Category: Europe

  • Marine Le Pen, grande gagnante du mouvement contre la rĂ©forme des retraites ?

    Combattre l’extrĂȘme droite par la lutte sociale, dĂšs septembre!

    Mi-juin, l’intersyndicale a actĂ© la fin du mouvement contre la rĂ©forme des retraites. Un puissant mouvement social, qui n’a pas obtenu le retrait de la rĂ©forme, mais qui a pesĂ© et va peser lourdement sur l’atmosphĂšre sociale et politique durant les 4 annĂ©es de mandat qu’il reste Ă  Macron.

    Depuis avril, on assiste Ă  un certain retour des thĂšmes de la droite et de l’extrĂȘme droite. Situation renforcĂ©e dĂ©but juin par l’attaque au couteau par un rĂ©fugiĂ© syrien Ă  Annecy, qui a blessĂ© 6 personnes, dont 4 enfants. Le fait que l’assaillant ait criĂ© « Au nom de JĂ©sus-Christ ! Â» n’a pas freinĂ© la droite et l’extrĂȘme droite dans sa tentative d’ajouter de l’huile raciste sur le feu.

    Marine Le Pen, un colosse aux pieds d’argile

    Selon les sondages, Le Pen l’emporterait aujourd’hui contre Macron. Ce n’est pas surprenant. Qu’elle soit considĂ©rĂ©e comme l’opposante par excellence, plutĂŽt que la France Insoumise, c’est le but de Macron et de ses ministres. C’est la raison pour laquelle les macronistes distillent le plus consciemment le racisme et la division, avec notamment la loi JO 2024, la future loi immigration et l’opĂ©ration militaire raciste anti-migrants comoriens Ă  Mayotte (“l’OpĂ©ration Wuambushu”).

    La popularitĂ© de Le Pen repose en fait essentiellement sur la dĂ©testation gĂ©nĂ©ralisĂ©e de Macron, sur son image prĂ©tendument « anti-systĂšme Â», sur ses Ă©lĂ©ments de programme (faussement) sociaux et, bien sĂ»r, sur la faiblesse d’une vĂ©ritable alternative de gauche.

    Une couche non nĂ©gligeable de travailleurs et travailleuses a tendance Ă  estimer – Ă  tort – que le Rassemblement National s’est adouci en matiĂšre de racisme et que son vernis social n’est pas qu’un attrape-voix. Mais soyons clairs : son projet politique reste clairement d’extrĂȘme droite. Il repose sur l’admiration des rĂ©gimes autoritaires et vise Ă  appliquer une politique sĂ©vĂšrement raciste, antisociale, anti-femmes et anti-LGBTQIA+.

    L’extrĂȘme droite se nourrit du dĂ©sespoir et du manque de perspectives sans y apporter la moindre solution. Mais parallĂšlement, le puissant mouvement social de cette annĂ©e 2023 a poussĂ© Marine Le Pen dans un coin du ring. Elle s’est vue forcĂ©e de se dĂ©clarer opposĂ©e Ă  la rĂ©forme sans pouvoir apporter un soutien rĂ©el Ă  la lutte car ses intentions sont Ă  l’exact opposĂ© des intĂ©rĂȘts de la classe travailleuse.

    Elle a tout Ă  gagner de l’essoufflement du mouvement social. Les solutions institutionnelles rĂ©guliĂšrement dĂ©fendues par les directions syndicales et la gauche parlementaire sont Ă  son avantage. Les institutions sont façonnĂ©es pour dĂ©raciner la colĂšre de la rue et des piquets de grĂšve afin de la laisser s’éteindre dans les couloirs de l’AssemblĂ©e nationale. Leur raison d’ĂȘtre est d’affaiblir le potentiel de l’action collective de la classe ouvriĂšre. L’extrĂȘme droite se nourrit des frustrations qui en dĂ©coulent.

    L’antidote de la lutte sociale

    En dĂ©pit de tous les efforts de l’establishment, la situation diffĂšre totalement d’il y a deux ans, lors de la « hype Â» Zemmour. Les thĂšmes sociaux, sur les salaires d’abord et puis sur les retraites, ont unifiĂ© dans la lutte les diffĂ©rentes couches du mouvement ouvrier.

    MĂȘme si Le Pen Ă©tait Ă©lue aujourd’hui, le rapport de forces actuel davantage favorable au mouvement des travailleur.euse.s ne lui laisserait pas beaucoup d’espace pour appliquer son programme. Mais il est certain qu’elle ferait tout pour nourrir les orientations sexistes, LGBTQIA+phobes et racistes dans nos rangs et que cela encouragerait les intimidations et actes de violence nĂ©ofascistes.

    Le rapport de forces créé par la lutte contre la réforme des retraites rend difficile aux directions syndicales de prendre les combats suivants trop à la légÚre. Le potentiel de lutte va rester explosif, avec une avant-garde renforcée numériquement et qualitativement au cÎté de couches larges de travailleurs et travailleuses enrichies par ce combat historique et qui ont repris confiance dans la force de la lutte collective.

    C’est dĂšs septembre que le combat doit recommencer, et c’est cet Ă©tĂ© que la bataille doit ĂȘtre prĂ©parĂ©e, en tirant collectivement les leçons politiques et syndicales des mois de lutte qui viennent de se dĂ©rouler.

    https://fr.socialisme.be/96038/france-cetait-un-meurtre-un-de-plus-violences-sociales-racistes-et-policieres-cest-tout-le-systeme-qui-est-coupable
  • France. C’était un meurtre, un de plus. Violences sociales, racistes et policiĂšres : c’est tout le systĂšme qui est coupable !

    Transformons la colĂšre en un mouvement de masse des quartiers et lieux de travail ! 

    L’horrible assassinat raciste du jeune Nahel par un policier Ă  Nanterre le 27 juin a soulevĂ© une vague d’indignation et de rĂ©volte contre le racisme systĂ©mique et les violences policiĂšres incessantes, particuliĂšrement Ă  l’encontre des jeunes aux origines d’Afrique du Nord ou subsaharienne. Le puissant mouvement social contre la rĂ©forme des retraites et la rĂ©volte de la jeunesse dans les quartiers populaires doivent ĂȘtre combinĂ©s et approfondis afin d’organiser et de construire une lutte de masse contre la violence policiĂšre raciste et contre l’ensemble du systĂšme capitaliste.

    DĂ©claration d’Alternative Socialiste Internationale – France

    Les Ă©vĂ©nements sont connus. Lors d’un contrĂŽle policier, Nahel Merzouk, un adolescent de 17 ans, a reçu un tir mortel d’un policier. Il l’avait menacĂ© de son arme quelques secondes auparavant en lui disant de couper son moteur sinon “je te tire dans la tĂȘte”. Pris de peur et de panique, Nahel a dĂ©marrĂ© son vĂ©hicule. Il s’est directement pris une balle qui lui a traversĂ© l’épaule et le thorax, ne lui laissant aucune chance de survie. L’histoire aurait pu s’arrĂȘter lĂ , comme tant et tant de fois par le passĂ©. La police aurait invoquĂ© la lĂ©gitime dĂ©fense face Ă  un vĂ©hicule “fonçant” sur un policier. Mais une vidĂ©o a immortalisĂ© la scĂšne et a de suite rĂ©vĂ©lĂ© le mensonge policier. 

    Nahel s’ajoute Ă  la longue liste de jeunes hommes aux origines d’Afrique du Nord ou subsaharienne tuĂ©s lors d’une intervention policiĂšre. 15 jours avant Nahel, un autre jeune, Alhoussein, 19 ans, a Ă©tĂ© tuĂ© par la police Ă  AngoulĂȘme alors qu’il partait travailler. 

    Pour cette jeunesse, l’injustice n’est pas qu’un sentiment. Les affaires sont souvent classĂ©es sans suite et les policiers meurtriers rarement condamnĂ©s. La peur d’ĂȘtre confrontĂ© Ă  un contrĂŽle de police n’a d’Ă©gal que la haine envers les institutions d’un systĂšme qui n’est lĂ  que pour opprimer et humilier ces couches de jeunes des quartiers populaires.

    Cette rĂ©volte, c’est la voix de ceux qui ne sont pas entendus. Les faire entendre, eux et toutes les autres victimes de violences policiĂšres, et obtenir justice, cela exige de construire un mouvement de lutte de masse. La gauche syndicale et politique doit s’engager dans une solidaritĂ© active. 

    Macron accumule les crises

    L’assassinat de Nahel constitue une nouvelle crise pour la macronie, obligĂ©e d’admettre qu’il y a un problĂšme. “Inexplicable” et “inexcusable”, a Ă©tĂ© obligĂ© de dĂ©clarer Macron suite au meurtre filmĂ© du jeune homme. VoilĂ  qui n’a clairement pas plu aux syndicats rĂ©actionnaires dans la police, comme Alliance qui s’est senti lĂąchĂ© par le prĂ©sident. Une crise de plus que Macron doit gĂ©rer.

    Le meurtre de Nahel a mis aussi l’extrĂȘme droite en difficultĂ©. Dans le programme du Rassemblement national de Marine Le Pen, on trouve par exemple permettre aux policiers et gendarmes d’utiliser la force en bĂ©nĂ©ficiant d’une prĂ©somption de lĂ©gitime dĂ©fense. Une telle prĂ©somption existe en fait dĂ©jĂ  dans beaucoup de cas, mais le RN veut rendre cela indiscutable dans tous les cas, ainsi que par exemple l’impossibilitĂ© de porter plainte contre les policiers. Autant dire que lorsque les journalistes lui ont tendu le micro aprĂšs la mort de Nahel, Le Pen ne faisait pas la fiĂšre et rĂ©pondait qu’elle allait s’exprimer plus tard, parce qu’elle n’avait soi-disant “pas encore vu la vidĂ©o”
 

    Mais pour la droite et l’extrĂȘme droite, dans chaque crise rĂ©side souvent une opportunitĂ©. Et cette opportunitĂ© pour eux n’a pas tardĂ© Ă  arriver, avec l’instrumentalisation des rĂ©voltes qui ont commencĂ© dans les quartiers suite Ă  ce nouveau meurtre policier.

    “Une Ă©meute est le langage de ceux qu’on n’entend pas.” – Martin Luther King

    DĂšs la premiĂšre nuit aprĂšs l’assassinat de Nahel, des milliers de jeunes principalement d’origine immigrĂ©e sont entrĂ©s en rĂ©volte dans les quartiers populaires des grandes villes. Nombreuses sont les rĂ©fĂ©rences aux rĂ©voltes de 2005 suite Ă  la mort des jeunes Zyed Benna et Bouna TraorĂ© lors d’une intervention policiĂšre Ă  Clichy-sous-Bois.

    Mais les comparaisons qui sont faites oublient souvent un Ă©lĂ©ment d’importance : beaucoup de choses ont changĂ© depuis 2005, et pas seulement l’omniprĂ©sence des rĂ©seaux sociaux. 

    Ces derniers 20 ans ont surtout vu le manque d’investissements dans les services publics empirer, et de maniĂšre exponentielle, d’annĂ©e en annĂ©e. Les politiques d’austĂ©ritĂ© et de diminution des budgets qui ont sillonnĂ© la pĂ©riode du nĂ©olibĂ©ralisme depuis le dĂ©but des annĂ©es ‘80 ont causĂ© un mal incommensurable. C’est tout particuliĂšrement vrai pour les personnes Ă©conomiquement les plus fragiles. C’est Ă  tel point que dans certains quartiers, des personnes retraitĂ©es habitant dans des HLM avec trop peu de revenus pour payer leur loyer sont aidĂ©es financiĂšrement par de plus jeunes pour leur permettre de continuer Ă  vivre dans la citĂ©. 

    On trouvait dĂ©jĂ  en 2005 cette absence de perspectives d’avenir positives pour de larges couches de la jeunesse vivant dans ces quartiers, particuliĂšrement celle aux origines immigrĂ©es. Mais de quelles perspectives parle-t-on aujourd’hui ? Tout a empirĂ©. Les frustrations et les colĂšres sont plus grandes et rĂ©pandues que jamais. RĂ©duire l’actuelle explosion de colĂšre aux rĂ©seaux sociaux ou aux “jeux vidĂ©os” (selon le commentaire ridicule de Macron), cela vise avant tout Ă  minimiser ses causes sociales. Et si cette colĂšre s’est Ă©tendue si rapidement Ă  toute la France, et pas seulement aux plus grandes villes d’ailleurs, c’est parce que ces causes sociales sont systĂ©miques et se retrouvent partout.

    Dans les rĂ©voltes que vivent les quartiers aujourd’hui, la police se trouve devant des jeunes discriminĂ©s et humiliĂ©s depuis leur plus jeune Ăąge, processus accentuĂ© durant la pandĂ©mie de covid-19. Ces jeunes hommes ont certainement subi un contrĂŽle au faciĂšs encore tout rĂ©cemment. 

    Mais la rĂ©ponse des autoritĂ©s se rĂ©sume Ă  “encore un peu plus de la mĂȘme chose”. À nouveau plus de “sĂ©curitaire”, avec des mobilisations records de policiers, l’envoi de tanks dĂ©filer avec arrogance dans les rues des quartiers, et mĂȘme l’envoi d’unitĂ©s rĂ©servĂ©es Ă  la gestion de prise d’otage ou Ă  l’antiterrorisme (BRI, GIGN, RAID). Avec aussi des couvre-feux et la fermeture des transports en commun le soir. ParallĂšlement, le Garde des Sceaux (ministre de la Justice) Éric Dupond-Moretti a envoyĂ© une circulaire aux parquets pour demander “une rĂ©ponse pĂ©nale rapide, ferme et systĂ©matique” contre les jeunes interpellĂ©s lors des manifestations de rĂ©volte.

    Il n’y a pas de meilleure mĂ©thode pour attiser les flammes, alors que la mort du jeune Nahel est Ă  peine passĂ©e d’une poignĂ©e de jours. Comme si davantage de sĂ©curitaire allait permettre de rĂ©soudre un cocktail explosif composĂ© de discriminations et d’humiliations racistes créées par les institutions et la perte de repĂšres et d’avenir. 

    Avec les violences policiĂšres, les autoritĂ©s visent trĂšs consciemment Ă  stimuler davantage de violences de la part des jeunes en rĂ©volte pour dĂ©vier l’attention et tenter de semer la discorde dans notre classe sociale. 

    Cette rĂ©ponse autoritaire du gouvernement donne des ailes aux organisations d’extrĂȘme droite. Les syndicats rĂ©actionnaires Alliance et Unsa Police ont ainsi davantage encore ajoutĂ© de l’huile sur le feu, avec un communiquĂ© raciste le 30 juin qui appelle Ă  durcir la rĂ©pression : “Face Ă  ces hordes sauvages, demander le calme ne suffit plus, il faut l’imposer !” ; “L’heure n’est pas Ă  l’action syndicale mais au combat contre ces ‘nuisibles’” ; “Aujourd’hui les Policiers sont au combat car nous sommes en guerre. Demain nous serons en rĂ©sistance et le Gouvernement devra en prendre conscience.” (Ă  noter que UNSA Éducation et le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’UNSA ont condamnĂ© le communiquĂ©). C’est un reflet d’une polarisation qui existe bel et bien et est stimulĂ©e : une cagnotte de soutien au policier auteur du tir mortel a rĂ©coltĂ© 900.000€ (en date du 3 juillet, par 25.000 donateurs) ; elle a Ă©tĂ© lancĂ©e par le politicien d’extrĂȘme droite Jean Messiha, ex-membre du RN puis ex-soutien d’Éric Zemmour.

    Violences raciste et sociale ; violence policiĂšre ; et violence du mouvement

    Les rĂ©voltes dans les quartiers comprennent des Ă©pisodes de casses, d’incendies et de pillages. Il est important de clarifier avant toute chose : la premiĂšre violence, elle est raciste et socio-Ă©conomique, c’est celle qui vient des politiques menĂ©es par le systĂšme et aujourd’hui par Macron. Ce sont elles qui stimulent la colĂšre et son expression de diffĂ©rentes maniĂšres, et donc qui stimulent aussi des violences de la part d’une partie des rĂ©voltĂ©s. 

    En second lieu, les violences viennent des forces de l’ordre, ce sont les violences policiĂšres racistes. C’est tout ceci qui stimule aussi de la violence issue des quartiers.

    Le gouvernement et l’extrĂȘme droite en profitent aujourd’hui, mais il est trop facile de cacher les problĂšmes du systĂšme derriĂšre ces dĂ©bordements. Ils sont aussi la consĂ©quence de la politique menĂ©e ces derniĂšres dĂ©cennies et accentuĂ©e par Macron, et donc de la haine qui existe envers les institutions. Les cibles principales sont les bĂątiments les plus reprĂ©sentatifs des institutions du systĂšme, comme les mairies et commissariats, ainsi que les bĂątiments de grandes chaĂźnes commerciales, Ă  cĂŽtĂ© d’autres choses cassĂ©es ou incendiĂ©es.

    Que de la violence vienne d’une partie de la jeunesse rĂ©voltĂ©e, c’est largement comprĂ©hensible ; c’est l’expression de la rage aveugle contre le systĂšme, mais ce n’est bien sĂ»r pas la solution. Pour ces quartiers, qui subissent relĂ©gation sociale et pauvretĂ©, dĂ©jĂ  dĂ©sertĂ©s par les services publics, c’est la double peine : ce sont souvent les biens de la collectivitĂ© qui sont touchĂ©s, comme des bus, des maisons de quartier, des Ă©coles, des pharmacies, mais aussi des voitures, appartenant aux habitants des mĂȘmes quartiers. C’est hĂ©las notre classe, nos quartiers, qui subit les consĂ©quences des attaques contre des biens qui peuvent profiter Ă  toute la communautĂ©, insĂ©rant ainsi des divisions dans nos rangs.

    De tels Ă©lĂ©ments de casses, d’incendies et de pillages permettent aussi d’ĂȘtre saisis par le camp d’en face, pour nous diviser et pour durcir son approche liberticide et l’appareil rĂ©pressif de l’État. La classe dominante peut alors utiliser justement ces faiblesses de ces rĂ©voltes, mobiliser tout son arsenal et particuliĂšrement les mĂ©dias dominants pour les orienter contre la rĂ©volte, vers la division et mĂȘme l’oubli de ce pour quoi ces rĂ©voltes existent. 

    En fin de compte, ces casses, incendies et pillages affaiblissent la contestation. C’est par la force du nombre et l’unitĂ© dans la lutte de l’ensemble de la classe travailleuse et de la jeunesse que nous pourrons arracher de rĂ©elles solutions. 

    Lorsque l’État s’occupe de cette jeunesse, c’est pour l’humilier

    Depuis son arrivĂ©e Ă  la prĂ©sidence en 2017, Macron a de suite attaquĂ© frontalement les travailleurs et travailleuses ainsi que la jeunesse avec des politiques d’austĂ©ritĂ© et de restriction des droits syndicaux. Mais il a aussi accompagnĂ© cette guerre de classe par un accroissement de l’autoritarisme de l’État et ses forces de l’ordre, tout en encourageant le racisme systĂ©mique inhĂ©rent au systĂšme capitaliste. Quand tu t’attaques Ă  la majoritĂ© de la population, mieux vaut la diviser pour mieux rĂ©gner.

    La brutalitĂ© politique de Macron Ă  l’encontre des travailleurs et des jeunes a Ă©tĂ© un vĂ©ritable marchepied pour la croissance du RN. Le racisme d’État et les stigmatisations permanentes se sont accrus : de la loi sĂ©curitĂ©Ì globale Ă  la loi sur le sĂ©paratisme en passant par la chasse Ă  “l’islamo-gauchisme”
 Macron et ses gouvernements n’ont eu de cesse d’alimenter la division et d’accumuler les gages Ă  destination de l’extrĂȘme droite. 

