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  • Grande-Bretagne: L'insurrection Corbyn. Finissons-en avec la droite!

    Jeremy-Corbyn

    Jeremy Corbyn semble bien être en route pour être à nouveau élu à la tête du Parti travailliste (le Labour) ce mois de septembre. Mais la lutte acharnée et amère que lui mène la droite démontre qu’il ne peut y avoir aucun compromis avec les représentants du capitalisme au sein du Parti travailliste. Cette fois, il faut en finir et véritablement transformer le Labour en un parti socialiste anti-austérité. L’article suivant est publié dans l’édition de septembre de Socialism Today, le magazine de nos camarades du Socialist Party.

    Par Hannah Sell, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    La guerre civile en cours dans le Parti travailliste atteint un nouveau pic d’intensité. La majorité anti-Corbyn des députés travaillistes (le Parliamentary Labour Party, PLP) et l’appareil du parti mènent une campagne tout aussi désespérée que dégoûtante pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Ils ont face à eux un véritablement mouvement de la classe ouvrière et de la jeunesse. Ces derniers ont fait irruption sur la scène de l’Histoire et exigent de faire entendre leur voix. La «bulle de Westminster» (siège du Parlement britannique) qui a passé des décennies à complaisamment accepter les coupes budgétaires, l’austérité et les privatisations a le sentiment d’être soudainement menacée par des «barbares frappant à sa porte». L’ensemble de l’establishment capitaliste a tout d’abord été secoué par le vote sur le Brexit et, maintenant, les tentatives de se débarrasser de Jeremy Corbyn sont contrecarrées par une énorme vague de soutien pour le dirigeant travailliste qui déborde des limites de la politique habituelle.

    Ces dernières semaines ont eu lieu les plus grands rassemblements de masse de la gauche depuis des décennies, à Liverpool, Hull, Leeds, Bristol et dans de nombreuses autres villes. Des 275 réunions locales qui se sont tenues pour désigner leur candidat à la présidence du parti, 234 ont à ce jour choisi Corbyn, avec la plupart du temps une participation de centaines de personnes. Cette «deuxième vague» venue à la rescousse de Corbyn est encore plus grande que la première qui lui avait permis d’être élu à la tête du parti l’an dernier. Elle comprend également un plus grand nombre de travailleurs au côté de l’importante couche de jeunes radicalisés qui avait dominé la première vague.

    Toutes les forces de l’establishment capitaliste, à l’intérieur et à l’extérieur du Labour, tentent de vaincre ce mouvement regroupé derrière Jeremy Corbyn. La décision de la Cour d’appel de soutenir celle du National Executive Committee travailliste d’interdire le droit de vote aux 130.000 nouveaux membres ayant rejoint le Labour après le 12 janvier n’est que le dernier exemple en date du soutien que l’establishment capitaliste est capable de donner aux manœuvres les plus antidémocratiques qui soient de la part de la droite du parti. Un incroyable nombre de 183.000 personnes ont payé les 25£ pour s’enregistrer comme supporters du Labour en 48 heures seulement. Mais il a été signalé que plus de 40.000 d’entre eux vont être exclus pour des raisons qui incluent notamment d’avoir apparemment eu la témérité de qualifier les députés «blairistes» (partisans de la ligne droitière de Tony Blair) de “traîtres” sur les réseaux sociaux. Toutes les réunions des sections locales du Labour ont été annulées, à l’exception de celles consacrée à la nomination du candidat. Un certain nombre de réunions de partisans de Corbyn ont été annulées pour des motifs fallacieux.

    Étant donné jusqu’où la droite est prête à aller pour essayer de l’emporter, ce serait une erreur de faire preuve de complaisance. Les médias capitalistes mènent une campagne électorale unilatéralement en faveur du challenger de Jeremy Corbyn, Owen Smith. Ce dernier a remarquablement tenté de se profiler à gauche, une stratégie désespérée visant à faire appel aux partisans radicalisés de Corbyn. Il a même prétendu être favorable à une «révolution socialiste»! Parallèlement, il a tenté de s’attirer les voix de ceux qui avaient voté pour le maintien de la Grande-Bretagne à l’intérieur de l’Union européenne durant le référendum sur le Brexit en se disant favorable à la tenue d’un second référendum sur l’appartenance à l’UE. L’axe central de sa campagne est cependant que Corbyn est «inéligible» et divise le Parti travailliste, suggérant ainsi que la seule voie pour un gouvernement travailliste passe par son élection. Une couche plus passive de gens pourrait être affectée par cet assaut des médias.

    Jusqu’à présent, la droite semble s’être révélée incapable d’empêcher la réélection de Jeremy. Sa victoire, particulièrement avec une marge confortable, ferait à juste titre le plaisir des centaines de milliers de personnes qui ont rejoint la bataille contre les blairistes. Mais cela ne sera encore que le début et non la fin de cette bataille. Il n’y a aucune chance que la droite accepte l’autorité de Jeremy Corbyn. Elle l’a elle-même explicitement dit. L’ancien conseiller de Tony Blair, John McTernan, a carrément déclaré : «Les révolutions sont inévitablement sanglantes et, n’ayons aucune illusion, reprendre le Parti travailliste des mains de Jeremy Corbyn et John McDonnell nécessite une révolution.» Les gens tels que McTernan sont les véritables «entristes» dans le Parti travailliste, non pas favorables à la révolution, mais à la contre-révolution. Cet homme a encore récemment appelé les conservateurs (les Tories) à «écraser les syndicats des cheminots une bonne fois pour toutes» (The Telegraph, 10 août 2016). De tels propos ne devraient pas prendre place dans un parti précisément historiquement créé par les syndicats afin de promouvoir les intérêts de la majorité de la classe ouvrière.

    L’essence de la lutte en cours dans le Parti travailliste se résume aux intérêts de classe qu’il défendra à l’avenir. Défendra-t-il la classe ouvrière, majoritaire dans la société, et la classe moyenne sans espoir pour l’avenir ou alors l’élite capitaliste ? La droite utilisera tous les moyens nécessaires pour faire à nouveau du Parti travailliste un outil fiable pour les capitalistes. Cependant, à l’heure actuelle, rien ne les pousse à imaginer disposer de beaucoup de chances de succès. Ils titubent sous le choc d’une classe ouvrière radicalisée qui ose désormais intervenir dans «leur» parti et menacer leurs carrières.

    Le Financial Times a publié le 24 juillet dernier un article indicatif de leur détresse, sous la plume du député Jon Cruddas, qui défendait que le «parallèle historique le plus proche (…) ne se trouve pas dans à Westminster, mais à Berlin en 1918», au moment de la révolution allemande. Il compare les députés anti-Corbyn à «Friedrich Ebert [qui] a dirigé le parti social-démocrate (SPD)» et le mouvement en faveur de Jeremy Corbyn aux révolutionnaires «Spartakistes, dont Rosa Luxemburg et Karl Kautsky, [qui] qui ont reçu [leur légitimité] du mouvement des travailleurs, des comités d’usine et des comités ouvriers.» Il ajoute que «Ebert a finalement lâché les Freikorps contre les dirigeants de l’insurrection», ce qui a conduit à l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Il ne propose pas l’assassinat comme un moyen de sortir de la situation qui prévaut actuellement dans le Labour, mais il est très clairement désespéré.

    Une scission de droite ?

    L’une des possibilités est que la droite finisse par scissionner du parti pour constituer une nouvelle formation à la suite de l’élection de la direction. Owen Smith lui-même a déclaré : «Je pense qu’il y a toutes les chances que le parti se divise si Jeremy remporte cette élection.» Bien sûr, à ce stade, personne ne va admettre qu’il à l’intention de faire scission. Mais c’est toujours le cas dans une situation de guerre : tout le monde continue de parler de paix jusqu’au moment de déclarer la guerre.

    Il est toutefois frappant de constater à quel point la droite envisage ouvertement cette possibilité. Il a été révélé que Stephen Kinnock était au centre d’une discussion portant sur une scission de 150 députés du Labour pour créer un nouveau parti. Un tel parti, qu’importe s’il parvient ou non à garder le nom «Labour» serait en mesure de devenir l’opposition officielle (le plus grand parti d’opposition) et donc de recevoir environ 4 millions £ par an de subventions parlementaires. Kinnock envisage la possibilité d’une scission rapide afin de disposer de suffisamment de temps pour constituer un parti de «centre-gauche», c’est-à-dire pro-capitaliste, avant la tenue de nouvelles élections générales.

    Il est cependant toujours possible que la droite hésite et entretienne l’espoir de renverser Corbyn à un moment donné, où que certains quittent le parti tandis que d’autres y restent. Tout comme George Eaton l’a écrit dans le New Statesman: «Nombreux sont ceux qui croient aujourd’hui que ce n’est qu’à travers une élection générale que la lutte interne du parti sera résolue.» Ce qu’ils veulent dire par là est qu’ils attendent que la Première Ministre Teresa May appelle à des élections anticipées donnant la victoire aux Conservateurs pour que la droite puisse espérer vaincre Corbyn et le forcer à démissionner!

    C’est espoir est vain. Il est impossible de dire aujourd’hui si Teresa May appellera oui ou non à des élections anticipées. Même s’il est peu probable qu’elle finisse son mandat en 2020 étant donné l’extrême faiblesse de son gouvernement de même que les profondes divisions au sein du Parti conservateur qu’elle n’a pu que temporairement calmer, d’importantes raisons la poussent à hésiter avant de convoquer immédiatement de nouvelles élections. Premièrement, il y a les conséquences du Brexit. La stratégie actuelle des capitalistes est de faire trainer les choses en longueur autant que possible et d’espérer que l’occasion se présente de faire marche arrière. Ce n’est pas un thème sous lequel Teresa May pourrait battre campagne et espérer remporter une élection générale !

    L’autre problème, c’est qu’en dépit des sondages actuels qui donnent une avance aux Conservateurs, Jeremy Corbyn pourrait bien remporter les élections pour autant qu’il se batte avec un clair programme de classe anti-austérité. C’est un scénario de cauchemar pour la classe capitaliste, en particulier dans le contexte d’une crise économique grandissante, car cela pourrait réveiller l’appétit de la classe ouvrière pour une alternative à l’austérité, en conséquence de quoi un tel gouvernement pourrait être mis sous pression pour adopter des mesures radicales menaçant le système capitaliste.

    Aucun compromis avec la droite !

    Même si la droite décide de temporairement raccrocher les gants et d’attendre pour à nouveau partir à l’offensive, cela ne signifierait pas pour autant un retour à la trêve armée qui existait il y a un an. La guerre civile qui a commencé exige une conclusion, presque indépendamment de la volonté de ses protagonistes. Le chef adjoint du Parti travailliste, Tom Watson, a décrit le genre de mesures que la droite défendrait, y compris l’élection du cabinet fantôme (sorte de gouvernement d’opposition) directement par les députés (ce qui laisserait Jeremy Corbyn isolé au beau milieu d’une équipe de droite) ou encore le retour au précédent système de «collège électoral» pour l’élection du président du parti, en donnant un tiers des voix aux députés et députés européens travaillistes. Cela rendrait beaucoup plus facile à l’appareil de garder en main le contrôle du parti. Mais le changement de l’équilibre des forces au sein du Labour leur rend la tâche très difficile. Ils sont également terrifiés d’être pris un par un dans un processus de désélection (de révocation des élus). Les événements peuvent donc pousser la droite sur la voie de la scission même si elle craint que son nouveau parti ne dispose que d’une base sociale extrêmement limitée.

    Ce qui est essentiel, c’est qu’à la différence de la première victoire de Corbyn en 2015, il n’y ait plus de tentatives de la gauche de trouver un compromis avec les blairistes. Le mouvement autour de Corbyn doit au contraire être organisé et construit afin de consolider et d’accroître les gains jusqu’ici obtenus.

    Un programme anti-austérité sans équivoque doit être adopté et les députés travaillistes doivent y souscrire comme condition préalable pour siéger comme membre du parti. A cela doit être combiné l’introduction d’une procédure de resélection obligatoire permettant aux sections locales du parti de décider démocratiquement de celui qui se tiendra au Parlement en leur nom. La conférence de la fédération syndicale UNITE a adopté une motion proposée par un membre du Socialist Party appelant à la resélection obligatoire. UNITE doit maintenant faire campagne pour que cela soit effectivement adopté lors de la prochaine conférence du Parti travailliste.

    Ceux qui, à gauche, craignent une scission de la droite du Labour doivent faire face à ce que la prévention d’une telle scission nécessite: une capitulation complète devant les éléments pro-capitalistes du parti. Rien d’autre ne satisfera la droite. Cette dernière ne condescendra à s’entendre avec l’aile gauche que si on lui laisse le champ libre, si la carrière de ses représentants est protégée et, plus important encore, si le Parti travailliste se limite entièrement au cadre capitaliste de l’austérité, des privatisations et de la guerre.

    Certains à gauche essayent d’ignorer cette réalité. Ils font valoir que le Labour a toujours été une grande église où les «factions belligérantes» doivent trouver des compromis. Il est vrai que la plupart de l’histoire du parti est marquée par cette «large église», sous la forme d’un parti ouvrier bourgeois.

    Alors que sa direction agissait dans l’intérêt de la classe capitaliste, elle devait composer avec une base de masse à prédominance ouvrière qui, via ses structures démocratiques, a été en mesure d’exercer une influence sur l’orientation du parti. La carrière de l’aile droite dépendait de membres issus de la classe ouvrière. A contre-cœur, elle a été contrainte de tenir compte de leurs opinions. Il y avait une base matérielle derrière cette alliance, particulièrement lors de la période de reprise économique d’après-guerre, alors que le capitalisme s’est vu forcé d’accorder des réformes à la classe ouvrière.

