Category: Europe

  • Élections irlandaises. L'establishment en déroute tandis que la gauche progresse

    Paul_AAA_01Paul Murphy et Ruth Coppinger sont réélus tandis que Mick Barry fait son entrée au Parlement

    Le gouvernement irlandais de coalition du Fine Gael et du Labour Party (Parti Travailliste) a reçu une véritable claque à l’occasion des élections générales de ce 26 février. La profonde colère de classe ressentie contre la politique d’austérité et, plus particulièrement, contre la trahison du Parti Travailliste a poussé les électeurs à infliger une cuisante et humiliante défaite à ces deux partis. Le résultat n’est pas encore connu pour certains derniers sièges, mais les résultats déjà connus montrent que le Labour a perdu au moins les trois quarts de ses sièges et n’a remporté que 6,6% des votes de première préférence (selon le principe du scrutin à vote unique transférable, NDT), soit une baisse de près de 20% par rapport à 2011. Le Fine Gael (FG) a perdu plus de 10% et plus de 20 sièges. Le paysage politique est totalement chamboulé et fragmenté, avec également la montée en puissance d’une nouvelle gauche socialiste.

    Par Danny Byrne, Comité pour une Internationale Ouvrière

    “Laissez la relance économique se poursuivre”

    Les partis gouvernementaux ont mené une campagne électorale désastreuse. En dépit des sondages qui n’ont pas montré clairement de perspective d’un gouvernement alternatif, le soutien du FG et du Parti Travailliste a systématiquement baissé au fur-et-à mesure qu’approchait le jour du scrutin. Les partenaires gouvernementaux ont cherché à se présenter comme la seule option viable en menaçant les électeurs du chaos que représenterait n’importe quel autre choix à la «stabilité» qu’ils pouvaient seuls garantir.

    Ils n’ont cessé de répéter : «laissez la relance économique se poursuivre», selon l’idée que le gouvernement serait parvenu à extraire l’économie irlandaise du marasme et qu’il devait par conséquent être autorisé à poursuivre son travail. Ce slogan a connu un flop retentissant.

    Ainsi que l’a expliqué l’Anti Austerity Alliance (au sein de laquelle est activement engagé le Socialist Party – section du Comité pour une Internationale Ouvrière en République irlandaise et parti-frère du PSL, NDT), ce discours basé sur une reprise économique contrastait massivement avec la réalité et l’atmosphère présente dans les quartiers ouvriers du pays. Ces communautés ont été durement frappées et dévastées par les années successives de politique d’austérité durant la récession, mais la «reprise» du capitalisme irlandais leur est passée au-dessus de la tête. Tous les avantages de cette reprise ont été empochés par le 1% au sommet de la société alors que les conditions de vie de la majorité de la population stagnaient.

    Plutôt que d’inspirer la foi dans les partis au pouvoir, ce slogan et cette idée ont plutôt renforcé les sentiments d’amertume et d’injustice parmi les masses aux prises avec la lutte quotidienne pour parvenir à joindre les deux bouts et face au constat des inégalités profondément ancrées dans cette prétendue reprise économique.

    Voilà la toile de fond derrière les malheurs et misères du gouvernement aux élections. Les menaces de «la stabilité ou le chaos» n’ont en rien amenuisé l’ardente volonté de connaitre un changement. L’état d’esprit anti-establishment qui existe dans la classe ouvrière en Irlande était suffisamment enraciné que pour vivement couper court au chantage et à l’alarmisme du gouvernement.

    Une crise sans précédent de l’establishment politique

    Ces élections plongent le capitalisme irlandais dans une crise profonde, selon des lignes déjà observées dans d’autres pays européens touchés par la crise, comme l’Espagne et la Grèce. Les partis de la domination capitaliste sont en crise après avoir subi le test de la pratique et ne peuvent tout simplement plus continuer à arriver au pouvoir en alternance pour assurer la «stabilité» du système de marché.

    En Irlande, cela s’exprimait historiquement par la domination de deux partis conservateurs de droite, le Fianna Fail et le Fine Gael, aux côtés du Parti Travailliste, l’ancien parti social-démocrate. Ces partis ont érgulièrement monopolisés à eux seuls environ 90% de l’espace électoral. Mais cette fois-ci, le Fianna Fail et le Fine Gael ont obtenu moins de 50% des voix ensemble tandis que le Parti Travailliste était décimé. Les suffrages restants sont fortement dispersés, avec 30% des voix en faveur d’indépendants et de petits partis et un peu moins de 14% pour le Sinn Fein.

    Cela ouvre une grave crise politique. À l’heure actuelle, la seule majorité gouvernementale qui semble viable serait composée du Fine Gael et du Fianna Fail, une espèce de «grande coalition» à l’irlandaise. Ces deux partis ont, pour l’instant, exclu qu’un tel scénario puisse voir le jour pour des raisons politiques (ils ne veulent pas voir dominer une plus forte opposition anti-establishment). Mais la pression en faveur de ce scénario sera toutefois intense de la part de certaines couches de l’établissement, y compris au sein de ces deux partis. Diverses possibilités ont déjà circulé, comme celle d’une alternance des deux partis au poste de «Taoiseach» (Premier ministre) ou encore celle d’un gouvernement minoritaire du Fine Gael avec le soutien du Fianna Fail. De nouvelles élections pourraient également être convoquées dans ces prochains mois.

    Le Sinn Fein

    Le Sinn Fein a renforcé son soutien électoral ainsi que son nombre de sièges, mais bien en-deçà des attentes. L’an dernier, il avait dépassé les 20% dans les sondages et était même considéré capable de contester la place du Fianna Fail comme second parti du pays. Sa direction se présentait comme le potentiel leader du prochain gouvernement. Mais il s’est retrouvé avec moins de 14% des voix, soit environ 10% derrière le FF, et a même perdu un certain nombre de circonscriptions clés, y compris au bénéfice de la gauche socialiste.

    Traqué par la presse et les partis de l’établissement au sujet de questions historiques et de sécurité, le Sinn Fein a fait l’effort de courtiser les faveurs de l’establishment pour prouver qu’il pouvait être «responsable». Alors qu’il voulait se présentait comme une véritable alternative à gauche, il a limité son programme électoral à «l’espace fiscal» autorisé par les règles restrictives de la troïka européenne, excluant ainsi dans les faits l’arrivée d’un véritable changement tel que désiré par les travailleurs. Il a également courtisé les partis de l’establishment en tant que potentiel partenaire de coalition, refusant même d’exclure de conclure un accord avec le FF (une possibilité rendue impossible par la réalité des résultats électoraux).

    Sur la question clé de la nouvelle taxe qui vise à en finir avec la gratuité de l’eau, qui a déclenché un mouvement de masse au cours de ces dernières années, le Sinn Fein s’est vu exposé au grand jour et même dépouillé par la véritable gauche, en particulier par l’Anti Austerity Alliance. Les travailleurs et les jeunes les plus conscients, ceux qui ont joué un rôle actif dans le mouvement de masse contre la taxe sur l’eau et l’austérité de manière plus générale, ont eu tendance à favoriser ceux qui avaient construit le mouvement et l’avaient dirigé sur ceux qui avaient limité leurs efforts à une timide assistance parlementaire. C’est ce qu’illustrent les résultats électoraux et les gains substantiels pour l’Anti Austerity Alliance (AAA) et le Socialist Party (parti-frère du PSL, NDT) dans les circonscriptions clés que sont Dublin Ouest, Dublin Sud-Ouest et Cork North Central.

    Croissance de la gauche socialiste et remplacement du Parti Travailliste

    Paul Murphy sera en Belgique le 9 avril, à l'occasion de notre journée
    Paul Murphy sera en Belgique le 9 avril, à l’occasion de notre journée Socialisme 2016.

    La crise capitaliste actuelle a conduit à la disparition du Parti Travailliste fondé par le marxiste James Connolly, devenu depuis lors un vicieux instrument au service des patrons et des marchés. Mais la situation actuelle est aussi marquée par l’émergence d’une nouvelle gauche dans laquelle les socialistes révolutionnaires jouent un rôle clé et qui est d’ores et déjà prête pour de nouvelles percées.
    L’AAA, en alliance avec People Before Profit (PBP), a constitué le plus sérieux défi de la gauche à l’échelle nationale de l’histoire de l’Etat dans ces élections, en se présentant dans plus de 30 circonscriptions. L’alliance a remporté 4% des votes nominatifs de premier choix en ne se présentant que dans un peu moins d’un tiers des circonscriptions. Il s’agit d’un excellent résultat pour une nouvelle initiative socialiste combattive.