    Ce n’est donc pas Ă©tonnant si Marine Le Pen est en tĂȘte dans les sondages, et ce malgrĂ© le puissant mouvement social contre la rĂ©forme des retraites. Que le RN soit vu comme le “vĂ©ritable” opposant, c’est le but de Macron et ses ministres. C’est d’ailleurs pourquoi ce sont surtout eux qui aujourd’hui, bien plus que le RN, distillent consciemment le racisme et la division, avec notamment la loi JO 2024, la future loi immigration et l’opĂ©ration militaire raciste anti-migrants comoriens Ă  Mayotte (“l’OpĂ©ration Wuambushu”), et bien sĂ»r aujourd’hui encore avec la rĂ©ponse autoritaire et raciste de Darmanin et sa police face aux rĂ©voltes dans les quartiers populaires.

    La politique nĂ©olibĂ©rale menĂ©e particuliĂšrement depuis “le tournant de la rigueur” de Mitterrand en 1983 puis dans les dĂ©cennies qui ont suivi a vidĂ© les services publics de leur contenu, avec des consĂ©quences concrĂštes vĂ©cues partout, mais surtout dans les quartiers populaires oĂč s’accumule la pauvretĂ©. Logements insalubres, perspectives d’emplois difficiles, manque d’accĂšs aux soins et aux services publics de base : lĂ -bas plus que partout ailleurs, le dĂ©sinvestissement dans tous les pans de la vie se fait cruellement sentir. L’absence de perspectives d’avenir est le dĂ©nominateur commun Ă  de larges couches de la jeunesse habitant ces quartiers. Et pour tenter de masquer cette pauvretĂ© et ce manque de perspectives, le systĂšme a d’autant plus encore besoin de l’arme de la division, notamment raciste.

    L’attitude agressive de la police dans les quartiers pauvres oĂč les personnes d’origine immigrĂ©e sont surreprĂ©sentĂ©es est destinĂ©e Ă  maintenir les gens enfermĂ©s dans des logements et des Ă©coles infĂ©rieurs aux normes et Ă  les maintenir dans une forme de sĂ©grĂ©gation. Et les politiciens racistes cherchent Ă  prĂ©senter ces populations comme une menace pour les couches “blanches” parmi la classe travailleuse et la classe moyenne afin de disposer d’un plus large soutien pour leurs politiques rĂ©pressives.

    “Il n’y a pas de capitalisme sans racisme” – Malcolm X

    Dans cette sociĂ©tĂ©, le racisme est systĂ©mique. À l’instar des autres oppressions qui sĂ©vissent dans la sociĂ©tĂ© (particuliĂšrement le sexisme et la LGBTQIA+phobie), le racisme est une arme consciemment utilisĂ©e par la classe dominante et ses instruments politiques pour imposer plus facilement sa politique en Ă©vitant de devoir faire face Ă  une classe travailleuse unifiĂ©e.

    Dans cet exercice, l’État français a toujours excellĂ©. De l’introduction de l’esclavage sur base du commerce triangulaire avec les Antilles jusqu’Ă  l’assassinat de Nahel, les autoritĂ©s françaises ont toujours appliquĂ© des politiques enfermant les personnes “de couleur” dans un statut d’infĂ©rioritĂ©, longtemps  ouvertement, aujourd’hui non plus dans les mots mais toujours dans la pratique.

    Le contrĂŽle au faciĂšs n’est pas un mythe : en France, une personne noire ou d’origine nord-africaine a 6 Ă  7 fois plus de risque de se faire contrĂŽler qu’une personne blanche. Si on y ajoute le fait que les jeunes de 18-25 ans sont 7 fois plus contrĂŽlĂ©s que la moyenne de la population, les statistiques montrent qu’un jeune homme noir ou d’origine nord-africaine a une probabilitĂ© 20 fois plus Ă©levĂ©e d’ĂȘtre contrĂŽlĂ©. Et ce n’est qu’une Ă©tude, probablement en dessous de la rĂ©alitĂ©. 

    Le racisme est systĂ©mique, et pas seulement dans les contrĂŽles policiers : discriminations Ă  l’embauche et Ă  l’accĂšs au logement, sous-reprĂ©sentation dans les Ă©tudes et formations menant Ă  des emplois aux conditions de travail et de salaire supĂ©rieurs, surreprĂ©sentation dans les emplois non qualifiĂ©s moins rĂ©munĂ©rateurs, 


    Violences racistes et policiĂšres – la promesse d’injustice

    C’est un fait que l’utilisation des armes par la police ainsi que les meurtres ont augmentĂ© sous Macron, mĂȘme si l’adoption de la loi sur l’usage des armes par la police a Ă©tĂ© introduite en fĂ©vrier 2017 sous Hollande, par le Premier ministre Bernard Cazeneuve, juste avant que Macron arrive au pouvoir. De 2017 Ă  2021, l’usage des armes par les policiers a augmentĂ© de 26 % par rapport Ă  2012-2016. L’augmentation est mĂȘme de 39 % sur l’usage des armes contre un vĂ©hicule.

    Mais le changement dans la loi n’est pas le seul accĂ©lĂ©rateur des violences policiĂšres. L’arrivĂ©e de GĂ©rald Darmanin au ministĂšre de l’IntĂ©rieur a fait passer un cap aux violences meurtriĂšres : comme le magazine en ligne Basta! l’indique, depuis 2020, le nombre de personnes tuĂ©es par un tir des forces de l’ordre a doublĂ© ; et trois fois plus de personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es suite Ă  une arrestation. 

    Les condamnations de policiers meurtriers sont extrĂȘmement rares. On peut imaginer que l’assassin de Nahel, vu l’existence de cette vidĂ©o et vu la pression, devrait probablement ĂȘtre condamnĂ©. D’autant qu’il est lĂąchĂ© par une partie de sa hiĂ©rarchie et par les autoritĂ©s politiques, qui jouent la stratĂ©gie du “policier violent isolĂ©”, pour tenter d’Ă©viter que toute l’institution soit montrĂ©e du doigt. Mais la jeunesse des quartiers populaires est trĂšs consciente  qu’il ne s’agit pas d’un problĂšme d’individus au sein des forces de l’ordre, mais bien de violences racistes gĂ©nĂ©ralisĂ©es, stimulĂ©es par les autoritĂ©s politiques et au sein de mĂȘme de la police.

    Le gouvernement a beau se cacher derriĂšre l’invariable “laissez la justice faire son travail”, nous sommes nombreux Ă  savoir que dans ce genre de cas, comme dans bien d’autres, la justice ne fait pas ce qu’on attend d’elle. Dans une sociĂ©tĂ© composĂ©e de diffĂ©rentes classes sociales aux intĂ©rĂȘts antagonistes, les diffĂ©rentes institutions jouent le rĂŽle, en derniĂšre instance, de dĂ©fendre la classe qui dirige. Dans notre sociĂ©tĂ©, il s’agit de la classe capitaliste. Et c’est bien Ă  une justice de classe que nous avons Ă  faire.

    Le rĂŽle de l’État ; le rĂŽle des forces de l’ordre

    Comme l’expliquait Friedrich Engels il y a plus de cent ans, l’émergence de l’appareil rĂ©pressif de l’État, comprenant armĂ©e, police, prisons, etc. reflĂšte historiquement la division de la sociĂ©tĂ© en classes sociales ayant des intĂ©rĂȘts antagonistes impossibles Ă  concilier. L’État est constituĂ©, selon les termes d’Engels, de “dĂ©tachements spĂ©ciaux d’hommes armĂ©s”, qui maintient le conflit de classes “dans les limites de l’ordre” mais dĂ©fend en fin de compte les intĂ©rĂȘts de la classe dominante (pour approfondir : lire L’État et la RĂ©volution, LĂ©nine). La rĂ©pression et la menace du recours Ă  la violence font partie intĂ©grante de la protection des richesses et de la domination de la classe dominante dans une sociĂ©tĂ© aussi inĂ©galitaire que la nĂŽtre.

    C’est pourquoi la rĂ©pression de la part du bras armĂ© de l’État capitaliste est vive contre chaque mouvement social qui menace les intĂ©rĂȘts de la classe dominante. Le dĂ©chainement policier contre le mouvement des Gilets Jaunes fin 2018 et en 2019 a blessĂ© 25.000 manifestants, dont 353 Ă  la tĂȘte, 30 Ă©borgnĂ©s et 6 mains arrachĂ©s ; ainsi que la mort de Zineb Redouane, une octogĂ©naire algĂ©rienne qui vivait Ă  Marseille. 

    Le puissant mouvement social contre la rĂ©forme des retraites a lui aussi reçu une rĂ©pression policiĂšre impressionnante, avec notamment l’Ă©borgnement par le tir d’une grenade de dĂ©sencerclement d’un cheminot syndicaliste SUD Rail Ă  Paris, ou encore l’arrachage par une grenade d’un pouce d’une travailleuse dans l’accompagnement des Ă©lĂšves en situation de handicap (AESH) Ă  Rouen. Dans les secteurs et entreprises oĂč le personnel a Ă©tĂ© en grĂšve reconductible (raffineries, collecte et traitement des dĂ©chets, 
), la violence de l’État capitaliste s’est aussi illustrĂ©e, par sa justice et sa police, avec le forçage de piquets de grĂšve et la rĂ©quisition de personnel pour relancer le travail.

    Durant la pandĂ©mie, le personnel soignant Ă©tait officiellement applaudi par les autoritĂ©s, mais lorsqu’il manifestait pour davantage de moyens et de personnel, la rĂ©ponse Ă©tait invariablement les matraques et les gaz lacrymogĂšnes.

    La jeunesse aussi, particuliĂšrement ces derniĂšres annĂ©es, est une cible privilĂ©giĂ©e de la rĂ©pression policiĂšre. La classe dominante connaĂźt le risque d’une jeunesse qui se lĂšve et qui peut entraĂźner derriĂšre elle des couches entiĂšres de la classe travailleuse. Lorsqu’elle se mobilise contre les politiques anti-Ă©cologiques, ou contre l’arrogance antidĂ©mocratique de Macron Ă  l’occasion du mouvement contre la rĂ©forme des retraites, elle est directement sous attaque. Gaz lacrymogĂšnes, matraquages, tirs de LBD, grenades de dĂ©sencerclement, charges policiĂšres contre les cortĂšges, nasses et gardes Ă  vue arbitraires… 

    En mars, un enregistrement audio a dĂ©montrĂ© que de jeunes manifestants arrĂȘtĂ©s ont reçu des gifles, des intimidations, des insultes (y compris racistes) et des menaces physiques par des policiers de la BRAV-M (Brigade de rĂ©pression de l’action violente – motorisĂ©e). D’autres tĂ©moignages faisaient part d’attouchements sexuels dont Ă©tĂ© victimes des jeunes femmes emmenĂ©es dans un commissariat. Le but de tout ceci est de faire peur, et de faire taire les mouvements sociaux.

    La police ne peut pas ĂȘtre “abolie” dans le cadre d’une sociĂ©tĂ© capitaliste. Tant que les capitalistes seront au pouvoir, ils devront trouver un moyen de protĂ©ger leurs intĂ©rĂȘts et leurs biens. Il n’est pas non plus possible de crĂ©er une police “non raciste” tant que le racisme et la sĂ©grĂ©gation institutionnels restent intacts dans la sociĂ©tĂ©. Des petites amĂ©liorations peuvent ĂȘtre parfois gagnĂ©es, sur base de luttes, mais la solution est de se dĂ©barrasser du capitalisme lui-mĂȘme.

    Pour un mouvement de masse de la classe travailleuse et de la jeunesse contre les violences du systĂšme !

    Le mouvement ouvrier doit jouer un rĂŽle en s’impliquant activement dans l’organisation, la canalisation de toute cette colĂšre et cette Ă©nergie mises dans les casses et pillages. Cette colĂšre doit s’orienter non vers les bĂątiments publics et de grandes enseignes commerciales, mais vers ce qu’il y a derriĂšre : le systĂšme lui-mĂȘme, qui crĂ©e les conditions pour que les violences existent, et qui s’en nourrit.

    Mi-juin, l’intersyndicale a actĂ© la fin du mouvement contre la rĂ©forme des retraites. Un puissant mouvement social, qui n’a pas obtenu le retrait de la rĂ©forme, mais qui a pesĂ© et va peser lourdement sur l’atmosphĂšre sociale et politique durant les 4 annĂ©es de mandat qu’il reste Ă  Macron. En rĂ©alitĂ© la bataille des retraites n’est pas terminĂ©e, et septembre pourrait sonner le renouveau du combat syndical, sur les retraites ou d’autres questions. Le potentiel de lutte va rester explosif, avec une avant-garde renforcĂ©e numĂ©riquement et qualitativement au cĂŽtĂ© de couches larges de travailleurs et travailleuses enrichies par ce combat historique et qui ont repris confiance dans la force de la lutte collective. Tout ce potentiel doit ĂȘtre engagĂ© dans une lutte de masse contre les humiliations et violences racistes et policiĂšres.

    Fin mai 2020, le meurtre raciste de George Floyd par la police aux USA avait relancĂ© le mouvement #BlackLivesMatter (“les vies des noirs comptent”). En Ă©cho et pour s’opposer au racisme systĂ©mique et aux violences policiĂšres en France, des dizaines de milliers de personnes s’Ă©taient mobilisĂ©es, particuliĂšrement Ă  l’appel du comitĂ© “La vĂ©ritĂ© pour Adama”. Un an plus tard, ce sont encore 150.000 personnes qui se sont mobilisĂ©es dans les rues partout en France. Le caractĂšre structurel du racisme et des violences policiĂšres est de plus en plus visible et largement reconnu. Le mouvement Black Lives Matter a permis de mettre Ă  mal la propagande officielle. C’est une base sur laquelle construire pour aller plus loin.

    Les milliers de personnes prĂ©sentes Ă  la Marche blanche organisĂ©e Ă  Nanterre le 29 juin en hommage Ă  Nahel reflĂštent la volontĂ© de se mobiliser pour la vĂ©ritĂ© et la justice, et pour que les choses changent. De telles mobilisations peuvent servir d’exemple. Le mouvement ouvrier organisĂ© doit se tourner vers ces couches parmi la jeunesse, souvent non organisĂ©es syndicalement, pour Ă©largir la lutte Ă  toutes les couches de la classe travailleuse, fournir les mĂ©thodes de lutte et montrer des perspectives pour faire reculer les autoritĂ©s et l’extrĂȘme droite, et aller vers des victoires.

    Pour construire un bon rapport de force, il faut chercher Ă  rassembler et organiser toutes celles et ceux qui veulent lutter contre le racisme, car c’est par l’action collective et la mobilisation de masse que des victoires peuvent ĂȘtre obtenues. Et ce qui nous unit, c’est que nous sommes victimes, Ă  des degrĂ©s divers, des pĂ©nuries sociales (manque de logements sociaux, manque d’emplois dĂ©cents, manque de moyens dans les services publics,
) et de l’exploitation qui dĂ©coule du systĂšme de profit capitaliste.

    Un programme qui ne laisse personne de cÎté

    Les organisations syndicales ont encore trop souvent l’attitude de se concentrer sur leurs “bastions”, mais si ceux-ci peuvent et doivent jouer le rĂŽle moteur, il est absolument crucial de chercher Ă  entraĂźner dans leur sillage les secteurs et les couches moins mobilisĂ©es, et tout particuliĂšrement la jeunesse , notamment des quartiers. C’est une des faiblesses de la rĂ©sistance contre la rĂ©forme des retraites et c’est aussi tout l’enjeu d’une lutte antiraciste ambitieuse. 

    Durant le mouvement contre la rĂ©forme des retraites, nous avions d’ailleurs proposĂ© la mise sur pied de comitĂ©s de lutte et de grĂšve anti-Macron partout, sur les lieux de travail, dans les Ă©coles et facs, mais aussi dans les quartiers populaires. Des comitĂ©s larges, ouverts Ă  tous et toutes, qui permettent de construire la lutte Ă  la base, dĂ©mocratiquement, en impliquant tout le monde activement dans sa prĂ©paration et son organisation. Si de tels comitĂ©s avaient Ă©tĂ© mis en place, ils pourraient aujourd’hui servir de tremplin pour faire passer la rĂ©volte contre le racisme d’État Ă  un autre niveau. 

    Dans les syndicats, beaucoup de militants et de militantes se sont aujourd’hui investis dans la solidaritĂ© avec les victimes de violences policiĂšres racistes. Mais c’est beaucoup moins le cas des organisations syndicales elles-mĂȘmes. Les organisations syndicales et leurs activistes ont un rĂŽle majeur Ă  jouer dans la mise sur pied d’un mouvement de masse, qui implique activement toutes les couches de la classe travailleuse, la jeunesse et les populations opprimĂ©es.

    Nous devons rĂ©agir Ă  chaque attaque raciste par la mobilisation : une mobilisation de masse de l’ensemble qui doit s’opposer en fait Ă  toutes les politiques racistes journaliĂšres dont sont victimes principalement les quartiers populaires ainsi que les populations dans la “France d’Outre-Mer”, dont la gestion par l’État français est un vestige direct de son empire colonial. “Une Ă©meute est le langage de ceux qu’on n’entend pas” disait Martin Luther King. Donnons une voix Ă  ceux et celles qu’on entend pas par la solidaritĂ© active et la construction d’un mouvement de masse contre les politiques racistes structurelles. Il est impossible de rĂ©soudre le problĂšme en s’en remettant aux institutions de l’État qui entretiennent le racisme systĂ©mique.

    La colĂšre doit ĂȘtre rassemblĂ©e autour du mouvement ouvrier en dĂ©fendant un programme qui combat l’austĂ©ritĂ© et le racisme par la solidaritĂ© : une lutte massive unitaire de la classe travailleuse, la jeunesse et des populations opprimĂ©es, armĂ©e d’un programme de revendications offensives pour imposer ce que le camp d’en face refuse de mettre en place : la vĂ©ritĂ© et la justice pour toutes les victimes des violences policiĂšres racistes ; la dĂ©militarisation de la police, le dĂ©mantĂšlement des unitĂ©s les plus rĂ©actionnaires comme les Brigades anticriminalitĂ© (BAC) et la BRAV-M, et la mise sous contrĂŽle dĂ©mocratique de la police par les communautĂ©s ouvriĂšres et quartiers dĂ©favorisĂ©s, les secteurs de travail clĂ©s et syndicats pour en finir avec les brutalitĂ©s policiĂšres.

    Une revendication cruciale est celle d’investissements publics massifs dans les quartiers dĂ©favorisĂ©s : dans les services publics, le logement et l’accĂšs Ă  un emploi bien rĂ©munĂ©rĂ© pour tous et toutes ; dans l’Ă©ducation, l’accĂšs Ă  la santĂ© Ă  la culture et au sport ; dans les associations et les centres sociaux. La France Insoumise a raison de porter une telle revendication, reprise dans son plan d’urgence “Justice partout” (voir ici)

    Les conditions de travail et de salaire doivent changer. Un minimum est de dĂ©fendre une augmentation immĂ©diate de tous les salaires de 10% et le retour de l’échelle mobile des salaires supprimĂ©e par Mitterrand en 1983 pour affronter l’inflation. Garantir l’accĂšs Ă  l’enseignement pour toutes et tous implique aussi l’instauration d’un salaire Ă©tudiant Ă  hauteur du SMIC. Quant aux secteurs Ă  bas salaires, plaçons-les sous contrĂŽle public afin d’assurer un vĂ©ritable statut au personnel, avec un bon salaire et de bonnes conditions de travail. Il nous faut un emploi garanti et du temps pour vivre, et donc une rĂ©duction collective du temps de travail, sans diminution des salaires, avec embauches compensatoires et diminution des cadences. 