    Cette période est toutefois révolue depuis longtemps déjà. Avant même le début de la crise économique mondiale de 2008, les conquêtes sociales passées de la classe ouvrière étaient sous pression systématique, y compris sous l’effet du New Labour lorsqu’il était au pouvoir. Les blairistes sont parvenus à transformer le Parti travailliste en un parti agissant loyalement selon les désirs de la classe capitaliste. Comparer l’attitude du parti lors des guerres du Vietnam et d’Irak illustre l’ampleur de la profonde transformation de la nature du parti. Le Premier ministre travailliste Harold Wilson fut incapable d’envoyer des troupes soutenir l’impérialisme américain au Vietnam, en dépit de sa volonté de procéder de la sorte. Tony Blair, en revanche, a été en mesure de dire à George Bush: «Je serai avec vous, quoi qu’il puisse se passer.» La conférence travailliste de 2004 s’est elle-aussi placée du côté de Bush en votant massivement pour le soutien de l’occupation de l’Irak. Le parti fut imperméable à la plus grande manifestation anti-guerre de l’Histoire de Grande-Bretagne qui avait eu lieu l’année précédente.

    Refonder le Labour

    L’élection de Jeremy Corbyn représente une rupture essentielle dans l’impasse politique. Cela offre l’occasion de créer un parti de masse de la classe ouvrière, que ce soit ou non sous le nom de «Labour». Il s’agirait d’un grand pas en avant. Les marxistes doivent faire tout leur possible pour aider au développement d’une telle force. Un tel parti, en particulier dans ses premiers jours, serait encore une «large église», dans le sens où il contiendrait inévitablement des groupes aux approches politiques différentes. Le fil rouge devrait toutefois être l’unité contre l’austérité et en défense de mesures visant à améliorer la vie de la majorité sociale – les travailleurs et la classe moyenne.

    Cela seul serait une véritable «alliance progressiste» contrairement à l’idée d’une alliance avec des forces pro-capitalistes telles que les libéraux-démocrates, comme l’a suggéré le journaliste de gauche Paul Mason. A l’opposé de cette approche, il faut unir tous ceux qui sont prêts à souscrire à un programme clairement anti-austérité. Un appel peut être lancé en direction des Verts, des organisations socialistes (parmi lesquelles le Socialist Party et la Coalition des syndicalistes et socialistes, TUSC), des syndicats non affiliés au Labour et des organismes communautaires pour se rassembler sous un même parapluie aux élections tout en conservant leurs propres identités. C’est sur une telle base fédérale que le Parti travailliste a été initialement constitué. Cette version moderne serait un vrai pas en avant et pourrait récupérer un grand nombre des près de cinq millions d’électeurs, principalement issus de la classe ouvrière, que le Parti travailliste a perdu entre 1997 et 2010. Beaucoup d’entre eux ont tout simplement arrêté de voter, d’autres ont protesté en votant pour l’UKIP, les Verts ou, dans certains cas, pour la TUSC, coalition à laquelle participe le Socialist Party.

    Aux premiers jours du Parti travailliste, le Parti socialiste britannique (l’un des précurseurs du Parti communiste) était affilié au Parti travailliste. Le célèbre marxiste écossais John McLean s’est présenté aux élections pour devenir député en 1918 sous la bannière travailliste (il était aussi Consul écossais de Russie à l’époque!). Jusqu’en 1925, les membres du parti communiste pouvaient avoir une double adhésion. Jusqu’à la victoire du blairisme, il y a toujours eu des forces marxistes et trotskystes significatives au sein du Parti travailliste. Lorsque la Militant Tendency (Tendance Militant, qui existe aujourd’hui sous le nom de Socialist Party), a été expulsée du labour, nous avions prévenu que la direction avait franchi le Rubicon et que le processus se terminerait par l’expulsion des voix de la classe ouvrière.

    Il est très positif que Jeremy Corbyn semble globalement en accord avec cette approche des choses. Il a à juste titre rejeté le dossier douteux de Tom Watson paru dans The Observer le 14 août comme étant un «non-sens» et en déclarant: «Nous ne pouvons gagner une élection générale qu’en gagnant des gens qui ne votent pas ou qui votent pour un autre parti. Si quelqu’un a politiquement évolué au point de rejoindre le Parti travailliste, qu’il ait été autrefois membres des Lib-Dems, des Verts ou d’autre chose, c’est très bien. Bienvenue à bord.» Interrogé sur la possibilité que le Socialist Party s’affilie au Labour, il a ajouté: «Je me réjouis d’avoir une conversation avec Peter [Taaffe, secrétaire général du Socialist Party] à un moment donné.»

    Cependant, Pati travailliste refondé ne pourrait pas se contenter d’être un rassemblement des forces politiques de gauche. Il lui serait aussi vital de restaurer les droits démocratiques des syndicats au sein du parti. Un aspect central de la destruction des structures démocratiques du labour fut l’affaiblissement du rôle des syndicats. Le Parti travailliste a été créé par les syndicats dans le but de disposer d’un parti spécifique pour la classe ouvrière. Aujourd’hui, les syndicats restent les plus grandes organisations démocratiques de Grande-Bretagne. Elles impliquent plus de six millions de travailleurs. L’action collective des syndicats a été le principal moyen par lequel les travailleurs ont été en mesure de lutter contre l’austérité. Si les dirigeants syndicaux de la TUC (Trade Union Confederation) avaient été prêts à appeler à une action de grève coordonnée contre l’austérité, à commencer par une grève générale de 24 heures, le gouvernement serait tombé. Pourtant, les syndicats sont restés sans voix politique de masse depuis des décennies. Restaurer leur rôle dans le parti ne doit toutefois pas signifier de reproduire à l’identique le «vote par blocs» du passé, parfois utilisé de manière antidémocratique par les sommets syndicaux. Il faudra assurer la participation active des syndicalistes de base. La reconstruction d’une section jeunes massive et démocratique serait également posée.

    Les scissions ont une base de classe

    Ceux qui excluent l’arrivée d’une scission du Parti travailliste sur des lignes de classe sont les vrais utopistes. Imaginer qu’il soit possible pour Jeremy Corbyn de s’accrocher à la présidence jusqu’à 2020 en mettant la droite en sourdine, comme le font certains à la direction de «Momentum» (un mouvement favorable à Corbyn), c’est entretenir des illusions. Il existe des précédents de scissions au sein du Labour qui ont été, en fin de compte, des manières de protéger les intérêts de la classe capitaliste. En 1981, la scission qui a constitué le Parti social-démocrate (SDP) n’a pas fait beaucoup pour les carrières ministérielles de ceux qui sont partis, mais elle a joué un rôle important pour la classe capitaliste. En emportant 11,5% des voix travaillistes aux élections générales de 1983, elle a contribué, avec la guerre des Malouines, à assurer la défaite du Parti travailliste et Thatcher a pu gagner un second mandat.

    En 1931 s’est présenté un cas différent. A l’époque, 15 députés travaillistes, dirigé par le Premier ministre travailliste Ramsay MacDonald, ont fait scission pour constituer un gouvernement avec les Libéraux et les Conservateurs qui a mis en œuvre une offensive sauvages contre la classe ouvrière. L’expérience comprend un certain nombre de leçon pour aujourd’hui. Herbert Morrison, grand-père de Peter Mandelson, a été invité à rester dans le Labour au lieu de rejoindre la scission avec les traîtres afin défendre les intérêts du capitalisme au sein du parti. Sans aucun doute, même si la grande majorité des députés travaillistes quitte le parti, il ne s’agira pas d’une scission chimiquement pure. Certains à droite resteront dans un Labour dirigé par Corbyn pour des raisons identiques à celles de Morrison à l’époque. Il serait donc encore nécessaire pour Corbyn et ses partisans d’exiger de tous les députés travaillistes de souscrire officiellement à un programme anti-austérité qui les engage à défendre cette politique.

    De nombreux partisans travaillistes craignent qu’une scission n’affaiblisse le parti. En fait, ce serait très exactement le contraire. Certes, en cas de scission, il y aurait peut-être moins de députés travaillistes à Westminster, du moins dans un premier temps. Mais un groupe de députés même limité menant campagne sans relâche contre l’austérité et en défense des travailleurs en lutte ferait beaucoup plus pour la lutte contre les Conservateurs que 232 députés «travaillistes» dont la majorité voteraient en faveur de l’austérité, des privatisations et de la guerre.

    Un Parti travailliste anti-austérité pourrait rapidement engranger des gains électoraux de façon similaire à ce qu’a connu Syriza en Grèce lors de sa victoire de janvier 2015 en défendant à l’époque un programme anti-austérité. En Espagne aussi, la gauche a récemment obtenu des gains rapides sur le terrain électoral. La situation n’est pas directement comparable mais, entre 1931 et 1935, le Labour avait gagné 13,5% aux élections. En 1931, les suffrages travaillistes avaient diminué de près de deux millions par rapport aux élections qui s’étaient tenues deux ans auparavant, mais aux élections générales de 1935, le Labour était de retour au niveau de 1929. Cela, bien sûr, reflétait la colère contre la trahison de Ramsay MacDonald et sa clique. En substance, le rôle d’un nouveau parti de «centre gauche» ne sera pas différent au groupe de MacDonald, il ferait bloc au parlement avec un gouvernement conservateur faible contre Corbyn et la classe ouvrière.

    L’impact d’un parti de gauche

    Un sondage YouGov (2 août) a récemment été utilisé pour démontrer l’impossibilité d’une scission, mais il ne fait rien de la sorte. Il suggère que si la droite fait scission et que Corbyn conserve le nom de «Labour», la gauche recevrait 21% des voix, alors qu’une scission de gauche où la droite garderait le nom du parti recevrait 14% des voix. La différence relativement faible entre ces deux chiffres exprime l’affaiblissement de la fidélité traditionnelle envers le Labour qui a pris place au cours des décennies. La loyauté au «label» travailliste est très faible. De toute évidence, 21% est préférable à 14%, mais dans ces circonstances, ce serait aussi un très bon début pour la construction d’un nouveau parti autour d’un programme anti-austérité.

    Un tel parti pourrait rapidement gagner du terrain électoralement en offrant une alternative aux coupes budgétaires sans fin, aux privatisations et à la misère croissante. En revanche, les présidences du parti de Brown et Miliband ont démontré qu’il existe un appétit limité pour un parti travailliste défenseur d’une austérité «light» et qui appliquerait essentiellement une version édulcorée des politiques conservatrices. Mais même si un Parti travailliste de droite était en passe de conquérir le pouvoir, ce serait pour faire quoi ? Si c’est pour appliquer une politique capitaliste, alors ce sera au détriment des intérêts de la majorité dans la société.

    En revanche, un parti dirigé par la gauche, sous le nom de Labour ou sous un autre, serait en mesure de faire avancer les intérêts des travailleurs dès le premier jour, et d’engranger des gains électoraux en raison de cela. Owen Smith a défini ce qui le sépare de Corbyn en disant que toute la question était de savoir si le changement devait venir de l’intérieur ou de l’extérieur du Parlement. Il a notamment reproché à Corbyn de parcourir le pays pour construire un mouvement et de ne pas s’inquiéter des élections.

    Tout d’abord, Owen Smith n’a aucune preuve pour affirmer que Jeremy Corbyn ne se soucie pas des élections. Mais suggérer qu’aucun changement n’a été acquis en dehors du parlement depuis l’instauration du suffrage universel est une preuve de complet «crétinisme parlementaire». Les exemples sont innombrables. C’est la grève Ford Dagenham qui a imposé la Loi sur l’égalité salariale entre hommes et femmes adoptée par le Parlement. C’est la menace d’une grève générale qui a forcé la libération des dockers emprisonnés en 1972. Ce sont les 18 millions de personnes qui ont refusé de payer la Poll Tax qui ont mis fin au règne de Margaret Thatcher et qui ont forcé le gouvernement de John Major d’abolir la taxe.

    Comme pour résumer leur idiotie, un des films produit par l’aile droite (Saving Labour) commence en expliquant platement que manifester n’a jamais changé quoi que ce soit. Ce slogan était imposé sur deux manifestations à Liverpool, l’une en soutien de Corbyn, l’autre en soutien au conseil municipal de Liverpool en 1984. A l’époque, le conseil municipal travailliste, dans lequel les partisans de la Tendance Militant ont joué un rôle central, a arraché 60 millions £ du gouvernement conservateur et a été en mesure de construire 5.000 logements sociaux, d’ouvrir six nouvelles crèches, quatre collèges, six centres de loisirs et bien plus encore. Il n’aurait pas été possible de faire tout cela en passant tout simplement par le conseil. Une approche audacieuse à l’intérieur du conseil municipal combinée à des manifestations massives, au secteur public en grève générale et à la grève des mineurs qui se déroulait en même temps, c’est tout cela qui a forcé le gouvernement Thatcher à faire de sérieuses concessions.