    Au moment décrire cet article, il semble que L’Anti Austerity Alliance a réélu avec succès les membres du Socialist Party Ruth Coppinger (Dublin Ouest) et Paul Murphy (Dublin Sud-Ouest) tout en réalisant une percée impressionnante en parvenant à faire élire un autre membre du Socialiste Party, Mick Barry, à Cork Nord-Central. Il s’en est également fallu de peu (270 voix) qu’un siège soit également conquis dans la ville de Limerick avec Cian Prendiville, ce qui aurait été le choc des élections. Cela provient de la campagne fantastique qui a été menée mais aussi de la reconnaissance du rôle de premier plan joué par le Socialist Party et l’AAA dans la construction du mouvement contre la taxe sur l’eau.

    L’alliance People Before Profit semble avoir également remporté 3 sièges au moment d’écrire cet article, ce qui signifie qu’un bloc de 6 députés pourra être constitué. Cette plate-forme sera d’une aide précieuse pour la lutte contre l’austérité du prochain gouvernement.

    Un gouvernement de coalition Fine Gael – Fianna Fail serait désastreux pour la classe des travailleurs en Irlande. Les mouvements de masse qui ont ébranlé le précédent gouvernement devront redoubler d’efforts. Le Socialist Party et l’AAA orienteront leur attention vers la construction de ces mouvements afin d’assurer l’abolition de la taxe sur l’eau et d’arracher un refinancement public massif des soins de santé, de l’enseignement, des logements et l’amélioration des conditions de vie des masses.

    Cette lutte doit nécessairement étendre ses objectifs au-delà de «l’espace fiscal» des capitalistes et de la troïka. L’économie doit être réorientée pour satisfaire les besoins de la population au lieu des profits de quelques-uns. Seules des politiques de type socialiste, basées sur la propriété publique démocratique des secteurs clés de l’économie, représente une alternative au règne des multinationales. Le soutien pour de telles politiques peut rapidement se développer avec l’aide de la nouvelle gauche socialiste combattive qui se lève pour remplacer les vendus du Parti Travailliste.

  • Référendum sur le Brexit: Votons pour faire dégager les conservateurs!

    woreuprotestLe référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne se tiendra le 23 juin 2016. L’événement ne concernera pas seulement que l’Union européenne, ce sera également une opportunité de donner son verdict à David Cameron ainsi qu’à son gouvernement pourri.

    Éditorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au pays de Galles)

    La victoire de la sortie de l’Union européenne porterait un coup mortel au gouvernement qui pourrait conduire à la convocation de nouvelles élections générales et à la chute des conservateurs détestés actuellement au pouvoir. Voter ‘out’ est particulièrement important.
    David Cameron a mis son destin en jeu dans cette bataille entre forces pro et anti Union européenne, de même que d’autres ministres du camp du ‘in’ comme George Osborne et Theresa May. Même s’ils remportent la victoire à une marge étroite, leur autorité sera gravement endommagée. En outre, d’intenses luttes intestines vont déchirer le parti conservateur quel que soit le résultat final.

    Les masques sont tombés dès l’annonce du référendum. Le maire conservateur de Londres Boris Johnson a pris le camp du ‘out’, ce qui constitue un revers significatif pour Cameron. L’écrasante majorité de la base du parti Tory veut également soutenir le ‘out’, plus environ 120 députés conservateurs, un nombre à peine plus court que les 129 qui, aux dires du Daily Mirror, veulent voter pour rester au sein de l’UE.

    C’est une grave erreur pour Jeremy Corbyn et le Parti travailliste de soutenir le rester dans l’UE alors que ce vote pourrait conduire à la chute du gouvernement conservateur, déjà dans les cordes. Ils doivent changer de cap et aider à faire tomber Cameron & Co afin que des élections générales puissent être convoquées.

    Cette campagne doit durer quatre mois, David Cameron va tirer toutes les ficelles qu’il peut, y compris en demandant le soutien des chefs de gouvernement à travers le monde, des États-Unis à la Chine. Les politiciens capitalistes des deux côtés du débat jouent sur la peur et les menaces, et nous ne sommes pas encore au paroxysme de ces manœuvres. Le spectre d’une plus grande vulnérabilité au terrorisme a été soulevé par les ministres Iain Duncan Smith et Michael Gove dans le cas où l’adhésion à l’UE était confirmée, David Cameron utilisant le même argument en cas de Brexit. Mais tous ceux-là soutiennent le bombardement de l’Irak et de la Syrie qui alimente le fléau du terrorisme.

    La classe des travailleurs n’a aucun intérêt commun avec ces politiciens capitalistes favorables à l’austérité, qu’ils soient pour ou contre l’adhésion à l’UE. Tout en se distançant fortement des positions nationalistes et pro-capitalistes des conservateurs opposés au maintien dans l’Union et du parti populiste de droite Ukip, le mouvement des travailleurs a besoin de faire entendre sa propre voix contre l’UE dans ce référendum, de s’opposer au club patronal que représente l’UE et de lutter pour les intérêts des gens ordinaires en Grande-Bretagne et en Europe.

    L’inquiétude des capitalistes

    Face à l’inquiétude croissante de nombreux capitalistes britanniques à la perspective de leurs intérêts minés par le Brexit, David Cameron a désespérément obtenu des concessions de dernière minute à Bruxelles qui pourraient aider à soutenir un vote pro-UE. Mais ses gesticulations politiques et les concessions très limitées qu’il a acquises des 27 autres chefs de gouvernement de l’UE ont peu fait pour changer les choses.

    Il a obtenu un accord partiel concernant une attaque contre les allocations de travailleurs de l’UE qui travaillent en Grande-Bretagne et a affirmé que le Royaume-Uni aura désormais un «statut spécial» dans les futurs traités de l’UE, en plus des dérogations déjà existantes. Mais il a été signalé que la chancelière allemande Angela Merkel aurait mis en garde David Cameron que les exceptions pour la Grande-Bretagne dans les traités futurs pourraient ne jamais voir le jour dans la pratique. Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, a quant à lui réaffirmé: “Il n’y aura pas de révision des traités, aucun droit de veto pour le Royaume-Uni sur le renforcement de la zone euro et aucune remise en cause du principe de libre circulation”.

    Mais le référendum ne concernera pas principalement l’accord obtenu par Cameron mais bien l’UE dans son ensemble. Partout en Europe, les tensions entre les classes dirigeantes représentent beaucoup plus que les exemptions demandées par le gouvernement britannique. L’économie des 19 pays de la zone euro stagne en dépit des bas prix de l’énergie, d’un taux d’intérêt négatif et d’un assouplissement quantitatif massif de la part de la Banque centrale européenne.

    Cette impasse a conduit à une croissance du nationalisme et des division sur l’ampleur et la répartition des mesures d’austérité brutales que l’UE a tenté de mettre en œuvre et, plus récemment, sur la crise des réfugiés, entre autres questions. L’UE est loin d’être un véhicule pour l’amélioration des droits des travailleurs, comme de nombreux dirigeants du Parti travailliste et des syndicats l’ont défendu en Grande-Bretagne et ailleurs. L’UE est une machine qui vise à imposer une vicieuse austérité qui détruit les services publics et augmente le chômage. La population ordinaire de Grèce , d’Espagne ou du Portugal peut en témoigner.

    Les règles de l’UE ne sont d’aucune utilité pour les gens ordinaires. Elles ont été adoptées pour égaliser le terrain de jeu des grandes entreprises plutôt que pour tenter d’améliorer la vie de la population. Ainsi, la libre circulation des travailleurs a surtout aidé les patrons à mettre pression sur les salaires et conditions de travail, cela ne visait pas à défendre les intérêts des travailleurs et d’assurer l’élévation de leur niveau de vie par-delà les frontières.

    Les normes européennes servent d’écran de fumée pour mieux cacher le fait que les politiques de l’UE sont conçues pour servir les intérêts des entreprises et lutter contre la propriété publique, contre les conventions collectives de travail, contre la régulation et contre les interventions de l’État.

    L’UE est essentiellement une association des classes capitalistes européennes sur base de traités qui réduisent les obstacles à leur soif de profits et facilitent leur concurrence avec d’autres blocs commerciaux à l’échelle mondiale.

    Cependant, les économies européennes n’ont pas été en mesure de surmonter les limites du développement de la production capitaliste sur la base de la propriété privée dans les Etats-nations, et elles ne le seront jamais. Parallèlement, elles font face à l’obstacle insurmontable d’une économie mondiale qui souffre partout de surcapacité de production.