    Les militant.e.s de la FI et les syndicalistes ont un rĂŽle Ă  jouer dans la construction d’un mouvement de lutte unifiĂ©. MĂ©lenchon avait d’ailleurs remportĂ© des scores exceptionnels dans les quartiers populaires lors de l’Ă©lection prĂ©sidentielle 2022, mĂȘme si l’alliance de la NUPES qui a suivi a mis Ă  mal une partie du soutien, un accord qui n’Ă©tait pas partagĂ© par tous et toutes dans les quartiers populaires surtout, puisqu’il contient des Ă©lĂ©ments qui se sont illustrĂ©s dans la gestion du systĂšme, qui ont menĂ© des politiques locales contre les intĂ©rĂȘts des habitants de ces quartiers.

    Pour une lutte socialiste révolutionnaire

    Vivre dans une sociĂ©tĂ© oĂč personne n’aura Ă  craindre la rĂ©pression de l’État et le racisme, ça implique de se dĂ©barrasser du capitalisme. La seule maniĂšre de rĂ©pondre aux besoins sociaux de l’ensemble sans discrimination nĂ©cessitera de remettre le pouvoir Ă  la majoritĂ© sociale.

    Finissons-en avec l’exploitation capitaliste des deux sources de toutes richesses, les travailleurs et travailleuses et la nature, en nationalisant sous contrĂŽle et gestion dĂ©mocratiques les secteurs clĂ©s de l’économie. De cette maniĂšre, il serait possible d’avancer vers une Ă©conomie dĂ©mocratiquement planifiĂ©e qui poserait les bases de l’anĂ©antissement de toute oppression, exploitation, violence, inĂ©galitĂ© et injustice. C’est le projet du socialisme rĂ©volutionnaire : renverser le capitalisme et balancer le racisme, le sexisme, la LGBTQI+phobie et les autres discriminations et oppressions dans les poubelles de l’histoire.

  • Fin du premier acte de la piĂšce de théùtre “L’effondrement du rĂ©gime de Poutine”

    La mutinerie de Prigojine et de ses mercenaires de Wagner s’est brusquement terminĂ©e. Le texte qui suit est un commentaire prĂ©liminaire sur les Ă©vĂ©nements, une analyse plus complĂšte arrivera bientĂŽt article.

    Par ĐĄĐŸŃ†ĐžĐ°Đ»ĐžŃŃ‚ĐžŃ‡Đ”ŃĐșая AĐ»ŃŒŃ‚Đ”Ń€ĐœĐ°Ń‚ĐžĐČа (CA, ASI- Alternative socialiste)

    AprÚs 24 heures de tensions dramatiques, la télévision russe a annoncé que les négociations entre le dictateur bélarusse Aleksander Loukachenko et le chef des mercenaires de Wagner, Evgueni Prigojine, avaient abouti. Prigojine mettrait fin à sa marche sur Moscou et ses troupes se verraient offrir une retraite sécurisée en Belarus. Peu de temps aprÚs, Prigojine a annoncé que ses troupes faisaient demi-tour vers un camp de campagne, comme convenu.

    Les rapports de l’heure prĂ©cĂ©dente indiquaient qu’une partie des forces de Wagner avait atteint la rĂ©gion de Moscou et se trouvait probablement Ă  environ 100-150 km de la frontiĂšre sud de la capitale. Elles avaient parcouru prĂšs de mille kilomĂštres depuis Rostov, ne rencontrant pratiquement aucune rĂ©sistance. À un moment donnĂ©, prĂšs de Lipetsk, elles ont Ă©tĂ© attaquĂ©es par l’aviation russe, qui a rĂ©ussi Ă  dĂ©truire ce qui semble ĂȘtre un camion. Wagner affirme qu’ils ont abattu trois hĂ©licoptĂšres d’attaque russes. Plus loin sur la route, ils ont rencontrĂ© un barrage routier créé par un groupe de conducteurs de tracteurs-excavateurs locaux qui ont creusĂ© la route.

    À l’approche de la capitale, la tension a montĂ©. Des barrages routiers ont Ă©tĂ© mis en place sur toutes les routes d’accĂšs, et les Moscovites ont Ă©tĂ© avertis que la police pourrait pĂ©nĂ©trer dans leur domicile sans l’aval d’un tribunal. Il Ă©tait clair que la surveillance des tĂ©lĂ©phones Ă©tait accrue. Des caves ont Ă©tĂ© fouillĂ©es. Les activitĂ©s publiques ont Ă©tĂ© annulĂ©es, ce qui est particuliĂšrement pĂ©nible pour ceux qui quittent l’Ă©cole cette annĂ©e, car ce soir est traditionnellement utilisĂ© pour les cĂ©lĂ©brations. Les billets d’avion pour quitter la ville ont Ă©tĂ© vendus Ă  des prix spĂ©culatifs, et l’on pense que Poutine lui-mĂȘme, Medvedev et sa famille, ainsi que la fille de ChoĂŻgou, ont tous fui la ville.

    On ne peut que spĂ©culer sur ce qui se serait passĂ© si Prigojine avait atteint les limites de la ville. Il comptait manifestement sur le mĂ©contentement gĂ©nĂ©ralisĂ© de la police et de la garde nationale, qui n’auraient eu aucune envie de s’opposer Ă  lui. Mais Ă  mesure qu’il approchait de Moscou, il s’est rendu compte que ce ne serait pas le cas. De plus, Moscou, avec sa population traditionnellement tournĂ©e vers l’opposition, aurait pu trĂšs facilement s’organiser contre lui. Son seul espoir Ă©tait d’entrer en contact avec une partie de l’Ă©lite dirigeante dĂ©sireuse de s’opposer Ă  Poutine, mais rien ne le laissait prĂ©sager. En effet, de nombreux gouverneurs rĂ©gionaux et le maire de Moscou, ainsi que le leader tchĂ©tchĂšne Kadyrov se sont prononcĂ©s contre Prigojine. Il va sans dire que le dirigeant “communiste” Ziouganov a publiĂ© une dĂ©claration flatteuse en faveur de Poutine.

    Pour expliquer ce qui s’est passĂ©, une version qui semble avoir une certaine crĂ©dibilitĂ© est que Prigojine pensait initialement que sa prise initiale de Rostov persuaderait Poutine, qu’il croyait ĂȘtre encore un ami proche, d’agir contre ChoĂŻgou et Guerassimov. Mais son plan a Ă©tĂ© contrariĂ© par le fait que ChoĂŻgou, qui se trouvait Ă  Rostov, a rĂ©ussi Ă  fuir la ville et Ă  rendre compte directement Ă  Poutine, ce qui a mis Ă  mal la thĂšse de Prigojine. AprĂšs cela, Poutine a changĂ© radicalement de langage, accusant son ami de trahison Ă  la tĂ©lĂ©vision d’État. Cela a poussĂ© Prigojine Ă  lancer sa “Marche pour la justice”. Le changement d’avis soudain de Poutine, qui a autorisĂ© Prigojine Ă  s’exiler au Belarus, et la retraite de Prigojine semblent avoir suivi l’intervention du gouverneur de la rĂ©gion de Tver, ancien chef de la garde du Kremlin et autre ami proche de Poutine, qui pourrait avoir soutenu certaines des critiques de Prigojine Ă  l’Ă©gard des chefs de l’armĂ©e. Poutine a assurĂ© Ă  Prigojine, dont il avait ordonnĂ© l’arrestation pour trahison, que les charges seraient abandonnĂ©es et qu’il s’occuperait de la situation au sein de la direction de l’armĂ©e.

    Il convient toutefois de souligner que cette version fait partie d’un certain nombre de “thĂ©ories du complot”. Elle est largement spĂ©culative et pourrait donc s’avĂ©rer inexacte au fur et Ă  mesure de l’apparition d’informations supplĂ©mentaires.

    Quoi qu’il en soit, mĂȘme si le Kremlin a rĂ©ussi Ă  Ă©viter une crise existentielle pour l’instant, cette derniĂšre journĂ©e a portĂ© un coup sĂ©rieux Ă  la crĂ©dibilitĂ© du Kremlin. Elle a portĂ© atteinte Ă  l’image d’invincibilitĂ© de Poutine. Jusqu’Ă  prĂ©sent, il Ă©tait considĂ©rĂ© comme le garant de la stabilitĂ© au sein de l’Ă©lite dirigeante, s’appuyant et manƓuvrant entre diffĂ©rentes sections pour garder le contrĂŽle. Aujourd’hui, l’un de ses enfants prĂ©fĂ©rĂ©s – Prigojine – a sĂ©rieusement secouĂ© le bateau. On ne sait toujours pas ce que contient le petit texte de l’accord avec Prigojine, mais il est dĂ©sormais probable que Poutine devra contrĂŽler les actions de Shoigu et de Guerassimov, s’il veut Ă©viter de nouvelles rĂ©voltes.

    La mutinerie a Ă©galement nui aux actions de l’armĂ©e en Ukraine. Outre le fait qu’elle a remontĂ© le moral des forces ukrainiennes, alors que l’armĂ©e russe commençait Ă  retirer ses forces de l’est de l’Ukraine, prĂȘtes Ă  s’opposer Ă  Prigojine, l’armĂ©e ukrainienne a annoncĂ© de nouveaux gains, encore modestes, dans son offensive. Elle a continuĂ© Ă  encercler Bakhmut et s’est emparĂ©e de la ville de Krasnohorivka, une banlieue de Donetsk qui Ă©tait contrĂŽlĂ©e par les forces russes depuis 2014.

    Si Prigojine avait rĂ©ussi Ă  atteindre Moscou et qu’une fusillade s’Ă©tait dĂ©clenchĂ©e, cela laissait entrevoir l’Ă©clatement du pays en factions belligĂ©rantes, dans une guerre civile aux multiples facettes. Le chef tchĂ©tchĂšne Kadyrov avait dĂ©jĂ  envoyĂ© son armĂ©e, dĂ©clarant qu’il reprendrait Rostov Ă  Prigojine. Cette dĂ©claration aura suscitĂ© l’inquiĂ©tude dans les capitales du monde entier.

    L’impĂ©rialisme occidental souhaite voir l’impĂ©rialisme russe repoussĂ© Ă  l’intĂ©rieur de ses frontiĂšres, mais craint une rĂ©pĂ©tition des annĂ©es 1990 lorsque, aprĂšs la restauration du capitalisme, la rĂ©gion est devenue un foyer de seigneurs de la guerre et de conflits ethniques. Le rĂ©gime chinois semble lui aussi s’abstenir de tout commentaire, sans doute prĂ©occupĂ© par le danger d’une telle instabilitĂ© chez son plus grand voisin. Il n’apprĂ©ciera pas que le dirigeant de son principal partenaire stratĂ©gique soit perçu comme de plus en plus affaibli sur la scĂšne mondiale. Aujourd’hui, les puissances impĂ©rialistes s’interrogent sur les consĂ©quences du recul de Wagner pour d’autres pays, notamment sur le continent africain oĂč les mercenaires de Wagner sont particuliĂšrement actifs.

    L’affaiblissement de l’autoritĂ© de Poutine se traduira Ă  un moment donnĂ© par une augmentation de la politisation des Russes. Il est essentiel que cela serve Ă  argumenter et Ă  construire une alternative internationaliste et socialiste aux bellicistes capitalistes corrompus actuels et Ă  leur rĂ©gime.

  • État espagnol. Revers Ă©lectoral majeur pour la coalition gouvernementale aux Ă©lections locales

    Le gouvernement de coalition PSOE – Unidos Podemos est en Ă©tat de choc, aprĂšs des Ă©lections rĂ©gionales et locales dĂ©sastreuses. La tactique du chef du gouvernement Pedro SĂĄnchez de convoquer rapidement des Ă©lections gĂ©nĂ©rales (le 23 juillet) repose sur la peur Ă  la perspective d’un gouvernement PP-VOX.

    Par John Hird, ASI, Pays Basque, article initialement publié le 30 mai

    La gauche a perdu les gouvernements rĂ©gionaux “autonomes” d’Aragon, de Cantabrie, des Canaries, des Ăźles BalĂ©ares, de Valence, d’EstrĂ©madure et de La Rioja, tout en conservant Castille-La Manche, les Asturies et la Navarre. Le Partido Popular (droite) continuera Ă  gouverner la rĂ©gion de Murcie et la CommunautĂ© de Madrid, avec une majoritĂ© absolue pour le populiste de droite Ayuso Ă  Madrid.

    L’arithmĂ©tique Ă©lectorale est trĂšs claire. Il y a quatre ans, lors des Ă©lections municipales, 22 964 058 personnes ont votĂ©, avec un taux de participation de 65,2 %. Parmi eux, 6 657 119 Ă©lecteurs (29,26 %) ont votĂ© pour le PSOE et 5 058 542 (22,23 %) pour le PP. Aujourd’hui, le PP a plus de 31,5% des voix et le PSOE moins de 28%. Cette annĂ©e, 22 452 378 personnes ont votĂ© pour leurs conseils locaux, soit 63,92% de l’électorat. Le fait que 37 % de la population n’ait pas votĂ© reflĂšte la dĂ©sillusion de la classe ouvriĂšre et des jeunes face au bilan des diffĂ©rents partis qui se rĂ©clament de la gauche mais qui, au pouvoir – aux niveaux national, rĂ©gional et local – n’ont pas rĂ©ussi Ă  apporter de rĂ©elles amĂ©liorations Ă  la vie des travailleurs au cours des annĂ©es de crise.

    Le PP de droite, dirigĂ© par Alberto FeijĂło, gouvernera avec le parti d’ultra-droite VOX, dirigĂ© par Santiago Abascal, en Aragon, en EstrĂ©madure, Ă  Valence, dans les Ăźles BalĂ©ares et en Cantabrie. Le parti d’Abascal consolide sa position en tant que force de gouvernement, au niveau rĂ©gional et local. Dans la rĂ©gion de Murcie Ă©galement, le PP pourrait partager le gouvernement avec VOX.

    La polarisation de la situation politique a presque rayĂ© de la carte le parti populiste de droite plus modĂ©rĂ© Ciudadanos (Parti des citoyens), qui Ă©tait Ă  l’origine un projet de la classe dirigeante visant Ă  semer la confusion et Ă  bloquer les mouvements vers la gauche aprĂšs la croissance initiale de Podemos.

    Le fantĂŽme de l’ETA

    Les Ă©lections ont Ă©tĂ© marquĂ©es par des slogans dĂ©magogiques et vides de sens de la part de la droite. À Madrid, Ayuso a affirmĂ© que SĂĄnchez n’Ă©tait au pouvoir que grĂące aux “votes de l’ETA” (les paramilitaires nationalistes basques dissous), tandis que la coalition PSOE – UNIDOS Podemos s’appuie sur les votes du parti nationaliste de gauche Baque BILDU. L’ETA a abandonnĂ© la lutte armĂ©e il y a plus de dix ans et BILDU – qui comprend de nombreux anciens membres de Batasuna, le parti qui soutenait l’ETA – poursuit une voie Ă©lectorale. D’anciens prisonniers figurent sur leurs listes Ă©lectorales. Il est significatif que le discours stĂ©rile de la droite s’appuie sur l’Ă©vocation des fantĂŽmes du passĂ© pour tromper l’Ă©lectorat.

    Cette tactique n’a pas fonctionnĂ© au Pays Basque. La gauche a conservĂ© la Navarre et, dans la capitale basque Vitoria-Gasteiz, BILDU a obtenu pour la premiĂšre fois le plus grand nombre de voix dans la ville. VOX n’a pas atteint le seuil de voix nĂ©cessaire pour obtenir un siĂšge au conseil municipal. Dans l’ensemble du Pays basque, BILDU a obtenu les meilleurs rĂ©sultats de son histoire et a portĂ© son nombre de conseillers Ă  un niveau record. Auparavant, le parti nationaliste basque nĂ©olibĂ©ral PNV dominait les institutions basques. La montĂ©e en puissance de BILDU s’inscrit dans le contexte d’une classe ouvriĂšre de plus en plus combative au Pays basque.

    La lutte des classes se poursuit au Pays basque

    Une grÚve générale des travailleurs de la santé a eu lieu les 18 et 19 mai contre le démantÚlement du service public de santé basque Osakidetza, mené par le parti nationaliste bourgeois au pouvoir, le PNV. Le BILDU et les syndicats indépendantistes ELA et LAB sont considérés comme de fervents défenseurs des services de santé et ont électoralement bénéficié de cette position. La lutte acharnée pour la défense des services de santé se poursuit.

    De mĂȘme, en Navarre, 10 000 enseignants Ă©taient en grĂšve pour rĂ©clamer la rĂ©duction des contrats d’emploi temporaire Ă  moins de 8 %, la rĂ©duction de la surcharge de travail avec plus de ressources et la rĂ©cupĂ©ration du pouvoir d’achat aprĂšs avoir perdu 20 % depuis 2010, ce qui nĂ©cessite des amĂ©liorations salariales.

    Des vagues de travailleuses, comme les femmes de mĂ©nage, dĂ©clarĂ©es “essentielles” pendant la pandĂ©mie, se mobilisent pour lutter contre la paupĂ©risation des conditions de vie. Deux jours avant les Ă©lections, la capitale basque a Ă©tĂ© paralysĂ©e par une grĂšve des tramways qui a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un soutien massif.

    Au Pays basque, BILDU a rĂ©ussi Ă  attirer d’anciens Ă©lecteurs de Podemos et a ainsi obtenu des rĂ©sultats au-delĂ  de toutes les attentes. Le facteur clĂ© est que Podemos, bien que nĂ© du mouvement des IndignĂ©s en 2011 et de la vague de mouvements de masse qui a suivi, s’est rĂ©solument tournĂ© vers la politique purement Ă©lectorale et les alliances de circonstance, ce qui leur a fait perdre leur base au Pays basque, oĂč une alternative plus combative est offerte par Bildu, en particulier aux jeunes.

    Lehendakari (prĂ©sident) du PNV au Pays Basque, Iñigo Urkullu, a dĂ©clarĂ© que le Pays Basque est le “leader en matiĂšre de grĂšves et de manifestations” – et a ajoutĂ© que 50% de toutes les grĂšves en Espagne se concentrent dans cette rĂ©gion – alors qu’il s’agit d’une communautĂ© “leader” en termes de revenus, de faible pauvretĂ© et de cohĂ©sion sociale. Ce commentaire rĂ©vĂšle que mĂȘme le dirigeant d’un parti nationaliste bourgeois comprend que la lutte des classes a affectĂ© le soutien Ă  son parti et laisse entendre que les travailleurs devraient ĂȘtre reconnaissants de ce qu’ils ont et accepter les rĂ©ductions de moyens. Cependant, les travailleurs du Pays Basque comprennent que la classe ouvriĂšre basque s’est battue pour obtenir un niveau de vie relativement plus Ă©levĂ© et de meilleurs services publics et qu’ils ne vont pas y renoncer sans se battre.