    L’année suivante le conseil de Liverpool et celui de Lambeth ont été défait en raison de la trahison de Neil Kinnock et de la direction du Parti travailliste. Mais ses réalisations sont toujours là, en briques et en mortier. Jeremy Corbyn, qui a soutenu la lutte du conseil municipal de Liverpool à l’époque, a commis une erreur en n’y faisant pas référence dans son discours au récent meeting de masse tenu à Liverpool. Il n’a pas jusqu’à présent pas pris de position sans équivoque concernant le fait que les conseils municipaux travaillistes doivent refuser d’appliquer l’austérité et les coupes budgétaires, en dépit des conférences des syndicats UNITE et GMB appelant à les conseils municipaux à adopter des budgets municipaux sans aucune coupe budgétaire.

    Imaginez si, après presque une décennie de coupes budgétaires brutales qui ont laissé les budgets municipaux exsangues (en moyenne de 40% moindres à ceux de 2008), un certain nombre de conseils – même une poignée – refusaient de mettre en œuvre les réductions budgétaires et se soutenaient comme l’avaient fait à l’époque les conseils de Poplar, Liverpool, Lambeth et Clay Cross. Imaginez si ces conseils disposaient du soutien sans faille du parti de Jeremy Corbyn au Parlement, quel que soit son nom. Une telle lutte – étant donné toute la colère accumulée contre l’austérité – serait très populaire. Il serait non seulement possible de gagner, mais aussi d’organiser la lutter contre les conservateurs pour forcer la tenue de nouvelles élections à partir desquelles serait posée la possibilité de l’arrivée au pouvoir du parti de Corbyn. Il s’agit juste d’un exemple de la manière dont un parti de gauche au Parlement, même avec tout d’abord un petit nombre de députés, pourrait agir en tant que porte-voix de la classe ouvrière et du mouvement anti-austérité, déplaçant ainsi la balance de forces dans la société dans le sens de la classe ouvrière.

    Renverser le capitalisme

    Le Socialist Party soutient Jeremy Corbyn dans son combat contre la droite et soutient chaque étape positive franchie. Mais nous cherchons également à pousser le mouvement encore plus vers la gauche en avertissant des retraites qui peuvent, à un stade ultérieur, conduire à des défaites.

    Le programme électoral de 2016 de Jeremy soulève de nombreux aspects positifs qui résonnent parmi les travailleurs et sont très populaires, y compris son appel à l’instauration d’un salaire minimum de 10 £ de l’heure, sa promesse de construire un million de logements (des logements sociaux pour moitié) et d’introduire le contrôle des loyers dans le secteur privé. Ses promesses de renationalisation des chemins de fer et de fin de la privatisation des services de santé aura également un soutien généralisé. L’idée d’une banque nationale d’investissement avec 500 milliards £ à dépenser dans des investissements publics payés par l’augmentation des taxes sur «les plus hauts revenus» est la bienvenue. Dans son interview au magazine The Observer (14 août), Jeremy a réitéré son soutien à l’abolition des frais de scolarité et à la réintroduction d’une bourse d’étude.

    Dans le même temps, il a cependant reculé concernant son appel initial à la nationalisation des compagnies d’énergie, plaidant maintenant uniquement pour «une participation accrue de la communauté». Malheureusement, son appel à la renationalisation des chemins de fer se limite à leur reprise en main publique quand les franchises arrivent à échéance, ce qui signifie qu’après cinq ans de gouvernement travailliste, seuls deux tiers des chemins de fer seraient sous propriété publique. Il n’a pas non plus clairement appelé à renationalisation de l’industrie de l’acier, en dépit de cette nécessité écrasante. Cela reflète une réticence à tirer toutes les conclusions qui s’imposent sur la manière de défendre les intérêts de la classe ouvrière. Il ne faut pas accepter mais bien défier ce que l’ancien conseiller économique de Jeremy Corbyn David Blanchflower a appelé «les réalités modernes du capitalisme et des marchés» (The Guardian, 2 août). Blanchflower est maintenant ardent partisan d’Owen Smith.

    Les capitalistes résistent avec véhémence à un plus grand rôle de l’Etat et à l’augmentation des taxes. Pour mettre en œuvre le programme, même modeste, de Jeremy Corbyn, «l’action extra-parlementaire» sera cruciale, ce qui signifie la mobilisation active de la classe ouvrière en soutien aux politiques d’un gouvernement de gauche.

    Le programme actuel de Jeremy Corbyn représente un véritable pas en avant par rapport aux politiques pro-capitalistes des précédents dirigeants travaillistes. Il se situe toutefois en deçà d’un programme socialiste. La nécessité d’un tel programme sera posée par les événements. L’expérience de SYRIZA en Grèce, où la direction d’un parti anti-austérité a capitulé sous la pression des grandes entreprises et appliqua actuellement lui-même l’austérité, démontre que vaincre l’austérité est lié à la lutte pour le socialisme.

    L’austérité sans fin et les inégalités croissantes ne sont pas des accidents. Cela découle des besoins fondamentaux du capitalisme, un système où les profits de quelques-uns sont réalisés au détriment de la majorité. Cependant, l’énorme avantage de la création d’un parti de masse des travailleurs, chose maintenant à l’ordre du jour, est qu’il fournirait un forum où les travailleurs et la jeunesse pourraient discuter et débattre de la manière d’atteindre le renversement du capitalisme et la construction d’une société socialiste démocratique.

  • France: L’interdiction du burkini alimente l’islamophobie

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    Pour l’unité des travailleurs contre le racisme, la division et l’austérité

    La décision d’une trentaine de maires du Sud de la France d’interdire des plages le port de maillots de bain ‘burkini’, au motif fallacieux «d’incitation au terrorisme» et de «menace sur la sécurité publique» a suscité l’indignation internationale. En dépit d’une décision judiciaire rejetant cette interdiction anticonstitutionnelle, les maires en question affirment vouloir poursuivre sur cette voie. La question est devenue le centre d’un jeu dégoûtant en contrecoup des récents attentats terroristes en France.

    Par Judy Beishon, article tire de The Socialist (hebdomadaire du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Le maire de Cannes, David Lisnard, a été le premier à émettre une interdiction temporaire du port du burkini sur la plage en août. Plus de 20 autres maires ont par la suite émis des interdictions semblables. Les décrets ont été formulés contre les «maillots de bain montrant l’appartenance religieuse» mais les burkinis – un maillot de bain couvrant la majeure partie du corps – étaient clairement ciblés. Pour David Lisnar, il s’agit d’un «symbole de l’extrémisme islamique» qui «risquerait de perturber l’ordre public tandis que la France a été la cible d’attaques terroristes.»

    Très peu de burkinis sont portés sur les plages françaises. Ces édits et les interventions policières ultérieures représentent une offensive propagandiste motivée de manière flagrante contre les musulmanes qui se rendent à la plage pour se détendre.

    Ces interdictions draconiennes sont venues de maires des deux principaux partis politiques pro-capitalistes français – Les Républicains (LR, droit officielle) et quelques-uns du Parti soi-disant «socialiste» du président François Hollande – et servent de moyen de diversion face à la complète absence de véritable solution de ces politiciens quant à la prévention du terrorisme ou à la manière de remettre sur ses rails l’économie française en déclin.

    Les ministres du gouvernement ont adoptés des positions divergentes sur les événements. Le Premier ministre Manuel Valls a été parmi les partisans des interdictions, exacerbant ainsi les divisions au sein de son parti, alors que la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem a sèchement souligné: « Rien n’établit de lien entre terrorisme, Daech, et tenue d’une femme sur une plage.”

    Le Conseil d’Etat, peut-être inquiété par l’incrédulité et les condamnations qui s’élevaient sur la scène internationale, s’est prononcé, vendredi 26 août, contre l’arrêté «anti-burkini» de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes). Un certain nombre de maires de droite ont promis de maintenir leurs interdictions en dépit de cette décision, et le maire de Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca (membre de l’Assemblée Nationale, LR) a clairement indiqué qu’il continuera d’utiliser la question, attisant ainsi le racisme et la division. Il a déclaré que la décision du Conseil d’Etat stimulerait «l’Islamisation rampante» et que «loin de calmer les choses, cette décision ne peut qu’accroître les passions et les tensions, avec le risque de problèmes que nous voulions éviter.»

    Ce sont les paroles et les actes de ces hommes politiques pro-capitalistes favorables à l’interdiction du burkini qui exacerbent les tensions. En stigmatisant tous les musulmans, ils créent un climat qui verra l’augmentation de l’aliénation des jeunes musulmans ainsi qu’un plus grand nombre d’agressions racistes, physiques et autres, sur les musulmans. Loin de réduire l’influence de la très petite minorité de djihadistes, ils leur donnent de cette manière une manière de se présenter comme les défenseurs des droits des musulmanes condamnées à une amende pour ce qu’elles portent.

    L’interdiction des burkinis est en outre susceptible d’augmenter leur utilisation. Combien de personnes avaient d’ailleurs entendu parler d’un burkini ou en avait vu un seul avant que ces maires ne lancent leurs attaques? Aujourd’hui, les initiateurs australiens de ces burkinis déclarent que leurs ventes ont augmenté. Après l’imposition de l’interdiction du port du voile intégral sur les lieux publics en 2011 par l’ancien président Nicolas Sarkozy, diverses estimations ont indiqué une augmentation du nombre de femmes qui y avaient recours tandis qu’un nombre incalculable peut avoir cessé de quitter leurs maisons. Maintenant, nombreuses sont celles qui se voient interdire de se rendre à la plage.

    La position scandaleuse et polarisatrice de Lionnel Luca, député-maire LR de Villeneuve-Loubet, et d’autres qui ont pataugé dans cette question, a sans doute été motivée dans la perspective des élections présidentielles et législatives de 2017 afin d’instrumentaliser la peur de la mondialisation, de l’immigration et du terrorisme à des fins électorales. Le meilleur exemple est à ce titre celui de Nicolas Sarkozy qui veut être réélu président l’année prochaine et qui tente de prendre des voix au Front National de Marine Le Pen en soutenant pleinement les interdictions de burkinis.

    Sarkozy a fortement soutenu les interdictions, qualifiant le burkini de «provocation d’un islam politique qui teste la résistance de la démocratie.» Il s’est aussi déclaré désireux d’étendre les interdictions au niveau national et également d’élargir cette interdiction au port du voile «à l’école, à l’université, dans les services publics, les entreprises. »

    Les droits des femmes

    Mis à part les questions «d’ordre public» et de lutte contre le terrorisme (en passant par la fausse question de l’hygiène publique qui a même été soulevée!), le respect des droits des femmes et la promotion de la laïcité ont été des prétextes majeurs derrières ces interdictions du burkini. Certains partisans des interdictions – surtout à “gauche” – ont justifié leur position en raison de ces deux questions, en reconnaissant que les codes vestimentaires impliquant le recouvrement des corps des femmes peuvent constituer un symbole de contrôle des femmes par les hommes. Certes, aucune femme ne devrait être forcée à porter (ou non) un vêtement contre son gré, que ce soit pour des raisons religieuses ou morales, dans tous les pays du monde.

    Mais les lois destinées à les découvrir ou les couvrir ne vont pas aider la lutte pour l’obtention de ce droit fondamental; elles favorisent plutôt la division tout en limitant le droit de chaque femme de décider elle-même de ce qu’elle veut porter ou non. Le sécularisme des institutions publiques doit être défendu, tout comme le droit de tout individu de pratiquer une religion et de revêtir ce qu’il choisit aussi longtemps qu’il ne cherche pas à imposer ses croyances à quelqu’un d’autre.

    Les femmes ne portent pas le voile ou le burkini uniquement pour des raisons religieuses. Pour certaines, il s’agit de tradition, de culture ou d’identité ; pour éviter les regards sur leur corps ou tout simplement pour protéger leur peau du soleil. Pour d’autres, il s’agit de montrer leur opposition au racisme ou aux guerres impérialistes qui ont tué des centaines de milliers de musulmans.

    Le fait que les politiciens capitalistes favorables à l’interdiction du burkini ne puisent en réalité pas leurs motivations dans la défense des droits des femmes est illustré par leur soutien aux mesures d’austérité sauvages (contre les pensions, les emplois, les conditions de travail,…) qui frappent les femmes avec encore plus d’impact.

    L’axe central de l’amélioration considérable de la vie des musulmanes de même que de toutes les femmes de la classe des travailleurs et de la classe moyenne passe par le rejet de l’austérité et l’instauration d’un programme de création d’emplois décents avec égalité salariale, d’augmentation des allocations sociales, de construction de logements sociaux véritablement abordables ou encore de crèches gratuites.

    La répression d’État

    Après le terrible massacre de 86 personnes à Nice le 14 juillet lorsqu’une personne à bord d’un camion est passée dans la foule, le gouvernement français a prolongé l’état d’urgence introduit après les attentats terroristes de Paris l’année dernière. Cela ne va pas empêcher que de nouvelles atrocités soient commises, comme l’a illustré une semaine plus tard l’assassinat brutal revendiqué par l’Etat Islamique d’un prêtre catholique dans une église près de Rouen. L’extension des pouvoirs de la police et le déploiement de milliers de soldats dans les rues ne sont qu’une manière pour le gouvernement de montrer qu’il fait quelque chose. La tentative est bien vaine comme en témoigne le très faible taux de popularité de François Hollande.

    Les mesures répressives exceptionnelles ont un but spécifique pour gouvernement : elles peuvent être utilisées – et l’ont été – contre les manifestants opposés aux politiques gouvernementales. Des protestations écologistes ont fait face à des restrictions, de même que certains participants aux mouvements de masse de cette année contre la «Loi Travail».