    Jeremy Corbyn… et le GMB

    Jeremy Corbyn et d’autres à gauche ont eu tort de céder à la pression de l’aile droite du Parti Travailliste et à l’argument selon lequel l’UE est avantageuse pour les travailleurs. Ils ont ainsi préconisé de vote pour rester dans l’UE. Une des conséquences de cette erreur est que la campagne référendaire de Corbyn et les autres sera de nature à améliorer les chances de victoire pour Cameron et pour la poursuite de la politique d’austérité des conservateurs.

    Les dirigeants syndicaux se trompent aussi avec leur regardant du côté d’une «Europe sociale» afin de les aider à contrer les attaques antisyndicales et anti-ouvrières d’un gouvernement de droite comme celui de David Cameron. Un futur gouvernement britannique élu sur base du programme anti-austérité défendu par Corbyn alors qu’il menait campagne pour arriver à la tête du Parti Travailliste serait directement confrontée au caractère anti-travailleurs de l’UE.

    Le syndicat GMB (General workers’ union) a publié un communiqué de presse déclarant son souhait de rester dans l’UE, sous le motif que l’exploitation des grandes entreprises “est totalement stoppable. Non pas en votant pour quitter l’UE, mais en exigeant un retour à [la] vision d’une Europe sociale.” Mais qui à qui destiner cette exigence? Comment peut-on la concrétiser ? Il n’y a pratiquement pas de responsabilité démocratique dans l’UE. Les décisions sont prises par le Conseil européen – composé des chefs de gouvernement des 28 pays – et par la Commission européenne qui est en grande partie nommée plutôt qu’élue. Le Parlement européen et ses 751 députés sont presque impuissant.

    Plutôt que d’entrer en lutte pour oeuvrer à la tâche futile de «démocratiser» l’UE, l’attitude de la classe des travailleurs à travers l’Europe penche de plus en plus dans le sens du rejet de cette institution lointaine, bureaucratique et responsable.

    Comme l’a écrit Andrew Rawnsley dans le dernier numéro du Sunday’s Observer, les attitudes sont maintenant très éloignées de ce qu’elles étaient lorsque les politiciens du gouvernement avaient remporté le référendum de 1975 sur l’Europe: “Une grande partie de l’ancienne référence aux «figures d’autorité» s’est évaporée.Nous sommes dans un âge de colère, caractérisé par une aliénation généralisée et profonde de l’établissement.” Il a ajouté: “Le référendum pourrait être un bâton avec lequel donner une claque satisfaisante aux fesses de l’élite politique.”

    Le Financial Times a rapporté que certains hommes politiques pro-européens se demandent si soulever le spectre d’un effet domino du Brexit – à savoir, la désintégration rapide de l’ensemble de l’UE – ne pousserait justement pas les à voter pour ça à la place de les effrayer!

    Certains conservateurs anti-UE feignent soudainement de se préoccuper des personnes touchées par l’austérité. Le secrétaire à l’éducation Gove – détesté des enseignants pour avoir approfondi la privatisation du secteur et avoir lancé des attaques contre les conditions de salaires et de travail – a ainsi déclaré cette semaine avec hypocrisie que : «L’euro a créé la misère économique pour les personnes les plus pauvres de l’Europe.»

    La seule manière de combattre ce genre de monstrueuse duplicité, c’est de construire une campagne indépendante, basée sur la classe des travailleurs, afin de lutter contre l’Union européenne capitaliste et pour offrir la meilleure couverture médiatique à cette approche.

    Tout en appelant à un vote ‘out’, le Socialist Party reconnaît que pour la classe ouvrière et la classe moyenne, le fait que la Grande-Bretagne soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne n représente aucune solution. Aucune de ces deux options n’est non plus une solution pour la population à travers l’Europe.

    Seule la solidarité internationale des travailleurs avec les luttes et les combats des uns et des autres pour une confédération socialiste démocratique du continent peut créer les bases pour une société qui transformerait la vie de l’écrasante majorité de la population.

  • [VIDEO] Irlande: Meeting réussi de l'AAA-PBP

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    Vous trouverez ci-dessous la vidéo des prises de parole des députés Paul Murphy et Ruth Coppinger (membres de l’Anti Austerity Alliance et du Socialist Party) lors d’un meeting organisé par l’Anti-Austerity Alliance/People Before Profit, à Dublin tout juste après qu’une manifestation de masse de dizaines de milliers de personnes ait à nouveau protesté contre la nouvelle taxe sur l’eau. Les élections générales se dérouleront demain.

  • [INTERVIEW] Élections générales en Irlande sur fond de colère anti-austéritaire

    political_revolutionL’Irlande se rend aux urnes pour des élections générales le 26 février. Le Socialist Party, parti-frère irlandais du PSL, y a participé dans le cadre d’un front plus large dénommé l’Anti-austérity Alliance (AAA) et espérait bien voir nos camarades Paul Murphy et Ruth Coppinger être réélus. Joe Higgins (actuellement député du Socialist Party) nous en parle.

    Joe Higgins : ‘‘Le programme d’austérité de ces huit dernières années a intensifié les inégalités dans la société irlandaise. Cela reflète très bien ce qui s’est également produit à l’échelle internationale, comme en a témoigné le récent rapport de l’ONG Oxfam selon lequel, pour la première fois de l’Histoire, les 1 % les plus riches détiennent plus de richesses que le reste de l’humanité, les 99 %.
    L’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste en Grande-Bretagne et l’énorme soutien dont jouit le candidat ‘‘socialiste’’ aux primaires démocrates Bernie Sanders aux Etats-Unis sont des illustrations de l’opposition croissante et de l’énorme colère contre cette société inégalitaire. Cela se voit aussi en Irlande.

    Depuis la crise économique, il y a eu une relative reprise économique, mais nombreux sont les travailleurs qui n’en ressentent tout simplement pas les effets, la politique d’austérité continue à lourdement peser sur leurs épaules. À la suite de la crise financière, par exemple, de nouveaux emplois ont été créés, mais avec une forte tendance à être peu qualifiés, mal payés, précaires et ainsi de suite, comme des contrats ‘‘zéro heure’’ (où l’employeur ne mentionne aucune indication d’horaire ou de durée minimum de travail, NDT).

    Nous connaissons également une terrible crise du logement, un véritable enjeu dans ces élections. Les services de santé sont eux aussi en crise profonde, les hôpitaux sont débordés en raison d’un manque de ressources et des effets cumulés des diverses opérations de réduction des dépenses.

    Ce que nous essayons de faire ressortir dans le débat politique, c’est que les partis de l’establishment capitaliste, et également le Sinn Fein, limitent leur approche économique à ce qu’ils appellent ‘‘l’espace fiscal’’. Ils veulent instaurer une batterie d’impôts supplémentaires en imaginant que l’économie se développera sans problème au cours des cinq prochaines années. Cette discussion est devenue véritablement obsessionnelle chez eux. Ils essayent ainsi de détourner l’attention de l’immense richesse concentrée dans les mains d’une infime élite et des gros bénéfices engrangés par les grandes entreprises. L’Irlande est réellement un paradis fiscal.

    Les moyens existent pour stimuler les conditions de vie de la population. Être capable d’utiliser ces ressources nécessite d’imposer une taxation progressive et de nationaliser le secteur bancaire. Nous avons également besoin d’investissements publics à grande échelle afin de construire de nouvelles maisons, par exemple.

    Ces revendications-clés dépendent du développement d’une alternative politique. Nous appelons à une ‘‘révolution politique’’ qui mette de côté les partis de l’establishment pour construire une nouvelle force qui puisse représenter les intérêts de la classe des travailleurs.’’


    L’Anti-Austerity Alliance & People Before Profit

    L’Anti-Austerity Alliance et People Before Profit disposaient de 4 députés dans l’ancien parlement et il est bien possible qu’ils en disposent de 7 après le 26 février. Ils pourraient ainsi constituer un groupe parlementaire officiel. AAA-PBP ont déposé 31 candidats.

    Le député Paul Murphy a été élu lors d’élections intermédiaires dans le district de Dublin South West. Il a notamment utilisé sa position élue pour être porte-voix de la résistance à la nouvelle taxe sur l’eau. Avant cela, Paul a été député européen en remplacement de Joe Higgins lorsque ce dernier a été élu au Parlement irlandais. Le 9 avril prochain, il sera en Belgique en tant qu’orateur pour notre journée ‘‘Socialisme 2016’’ à l’occasion d’un atelier sur la gauche européenne et le ‘‘plan B’’ de Varoufakis ainsi que pour le meeting de clôture.