    Il est Ă©galement significatif qu’au Pays Basque, un mouvement de jeunesse important, combatif et socialiste soit en train de se dĂ©velopper. Gazte Koordinadora Sozialista. GKS critique les positions plus rĂ©formistes adoptĂ©es par BILDU et sa politique consistant Ă  essayer de construire un “consensus national” avec le parti nationaliste bourgeois au pouvoir, PNV. Ils critiquent Ă©galement le manque d’orientation forte du BILDU vers la classe ouvriĂšre avec des solutions socialistes claires. La rĂ©cente percĂ©e Ă©lectorale de BILDU dans le contexte des luttes industrielles signifie qu’un dĂ©bat important et significatif sur la voie Ă  suivre pour la gauche aura lieu au moins au Pays Basque.

    Ada Colau perd le pouvoir Ă  Barcelone

    En Catalogne, Ada Colau ne restera pas maire de Barcelone, oĂč le parti de centre-droit Junts, le parti indĂ©pendantiste le plus associĂ© Ă  la lutte pour l’indĂ©pendance, a remportĂ© le plus grand nombre de conseillers ; la coalition d’Ada Colau, En ComĂș (qui comprend l’affiliĂ© catalan de Podemos) est arrivĂ©e en troisiĂšme position avec neuf conseillers. Il s’agit d’un autre exemple de l’incapacitĂ© des forces de gauche Ă  profiter du pouvoir lorsqu’elles ont Ă©tĂ© soulevĂ©es par le mouvement dans les rues. Ada Colau Ă©tait l’un des membres fondateurs et porte-parole de la Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH) (Plateforme des personnes affectĂ©es par les prĂȘts hypothĂ©caires), créée Ă  Barcelone en 2009 en rĂ©ponse Ă  l’augmentation des expulsions causĂ©es par des prĂȘts hypothĂ©caires impayĂ©s et Ă  l’effondrement du marchĂ© immobilier espagnol dans le sillage de la crise financiĂšre de 2008. Ce mouvement avait créé l’espace nĂ©cessaire Ă  l’Ă©lection d’Ada Colau. Malheureusement, l’Ă©dulcoration progressive de son programme de gauche s’est traduite par une dĂ©ception et une dĂ©faite.

    Cette dĂ©faite de la gauche en Catalogne s’est Ă©galement produite dans le cadre de batailles et de mouvements industriels en cours. Six petits syndicats ont appelĂ© Ă  une grĂšve gĂ©nĂ©rale Ă  l’occasion de la JournĂ©e internationale de lutte pour les droits des femme de cette annĂ©e. Bien que l’UGT et les CCOO n’y aient pas participĂ©, il s’agit d’une indication de la conscience des travailleurs et d’un rapprochement des luttes industrielles et des femmes qui se battent contre leur double exploitation. Cependant, Ada Colau et En ComĂș sont largement dĂ©connectĂ©s de ces dĂ©veloppements.

    Un processus similaire a eu lieu dans la ville de Valence, avec de mauvais résultats pour la gauche. Le nouveau maire appartient au PP, qui a obtenu la majorité absolue en concluant un pacte avec Vox. Unides Podem (qui comprend Podemos à Valence) a perdu tous ses siÚges à Valence, tant au niveau local que régional.

    Pourquoi ?

    Comment se fait-il que la droite ait pu faire des gains compte tenu de la situation de l’État espagnol, avec 2,8 millions de personnes en situation de pauvretĂ© absolue et des prix de l’Ă©nergie et des denrĂ©es alimentaires qui montent en flĂšche ?

    Il ne faut pas croire que les travailleurs espagnols sont passifs ou qu’ils ne se battent pas. Il n’y a pas qu’au Pays basque que des conflits sociaux Ă©clatent.

    Selon les statistiques du gouvernement espagnol, dans toutes les tranches d’Ăąge, il y a eu beaucoup plus de femmes en grĂšve que d’hommes, 62 % contre 38 %. La plupart des grĂšves (94,9 %) ont eu lieu dans le secteur des services, y compris les services de santĂ©.

    Alors que les travailleurs de la santĂ© et des services sociaux ont menĂ© des grĂšves massives et acharnĂ©es contre les diffĂ©rents gouvernements provinciaux espagnols qui gĂšrent les services de santĂ©, des luttes ont Ă©tĂ© menĂ©es dans d’autres secteurs, notamment l’Ă©ducation et l’industrie manufacturiĂšre.

    L’ampleur des grĂšves dans l’État espagnol est considĂ©rable. Le 17 avril, 45 000 fonctionnaires du ministĂšre de la justice se sont mis en grĂšve illimitĂ©e. Le service de santĂ© de Madrid est de son cĂŽtĂ© en proie Ă  une lutte acharnĂ©e. En raison des rĂ©ductions budgĂ©taires et des privatisations opĂ©rĂ©es par les administrations prĂ©cĂ©dentes, les travailleurs des services de santĂ© effectuent le mĂȘme travail, mais 20% des emplois ne sont pas couverts. Le prĂ©sident populiste de la rĂ©gion de Madrid, M. Ayuso, qualifie les travailleurs de la santĂ© d’”agitateurs de gauche”. Les travailleurs sont soutenus par l’ensemble de la classe ouvriĂšre. Le dimanche 12 fĂ©vrier, prĂšs d’un million de personnes sont descendues dans les rues de Madrid pour dĂ©fendre les services de santĂ©. L’appel principal de la manifestation Ă©tait : “Ayuso dehors !”

    Pourtant, Ayuso a remportĂ© une victoire Ă©crasante Ă  Madrid lors des derniĂšres Ă©lections. Sa rhĂ©torique portant sur l’ETA a Ă©videmment eu un effet, mais ces rĂ©sultats reflĂštent surtout la dĂ©ception de la classe ouvriĂšre face Ă  la coalition PSOE-UNIDOS Podemos et Ă  ses Ă©quivalents locaux et rĂ©gionaux, qui ne s’attaquent pas aux problĂšmes fondamentaux auxquels la population est confrontĂ©e.

    De nouvelles élections générales

    Pedro SĂĄnchez a rĂ©agi Ă  cette dĂ©faite Ă©lectorale en convoquant des Ă©lections gĂ©nĂ©rales anticipĂ©es. Cette tactique a pour but de profiter de la peur suscitĂ©e par la perspective d’un gouvernement PP-VOX sans pour autant avoir Ă  offrir d’alternative claire. Malheureusement, Podemos ne semble pas avoir tirĂ© les leçons de son lent dĂ©clin. L’ancien leader Pablo Iglesias propose un front de gauche dirigĂ© par SĂĄnchez avec une autre scission de Podemos, Sumar, dirigĂ© par la ministre de la coalition Yolanda DĂ­az et Mas PaĂ­s, une autre scission dirigĂ©e par Iñigo ErrejĂłn.

    Malheureusement, cette unitĂ© ne reposerait pas sur un programme de gauche combatif et offensif. Des millions de travailleurs et de jeunes dans l’État espagnol s’opposent Ă  la montĂ©e en puissance de la droite et Ă  un Ă©ventuel gouvernement PP -VOX aprĂšs le 23 juillet, mais ils ne sont pas inspirĂ©s par l’alternative de gauche qui leur est proposĂ©e.

    En fin de compte, l’extrĂȘme droite et les idĂ©es franquistes ne seront vaincues que par l’unitĂ© de la classe ouvriĂšre autour d’un programme de transformation de toute la sociĂ©tĂ©. Un appel Ă  maintenir le statu quo capitaliste n’inspire pas et ne fera qu’enhardir la rĂ©action.

    La situation est complexe et contradictoire. Nombreux sont ceux qui dĂ©sespĂšrent devant ce qui semble ĂȘtre l’inĂ©vitabilitĂ© d’un gouvernement d’extrĂȘme droite en Espagne. Cependant, la croissance de la droite et les revers continus d’Unidos Podemos ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme la preuve que les idĂ©es de gauche sont impopulaires. VOX progresse prĂ©cisĂ©ment parce que la gauche n’offre PAS d’alternative claire Ă  destination de la classe ouvriĂšre.

    Podemos a été entaché par sa participation à la coalition du PSOE. Ils auraient dû critiquer le PSOE depuis la gauche au parlement et surtout dans la rue.

    Quelle que soit l’issue de ces Ă©lections et des prochaines Ă©lections gĂ©nĂ©rales, la polarisation sociale et politique se poursuit dans l’État espagnol. Une victoire de l’extrĂȘme droite provoquera des fissures rĂ©gionales et nationales. De nombreuses sections de la classe ouvriĂšre et de la jeunesse n’accepteront pas les politiques rĂ©actionnaires du PP-VOX. Les attaques contre le droit Ă  l’avortement et la rhĂ©torique misogyne et raciste de VOX ne resteront pas sans rĂ©ponse.

  • Qu’est-ce qui maintient Erdogan au pouvoir ?

    L’opposition ne devrait pas remporter les Ă©lections au second tour

    Dimanche 14 mai, premier tour des Ă©lections prĂ©sidentielles turques. Ces derniĂšres opposaient le prĂ©sident sortant, Recep Tayyip Erdogan, l’ultranationaliste dictatorial Ă  son opposant sociodĂ©mocrate en faveur d’un retour Ă  un systĂšme parlementaire, Kemal Kılıçdaroglu. Les Turcs devront finalement retourner aux urnes le 28 mai pour un second tour. Le prĂ©sident sortant devançant son adversaire d’une courte tĂȘte (49,51 % pour Erdogan et 44,88 % pour Kiliçdaroglu) tandis qu’aux Ă©lections lĂ©gislatives, l’alliance dirigĂ©e par son parti, l’AKP, a raflĂ© la majoritĂ© des siĂšges.

    Par Maxime (LiĂšge)

    Pourquoi donc Erdogan reste-t-il si fort ? L’un des facteurs est le contrĂŽle total exercĂ© par l’autocratie sur les mĂ©dias, l’appareil d’État et l’ensemble de la vie publique. Erdogan a Ă©tĂ© omniprĂ©sent durant toute la campagne. D’autre part, la guerre au Kurdistan et les opĂ©rations militaires turques en Irak et en Syrie ont créé un sentiment de tension constante, renforcĂ© le nationalisme agressif et approfondi les divisions entre les populations turques et kurdes.

    Dans la guerre en Syrie, le rĂ©gime s’est alliĂ© Ă  des groupes terroristes islamistes et a parfois entretenu des liens avec le soi-disant État islamique (EI). ParallĂšlement, l’islamisation s’est intensifiĂ©e Ă  l’intĂ©rieur du pays. Le poison du nationalisme et de l’islam politique de droite s’est infiltrĂ© profondĂ©ment dans la petite bourgeoisie, la fonction publique et les sections inorganisĂ©es de la classe ouvriĂšre.

    Être anti-AKP ne suffit pas

    Une autre raison de la relativement bonne performance d’Erdogan et son alliance est la faiblesse de l’opposition en termes de contenu. Le candidat du CHP Kılıçdaroglu s’est prĂ©sentĂ© comme opposant au despote, mais cela n’a pas suffi. La liste d’opposition autour de lui avait un programme trĂšs limitĂ© et regroupait jusqu’à un parti ultranationaliste. Kılıçdaroglu lui-mĂȘme n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  dire le 1er mai : « Le pays s’occupe de 3,6 millions de Syriens alors que les jeunes restent au chĂŽmage. Nous renverrons tous les Syriens dans leur pays d’ici deux ans au plus tard. Â» Propos effrayants qui ne se distinguent guĂšre de ceux de Sinon Ogan, candidat d’extrĂȘme droite arrivĂ© 3e aux Ă©lections prĂ©sidentielles : « C’est Ă  cause des Syriens que nous n’avons pas la tranquillitĂ©. À cause d’eux que les jeunes n’arrivent pas Ă  trouver du travail, car les Syriens travaillent Ă  des salaires plus bas, sans la sĂ©curitĂ© sociale. C’est Ă  cause d’eux aussi que les loyers augmentent Â».

    La crise du capitalisme turc

    Pendant ce temps, la crise continue de s’aggraver en Turquie due Ă  la dĂ©pendance de son Ă©conomie Ă  l’Ă©gard de plus grandes puissances impĂ©rialistes. Les dĂ©sĂ©quilibres Ă©conomiques et les contractions, qui ont explosĂ© Ă  travers le monde depuis la pandĂ©mie et l’intensification de la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine, ont Ă©galement conduit Ă  une grande dĂ©tĂ©rioration de la structure de l’Ă©conomie turque, qui fonctionne essentiellement comme un sous-traitant pour de plus puissantes Ă©conomies.

    Mais, simultanĂ©ment, une autre raison de l’aggravation de la crise est la soi-disant « nouvelle thĂ©orie Ă©conomique » d’Erdogan, qui se prĂ©sente comme un Ă©conomiste. C’est pourquoi, dans un contexte avec lequel l’inflation atteignait 70 %, le prĂ©sident de la banque centrale, obĂ©issant aux ordres d’Erdogan, a abaissĂ© les taux d’intĂ©rĂȘt Ă  8,5 %, ce qui a entraĂźnĂ© une augmentation rapide des prix des devises Ă©trangĂšres et une accĂ©lĂ©ration de la hausse des prix. Un prĂ©sident qui joue au petit chimiste Ă©conomique aux consĂ©quences lourdes pour les travailleurs.

    De plus, alors que l’utilisation des capacitĂ©s de l’industrie manufacturiĂšre est tombĂ©e Ă  74 %, le taux de chĂŽmage a atteint 10,3 %, et le taux de chĂŽmage global, y compris les personnes non inscrites Ă  l’agence pour l’emploi, a atteint 21 % (8,3 millions de chĂŽmeurs). Dans un pays oĂč le revenu par habitant est de 10,6 milliers de dollars, 40 % de la population ne reçoit que 16,5 % du revenu. Les 20 % les plus riches reçoivent 47,5 % des revenus et le revenu annuel moyen des 10 % les plus riches de la population est 23 fois plus Ă©levĂ© que celui des 50 % les plus pauvres. La Turquie vient juste aprĂšs le Costa Rica, le Chili et le Mexique en matiĂšre d’inĂ©galitĂ© des revenus.

    Le rĂ©gime perd de l’influence avec la crise du capitalisme turc. Mais compte tenu de son Ă©norme pouvoir rĂ©pressif et mĂ©diatique, de l’enracinement profond des idĂ©es nationalistes islamistes rĂ©actionnaires et de la faiblesse de l’opposition, ce processus n’a pas encore progressĂ© au point de pouvoir facilement imposer le rĂ©gime par des Ă©lections, mĂȘme polarisĂ©es comme celle-ci. Cela ne signifie pas qu’il faille encore de nombreuses annĂ©es pour que le rĂ©gime tombe. Cette chute peut ĂȘtre considĂ©rablement accĂ©lĂ©rĂ©e par le dĂ©veloppement Ă©conomique et social.

    Ces derniers mois ont Ă©tĂ© marquĂ©s par une recrudescence des luttes de classes et du mouvement des femmes. Ces luttes ne se sont pas encore Ă©tendues Ă  l’ensemble de la sociĂ©tĂ©, mais ce pĂ©nitentiel existe. Le HDP (parti dĂ©mocratique des peuples, essentiellement kurde, prĂ©sent aux Ă©lections lĂ©gislatives Ă  la tĂȘte d’une alliance vert gauche et qui a obtenu 8 %) de mĂȘme que le TİP (Parti des travailleurs de Turquie) peuvent jouer un rĂŽle pour organiser ces luttes et les Ă©largir tout en posant les bases d’un futur parti socialiste de masse et de combat de la classe ouvriĂšre.

  • Grande-Bretagne. PrivilĂšge et prestige : quel est le rĂŽle de la monarchie ?

    Alors que la crise du coĂ»t de la vie s’aggrave et que l’inflation reste au plus haut depuis 40 ans, le couronnement du roi Charles a eu lieu au palais de Westminster. Bien qu’il ait prĂ©tendument voulu rĂ©duire l’Ă©vĂ©nement par rapport au couronnement de sa mĂšre en 1953, on estime qu’il aura coĂ»tĂ© plus de 100 millions de livres sterling.

    Par Matt Kilsby, Socialist Alternative (ASI en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse)

    Face Ă  la crainte de ne pas pouvoir payer leur hypothĂšque, leur loyer, leurs factures d’Ă©nergie et leur caddie au supermarchĂ©, des millions de personnes s’interrogent Ă  juste titre sur le coĂ»t exorbitant de l’apparat royal. Mais nous devons Ă©galement nous pencher sur le rĂŽle que joue la monarchie au sein de l’État britannique.

    On nous enseigne que la monarchie n’est qu’une dĂ©coration symbolique et cĂ©rĂ©monielle de l’État. Le fait que le monarque dissolve le parlement, nomme et rĂ©voque les premiers ministres, signe des lois, dĂ©clare des guerres et nomme des juges est tout Ă  fait naturel et, en fin de compte, sans signification, nous dit-on. En effet, le site web de la famille royale tient Ă  nous informer que : « La monarchie est la plus ancienne forme de gouvernement au Royaume-Uni. Dans une monarchie, un roi ou une reine est le chef de l’État. La monarchie britannique est une monarchie constitutionnelle. Cela signifie que, bien que le souverain soit le chef de l’État, la capacitĂ© d’Ă©laborer et d’adopter des lois appartient Ă  un Parlement Ă©lu. En tant que chef d’État, le monarque assume des fonctions constitutionnelles et de reprĂ©sentation qui se sont dĂ©veloppĂ©es au cours de mille ans d’histoire ».

    La rĂ©alitĂ© est cependant bien diffĂ©rente. La monarchie incarne les valeurs conservatrices et le maintien du statu quo. Elle est fondamentalement opposĂ©e au changement et est l’incarnation vivante de la sociĂ©tĂ© de classes, renforçant l’idĂ©e que les gens doivent connaĂźtre leur place et l’accepter.

    L’État britannique

    Contrairement Ă  l’idĂ©e selon laquelle notre monarchie constitutionnelle a Ă©voluĂ© tranquillement pendant des milliers d’annĂ©es, le dĂ©veloppement de l’État britannique moderne et de la monarchie actuelle sont intrinsĂšquement liĂ©s. Le point de dĂ©part de l’un et de l’autre est la rĂ©volution anglaise du XVIIe siĂšcle, qui a vu le renversement et l’exĂ©cution du roi Charles Ier.

    En janvier 1649, le parlement a aboli la Chambre des lords et confisquĂ© les terres de la couronne, de l’Église et des royalistes. Ils ont créé un nouvel État, en lieu et place de l’ancien État fĂ©odal, destinĂ© Ă  servir les intĂ©rĂȘts de la classe capitaliste.

    Comme toutes les rĂ©volutions, la rĂ©volution anglaise n’a pas Ă©tĂ© menĂ©e par un petit nombre de personnes seulement, mais avec le soutien d’un mouvement de masse composĂ© d’antimonarchistes et de premiers socialistes Ă©galitaires, tels que les BĂȘcheux (Diggers) et les Niveleurs (Levellers). Toutefois, craignant que les masses n’aillent plus loin et ne visent plus haut en s’intĂ©ressant Ă  la nouvelle classe dirigeante, la bourgeoisie britannique Ă©mergente a conclu un accord avec l’aristocratie et acceptĂ© le retour de la monarchie sous Charles II, Ă  condition qu’il fasse ce qu’on lui disait de faire.