    Ce mouvement a impliqué des millions de travailleurs des secteurs public et privé dans un cycle d’actions et de manifestations contre une loi qui ouvre la porte à de plus longs horaires, à moins de sécurité d’emploi et à d’autres mesures qui équivalent à une charte pro-patronale au détriment des travailleurs. Ce mouvement comprenait les blocus des raffineries de pétrole; des grèves dans les chemins de fer, dans les centrales nucléaires et ailleurs ainsi que la participation de la jeunesse des écoles secondaires et des universités ou encore les débats des rassemblements “Nuit Debout” dans les centres villes. Parallèlement, des centaines de grèves ont éclaté sur d’autres questions: le salaire ou les conditions de travail chez les contrôleurs de la circulation aérienne, les pilotes et d’autres travailleurs.

    C’est par le développement de tels mouvements de masse unitaires des travailleurs, au côté d’une réelle représentation politique des travailleurs,  qu’il sera possible de combattre les partisans du terrorisme et les conditions qui leur ont permis de se développer que ce soit au Moyen-Orient, en France ou ailleurs.

    Les dévastations en Irak et en Afghanistan pendant et après les brutales occupations impérialistes occidentales ont créé le terreau de l’escalade terroriste. Ajoutons à cette image catastrophique – et à  la guerre en Syrie et aux interventions militaires françaises en Afrique – la discrimination et la pauvreté subie par de nombreux musulmans et d’autres sections de la classe ouvrière en France et alors prend forme le contexte sous-jacent aux atrocités terroristes en France. L’extrême droite et le terrorisme se nourrissent du mécontentement, de la colère, du désespoir, des inégalités, des discriminations et de la pauvreté.

    L’Islam politique de droite, qui prend la forme d’organisations telles que l’Etat Islamique, doit être fortement combattu, à la fois à cause des atrocités commises ainsi qu’en raison de leur idéologie réactionnaire profondément contraire aux intérêts de la classe ouvrière et de l’égalité des femmes.

    Une écrasante majorité des musulmans condamnent le terrorisme. Ils représentent d’ailleurs la majorité des victimes de celui-ci à travers le monde. Même à Nice, environ un tiers des personnes fauchées par le chauffeur de camion étaient musulmanes.

    Un dixième de la population active en France est au chômage, environ 17% de ceux issus de l’immigration et encore plus parmi la jeunesse. la croissance économique fut de zéro en France dans le trimestre avril-juin de cette année, ce qui illustre la maladie du capitalisme français – comme du système capitaliste à travers le monde.

    La réponse ne réside pas dans des mesures qui s’apparentent à des écrans de fumée de l’Etat aggravant le racisme et la division, mais chez les travailleurs unis dans l’action en posant jeter les bases de la construction du nouveau parti pour et par les travailleurs, authentiquement socialiste, propre à lutter contre le racisme, le sexisme et toute l’austérité.

  • Journée internationale d’action pour le droit à l’avortement en Irlande

    irlandeMercredi 28 septembre, à 18:30, devant l’ambassade irlandaise (180 chaussée d’Etterbeek, 1040 Etterbeek)

    Le 28 septembre est la journée internationale d’action pour le droit à l’accès à un avortement sûr et légal. Cette année encore, suite à l’appel de ROSA Irlande (campagne pour des droits Reproductifs, contre l’Oppression, le Sexisme & l’Austérité), des militants pro-choix à travers le monde organiseront des actions de solidarité.

    En effet, en Irlande, l’avortement est toujours interdit et lourdement sanctionné. Le 8ème amendement ancre d’ailleurs cette interdiction dans la constitution. Les mobilisations à venir sont essentielles car, en octobre, le parlement Irlandais débâtera de la proposition de loi de notre parlementaire Ruth Coppinger (Socialist Party, notre parti frère en Irlande) pour l’abrogation du 8ème amendement.

    L’objectif est donc de mettre la pression sur politiciens et le gouvernement irlandais pour le vote de cette loi à l’aide d’actions locales et internationales.

     

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  • [DOSSIER] Brexit. L'élite capitaliste plongée dans un profond désarroi

    brexit01Le vote pour quitter l’Union européenne a ébranlé l’ensemble des institutions capitalistes au Royaume-Uni et partout dans le monde. Il ne s’agit en fait que de rien d’autre qu’une nouvelle expression de la colère populaire face à la misère de masse et à l’austérité brutale, en plus d’un sentiment de révolte grandissante contre l’ensemble des élites. Et de nouvelles secousses vont encore se faire sentir sur le plan politique.

    Par Peter Taaffe, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Face à cette révolte populaire, les stratèges du capital ont été entendus se dire en privé : « Le peuple a parlé… ces salauds ! ». À la suite du référendum sur l’Union européenne, nous avons été témoins de cette démonstration publique de la fureur avec laquelle le « commentariat » bourgeois a exprimé tout son mépris à peine contenu envers tous ceux qui osent défier les grandes puissances en votant pour « quitter ». Polly Toynbee, écrivant dans le Guardian, a donné libre cours à sa rage contre tous ces électeurs « sans aucune éducation » qui se sont dressés en masse contre l’austérité. Donald Tusk, président du Conseil européen, a déclaré que la décision des Britanniques représente « le début de l’anéantissement non seulement de l’Union européenne, mais aussi de la civilisation politique occidentale » (Financial Times).

    La victoire du « quitter » dans le référendum a déjà eu d’immenses répercussions sur l’avenir du Royaume-Uni, en particulier pour le mouvement syndical, au Royaume-Uni comme dans le reste de l’Europe. Le résultat du scrutin (52 % contre 48 %) représente fondamentalement une révolte essentiellement prolétarienne contre l’austérité et contre le gouvernement des millionnaires dirigé par David Cameron et George Osborne qui a dévasté le niveau de vie de la population dans toutes ses composantes.

    Il est totalement erroné de tirer, comme l’ont fait certains groupes de gauche, la conclusion absolument pessimiste selon laquelle ce résultat ne serait qu’un « carnaval de réaction », qui va encourager les forces de droite en Europe et ailleurs. Il ne fait aucun doute que la droite européenne va tenter d’exploiter ce résultat en sa faveur. Mais la conférence du Bloc de gauche au Portugal qui a été organisée immédiatement après ce scrutin a montré que les représentants du mouvement syndical en Grèce, en France et en Espagne se sentent renforcés par le résultat du référendum.

    Il n’est pas dit que la réaction, incarnée par des individus tels que Boris Johnson (l’ancien maire de Londres, conservateur et qui a fait campagne pour « quitter ») ou Michael Glove, gagnera automatiquement le pouvoir après la démission de Cameron, gagnant ainsi une position pour renforcer sa base et remporter les prochaines élections nationales. En réalité, la droite peut fort bien se retrouver vaincue. Encore la veille du référendum, les enseignants ont exprimé leur opposition aux plans du gouvernements concernant leur secteur en votant à 90 % le départ en grève à partir du 5 juillet. En fait, on voit une mini vague de grèves en train de monter au Royaume-Uni, déjà entamée avec les travailleurs du rail et le syndicat des boulangers.

    Une opposition contre l’ensemble de la classe dirigeante

    De nombreux travailleurs qui sont entrés en conflit avec le gouvernement se sont emparés de la chance qui leur était offerte par le référendum pour infliger un coup à leur ennemi juré : l’affreux Cameron et son acolyte Osborne. Ce que ce vote n’a pas exprimé, est un soutien à Johnson contre Cameron. Au contraire, le lendemain du référendum, Johnson a été hué en sortant de sa maison, et pas seulement par des gens qui avaient voté « rester ».

    Dans les jours qui ont suivi le référendum, les militants du Parti socialiste (CIO) qui vendaient notre journal dans la rue ont rencontré de nombreuses personnes qui avaient voté pour « rester » mais qui, à travers la discussion avec nos camarades, ont été convaincu de nos arguments pour leur expliquer pourquoi le « quitter » était en réalité le résultat le plus intéressant, d’un point de vue de classe. On voit ainsi ce qui aurait été possible si les dirigeants du mouvement syndical ne s’étaient pas laissés entrainer dans le camp du commandant en chef de l’austérité, Cameron, qui a à présent été rejeté dans la poubelle de l’histoire, comme nous l’avions prédit au cas où il perdrait le référendum.

    Le rapport de forces entre la classe prolétaire organisée et ses alliés d’une part et le gouvernement des capitalistes d’autre part peut être renforcé en faveur des syndicats et du mouvement ouvrier si seulement ces forces prolétariennes tirent des conclusions combattives par rapport au résultat de ce scrutin. Car le résultat du référendum, loin de pétrifier les forces impliquées dans le camp du « quitter », représente bel et bien une révolte majeure de la population de simples citoyens travailleurs contre l’élite dirigeante.

    Il est vrai que le caractère binaire d’un référendum (« Pour » ou « Contre ») permet à différents participants de voter pour la même position que d’autres personnes qui ne partagent pas les mêmes intére?ts, voire des intérêts de classe opposés, car chacun peut adopter cette position pour des raisons complètement différentes. Cela peut biaiser le résultat final sur le plan politique, en rendant difficile le fait de tirer une conclusion générale claire. Mais pas dans ce cas-ci. Les arrondissements et régions qui votent traditionnellement à gauche se sont massivement exprimés contre le gouvernement des « bouchers » Cameron et Osborne ; seules l’Irlande du Nord, l’Écosse et Londres ont globalement voté pour « rester ». Même là où le « rester » a fini par obtenir la majorité, on a vu s’exprimer une détermination typiquement prolétarienne de « leur montrer » (aux Conservateurs et à l’élite dirigeante) que « trop c’est trop ».

    D’un autre côté, on estime que trois quarts des jeunes ont voté pour « rester », ce qui révèle une tendance compréhensible, bien que déformée, à exprimer un vote internationaliste. Beaucoup de ces jeunes ont voté en partant du point de vue erroné que l’Union européenne serait un facteur progressiste : une ouverture vers l’Europe et le reste du monde. Ce sentiment a été exploité de manière répugnante par les Conservateurs partisans du « rester » ainsi que par leurs partisans. Comme l’a toujours dit le Parti socialiste et le CIO dans son ensemble, l’Union européenne n’est rien d’autre qu’une construction néolibérale, une machine capitaliste et impérialiste d’exploitation qui opprime non seulement la classe prolétaire européenne mais aussi, via divers accords commerciaux, l’ensemble des masses du monde néocolonial.

    On a vu une détermination d’acier, particulièrement dans les quartiers populaires, à sortir en masse pour voter « quitter ». Et ce, malgré une incroyable campagne d’intimidation et de haine menée par le front des économistes bourgeois, tous alignés pour prédire que le ciel allait nous tomber sur la tête, qu’il y aurait une nouvelle crise économique, l’apocalypse et une troisième guerre mondiale si les « gens » ne votaient pas « correctement », c’est-à-dire, pour le « rester ». On a vu une détermination à prendre une revanche sur les « riches », sur tous ceux qui n’ont pas à subir la misère que les Conservateurs et le capitalisme ont créée. On a vu une participation des masses sans précédent dans certains quartiers populaires, y compris dans les quartiers de logements sociaux, avec un impressionnant taux de participation à 72 %, plus élevé que lors des élections nationales.

    Défendre les bons intérêts

    C’est vrai que le Parti de l’indépendance du Royaume-Uni, une organisation raciste, était pour « quitter », tout comme le brutal duo capitaliste conservateur de Johnson et Gove, qui ont concentré leur campagne sur des attaques contre les immigrés. Il ne fait aucun doute que certains travailleurs ont été séduits par le discours anti-immigrés propagé par ces forces réactionnaires. C’était particulièrement le cas parce que la direction officielle du mouvement ouvrier, que ce soit celle des syndicats ou celle du Parti travailliste, s’est laissée prendre à leur jeu, en abandonnant complètement tout programme indépendant de classe, socialiste et internationaliste. Le Parti socialiste a adopté cette approche de classe, que ce soit dans ce référendum ou dans celui de 1975 (sur l’adhésion à l’UE), au cours duquel Jeremy Corbyn avait d’ailleurs défendu la même position anti-UE que nous.

    Malheureusement, Jeremy s’est laissé aujourd’hui piéger derrière les lignes ennemies, retenu là par les créatures blairites qui étaient pour « rester ». Et ces mêmes comploteurs, Hilary Benn et autres, l’ont bien récompensé en organisant à présent un véritable coup d’État contre lui pour le chasser de la tête du Parti travailliste. Quelle que soit la position adoptée par Jeremy, l’aile droite du Parti travailliste est prête à l’accuser de n’importe quoi, y compris pour le mauvais temps. Ces gens l’ont forcé (très clairement à contrecœur) à adopter la position de « rester ». S’il l’acceptait, il était condamné ; s’il refusait, il aurait encore plus été attaqué !

    Tout au long de la campagne, nous avons mis en avant le fait que si Jeremy avait adopté une position claire contre l’UE en y apportant des arguments socialistes et internationalistes, en portant la revendication d’une Grande-Bretagne socialiste rattachée à une nouvelle Confédération socialiste d’Europe, il aurait considérablement renforcé sa propre position. Le choix alors ne se serait plus porté entre deux factions de la droite, mais on serait rapidement arrivé à de nouvelles élections nationales qui nous auraient permis de dégager tous ces vauriens en même temps. Le rapport de forces qui aurait pu se développé sur base d’une telle campagne aurait certainement fait en sorte que cet appel soit directement très largement suivi.