     

    Joe Higgins n’est plus candidat

    joe_greeceLes lecteurs réguliers de Lutte Socialiste et de socialisme.be connaissent la réputation politique de Joe Higgins. Il fut, des années durant, la figure publique de notre parti-frère irlandais. Député de 1997 à 2007 et à nouveau à partir de 2011, après deux années passées au parlement européen, Joe ne s’est pas présenté cette fois-ci. Il est maintenant âgé de 66 ans et veut passer le flambeau à de plus jeunes militants, comme la députée Ruth Coppinger, issue comme lui de Dublin West. Joe continuera bien entendu à jouer un rôle politique important. Nous tenons à le remercier Joe pour ses années de dévouement et pour la manière dont il a toujours utilisé sa position publique à destination du renforcement de la lutte des travailleurs et des opprimés.

    Le dernier exploit parlementaire de Joe Higgins fut de participer à une enquête parlementaire consacrée à la crise financière. Il avait notamment interrogé Patrick Honohan, l’ancien gouverneur de la Banque centrale irlandaise, en ces termes : ‘‘Est-il vrai que la bulle immobilière a été gonflée par la recherche extrême de profits par les banques, les promoteurs et les actionnaires ? Que c’est ainsi que fonctionnent les marchés financiers capitalistes? Que cette idéologie est partagée par le gouvernement, par la majorité parlementaire ainsi que par la plupart des médias et des organismes de règlementation, dont les membres sont généralement recrutés dans le secteur financier? Et que l’idée prédominante est de ‘‘ne pas séparer le lion de sa proie’’ ?’’ A la grande surprise des journalistes, Honohan a bien dû admettre ‘‘Oui, c’est vrai’’.

    Joe a rejeté le rapport final de l’enquête et a présenté un rapport alternatif de 146 pages disponible en ligne à: http://antiausterityalliance.ie/wp-content/uploads/2016/01/banking-inquiry.pdf

  • Grève de la faim symbolique ‘‘Massacre au Kurdistan, brisons le silence!’’

    kurdes_alevis_GFSolidarité contre la sanglante répression exercée par le régime de l’AKP contre les Kurdes

    Le Comité de la Jeunesse kurde de Liège a décidé, en collaboration avec le centre culturel alevi de Liège, d’entamer une grève de la faim ce vendredi jusque dimanche, en soutien aux populations kurdes du sud-est anatolien, dans l’Etat truc. La population kurde est victime d’une féroce répression où bombardements, massacres et viols se succèdent, dans un silence complice de la part de l’essentiel des médias et des politiciens occidentaux.

    Cette situation dure maintenant depuis plusieurs mois, les estimations faisant état d’un demi-millier de morts parmi la population kurde, dont 150 ce mois-ci uniquement. Socialisme.be s’est rendu ce vendredi soir au centre culturel alevi de Liège où les grévistes de la faim et leurs partisans se reposaient après une journée passée sur la place Saint-Lambert, en plein centre-ville, pour sensibiliser les passants à la cause kurde.

    GF_01Un groupe de militantes enthousiaste a de suite expliqué en détail la dramatique situation qui s’est développée à l’instigation du président Erdogan (AKP, Parti de la justice et du développement) et de son gouvernement depuis l’été 2015. Une cinquantaine de couvre-feux illégitimes ont été instaurés dans le sud-est anatolien, les habitations sont bombardées, l’approvisionnement en eau et nourriture est bloqué, les civils sont tués en toute impunité quel que soit leur âge. ‘‘Le président Erdogan, par l’intermédiaire de l’armée et la police a instauré un climat de terreur sans égal ! Pouvez-vous imaginer qu’un membre de votre famille se fasse tuer pour simple fait d’être Kurde ? Pouvez-vous imaginer que le corps de cette personne ne peut être allé rechercher par les membres de sa famille et ce, même si vous êtes muni d’un drapeau blanc ? Pouvez-vous imaginer que vous soyez contraints de conserver le corps de votre proche tué par les forces de l’ordre dans le congélateur car vous avez même l’interdiction d’enterrer son corps ? C’est la triste réalité des Kurdes de Turquie.’’

    La première journée de sensibilisation au centre-ville dans le cadre de cette grève de la faim s’est globalement bien déroulée, marquée toutefois par diverses provocations de groupes turcs proches de l’AKP ou des Loups Gris (mouvement néofasciste turc). Une militante nous explique : ‘‘Nous sommes restés disciplinés et n’avons pas répondu aux provocations. Ils veulent nous empêcher de parler de la situation au Kurdistan, mais nous allons poursuivre notre action, dans le calme.’’ La police s’est toutefois rapprochée du rassemblement suite à cette suite d’agressions… non sans demander que cessent les slogans contre Erdogan et son gouvernement ! Un comble !

    Le prétexte du terrorisme

    GF_02C’est sous prétexte de lutter contre le terrorisme qu’Erdogan a lancé son offensive en commençant par rompre les pourparlers de paix qui avaient été entamés en 2013 avec le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). De quoi les autorités turques ont-elles peur ? ‘‘Le HDP, un parti pro-kurde, a franchi pour la première fois le seuil électoral antidémocratique de 10% pour entrer au gouvernement. Son autorité faiblit, et beaucoup de Turcs se sont aussi orientés vers le HDP. Erdogan considère comme une nécessité vitale de stopper ce rapprochement entre Kurdes et travailleurs turcs.’’ (pour en savoir plus, nous invitons le lecteur à prendre connaissance des précédents articles publiés sur socialisme.be à ce sujet ici et ici).

    Il est vrai que ces dernières années ont été marquées par un remarquable renouvèlement des luttes dans le pays. En octobre dernier, une grève générale de deux jours avait immédiatement suivi les attentats d’Ankara (pour lesquels la politique de l’AKP est à blâmer). Cela a clairement illustré la puissance potentielle de la classe des travailleurs. Malheureusement, cette grève n’a pas été suivie d’un appel à intensifier la mobilisation, en laissant ainsi le mouvement sans stratégie claire (voir notre article à ce sujet). L’année 2013 avait été marquée par le formidable mouvement de masse du Parc Gezi (pour en savoir plus : Une ‘‘violence guerrière’’ pour écraser le mouvement – Leçons d’une lutte de masse). En 2014, catastrophe de Soma, le pire désastre minier au monde en 40 ans, avait aussi déclenché de larges protestation ouvrières (voir notre article à ce sujet).

    A cela s’ajoutent encore les victoires remportées par les combattants kurdes en Syrie contre Daesh (organisation qui bénéficie par ailleurs du soutien de l’Etat turc). Il devenait urgent pour Erdogan de s’engager dans une répression féroce contre le peuple kurde mais aussi contre ses opposants politiques de manière plus globale.

    GF_03Nous avons aussi discuté de l’attentat à la voiture piégée de ce 17 février à Ankara contre un convoi de soldats. L’Etat turc a été marqué par plusieurs attentats dans la période récente (plusieurs d’entre eux ayant spécifiquement pris pour cibles des militants de gauche et kurdes et ayant été commis par Daesh, comme à Suruç). Mais ce dernier attentat a été revendiqué par le TAK (les Faucons de la liberté du Kurdistan, un groupe distinct du PKK). Une militante kurde exprime, avec l’assentiment général : ‘‘nous pouvons comprendre une certaine volonté de revanche, mais de tels attentats ne vont faire que renforcer tout le discours d’Erdogan selon lequel chaque Kurde est un terroriste.’’ Cet attentat est un cadeau pour poursuivre sa politique de répression et de diviser pour mieux régner et renforcer sa campagne médiatique nationaliste, démagogique et manipulatrice.

    Un orage qui risque d’éclater

    Commentant les dramatiques évènements de Cizre, nos camarades turcs de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc) écrivaient récemment : ‘‘Le pays est tel un ciel avec deux sombres nuages, l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest, qui se chargent jour après jour en électricité et qui risquent d’entrer en collision. Mais il est certain qu’il n’y aura qu’un seul gagnant de cette collision, Erdogan et les magnats qu’il représente.’’

    ‘‘La classe ouvrière turque n’a aucun intérêt à priver les Kurdes de leurs droits civils et démocratiques. Au contraire, elle doit s’unir aux travailleurs et aux pauvres kurdes contre la répression et l’exploitation, en soutenant les revendications démocratiques des Kurdes. De leur côté, les Kurdes doivent consciemment lancer appel à leurs frères et sœurs de classe à l’Ouest dans le but de construire une lutte commune et unitaire contre les politiques antisociales et sécuritaires d’Erdogan. (…) Ce qui est arrivé en Irak et en Syrie comprend d’importantes leçons et avertissements pour la classe ouvrière de l’Etat turc. Le choix posé est le suivant : une lutte commune et égalitaire contre le système capitaliste ou le chaos, la guerre civile et plus encore de violence d’Etat.’’