    Depuis lors, la monarchie a jouĂ© un rĂŽle central dans l’État britannique et dans la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts impĂ©rialistes du capitalisme britannique, bien qu’elle ait connu de nombreux bouleversements et scandales, et des pĂ©riodes oĂč elle Ă©tait loin d’ĂȘtre populaire. Ce n’est que vers le dĂ©but du XXe siĂšcle, Ă  la fin du rĂšgne de la reine Victoria (monarque de 1837 Ă  1901), que la classe dirigeante a pris des mesures actives pour renforcer la monarchie, en consacrant d’Ă©normes sommes d’argent Ă  l’apparat que nous connaissons aujourd’hui. Par exemple, l’ouverture du parlement a Ă©tĂ© rĂ©inventĂ©e par Édouard VII (monarque de 1901 Ă  1910), qui a introduit la théùtralitĂ© du bĂąton noir frappant aux portes, etc.

    Le rĂŽle intrinsĂšque de la monarchie dans l’impĂ©rialisme britannique a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© rĂ©cemment lorsque le journal Guardian a publiĂ© des preuves de l’implication centrale de la monarchie dans l’expansion du commerce des esclaves et de l’importance du financement royal des navires nĂ©griers Ă  destination de l’Afrique. Bien qu’il ait Ă©tĂ© roi au moment de l’abolition de l’esclavage, Guillaume IV (monarque de 1830 Ă  1937) s’est toujours opposĂ© Ă  l’abolition et s’est vantĂ© de ses amitiĂ©s avec les propriĂ©taires de plantations dans les CaraĂŻbes. Il a Ă©galement consacrĂ© des discours Ă  la Chambre des Lords Ă  la dĂ©fense de l’esclavage, arguant qu’il Ă©tait vital pour la prospĂ©ritĂ©, et il a soutenu que les personnes asservies Ă©taient « comparativement dans un Ă©tat de bonheur humble ». Clarence House, la somptueuse demeure du roi Charles et de Camilla, a Ă©tĂ© construite pour Guillaume IV et a probablement Ă©tĂ© financĂ©e par le commerce des esclaves.

    Le rĂŽle de l’État

    En tant que marxistes, nous comprenons que, tout comme la monarchie actuelle, l’État n’a pas toujours existĂ©. Pendant des milliers d’annĂ©es, les gens ont vĂ©cu dans des sociĂ©tĂ©s Ă©galitaires oĂč chacun comptait sur les autres et oĂč la coopĂ©ration Ă©tait le principe directeur. Marx et Engels ont appelĂ© cela le « communisme primitif ». Mais avec l’augmentation de la productivitĂ© du travail, la sociĂ©tĂ© a commencĂ© Ă  produire un surplus au-delĂ  de ses besoins immĂ©diats, crĂ©ant ainsi les conditions d’une sociĂ©tĂ© de classes.

    Une minoritĂ© a commencĂ© Ă  administrer ce surplus, puis Ă  le possĂ©der. Mais pour maintenir leur pouvoir et leur contrĂŽle, Ă  la fois sur le surplus et sur le reste de la sociĂ©tĂ©, ils ont dĂ» crĂ©er un État pour se protĂ©ger et s’assurer que leur volontĂ© Ă©tait respectĂ©e.

    Dans son brillant livre « L’État et la rĂ©volution », LĂ©nine explique comment l’État est nĂ© de la division de la sociĂ©tĂ© en diffĂ©rentes classes aux intĂ©rĂȘts opposĂ©s, et comment le pouvoir de l’État est utilisĂ© par la classe dominante : « (
) l’État est un organe de domination de classe, un organe d’oppression d’une classe par une autre ; c’est la crĂ©ation de « l’ordre », qui lĂ©galise et perpĂ©tue cette oppression en modĂ©rant le conflit entre les classes ».

    La monarchie aujourd’hui

    Bien que le gouvernement britannique soit, dans la pratique, Ă©lu, il s’agit du « gouvernement de Sa MajestĂ© ». L’opposition, quant Ă  elle, est « l’opposition loyale de Sa MajestĂ© ». Tous les officiers de l’armĂ©e, les ministres du gouvernement, les hauts fonctionnaires et les juges prĂȘtent serment d’allĂ©geance Ă  la couronne, et non au parlement ou au peuple. On nous dit que le rĂŽle de la monarchie est purement cĂ©rĂ©moniel et qu’aprĂšs tout, c’est elle qui fait venir les touristes.

    Au contraire, la monarchie est maintenue en place comme une arme de rĂ©serve de la classe dirigeante. Chaque fois que la monarchie est dĂ©battue dans la presse capitaliste, son pouvoir de renverser des gouvernements Ă©lus, par exemple, est souvent rejetĂ© comme n’existant qu’en « thĂ©orie ». La monarchie britannique moderne n’agirait jamais de la sorte, nous dit-on.

    Mais il n’est pas nĂ©cessaire de chercher bien loin pour constater que cette image n’est qu’un mythe. Lors des Ă©lections gĂ©nĂ©rales australiennes de 1972, le parti travailliste, dirigĂ© par Gough Whitlam, est arrivĂ© au pouvoir. Le gouvernement travailliste a entrepris de retirer les troupes australiennes du ViĂȘt Nam, de mettre fin Ă  la souscription militaire, de mettre en place un systĂšme de soins de santĂ© universel et un enseignement universitaire gratuit, et d’accorder pour la premiĂšre fois aux AborigĂšnes australiens des droits civiques limitĂ©s.

    Cependant, Ă  la suite de grĂšves massives et craignant que le gouvernement Whitlam n’aille beaucoup plus loin, le reprĂ©sentant de la monarchie, le gouverneur gĂ©nĂ©ral Sir John Kerr, a utilisĂ© les pouvoirs de l’institution en tant que chef du Commonwealth pour intervenir. Kerr a chassĂ© Whitlam et a installĂ© le chef de l’opposition du parti libĂ©ral au poste de Premier ministre. Les pouvoirs utilisĂ©s en Australie par la reine de l’Ă©poque pourraient encore ĂȘtre utilisĂ©s aujourd’hui dans les pays du « Commonwealth », mais aussi en Grande-Bretagne.

    En 2015, peu aprĂšs l’Ă©lection de Jeremy Corbyn Ă  la tĂȘte du parti travailliste, un gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e a ouvertement Ă©voquĂ© la possibilitĂ© d’un coup d’État militaire au cas oĂč Corbyn remporterait ensuite les Ă©lections lĂ©gislatives : « L’armĂ©e ne le supporterait pas. L’Ă©tat-major ne permettrait pas Ă  un premier ministre de mettre en pĂ©ril la sĂ©curitĂ© de ce pays et je pense que les gens utiliseraient tous les moyens possibles, justes ou injustes, pour l’en empĂȘcher. On ne peut pas confier la sĂ©curitĂ© d’un pays Ă  un franc-tireur. Il y aurait des dĂ©missions en masse Ă  tous les niveaux et vous seriez confrontĂ©s Ă  la perspective trĂšs rĂ©elle d’un Ă©vĂ©nement qui serait en fait une mutinerie ».

    Cela montre Ă  quel point la classe dirigeante est prĂȘte Ă  tout pour empĂȘcher l’arrivĂ©e au pouvoir d’un gouvernement Corbyn, mĂȘme modĂ©rĂ© et rĂ©formiste. Et dans le cas d’un coup d’État militaire effectif, les « pouvoirs de rĂ©serve » de la monarchie constitueraient un outil important pour la classe dirigeante afin de consolider et de lĂ©gitimer ses manƓuvres antidĂ©mocratiques. Ils n’utiliseront peut-ĂȘtre pas souvent ces pouvoirs, mais ils n’hĂ©siteront pas Ă  recourir Ă  toutes les mĂ©thodes disponibles en pĂ©riode de crise pour eux et leur systĂšme.

    Pour une république socialiste !

    Aujourd’hui, le capitalisme est en crise partout dans le monde, et nulle part ailleurs plus qu’en Grande-Bretagne oĂč l’impact sur les niveaux de vie et les salaires est choquant. Ensemble, les annĂ©es 2022 et 2023 risquent d’ĂȘtre les deux pires annĂ©es pour le niveau de vie depuis les annĂ©es 1930. Cette situation a un impact disproportionnĂ© sur les jeunes, qui n’ont jamais vu le capitalisme fonctionner Ă  leur avantage, sous la forme d’augmentations de salaires ou d’un meilleur niveau de vie.

    Le plus inquiĂ©tant pour la classe capitaliste, c’est que ces mĂȘmes jeunes ont perdu beaucoup de leurs illusions envers la monarchie. En mai de l’annĂ©e derniĂšre, avant le « coup de pouce » donnĂ© Ă  leur cote dans les sondages par la mort de la reine, seuls 33 % des 18-24 ans dĂ©claraient que la Grande-Bretagne devrait continuer Ă  disposer d’une monarchie. ParallĂšlement, seuls 20 % des jeunes avaient une opinion positive du prince Charles de l’Ă©poque.

    Cela n’empĂȘchera pas la classe dirigeante d’utiliser le couronnement de Charles pour renforcer le soutien Ă  la monarchie et semer des illusions « d’unitĂ© nationale » dans le but de dĂ©fendre son systĂšme axĂ© sur le profit, qui fonctionne au bĂ©nĂ©fice de l’infime majoritĂ© de notre sociĂ©tĂ©. Alors que les conservateurs affirment qu’il n’y a pas assez d’argent pour les augmentations de salaires des mĂ©decins, des infirmiĂšres, des cheminots et des enseignants, beaucoup d’argent a Ă©tĂ© promis pour le faste et la cĂ©rĂ©monie du couronnement. C’est ce qu’a rĂ©cemment dĂ©clarĂ© Oliver Dowden, ministre du Cabinet Officer : « Ce sont des moments qui marquent la vie de notre nation. Ils apportent de la joie Ă  des millions de personnes. Ils nous distinguent Ă©galement en tant que nation dans le monde entier. C’est un moment merveilleux de notre histoire et les gens ne voudraient pas d’une cĂ©rĂ©monie morose. Ils veulent une cĂ©rĂ©monie appropriĂ©e. C’est ce que nous ferons. »

    Mais Ă  mesure que la crise capitaliste s’aggrave, de plus en plus de travailleurs en viendront Ă  la conclusion que la monarchie est un instrument du systĂšme patronal et qu’elle devrait ĂȘtre abolie. Mais la monarchie est profondĂ©ment liĂ©e au reste de l’État britannique et Ă  sa classe dirigeante. La monarchie ne peut ĂȘtre abolie sans s’attaquer au systĂšme capitaliste dans son ensemble. Comme le souligne LĂ©nine dans L’État et la RĂ©volution : « La rĂ©volution ne consiste pas pour la nouvelle classe Ă  commander, Ă  gouverner avec l’aide de l’ancienne machine d’État, mais pour cette classe Ă  briser cette machine et Ă  commander, Ă  gouverner avec l’aide d’une nouvelle machine. »

    Bien entendu, la classe dirigeante n’abandonnera pas le pouvoir sans se battre et, en tant que socialistes rĂ©volutionnaires, nous ne croyons pas qu’il existe une « voie parlementaire vers le socialisme ». Au contraire, l’abolition de la monarchie et du capitalisme, ainsi que la mise en place d’une Ă©conomie socialiste planifiĂ©e et vĂ©ritablement dĂ©mocratique, nĂ©cessiteraient un mouvement de masse des travailleurs, des jeunes et des personnes opprimĂ©es.

    Les dĂ©penses exorbitantes et le faste effroyable du couronnement contrastent fortement avec les millions de personnes qui subissent de plein fouet la crise. La vague de grĂšves qui se poursuit en Grande-Bretagne et le rĂ©veil de la classe ouvriĂšre nous donnent un aperçu du pouvoir dont nous disposons lorsque nous passons Ă  l’action.

    La richesse obscĂšne de la monarchie devrait ĂȘtre utilisĂ©e pour rĂ©pondre aux besoins de la classe ouvriĂšre. Nous demandons la suppression de la subvention souveraine et de toutes les exonĂ©rations fiscales accordĂ©es Ă  la monarchie. MĂȘme une mesure limitĂ©e telle qu’un prĂ©lĂšvement de 50 % sur l’ensemble de la richesse royale pourrait contribuer Ă  financer une augmentation de salaire pour les travailleurs du secteur public en grĂšve.

    C’est pourquoi Socialist Alternative appelle non seulement Ă  abolir la monarchie, mais aussi Ă  la remplacer par une rĂ©publique socialiste, en commençant par l’expropriation des richesses qu’elle dĂ©tient. Nous appelons Ă  la nationalisation des terres et des propriĂ©tĂ©s commerciales appartenant Ă  la famille royale, ainsi que celles appartenant aux autres grands propriĂ©taires terriens, une Ă©tape absolument nĂ©cessaire pour s’attaquer Ă  la crise environnementale en particulier. Des institutions antidĂ©mocratiques telles que la Chambre des Lords devraient ĂȘtre immĂ©diatement abolies et une enquĂȘte indĂ©pendante devrait ĂȘtre lancĂ©e sur les crimes prĂ©sumĂ©s des membres de la famille royale.

    Nous affirmons que ces revendications dĂ©mocratiques ne peuvent ĂȘtre sĂ©parĂ©es de la lutte pour un vĂ©ritable changement de sociĂ©tĂ©. Seul le socialisme – fondĂ© sur la propriĂ©tĂ© publique des grands monopoles et sur un plan de production vĂ©ritablement dĂ©mocratique – peut apporter une vĂ©ritable libertĂ© Ă  la classe ouvriĂšre et Ă  toutes les personnes opprimĂ©es.

  • Portugal. Les travailleurs de l’enseignement se soulĂšvent contre la prĂ©caritĂ©

    Cent-cinquante mille travailleurs de l’éducation sont descendus dans les rues de Lisbonne pour manifester contre la prĂ©caritĂ© qui touche leur profession. L’apparition de nouveaux syndicats et de nouvelles mĂ©thodes de lutte vient troubler les eaux devenues stagnantes des syndicats traditionnels.

    Par Cristina, ASI-Portugal

    Le dĂ©clin de l’enseignement public et les dĂ©fis auxquels les travailleurs sont confrontĂ©s chaque jour

    Au cours des cinq derniĂšres dĂ©cennies, le Portugal a connu une forte diminution de ses taux d’échec et d’abandon de scolaritĂ© : actuellement, la moitiĂ© des Ă©tudiants obtient un diplĂŽme de l’enseignement supĂ©rieur. Il s’agit lĂ  d’un rĂ©sultat louable, surtout si l’on songe aux taux d’analphabĂ©tisme ahurissants des annĂ©es prĂ©cĂ©dant la rĂ©volution de 1974-1975. Malheureusement, la part du budget allouĂ©e aux Ă©coles publiques a Ă©galement diminuĂ© au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies, passant sous la barre des 5% du PIB en 2016, taux qui n’avait pas Ă©tĂ© aussi faible depuis 1995.

    Pas plus tard que l’annĂ©e passĂ©e, les subventions de l’Etat Ă  l’enseignement spĂ©cialisĂ© ont Ă©tĂ© rĂ©duites sans rĂ©flexion, sans qu’un effort ne soit fait pour donner la prioritĂ© aux enfants en ayant le plus besoin. Avec un financement moindre et moins de soutien, il n’est pas Ă©tonnant que la plupart des Ă©coles se plaignent du manque de ressources pour entretenir les bĂątiments (de plus en plus froids et anciens) ou pour obtenir du matĂ©riel pĂ©dagogique et engager le personnel adĂ©quat.

    Mais il n’y a pas que les moyens qui manquent : les Ă©coles publiques sont clairement en sous-effectif ces derniĂšres annĂ©es. Il y a vingt ans, 6 000 jeunes motivĂ©s obtenaient chaque annĂ©e leur diplĂŽme d’enseignant. Aujourd’hui il ne sont plus que 1 500. Le vieillissement du corps enseignant est donc inĂ©luctable : dans les Ă©coles publiques, la moitiĂ© des enseignants ont plus de 50 ans. Une Ă©tude publiĂ©e par le MinistĂšre de l’Education portant sur l’offre et la demande d’enseignants dans les Ă©coles publiques Ă  l’horizon 2030/2031 estime qu’il serait nĂ©cessaire d’embaucher 34 500 professionnels, particuliĂšrement au sein des collĂšges (Ă©lĂšves de 10 Ă  15 ans) et ses lycĂ©es (Ă©lĂšves de 15 Ă  18 ans). Dans les circonstances actuelles, ces besoins ne risquent pas d’ĂȘtre satisfaits rapidement, ce qui signifie que des pĂ©nuries du personnel enseignant plus importantes sont Ă  prĂ©voir dans les prochaines annĂ©es. À titre d’exemple, en 2021, seules trois personnes diplĂŽmĂ©es en physique et en chimie ont suivi une formation d’enseignants, alors que les besoins s’Ă©lĂšvent Ă  104 personnes. Des milliers d’élĂšves dĂ©butent donc chaque annĂ©e scolaire sans enseignants, et donc sans cours. Pour faire face Ă  cette situation chronique, le gouvernement du PS (Partido Socialista) a ouvert l’enseignement dans les Ă©coles aux Ă©tudiants en Ă©ducation et Ă  aux diplĂŽmĂ©s d’autres disciplines, ce qui induit directement une baisse de la qualitĂ© de l’enseignement public.

    Mais pourquoi si peu de gens veulent-ils devenir enseignants ? Durant les 16 premiĂšres annĂ©es de sa carriĂšre (en moyenne), un jeune enseignant ne dispose d’aucune stabilitĂ© ou sĂ©curitĂ© professionnelle. D’une annĂ©e Ă  l’autre, il se verra affectĂ© Ă  diffĂ©rentes Ă©coles, dans diffĂ©rentes rĂ©gions (parfois Ă  300 km de distance), sans jamais savoir s’il sera au chĂŽmage Ă  la rentrĂ©e suivante ou s’il bĂ©nĂ©ficiera d’une charge horaire suffisante pour gagner sa vie. Ce n’est qu’au terme de cette longue pĂ©riode qu’il pourra monter l’échelle d’une carriĂšre stable dans l’enseignement public. Au sommet de cette Ă©chelle, l’Ăąge moyen est de 60,7 ans, avec 38,6 annĂ©es de service, tandis qu’au premier Ă©chelon, les enseignants ont un Ăąge moyen de 45,4 ans et 15,7 annĂ©es de service. Si, dans les Ă©coles primaires (Ă©lĂšves de 6 Ă  10 ans), plus de 85 % des enseignants sont nommĂ©s, il n’en va pas de mĂȘme dans les collĂšges et les lycĂ©es, oĂč les enseignants ayant un contrat d’un an (ou moins) reprĂ©sentent prĂšs d’un quart du personnel. Et lorsqu’ils sont enfin nommĂ©s dans une Ă©cole et obtiennent la stabilitĂ© dont ils rĂȘvent, un goulot d’étranglement sous forme de quotas rigides bloque leur progression. Et il en va malheureusement de mĂȘme pour tous les autres travailleurs de l’Ă©ducation, puisque la plupart des travailleurs de l’administration publique auraient besoin de 120 ans de service pour atteindre le sommet de leur carriĂšre !

    Le peu d’engouement pour devenir enseignant pourrait Ă©galement ĂȘtre dĂ» aux classes surchargĂ©es et Ă  l’extrĂȘme bureaucratie. Lorsque les cours sont terminĂ©s pour la journĂ©e, les enseignants sont contraints d’accomplir quotidiennement un flot ininterrompu de tĂąches bureaucratiques, Ă  savoir remplir des formulaires et des documents, identifiĂ©s par des acronymes incomprĂ©hensibles enfilĂ©s les uns Ă  la suite des autres, auxquels s’ajoutent entre autres des piles de plans, de listes, de dossiers, de justifications, de plans de redressement et de rapports. Sans parler des rĂ©unions des parents, des rĂ©unions de groupe et des rĂ©unions de dĂ©partement. Il est tout simplement impossible qu’un enseignant ne travaille que 35 heures par semaine, comme le prouve une enquĂȘte de la FENPROF, un syndicat enseignant, sur le temps de travail des enseignants de collĂšge et de lycĂ©e, qui montre qu’ils travaillent en moyenne plus de 46 heures par semaine.