    De nombreux travailleurs rejettent le programme de division raciste avancé par la droite nationaliste, mais sont néanmoins préoccupés, à juste titre, par le manque de ressources, de places dans les écoles, de logements, etc. dans les quartiers populaires déjà surpeuplés. Il y a une véritable peur de voir se développer une « course vers le bas », par laquelle de plus en plus d’emplois mal payés et à « zéro heures » seront créés. La solution à ce problème n’est pas d’accuser les immigrés, mais d’avancer un programme exigeant plus de budget pour la construction de logements sociaux, d’écoles, etc. (Rappelons au passage qu’il y a 50 000 logements vides rien qu’à Londres).

    Aucune indication d’un tel programme n’a malheureusement été entendue du côté des dirigeants du mouvement syndical et du parti travailliste, qui ont préféré passer leur temps à se faire prendre en photo aux côtés des ennemis jurés de la classe prolétaire, qu’ils se battent pour « quitter » ou pour « rester ». Nous avons eu droit au spectacle du maire de Londres, M. Sadiq Khan (Parti travailliste), paradant avec Cameron pour « attaquer » Johnson dans une défense commune de l’UE capitaliste. Le même cadre travailliste, lors de sa campagne électorale, avait également défendu l’idée qu’il faudrait plus de milliardaires à Londres – une ville qui en compte déjà 141, soit le plus grand nombre de milliardaires au monde dans une même ville ! C’est cette attitude qui a justement permis à Johnson (ex-maire de Londres, conservateur) de recourir à toute sa démagogie pour dénoncer les inégalités créées par l’UE et se présenter dans la foulée comme un « défenseur des simples citoyens ».

    Le mythe de « l’Europe sociale »

    Tony Blair, qui, au moment de la guerre d’Irak, était accusé de « mentir comme il respire », a fait une nouvelle apparition dans ce même registre lorsqu’il a tout à coup commencé à vouloir se faire défenseur des droits syndicaux. Dans un article du Daily Mirror, il a eu le culot d’écrire « n’abandonnez pas les droits des travailleurs » ! Lui qui avait pourtant passé treize ans au pouvoir à maintenir coute que coute l’ensemble des lois antisyndicales héritées de Thatcher ! Frances O’Gradey, la nullité qui sert de secrétaire générale au Congrès syndical (TUC), est quant à elle venu déclarer que, selon ses calculs, chaque travailleur perdrait 38 £ par semaine d’ici 2030, à moins de se ranger derrière l’UE des patrons.

    Alors que tout progrès social, toute victoire qui a permis de relever le niveau de vie des travailleurs, est toujours venu des syndicats en tant qu’organisations combatives, voici que les dirigeants des mêmes syndicats imputent maintenant ces victoires à l’UE plutôt qu’à leurs propres organisations ! Il ne peut y avoir plus grande expression de la faillite totale de ce qui sert aujourd’hui de direction à la plus grande fédération syndicale du Royaume-Uni.

    Si les syndicats se sont retrouvés dans cette position peu reluisante, c’est du fait de leur adaptation à l’UE capitaliste. En 1988, le commissaire européen Jacques Delors avait donné aux dirigeants syndicaux une possibilité de salut malgré toute une série de graves défaites durant les années ’80 (la grève des mineurs, Wapping, l’effondrement de la lutte contre les coupes budgétaires des conseils communaux, etc.), en leur vendant le concept d’une « Europe sociale ». Cela n’a toujours été qu’une fausse perspective. En effet, toute loi destinée à garantir les droits des travailleurs ne peut jamais être obtenue et appliquée que du fait d’une lutte syndicale et d’un rapport de force en faveur des travailleurs – jamais on n’a vu une telle loi tomber du ciel. Mais les dirigeants syndicaux, en gage de gratitude, ont chanté les louanges de « Frère Jacques » qui semblait avoir ainsi trouvé une manière bon marché (et ne requérant aucune lutte) de garantir les droits des travailleurs.

    C’est de là qu’est venue cette politique de collaboration de classes appelée « partenariat social » qui, tant que l’économie connaissait une croissance, a permis d’obtenir quelques acquis limités. Mais dès que la crise économique a frappé, en particulier à partir de 2007-2008, suivie d’une période prolongée de croissance extrêmement faible, cette politique de « partenariat » s’est changée en son contraire : un niveau de vie qui stagne ou qui recule, et une absence de riposte vis-à-vis des attaques patronales menées sur tous les fronts.

    Il est donc scandaleux de voir que le Congrès syndical n’a pas organisé la moindre véritable action de grève contre la dernière offensive menée par Cameron et Osborne contre les droits syndicaux. Les dirigeants syndicaux ont préféré éviter cela en proposant un nouvel accord de collaboration au gouvernement : ils feraient campagne pour rester dans l’UE, en échange de quelques concessions mineures par rapport à certaines régulations du travail, etc., promises par le gouvernement.

    Un projet néolibéral

    L’argument de Blair et d’O’Grady, comme quoi l’UE défend les droits des travailleurs par des mesures telles que la limitation du temps de travail, etc. est une véritable plaisanterie. Toute loi favorisant les travailleurs et les syndicats n’est jamais, en dernier recours, que le résultat et l’expression de la puissance et de l’organisation des syndicats, et non pas d’une quelconque tendance « progressiste » dans le chef des organisations patronales telles que l’UE. De plus, au cours de la campagne pour le référendum, on a vu certains des entreprises les plus brutales et les plus cupides d’Europe, telles que les lignes d’aviation EasyJet et Ryanair, démontrer une fois de plus quel peu de cas elles font des régulations européennes censées protéger les droits des travailleurs, tout en faisant pourtant elles-mêmes campagne pour « rester » dans l’UE.

    Ces entreprises ont proposé que l’UE coordonne cet été les actions destinées à éviter les mauvaises conséquences de la grève des contrôleurs aériens français, en permettant aux contrôleurs allemands de reprendre leur travail à leur place. Souvenons-nous que Ronald Reagan, le président qui a inauguré l’ère sombre du néolibéralisme aux États-Unis, avait commencé son œuvre en vainquant de manière décisive les contrôleurs du ciel de son pays en 1981. Les conditions ainsi créées ont constitué un précédent pour tous les autres patrons aux États-Unis. Le fait que de telles mesures puissent être à présent proposées à l’UE démontre bien la brutalité de son caractère néolibéral.

    Il devrait suffire de mentionner ne serait-ce que l’historique de toutes les privatisations imposées par l’UE, notamment dans le cadre de sa relation avec la Grèce, pour qu’il soit clair que la seule position syndicale valable est le « quitter ». L’UE a imposé à la Grèce un plan de privatisations massif de 71 000 entreprises et propriétés, y compris la vente des aéroports régionaux. Aux yeux d’un travailleur grec, l’idée d’une UE « progressiste » entre en contradiction totale avec toute son expérience ! Des millions de gens sont à présent de nouveau contraints de vivre uniquement sur base de la pension ou salaire misérable d’un seul membre de la famille.

    Il ne fait aucun doute que les luttes des travailleurs grecs seront incroyablement renforcées par la prise de position ferme de la classe prolétaire britannique au cours de ce référendum. On voit un nouveau scénario de « dominos cascade » s’ouvrir en Europe : la répercussion des évènements au Royaume-Uni pourrait rapidement se refléter dans des pays comme les Pays-Bas, la Suède, voir l’Italie qui pourraient réclamer eux aussi un nouveau référendum. Ils pourraient suivre la voie des travailleurs du Royaume-Uni, non pas en renforçant leur nationalisme, mais en créant une véritable solidarité des populations d’Europe sur le plan syndical et sur le plan politique, liée à la perspective du socialisme.

    Les États-nations

    Comme nous l’avons dit depuis le tout début du prédécesseur de l’Union européenne (la Communauté économique européenne CEE), malgré tous les efforts de ses dirigeants, on ne pourra jamais parvenir à une véritable unification de l’Europe tant qu’on restera dans le capitalisme. Certains marxistes ne partagent pas notre avis ; durant la campagne pour le référendum, ils ont même été jusqu’à ressortir des textes de Léon Trotsky pour tenter de justifier leur soutien au « rester », en propageant l’idée selon laquelle le capitalisme serait capable d’accomplir cette tâche historique qu’est l’unification de l’Europe, et que cela serait quelque chose de « progressiste ». Une telle conclusion, soi-disant basée sur les écrits de Trotsky, est totalement erronée.

    La nécessité d’unifier le continent européen découle des besoins de la production et de la technique à l’époque moderne. Les forces productives ont depuis longtemps dépassé les étroites limites de la propriété privée d’une petite poignée de capitalistes et de l’État-nation. L’industrie moderne, avec les gros monopoles, les multinationales, etc. ne réfléchit plus en termes de marchés nationaux mais régionaux ; les plus grandes firmes ne considèrent leurs activités qu’en termes de marché mondial. Cela s’exprime dans la tendance à vouloir éliminer les barrières nationales, les limites à la production, les droits de douane, etc. ce qui va de pair avec la création de gigantesques blocs commerciaux tels que le NAFTA (Accord de libre échange nord-américain) ou le TTIP (Partenariat transatlantique pour le commerce et les investissements).

    Un tel processus peut aller très loin tant qu’on est dans une phase de croissance : c’est le cas concernant l’UE, en particulier au début des années ‘2000. Cette tendance a poussé certains capitalistes et, malheureusement, même certains marxistes, à imaginer que le capitalisme pourrait un jour surmonter ces limites nationales et passer à l’unification de la classe capitaliste européenne (puisque c’est de cela qu’il s’agit en réalité).

    Pour justifier leur position, ces gens se sont mis à fouiller dans les archives de Trotsky, où ils ont trouvé la citation suivante : « Si les puissances capitalistes d’Europe fusionnaient en un seul conglomérat impérialiste, ce serait un pas en avant par rapport à la situation actuelle, car ce serait une base matérielle et collective pour le mouvement ouvrier. Dans ce cas, le prolétaire n’aurait plus à se battre non pas contre le retour à un gouvernement « national », mais pour la conversion de ce conglomérat en une République fédérative européenne. » (Le Programme de la paix, cliquer ici pour le texte complet).

    Trotsky parlait clairement ici d’une situation hypothétique, qu’il ne s’attendait pas à voir se matérialiser. Il ne s’agit d’ailleurs pas non plus d’une description de l’UE actuelle, qui n’est pas parvenue à « fusionner » les différents États-nations d’Europe. Dans le même article, Trotsky poursuit en disant que « L’unification républicaine et démocratique de l’Europe, seule capable de garantir le développement national, ne peut se faire que par la voie de la lutte révolutionnaire […] par le soulèvement des différentes nations, aboutissant à la fusion de toutes ces insurrections en une seule révolution européenne généralisée. »

    Une colère longtemps refoulée

    La situation au Royaume-Uni avant le référendum, particulièrement à la suite des résultats, est l’expression d’une colère longtemps refoulée par le prolétariat contre le régime Cameron-Osborne. Elle nous offre une chance unique de complètement transformer la situation en faveur de la classe prolétaire. Même avant le référendum, le gouvernement s’était vu contraint d’accomplir au moins 20 revirements complets ou partiels sur diverses questions, tandis que la machine des Conservateurs perd de nouvelles pièces chaque jour. Le gouvernement reste assiégé sur chaque front. L’économie se dirige vers une nouvelle crise, avec le plus grand déficit commercial depuis 1948 (la différence entre importations et exportations), sans même parler des récents évènements ! Le chômage est en hausse parmi la jeunesse, tandis que la catastrophe du logement à Londres et dans les grandes villes se poursuit sans que personne ne lève le petit doigt.

    À Londres, dans le quartier de Waltham Forest, les prix des loyers ont augmenté de 25 % cette année ; à Butterfields, des familles pauvres sont déguerpies et « exilées » dans d’autres villes situées à des centaines de kilomètres. Tout ça pour que les propriétaires puissent vendre leurs modestes logements aux riches qui accourent de partout pour s’arracher les maisons dont la valeur a explosé.

    Il y a aussi une révolte grondante autour de la question des salaires, qui ont diminué de 8 % depuis 2007. Nous aimerions rappeler au passage à Mme O’Gradey, dirigeante du TUC, que tout ça s’est fait alors que le Royaume-Uni faisait partie de l’UE ! Au sein des syndicats aussi, la colère monte, comme on l’a vu lors de récentes conférences syndicales. Le TUC du pays de Galles, mis sous pression par les camarades du Parti socialiste (CIO), a passé toute une série de motions combatives, incluant entre autres le soutien à l’idée de conseils communaux « sans coupes budgétaires » (un appel aux communes de refuser l’austérité imposée par le gouvernement national) et une motion en faveur de la nationalisation de l’industrie de l’acier.

    Toutes ces résolutions ont été votées à l’unanimité, ou presque. Il était d’ailleurs remarquable de voir de nouvelles couches de travailleurs jeunes qui participaient à ce genre de rencontres pour la première fois. À l’assemblée générale du GMB (Syndicat des travailleurs généraux, municipaux et fabricants de chaudières), le plus grand syndicat britannique privé comme public, des résolutions en faveur de la nationalisation ont été portées à l’ordre du jour pour la première fois depuis très longtemps.

    À la conférence du syndicat du secteur public Unison, une nouvelle organisation des militants de gauche a été formée pour mettre une tendance destinée à transformer ce syndicat en une association combative et militante capable de mobiliser ses membres pour la lutte, plutôt qu’une union moribonde qui passe son temps à dénoncer et isoler les militants « trop remuants ». Tout cela montre que le Royaume-Uni est sur le point d’entrer dans une nouvelle période extrêmement combative.