    Socialisme 2016

    Lors de la journée Socialisme 2016 qui se déroulera le 9 avril prochain, nous accueillerons Cédric Gérôme, représentant du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et particulièrement en charge du développement du travail politique du CIO dans cette région. (Plus d’infos et programme complet)

  • État turc: Le régime commet un massacre à Cizre

    cizreSeule la lutte unitaire des travailleurs peut efficacement contrer la guerre civile rampante

    La nuit du 7 février, la chaîne de télévision publique turque, principal vecteur de communication du gouvernement, a  marqué les esprits avec l’annonce de nouvelles laissant croire qu’un massacre collectif avait été commis dans une des nombreuses provinces kurdes touchées par le couvre-feu. Les nouvelles disaient que, depuis 12 jours, les forces armées turques menaient une opération dans la cave d’un bâtiment où se trouvaient des “terroristes” et qu’à la fin de l’opération ils avaient neutralisés 60 personnes. Cette évolution inquiétante montre la nouvelle dimension que prend la guerre déclarée par l’État envers le peuple kurde.

    Déclaration de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)

    Après les élections du 7 juin dernier, Erdogan et son gouvernement ont mis un terme au processus de paix (engagé par le gouvernement en 2012 entre le gouvernement et le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, NDLR) et ont poursuivi l’oppression de la volonté d’autodétermination du mouvement kurde en se servant de tous types d’armes et de technologie. Depuis 5 mois, le couvre-feu est instauré dans des provinces spécifiques suivies d’opérations militaires à l’aide des soldats et de policiers membres des unités spéciales. Dans de nombreuses provinces, comme Silopi ou encore Sur, le couvre-feu est toujours d’application. Dans l’une des provinces centrales, Diyarbak?r, le couvre-feu a dépassé la durée de 2 mois. Jusqu’à présent, des centaines de civils – enfants, personnes âgées et femmes – ont perdu la vie. Des centaines de maisons et de bâtiments ont été détruits et des milliers de personnes ont dû quitter leurs domiciles. Les services de santé et l’enseignement sont devenus impraticables.

    Que ce passe t-il à Cizre?

    Comme dans toutes ces provinces, la province de Sirnak où se situe Cizre, la guerre civile a transformé divers lieux en débris comparable à une ville de Syrie. A Cizre, le 41e jour du couvre-feu, le 23 janvier, de nombreuses personnes dont 28 blessés se trouvant dans une maison atteinte par un canon se sont réfugiées dans une cave. Le lendemain, certains députés du parti HDP ont fait une demande au ministre de l’Intérieur pour envoyer une ambulance aux personnes blessées, et juste après cela, la mort de 3 d’entre eux a été annoncée.

    Par contre, aucun des blessés ni des personnes réfugiées à cet endroit n’était autorisé à s’en aller. Suite à cela, certains des députés du HDP ont décidé d’entamer une grève de la faim dans le ministère de l’intérieur. De l’autre côté, le gouverneur de Sirnak affirme avoir envoyé des ambulances mais, selon lui, les blessés n’ont pas réagi par un « réponse positive ». Pendant ce temps, la Cour Suprême a rejeté la demande du HDP de prendre des mesures contre la violation des droits humains et contre la torture.

    Jour par jour, le nombre de morts dans cette cave et les réactions face à cela augmentaient de plus en plus. Le groupe d’aide envoyé par le TTB (représentants des médecins) et le SES (syndicats des ouvriers de la santé et des services sociaux) a été refusé d’entrer à Cizre en raison des fusillades et du fait que ces personnes aient été accusées d’être des militants. Leurs efforts pour atteindre les personnes réfugiées dans la cave ont été contrecarrés et 11 personnes essayant d’atteindre les blessés avec un drapeau blanc ont été arrêtées. Malgré les vidéos et témoignages issus de cette cave, le gouvernement s’est figé sur sa propagande affirmant qu’il n’y avait peut-être personne dans la cave ou encore que les ambulances envoyées là-bas étaient prises pour cibles de fusillades.

    Après l’article de TRT disant que 60 personnes avaient trouvé la mort, le Premier ministre Davutoglu a nié les faits et a ensuite déclaré que seuls 10 résistants avaient perdu la vie. Rapidement, TRT a retiré l’info de son site web. Mais il est possible que cette correction ait été faite par le gouvernement dû à la peur d’un nouveau soulèvement ressemblant à celui d’octobre 2014. Durant cette année-là, le rôle joué par Erdogan dans l’attaque de la ville de Kobané par Daesh (l’Etat Islmaique) avait donné naissance à un soulèvement et à des protestations spontanées d’une ampleur encore inégalée. D’autre part, le gouvernement veut que les gens s’habituent à ce genre de morts.

    Durant la réunion du parti le 9 février, le coprésident du HDP Selahattin Demirta? a partagé les infos qu’il a reçues. ”Depuis plus ou moins 20 jours, nous parlons d’une sauvagerie se passant à Cizre (…) Malgré les informations erronées, c’est bien ce qui se passe. Dans cette rue, dans quelques bâtiments, il y a en tout entre 70 et 90 personnes. La majorité sont des civils. Une partie sont des universitaires qui se trouvaient là par solidarité, et l’autre étant le peuple de Cizre. Depuis 20 jours, les forces spéciales ont lancé des attaques au tank 24h sur 24. Il n’y a pas de fusillades, les attaques envers ces bâtiments sont unilatérales. Des personnes se trouvant dans ces bâtiments nous appellent. Nous avons leurs noms, ils nous disent ”il y a des civils blessés à côté de nous, nous voulons sortir d’ici. Dès que nous sortons nos têtes par la fenêtre, ils nous tirent dessus”. Des gens ont été abattus, mais personne ne dit rien. Nous avons reçu confirmation que des gens sont toujours en vie. Nous avons des enregistrements de 32 minutes. (…) Ils sont vivants. Il y a eu un massacre collectif mais personne n’en parle. Il n’y a plus d’opérations à Cizre mais les corps sont éparpillés un peu partout comme s’ils étaient là depuis bien longtemps…”

    Danger de guerre civile

    Il semble que le gouvernement a réussi à couvrir ses meurtres en réagissant rapidement et en empêchant, pour l’instant, une explosion de colère. Mais il est en même temps très clair que le gouvernement de l’AKP est bloqué dans un bourbier dans les villes kurdes. Les représentants du gouvernement ont affirmé que cette opération de cinq mois devait être une Blitzkrieg, courte mais efficace. Elle n’a cependant pas été si courte qu’initialement prévu. Et le dernier incident de Cizre souligne que qu’un mécontentement explosif s’accumule dans le pays.

    La classe des travailleurs de la partie Ouest de la Turquie a été sous l’influence d’une forte propagande nationaliste depuis juin, jusqu’à un seuil dangereux. Une grande partie de la société préfère tourner la tête au loin et prétendre que de tels incidents ne se produisent pas. Certains soutiennent l’Etat et adoptent une approche nationaliste turque. Pour le moment, seuls les socialistes et les partis de gauche s’opposent activement aux politiques du gouvernement et ils sont submergés par la pression de l’Etat. Les médias unilatéralement du côté du gouvernement utilisent manipulations et démagogie pour alimenter le nationalisme et la haine. En conséquence de ce climat, les Kurdes de l’Ouest ont subi de violentes attaques en septembre dernier.

    Cependant, l’espoir que le gouvernement puisse encore à un moment donné s’asseoir à la table de négociation et relancer le dialogue avec les Kurdes existe toujours parmi beaucoup de ces derniers. Ceci est une des raisons pour lesquelles une guerre civile ethnique n’a pas encore éclaté. C’est aussi pourquoi les Kurdes ne se sont pas orientés vers une révolte tous azimuts, comme la révolte liée à Kobané des 6 et 7 octobre, en dépit de toutes les attaques dont ils ont été victimes. Le fait que le HDP et le mouvement kurde tiennent encore la porte ouverte aux négociations, même dans leurs discours les plus radicaux et durant les incidents de répression les plus brutaux, est une autre raison qui permet de comprendre cette patience. Mais des massacres tels que celui de Cizre et les opérations militaires prolongées vont radicalement changer cette attitude dans les villes kurdes.