    Le collĂšge et le lycĂ©e sont les niveaux les plus touchĂ©s par l’état de plus en plus dĂ©gradĂ© de l’enseignement public et, incidemment, ceux oĂč les taux d’Ă©chec scolaire et d’abandon tendent Ă  ĂȘtre les plus Ă©levĂ©s. Compte tenu des dĂ©faillances successives des Ă©coles publiques, il n’est pas surprenant que certaines familles dont les revenus le permettent  prĂ©fĂšrent payer et inscrire leurs enfants dans des Ă©coles privĂ©es, dont la frĂ©quentation est en hausse : un cinquiĂšme des Ă©lĂšves les frĂ©quentent, voire un quart au lycĂ©e. L’Ă©ducation diffĂ©renciĂ©e en fonction des revenus et des biens est synonyme d’un accroissement des inĂ©galitĂ©s sociales.

    Il est urgent d’investir fortement dans les Ă©coles publiques et de revoir le systĂšme de progression de carriĂšre des  travailleurs de l’Ă©cole ! La formation d’enseignant, et l’enseignement supĂ©rieur dans son ensemble, doivent ĂȘtre gratuits et subventionnĂ©s afin d’attirer de nouveaux enseignants et de les former selon les meilleures normes de qualitĂ©. L’État doit offrir des avantages attrayants et des contrats stables pour embaucher efficacement les enseignants en dĂ©but de carriĂšre, tout en rĂ©duisant le nombre d’Ă©lĂšves par classe et en amĂ©liorant l’Ă©ducation pour tous. Pour garantir cela, les travailleurs doivent prendre le contrĂŽle de leurs Ă©coles par le biais de commissions scolaires dĂ©mocratiques, avec la participation des Ă©lĂšves, des familles et des communautĂ©s.

    La lutte des travailleurs de l’Ă©cole s’emballe

    Au cours des derniers mois, le Portugal a assistĂ© Ă  l’une des plus grandes mobilisations de la derniĂšre dĂ©cennie, menĂ©e par les travailleurs de l’Ă©ducation, y compris les enseignants, les travailleurs sociaux, les techniciens spĂ©cialisĂ©s et d’autres membres du personnel scolaire. Elle a commencĂ© en septembre dernier (2022), lorsque le MinistĂšre de l’Éducation a proposĂ© de modifier le modĂšle de recrutement des enseignants lors d’une phase de nĂ©gociations avec les syndicats, en plaidant en faveur d’une gestion municipale et de contrats gĂ©rĂ©s directement par les directions d’Ă©cole. La proposition a Ă©tĂ© mal accueillie et immĂ©diatement contestĂ©e en septembre, puis en novembre, lors d’une seconde phase de nĂ©gociations. La FENPROF (l’une des plus grandes fĂ©dĂ©rations syndicales d’enseignants, membre de la confĂ©dĂ©ration syndicale CGTP dirigĂ©e par le parti communiste) a ainsi dĂ©clarĂ© : “Nous dĂ©fendons la primautĂ© de l’affectation des enseignants par le biais du concours national de recrutement et de leur diplĂŽme professionnel (calculĂ© sur la base de l’anciennetĂ©)”. Selon eux,  la municipalisation des Ă©coles conduirait Ă  une Ă©ducation Ă  deux vitesses dans le pays. Rendre chaque municipalitĂ© responsable des budgets allouĂ©s aux Ă©tablissements et de leur Ă©ventuelle privatisation ouvrirait la voie Ă  un systĂšme Ă©ducatif plus inĂ©galitaire, et Ă  une prĂ©carisation des conditions de travail de tous les professionnels de l’éducation.

    La rĂ©forme proposĂ©e a Ă©tĂ© la goutte d’eau qui a fait dĂ©border le vase, dĂ©jĂ  bien rempli par des annĂ©es de conditions de travail misĂ©rables. Alors que grandissait la colĂšre des travailleurs, leurs rĂ©clamations s’affirmaient :  suppression des quotas et de progression de carriĂšre, rĂ©gularisation des horaires de travail Ă  35 heures par semaine, rĂ©duction de la distance entre le domicile des travailleurs et l’Ă©cole oĂč ils sont placĂ©s, augmentation des salaires en fonction de l’inflation et  dĂ©part Ă  la retraite anticipĂ©. Sur la base de cette colĂšre et de ces revendications, il devenait possible de mobiliser les travailleurs dans les rues, et ainsi montrer au gouvernement l’indignation du corps enseignant tout entier  face Ă  l’exploitation et au manque de respect dont il est victime. Et cela aurait Ă©galement renforcĂ© la position des syndicats d’enseignants Ă  la table des nĂ©gociations, car le gouvernement, lui, ne cĂ©dait pas.

    Le mouvement

    Le 5 dĂ©cembre, huit syndicats enseignants traditionnels, menĂ©s par la FENPROF, ont finalement appelĂ© Ă  une manifestation pour le 4 mars, un samedi. La grĂšve n’Ă©tait pas Ă  l’ordre du jour pour ces syndicats puisque les nĂ©gociations Ă©taient toujours en cours, la direction de la FENPROF arguant que “le moment n’est pas propice”, une attitude conforme Ă  la posture de “nĂ©gociateur” qu’adopte habituellement la direction de la CGTP. Cette stratĂ©gie est une erreur, car ce qui est obtenu Ă  la table des nĂ©gociations est directement liĂ© Ă  l’Ă©quilibre des forces dans les rues et sur les lieux de travail. Les travailleurs doivent compter sur leur propre force et leur organisation, sans se contenter d’attendre des accords avec l’État capitaliste.

    Pendant ce temps, un ensemble de travailleurs de l’Ă©ducation cherchait un moyen plus combatif de lutter pour les intĂ©rĂȘts de l’Ă©ducation publique. Un syndicat indĂ©pendant de travailleurs de l’Ă©ducation moins connu (ne faisant pas partie des confĂ©dĂ©rations syndicales, ni de la CGTP ni de l’UGT), “STOP” (Sindicato de Todos Os Profissionais da educação, syndicat de tous les travailleurs de l’Ă©ducation), a pris cette initiative en charge.

    STOP a vu le jour en 2018, sous la direction d’AndrĂ© Pestana, actif dans les luttes pour l’Ă©ducation depuis 2013 et critique Ă  l’Ă©gard des dirigeants du FENPROF. Deux cent enseignants ont rĂ©digĂ© et signĂ© un manifeste rĂ©clamant la crĂ©ation d’un un nouveau syndicat qui aurait “une maniĂšre diffĂ©rente de faire du syndicalisme et chez lequel le processus de prise de dĂ©cision serait complĂštement dĂ©mocratique et non partisan”.

    Bien qu’il soit relativement petit (reprĂ©sentant environ 1 300 travailleurs), STOP a appelĂ© Ă  des “actions de grĂšve illimitĂ©es” Ă  partir du 9 dĂ©cembre, une nouvelle forme de lutte dans le paysage syndical portugais. En novembre, environ 2 000 enseignants ont dĂ©clarĂ© soutenir ce modĂšle dans un sondage rĂ©alisĂ© sur un blog consacrĂ© Ă  l’Ă©ducation. Les travailleurs de l’Ă©ducation ont rejoint cette grĂšve lors d’un mouvement massif et inattendu, entraĂźnant la crĂ©ation de comitĂ©s de grĂšve dĂ©mocratiques, la fermeture d’écoles et  l’organisation de manifestations devant les Ă©coles pendant plusieurs jours d’affilĂ©e. Ces mouvements ont touchĂ© l’entiĂšretĂ© du pays, mais plus particuliĂšrement les rĂ©gions mĂ©tropolitaines de Porto et de Lisbonne, ainsi que l’ Algarve. ConcrĂ©tisant la solidaritĂ© par la lutte commune, STOP a lancĂ© un appel Ă  tous les travailleurs de l’Ă©cole, et pas seulement aux enseignants.

    Cette grande mobilisation des travailleurs scolaires, ainsi que le peu d’ouverture du ministĂšre Ă  de nouveaux processus de nĂ©gociation sur d’autres questions (liĂ©es notamment Ă  la carriĂšre des enseignants) ont mis sous pression les huit syndicats enseignants traditionnels. Ils ont eux aussi fini par appeler Ă  une grĂšve de 18 jours, c’est-Ă -dire un jour par rĂ©gion (distrito) du pays, Ă  partir du 16 janvier, ainsi qu’Ă  une manifestation en fĂ©vrier. Le 17 dĂ©cembre, une manifestation convoquĂ©e par STOP a rassemblĂ© 20 000 travailleurs de l’Ă©ducation dans les rues. “Les enseignants qui se battent enseignent toujours” a Ă©tĂ© l’un des slogans les plus entendus tout au long de la manifestation qui les a menĂ©s jusqu’au parlement portugais. Si 20 000 personnes ont un temps semblĂ© beaucoup, ce n’est rien comparĂ© Ă  la deuxiĂšme manifestation organisĂ©e par STOP le 14 janvier,  qui a rassemblĂ© 100 000 personnes Des dizaines de milliers de travailleurs non syndiquĂ©s l’ont rejointe, inspirĂ©s par la manifestation prĂ©cĂ©dente. Le dĂ©sespoir du gouvernement Ă©tait tel qu’il a eu recours Ă  la police pour tenter d’empĂȘcher les bus destinĂ©s Ă  la manifestation d’atteindre Lisbonne en les arrĂȘtant pour les fouiller, dans une tentative Ă©vidente de saboter la manifestation.

    Le gouvernement PS utilise la carotte des concessions et le bĂąton des services minimums

    En fĂ©vrier, face Ă  la force Ă©crasante du mouvement des travailleurs, le Premier Ministre (PS) AntĂČnio Costa a finalement Ă©tĂ© contraint de cĂ©der et de faire quelques concessions.

    Ont par exemple Ă©tĂ© obtenus : 1. le maintien du diplĂŽme professionnel comme critĂšre principal lors du concours national de recrutement qui fait office de processus de dĂ©signation dans les Ă©coles (faisant ainsi reculer le gouvernement sur sa proposition d’embauche directe) ; 2. l’organisation plus frĂ©quente (annuelle) du concours national de recrutement, tant pour le personnel nommĂ© que temporaire, ce qui permettra de combler immĂ©diatement les lacunes dues au dĂ©part Ă  la retraite des enseignants plus ĂągĂ©s ; 3. la rĂ©duction de la distance entre le domicile de l’enseignant et l’Ă©cole Ă  laquelle ce dernier peut postuler ; 4. L’assouplissement des quotas qui restreignent l’évolution de carriĂšre. Il est toutefois Ă  noter qu’en dĂ©pit de ces concessions, le gouvernement n’a rien proposĂ©  quant aux problĂšmes Ă  long terme de l’enseignement public, et n’a pas non plus accĂ©dĂ© aux principales demandes du mouvement.

    Le gouvernement a Ă©galement demandĂ© Ă  la Cour d’imposer aux enseignants grĂ©vistes un “service minimum” Ă  partir du 1er fĂ©vrier, et ainsi forcer les travailleurs en grĂšve Ă  prester un certain nombre d’heures pendant l’action de grĂšve. Mais en pratique, seules les actions de grĂšve illimitĂ©es menĂ©es par STOP ont Ă©tĂ© visĂ©es, ce qui constitue une attaque directe Ă  l’encontre d’un syndicat. Dans une dĂ©claration, le Ministre de l’Éducation s’est justifiĂ© en invoquant “la durĂ©e et l’imprĂ©visibilitĂ© des grĂšves menĂ©es par STOP ainsi que l’ensemble des consĂ©quences pour les Ă©lĂšves, concernant leur protection, leur alimentation et leur soutien dans des contextes de vulnĂ©rabilitĂ©”. Dans une tentative Ă©vidente de monter les parents contre le mouvement enseignant, le monde mĂ©diatique dans son ensemble s’est exprimĂ© dans les mĂȘme termes, Ă©voquant Ă  chaque fois des « parents risquant de perdre leur emploi » et de « dommages irrĂ©parables pour les Ă©lĂšves ».

     Le service minimum dans les Ă©coles, censĂ© garantir les repas des Ă©lĂšves et la prise en charge des enfants ayant des besoins Ă©ducatifs spĂ©ciaux, A en rĂ©alitĂ© enchaĂźnĂ© tout le personnel scolaire Ă  des horaires obligatoires, empĂȘchant les Ă©coles de fermer Ă  nouveau et niant ainsi le droit de grĂšve des travailleurs.

    Le gouvernement a Ă©galement mis en doute la “lĂ©galitĂ©” des fonds de grĂšve et a demandĂ© au bureau du procureur gĂ©nĂ©ral d’émettre un avis sur la question et Ă  l’inspection gĂ©nĂ©rale de l’Ă©ducation et de la science d’enquĂȘter sur le sujet  . Ces mĂ©thodes avaient Ă©tĂ© utilisĂ©es pour arrĂȘter la grĂšve des infirmiĂšres de 2018 et 2019, qui avaient Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es “illĂ©gales” pour avoir collectĂ© des fonds par le biais du crowdfunding. La solidaritĂ© entre travailleurs de diffĂ©rents secteurs fait donc manifestement trembler l’ordre Ă©tabli. Cette fois encore, le bureau du procureur gĂ©nĂ©ral a qualifiĂ© d’illĂ©gale la grĂšve de STOP.

    Le besoin d’unitĂ©

    En rĂ©ponse Ă  cette attaque contre le droit de grĂšve, STOP a appelĂ© Ă  une nouvelle manifestation le 28 janvier, qui a elle aussi atteint prĂšs de 100.000 manifestants. La FENPROF et les autres syndicats traditionnels ont appelĂ© Ă  une manifestation le 11 fĂ©vrier, rassemblant environ 150 000 personnes, ce qui montre la volontĂ© de leurs membres de se battre et leur capacitĂ© de mobilisation. STOP n’a pas participĂ© Ă  l’organisation de cette manifestation, mais a appelĂ© Ă  la participation de ses membres. Le 25 fĂ©vrier, STOP a organisĂ© une autre trĂšs grande manifestation pour l’Ă©ducation publique. Enfin, le 4 mars, FENPROF a organisĂ© une autre manifestation, divisĂ©e en deux villes, rassemblant 40 000 personnes Ă  Lisbonne et 40 000 autres Ă  Porto.

    MalgrĂ© les appels de STOP Ă  s’unir en front commun, la lutte a continuĂ© d’avancer avec d’un cĂŽtĂ© une coalition de huit syndicats dirigĂ©e par la FENPROF et de l’autre cĂŽtĂ© STOP, en concurrence. Le fossĂ© entre les deux syndicats est devenu particuliĂšrement visible lors de la manifestation du 11 fĂ©vrier, lorsque le dirigeant de STOP, AndrĂ© Pestana, a organisĂ© un rassemblement parallĂšle qui, pendant le discours de MĂĄrio Nogueira, pointait du doigt le dirigeant du FENPROF, l’accusant d’avoir empĂȘchĂ© STOP de monter sur scĂšne pour prendre la parole.

    Un front uni de tous les syndicats appelant Ă  des grĂšves aux mĂȘmes dates  pourrait avoir un impact plus fort que l’approche disjointe actuelle. L’expansion des comitĂ©s de grĂšve dĂ©mocratiques promues par STOP mĂšnerait Ă  la coordination des travailleurs de l’éducation et le front commun permettrait une implication dĂ©mocratique maximale.

    Prochaines étapes

    MalgrĂ© la volontĂ© toujours inĂ©branlable de lutte des travailleurs de l’Ă©ducation, le mouvement est aujourd’hui plus dispersĂ© qu’il ne l’Ă©tait Ă  son apogĂ©e. L’appel continu de STOP Ă  des “actions de grĂšve illimitĂ©es”, bien que motivant au dĂ©part, est devenu fatigant et dispersant, les travailleurs menant des actions de grĂšve Ă  des dates diffĂ©rentes dans des Ă©coles diffĂ©rentes, le plus souvent de maniĂšre non coordonnĂ©e.

    Alors que la rĂ©action du gouvernement commence Ă  peser sur la lutte, les syndicats envisagent de nouvelles stratĂ©gies et approches. FENPROF a appelĂ© Ă  une nouvelle grĂšve le 20 mars, visant particuliĂšrement les heures supplĂ©mentaires, la charge de travail, la composante non enseignante et le dernier cours de la journĂ©e, mais aucune donnĂ©e ne permet de savoir combien d’enseignants ont rejoint le mouvement jusqu’Ă  prĂ©sent. De nouvelles grĂšves par rĂ©gion (distrito) sont Ă©galement prĂ©vues entre le 17 avril et le 12 mai, ainsi qu’une grĂšve nationale le 6 juin et une grĂšve pour les examens finaux de l’annĂ©e scolaire.

    Le 18 mars, une rĂ©union nationale des commissions syndicales et de grĂšve de STOP s’est tenue et a pris la dĂ©cision de limiter la grĂšve indĂ©finie dĂšs le 16 avril et d’appeler dĂšs lors Ă  des action ponctuelles, locales et nationales, en fonction des besoins particuliers de chaque Ă©cole, des rĂ©gions et de l’ensemble des travailleurs de l’enseignement. Les problĂšmes les plus frĂ©quemment rencontrĂ©s sont liĂ©s aux conditions de travail, Ă  la violence et l’indiscipline rencontrĂ©es par le corps enseignant, Ă  l’encadrement de l’enseignement spĂ©cialisĂ©, Ă  la pĂ©nurie de personnel, aux infrastructures amiantĂ©es et malsaines. Parmi les actions envisagĂ©es, STOP mentionne vouloir tester des actions locales d’une journĂ©e ou d’une matinĂ©e.  En outre le syndicat a encouragĂ©, parmi d’autres propositions, Ă  poursuivre les formes locales de lutte, telles que les camps, les veillĂ©es, les manifestations devant les Ă©coles ou sur les ponts. Il a Ă©galement suggĂ©rĂ© d’accueillir les touristes avec des  affiches gĂȘnantes pour le Portugal rĂ©digĂ©es en plusieurs langues.

    STOP appelle Ă  une grĂšve d’une semaine, du 24 au 28 avril, ainsi qu’à une manifestation le 25 avril (anniversaire de la RĂ©volution des Oeillets de 1974 [qui a menĂ© Ă  la fin de la dictature de Salazar, NDTR]). Le slogan de cette action sera :  “Ils trouvent toujours de l’argent, sauf pour les travailleurs”. (“SĂł nĂŁo hĂĄ dinheiro para quem trabalha !”)., et son but est d’unir ceux qui ressentent la dĂ©gradation des services publics et la perte du pouvoir d’achat. L’appel Ă  une grĂšve nationale de l’Ă©ducation concentrĂ©e sur une semaine entiĂšre est prometteur, mais l’économie capitaliste ne pourra ĂȘtre rĂ©ellement Ă©branlĂ©e sans unitĂ©, une grande mobilisation et une coordination importante. La collaboration au sein des Ă©coles et entre les Ă©coles donnerait aux  fermetures d’Ă©coles un impact plus important et mettrait en Ă©vidence le pouvoir et la puissance de la classe ouvriĂšre.