    De nouvelles guerres civiles politiques

    Au même moment, on a vu s’intensifier les deux « guerres civiles » (une dans le Parti conservateur, une dans le Parti travailliste) tout au long de la campagne du référendum. Comme on pouvait le prédire (et comme l’a prédit le Parti socialiste), les tentatives des partisans de Corbyn d’amadouer l’aile droite du Parti travailliste en appelant à voter « rester » n’a pas le moins du monde adouci l’opposition de cette aile à Corbyn ; bien au contraire, cela n’a fait que l’encourager. Quelques heures après l’annonce des résultats du référendum, la députée Margaret Hodge a fait circuler une lettre appelant à un vote de censure contre Corbyn visant à provoquer une nouvelle élection à la tête du parti, dans l’objectif avoué de chasser Corbyn de la direction travailliste. Suite à cela, Corbyn a viré le député et ancien secrétaire d’État à l’Environnement Hilary Benn, ce qui a provoqué la démission de toute une série de cadres du parti.

    Il est clair que le Parti travailliste est totalement paralysé en ce moment, tiraillé entre les forces corrompues des blairites et les forces antiaustéritaires potentiellement croissantes rassemblées autour de Jeremy Corbyn. Mais les forces de « gauche » petite-bourgeoise qui dirigent l’alliance pro-Corbyn, Momentum, ont totalement gâché l’occasion rêvée de frapper un grand coup contre la droite. Au départ, Momentum avait promis une régénération démocratique et ouverte du mouvement ouvrier, avec le démantèlement de la structure centralisée et bureaucratique en ce moment à la tête du parti. Cependant, vu les hésitations désastreuses de la direction actuelle, cette promesse a fini par être oubliée, pour être remplacée par des tentatives jusqu’ici infructueuses d’amadouer la droite. Tout cela n’a fait que renforcer la détermination de cette faction à chasser Corbyn et à réinstaurer le règne des blairites.

    C’est la méfiance de cette aile droite qui a fait que le syndicat PCS (Syndicat des services publics et commerciaux), lors de sa dernière conférence, a finalement refusé une motion demandant l’affiliation de ce syndicat au Parti travailliste, parce qu’il est clair qu’en ce moment, la droite blairite contrôle toujours la machine du parti, en plus d’avoir presque tous les députés de leur côté. Pendant le référendum, 71 « volontaires » ont été envoyés par la direction travailliste au QG de la campagne pour le « rester ». Les membres du PCS ont compris que l’affiliation de leur union au Parti travailliste reviendrait à financer cette machine droitière qui filtre les militants pour empêcher l’affiliation au parti des syndicalistes et militants de gauche désireux de le remettre sur le chemin du socialisme et de la lutte.

    Si elle devait échouer dans cette mission, l’aile droite est à nouveau prête à scinder le Parti travailliste. C’est ainsi qu’on a déjà vu une véritable « coalition nationale » en train de se mettre en place tout au long du référendum, avec cette riante collaboration entre les travaillistes de droite et les conservateurs « de gauche libérale » ainsi que les libéraux-démocrates. C’est ce même sentiment d’« alliance nationale » qui a mené à la proposition absurde (qui n’a d’ailleurs pas été retenue) que les députés du gouvernement et de l’opposition s’asseyent ensemble de part et d’autre du parlement au cours de la session spéciale qui a suivi le meurtre de la députée Jo Cox. On a aussi vu le dirigeant des lib-dem Tim Farron concentrer toutes ses remarques d’après-référendum en une attaque sur Jeremy Corbyn qui, selon lui, s’est montré trop « tiède » dans son soutien au « rester ». De même, la guerre civile au sein du Parti travailliste, qui a été déclenchée dès le jour où Corbyn a été élu à la tête de ce parti, se poursuit sans s’arrêter : pas une journée ne passe sans qu’il ne soit attaqué d’une manière ou d’une autre.

    Les attaques entre « camarades » du Parti conservateur ont elles aussi créé de profondes divisions entre l’aile Cameron-Osborne du parti et la faction Johnson-Gove. Une nouvelle élection à la tête du Parti conservateur pourrait certainement élargir ces divisions et pourrait résulter en une séparation ouverte, ce qui pourrait donner naissance à un regroupement avec les libéraux-démocrates et les travaillistes de droite.

    Conclusion

    Il faut voir ce référendum comme un gigantesque rocher jeté au milieu d’un lac : les vagues et ondulations issues de ce choc vont se prolonger pendant des mois et des années. L’onde de choc a déjà atteint l’Europe et pourrait, à terme, mener à l’effondrement de la zone euro et au démantèlement de l’UE. Le résultat de ce scrutin pose également la question d’un nouveau référendum pour l’indépendance de l’Écosse, qui pourrait mener à la disparition du Royaume-Uni en tant que tel. Les conséquences sont en effet tout aussi importantes pour l’Irlande, surtout l’Irlande du Nord, où le Sinn Fein (nationaliste « de gauche ») a déjà exigé la tenue d’un nouveau référendum sur la réunification de l’ile – ce qui pourrait, à son tour, entrainé une reprise des hostilités entre les différentes communautés religieuses et ethniques d’Irlande du Nord (les protestants d’origine anglaise voulant plutôt rester dans le Royaume-Uni, tandis que les catholiques d’origine irlandaise seraient plus pour le rattachement avec l’Irlande du Sud – fondement des nombreux conflits armés et violences dans le pays tout au long du siècle dernier).

    Cependant, au milieu de toutes les évolutions qui vont découler de ce référendum, le mouvement syndical et la gauche doivent tirer des conclusions socialistes claires et agir conformément à cela, en luttant pour un programme prolétarien indépendant. La revendication immédiate est de lutte pour une conférence d’urgence des travaillistes de gauche, qui doit être démocratique et ouverte à l’ensemble des forces de gauche pro-Corbyn, y compris les syndicats, associations et partis politiques minoritaires. Le but de cette conférence serait de défendre Jeremy Corbyn en mettant un terme aux tentatives de « coup d’État » de la part de la droite, par l’adoption d’un programme socialiste clair et de structures démocratiques suivant une forme d’organisation fédérative.

    Le référendum sur l’UE a été un choc terrible pour la classe dirigeante et pour leurs pantins au sein du mouvement ouvrier, et dont les ondes de choc se feront encore sentir pour un bon moment. Au même moment, il représente une importante chance de reconstruire le mouvemente ouvrier suivant une ligne démocratique et socialiste.

  • Stop TTIP – Stop à la dictature des multinationales

    TTIP02Bien que le contenu du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership, traité de libre-échange transatlantique) ne soit pas encore connu dans son entièreté, ses grandes lignes sont claires : tout le pouvoir aux actionnaires ! Les autorités européennes et étasuniennes prétendent qu’il est nécessaire de le soutenir afin de ‘‘relancer l’économie’’ et de ‘‘créer de l’emploi’’… sur base des recettes à la base même de la crise économique et du chômage structurel qui sévit depuis plusieurs décennies !

    Par Julien (Bruxelles)

    Envie de poulet au chlore dans vos assiettes ?

    TTIP01Que nous propose le TTIP ? Créer la plus vaste zone de libre-échange au monde entre l’Union européenne et les États-Unis. S’il est voté, il couvrira près de la moitié du PIB mondial (45,5%, Royaume-Uni y compris). En 2006, le Parlement européen expliquait que ce traité visait à ‘‘harmoniser les réglementations’’ en poussant les États à adapter leurs lois selon les besoins des entreprises. L’idée centrale est de pouvoir considérer les législations environnementales, sanitaires et autres codes du travail comme de potentiels freins à la libre entreprise.

    Il est même question de permettre aux multinationales de poursuivre en justice les litiges entre États et entreprises devant des tribunaux spéciaux. Si un État instaure une loi capable de diminuer les profits d’une multinationale (qu’elle soit américaine ou européenne), l’État pourra être condamné à de lourdes sanctions ! Les actionnaires auraient ainsi le droit d’interférer directement dans les lois ou les services publics d’un pays dès lors que ses profits à venir seraient quelque peu menacés, le tout sous le regard complaisant de ces tribunaux spéciaux sur lesquels nous n’aurons aucun contrôle. La logique est à sens unique, les multinationales n’auraient bien entendu aucune obligation vis-à-vis des États.

    Il existe déjà une flopée d’exemples d’États condamnés via ces fameux tribunaux spéciaux dans diverses régions du monde : l’Égypte pour avoir voulu augmenter le salaire minimum, le Pérou pour avoir voulu limiter les émissions toxiques, l’Uruguay et l’Australie pour leur politique anti-tabac, le Canada pour avoir réformé le système des brevets pharmaceutiques pour rendre certains médicaments plus abordables ou encore l’Allemagne pour sa promesse de sortie du nucléaire. Santé, environnement, salaire, etc. : tout sera soumis à la volonté des actionnaires le plus légalement du monde.

    Le TTIP permettrait également à la multinationale Monsanto d’imposer ses produits OGM dans toutes nos assiettes tout en nous empêchant de concrètement savoir ce que l’on mange. Le groupe Yum (propriétaire entre autres de la chaine de restaurant KFC) désire quant à lui lever les interdictions européennes de désinfecter les poulets avec du chlore. Côté vie privée, cette citation de l’USCIB (un groupement de sociétés américaines) vaut mieux qu’un long discours : ‘‘l’accord devrait chercher à circonscrire les exceptions comme la sécurité et la vie privée, afin d’assurer qu’elles ne servent pas d’entraves déguisées au commerce.’’ Concernant la finance : le TTIP prévoit la suppression de toute réglementation du secteur. Et des exemples comme cela, il y en a à la pelle. ‘‘Démocratie’’, ça voulait pas dire ‘‘pouvoir au peuple’’ en grec ?

    Mais pourquoi ‘‘nos élus’’ soutiennent-ils ce texte ?

    Comment se fait-il que la majorité des politiciens et des gouvernements semblent prêts à soutenir ce texte qui limiterait leur pouvoir de décision ? Certains sont tout simplement achetés. D’autres sont déjà de gros actionnaires ou attendent de finir leur carrière dans un conseil d’administration, à l’exemple de l’ancien Premier ministre belge Jean-Luc Dehaene (1991-1999) qui s’est retrouvé à la direction de la multinationale brassicole InBev en 2001. Mais cela n’explique pas tout.

    À la base de la société, il y a la manière dont l’économie est organisée. Aujourd’hui, l’économie repose sur la concurrence plutôt que sur la collaboration et la solidarité, sur la course au profit des actionnaires plutôt que sur le respect des droits humains et environnementaux. Tant que l’ADN de la société actuelle et la logique de compétitivité ne sont pas fondamentalement remis en cause, impossible de sortir de l’idée que ‘‘nos’’ entreprises doivent être les mieux armées face aux autres. Quitte à sabrer dans les conditions de travail et de vie ? ‘‘Que voulez-vous ! On ne peut rien y faire ! Et sans ça, ce serait encore pire…’’ Le moteur de la soumission de certains politiciens au marché ‘‘libre’’ résulte de l’avidité la plus crasse de l’argent ou du prestige. Chez d’autres, c’est tout simplement l’absence d’alternative et le triste désarroi qui en découle.

    Ces politiciens considèrent donc essentiellement leur travail, avec plus ou moins d’enthousiasme, comme une recherche effrénée des mesures les plus astucieuses pour ‘‘attirer les investisseurs’’. Après tout, n’est-ce pas de cette manière que l’on peut protéger l’emploi ? Sauf que ça ne marche pas, mais alors pas du tout ! Les résultats de la politique économique dominante de ces dernières décennies sont catastrophiques. Les élites politiques et économiques font penser à ces images d’apothicaires et médecins des siècles passés, avec leurs chapeaux noirs et leurs collerettes blanches, dont la solution passait systématiquement par une multitude de sangsues posées sur le dos des malades.

    Passons à une médecine économique digne des capacités actuelles !

    Depuis cette époque, la médecine a fait des pas de géant en avant. Quand on s’y intéresse un peu, les capacités techniques et scientifiques actuelles donnent le tournis. Mais elles restent bridées par la camisole de force de la logique de profit. L’objectif des multinationales n’est pas de faire avancer la société humaine, ses connaissances et son bien-être. Il est de faire du profit ; à tout prix. Quitte à revenir sur des conquêtes sociales historiques comme la journée des 8 heures. Quitte à sacrifier la forêt amazonienne, les peuples indigènes qui y vivent et les nombreux mystères médicaux et autres que représente son écosystème. Quitte à détruire nos services sociaux, etc. Le maître mot des autorités capitalistes, c’est ‘‘l’harmonisation’’. Harmonisation des salaires, des conditions de vie,… vers le bas bien sûr ! La logique que nous défendons est exactement inverse. Entre ces deux approches, il n’y a rien de conciliable.

    Imaginons un instant que les secteurs-clés de l’économie tels que la finance, la recherche scientifique, la grande distribution, la pharmacie,… puissent fonctionner en harmonie, sur base d’un partage de savoirs, avec l’implication dans la gestion et la prise de décision des travailleurs concernés, des usagers, etc. L’avenir est de suite teinté de couleurs moins sombres, non ?