    L’interview de la mère d’une victime des tirs à Cizre, publiée le 10 février dans le journal Cumhuriyet, révèle le degré d’atrocité, de déception et de colère actuel: «Ce sont tous des gangsters engagés dans une sale guerre. Nous avons crié pour la paix, mais à partir de maintenant nous ne voulons plus de paix. Qu’est-ce que ces gens au sous-sol ont fait pour mériter de subir des attaques de chars et d’armes chimiques? Et ils [l’Etat] mettent leurs photos [aux morts] sur Internet, juste pour nous torturer. Ils torturent les gens… Nous ne voulons plus la paix, au plus nous demandons la paix, au plus ils nous envahissent avec des chars et des canons et brûlent nos enfants. Maintenant, il est temps pour la guerre.»

    Le pays est tel un ciel avec deux sombres nuages, l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest, qui se chargent jour après jour en électricité et qui risquent d’entrer en collision. Mais il est certain qu’il n’y aura qu’un seul gagnant de cette collision, Erdogan et les magnats qu’il représente.

    La classe ouvrière turque n’a aucun intérêt à priver les Kurdes de leurs droits civils et démocratiques. Au contraire, ils doivent s’unir avec les travailleurs et les pauvres kurdes contre la répression et l’exploitation. Pour cela, il est nécessaire que les travailleurs turcs soutiennent les revendications démocratiques des Kurdes et que les Kurdes fassent consciemment appel à leurs frères et sœurs de classe à l’Ouest, dans le but de construire une lutte commune et unitaire contre les politiques dévastatrices et anti-ouvrières d’Erdogan.

    Les opérations anti-Kurdes actuelles constituent une menace pour tout le monde. Compte tenu du niveau de danger auquel nous sommes confrontés, en dépit de toutes les pressions et de la situation compliquée dont nous avons hérité, il n’y a pas d’autre issue possible que la construction d’un front uni sur base de l’unité de la classe ouvrière et de tous les opprimés. Ce qui est arrivé en Irak et en Syrie comprend d’importantes leçons et avertissements pour la classe ouvrière de l’Etat turc. Le choix posé est le suivant : une lutte commune et égalitaire contre le système capitaliste ou le chaos, la guerre civile et plus encore de violence d’Etat.

     

  • Grèce. Une puissante grève générale riposte aux attaques contre les pensions

    GG_grece4fev02Jeudi dernier, le 4 février, une puissante grève générale a ébranlé la Grèce en opposition à la politique d’austérité du gouvernement dirigé par Syriza. Cette grève a été appelée par les fédérations syndicales du secteur privé (GSEE) et du secteur public (ADEDY) afin de résister à la réforme des retraites. Cette dernière attaque contre la classe des travailleurs est imposée par Syriza à la demande de l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). Nous publions ci-dessous la traduction de l’éditorial de Xekinima, journal qui développe les positions politiques du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce. Cet article se penche sur l’ampleur de la grève générale ainsi que sur les prochaines étapes qui sont nécessaires pour vaincre la dernière vague de mesures austéritaires.

    Editorial de Xekinima, bihebdomadaire de la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière.

    Pour la première fois depuis les élections de janvier 2015 qui l’on porté au pouvoir, le gouvernement dirigé par Syriza, le parti d’Alexi Tsipras, voit l’éventail de mouvements sociaux qui agite la société grecque se retourner contre lui. La grève générale du 4 février fut un succès, sans toutefois atteindre l’échelle des grandes grèves générales de 2010-12. Il s’agit d’une claire illustration de la profonde colère de diverses couches de la société – les travailleurs, les agriculteurs, les chômeurs, les jeunes, etc. – attaquées par les mesures du nouveau Mémorandum de Syriza [des mesures d’austérité convenues avec la troïka – le Fonds Monétaire International, la Banque Centrale Européenne et l’Union Européenne, NDLR].

    GG_grece4fev
    Le 4 février, un rassemblement de solidarité avec la grève générale grecque a eu lieu à Bruxelles, face à la représentation permanente de la Grèce auprès l’UE. Le PSL était présent.

    La plus importante caractéristique de cette grève générale, ce furent ces manifestations de masse qui ont déferlé dans les rues des villes régionales. Comparativement à la population totale, ces manifestations régionales ont été beaucoup plus grandes que celles des grandes villes que sont Athènes et Thessalonique. Dans certains cas, il s’agissait même des plus grandes manifestations depuis des décennies!

    La grève du 4 février ne doit pas marquer la fin de l’action de grève, comme cela se produit généralement après une grève réussie, alors que les directions syndicales abandonnent la lutte. Il doit s’agir du début d’une nouvelle mobilisation de masse.

    Si nous voulons éviter de subir une nouvelle défaite, toutes les couches de la société qui se mobilisent à l’heure actuelle doivent se coordonner et renforcer ainsi leur combat avec un plan d’action qui comprend:

    • Un appel urgent pour une nouvelle grève générale de 24 heures dans le courant de la semaine prochaine.
    • Un appel pour une grève générale de 48 heures convoquée dans les 20 jours.
    • Ces grèves doivent être combinées à la continuation des blocages organisés par les agriculteurs et des occupations d’entreprises dans les secteurs public et privé – à commencer par les lieux où les travailleurs sont licenciés, ne sont pas payés depuis des mois, voient leurs droits attaqués,…

    Un tel mouvement susciterait inévitablement l’enthousiasme de la jeunesse, cette dernière ayant été absente des mouvements de ces dernières années, et pourrait ainsi conduire à des occupations d’écoles et d’universités.

    Ces grèves et occupations doivent être bien organisées, des discussions doivent être menées sur les lieux de travail. Les travailleurs ont besoin de constater qu’un plan sérieux existe bel et bien, de même que la détermination de vaincre sur base d’une bonne perspective de lutte. Il est nécessaire d’élire démocratiquement des comités d’action de base qui se battront pour obtenir le succès des mobilisations.

    Qui doit prendre l’initiative?

    Toute la question est de savoir qui va prendre l’initiative d’appeler à ce genre de plan d’action et de coordination.

    L’atmosphère présente parmi les travailleurs, les agriculteurs et les pauvres de la société démontre que ces couches sont plus que prêtes pour un tel plan d’action coordonné. Mais les dirigeants n’ont pas l’intention de le défendre. Dans des conditions différentes, cet appel à la mobilisation de toute la société serait de la responsabilité de la direction de la GSEE (la fédération syndicale du secteur public). Mais il n’y a aucune chance que ces dirigeants syndicaux corrompus fassent quoi que ce soit pour planifier, coordonner et développer la lutte afin de balayer les politiques exigée par les créanciers et la troïka et mises en œuvre par les gouvernements grecs dirigés par le Pasok (social-démocratie), la Nouvelle-Démocratie (droite) et maintenant par Syriza.

    Le rôle des partis de gauche

    La responsabilité de rassembler et de coordonner ces mouvements repose sur les épaules de la gauche, ou du moins des sections de la gauche qui veulent systématiquement s’opposer aux politiques austéritaires et au système.

    La somme des forces comprises dans le KKE [le Parti communiste grec], dans LAE [Unité Populaire] et dans Antarsya [gauche anticapitaliste] regroupent autour des 10%, une base assez grande que pour jouer un rôle clé dans ce processus et pour pousser le mouvement social de l’avant. Mais l’état de la gauche aujourd’hui donne une décevante image de divisions. Le principal responsable de cela est le KKE, qui refuse toute coopération avec les autres forces, à quelque niveau que ce soit.

    Cette attitude représente un abandon complet du «marxisme-léninisme» que prétend représenter la direction du Parti communiste. Les traditions et l’histoire du mouvement révolutionnaire, du marxisme authentique, sont caractérisées par la coopération et la lutte commune au sein du mouvement de masse, où chaque parti ou organisation de gauche et chaque mouvement des travailleurs maintiennent leur complète indépendance et leurs spécificités idéologiques, politiques et organisationnelles.

    Unité Populaire et Antarsya: quelques pas positifs

    L’image est meilleure en regardant vers LAE [Unité Populaire] et Antarsya. Au cours de ces dernières semaines, un certain nombre de mesures positives ont été adoptées en faveur d’une action unitaire concernant le projet de loi sur la sécurité sociale entre LAE, Antarsya et d’autres organisations de la gauche, comme Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) et d’autres.
    Cette collaboration doit se développer, non seulement concernant les nouvelles attaques contre les retraites, mais aussi au sujet de chaque question centrale qui fait face au mouvement des travailleurs.

