro-opposition par les urnes ou au moins employer la menace d’un référendum de rappel pour parvenir à un accord avec l’opposition au sujet de sa demande d’autonomie.

    C’est une stratégie dangereuse car elle compte sur une mobilisation quasi-permanente des masses, sans fournir aucun changement radical des conditions de travail et de vie. Elle donnera également à l’opposition différents points pour rassembler ses forces et pour leur permettre de fabriquer et employer la confusion pour faire dérailler le mouvement social. Toute ceci a lieu dans un contexte d’augmentation des prix des denrées alimentaires, de la pénurie de pétrole pour la population et du sabotage économique par l’élite dirigeante.

    Il semble que le gouvernement de Morales et les gouverneurs des provinces sont parvenu à un accord provisoire pour passer en revue la Constitution et négocier plus d’autonomie pour les régions. La menace immédiate de la guerre civile a reculé. Cependant, une confrontation violente pourrait éclater plus tard car il n’y a aucune sortie de l’impasse actuelle pour les masses ou pour l’opposition.

    Revolution

    La revendication d’une assemblée constitutive révolutionnaire doit être portée avec force en Bolivie, par l’organisation de comités de masse dans les usines, les lieux de travail, les quartiers, les localités et les organisations de la classe ouvrière et de la paysannerie.

    Les représentants à l’assemblée constitutive révolutionnaire devraient être élus par les travailleurs et les masses paysannes, soumis à la révocation et être contrôlés par les comités qui les ont élus. L’assemblée devrait plaider la réalisation de la nationalisation complète de grandes propriétés et des principales industries ainsi que l’introduction d’une économie démocratiquement planifiée. Une assemblée constitutive révolutionnaire concrétiserait la demande d’un « Gouvernement Ouvrier et Paysan », une revendication historique du mouvement ouvrier bolivien.

    Seul un programme révolutionnaire et socialiste peut réussir à changer la société de façon décisive en fonction des intérêts de la masse de la population.

  • La démission de Castro ouvre un nouveau chapitre

    Quelles sont les perspectives pour la révolution ?

    La démission formelle de Fidel Castro du poste de Président de Cuba ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de Cuba et de sa révolution. Depuis le début de sa maladie en 2006 (un problème intestinal) d’intenses discussions ont été menées sur le rôle de Castro, lui-même lié au futur de Cuba. Sa démission indique qu’il ne se remettra probablement pas de sa maladie et que le gouvernement Cubain prépare la population cubaine à sa mort, peut être même bientôt.

    Peter Taaffe, Socialist Party ( CIO Angleterre et Pays de Galles)

    Quand cela arrivera, de nombreuses manifestations de masse, surtout en Amérique Latine, seront organisées. Malgré quelques erreurs et défauts de Fidel Castro, il est reconnu par les masses opprimées dans le monde comme une figure monumentale qui s’est battu avec ténacité contre leurs oppresseurs capitalistes et impérialistes.

    Cependant, les cercles capitalistes (de Bush aux exilés cubain à Miami qui salivent déjà à l’idée de profits plantureux après le « retour » de leur propriété) spéculent peu cette fois-ci, contrairement à 2006, sur l’écroulement imminent du régime de l’île. A l’époque, c’est Bush qui exprimait les prédictions de l’impérialisme américain : des émeutes dans les rues cubaines, un rapide « changement de régime » , non seulement du gouvernement cubain mais aussi de son système social – l’économie planifiée.

    Inversement, des millions d’ouvriers et les pauvres du monde entier espéraient le contraire ; que Cuba et les acquis sociaux de la révolution perdureraient même dans le cas d’un décès de Castro par sa maladie. Il est certain que sa présence considérable sera encore ressentie, mais sa démission traduit son incapacité à exercer le pouvoir comme il l’a fait précédemment et c’est probablement son frère Raul qui le reprendra.

    Depuis 1959 la révolution Cubaine est confrontée à un embargo sauvage imposé par l’impérialisme US, et on compte 600 tentatives d’assassinat à l’encontre de Fidel Castro. Cependant, Cuba a, au travers de son économie planifiée, a pu donner un aperçu des formidables possibilités de l’espèce humaine quand la mainmise des propriétaires terriens et des capitalistes est éliminée. Des figures héroïques comme Che Guevara et Fidel Castro exercent une profonde influence sur de nombreux jeunes et travailleurs dans le monde entier.