    Mais nous ne contrôlons pas ce que nous ne possédons pas. Parvenir à construire un tel futur implique de se battre pour arracher les leviers de commande de la société des mains des multinationales et des grands actionnaires par leur expropriation et leur nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques afin de pouvoir faire fonctionner l’économie de manière rationnelle, c’est-à-dire planifiée. Les défenseurs du capitalisme brandiront immédiatement la sanglante caricature qu’a été l’Union Soviétique. L’économie y était effectivement nationalisée et planifiée. Mais par une monstrueuse dictature bureaucratique. Comme le disait Léon Trotsky, opposant de la première heure à Staline : ‘‘une économie planifiée a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène.’’ Nous ne voulons pas déplacer le pouvoir des conseils d’administration d’entreprise à une couche parasitaire de bureaucrates. Nous défendons une société socialiste démocratique.

    Jamais il n’y a eu autant de richesses qu’aujourd’hui. Mais elles n’ont jamais été aussi inéquitablement réparties. Ces moyens pourraient être utilisés pour satisfaire les besoins sociaux, pour créer des logements sociaux bien isolés et le plus énergétiquement neutre possible, pour massivement refinancer l’enseignement et l’orienter vers le développement personnel de chacun et non vers les intérêts du marché, pour développer les soins de santé et les structures d’accueil pour nos aînés ou encore pour s’en prendre aux dégâts causés par l’économie capitaliste à l’environnement et aux relations humaines. Il serait aussi possible de répartir le temps de travail entre tous, pour travailler moins et vivre mieux.

    L’utopiste, c’est celui qui croit en l’avenir du capitalisme !

    Les traités transatlantiques (TTIP et CETA) sont des exemples parmi d’autres du cauchemar que réserve ce système aux générations futures. À nous d’organiser notre colère pour mener victorieusement la bataille pour une autre société. ‘‘Nos dirigeants’’ veulent monter les travailleurs et les pauvres de chaque pays les uns contre les autres. Mais nous avons beaucoup plus en commun avec un ouvrier américain ou tunisien qu’avec un capitaliste belge ! C’est pourquoi le PSL fait partie d’un instrument de lutte mondial, le Comité pour une Internationale Ouvrière. Notre parti-frère ‘Socialist Alternative’ participe ainsi activement à la lutte contre le TTIP et autres traités de libre-échange aux États-Unis.

    Le TTIP est une bataille, mais l’offensive antisociale est bien plus large. Les divers projets de casse de la législation du travail comme la loi Peeters en Belgique ou la loi El Khomri en France adressent le même message aux entreprises : ‘‘venez, nous adaptons nos lois pour vos profits ! ’’ Luttons tous ensemble contre le système à la base de ces horreurs !
    Le mardi 20 septembre à 17 h, une manifestation nationale est prévue à Bruxelles contre le TTIP et le CETA, dans le quartier européen (plus d’informations sur socialisme.be). Le 29 du même mois, une manifestation de masse du front commun syndical est organisée contre la Loi Travail et le gouvernement Michel, suivie le 7 octobre par une journée de grève générale. Ces actions sont liées. Lutter contre les 45h, c’est aussi lutter contre le TTIP, et c’est lutter contre le capitalisme.

  • [VIDEO] La dette grecque, une tragédie européenne

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    Voici la vidéo d’animation «La dette grecque, une tragédie européenne», fruit d’un intense travail de vulgarisation réalisé par la petite équipe des Productions du Pavé et celle du CADTM. Cette vidéo se propose de résumer le processus d’endettement de la Grèce qui l’a menée jusqu’à sa crise de la dette publique à partir de 2010. Elle permet aussi de dénoncer, avec de nombreux arguments à l’appui, la désinformation massive qui a été faite à ce sujet.

    Les informations contenues dans cette vidéo sont issues du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. Elle permet à un public plus large d’aborder les conclusions du rapport. Cette vidéo est en français et n’est actuellement sous-titrée qu’en anglais et en grec, d’autres langues devraient très prochainement venir s’ajouter.

    La rédaction de socialisme.be vous invite à prendre connaissance de cette vidéo et à la diffuser autour de vous, de même qu’à lire sur ce site l’interview de Jeremie Cravatte (CADTM) au sujet de la commission d’audit de la dette publique grecque réalisée pour l’édition de juin 2015 de notre journal, Lutte Socialiste, alors qu’il revenait de Grèce.

    En dépit de la capitulation de Tsipras et de Syriza face à la logique austéritaire, il n’y a pas de ‘‘défaite finale’’ de la classe des travailleurs grecs en cette période historique. Le potentiel de la lutte de masse pour une alternative anticapitaliste et socialiste est toujours d’actualité. En Grèce, la classe des travailleurs a montré qu’elle peut retourner au combat encore et encore. Ceci a aussi été démontré par les développements autour du référendum de juillet 2015. Personne n’avait espéré ce résultat incroyable de 61,5% de ‘‘non’’.

    Le défi qui fait face à la gauche en Grèce est de reconstruire une nouvelle initiative de gauche révolutionnaire de masse sur base d’un clair programme de rupture avec l’austérité reposant sur l’implication active de la classe ouvrière et de la jeunesse dans la lutte contre la Troïka et pour une alternative socialiste. Cela signifie la création d’assemblées populaires et de comités d’action de base sur les lieux de travail et dans les communautés. Il faut également appeler les travailleurs et les jeunes à travers l’Europe à lutter contre l’austérité et pour une Europe socialiste. Un appel à la classe des travailleurs en Europe pour manifester sa solidarité par des actions de masse pourrait, en particulier dans les autres pays de la zone euro endettés comme l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, recevoir un écho immédiat et puissant. La seule véritable alternative à l’austérité et à l’Union européenne des patrons, c’est une confédération socialiste européenne sur une base volontaire et égale.

    Ce programme de rupture anticapitaliste et socialiste pourrait s’articuler comme suit, comme le défend Xekinima (organisation-soeur du PSL en Grèce).

    • Refus de payer la dette souveraine.
    • Nationalisation des banques sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs.
    • Instauration d’un contrôle public sur le capital et sur le commerce extérieur.
    • Abrogation des mesures d’austérité et lancement d’un programme massif d’investissements pour assurer à chacun de bénéficier de soins de santé et d’un enseignement gratuits et de qualité, de logements accessibles,…
    • Nationalisation de toutes les entreprises qui ont fermé ou qui ont saboté l’économie pour les placer sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs.
    • Nationalisation des secteurs-clés de l’économie pour les placer sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité, afin de démocratiser le processus de production ainsi que la distribution des biens.
    • La planification de l’économie afin de satisfaire les besoins de la population et non pas les bénéfices des capitalistes. La réorganisation socialiste de la société mettrait un terme aux crises économiques, à la pauvreté, au chômage et à l’émigration forcée.

     

  • France. La colère contre le système exige une alternative politique

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    Plus d’un million de personnes rien que dans la capitale, 1,3 million dans tout le pays ! Le 14 juin, des heures durant, les manifestants se sont déversés dans les rues de Paris. Les travailleurs de tous les secteurs s’étaient une fois de plus mobilisés contre la Loi El Khomri et la destruction de la législation du travail qu’elle veut imposer. Mi-juin, des sondages montraient que 64% des Français veulent le retrait du projet de loi, et 60% soutiennent le mouvement social.

    Par Stéphane Delcros. Article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Une puissante lame de fond sociale

    Après plus de 3 mois de résistance, ils étaient nombreux à penser que la contestation de la Loi Travail allait s’estomper début juin. Mais la contestation a repris fin mai et en juin, de nouveaux secteurs rejoignant même la valse des grèves. Des corps de métiers aussi divers que pilotes d’avion, taximen et dockers ont été rejoints par les travailleurs des 19 centrales nucléaires et des 8 raffineries de pétrole présentes en France, avec 24 h de grève pour certaines et même plusieurs jours pour d’autres. Certains travailleurs se mobilisaient par ailleurs également contre d’autres offensives antisociales sectorielles : cheminots, travailleurs du secteur automobile, intermittents du spectacle,…

    La jeunesse aussi a joué un grand rôle, par la mobilisation lors des différentes journées d’action, mais aussi notamment avec le mouvement Nuit Debout, qui a montré que le débat politique n’est pas la propriété des politiciens, mais est, au contraire, dans la rue, dans la lutte.

    Perspectives pour la lutte

    L’impact de la manifestation du 14 juin et de ce mouvement en général aura des répercussions pendant longtemps. Le gouvernement a tremblé, sur base des grèves et des manifestations massives. Sans ce mouvement, on peut être certain que le gouvernement irait encore plus loin dans la destruction de nos acquis sociaux.

    Très vite, le mouvement contre la Loi Travail s’est mué en contestation du système capitaliste et sa course aux profits. De très nombreuses personnes ont pris conscience de la force du collectif pour refuser la régression sociale; c’est l’action de masse et collective qui peut faire reculer la politique des gouvernements et changer la société

    Mais malgré ses forces, le puissant mouvement n’a malheureusement pas bénéficié d’un appel clair à une grève générale massive et correctement préparée. La dynamique de grèves était forte, mais souvent peu coordonnée. Les exemples sont nombreux, en France comme ailleurs. Pour aller vers une victoire, la résistance a besoin d’un blocage total du pays par une grève générale consciemment coordonnée, construite par un grand nombre d’assemblées générales du personnel et avec un objectif déterminé. Une manifestation de masse est toujours utile pour se rendre compte l’ampleur de la résistance et pour discuter des expériences et des mots d’ordre, mais elle ne peut pas se substituer à la force et à la puissance d’une grève générale.

    Aucune confiance ne peut être accordée à ceux qui appliquent la politique au service de l’élite économique. Mais la grande majorité de la population n’a malheureusement encore aucun outil politique conséquent pour défendre ses intérêts. Cela ouvre pour le moment encore la voie à la droite réactionnaire et raciste du Front National de Marine Le Pen, qui profite de la colère contre les élites. Une réelle alternative politique de gauche est plus que jamais nécessaire pour lui barrer la route.

    Potentiel pour la gauche et candidature de Mélenchon

    Porté par une partie du mouvement social la candidature de Mélenchon pour les présidentielles de 2017 a pris de l’ampleur ces dernières semaines. Cela exprime le potentiel immense qui existe pour une alternative politique de gauche. Certains sondages de juin montraient que Mélenchon dépasserait Hollande ou Valls aux élections présidentielles. Début juin, un meeting de masse a réuni près de 10.000 personnes à Paris pour le soutenir. Et la pression est grande à la base du PCF pour rallier le parti à cette candidature, et ainsi tenter de relancer l’énorme dynamique qui avait existé autour du Front de Gauche vers les élections en 2012.

    Mais des faiblesses existent, et notamment le fait que Mélenchon n’appelle pas à la grève générale, ce qui pourrait pourtant avoir un énorme impact sur la réussite d’une telle action. Son programme politique reste par ailleurs assez flou, certainement en termes d’objectifs. Or, inutile de tergiverser : la lutte contre l’austérité doit être une lutte de rupture avec le système capitaliste. Proposer quelques améliorations au capitalisme ne suffit pas ; nous avons besoin d’une réelle alternative à ce système économique.

    L’unité dans la diversité, base pour l’efficacité

    Mélenchon avance la nécessité de s’unir au sein d’un mouvement où le respect de la diversité des structures est un principe, ce qui garantit à chaque composante une autonomie de structure et de programme. De la diversité d’opinions, une position commune se forge ainsi par le débat démocratique. Il s’agit d’une condition importante pour rassembler et permettre à tous, individus organisés ou non, de construire un vrai outil de masse et de lutte contre le capitalisme le plus efficace possible, et d’y discuter démocratiquement et collectivement d’un programme de gauche conséquent. Un instrument large au service des travailleurs et des jeunes pour s’organiser et défendre ensemble nos intérêts et permettant d’avancer dans la lutte pour une société socialiste, débarrassée de l’exploitation et de la misère.

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    INSPIRONS-NOUS DES LUTTES…

    > contre le ‘Plan Juppé’ en 1995

    En novembre et décembre 1995, des mouvements de grève d’une ampleur sans précédent depuis Mai 68 ont été organisés contre le ‘Plan Juppé’ qui attaquait les retraites et la sécurité sociale. La grève, qui avait été préparée des semaines durant par des actions et assemblées générales a réussi à battre le plan du Premier ministre Juppé et du Président Chirac, qui ont notamment dû retirer leur offensive contre les retraites. Il aura fallu ensuite 15 ans pour que les différents gouvernements successifs aboutissent enfin à la volonté de Juppé, et encore, pas totalement.

    > contre le CPE en 2006

    Début 2006, le gouvernement Villepin lançait une attaque contre la jeunesse avec le projet de ‘Contrat première embauche’ (CPE), un plan de destruction des conditions de travail et de flexibilisation forcée. Un impressionnant mouvement de masse des lycéens et étudiants c’est immédiatement déclenché. Ils seront peu après rejoints par le mouvement syndical. Des grèves et manifestations partout en France rassemblant plusieurs millions de personnes sont arrivées à faire plier le Premier ministre Villepin et du Président Chirac. Alors que le projet de loi instituant le CPE avait été adopté au Parlement le 31 mars, Villepin a été contraint d’annoncer son retrait le 10 avril, après 2 mois de mouvement.

  • [VIDEO] #KeepCorbyn Messages de solidarité du Parlement irlandais

    Paul Murphy AAA

    Dans les vidéos ci-dessous, les députés du Socialist Party (section du Comité pour une internationale Ouvrière en république irlandaise et parti-frère du PSL) et de l’Anti Austerity Alliance Paul Murphy et Ruth Coppinger s’expriment contre le coup d’Etat en cours au sein du Parti Travailliste britannique de la part des Blairistes pour retirer la présidence du parti à Jeremy Corbyn. Ils s’expriment également au sujet de l’impact du Brexit.