    Toutes les organisations participantes doivent être autorisées à garder leur indépendance idéologique, politique et organisationnelle complète. Si cette étape est correctement franchie, cela se traduira par l’ouverture de nouvelles perspectives très positives pour le mouvement de masse. Cela fournira des objectifs des perspectives politiques aux luttes qui se développent aujourd’hui et qui se développeront demain.

  • Schengen: l’establishment européen à nouveau confronté à une crise institutionnelle

    Avec les 12 mois de drames et de chaos humanitaire qui ont jalonné l’année 2015, tous les observateurs s’accordent à dire que nous traversons la pire crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Les dirigeants européens semblent plus incapables que jamais à y trouver une issue basée sur la coopération entre États. Les ingrédients qui ont fait de 2015 un chaos seront encore bien présents pour les mois qui viennent…

    Par Baptiste (Hainaut)

    Il y a encore quelques mois, la Hongrie passait pour un marginal pestiféré au sein de l’Europe, en prenant la décision de fermer ses frontières et d’y établir des murs de barbelés. Mais ces dernières semaines, de nombreux autres gouvernements européens ont également procédé à un durcissement de leurs politiques d’asile, avec des renforcements des contrôles aux frontières en France et en Allemagne (qui s’était jusque-là revendiquée de manière opportuniste être une terre d’accueil, essentiellement pour des raisons économiques), et une fermeture des frontières, à des degrés divers, pour l’Autriche, la République tchèque, la Norvège, le Danemark et la Suède (historiquement « le bon élève » européen en matière d’asile).

    Ces fermetures et contrôles aux frontières s’accompagnent d’une criminalisation des demandeurs d’asile et d’un accroissement de la répression à leur égard. En Autriche et en Allemagne, des contrôles accrus sont réalisés pour « refouler et expulser des réfugiés » si ceux-ci ne sont pas en ordre dans leur démarche administrative. Au Danemark et en Suisse, une mesure contraint à présent les réfugiés à monnayer leurs « séjours » en mettant en gage leurs maigres bijoux, peu importe qu’il s’agisse du peu de valeurs qu’ils aient pu sauver au cours de leur exil. Chaque gouvernement a opéré un véritable virage à droite, y compris dans le chef des gouvernements composés de sociaux-démocrates ! Et la dernière vague d’attentat en Europe et en Turquie ainsi que les évènements du Nouvel An à Cologne n’ont fait que renforcer cette tendance. Comme si confrontés à la décrépitude du capitalisme, ses dirigeants n’étaient plus capables que de faire une fuite en avant dans la répression et l’austérité à défaut de pouvoir proposer un avenir à la population.

    Bye-bye Schengen ?

    Quelques citations en disent long sur l’atmosphère des dernières semaines. Selon Charles Michel : « Nous devons peut-être adapter Schengen ». Si l’on en croit Sarkozy : « Schengen est mort ». Et quand on prend la peine d’écouter le roi des grossiers merles, Bart De Wever, à l’occasion d’une conférence patronale : « La citoyenneté a été gratuite trop longtemps. Seulement un réfugié syrien sur dix a les compétences pour s’introduire sur le marché du travail (…) Arrêtons la naïveté, il faut durcir la politique migratoire ». Il est aussi intéressant de noter le contraste entre la facilité avec laquelle ces politiciens sont prêts à revoir les « sacro-saintes » règles de Schengen, alors que ceux-là mêmes n’admettaient aucune flexibilité lorsqu’il s’agissait des règles du traité d’austérité ! Leur logique est la suivante : tout pour la défense et la protection des intérêts d’une classe sociale précise, le patronat et les nantis. À partir de là, les règles sont soit malléables à souhait, soit à couler dans le béton.

    Les accords de Schengen ont été initiés il y a 20 ans entre les États européens souhaitant faciliter la libre circulation des biens et des personnes entre eux. Ces accords sont devenus une pierre angulaire de la construction de l’Europe en tant que bloc commercial armé d’une monnaie unique. Toutes les mesures restrictives mises en place ces dernières semaines sont des entorses formelles à Schengen ! Après les menaces de Grexit d’il y a quelques mois, l’establishment capitaliste européen n’a pas eu beaucoup de répit et fait face un nouveau risque d’effondrement d’une de ses institutions clés. C’est l’inévitable supplice de Sisyphe d’un système de production dont les fondations sont pourries.

    De plus en plus, les contradictions d’intérêts entre États membres de l’UE prennent le dessus sur la coopération. Un seul chiffre suffit à l’illustrer : sur les 160.000 réfugiés à répartir au sein de l’UE, un accord de répartition n’a encore été trouvé que pour …184 personnes ! Comme lors de la crise de la zone euro, les capitalistes chercheront à sauvegarder le plus possible pour éviter une défaite de prestige sur le plan politique, qui aurait également des conséquences sur le plan économique. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a d’ailleurs exprimé clairement le danger que représenterait la mort de Schengen : « un démantèlement de Schengen aurait un effet néfaste sur l’emploi et pourrait même remettre en cause l’union monétaire ».

    Les dérogations à Schengen autorisées par la législation européenne permettent la mise en place de mesures extraordinaire pour une durée totale de 6 mois cumulés, ce qui implique une échéance en mai 2016 des mesures actuelles. Ceci dit, les capacités de l’establishment à réaliser des bricolages institutionnels à rallonge allant dans le sens de ses propres intérêts ne sont pas à négliger. Ainsi, depuis 2013, le délai autorisé pour des mesures extraordinaires peut atteindre 2ans « en cas de défaillance d’un État ou de manquements graves liés aux contrôles aux frontières extérieures ». Dans le cas où de telles clauses devraient être activées, nul doute que la Grèce et l’Italie seraient tenues responsables de l’arrivée des réfugiés traversant la Méditerranée.

    Parallèlement aux astuces institutionnelles, l’establishment européen épuisera également toutes ses cartouches dans ses filons actuels. Il renforce notamment des dispositifs Frontex et accroit la militarisation aux frontières extérieures de Schengen. Il a également signé un accord pour 3 milliards € avec le gouvernement turc d’Erdogan, qui a pour charge « d’endiguer les flux migratoires vers l’Europe ». Reste à savoir avec quelles méthodes macabres Erdogan tentera de remplir ses objectifs…
    Bref, autant de recettes qui permettent à l’Europe de gagner du temps, mais qui n’ont jamais rien résolu, que ce soit vis-à-vis des motifs d’émigration ou concernant la qualité de l’asile.

    Les impérialistes sont pieds et poings liés au chaos, nous avons besoin d’une alternative !

    L’ampleur de la crise humanitaire que subissent les réfugiés est inestimable. De nombreux pays se sont enfoncés dans les guerres sectaires et l’anarchie : Irak, Lybie, Yémen, Afghanistan, Somalie, … poussant chaque jour des dizaines de milliers de pauvres sur les routes de l’exil. Dans le seul cas de la Syrie, après plus de 4 ans de conflits sectaires, on dénombre 11 millions de personnes qui se sont vues contraintes de prendre la voie de la migration, dans le but de trouver un refuge où survivre. Il est illusoire de croire que les mouvements migratoires se soient terminés avec l’année 2015. Tant que le capitalisme et son escadron de misères, de guerres et d’horreurs existeront, des millions de personnes seront contraintes à l’exil au risque de leurs vies. Les politiques impérialistes – depuis la guerre par milices interposées, à l’exploitation économique, en passant par la militarisation des frontières – portent une lourde responsabilité.

    L’Europe n’est en soi confrontée qu’à une moindre proportion des migrations. Néanmoins, dans le contexte de pénuries, d’austérité à tous les niveaux, de précarité et de chômage de masse, cette immigration est un sujet sensible pour de nombreux jeunes et travailleurs et des tensions peuvent apparaitre. Il est indispensable que le mouvement ouvrier organisé s’empare de la scène politique pour exiger des meilleures conditions de vie pour tous. C’est la condition indispensable pour empêcher les populistes et l’extrême droite d’occuper l’espace politique laissé libre et d’instrumentaliser les frustrations et la pauvreté contre des boucs émissaires, pour encore plus diviser les travailleurs entre eux sur des critères secondaires comme la nationalité, la religion, l’ethnie…

    Les gouvernements prétendent lutter contre le terrorisme en accentuant la répression et en bloquant les frontières. Mais ils ne font que criminaliser les réfugiés, toujours aussi nombreux à fuir le chaos nourri par les impérialistes. Les capitalistes ne sont plus à même de gérer les complications consécutives au fonctionnement de leur système de production, ce qui est symptomatique d’un système épuisé et en déclin. Organisons-nous autour d’un programme qui défende nos intérêts et pour une société socialiste, une société où les richesses sont profitables à tous et non à 1 % de privilégiés.

  • [INTERVIEW] Résistance contre le sexisme et le racisme à Cologne

    cologne_manifNous avons été nombreux à avoir été choqués par les incidents du Nouvel An à Cologne, où des centaines de femmes ont été victimes de harcèlement sexuel. L’extrême droite a tenté de se profiler sur cette question avec le racisme le plus cru. Face à ça, les militants anticapitalistes et socialistes se sont mobilisés en dénonçant aussi bien le sexisme que le racisme. Nous en avons discuté avec Claus Ludwig, membre de Sozialistische Alternative (SAV), notre organisation-sœur allemande.

    Comment réagit la population de Cologne face à ces incidents ?

    ‘‘Tout le monde en parle. Les gens sont choqués que cela puisse arriver. Les médias de l’establishment et des politiciens ont déjà lancé une campagne démagogique visant à davantage limiter les droits des demandeurs d’asile. L’extrême droite a flairé l’opportunité d’accuser les réfugiés. Un raz-de-marée de haine raciste a déferlé sur internet et les réseaux sociaux. Nous en sommes arrivés au point où l’on peut être ouvertement sommé de rentrer ‘‘chez soi’’ dans la queue d’un supermarché tout simplement pour avoir une allure différente.

    ‘‘Le 9 janvier, une manifestation du mouvement raciste Pegida a réuni 1.500 participants, essentiellement des hooligans et des néonazis. Le lendemain, 300 racistes ont parcouru la ville à la recherche d’immigrés, soi-disant pour ‘‘protéger les femmes’’. Ils se sont physiquement attaqués aux migrants et au moins trois personnes d’origine syrienne, pakistanaise et indoue ont été blessées. Les agresseurs comprenaient des néonazis et des hooligans, mais aussi des criminels organisés dont des “Hell’s Angels”, ainsi que des videurs de boîte de nuit.

    ‘‘La police a déclaré qu’on ne pouvait pas faire justice soi-même, mais la question n’est pas là. Les racistes n’étaient pas à la recherche des coupables du Nouvel An. Ils chassaient n’importe qui d’apparence ‘‘étrangère’’. C’était une véritable incitation au pogrom.’’

    Comment réagit la gauche ? Dans quelles manifestations et campagnes est impliqué le SAV?

    ‘‘Durant la première semaine de janvier, il y a eu cinq manifestations auxquelles nous avons pris part. 400 personnes ont manifesté contre un incendie criminel dans un centre de réfugiés. Nous sommes aussi actifs dans l’alliance antifasciste ‘‘Cologne contre la Droite’’ où nous avons proposé d’utiliser le slogan ‘‘Contre la violence sexiste, contre le racisme’’. Ce slogan est paru dans la couverture médiatique de la manifestation à Cologne et dans tous les médias internationaux.

    ‘‘Nous avons écrit le tract de l’alliance pour la manifestation contre Pegida le 9 janvier. Malgré le fait que nous n’avions eu que trois jours pour mobiliser, la manifestation a rassemblé 4.000 antifascistes. Les médias ont minimisé cette mobilisation, certains suggérant ‘‘plus de 1.300 manifestants’’. Un camarade du SAV a figuré parmi les orateurs de la manifestation et nous avons reçu beaucoup de soutien pour notre approche socialiste dans le cadre du combat contre le racisme et le sexisme.

    ‘‘Par ailleurs, il y a aussi eu une manifestation de gauche pour le droit des femmes qui a réuni 300 manifestants, une manifestation ‘‘Les réfugiés syriens disent non à la violence sexuelle’’ et encore d’autres actions. Nous essayons d’élargir la base de l’alliance antifasciste et d’organiser de nouvelles personnes. Nous lions la résistance au sexisme et au racisme à des thèmes sociaux comme la pénurie de logements abordables. Nous tentons de politiquement renforcer le mouvement antifasciste tout en prenant au sérieux la sécurité lors de nos activités. La montée de la violence d’extrême droite nous y force bien.’’

  • Irlande. Nouvelles élections, discrédit de l’establishment et défis pour la gauche

    irlande_AAALa politique d’austérité a provoqué un appauvrissement massif en Irlande, contrairement à ce qui est dit dans les médias internationaux. Les salaires ont chuté, les contrats précaires à bas salaires constituent aujourd’hui la norme et le pourcentage d’emplois faiblement rémunérés est le plus élevé de l’Union européenne.

    Par Finghin Kelly, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise)

    L’échec de l’austérité ne s’est vu nulle part plus nettement que dans le logement. Plus de 100.000 familles sont sur les listes d’attente des logements sociaux. Les loyers grimpent en flèche et le nombre de sans-abris atteint des niveaux records (parmi lesquels 1.500 enfants !). Par contre, au cours de ces 5 dernières années, les richesses des 300 personnes les plus riches du pays sont passées de 50 milliards € à 84 milliards €.

    Ces élections seront marquées par cette explosion des inégalités, mais aussi par un monumental mouvement d’opposition à la taxe sur l’eau qui a cristallisé toute l’opposition à l’austérité. Des dizaines de milliers de travailleurs et de pauvres se sont impliqués dans cette campagne qui a touché tous les quartiers et connu plusieurs manifestations de masse. En dépit de toute la campagne d’intimidation menée par les médias et le gouvernement, plus de la moitié des ménages ne l’ont toujours pas payée ! L’Anti Austerity Alliance (AAA, dont sont membres nos camarades irlandais du Socialist Party, NDT) a représenté une force de premier plan dans l’organisation de ce mouvement de résistance.

    La défense du droit à l’avortement a également gagné en ampleur l’an dernier. Son interdiction est inscrite dans la constitution irlandaise, mais les sondages, les uns après les autres, ont illustré un soutien grandissant pour l’abrogation de cette interdiction constitutionnelle, alors que l’establishment politique refuse de revoir le rôle de l’Église catholique dans l’État. Cette aspiration à l’égalité et à un État séculaire s’est aussi exprimée il y a peu à travers le référendum pour le mariage homosexuel et la spectaculaire victoire du ‘‘Oui’’.

    L’autorité des partis traditionnels est aujourd’hui en berne. Les trois partis qui ont monopolisé la scène politique depuis l’indépendance du pays ne parviennent désormais plus à atteindre ensemble les 50 % dans certains sondages. Le Parti travailliste (équivalent du PS et du SP.a, NDT) ne récolte parfois que 6 % et il n’est pas certain qu’il dispose encore de députés à l’avenir !

    Le Sinn Féin pourrait par contre réaliser une percée (les sondages le placent régulièrement à 16-20%). Ce n’est pas un parti des travailleurs ou un parti anticapitaliste, mais il a su gagner un soutien en se présentant en adversaire de l’austérité, sans toutefois avoir été réellement actif dans la construction du mouvement anti-austéritaire. Il n’a défendu aucun programme et aucune tactique pour remporter ce combat, refusant même d’encourager le non-paiement de la taxe sur l’eau. Le Sinn Féin a été jusqu’à s’engager à respecter les règles budgétaires de l’Union européenne une fois au pouvoir ! En Irlande du Nord, là où le parti participe à un gouvernement de coalition depuis 1998, il a appliqué des coupes budgétaires et accepté de diminuer les taxes sur les entreprises, de sabrer la sécurité sociale et de licencier 20.000 fonctionnaires.

    L’Anti Austerity Alliance défendra aux élections un programme anti-austérité de principe en refusant de se laisser prendre au piège dans la camisole de force des règles de l’Union européenne et en accentuant la nécessité que la classe des travailleurs entre en action et s’organise pour assurer que ses revendications soient traduites dans les faits. Certains sondages placent l’AAA (avec d’autres groupes de gauche) à 7 % nationalement. Une percée et plus de députés sont possibles, ce qui fournirait une meilleure plate-forme pour une gauche de principe et de combat.


     

    Un meeting préélectoral de l’Anti Austérity Alliance (AAA, au sein de laquelle nos camarades du Socialist Party irlandais sont très actifs) a eu lieu ce samedi en irlande, avec une excellente participation de 300 personnes environ. La campagne est placée sous le slogan “Il nous faut une révolution politique!” Parmi les orateurs, aux côtés de Paul Murphy ou encore de Ruth Coppinger, se trouvait notamment Kshama Sawant, conseillère socialiste élué à Seattle (Socialist Alternative).

    Meeting préélectoral de l'AAA

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