Des emplois décents : de vrais contrats avec de vrais salaires !
Chaque jour, des milliers dâemplois passent Ă la trappe : plus de 100.000 ont Ă©tĂ© sacrifiĂ©s au nom de la compĂ©titivitĂ© en quatre ans de temps Ă peine. Avec la crise, trouver un job relĂšve du parcours du combattant et obtenir un contrat de travail stable et bien rĂ©munĂ©rĂ© relĂšve du miracle. Ă Bruxelles, les chiffres du chĂŽmage font immĂ©diatement penser au sud de lâEurope : un cinquiĂšme des habitants est au chĂŽmage, une situation qui concerne prĂšs dâun tiers des jeunes.
Article tirĂ© de l’Ă©dition de mai de Lutte Socialiste
Lorsque PicquĂ© est arrivĂ© au pouvoir Ă la RĂ©gion bruxelloise en 1989, le taux de chĂŽmage nâĂ©tait encore « que » de 12,4% pour lâensemble de la RĂ©gion. En juillet dernier, il Ă©tait de 20,4% et de 31,2% pour la jeunesse. Ă Cureghem et Ă Molenbeek, ce taux monte Ă plus de 50%. Il sâagit de la consĂ©quence inĂ©vitable de la dĂ©sindustrialisation, dont les emplois ne peuvent ĂȘtre comblĂ©s par un autre secteur. LâidĂ©e selon laquelle le secteur de lâhoreca et les commerces pourraient combler lâabsence dâemplois dans lâindustrie nâest quâune illusion. Les faillites atteignent des niveaux record en Belgique et la rĂ©gion qui enregistre la plus forte hausse du pays est justement Bruxelles, plus particuliĂšrement au niveau de lâhoreca, de la construction et du commerce de dĂ©tail.
Les 714.000 emplois comptabilisĂ©s en RĂ©gion bruxelloise se retrouvent essentiellement dans les services, dans lâadministration publique et dans les secteurs financiers et immobiliers. Ce sont des emplois qui exigent pour la plupart un diplĂŽme dâĂ©tudes supĂ©rieures ou un multilinguisme. Avancer lâargument que lâemploi Ă Bruxelles est occupĂ© par les quelque 350.000 navetteurs ne tient pas la route : le noeud du problĂšme est le colossal manque de place.
Quant aux services publics, tous les niveaux de pouvoir appliquent dĂ©sormais cette idĂ©e que seul un tiers des dĂ©parts doit ĂȘtre remplacĂ©. Une telle politique de sacrifice de lâemploi public a un effet direct non seulement sur la charge de travail que doivent supporter les fonctionnaires restants, mais aussi pour lâensemble des chĂŽmeurs.
De plus, il serait illusoire de croire que lâensemble des travailleurs sans emploi bruxellois peut trouver du boulot dans la pĂ©riphĂ©rie flamande. La coopĂ©ration entre les offices de lâemploi des diffĂ©rentes rĂ©gions ne crĂ©e aucun nouveau job. En outre, ces emplois nĂ©cessitent une facilitĂ© de dĂ©placement Ă la charge des travailleurs et une connaissance minimale du nĂ©erlandais. En rĂ©alitĂ©, cette stratĂ©gie a surtout pour objectif de mettre une pression supplĂ©mentaire sur les chercheurs dâemploi dans le cadre de la chasse aux chĂŽmeurs et de la mise en place des sanctions.
Non aux emplois bidons !
Lors de son entrĂ©e en fonction Ă la prĂ©sidence du gouvernement bruxellois, Rudy Vervoort avait tenu Ă se positionner par rapport Ă son prĂ©dĂ©cesseur, Charles PicquĂ©, en assurant quâavec lui, la prioritĂ© serait donnĂ©e Ă lâemploi des jeunes. Dans les faits, sa politique sâest limitĂ©e Ă une succession de cadeaux fiscaux aux entreprises, tout comme avec les gouvernements PicquĂ©. Le travail au noir et les jobs prĂ©caires (intĂ©rims, temps partiels, titres-services, ACTIVA, ACS,âŠ) sont les seules perspectives de travail pour la jeunesse, ce qui ne permet Ă©videmment pas de se projeter dans lâavenir. ConcrĂštement, sous prĂ©texte de stimuler lâembauche, les diffĂ©rents gouvernements ont, les uns aprĂšs les autres, créé une masse de contrats prĂ©caires subsidiĂ©s par lâĂtat afin de mieux servir les intĂ©rĂȘts du secteur privĂ©.
Un emploi sur trois est aujourdâhui subsidiĂ© en Belgique ! Non seulement cela restreint les conditions dâembauche puisque de nombreux secteurs ne jurent que par ce type de contrats, mais en plus, ces boulots sont trĂšs mal payĂ©s et maintiennent les travailleurs dans des statuts prĂ©caires. Dans ce cadre, la perspective dâun CDI â qui nâest que trĂšs rarement obtenu â est utilisĂ©e comme carotte pour nous rendre plus dociles. DĂšs que lâemployĂ© ne correspond plus aux conditions, il est souvent envoyĂ© au chĂŽmage pour que lâemployeur puisse continuer Ă jouir des subsides avec un autre travailleur. Avec tout cela, les cadences se font aussi constamment plus infernales pour combler le manque dâeffectifs.
Cette politique illustre que le chĂŽmage de masse est admis par les politiciens traditionnels bruxellois, et dâailleurs, comme un phĂ©nomĂšne structurel sans solution. Il ne sâagit dĂšs lors pas de sâattaquer au chĂŽmage, mais dâutiliser plus efficacement encore les chĂŽmeurs comme armĂ©e de rĂ©serve pour les entreprises sous peine de sanctions. Cela permet de conforter la 5Ăšme place de Bruxelles dans le classement des rĂ©gions les plus attractives dâEurope pour les investisseurs.
RĂ©sistons Ă la crĂ©ation dâun large secteur Ă bas salaires !
Le gouvernement Di Rupo a diminuĂ© les salaires en les gelant, tandis que le coĂ»t de la vie ne cesse dâaugmenter. Par une jolie entourloupe, il a mĂȘme effectuĂ© un saut dâindex en diminuant temporairement la TVA sur lâĂ©nergie : ce quâun mĂ©nage aura gagnĂ© sur sa facture dâĂ©lectricitĂ©, il lâaura largement perdu avec le report de lâindexation des salaires. En parallĂšle, les allocations sociales et les pensions sont rĂ©duites. Des milliers dâallocataires sont poussĂ©s dans la pauvretĂ© (câest le cas dâun cinquiĂšme des pensionnĂ©s). SimultanĂ©ment, des milliers de chĂŽmeurs sont exclus lors de contrĂŽles malgrĂ© la pĂ©nurie dâemplois et que plus de 55.000 chĂŽmeurs (parmi lesquels 64% de femmes) perdront leur allocation dâinsertion Ă partir du 1er janvier prochain.
Que lâon ne sây trompe pas, câest lâensemble des travailleurs qui est frontalement attaquĂ© de cette maniĂšre ! En poussant ces derniers Ă accepter nâimporte quel type dâemploi Ă nâimporte quelles conditions, en gelant les salaires malgrĂ© lâaugmentation du coĂ»t de la vie, les autoritĂ©s veulent crĂ©er un large secteur Ă bas salaire. Sâopposer aux mesures contre les chĂŽmeurs, câest Ă©galement sâopposer Ă la gĂ©nĂ©ralisation de salaires qui ne permettent pas dâĂ©viter de sombrer dans la pauvretĂ©.
Pour un ââchoc de solidaritĂ©ââ
Tous les partis traditionnels soutiennent un tel ââchoc de compĂ©titivitĂ©ââ et, une fois les Ă©lections passĂ©es, les mesures antisociales reprendront de plus belle. Nous exigeons au contraire un ââchoc de solidaritĂ©ââ capable dâunir tous les travailleurs, avec et sans emploi !
La pauvretĂ© et lâexclusion sociale comme consĂ©quences de la crise du capitalisme provoquent une aliĂ©nation accrue parmi une couche de la population. Câest la base Ă partir de laquelle la criminalitĂ©, les tensions et les discriminations peuvent se dĂ©velopper et gagner une importance dramatique. Les forces rĂ©actionnaires de la sociĂ©tĂ© (racistes, intĂ©gristes religieux,âŠ) sont utilisĂ©es dans ce contexte par les classes dominantes pour dĂ©vier lâattention des vĂ©ritables problĂšmes sociaux sous-jacents. Tout est par exemple effectuĂ© afin dâinstrumentaliser les moindres faits et gestes de groupuscules hystĂ©riques de droite islamiste comme Sharia4belgium pour stigmatiser lâensemble dâune communautĂ©.
Au lieu des contrats bidon payĂ©s par lâĂtat, nous proposons de crĂ©er de vrais emplois statutaires dans les services publics. Dâautre part, plutĂŽt que de tuer certains Ă la tĂąche et dâen laisser dâautres sur le carreau, nous voulons partager le travail disponible entre tous par la rĂ©duction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, jusquâau plein emploi. En plus de la rĂ©partition du travail, nous exigeons un salaire minimum de 15⏠bruts/heure, une pension minimum de 1500âŹ/mois et une allocation chĂŽmage minimum de 1200âŹ/mois. Toutes les allocations doivent ĂȘtre individualisĂ©es, illimitĂ©es dans le temps et liĂ©es au bien-ĂȘtre, tandis que les allocations familiales doivent recouvrir les coĂ»ts rĂ©els de lâĂ©ducation des enfants.
DĂ©but 2013, un sondage de La Libre montrait que 43% des Belges (52% des Bruxellois) Ă©taient en faveur de la nationalisation des entreprises menacĂ©es de fermeture. VoilĂ une bonne rĂ©ponse face aux pertes dâemploi, et le principe doit ĂȘtre poussĂ© jusquâĂ la collectivisation des secteurs-clĂ©s de lâĂ©conomie (Ă©nergie, finance,…). Câest de cette maniĂšre que nous arracherons les moyens quâil nous faut pour appliquer un tel programme de lutte pour le plein emploi.
Ajoutons toutefois que cela nĂ©cessite de construire un rapport de force dans la rue et sur les lieux de travail, avec un plan dâaction audacieux allant crescendo et recourant Ă lâarme de la grĂšve gĂ©nĂ©rale. Ripostons avec un front uni de rĂ©sistance contre lâaustĂ©ritĂ© rassemblant travailleurs, syndicalistes, militants et organisations de la vraie gauche!