    La bonne réputation de Cuba sur sa gestion des problèmes sociaux tels que le logement, l’éducation, et particulièrement la santé a beaucoup progressée recemmnent. Le film incroyable de Michael Moore « Sicko » met bien en valeur le contraste entre le système de santé US, brutal et orienté vers une maximisation des profits et le système de santé gratuit cubain. Des citoyens américains ordinaires se retrouvant sans logement suite à des problèmes de santé (dont une personne ayant développé un cancer) ainsi qu’une travailleuse ayant participé aux secours lors du 11 septembre n’ont pu bénéficier de soins de santés à un prix abordable par le système de santé privé, honteux et orienté vers les entreprises que connaît les Etats-Unis. Ils ont cependant été secourus et soigné gratuitement quand Moore les a amenés à Cuba.

    En outre, huit étudiants américains ont été diplômés l’année passée après six années d’études gratuites. Un de ces diplômés déclara que « les soins de santés ne sont pas considérés comme un commerce à Cuba ». C’est exactement pour cela que par le passé les Etats-Unis et leurs Etats complice en Amérique latine ont tout fait pour essayer de détruire le modèle d’économie planifiée ayant émergé de la révolution cubaine. Et cela a provoqué une réaction massive de soutien à Cuba des populations d’Amérique latine, particulièrement dans la dernière décennie vu le néo-libéralisme sur le continent. Elles comparent les réalisations cubaines à la triste expansion record de la grande propriété terrienne et du capitalisme dans la région, tout comme en Afrique et en Asie.

    Les réalisations de la révolution

    Dans un livre révélateur récemment publié, (« Fidel Castro – ma vie ») pour lequel Castro a collobaré avec l’écrivain Ignacio Ramonet, il rapporte les impressionnantes réalisations de la révolution. Et commente : « Nous avons maintenant plus de 70000 médecins et 25000 jeunes étudiants en médecine… Nos voisins du nord [les USA] ne peuvent envoyer que des hélicoptères et non pas des médecins, ils n’en ont pas assez pour résoudre les problèmes du monde. L’Europe, cette « championne des droits de l’Homme » ne peut rien y faire non plus. Ils ne peuvent même pas envoyer 100 médecins en Afrique où plus de 30 millions de personnes sont infectées par le Sida… Je pense que nous aurons dans dix ans 100 000 médecins et que nous pourrions en avoir formé 100 000 de plus d’autres pays. Nous sommes les plus grands pourvoyeurs de médecins [dans le monde] et je pense que nous pouvons maintenant former dix fois plus de médecins que les Etats-Unis, ce pays qui nous a privé d’un bon nombre de nos médecins et qui a fait tout ce qui était possible pour priver Cuba de médecins. Ceci est notre réponse à cette politique. »

    Entre 1959 et aujourd’hui, l’espérance de vie à Cuba a augmenté de 19 ans. Suite à la contre révolution en Russie au début des années 90 elle est retombée pour les hommes à 56 ans ! Peut-il y avoir un plus grand contraste entre les objectifs de la révolution sociale et la barbarie de la contre-révolution capitaliste ? Et ceci a été mené à bien au moment fort d’une crise économique massive au début des années 90 suite au retrait de l’aide, particulièrement la fourniture de pétrole, d’abords par l’ancien président russe Boris Eltsine puis poursuivie par Vladimir Poutine, comme Castro l’explique dans son livre.

    Alors que les réalisations historiques (éducation gratuite et soins de santé performant) sont préservées à Cuba, un programme d’austérité brutal a cependant été infligé à la masse de la population. Le régime a été obligé de faire des concessions « au marché » et donc au capitalisme. A travers la « dollarisation », une économie parallèle s’est développée et a amené certains privilèges pour ceux travaillant dans le tourisme (payé en dollars) et les secteurs impliquant certains partenariats économiques internationaux.

    Malheureusement, ceux qui restent défenseurs de l’économie planifiée, comme les médecins, les enseignants, etc., sont toujours payé en peso cubain et souffrent énormément. Selon le célèbre auteur de gauche Richard Gott, même le monopole de l’Etat sur le commerce extérieur a été formellement aboli en 1992. Mais Cuba reste essentiellement une économie planifiée, avec des entreprises étrangères requerrant des autorisation du ministère du commerce pour effectuer leurs opérations. La décentralisation c’est opéré avec des centaines d’entreprises pouvant importer et exporter librement. Castro a cependant déclaré « que rien d’utile ne sera privatisé à Cuba et peut donc être maintenue comme une propriété de la nation des collectivité de travailleurs ».

    Il n’est pas exact actuellement de dire que la bureaucratie et les inégalités n’existent pas à Cuba. Fidel Castro l’a déclaré par le passé ainsi que dans son dernier livre. Il n’est pas la copie conforme de Staline comme l’on essayé de faire croire ses opposants capitalistes. Aucun culte de la personnalité financé par l’Etat n’existe à Cuba, et on ne voit aucun portait, statue ou image de Castro tant qu’il est vivant. De plus, alors qu’il admet ouvertement avoir commis des erreurs et zigzagué d’une politique à l’autre en causant significativement du tort lors des 49 dernières années, rien de tout cela n’est comparable aux crimes monstrueux du stalinisme : collectivisation forcées, grandes purges, etc.

    Politiques changeantes

    Ce livre révèle aussi un comportement parfois erratique de Fidel Castro. Il a par exemple proposé au dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev lors de la crise des missiles en 1962 une « première attaque » nucléaire soviétique contre les Etats-Unis. Khrouchtchev répondit à Castro : « Vous me proposez de mener une « première attaque » contre le territoire ennemi. Ceci ne sera pas une simple attaque mais le début d’une guerre thermonucléaire. » [p281]

    Castro s’en prend parfois à Staline : « Il a été responsable, de mon point de vue, pour l’invasion en 1941 de l’URSS par la puissante machine de guerre Hitlérienne, sans même que les forces soviétiques ai entendu un appel de mobilisation… Tout le monde connaît ses abus de pouvoir, la répression, et sa personnalité, le culte de la personnalité. ». Mais il affirme aussi que Staline « a l’immense mérite d’avoir industrialisé le pays, déplacé les industries militaires en Sibérie ; des facteurs décisifs dans la grande bataille mondiale contre la nazisme. ».

    Il affirme que Staline c’est « lui-même désarmé », mais en réalité a démantelé les défenses de l’union soviétique alors que les Nazis se préparaient à attaquer. Mais Staline n’était pas le concepteur originel du « plan quinquennal » ainsi que de son idée d’industrialisation. C’est Trotsky et l’opposition de gauche qui a formulé ces idées en premier. Staline les a empruntés et appliquées bureaucratiquement à grands frais inutiles pour l’Union Soviétique et sa population. Et Castro nie ostensiblement – à tort comme l’a indiqué Célia Hart – que Che Guevara a pu avoir des « sympathies trotskystes ». Castro affirme qu’il « ne l’a jamais entendu parler de Trotsky… Il était léniniste et, sur certains point reconnaissait des mérite en Staline ». Che Guevara, il est vrai, n’était pas un trotskiste conscient et convaincu. Mais lors de sa dernière période à Cuba il est devenu critique par rapport à la bureaucratie, et particulièrement dans les pays dis « socialistes » qu’il avait visité. De plus il avait un livre de Trotsky dans son sac de voyage quand il a été assassiné en Bolivie en 1967.

    Castro révèle dans ces commentaires, au mieux, une compréhension inégale du Stalinisme, d’un point de vue « sociologique » et politique. L’erreur des collectivisations forcées, les procès monstrueux, les purges, l’anéantissement des derniers restes de l’héroïque parti bolchevique n’étaient pas juste le résultat de la personnalité de Staline ou des « erreurs » mais bien les conséquences du caractère bureaucratique de la machine qu’il a mis en place. Staline dirigea une contre-révolution politique bureaucratique qui craignait le mouvement indépendant de la classe ouvrière et les idées de démocratie ouvrière, comme l’analysa brillamment Trotsky. Fidel Castro et Che Guevara se distancient de Trotsky et de sa critique du Stalinisme car le régime cubain est, en fin de compte, lui aussi dirigé par une élite bureaucratique détachée des masses populaires.

    Cuba et sa révolution est différente en de nombreux points avec la révolution russe, et Castro n’est pas Staline. Cependant, malgré son énorme popularité à ses débuts, ses faiblesses étaient traduites par le manque de contrôle et de gestion démocratique ainsi que par l’absence de conscience de classe claire parmi la classe ouvrière et les pauvres. Castro affirme lui-même qu’une « conscience socialiste » n’était pas présente au début. En outre, il n’y a tout au long du livre pas de perception claire du rôle de la classe ouvrière – comme expliqué par Marx- dans le rôle de moteur de la révolution socialiste, ni de son rôle de contrôle, avec les paysans pauvre, de l’Etat ouvrier né de la révolution.

    Il parle de 1968 mais reste silencieux sur le mouvement ouvrier en France cette année là, la plus grande grève générale de l’histoire. Il ignore aussi honteusement les massacres d’étudiants la même année au Mexique. A ce moment, à cause des liens diplomatiques avec le Mexique (le seul Etat d’Amérique latine a avoir reconnu Cuba à l’époque) Castro n’a pas dis un mot à propos des actions meurtrière du gouvernement mexicain.

    Quel est le caractère de l’Etat cubain ?

    La conséquence de tout cela est que l’Etat dominé par Fidel Castro et Che Guevara, tous deux énormément populaire pour avoir guidé et installé la révolution aux portes du monstre US, n’est pas contrôlé par des conseils ouvriers et paysans, comme c’était le cas en Russie en 1917. Ceci classe historiquement l’Etat cubain et le type de société qui émergea par la suite.

    Ceci se reflète dans la pensée de Castro à propos du caractère de l’Etat qu’il préside. Questionné par l’auteur Volker Skierka, Castro affirme directement : « Je ne pense pas qu’il faut avoir plus qu’un parti… Comment notre pays aurai t’il pu tenir debout en étant coupé en dix pièces ?… Je pense que l’exploitation de l’homme par l’homme doit cesser avant qu’on puisse avoir une réelle démocratie. »

    Cependant, sans réelle démocratie ouvrière, la transition vers le socialisme est impossible. La fin du monopole du parti unique, des élections libres et transparentes pour des conseils ouvriers avec le droit à tous de se présenter (incluant les trotskystes), un contrôle strict des revenus et le droit de révoquer les élus est le minimum d’exigences pour un Etat ouvrier démocratique. Sans réel contrôle et sans gestion de l’Etat et de la société, une machine bureaucratique va inévitablement se mettre en place et remettre en cause l’existence de l’économie planifiée. Ceci peut être une réalité dans une économie fort avancée et développée, pas comme Cuba qui n’a qu’un PIB représentant 0,3 % du PIB des Etats-Unis.

    Il est vrai qu’au début des années 90, faisant face à une situation économique en détérioration, un débat ouvert sur la constitution est apparu à Cuba, et des amendements constitutionnels (incluant une forme d’élections directes) furent proposé à l’assemblée nationale. Cette démarche était cependant toujours réalisée sur la base d’un candidat par siège au parlement. C’était une forme de « démocratie » permettant aux électeurs de choisir un candidat d’une liste, mais juste d’un seul parti. Aux récentes élections de janvier 2008, il y avait 614 candidats pour 614 sièges ! Parallèlement, les membres du comité central du parti communiste, le politburo et le conseil d’Etat, étaient soumis au veto, si nécessaires, de Fidel Castro.

    Dans « Ma vie », Fidel Castro semble contrer l’idée d’avoir un tel pouvoir quand il commente l’exécution du chef de l’armée Arnoldo Ochoa pour trafic de drogue présumé. Il affirme : « C’était une décision unanime du conseil d’Etat, qui avait 31 membres… Le conseil d’Etat est devenu un juge… La chose la plus importante est que vous avez à lutter pour vous assurer que chaque décision est prise par consensus entre tous les membres. » Le fait qu’une décision consensuelle a pu être prise au conseil d’Etat dans une situation aussi importante et hautement controversée en dis long sur cette institution et sur le pouvoir détenu par Castro.

    Dans l’introduction de son livre, même Ramonet déclare que Castro « prend toutes les décisions, petites et grandes. Malgré le fait qu’il consulte avec beaucoup de respect et de professionnalisme les autorités politiques concernées du parti et du gouvernement pendant le processus de décision, c’est Fidel qui a le dernier mot. ». Castro réfute cette accusation : « Beaucoup de monde me considère comme un voisin, me parle. ». En fin de compte, le pouvoir est détenu dans tout Etat par des dirigeants et des partis. Mais chaque direction et chaque parti devrait, spécialement dans un Etat ouvrier sain, être strictement contrôlé par les masses de la base.

    Dans un Etat ouvrier sain, tel qu’il existait en Russie entre 1917 et 1923, ce pouvoir était détenu par les soviets (assemblée) avec un contrôle strict des différences salariales, un droit de révocation des élus,etc. Ceci n’existe malheureusement pas encore à Cuba. C’est pourquoi le dilemme posé en Union Soviétique est également posé à Cuba, mais à une échelle plus réduite et sans l’héritage monstrueux du Stalinisme. Léon Trotsky a posé la question il y a 70 ans en parlant de l’Union Soviétique : « La bureaucratie va t’elle dévorer l’Etat ouvrier, ou la classe ouvrière va-t-elle nettoyer la bureaucratie ?… Les ouvriers ont moins peur, en jetant dehors la bureaucratie, d’ouvrir la voie de la restauration capitaliste. »

    Mécontentement grandissant

    Pour de grandes parties de la population cubaine, ceci résume probablement l’état d’esprit actuel. Le mécontentement s’étend, et particulièrement parmi la nouvelle génération. En effet 73% de la population est née après le triomphe de la révolution en 1959. L’aliénation de la nouvelle génération risque d’amener une « révolution sans héritiers ». Le remplacement de Fidel Castro par son frère Raul ne résoudra pas le problème sous-jacent. Il est associé à l’armée cubaine comme ministre de la défense.

    Au début des années 90, Raul était confronté à une forte austérité et eu l’idée d’utiliser l’armée dans quelques « expériences sur l’économie de marché ». Des officiers étaient envoyés étudier la gestion hôtelière en Espagne et la comptabilité en Europe. Raul a visité la Chine plusieurs fois afin d’étudier les politiques économiques de Pékin. Hans Modrow, le dernier premier ministre de la RDA, est actuellement en visite à Cuba pour partager des expériences sur la transition de son pays vers le capitalisme. Raul a aussi réduit la taille de l’armée et a poussé à une série d’innovations : des marchés de fermiers, le travail indépendant des plombiers, coiffeurs et autre entrepreneurs peu importants. C’est au travers de telles mesures que le capitalisme a déjà été réintroduit à Cuba, mais pas encore dans une position permettant la destruction des principaux aspects de l’économie planifiée.

    Il y a sans aucun doute des divisions au sein même de l’élite bureaucratique qui contrôle Cuba. Une partie voudrai « s’ouvrir » au capitalisme dans une forme « démocratique ». Leur difficulté est la loi Helms-Burton américaine. Même ces bureaucrates qui souhaiteraient le démantèlement de l’économie planifiée sont confronté à la perspective du retour à Cuba des réfugiés de Miami protégé par l’impérialisme US : « Pour mettre aux enchères les entreprises publiques, et vendre au plus offrant » (The wall street journal). Tout comme en Allemagne de l’est après la chute du mur, ces brutes demanderont vigoureusement le retour de « leur propriété », y compris des maisons occupées par des ouvriers et des paysans aujourd’hui. De plus, ils n’hésiteront pas à recourir à des bains de sang à l’encontre toute personne associée au régime de Castro.

    Plusieurs événements, et particulièrement les élections présidentielles américaines, pourraient avoir un effet profond sur Cuba. Barack Obama a déjà indiqué qu’il adopterai une ligne moins dure par rapport aux ennemis traditionnels des Etats-Unis : Cuba, Iran etc. B. Obama ou même Hillary Clinton – malgré ses récentes déclarations belliqueuses à l’encontre du régime cubain – pourrait agir pour démanteler partiellement ou totalement l’embargo. En Floride, la récession économique américaine apparaît avec des rangées entières de propriété vides. Même la nouvelle génération de réfugiées de Miami a atténué son opposition à la fin de l’embargo, pourtant longtemps implacable.

    Il y a déjà une pression considérable d’agriculteurs, du secteur touristique, sans parler de McDonald’s, afin de baisser les barrières pour prendre de bonnes parties bien profitable de Cuba. 100 membres du congrès américain demandent la levée de l’embargo. Et c’est bien cela qui est le plus grand danger pour les restes de l’économie de marché à Cuba. Des millions de touristes américains envahissant Cuba, même avec des dollars dévalués dans leurs poches, risque de donner un sérieux coup, peut-être mortel aux éléments restant de l’économie planifiée. Comme l’a expliqué Léon Trotsky, le réel danger pour un Etat ouvrier isolé n’est pas vraiment une invasion militaire mais « des biens bon marché dans les bagages de l’impérialisme ». Cette « invasion » de Cuba prendrai de nos jours vraisemblablement la forme du tourisme et des investissements capitalistes si le régime « s’ouvrait » dans le futur, sous Raul ou tout autre dirigeant. Mais ceci est une perspective peu probable, tant que Fidel sera en vie. Un réel danger de restauration capitaliste est cependant toujours existant.

    Le pétrole vénézuélien est vital pour Cuba. Mais que se passera t’il en cas d’explosion des cours du pétrole, ce qui est probable avec le début de la récession économique mondiale ? Le Venezuela sera profondément affecté, et par conséquent Cuba aussi.

    Il y a , et cela ne fait aucun doute, une autre frange de la direction et de la bureaucratie cubaine qui fera tout pour maintenir l’économie planifiée. Les marxistes, comme Trotsky l’a préconisé, devraient dans cette phase critique former un bloc avec cette frange de la direction et de la bureaucratie cubaine et chercher à mobiliser une résistance cubaine de masse contre toute menace de retour au capitalisme.

    Démocratie ouvrière

    Ceux qui, comme le membre du parlement britannique George Galloway, affirment que c’est l’embargo capitaliste sur Cuba qui est un important facteur de manque de démocratie sur l’île ont raison. Toutes les révolutions – même la guerre civile aux Etats-Unis – confrontées à une contre-révolution armée ont refusés de donner la liberté d’agir à ses opposants sous prétexte de « démocratie ». Mais nous ne soutenons pas à Cuba la liberté pour la contre-révolution de s’organiser afin de renverser la révolution. Vu les avantages de l’économie planifiée, et particulièrement si celle-ci s’organiserai dans le cadre d’une confédération socialiste démocratique rassemblant le Venezuela, la Bolivie et éventuellement l’Equateur, les contre révolutionnaire désirant revenir à la barbarie de la propriété terrienne et du capitalisme tel qu’il existe sur le continent Latino Américain auraient peu de marge de manœuvre.

    Cependant, si la question de l’interdiction de partis politiques de droite désirant un retour au capitalisme peut être un sujet un débat, ce ne devrai pas être le cas de la question de la démocratie ouvrière. Tout ceux qui soutiennent l’économie planifiée, y compris les trotskystes et autres, devraient pouvoir agir à Cuba. Ceci devrai faire partie du maintien et de l’extension de l’économie planifiée. Sans démocratie ouvrière, Cuba pourrait se retrouver des décennies en arrière et avec cela les espoirs de révolution socialiste en Amérique latine et dans le monde sérieusement mis à mal. Le maintien de cette révolution ne devraient pas être mis dans les mains d’un seul homme, aussi loyal et courageux soit t’il, ni dans les mains d’un groupe d’hommes et de femmes, mais dans les mains d’une classe ouvrière cubaine engagée et politiquement consciente, et liée aux masses d’Amérique latine et d’ailleurs.

    Ceci ne peut être accompli par le haut, comme l’ont montré les erreurs de Hugo Chavez au Venezuela. Les décisions doivent être prise tout de suite pour organiser une campagne de masse à Cuba afin de préparer le terrain à une vraie démocratie ouvrière. La crise mondiale du capitalisme globalisé et la révolte contre le néo-libéralisme en Amérique latine renforcent la perspective de défendre et de consolider les acquis de la révolution cubaine. Mais il ne faut pas perdre de temps dans lutte pour la démocratie ouvrière et le socialisme à Cuba, au Venezuela, en Bolivie et ailleurs.

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