  • Coup d'État manqué en Turquie. Ni militaire, ni Erdogan! Pour une alternative des travailleurs!

    A tank moves into position as Turkish people attempt to stop them, in Ankara, Turkey, early Saturday, July 16, 2016. Turkey's armed forces said it "fully seized control" of the country Friday and its president responded by calling on Turks to take to the streets in a show of support for the government. A loud explosion was heard in the capital, Ankara, fighter jets buzzed overhead, gunfire erupted outside military headquarters and vehicles blocked two major bridges in Istanbul. (AP Photo)

    Dans la nuit du 15 juillet, des généraux de rang intermédiaire, des ex-généraux et des colonels de l’armée turque ont tenté de prendre le pouvoir en de renversant le gouvernement de l’AKP ainsi que le président Erdogan. Au moment de cette tentative de coup d’Etat, Erdogan était en vacances sur la côte de la mer Egée.

    Par Sosyalist Alternatif (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)

    Les comploteurs ont d’abord réussi à se saisir de l’Agence nationale de renseignement dans la capitale, Ankara, ainsi que de l’académie de police, à la suite de féroces bombardements aériens. Ils ont aussi pris le contrôle des aéroports d’Ankara et d’Istanbul. En dépit d’affrontements également survenus dans d’autres villes à travers le pays, la tentative de coup d’Etat a principalement été concentrée sur ces deux villes importantes. Des locaux de police, des bureaux de l’AKP, les hôtels de ville, le serveur Internet central et les deux ponts sur le Bosphore reliant les parties asiatiques et européennes d’Istanbul ont également été pris. Le Parlement, où tous les partis politiques étaient en session, a été bombardé à plusieurs reprises par des avions de combat et le palais présidentiel a été attaqué par des unités militaires liées aux comploteurs afin de tenter d’en prendre le contrôle.

    Le cœur du complot se trouve au quartier général militaire suprême, la plus grande base aérienne militaire du pays ainsi que le siège de la police militaire. Les putschistes avaient enlevé la plupart des commandants militaires les plus élevés, y compris le chef suprême des forces armées. Ils ont pris le contrôle de la radio d’État, des plus grandes chaînes de télévision privées ainsi que de la télévision d’Etat, d’où ils ont diffusé une déclaration annonçant la reprise du pouvoir politique des mains du régime illégitime, corrompu et non laïque d’Erdogan et de l’AKP. Ils ont déclaré le couvre-feu et la loi martiale, plaidant en faveur d’une nouvelle Constitution.

    L’avion d’Erdogan a été empêché de se poser pendant des heures. Le Président et le Premier ministre ont tous deux fait appel au peuple pour résister à la tentative de coup d’Etat. Des ailes concurrentes de la machine d’Etat se sont engagées dans des affrontements violents tout au long de la nuit, l’appareil policier restant largement fidèle à Erdogan. Les mosquées ont également appelé à se rallier au gouvernement. Quelques milliers de personnes, pour la plupart des islamistes de droite et le noyau dur des partisans de l’AKP, sont ensuite descendus dans les rues. Des avions et hélicoptères de l’armée ont tiré sur des manifestations dans les deux villes principales. Le samedi matin, plus de 150 militaires (des deux côtés) et plus de 50 civils avaient été tués.

    La majorité de la population et tous les partis politiques sont opposés au retour d’un régime militaire tandis que les rangs de l’armée sont pour la plupart composés de conscrits qui ne sont pas prêts à mettre leur vie en jeu pour les comploteurs. Ces derniers sont des officiers privilégiés de longue date qui ne sont intéressé par la prise de pouvoir qu’en fonction d’eux-mêmes. Le coup d’Etat n’a pas trouvé de base sociale et politique suffisante pour connaître la victoire. La principale fédération turque des grandes entreprises (TUSIAD) et l’impérialisme américain, par la voix du président Obama, ont rapidement fait savoir qu’ils ne fourniraient aucun soutien aux comploteurs.

    Comme nous l’avons expliqué dans des articles et déclarations précédents, le pays traverse une crise politique croissante qui s’est intensifiée depuis les élections de l’année dernière, dans un contexte de crise économique grandissante et de réduction du soutien populaire pour le régime d’Erdogan. Le gouvernement AKP a utilisé le système judiciaire et l’appareil militaire pour tenter de surmonter cette impasse politique croissante en réprimant les voix de l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement et en utilisant l’armée pour écraser l’opposition kurde. La tentative du parti au pouvoir de forcer l’instauration d’un changement constitutionnel vers un système présidentiel cadre dans la même tendance à un bonapartisme croissant et à la volonté de gouverner par ses seules forces.

    Cette manière répressive de résoudre l’impasse politique a fourni aux comploteurs les outils qu’ils ont retournés contre l’AKP. Alors que les deux camps ont travestis leurs objectifs derrière la façade de la démocratie, ils ne représentent tous les deux que des variantes de la dictature capitaliste, l’une civile et l’autre militaire. Ces méthodes ne peuvent pas résoudre la crise qui secoue le pays, mais seulement l’exacerber. De plus grands bouleversements sont encore à venir. Cette récente tentative de coup d’État a exposé au grand jour le fait que les efforts d’Erdogan pour construire un pouvoir monolithique sont incapables de cacher les divisions internes croissantes et les querelles dans les sphères supérieures de l’État. Elles ont davantage été encouragées.

    Alors qu’il est de la plus haute importance de résister aux attaques d’Erdogan sur les droits sociaux et démocratiques, ce coup d’État illustre le fait que la dictature ne peut être combattue avec des méthodes dictatoriales. Un tel coup d’État implique que plus de mesures répressives soient imposées aux masses, en cas de victoire ou non. Le coup d’Etat manqué sera désormais utilisé par Erdogan pour encore plus concentrer le pouvoir entre les mains de ses proches ainsi que pour réprimer encore plus fortement les droits démocratiques. C’est déjà ce que nous constatons, de nombreux avocats publics ayant été arbitrairement démis de leurs fonctions tandis que le gouvernement a fait part de son intention de réintroduire la peine de mort. Ces mesures sont présentées comme des réactions au complot militaire, mais elles sont idéales pour contrer les futures luttes qui seront menées contre le régime.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière et sa section en Turquie, Sosyalist Alternatif, s’opposent à la tentative de coup d’Etat, car cela aide Erdogan à imposer son agenda dictatorial. Les deux camps représentent différentes ailes de la classe dirigeante oppressive et ils doivent être combattus.

    La résistance populaire contre toute tentative de prise de pouvoir par les militaires ne peut pas être laissée entre les mains du régime pourri de l’AKP. Il faut organiser une riposte de masse de la part du mouvement ouvrier, de la jeunesse, de la gauche et du HDP de manière totalement indépendante des mobilisations du parti au pouvoir, qui ont parfois eu recours à la violence contre leurs opposants politiques et ne dispose d’aucune alternative. Le mouvement des travailleurs et la gauche doivent d’urgence organiser des comités d’autodéfense contre la violence utilisée par les deux camp. Un troisième pôle politique autour de la classe ouvrière, des pauvres et des jeunes doit être développer pour arrêter la violence et les attaques sur les droits démocratiques et politiques ainsi que l’offensive de l’Etat contre le peuple kurde ou encore contre les politiques néo-libérales défendues par les deux factions de la classe capitaliste.

    Les jours où la Turquie était saluée comme un modèle de prospérité et de stabilité sont révolus. La crise multiforme croissance qui engloutit la Turquie est un reflet de la crise du capitalisme à l’échelle mondiale. La seule solution réside dans une lutte pour une transformation socialiste de la société, en liaison avec la solidarité ouvrière à apporter dans le Moyen Orient, en Europe et dans le monde. C’est ainsi que nous pourrons mettre fin au chaos et à la violence qui frappe actuellement la Turquie.

  • Nice. Face à la terreur, nous ne nous laisserons pas intimider !

    Non à la haine, la suspicion et le racisme : ne nous laissons pas diviser !

    C’est l’horreur qui s’est produite à Nice ce jeudi 14 juillet. Celui qui conduisait le poids lourd a voulu faire le plus de morts possible, à l’aveugle, frappant une nouvelle fois des innocents en percutant le maximum de personnes sur la promenade des Anglais après le feu d’artifice. Nous condamnons ces attentats et cette lâcheté aveugle. Ce sont nos frères et nos sœurs, travailleurs en congés, touristes, étrangers, jeunes, chômeurs, parents, retraités, par delà les origines, les cultures… qui sont morts.

    Déclaration de la Gauche Révolutionnaire (à télécharger en format PDF ici)

    Commandité ou non ? Quel profil psychologique de l’homme qui conduisait le camion ? Nous n’en savons encore rien, mais cela provoque les mêmes sentiments : tristesse et colère. Que ce soit un individu isolé, ou Daesh ou un quelconque autre groupe qui revendique l’attentat, il faut de toute façon souligner que les méthodes utilisées sont les mêmes que celles de groupes fascistes, des dictatures, ou des armées d’occupation. Éliminer de sang froid des gens sans défense révèle une idéologie d’extrême droite, que ce soit sous un prétexte soi-disant religieux ou autre.

    Rien ne peut justifier ces attentats aveugles et barbares à Nice, ni ceux à Bagdad la semaine dernière où 292 personnes ont péri, ni celui d’Istanbul le 29 juin dernier… Les groupes comme Daesh ou ceux qui s’en revendiquent sont incapables de gagner un soutien dans une quelconque couche de la population. Ni ici, et certainement pas parmi les musulmans, ni ailleurs non plus. Et que ces barbares ne nous fassent pas croire qu’ils combattent les guerres menées par la France ou les États-Unis. En réalité, à travers le monde entier ce sont des mercenaires, des mafieux qui dirigent ces groupes et s’en prennent aux peuples, que ça soit en France, en Belgique, en Irak, en Libye ou au Nigeria… Leurs méthodes visent par ailleurs à empêcher qu’une opposition quelconque ne s’organise face aux régimes brutaux et moyen-âgeux qu’ils tentent de mettre en place. Et si les morts civiles dues aux attentats peuvent provoquer le désespoir, c’est aussi le cas des morts civiles dues aux bombes des pays impérialistes. Les politiques de terreur ne font que renforcer les classes dominantes en installant un climat de peur, de haine et de soupçons.

    L’état d’urgence, c’est toujours non !

    La tristesse et la colère qui succèdent à de telles atrocités sont utilisées une fois encore par le gouvernement et les différents partis au service des capitalistes pour tenter de nous diviser. Ni la prolongation de l’état d’urgence, ni la mobilisation des 50 000 réservistes ne pourront assurer notre sécurité. L’état d’urgence n’a jamais été un moyen d’empêcher des actes terroristes. Il a été mis en place en novembre 2015, il est prolongé pour trois mois désormais. Pourtant il n’a pas permis d’empêcher la mort de 84 personnes de plus hier. L’état d’urgence n’est pas une solution pour être réellement en sécurité.

    C’est par contre une véritable arme… qui a permis à Valls et Hollande dès décembre dernier de tenter de freiner les mobilisations, d’abord autour de la COP 21 puis les mobilisations sociales massives contre la loi Travail en essayant d’interdire les manifestations de celles et ceux qui luttent contre leur politique.

    Nous refusons d’accepter ce que veulent nous imposer ceux qui commettent ces attentats, c’est à dire diffuser un sentiment de peur. La terreur est une arme politique qui vise à empêcher les travailleurs de s’unir, à imposer l’inaction par la peur, à renforcer le racisme : on ne se laissera pas intimider, on ne se laissera pas diviser !

    Unité des travailleurs et des jeunes contre la barbarie et le racisme

    Nous refusons aussi de laisser notre sécurité aux mains du gouvernement Valls-Hollande ou des politiciens de droite ou du FN. Leur politique, c’est d’imposer une véritable contre révolution sociale, l’insécurité sociale permanente comme la loi travail en est l’exemple. Ils précarisent nos vies avec des salaires minables, la précarité et le chômage. C’est ça le véritable terreau pour toutes les idées réactionnaires et violentes, quelles qu’elles soient, qui se nourrissent de la pauvreté et de l’absence de perspectives d’avenir dans le système capitaliste.

    D’ailleurs ceux qui ont osé comparer les manifestants contre la loi Travail, les syndicalistes à des terroristes seraient bien avisés de présenter leurs excuses aujourd’hui. En effet, il n’y a aucun gouvernement ou aucun groupe terroriste qui soit plus fort que l’unité, dans la lutte de masse, des travailleurs et des jeunes. Quand nous étions un million dans la rue, les 31 mars et 14 juin derniers, unis et en lutte contre toute la politique d’un gouvernement qui s’en prend aux droits de tous les travailleurs en France, là, nous étions forts. Se battre ensemble c’est le seul moyen pour ne pas laisser sombrer les gens dans le désespoir. C’est comme cela que nous pourrons combattre les racines du terrorisme, de la division et du racisme.

    Pour combattre réellement le terrorisme et la haine, il faut s’unir tous ensemble et lutter contre les politiques qui les alimentent. C’est en luttant contre le capitalisme, et son système où toute la société doit tourner pour les profits d’une poignée sur le dos de la majorité, que nous pourrons éradiquer les sources de la barbarie et assurer ainsi un avenir sûr et décent à chacun. Une autre société est possible et nécessaire, le socialisme.

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