    Les luttes scolaires sont une source d’inspiration. Construisons une lutte commune vers la grĂšve gĂ©nĂ©rale

    La rĂ©volte des travailleurs de l’Ă©ducation contre la prĂ©caritĂ© est commune Ă  la majeure partie de la classe ouvriĂšre, en particulier dans le contexte actuel de crise du coĂ»t de la vie et du logement.  La lutte commune de l’ensemble de la classe ouvriĂšre est et reste le moyen le plus efficace de battre le gouvernement et la classe capitaliste et de rĂ©cupĂ©rer les services publics. Les luttes des travailleurs de l’Ă©ducation devraient servir de pilier Ă  un mouvement plus large qui doit viser Ă  unir les diffĂ©rentes luttes en cours pour des salaires et des conditions de vie dignes en menant des actions de grĂšve coordonnĂ©es par tous les syndicats et en conduisant Ă  une grĂšve gĂ©nĂ©rale efficace. Inspirons-nous des comitĂ©s de grĂšve dĂ©mocratiques et des fonds de grĂšve solidaires constituĂ©s dans le cadre des luttes scolaires pour promouvoir davantage l’engagement de tous les travailleurs en lutte, syndiquĂ©s ou non, pour organiser et coordonner dĂ©mocratiquement les grĂšves et pour que le mouvement gagne en force et rĂ©siste Ă  l’usure naturelle qu’une longue lutte peut engendrer.

  • France. Des comitĂ©s de grĂšve anti-Macron partout pour entraĂźner la population derriĂšre les bastions syndicaux

    Face Ă  la guerre de classe lancĂ©e par Macron et Borne : Il nous faut un plan d’action pour mobiliser tout le monde ! Construisons la grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible !

    On peut gagner ! Nous avons encore des rĂ©servoirs de mobilisation dans lesquels aller puiser ! Il y a peu, 62% des Français.e.s estimaient que le mouvement devait se durcir. Tous les sondages font Ă©tat d’un raz-de-marĂ©e de dĂ©termination et de rejet de Macron et son gouvernement. On a eu 3,5 millions de manifestant.e.s Ă  deux reprises, les plus grandes mobilisations depuis des dĂ©cennies. Beaucoup plus est possible !

    Tract de Premier mai d’ASI-France

    Le piĂšge des solutions institutionnelles

    Le mouvement a eu plusieurs vitesses. D’une part les bastions ouvriers en grĂšve reconductible de maniĂšre continue ou intermittente depuis le 7 mars jusqu’à la deuxiĂšme moitiĂ© du mois d’avril, d’autre part des secteurs uniquement mobilisĂ©s lors des journĂ©es d’action de l’intersyndicale. Enfin, il y a les lieux de travail et les couches de la sociĂ©tĂ© qui soutiennent le mouvement, mais sont encore extĂ©rieures Ă  la mobilisation. Elles doutent de l’entrĂ©e en action ou cela leur semble impossible face Ă  l’absence de prĂ©sence syndicale autour d’eux, etc.

    On ne peut activer ce potentiel en dĂ©viant la lutte vers les institutions, avec le RĂ©fĂ©rendum d’initiative partagĂ©e (RIP) par exemple. Emprunter cette voie servirait de prĂ©texte pour faire atterrir la mobilisation dans la rue et par la grĂšve. Cela laisserait Macron et les mĂ©dias dominants distiller pleinement le racisme et d’autres Ă©lĂ©ments de division dans la situation, comme l’illustrent la loi JO 2024, la loi immigration et l’opĂ©ration militaire Wuambushu Ă  Mayotte. À la France Insoumise, une volontĂ© sincĂšre de stimuler les luttes coexiste toutefois avec cette approche institutionnelle. Jean-Luc MĂ©lenchon a soulignĂ© que «la lutte, c’est ce qui compte». Il avait Ă©galement appelĂ© l’intersyndicale Ă  lancer une grĂšve gĂ©nĂ©rale le 6 avril, comme en mai 68, par crainte «d’un Ă©tiolement de la lutte». «Ça serait unifiant et manifesterait la force», disait-il Ă  juste titre.

    Reste que la meilleure maniĂšre de structurer une grĂšve gĂ©nĂ©rale est de s’adresser Ă  la base et non aux directions syndicales dont la rĂ©ticence Ă  s’engager sur cette voie est le principal problĂšme rencontrĂ© par le mouvement. D’autre part, le succĂšs d’une grĂšve gĂ©nĂ©rale repose sur l’implication maximale dans la lutte. On a besoin de tout le monde. Les graves erreurs de gestion de l’affaire Quatennens par la France Insoumise dans une affaire de violences conjugales constituent de vĂ©ritables entraves au rassemblement de toute la classe, femmes comprises.

    Construire la grÚve générale reconductible

    Si l’intersyndicale est restĂ©e soudĂ©e aussi longtemps – y compris avec la CFDT et mĂȘme aprĂšs la promulgation de la loi, ce qui est inĂ©dit – c’est qu’elle a Ă©tĂ© mise sous pression par les masses Ă  chaque Ă©tape. Seule la mobilisation de la base en a assurĂ© la soliditĂ©. La grĂšve reconductible a Ă©tĂ© saisie dans certains secteurs durant cette lutte (Ă©nergie, chimie-pĂ©trole, collecte et traitement des dĂ©chets). La plupart sont maintenant derriĂšre nous, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ne peuvent pas renaĂźtre aprĂšs avoir repris un peu de souffle, Ă  l’image des Ă©boueurs. Mais le constat est lĂ  : c’est impossible de tenir Ă  long terme sans extension et Ă©largissement.

    Les bastions du mouvement ouvrier doivent jouer le rĂŽle moteur, ils restent l’instrument clĂ© pour un mouvement victorieux, mais avec davantage d’attention pour entraĂźner dans leur sillage les secteurs et les couches moins mobilisĂ©es, et tout particuliĂšrement la jeunesse qui s’est mobilisĂ©e de maniĂšre plus massive depuis le dĂ©but du mois de mars.

    Des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales existent dĂ©jĂ  dans une multitude de lieux de travail et d’étude et elles sont cruciales pour sortir de cette idĂ©e selon laquelle la discussion sur notre lutte se limite Ă  la communication externe. Il doit s’agir avant tout du dĂ©bat sur le programme, la stratĂ©gie et les tactiques de notre combat, axĂ© sur les tĂąches de la construction de la grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible.

    Des comitĂ©s de grĂšve anti-Macron doivent Ă©merger de ces assemblĂ©es pour rĂ©unir sur tous les collĂšgues sur les lieux de travail, syndiquĂ©s ou non, et faire de mĂȘme dans les lycĂ©es, les universitĂ©s mais aussi les quartiers et les immeubles. Cela deviendrait autant de quartiers gĂ©nĂ©raux pour construire la grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible et relier entre elles les diffĂ©rentes initiatives de lutte.

    De grandes soirĂ©es de rencontre pourraient ĂȘtre organisĂ©es Ă  l’initiative de ces comitĂ©s en invitant une dĂ©lĂ©gation de grĂ©vistes des bastions les plus avancĂ©s dans la lutte aujourd’hui pour dĂ©battre de la meilleure maniĂšre d’approfondir et d’étendre la grĂšve. Cela aiderait grandement Ă  gagner les hĂ©sitants Ă  la grĂšve. À Paris, une caisse de solidaritĂ© queer a rĂ©coltĂ© plus de 50.000 euros Ă  partir d’initiatives de la communautĂ© LGBTQIA+ ! Des caisses de grĂšves ont Ă©galement Ă©tĂ© créées par des boulangers du Nord et d’autres indĂ©pendants, illustrant que lorsque la classe travailleuse entre en action, elle peut tirer derriĂšre elles d’autres couches de la sociĂ©tĂ© et se prĂ©senter comme la vĂ©ritable dirigeante de la nation.

    Davantage d’attention doit Ă©galement ĂȘtre accordĂ©e vers la jeunesse. Retrouver l’élan des mobilisations de la jeunesse de 2006 dans la lutte contre le Contrat PremiĂšre Embauche (CPE) doit ĂȘtre l’objectif. Mais cette annĂ©e dĂ©jĂ , au-delĂ  de la mobilisation dans les cortĂšges et des occupations de lycĂ©es et universitĂ©s, des dĂ©lĂ©gations de jeunes sont par exemple venues assister des blocages d’incinĂ©rateurs, ce qui a permis de donner un peu de souffle Ă  certains grĂ©vistes sans que le site ne puisse ĂȘtre relancĂ©.

    Une prochaine Ă©tape de la lutte devrait d’ailleurs comprendre des initiatives vers l’occupation des lieux de travail. OĂč trouver de meilleurs quartiers gĂ©nĂ©raux pour rĂ©unir les diffĂ©rentes initiatives locales et les coordonner qu’au cƓur des lieux de travail ?

    L’objectif de ces comitĂ©s de grĂšve dĂ©mocratiques anti-Macron Ă  l’échelle locale, et plus largement ensuite, pourrait permettre d’impliquer dans l’action et la rĂ©flexion toute le soutien dont dispose le mouvement et de regrouper les multiples initiatives. C’est la structuration Ă  la base qui est cruciale pour surmonter les rĂ©ticences d’appareils syndicaux qui ont peur de ce qu’il pourrait advenir ensuite.

    Car la construction de la grĂšve reconductible est une Ă©tape centrale, mais elle n’est qu’une Ă©tape dans la confrontation avec le rĂ©gime capitaliste. Lui donner la perspective d’une “marche des millions” sur l’ElysĂ©e Ă  partir des rĂ©gions, assistĂ©e par la multiplication des “actions Robin des bois”, renforcerait son implantation. L’enjeu du combat dĂ©passe trĂšs largement les retraites : c’est de la chute de Macron-Borne et de TOUTE la politique d’austĂ©ritĂ© dont il est question.

    Pour une société gérée par et pour la majorité

    La 5Ăšme RĂ©publique ne fonctionne que pour les riches. La majoritĂ©, c’est nous ! En organisant la grĂšve reconductible Ă  la base, nous pourrions constituer ensuite une vĂ©ritable assemblĂ©e constituante rĂ©volutionnaire dĂ©mocratique reposant sur les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă©lus des comitĂ©s de lutte locaux comme Ă©tape nĂ©cessaire vers un gouvernement des travailleuses et travailleurs et de toutes les personnes opprimĂ©es. Ce n’est qu’alors que nous pourrons disposer d’une sociĂ©tĂ© qui veillerait Ă  l’épanouissement de chacun.e sur base des richesses que NOUS produisons et qui nous sont volĂ©es !

    TotalEnergies a annoncĂ© un bĂ©nĂ©fice net de 19 milliards d’euros en 2022, le plus gros de son histoire. Les entreprises du CAC 40 ont rendu Ă  leurs actionnaires 80,1 milliards d’euros en 2022 ! Ces criminels climatiques et sociaux doivent ĂȘtre expropriĂ©s et nationalisĂ©s sous contrĂŽle et gestion des travailleurs.euses. De telle maniĂšre, et avec la nationalisation des secteurs clĂ©s de l’économie (finance, grandes entreprises,
), il serait possible d’assurer un avenir dĂ©cent Ă  toutes et tous dans le respect de la planĂšte grĂące Ă  une planification rationnelle et dĂ©mocratique de l’économie.

    On peut balayer Macron et son gouvernement. C’est tout Ă  fait possible. Nous n’aurons pas nĂ©cessairement de suite un gouvernement des travailleur.euse.s. Mais quel que soit le gouvernement qui suivra, il aura bien difficile Ă  appliquer n’importe quel programme antisocial, car il sera d’emblĂ©e confrontĂ© Ă  un mouvement ouvrier Ă  la confiance enhardie, avec une avant-garde renforcĂ©e numĂ©riquement et qualitativement, mais encore de larges couches de travailleur.euse.s fraichement enrichies d’enseignements concernant la lutte pour une politique visant Ă  renverser l’exploitation et l’oppression.

    1. Retour de la retraite Ă  60 ans.
    2. Pour une pension minimale alignĂ©e sur un salaire minimum augmentĂ© Ă  2000€ net.
    3. Pour l’augmentation immĂ©diate de tous les salaires de 10% et le retour de l’échelle mobile des salaires. Plaçons les secteurs Ă  bas salaires sous contrĂŽle public pour assurer un vĂ©ritable statut au personnel, avec un bon salaire et de bonnes conditions de travail.
    4. Un emploi garanti et du temps pour vivre : pour une rĂ©duction collective du temps de travail, sans diminution des salaires, avec embauches compensatoires et diminution des cadences. Pour l’indĂ©pendance Ă©conomique des femmes et la fin des emplois prĂ©caires.
    5. Pour un plan d’investissements publics massifs dans les secteurs du soin et du lien, dans l’éducation, les logements sociaux, les transports publics durables, ainsi que dans les mesures de protection du climat. Les services publics doivent rĂ©pondre aux besoins ; ils doivent ĂȘtre de qualitĂ©, accessibles Ă  tou.te.s, Ă  moins de 30 minutes de son lieu d’habitation.
    6. Expropriation et saisie des richesses des milliardaires et rĂ©introduction de l’ISF.
    7. Nationalisation des secteurs de l’énergie et des banques sous le contrĂŽle et la gestion dĂ©mocratiques de la classe ouvriĂšre.
    8. La 5Ăšme RĂ©publique s’est avĂ©rĂ©e ĂȘtre une rĂ©publique qui ne fonctionne que pour les riches, pour la constitution d’une vĂ©ritable assemblĂ©e constituante rĂ©volutionnaire dĂ©mocratique basĂ©e sur les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă©lus des comitĂ©s de lutte dans les quartiers, les lieux de travail, les universitĂ©s et les Ă©coles comme Ă©tape nĂ©cessaire vers un gouvernement ouvrier vĂ©ritablement dĂ©mocratique fonctionnant selon les besoins de toutes et tous, et non pour les profits de quelques-uns.
    9. Nous avons besoin d’une Ă©conomie sous propriĂ©tĂ© dĂ©mocratique publique et Ă©cologiquement planifiĂ©e avec un rĂ©el contrĂŽle dĂ©mocratique exercĂ© par les travailleur.euse.s des entreprises et la sociĂ©tĂ© dans son ensemble pour crĂ©er des millions d’emplois durables et bien rĂ©munĂ©rĂ©s et construire une nouvelle Ă©conomie verte.
    10. Vers une société socialiste démocratique reposant sur les besoins de la classe ouvriÚre, des jeunes, des opprimé.e.s et de la planÚte.

    Rejoignez Alternative Socialiste Internationale (ASI/ISA) !

    La bataille pour renverser le capitalisme et instaurer une alternative sociĂ©tale est internationale. Nous sommes organisĂ©s dans plus de 30 pays sur tous les continents (en Europe, mais aussi au BrĂ©sil, au Chili, au Mexique, aux USA, au QuĂ©bec, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Tunisie, en IsraĂ«l/Palestine ou encore en Chine, oĂč nous luttons contre la dictature meurtriĂšre et capitaliste du PCC).

    Notre parti mondial n’est pas une addition d’organisations nationales qui entretiennent des relations lointaines, nos sections nationales se voient rĂ©guliĂšrement, discutent et dressent ensemble des analyses et conclusions stratĂ©giques pour construire l’outil rĂ©volutionnaire qui s’impose dans les conditions d’aujourd’hui.

    ASI/ISA France – alternative.soc.internationale@gmail.com – 00 33 7 68 79 63 05 (Isaure)

    [leform id=’2′ name=’Lid worden’]
  • Face Ă  la guerre de classe lancĂ©e par Macron et Borne: un plan d’action pour mobiliser tout le monde !

    Entraüner la population derriùre les bastions syndicaux grñce à l’organisation à la base

    Ce 1er Mai, c’est la 13e journĂ©e de grĂšve et de manifestations appelĂ©e par l’intersyndicale contre Macron et sa rĂ©forme des retraites. Un nouveau raz-de-marĂ©e populaire et historique ? C’est possible. Chaque sondage souligne l’opposition Ă  la rĂ©forme et l’adhĂ©sion au mouvement social. Mais la simple succession de manifestations vaguement liĂ©es entre elles – la stratĂ©gie des mobilisations dites « saute-mouton » – ne suffit pas.

    Par Nicolas Croes, dossier de l’Ă©dition de mai de Lutte Socialiste

    Parlant des consĂ©quences de la formidable opposition au gouvernement et Ă  la prĂ©sidence, un membre de l’exĂ©cutif s’exprimait anonymement dans le Journal du Dimanche du 8 avril : « Il y a trop de tĂ©tanie dans notre rĂ©action. Il faut mettre des choses dans l’atmosphĂšre, comme l’immigration ou autre. Sinon, on ne va jamais rĂ©ussir Ă  Ă©craser les retraites. » Et c’est bien entendu de ça qu’il est question dans les prioritĂ©s annoncĂ©es par le prĂ©sident le 17 avril d’ici au 14 juillet, date de la FĂȘte nationale. Au menu : «des annonces fortes Â» contre la dĂ©linquance «et toutes les fraudes sociales ou fiscales », tout en promettant de «renforcer le contrĂŽle de l’immigration illĂ©gale». Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a Ă©tĂ© plus clair en liant fraude sociale et immigration. «Nos compatriotes, lĂ©gitimement, en ont ras-le-bol de la fraude. Ils en ont ras-le-bol de voir des personnes qui peuvent toucher des aides (
), les renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu’elles n’y ont pas droit»

    Stopper la lutte n’est vraiment pas une option, il faut balayer Macron, son gouvernement et toute leur politique antisociale.

    Le plus grand mouvement social depuis Mai 68

    On connaĂźt la rengaine : « les gens ne bougent pas assez Â». L’explication simpliste ne tient jamais debout en y regardant de plus prĂšs. Mais il a rarement Ă©tĂ© aussi facile de rĂ©futer l’argument. Les douze premiĂšres journĂ©es de grĂšve et de manifestations ont touchĂ© plus de 300 villes. Dans certaines, on ne se rappelle tout simplement pas de la derniĂšre fois ! Le record du nombre de manifestant.e.s de l’histoire contemporaine a Ă©tĂ© pulvĂ©risĂ© non pas une fois, mais deux fois ! 3,5 millions manifestant.es Ă©taient dans les rues les 7 mars et 23 mars ! La situation n’a «jamais Ă©tĂ© aussi bloquĂ©e socialement et politiquement» depuis 1995 voire Mai 68, selon le spĂ©cialiste des conflits sociaux Guy Groux.

    Le soutien Ă  la lutte s’est mĂȘme consolidĂ© au fur et Ă  mesure: 59% en janvier, puis 66%, puis 72%. À chaque tentative du gouvernement de faire preuve de «pĂ©dagogie», le mouvement gagnait en popularitĂ© ! AprĂšs les embarras occasionnĂ©s par les grĂšves et les blocages, montĂ©s en Ă©pingle par les journalistes pro-establishment, un sondage pour Le Point montrait le 19 mars que 74% des Français.es Ă©taient favorables Ă  la motion de censure visant Ă  faire tomber le gouvernement ! Et quand l’intersyndicale a parlĂ© du «blocage du pays», 67% estimaient justifiĂ© le blocage de l’Ă©conomie. Une semaine aprĂšs le recours Ă  l’article 49.3 de la Constitution (qui permet de passer par-dessus l’AssemblĂ©e nationale), 62% des Français.es considĂ©raient que le mouvement devait encore se durcir. VoilĂ  qui donne de suite une autre dimension aux 3,5 millions de manifestant.e.s au pic du mouvement : plus, beaucoup plus est possible !

    Le piĂšge des solutions institutionnelles

    Dans les faits, il y a eu un mouvement Ă  plusieurs vitesses avec d’une part les bastions ouvriers en grĂšve reconductible de maniĂšre continue ou intermittente depuis le 7 mars jusqu’à la deuxiĂšme moitiĂ© du mois d’avril, d’autre part des secteurs uniquement mobilisĂ©s lors des journĂ©es d’action appelĂ©es par l’intersyndicale. Il y a enfin les lieux de travail et les couches de la sociĂ©tĂ© qui soutiennent le mouvement, mais sont encore extĂ©rieures Ă  la mobilisation parce qu’elles doutent de l’entrĂ©e en action ou que cela leur semble encore impossible en raison de l’absence de prĂ©sence syndicale autour d’eux, etc. En bref, un Ă©norme potentiel n’a pas encore Ă©tĂ© activĂ©.

    L’impasse prĂ©sentĂ©e par les simples « mobilisations saute-moutons Â» est assez communĂ©ment admise aujourd’hui. Mais les principaux partisans de cette stratĂ©gie orientĂ©e sur le respect des institutions de l’État et la maĂźtrise de la colĂšre sociale soutiennent aujourd’hui dĂ©vier la lutte prĂ©cisĂ©ment vers ces institutions. C’est ainsi qu’il faut considĂ©rer les demandes de RĂ©fĂ©rendum d’initiative partagĂ©e (RIP) dĂ©posĂ©es par la Nouvelle Union populaire, Ă©cologique et sociale (Nupes, construite autour de la France Insoumise et regroupant notamment le PCF, Europe Écologie Les Verts et le PS) avec le soutien de la direction de la CFDT et de la CGT notamment. Une premiĂšre demande avait Ă©tĂ© invalidĂ©e par le Conseil constitutionnel, une deuxiĂšme connaĂźtra son sort le 3 mai. En cas de feu vert, un dĂ©lai de 9 mois sera accordĂ© pour recueillir la signature de 10% des Ă©lecteurs (environ 5 millions de personnes) et, en cas de validation, une procĂ©dure d’examen au Parlement de 6 mois s’enclencherait.

    D’abord cette procĂ©dure n’est en rien contraignante. Elle comporte aussi nombre de mĂ©canismes qui sont de vĂ©ritables portes dĂ©robĂ©es pour le pouvoir en place. Enfin, et c’est le plus inquiĂ©tant, emprunter cette voie servirait de prĂ©texte pour faire atterrir la mobilisation dans la rue et par la grĂšve. Macron et les mĂ©dias dominants en profiteraient de suite pour distiller du racisme et d’autres Ă©lĂ©ments de division dans la situation. DiffĂ©rer la lutte sans perspective sĂ©rieuse, c’est la recette idĂ©ale pour un essor du cynisme et du fatalisme.

    Tout le monde ne repose de la mĂȘme maniĂšre sur cette institutionnalisation de la colĂšre. À la France Insoumise coexiste Ă©galement une volontĂ© sincĂšre de stimuler les luttes. Jean-Luc MĂ©lenchon a soulignĂ© que « la lutte, c’est ce qui compte Â». Il avait Ă©galement appelĂ© l’intersyndicale Ă  lancer une grĂšve gĂ©nĂ©rale le 6 avril, comme en mai 68, par crainte « d’un Ă©tiolement de la lutte ». « Ça serait unifiant et manifesterait la force », disait-il Ă  juste titre. C’est une diffĂ©rence de taille avec le reste de la NUPES et notamment le PCF, dont le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Fabien Roussel, souhaite aujourd’hui « parler Ă  toute la gauche Â» jusqu’Ă  Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande et champion du gouvernement par ordonnances !

    Reste que la meilleure maniĂšre de structurer une grĂšve gĂ©nĂ©rale est de s’adresser Ă  la base et non aux directions syndicales dont la rĂ©ticence Ă  s’engager sur cette voie est le principal problĂšme rencontrĂ© par le mouvement. D’autre part, le succĂšs d’une grĂšve gĂ©nĂ©rale repose sur l’implication maximale dans la lutte, on a besoin de tout le monde. Les graves erreurs de gestion de l’affaire Quatennens par la France Insoumise dans une affaire de violences conjugales constituent de vĂ©ritables entraves au rassemblement de toute la classe, femmes comprises.

    Construire la grÚve générale reconductible

    Dans la gauche radicale et au-delĂ , les voix n’ont pas manquĂ© pour exiger une grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible. Les appels Ă©taient souvent abstraits, relevant presque de la mĂ©thode CouĂ©, allant de la supplique envers les directions de l’intersyndicale aux attaques les plus brutales contre celle-ci. C’est Ă©vident, nous serions totalement dans une autre position si l’intersyndicale avait adoptĂ© une autre stratĂ©gie. Mais si cette intersyndicale, la premiĂšre depuis la lutte contre la rĂ©forme des retraites (encore !) de 2010, est restĂ©e soudĂ©e aussi longtemps – y compris avec la CFDT (Ă  la grande colĂšre de Macron, qui s’en est publiquement pris au secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CFDT Laurent Berger) et mĂȘme aprĂšs la promulgation de la loi, ce qui est inĂ©dit – c’est qu’elle a Ă©tĂ© mise sous pression par les masses Ă  chaque Ă©tape. Seule la mobilisation de la base a assurĂ© la soliditĂ© de l’intersyndicale.

    Une multitude d’évĂ©nements de plus ou moins grande ampleur avaient dĂ©jĂ  averti les appareils syndicaux des risques d’une trahison. Le mouvement des Gilets Jaunes avait d’ailleurs, Ă  sa maniĂšre, exprimĂ© l’impatience et la frustration vis-Ă -vis d’un syndicalisme sans ambition. Ce type de critiques a trouvĂ© sa voie au sein des organisations syndicales, comme l’a illustrĂ© le tout rĂ©cent congrĂšs de la CGT, oĂč la succession du secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Philippe Martinez a Ă©tĂ© bousculĂ©e de façon inĂ©dite. Pour la premiĂšre fois, la personne nommĂ©e par la direction sortante a dĂ» cĂ©der la place Ă  une autre. La confiance envers les organisations syndicales et le nombre d’affiliations ont grandi depuis le dĂ©but du mouvement, c’est certain, mais accompagnĂ©s d’un regard critique sur les derniĂšres dĂ©cennies de combat syndical.

    La grĂšve reconductible a Ă©tĂ© saisie dans certains secteurs durant cette lutte, particuliĂšrement dans l’énergie, la chimie-pĂ©trole, la collecte et  le traitement des dĂ©chets. La plupart sont maintenant derriĂšre nous, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ne peuvent pas renaĂźtre aprĂšs avoir repris un peu de souffle, Ă  l’image des Ă©boueurs. Mais le constat est lĂ  : c’est impossible de tenir Ă  long terme sans extension et Ă©largissement.

    Les bastions du mouvement ouvrier, mĂȘme s’ils sont affaiblis aujourd’hui par rapport aux dĂ©cennies prĂ©cĂ©dentes, restent l’instrument clĂ© pour un mouvement victorieux. Leur fer de lance Ă©taient la RATP (RĂ©gie autonome des transports parisiens) et les cheminots en 2019 (et il faut analyser pourquoi cela n’a pas Ă©tĂ© le cas de la mĂȘme maniĂšre maintenant), aujourd’hui ce sont les raffineries, dans le sillage du mouvement sur les salaires de l’automne dernier, qui a servi de rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale Ă  plus d’un titre. Dans tous ces bastions, la CGT joue un rĂŽle central. L’organisation de ComitĂ©s de grĂšve dĂ©mocratiques larges permet de regrouper dans la rĂ©flexion, la dĂ©cision et l’action les travailleur.euse.s combatif.ve.s au-delĂ  des dĂ©lĂ©gations syndicales. En 2016, seuls 11 % des salariĂ©.e.s Ă©taient syndiquĂ©.e.s et seuls 6,9 % avaient fait grĂšve cette annĂ©e-lĂ  contre la Loi Travail, mais 43 % avaient votĂ© aux Ă©lections professionnelles (chiffre d’autant plus impressionnant que nombre de salariĂ©.e.s ne peuvent pas participer faute de scrutin organisĂ© sur leur lieu de travail). Cela illustre tout le potentiel Ă  aller chercher pour renforcer et Ă©largir la dynamique de lutte. Ce ne peut ĂȘtre fait en se contentant simplement de dire « rejoignez la CGT Â».

    Des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales existent dĂ©jĂ  dans quantitĂ© de lieux de travail et d’études et elles sont cruciales pour sortir de cette idĂ©e selon laquelle la discussion sur notre lutte se limite Ă  la communication externe. Il doit s’agir avant tout du dĂ©bat sur le programme, la stratĂ©gie et les tactiques de notre combat, axĂ© sur les tĂąches de la construction de la grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible.

    C’est la raison pour laquelle nous avons dĂ©fendu en intervenant dans le mouvement la constitution de ComitĂ©s de grĂšve anti-Macron dĂ©mocratiques visant Ă  rĂ©unir tous les collĂšgues sur les lieux de travail, syndiquĂ©s ou non, et faire de mĂȘme dans les lycĂ©es, les universitĂ©s, mais aussi les quartiers et les immeubles.

    Une des questions centrales qui se pose pour de pareils comitĂ©s est l’extension de la dynamique des caisses de grĂšve. De grandes soirĂ©es de rencontre pourraient ĂȘtre organisĂ©es Ă  l’initiative de ces comitĂ©s en invitant une dĂ©lĂ©gation de grĂ©vistes des bastions les plus avancĂ©s dans la lutte aujourd’hui pour prĂ©senter la lutte ailleurs et dĂ©battre de la meilleure maniĂšre d’approfondir et d’étendre la grĂšve. Cela aiderait grandement Ă  gagner les hĂ©sitants Ă  la grĂšve. À Paris, une caisse de solidaritĂ© queer a rĂ©coltĂ© plus de 50.000 euros Ă  partir d’initiatives de la communautĂ© LGBTQIA+ ! Des caisses de grĂšves ont Ă©galement Ă©tĂ© créées par des boulangers du Nord et d’autres indĂ©pendants, illustrant que lorsque la classe travailleuse entre en action, elle peut tirer derriĂšre elles d’autres couches de la sociĂ©tĂ©, trĂšs certainement les secteurs en lutte, et se prĂ©senter comme la vĂ©ritable dirigeante de la nation. Un sondage IFOP a d’ailleurs indiquĂ© que 62% des dirigeants des trĂšs petites entreprises (TPE) n’Ă©taient pas favorables Ă  la rĂ©forme et soutenaient le mouvement.

    Davantage d’attention doit Ă©galement ĂȘtre accordĂ©e pour entraĂźner dans le sillage des bastions les secteurs et les couches moins mobilisĂ©s, et tout particuliĂšrement la jeunesse. Retrouver l’élan des mobilisations de la jeunesse de 2006 dans la lutte contre le Contrat PremiĂšre Embauche (CPE, derniĂšre victoire en date d’une mobilisation sociale contre un projet du gouvernement) doit ĂȘtre l’objectif. Mais cette annĂ©e dĂ©jĂ , au-delĂ  de la mobilisation dans les cortĂšges et des occupations de lycĂ©es et universitĂ©s, des dĂ©lĂ©gations de jeunes sont par exemple venues assister des blocages d’incinĂ©rateurs, ce qui a permis de donner un peu de souffle Ă  certains grĂ©vistes sans que le site ne puisse ĂȘtre relancĂ©. Une prochaine Ă©tape de la lutte devrait d’ailleurs comprendre des initiatives vers l’occupation des lieux de travail. OĂč trouver de meilleurs quartiers gĂ©nĂ©raux pour rĂ©unir les diffĂ©rentes initiatives locales et les coordonner qu’au cƓur des lieux de travail ?

    Nous tenons Ă  ce titre tout particuliĂšrement Ă  souligner les coupures et remises de courant, baptisĂ©es «OpĂ©rations Robin des Bois» qui ont visĂ© des institutions financiĂšres et patronales ou des grandes entreprises pour leur couper l’électricitĂ©, mais ont Ă©tabli la distribution gratuite de gaz et d’électricitĂ© pour des Ă©coles, des hĂŽpitaux, des HLM, des centres sportifs publics, des associations d’intĂ©rĂȘt public. Ils ont aussi rĂ©-Ă©tabli la distribution chez les usagers chez qui ça avait Ă©tĂ© coupĂ© Ă  cause de factures impayĂ©es et ils ont offert un tarif rĂ©duit jusqu’à 60% pour les petits commerçants, qui n’ont reçu du gouvernement aucune d’aide comparable face Ă  la flambĂ©e des prix. MĂȘme si ces actions ont eu une ampleur relativement limitĂ©e, elles donnent une importante idĂ©e de la maniĂšre dont pourraient ĂȘtre gĂ©rĂ©es les richesses produites par les travailleurs.euses sous une sociĂ©tĂ© socialiste dĂ©mocratique.

    Une société pour et par les travailleur.euse.s

    Il n’a pas manquĂ© de tracts et de textes se terminant par la nĂ©cessitĂ© d’en finir avec « Macron et son monde Â». Mais que cela signifiait-il ? La fin du gouvernement ? De la prĂ©sidence de Macron ? Du capitalisme ? Et pour aller vers quoi ? Ces questions mĂ©ritent qu’on y accorde une rĂ©ponse : on avance mieux quand on sait oĂč on va.

    La gĂ©nĂ©ralisation de la grĂšve reconductible est une Ă©tape centrale, mais elle n’est qu’une Ă©tape dans la confrontation avec le rĂ©gime capitaliste. Lui donner la perspective d’une « marche des millions Â» sur l’ÉlysĂ©e Ă  partir des rĂ©gions, assistĂ©e par la multiplication des « actions Robin des bois Â», renforcerait son implantation. L’enjeu du combat dĂ©passe trĂšs largement les retraites : c’est de la chute de Macron-Borne et de TOUTE la politique d’austĂ©ritĂ© dont il est question.

    La 5Ăšme RĂ©publique s’est avĂ©rĂ©e ĂȘtre une rĂ©publique qui ne fonctionne que pour les riches. La majoritĂ©, c’est nous ! En organisant la grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible Ă  la base, nous pourrions constituer ensuite une vĂ©ritable assemblĂ©e constituante rĂ©volutionnaire dĂ©mocratique reposant sur les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă©lus des comitĂ©s de lutte locaux comme Ă©tape nĂ©cessaire vers un gouvernement des travailleuses et travailleurs et de toutes les personnes opprimĂ©es vĂ©ritablement dĂ©mocratique. Ce n’est qu’alors que nous pourrons disposer d’une sociĂ©tĂ© qui veillerait Ă  l’épanouissement de chacun.e sur base des richesses que NOUS produisons et qui nous sont volĂ©es !

    Nous n’avons pas encore atteint le niveau de mai 1968 en France, expĂ©rience rĂ©volutionnaire qui avait rendu trĂšs rĂ©elle la perspective d’une rĂ©volution socialiste. La victoire de la classe ouvriĂšre française aurait pu entraĂźner l’effondrement des gouvernements capitalistes de toute l’Europe Ă  la maniĂšre de dominos. Le potentiel d’extension de la lutte est aussi rĂ©el aujourd’hui, tous les regards sont portĂ©s vers la France dans cette sociĂ©tĂ© oĂč le capitalisme s’embourbe d’une crise Ă  l’autre.

    On peut balayer Macron et son gouvernement. C’est tout Ă  fait possible. Nous n’aurons pas nĂ©cessairement de suite un gouvernement des travailleur.euse.s. Mais quel que soit le gouvernement qui suivra, il aura bien difficile Ă  appliquer n’importe quel programme antisocial, car il sera d’emblĂ©e confrontĂ© Ă  un mouvement ouvrier Ă  la confiance enhardie, avec une avant-garde renforcĂ©e numĂ©riquement et qualitativement, mais encore de larges couches de travailleur.euse.s fraichement enrichies d’enseignements concernant la lutte pour une politique visant Ă  renverser l’exploitation et l’oppression. 

    Contre la dictature des marchés, pour la démocratie des travailleur.euse.s

    1. Retour de la retraite Ă  60 ans.
    2. Pour une pension minimale alignĂ©e sur un salaire minimum augmentĂ© Ă  2.000€ net.
    3. Pour l’augmentation immĂ©diate de tous les salaires de 10% et le retour de l’échelle mobile des salaires. Plaçons les secteurs Ă  bas salaires sous contrĂŽle public pour assurer un vĂ©ritable statut au personnel, avec un bon salaire et de bonnes conditions de travail.
    4. Un emploi garanti et du temps pour vivre: pour une rĂ©duction collective du temps de travail, sans diminution des salaires, avec embauches compensatoires et diminution des cadences. Pour l’indĂ©pendance Ă©conomique des femmes et la fin des emplois prĂ©caires.
    5. Pour un plan d’investissements publics massifs dans les secteurs du soin et du lien, dans l’éducation, les logements sociaux, les transports publics durables, ainsi que dans les mesures de protection du climat. Les services publics doivent rĂ©pondre aux besoins ; ils doivent ĂȘtre de qualitĂ©, accessibles Ă  tou.te.s, Ă  moins de 30 minutes de son lieu d’habitation.
    6. Expropriation et saisie des richesses des milliardaires et rĂ©introduction de l’ISF.
    7. Nationalisation des secteurs de l’énergie et des banques sous le contrĂŽle et la gestion dĂ©mocratiques de la classe ouvriĂšre.
    8. La 5Ăšme RĂ©publique s’est avĂ©rĂ©e ĂȘtre une rĂ©publique qui ne fonctionne que pour les riches, pour la constitution d’une vĂ©ritable assemblĂ©e constituante rĂ©volutionnaire dĂ©mocratique basĂ©e sur les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă©lus des comitĂ©s de lutte dans les quartiers, les lieux de travail, les universitĂ©s et les Ă©coles comme Ă©tape nĂ©cessaire vers un gouvernement ouvrier vĂ©ritablement dĂ©mocratique fonctionnant selon les besoins de toutes et tous, et non pour les profits de quelques-uns.
    9. Nous avons besoin d’une Ă©conomie sous propriĂ©tĂ© dĂ©mocratique publique et Ă©cologiquement planifiĂ©e avec un rĂ©el contrĂŽle dĂ©mocratique exercĂ© par les travailleur.euse.s des entreprises et la sociĂ©tĂ© dans son ensemble pour crĂ©er des millions d’emplois durables et bien rĂ©munĂ©rĂ©s et construire une nouvelle Ă©conomie verte.
    10. Vers une société socialiste démocratique reposant sur les besoins de la classe ouvriÚre, des jeunes, des opprimé.e.s et de la planÚte.
  • [VIDEO] Quelles perspectives pour la lutte en France aprĂšs la dĂ©cision du Conseil constitutionnel?

    Dans la video ci-dessous, un militant socialiste révolutionnaire, notre camarade Stéphane Delcros, aborde les événements récents en France et la maniÚre avec laquelle le mouvement pourrait construire une victoire.

    https://fr.socialisme.be/95365/france-des-comites-de-greve-anti-macron-partout

    “Tout le monde le sait : il faut absolument passer Ă  la vitesse supĂ©rieure ! Nous devons dĂ©passer la simple suite de dates de journĂ©es de grĂšves et de mobilisation vaguement liĂ©es. La volontĂ© est lĂ  : le soutien Ă  la grĂšve reconductible et au blocage a progressĂ© depuis le recours au 49.3 sur la rĂ©forme des retraites. 79% des ouvriers et 62% des Français.e.s pensent que le mouvement doit se durcir : gĂ©nĂ©ralisons la lutte, construisons la grĂšve gĂ©nĂ©rale reconductible !”

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop