Category: Asie

  • NON aux persécutions homophobes en Tchétchénie !

    ction contre la violence homophobe en Tchétchénie organisée à Bruxelles le 2 juin dernier. Photo : Socialisme.be

    Les rapports relatant l’oppression brutale dont sont victimes les personnes LGBTQI+(1) en Tchétchénie (république constitutive de la Fédération de Russie) sont des plus choquants. Le gouvernement réfute les témoignages faisant état de l’existence de camps de concentration, en précisant immédiatement qu’il n’existe aucun homosexuel dans le pays… Il nie toute implication dans la violence homophobe parce que, selon lui, les familles ‘‘régulent’’ elles-mêmes la situation. La communauté LGBTQI+ en Russie a besoin de notre solidarité !

    Par Anna (Anvers)

    Kadyrov: une marionnette de Poutine

    La Tchétchénie se situe au nord du Caucase. Il s’agit d’une région autonome de la Fédération de Russie, mais qui est en réalité presque indépendante. La Tchétchénie a longtemps été une zone de conflit entre les différentes religions et cultures de la région. En 1944, les déportations massives de Tchétchènes et d’Ingouches à l’instigation de Staline visaient déjà à ‘‘stabiliser’’ la région par la force.

    Deux guerres ont eu lieu entre les séparatistes tchétchènes et l’armée russe (1994-1996 et 1999-2009). La seconde guerre a officiellement pris fin en 2000 avec la prise de la capitale Grozny. Un gouvernement pro-Kremlin dirigé par Ahmat Kadyrov (ancien séparatiste ayant fait défection pour l’armée russe) avait été instauré, mais les opérations de contre-insurrection ont perduré jusqu’en 2009. Son fils, Ramzan Kadyrov, le dirigeant actuel du pays, lui a succédé. Il déclare être le plus fidèle fan de Poutine, rien de surprenant vu le généreux soutien financier qu’il reçoit de son idole.

    Les élections à la Douma (le parlement russe) de 2007 et 2011 illustrent les liens étroits entre Poutine et Kadyrov ainsi que le degré de corruption des autorités locales : taux de participation à 99% et 99% des voix pour Russie unie, le parti de Poutine dont Kadyrov est le dirigeant tchétchène. La politique tchétchène est le reflet de celle de Russie : une petite oligarchie y concentre tous les pouvoirs économiques et politiques.

    Violence homophobe

    La Russie est l’un des endroits les plus homophobes au monde et cela empire. Poutine a dans les faits aboli la séparation entre l’Église orthodoxe et l’État et son parti, Russie unie, mène une politique homophobe reposant sur l’idée que la Russie a perdu ses valeurs en les ‘‘occidentalisant’’. Les personnes LGBTQI+ ne peuvent pas rester habiter auprès d’une famille traditionnelle russe. Comme toujours en période de crise et de coupe dans les services publics, le concept d’une famille comportant un mari, son épouse et ses enfants est défendu par les autorités pour reprendre en mains l’aide aux personnes âgées et les travaux domestiques, y compris les tâches sociales privatisées.

    En Russie, l’ouverture d’esprit est présentée comme étant ‘‘gay’’. Mais les terroristes réactionnaires de Daesh sont décrits comme des ‘‘fous homosexuels’’… La vie y est dangereuse pour les personnes LGBTQI+. Se tenir la main en rue est hors de question et s’organiser pour défendre ses droits est loin d’être évident puisque la ‘‘propagande homosexuelle’’ est interdite. Les différentes couches de la population sont montées les unes contre les autres en vue de cacher les problèmes sociaux. Toutes les formes de protestation sont d’ailleurs réprimées et cachées. Quand des dizaines de milliers de personnes sont récemment descendues dans les rues contre la corruption du Premier ministre Medvedev, la presse n’en a pas fait état.

    Il est difficile de décrire avec exactitude ce qui se passe en Tchétchénie. Les sources d’information sont très limitées, la répression ne vise pas exclusivement les personnes LGBTQI+, elle frappe également les opposants et les journalistes. Les échos dont nous disposons font mention de plus de 100 prisonniers, d’au moins 3 morts, de la persécution des journalistes et de l’établissement de camps de prisonniers. Les dénégations du gouvernement tchétchène font craindre le pire puisqu’il déclare : ‘‘Il n’y a pas d’homosexuels en Tchétchénie, il n’y a personne à poursuivre. (…) Une plainte concernant un crime de haine homophobe serait déclarée irrecevable parce qu’il s’agit d’un crime d’honneur et que cela ne pourrait être encouragé.’’ Le gouvernement tente d’encourager les familles à elles-mêmes s’en prendre physiquement à leurs membres LGBTQI+.

    Cela a bien entendu un impact sur la conscience de la population. Les statistiques indiquent que 74% des personnes interrogées refusent que la société russe accepte les personnes LGBTQI+ (Pew Research Center, 2013). Un nombre croissant de personnes (63% en 2015) se félicite des lois homophobes. Quel contraste avec la situation qui prévalait en Russie il y a tout juste un siècle, quand la Révolution russe de 1917 a ouvert la voie à la légalisation du mariage homosexuel, au droit à l’avortement, à la possibilité de changer de genre sur les documents d’identité, au droit de vote pour les femmes,…

    L’effondrement du stalinisme, la crise des années ’90 où tout ce qui n’avait pas encore été privatisé l’a été et la nouvelle crise des années 2000 suivie d’une baisse générale des conditions de vie ont créé des conditions difficiles pour la résistance et la riposte aux attaques antisociales. Cela renforce la nécessité de développer la solidarité internationale.

    Et maintenant ?

    Cette question reçoit une attention internationale croissante. Le 20 avril, la Pride.be, Cavaria et d’autres organisations LGBTQI+ ont mené une action à Bruxelles avec quelque 500 participants. Nous ne pouvons pas compter sur les institutions internationales et l’establishment européen, nous ne pouvons compter que sur nos propres mobilisations pour augmenter la pression.

    Lors de la Pride à Bruxelles le 20 mai, nous avons dénoncé la situation ce qui prévaut en Tchétchénie et en Russie (ce journal a été envoyé à l’impression peu de temps avant). Nous voulons ensuite organiser une action de protestation à l’ambassade de Russie. Une pétition est diffusée par des militants russes, nous vous proposons de la signer et de la diffuser autour de vous.

    (1) Lesbiennes Gays Bisexuel.le.s Trans* Queer Intersexué.e.s

    Pétition : https://www.change.org/p/russia-prosecutor-general-investigate-mass-murder-and-torture-of-lgbt-people-in-chechnya

  • Pakistan. Les marxistes en action contre la violence religieuse

    Le 16 février dernier, le Pakistan a subi une nouvelle attaque terroriste. Cette fois-ci, c’est un lieu de culte soufi de Sehwan, dans la province de Sindh qui a été visé. Au moins 88 personnes sont décédées et de très nombreuses autres ont été blessées. L’État islamique (Daesh) a revendiqué la responsabilité de cette attaque, la plus meurtrière au Pakistan depuis 2014. Ce n’est pas un hasard si ce groupe terroriste fondamentaliste s’en prend au soufisme, un mouvement qui promeut la tolérance et la paix. Le lieu de culte visé était d’ailleurs visité par des sunnites, des chiites, des hindous, des chrétiens et des sikhs.

    Cette attaque a clairement démontré que toute la rhétorique du gouvernement et d’Al-Qaïda sur l’incapacité de Daesh d’intervenir au Pakistan n’était que grossière propagande. L’armée pakistanaise a riposté avec une opération anti-terroriste et a déclaré qu’au moins 100 terroristes avaient été mis hors d’état de nuire (c’est-à-dire tués) en 24 heures. Curieusement, cette attaque particulièrement meurtrière n’a retenu que très peu d’attention de la part des médias occidentaux.

    Les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) au Pakistan ont immédiatement réagi avec des actions de protestation. A Mirpur Khas, également dans la province de Sindh, le Mouvement Socialiste a aidé à organiser une action de solidarité avec les victimes. Une manifestation a défilé dans la ville pour dénoncer l’extrémisme religieux et la violence en cours dans le pays. Les défenseurs des idées du socialisme sont à l’avant-garde de la lutte contre le fondamentalisme religieux, dont la vision du monde est diamétralement opposée à la nôtre. Nous luttons pour le progrès et les intérêts des travailleurs, les fondamentalistes veulent nous propulser dans la barbarie. Au Pakistan, les socialistes préconisent d’investir dans l’éducation, le logement et les services publics plutôt que de laisser la place aux écoles fondamentalistes sectaires. Il n’existe pas de moyen pour cela? Il y a pourtant suffisamment d’argent pour investir dans la défense et la guerre…

    Sindh protest against religious extremism

  • Hong Kong. Les bureaux de Socialist Action cambriolés

    Une motivation politique n’est pas à exclure

    Ce mardi 6 décembre, les bureaux de Socialist Action et de l’organisation du CIO en Chine, chinaworker.info, situés à Mong Kok (Hong Kong) ont été victimes d’une effraction.

    Par des correspondants de Socialist Action, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) à Honk Kong.

    Les ordinateurs ont été volés de même que de l’argent, pour une valeur de plus de 50.000 HK $ (soit environ 6.000 euros). Les voleurs sont entrés en brisant une porte, un crime extrêmement rare dans ce quartier où vivent en majorité des familles très pauvres dans de petites unités subdivisées. Le crime a eu lieu en pleine journée alors que les locaux, qui servent également de logement, étaient exceptionnellement vides. Les voleurs ont également renversés diverses caisses et piles de documents avant d’inonder le sol.

    “Nous pensons qu’il ne s’agit pas seulement d’un vol criminel, mais peut-être bien de quelque chose de plus sinistre encore”, a déclaré Sally Tang Mei-ching, présidente de Socialist Action à Hong Kong. “Nous ne pouvons pas exclure que ce soit une attaque politique – l’activité clandestine des forces de sécurité chinoises a augmenté cette année à Hong Kong. Nous avons perdu plusieurs dossiers dont d’importantes archives politiques de nos articles et publications. Ceux-ci ont été endommagés lorsque les cambrioleurs ont ouvert tous les robinets afin de délibérément provoquer l’inondation des lieux avant de partir.”

    Sally Tang Mei-ching, présidente de Socialist Action à Hong Kong

    “Il semble très probable qu’il s’agisse d’une attaque motivée par des mobiles politiques, peut-être perpétrée par les forces de sécurité de Chine continentale ou commanditées par elles. Pourquoi les voleurs ont-ils emporté tous les ordinateurs qui sont ensemble assez lourds à transporter alors qu’ils ne valent pas beaucoup s’ils sont revendus? Un ordinateur était vraiment daté, mais il a tout de même été dérobé. Il ne pouvait avoir de valeur que si l’on voulait vérifier les informations qu’il stockait. L’acte d’inondation est également très suspect – il ne semble pas être le fait de criminels ordinaires seulement motivés par l’argent. Il semble que les cambrioleurs aient voulu nous faire autant de dégâts que possible », explique Sally Tang Mei-ching.

    L’endroit est utilisé par les camarades de Socialist Action, mais aussi à l’occasion par des dissidents de Chine continentale. Il est également utilisé comme salle de réunion et centre de ressources pour des activistes réfugiés. Le CIO est une organisation juridique à Hong Kong (Socialist Action) mais elle est interdite en Chine continentale puisqu’elle appelle au renversement de la dictature. Ses membres sont donc victimes de persécutions et d’arrestations. La répression a nettement augmenté en 2016.

    Mong Kok est un quartier populaire de Hong Kong et le bâtiment est très vieux. Les voisins affirment qu’il n’y a pas eu de cambriolage dans cette maison depuis vingt ans.

    «Les compagnies d’assurance ont refusé de nous assurer parce que le bâtiment est très vieux, les biens et l’argent volés n’étaient donc pas assurés», explique Sally Tang Mei-ching. «Certains ordinateurs appartenaient aux bénévoles qui contribuent à la production de notre magazine et de notre site Web.»
    Un appel financier a été lancé par crowd-funding intitulé «Defend Hong Kong and China Socialists». Il nous faut réunir au moins 6,500 dollars américains (environ 6.100 euros) pour récupérer les pertes liées à cette effraction. Le remplacement des ordinateurs et des équipements électroniques représente à lui seul au moins 3.900 dollars. D’autres mesures sont nécessaires telles qu’installer des portes et des serrures plus puissantes ainsi que mettre à niveau les caméras de sécurité. Les dégâts causés par les inondations s’élèvent également à plusieurs milliers de dollars.

    «Nous voulons que nos bureaux soient à nouveau fonctionnels le plus rapidement possible», explique Sally. «C’est très important pour la lutte contre le gouvernement non démocratique de Hong Kong, qui est entré dans une phase critique avec l’instauration d’une large purge visant à disqualifier des législateurs élus, parmi lesquels l’élu de gauche ‘Long Hair’ Leung Kwok-hung. Nous devons également réagir face aux nouvelles mesures répressives du régime chinois. Nous ne voulons pas perdre de temps, mais malheureusement, nous ne pouvons actuellement même pas payer notre loyer.

    Nous lançons donc un appel aux donations de la part de socialistes, de militants de la démocratie et de sympathisants à Hong Kong, en Chine et à l’étranger. Envoyez votre don à travers notre page ‘Defend Hong Kong and China Socialists’.

    Socialist Action

    Socialist Action a été fondée à Hong Kong en 2010. L’organisation lutte pour la démocratie immédiate et complète à Hong Kong et en Chine ainsi que pour une alternative socialiste contre le règne antidémocratique des magnats capitalistes. Socialist Action est une force active dans la lutte contre le racisme et le sexisme, pour les droits des travailleurs et des personnes âgées ainsi que contre le traitement inhumain des réfugiés par le gouvernement de Hong Kong.

  • Ouzbékistan: Décès de Karimov, le boucher d'Andijan

    L’occident cherche la « stabilité » sous la dictature brutale

    karimovSi la mort d’Islam Karimov, président de l’Ouzbékistan, a été annoncée officiellement le 2 septembre, les rumeurs de sont décès courraient depuis plusieurs jours. Il semble que ce délai ait donné le temps à ses successeurs de manœuvrer pour se mettre en position de prendre sa suite. Mais c’est aussi parce qu’ils ne voulaient pas gâcher l’esprit de célébration des 25 ans de l’indépendance du pays, le 1er septembre.

    Rob Jones, CIO, Moscou

    Karimov s’est d’abord fait connaître dans ce qui était alors l’Union Soviétique comme un des prodiges de Michail Gorbatchev. En juin 1989, il a été nommé premier secrétaire du Parti Communiste de l’Ouzbékistan. Comme Nursultan Nazarbayev dans le Kazakhstan voisin, Karimov était vu comme un membre de la génération des « communistes de la perestroïka ». Ils ont été mis en place pour aider à dégager la vieille garde qui avait dirigé le parti pendant les longues années de stagnation. Comme Nazarbayev, Karimov avait la tâche de préparer le terrain pour l’introduction de profondes « réformes » économiques et politiques.

     En mars 1991, Karimov a fait campagne pour que l’URSS reste entière lors d’un referendum pour le sur la question du maintien de l’URSS. Selon les statistiques officielles, 84% des Ouzbeks ont voté pour garder l’URSS. Mais 6 mois plus tard, après l’échec du coup d’état de 1991, Karimov a été le premier à déclarer l’indépendance de sa république.
    Ce n’était pas par conviction idéologique, mais parce qu’il y voyait une chance de préserver et de consolider son règne sur ce pays de 30 millions d’habitants. Il a interdit de parti communiste (dont il était toujours officiellement dirigeant), a remplacé le KGB (Comité pour la Sécurité de l’Etat) par le SNB (Conseil pour la Sécurité du Peuple), réprimé toute opposition politique et supprimé ses concurrents issus des différents clans régionaux. Il est devenu une sorte de tsar détenant un pouvoir illimité, pendant que le pays s’isolait du reste du monde.

    Privatisation undercover 

     Même si, formellement, l’Etat gardait le monopole du commerce extérieur, Karimov a mené une politique de privatisations par lesquelles le contrôle et la propriété des éléments stratégiques passaient sous le contrôle des membres de la famille de Karimov. Les revenus des principales exportations du pays (coton, or, gaz et autres minéraux) passaient sous le contrôle de l’entourage de Karimov. L’échelle de l’enrichissement de sa famille a été révélé en 2012, quand après une dispute familiale, Karimov a fait arrêter et juger sa fille aînée, Gulnara. Une fois qu’elle a été placée en résidence surveillée, des centaines d’entreprises, de stations de télévision, de journaux et de stations de radio lui ont été confisquées.

    Pendant que ces gens vivent dans un luxe inouï, la grande masse des Ouzbeks vit dans une pauvreté écrasante. Beaucoup sont forcés de quitter le pays travailler soit au Karakhstan frontalier, soit en Russie. Il y a plus d’un demi-million d’Ouzbeks qui travaillent rien qu’en Russie, la plupart du temps pour des bas salaires sans aucun droits. Plus de 10% du PIB de l’Ouzbékistan vient de l’argent que ces travailleurs renvoient chez eux. Ceux qui restent au pays n’ont aucun moyen de défendre leurs droits – toute tentative d’opposition et immédiatement écrasée par la police et le SNB.
    En dehors des villes, le gouvernement de Karimov a établi un système féodal pour garder le contrôle. Chaque village a un ancien désigné, payé par l’Etat, une « barbe blanche » qui est sensé rapporter les comportements dissidents. Les organisations de défense des droits de l’Homme ont publié beaucoup de rapports sur la façon dont les dissidents sont traités. Ils y a des milliers de prisonniers politiques, dont beaucoup accusés d’extrémisme islamique, qui subissent une torture féroce, y-compris l’arrachage des ongles, les électrochocs, la suffocation avec des sacs plastiques et l’immersion dans l’eau bouillante.

    Bien entendu, le règne dictatorial de Karimov ne l’a pas empêché d’entretenir de bonnes relations avec les puissances occidentales, en particulier les USA. Le désir de l’Occident de mettre la main sur le gaz et les autres ressources naturelles, et de faire le poids face aux intérêts russes, n’est qu’une partie de la raison de ces bonnes relations. Le plus important est probablement l’empressement de Karimov à permettre aux USA d’utiliser les bases aériennes du pays pour les opérations occidentales en Afghanistan. Non seulement cela, mais les USA ont aussi utiliser le pays pour des extraditions irrégulières et pour torturer des suspects. Quand l’ancien ambassadeur britannique à Tashkent, Craig Murray, a protesté contre ces pratiques, il a été déchu de son poste et a subi une campagne de chasse aux sorcières de la part du gouvernement Blair. Des groupes de défense des droits de l’Homme ont rapporté que les USA forment les officiers des forces de l’ordre ouzbeks et leur ont fourni des armes, y compris 300 véhicules blindés résistant aux mines.

    Karimov a gagné en notoriété après le tristement célèbre massacre d’Andijan. Après des manifestations locales contre un maire corrompu, l’armée a été envoyé et a massacré 700 personnes, qui, selon un des commandants, étaient « torturés par la pauvreté ».

    Andijan se trouve dans la vallée de la Ferghana, la région la plus peuplée d’Asie Centrale et qui compte beaucoup de groupes ethniques et de nationalités différentes. Karimov et ses appuis américaines ont rapidement accusé l’extrémisme islamique d’être responsable des manifestations et ont augmenté la répression dans toute la région. Maintenant, il est difficile de dire ce qui est apparu en premier – le fondamentalisme religieux ou l’extrême pauvreté et la répression violence qui l’alimentent. La vallée de Ferghana est reconnue comme un vivier de combattants qui rejoignent Daesh.

    La mort de Karimov officiellement confirmée, l’Occident apporte de nouveau son soutien au régime. Obama a envoyé un message soulignant l’engagement des USA à « un partenariat avec l’Ouzbékistan, sa souveraineté, sa sécurité, et un futur basé sur les droits de tous ses citoyens ». Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, a rendu hommage aux efforts de Karimov pour « développer de solides liens entre l’Ouzbékistan et les Nations Unies ainsi que pour renforcer la paix et la sécurité régionales et mondiales ».

    Sous le vernis diplomatique de ces commentaires, le sentiment réel a été exprimé par un blogger en réponse au rapport du Financial Times sur la mort de Karimov. « Karimov régnait sur 31 millions de Musulmans miséreux. Sans aucun doute, c’est un terreau pour les djihadistes. Raison de plus pour lui de garder un pied sur leur nuque. »
    Succession

    La successsion de Karimov n’est pas encore claire. Il semble que le favori soit l’actuel Premier Ministre, Shavkat Mirziyoyev. Pour appaiser l’Ouest, il va probablement promettre de réformer et de libéraliser. Cependant, quand Gurbanguly Berdimuhamedow a succédé à l’ancien président Niyazov, au Turkmenistan voisin, il a aussi promis la libéralisation, mais au lieu de cela, il a établi une dictature et un culte de la personnalité encore plus durs que ceux de son prédécesseur. Pour consolider son règne face à l’opposition d’autre personalités claniques et membres de l’élite, le nouveau président Ouzbek va aussi devoir bientôt recourir à la répression.

    L’Ouzbékistan a hérité d’une classe ouvrière industrielle forte de l’Union Soviétique. Même si celle-ci a été démembrée depuis longtemps, il y a encore plusieurs millions d’ouvriers dans le pays. Ceux-ci, en s’alliant aux travailleurs des services et de l’agriculture, sont potentiellement une force très puissante. Organisés et conscients politiquement, ces travailleurs pourraient procurer une réelle alternative à l’élite dirigeante actuelle, avec ses politiques de privatisation et de répression.

    L’énorme richesse de l’Ouzbékistan et les talents de ces millions de personnes forcées de travailler à l’étranger pourraient être utilisés pour nationaliser les ressources naturelles du pays pour assurer un revenu décent à tous. En procurant des emplois, des logements, des écoles et des hopitaux dans des régions comme la vallée de Ferghana, le terreau de recrutement d’ISIS serait sappé. En renversant la bureaucratie et l’élite capitaliste, de même que le SNB répressif, des comités élus des travailleurs et des pauvres, comprenant des représentants de toutes les nationalités, pourraient reprendre la gestion de l’économie et du pays. Un tel Ouzbékistan démocratique et socialiste pourrait devenir un phare pour le reste de l’Asie Centrale.

  • Hong Kong: Émeutes du nouvel an à Mong Kok

    La violence policière doit être condamnée – Témoignage d’Action Socialiste (CIO-Hong Kong)

    HK_SA_01Le 8 février, lors de la première nuit du nouvel an chinois, la brutalité policière a provoqué une émeute dans le district de Mong Kok, au centre de Hong Kong. Les manifestants s’étaient rassemblés pour défendre les marchands de nourriture ambulants d’un coup de filet très médiatisé des forces de l’ordre. La police a arrêté au moins 54 personnes pendant les affrontements et un de ses porte-parole a déclaré que davantage d’arrestations étaient prévues. D’après les rapports des médias, le nombre de blessés pourrait être de plus de 120.

    Ces événements ont été surnommés « la révolution des boulettes de poisson » – en référence à la « révolution des parapluies » de masse pour la démocratie en 2014 (la rue principale de Mong Kok était l’un des 3 sites occupés pendant près de 3 mois). Les marchands ambulants (qui vendent des en-cas, comme les boulettes de poissons) font partie des traditions des célébrations du nouvel an chinois à Hong Kong, et le gouvernement les a toujours tolérés par le passé. Cependant, l’année dernière, le gouvernement a commencé à s’attaquer à ces « marchands à la sauvette », ce qui a provoqué un mécontentement massif. Cette année, le gouvernement a mené des coups de filet encore plus durs contre les marchands de rue, et les masses en colère se sont mobilisées en soutien de ceux-ci. Une action aussi retentissante montre que la police était désireuse de faire une démonstration de force. A cause des décisions politiques du gouvernement, Mong Kok est devenue une poudrière en cette nuit du nouvel an.

    Vengeance contre la police

    Au jour de l’an chinois a 22h00, la foule s’est rassemblée a Mong Kok alors que les agents du Département de la nourriture et de l’hygiène distribuaient des amendes aux marchands. A 23h00, la police est arrivée et a attaqué les manifestants a coups de gaz-poivre et de matraques. La tension a continué a monter jusque 2:00. Les manifestants lançaient des objets a la police, quand tout a coup un policier a tiré deux coups d’avertissement en l’air et pointé son arme vers les gens, ce qui a déclenché des heurts encore plus violents. Les règles de la police sont très strictes en matière d’utilisation des armes a feu et n’autorisent pas a tirer en l’air en avertissement. Cet acte était une nouvelle violation des règles par la police.

    Ces événements étaient comme une reprise de la “révolution des parapluies”; la police a attaqué la foule au gaz-poivre et beaucoup de manifestants ont aussi été tabassés et baignaient dans le sang. A 4:00, un groupe de manifestants masqués a commencé à enlever les briques de la route et a abattre les panneaux de signalisation. Ils empêchaient aussi les journalistes et les passants de prendre des photos. Les manifestants ont ensuite jeté des briques et mis le feu à des poubelles. Au moins un taxi a été brûlé.

    Il est possible que les émeutes du nouvel an aient été en partie instiguées par des hommes de main du gouvernement cachés parmi la population. Il ne peut pas être exclu que des espions de la police aient été sur place a “provoquer le chaos” devant les caméras. Cependant, une chose est sure, c’est que les émeutes ont été soutenues par une partie de la population, en particulier les jeunes, car elles étaient vu comme un moyen de se venger de la police.

    La Révolution des Parapluies a échoué à cause de son programme limité (des réformes partielles plutôt qu’un changement complet du système) et du refus d’appeler a des manifestations de solidarité au-delà de Hong Kong, en particulier en Chine continentale, qui est décisif dans la lutte contre la dictature chinoise. Une couche de jeunes a cependant mal interprété la défaite.

    Ils rejettent la stratégie soi-disant “pacifique et rationnelle” des dirigeants de l’opposition démocratique bourgeoise (les « pan-démocrates »), mais sur-simplifient cela en en faisant un besoin de “violence” plutôt que de voir que la clé est un programme révolutionnaire. Sans alternative politique, et sans possibilité pour les manifestations de masse de s’escalader d’une façon forte et organisée, certains jeunes radicaux se sont tournés vers la méthode de l’émeute. C’est le cas en particulier des groupes “nativistes” (Un mélange spécial d’idées racistes et d’extrême droite avec des sentiments pro-indépendance).

    Programme révolutionnaire

    HK_SA_02Action Socialiste (CIO a Hong Kong) condamne la violence policière, qui est le vrai coupable de cet incident. Le gouvernement et les grands médias vont faire usage des émeutes pour représenter tous les manifestants comme des “voyous”, et pour légitimer leurs plans d’extension des pouvoirs de la police, et pour augmenter la répression contre les mouvements démocratiques.

    Les nativistes encouragent une idée romantique de “lutte chevaleresque” – c’est-à-dire la confrontation avec la police – mais en fait, seule une vingtaine de membres de groupes nativistes étaient présents pendant les affrontements. Les principaux médias ont consciemment sur-estimé leur rôle, en préparation d’une offensive propagandiste du gouvernement contre “les forces indépendantes de Hong Kong”, et de façon a dissuader les gens de prendre part aux luttes démocratiques.

    Si les socialistes soutiennent le droit a l’auto-défense des manifestants et des groupes en lutte, nous défendons qu’elle doit être disciplinée et organisée, de préférence au moyen d’organisations démocratiques des travailleurs. Les émeutes ne sont jamais un moyen efficace de lutter contre le pouvoir en place. Non seulement elles ne représentent pas une menace au régime, mais elles lui donnent en fait une excuse pour renforcer sa machine répressive. Les socialistes prennent position pour des luttes de masse organisées autour d’un programme révolutionnaire clair pour vaincre le capitalisme dictatorial. C’est le seul moyen de canaliser la colère de masse en une force pour détruire la dictature.

    Action socialiste demande une enquête publique indépendante sur les actions policières des 8 et 9 février. Il faut appeler a de nouvelles manifestations de masse disciplinées contre la brutalité policière et contre l’accentuation de la répression politique par le gouvernement. Cela doit être le premier pas vers la reconstruction d’un mouvement de masse pour des droits démocratiques immédiats et pour le renversement de la dictature en Chine et a Hong Kong.

  • Japon : Malaise politique et social après «vingt années perdues»

    La force du Premier ministre Abe ne repose que sur la faiblesse de l’opposition

    AbeParmi tous les Premiers ministres qui se sont succédé au Japon au cours des quarante dernières années, Shinzo Abe est celui qui aura duré le plus longtemps. Son Parti libéral démocratique (Jiy?-Minshut?, ou Jimint?) au pouvoir reste en tête des sondages, malgré les grands mouvements de contestation de l’été dernier contre les nouvelles lois de sécurité, qui suscitent l’opposition de la majorité de la population.

    Cette stabilisation temporaire de la vie politique japonaise n’a été possible qu’en raison de la faiblesse de l’opposition et du fait que l’échec de la politique d’« abénomie » (l’économie selon Abe) n’est pas encore devenu apparent aux yeux de la masse de la population. Toutefois, l’accalmie actuelle ne sera que de courte durée pour le gouvernement. Derrière la façade de stabilité politique et sociale, le capitalisme japonais est confronté à une énorme crise, même sans tenir compte de la récente volatilité sur les marchés boursiers mondiaux.

    Carl Simmons, Kokusai Rentai (Solidarité internationale, section japonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Depuis 1990, la croissance moyenne du PIB japonais n’a été que d’un peu moins de 1 %. Ce qui était considérée comme une « décennie perdue » s’est à présent changé en « vingt années perdues » pour la croissance économique. La nature de ce déclin est indiquée par un rapport diffusé un peu avant Nouvel An par la Compagnie de diffusion du Japon, la chaine de médias nationaux. Selon ce rapport, le Japon se trouverait à présent à la 20e place des pays de l’OCDE pour la croissance du PIB par habitant. C’est son plus bas classement depuis 1970.

    En plus de ce lent déclin économique, le Japon est également confronté à une rapide baisse de sa population. Un rapport du gouvernement a prévenu du fait qu’en 2060, le nombre de Japonais passera de 127 millions aujourd’hui à 87 millions. À cette date, 40 % de la population sera âgée de plus de 65 ans.

    L’émergence de la Chine

    Cette sensation de crise et de panique face au déclin national est exacerbée par l’émergence de la Chine en tant que grande puissance économique et militaire – un rival pour le Japon. Pas une semaine ne passe sans que de nouvelles informations n’apparaissent dans la presse japonaise pour illustrer ce déclin relatif. Par exemple, le nombre d’universités chinoises qui figurent dans le classement des meilleures universités asiatiques a dépassé le nombre d’universités japonaises. Le nombre d’articles écrits par des Chinois dans les revues scientifiques dépasse le nombre d’articles écrits par des Japonais. Et c’est sans parler des nombreux rapports qui indiquent la croissance militaire de la Chine, surtout de sa flotte de guerre.

    C’est ce sentiment de crise qui a poussé Abe et sa rhétorique nationaliste au-devant de la scène politique. On voit aussi cela dans l’évolution du Jimint?. Dans le passé, ce parti était dominé par diverses factions regroupées autour de différents députés qui finançaient leurs propres projets de construction et se relayaient rapidement au poste de Premier ministre, sans que l’on ne parle vraiment de différences en terme de programme politique. Mais aujourd’hui, ce parti est dominé par la Conférence du Japon, un influent lobby de droite dont Abe est le principal conseiller. Ce groupe au sein du Jimint? aurait à présent sous son contrôle 289 députés (sur 480), ainsi que la majorité des membres du cabinet d’Abe.

    Même si Abe est lui-même un militant convaincu de la même idéologie de droite réactionnaire et partisan de la révision de la constitution proposée par ce groupe (la constitution actuelle interdit notamment au Japon de déployer des forces armées à l’étranger, ce que la classe dirigeante japonaise veut changer), il est également bien conscient du fait que l’opinion de la population japonaise n’est aujourd’hui pas prête à accepter la moindre restriction de ses droits démocratiques. La loi sur la protection des secrets d’État, les tentatives de faire taire l’opposition, les pressions sur les agences de presse, les nouvelles lois sécuritaires… ont suscité l’indignation d’une partie de la population, et – ce qui est très important – poussent une partie de la jeunesse à devenir politiquement active. Même si les récents mouvements de contestation n’ont pour le moment pas obtenu la moindre victoire, le mouvement de l’été dernier contre le projet de nouvelles lois sécuritaires n’a pas été sans effet sur la société.

    La stratégie d’Abe et l’échec de l’« abénomie »

    Dans sa campagne pour les élections nationales de juillet de cette année, Abe va insister sur le fait que l’opposition ne propose aucune alternative à sa politique d’« abénomie ». Sans insister sur son projet de révision de la constitution, il va tenter d’exploiter des incidents tels que les essais nucléaires effectués par la Corée du Nord et les incursions de la flotte militaire chinoise dans les eaux japonaises pour promouvoir cette idée. Mais il va devoir se montrer très prudent. Il sait que ce ne sera pas facile de convaincre une majorité de la population d’accepter un changement de la constitution par voie de référendum, et que le succès ou l’échec de son gouvernement dépend avant tout de l’impact de sa politique économique.

    Le premier effet de la politique d’« assouplissement quantitatif » menée par le gouvernement a été de renforcer la profitabilité des grandes entreprises nationales. 30 % des entreprises de la première section de la bourse de Tokyo ont annoncé des profits records pour l’année 2014. C’était le meilleur résultat depuis 2006, où 36 % de ces entreprises avaient annoncé avoir engrangé de tels profits. En tout, les profits des entreprises se sont accrus de 6,7 % en 2014.

    Cette politique a renforcé la confiance des patrons. Avant la dégringolade du Nouvel An, la bourse de Tokyo avait atteint son plus haut niveau depuis 16 ans ; ce niveau avait doublé depuis l’arrivée d’Abe au pouvoir. Ce sont les riches qui ont le plus profité de cette croissance. Selon l’agence fiscale nationale, le nombre de gens dont le revenu dépassait les 500 millions de yen par an (2,5 milliards de francs CFA soit 200 millions par mois) était passé de 578 en 2010 à 1515 en 2013.

    Cette croissance des profits était essentiellement le résultat de la chute de la valeur du yen, une conséquence de la politique d’Abe. Malgré cela, le Japon continue à subir un énorme déficit commercial. Même si la chute du yen a encouragé les exportations de voitures et d’autres marchandises, les profits totaux se sont surtout accrus à cause de la hausse des profits tirés par les entreprises japonaises installées à l’étranger, recalculés en yen. Le fait que les grandes entreprises possèdent plus d’argent sur leur compte en banque ne veut pas dire pour autant un retour de la croissance. Car pour qu’il y ait croissance, il faut que cet argent soit investi dans le pays !

    À la fin de l’année passée, Abe et Kuroda, le gouverneur de la banque centrale japonaise, ont redoublé d’efforts pour tenter de convaincre les grandes entreprises nationales de renforcer leurs investissements. Kuroda a utilisé l’argument selon lequel « La fortune sourit aux audacieux ». Mais cela n’a pas suffi à convaincre les patrons. Vu la stagnation du marché national et le ralentissement de la croissance en Chine, ces grands patrons se demandent à quoi bon investir s’ils savent qu’ils ne pourront pas vendre leur nouvelle production. Et même s’il se créait un nouveau marché pour la consommation, pourquoi ces entreprises devraient-elles investir au Japon, alors qu’elles peuvent tout aussi bien investir à l’étranger ? La chute du yen n’a pas suffi à empêcher la tendance à délocaliser la production vers d’autres pays.

    Selon la Banque japonaise pour la coopération internationale, les entreprises japonaises ont effectué 35 % de leur production à l’étranger en 2014. En 1989, cette proportion n’était que de 14 % ; on s’attend à ce qu’elle atteigne 40 % d’ici 2018. La plupart des investissements réalisés par des entreprises japonaises sont localisés non pas au Japon mais en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines, à Singapour et en Thaïlande.

    Tout en appelant les patrons à investir au pays, la banque centrale les a aussi exhortés à augmenter les salaires. Les organisations patronales disent que c’est une excellente idée, car une hausse des salaires renforcerait le pouvoir d’achat de la population, ce qui permettrait d’accroitre les ventes des entreprises. Mais chacun attend que son concurrent augmente les salaires, sans chercher à le faire soi-même !

    Kuroda a même critiqué les dirigeants des syndicats des travailleurs, disant qu’ils ne font pas assez d’efforts pour chercher à obtenir des hausses salariales ! L’échec de la politique d’« abénomie » pourrait donc être attribué aux syndicats, qui étaient encore récemment loués en tant que principal facteur du succès du capitalisme japonais. Même si les salaires ont un peu augmenté ces derniers temps, cette hausse ne suffit pas à contrebalancer l’inflation (la hausse de la cherté de la vie). Et même les quelques entreprises qui ont décidé d’augmenter les rétributions de leurs travailleurs l’ont fait essentiellement sous la forme de primes plutôt que de véritables hausses salariales.

    Le plan d’Abe et de Kuroda était d’obtenir une inflation de 2 %, parce qu’ils supposaient qu’un tel taux pourrait contraindre les entreprises et les consommateurs à dépenser plus, vu que leurs économies perdraient graduellement de leur valeur. Mais malgré trois années d’« assouplissement quantitatif » et une énorme hausse de la masse d’argent en circulation, l’inflation n’a pas dépassé les 0,2 %, bien en-dessous de l’objectif du gouvernement.

    La conséquence de cette politique est que la dette de l’État a désormais atteint le plus haut niveau pour un pays de l’OCDE : elle s’élève à présent à 226 % du PIB. L’État parvient à rembourser cette dette grâce à la faiblesse du taux d’intérêt. Le danger est que le taux d’intérêt pourrait augmenter en cas d’inflation, ce qui déclencherait une grave crise économique. Même si on a évité une nouvelle récession en 2015, la croissance observée aujourd’hui est loin d’e?tre solide. La véritable conséquence de la politique d’« abénomie » est une croissance morose, anémique, tandis que le niveau de vie des travailleurs continue d’être attaqué.

    La fin de la politique d’« emploi à vie »

    Le troisième pilier de la politique d’« abénomie » était censée être la « réforme structurelle » ; c’est-à-dire une politique qui permettrait aux patrons de se débarrasser plus facilement de leurs travailleurs. Le « système de l’emploi à vie » était auparavant perçu comme un des fondements de la stabilité japonaise. Mais ce système est à présent fortement remis en question. En 1984, 85 % des travailleurs bénéficiaient d’un emploi permanent « à vie ». Cette proportion n’est aujourd’hui plus que de 60 %. Et cette tendance va continuer, vu la baisse des restrictions sur l’utilisation de travailleurs temporaires.

    La hausse du nombre de travailleurs temporaires a causé une forte augmentation de la pauvreté. En 2013, le revenu moyen des travailleurs temporaires n’était que de 140 000 yen par mois (soit 700 000 francs CFA), alors qu’un travailleur permanent gagne en moyenne trois fois plus. Le nombre de travailleurs pauvres, ceux qui gagnent moins de 170 000 yen par mois (850 000 francs CFA), a atteint le chiffre record de 11 millions de personnes en 2014 : soit un travailleur sur six. On estime que 15 % des enfants âgés de moins de 17 ans vivent dans des familles dont le salaire se situe sous le seuil de pauvreté de 100 000 yen par mois (500 000 francs CFA). On voit donc que la pauvreté ne cesse de croitre.

    Abe et ses conseillers comprennent bien que la croissance actuelle est en réalité très faible. Le Japon pourrait replonger dans une spirale déflationniste à tout moment. Abe espère qu’il pourra se faire réélire cette année avant qu’une nouvelle crise économique n’éclate. Il espère pouvoir faire cela en avançant la date des élections à la chambre basse du parlement afin d’organiser une double élection conjointe pour les deux chambres. C’est ce même souci qui explique la hausse de 30 000 yen (150 000 francs CFA) accordée pour les pensions les plus basses, ainsi que les concessions faites au Ko?meit? (Parti de la justice, un parti de centre-droit lié au mouvement bouddhiste So?ka Gakkai et partenaire de coalition du Jimint?) comme l’exemption des produits alimentaires de la hausse de la TVA qui sera appliquée à partir d’avril 2017. Si l’économie devait se dégrader d’ici là, il est possible que de nouvelles concessions soient effectuées par le gouvernement avant les élections.

    La faiblesse de l’opposition

    Le principal facteur qui explique la puissance d’Abe est la faiblesse de l’opposition. Le plus grand parti d’opposition, le Parti démocratique (Minshut?), n’est qu’un ramassis de renégats du Jimint? et d’anciens éléments du Parti social-démocrate (essentiellement issus de son aile droite), soutenu par la plus grande (et la plus conservatrice) confédération syndicale, la Rengo?.

    Lorsque le Minshut? était au gouvernement de 2009 à 2012, il a suivi une politique encore plus néolibérale et orthodoxe qu’Abe. Ce parti a trahi ses électeurs en augmentant la TVA, alors qu’il avait promis tout au long de la campagne électorale qu’il ne ferait jamais une chose pareille. Le parti n’est même pas uni sur la question de la révision de la constitution. Il inclut des politiciens qui visitent régulièrement le sanctuaire Yasukuni, généralement associé à l’extrême-droite nationaliste, dont le cimetière abrite un millier des pires criminels de guerre japonais. Le Minshut? a récemment signé un programme conjoint avec un parti de droite dans lequel il défend entre autres une réduction de 20 % des dépenses d’État pour les salaires des fonctionnaires. Alors que ce parti continue à bénéficier du soutien de grands syndicats de la fonction publique tels que le syndicat des enseignants du Japon et le syndicat des employés communaux !

    À la gauche de ce parti, on trouve le Parti social-démocrate (Shakai Minshu-t?, ou Shamint?) le successeur du Parti socialiste japonais, qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Alors que ce parti était autrefois le parti de masse des travailleurs japonais, il n’a plus aucune influence dans le pays à part sur l’ile d’Okinawa. Il n’est même plus capable de présenter un candidat dans la majorité des circonscriptions électorales.

    Enfin, on trouve le Parti communiste japonais (Nihon Ky?san-t?), le seul parti de gauche encore capable de compter sur un soutien électoral au niveau national. Ce parti est en train de monter dans les sondages et a obtenu un bon score aux dernières élections. Mais même s’il bénéficie d’une hausse de soutien, ses membres sont de plus en plus âgés. Beaucoup de travailleurs et de syndicalistes qui auparavant soutenaient le Parti social-démocrate ont du mal à faire confiance au Parti communiste. Même s’ils sont prêts à voter pour ce parti, vu le manque d’alternative, ils ne le considèrent pas comme « leur » parti.

    Le Parti communiste japonais considère le socialisme comme un objectif à atteindre uniquement sur le très long terme. Selon son programme, « Le changement dont le Japon a besoin aujourd’hui est une révolution démocratique, pas une révolution socialiste ». Pour le Parti communiste, le Japon, qui est pourtant une des plus grandes puissances impérialistes de la planète, est un pays sous domination états-unienne et doit avant tout lutter pour son indépendance.

    Récemment, ce parti a accompli un important revirement dans sa tactique. Tout au long de son histoire, il s’était toujours opposé à toute forme de coopération avec d’autres groupes. Il avait sa propre fédération syndicale et ses propres groupes citoyens sous le contrôle de son organe de parti. Il présentait des candidats dans chaque circonscription quelles que soient les circonstances et les chances d’être élu. Mais depuis l’émergence de forces de droite populiste qui soutiennent une révision de la constitution (comme Abe et le Parti de la Restauration dont nous parlerons plus loin), le Parti communiste est revenu sur cette logique et a non seulement retiré certains de ses candidats mais a même soutenu des candidats du Jimint?, notamment à ?saka, dans l’espoir de contrer les candidats d’extrême-droite.

    Une alliance de l’opposition ?

    L’appel à former une grande alliance de l’opposition pour stopper Abe a eu un impact. Une organisation de jeunes nommée Action étudiante d’urgence pour la démocratie libérale (« Jiy? to minshu shugi no tame no gakusei kinky? k?d? »), qui a joué un rôle très important dans le mouvement contre la loi sur les secrets d’État et les lois sécuritaires de l’été dernier, a organisé une conférence de presse avec quatre autres groupes citoyens pour appeler les partis d’opposition à former une candidature unique dans chaque circonscription électorale, chaque candidat devant signer un accord promettant d’abolir les lois sécuritaires. Dans la foulée, ils ont aussi appelé le reste de la société civile à rejoindre le mouvement pour soutenir cet appel.

    L’idée que la politique ne doit pas être laissée entre les mains des seuls députés et hauts cadres de l’État, mais qu’elle peut aussi être l’affaire de simples citoyens et de la jeunesse, est un premier pas important que nous devons encourager. Cependant, il nous faut aussi être clairs sur le fait que cette stratégie ne pourra jamais porter le moindre fruit.

    Cette approche a d’ailleurs déjà été testée lors des élections régionales et communales à ?saka, la plus grande ville de l’ouest du Japon (20 millions d’habitants), à présent entre les mains d’un parti de droite populiste, le Ishin no Kai (Association pour la restauration). Tous les partis d’opposition, y compris la section locale du Jimint?, se sont ligués en un front destiné à contrer les candidats de ce parti.

    Le plan de réorganisation de la commune d’?saka (qui visait à faire fusionner la région et la commune d’?saka en un seul district métropolitain) proposé par l’Association pour la restauration a été refusé lors d’un référendum. Mais cela n’a pas empêché les candidats de ce parti de remporter les élections haut la main. Au lieu de parler de son programme politique, l’Association pour la restauration a utilisé quelques phrases populistes pour dénoncer le fait que tous les autres partis se liguent contre elle, afin de l’empêcher de mener à bien le « changement » préconisé par elle. Elle a mis en avant le fait que ses opposants ne sont même pas d’accord sur le moindre programme politique. Il est vrai que cette tactique était plus facile à employer par l’Association pour la restauration parce qu’elle reste un parti d’opposition, même si elle est au pouvoir à ?saka. Mais on voit aujourd’hui Abe utiliser la même rhétorique face aux appels à organiser un front contre lui.

    Nous comprenons bien le désir des militants démocratiques de vouloir transformer les élections à la chambre haute du parlement en une sorte de référendum sur les lois sécuritaires d’Abe. Cependant cet appel ne sera sans doute pas repris par les couches larges de la société, y compris les plus pauvres, pour qui les questions économiques sont beaucoup plus importantes. Une telle approche « frontiste » implique en effet de soutenir des candidats de l’opposition qui défendent pourtant la même politique néolibérale de coupes budgétaires et d’attaques sur le niveau de vie des travailleurs, comme le fameux accord pour une réduction de 20 % de la masse salariale de la fonction publique prôné par le Parti démocratique. On n’est d’ailleurs même pas sûr que ces candidats soient véritablement opposés à ces lois sécuritaires. D’autres peuvent y être opposés simplement parce qu’elles contredisent la constitution, tout en soutenant une révision de la constitution qui les rendrait constitutionnelles !

    Où aller ?

    Au lieu d’appeler à l’unité des partis d’opposition, il faut plutôt appeler à un front de la société civile, des syndicats combatifs et des partis de gauche autour d’un programme de lutte. Un tel appel trouverait une oreille beaucoup plus favorable auprès de tous les mécontents, et permettrait d’ébaucher une stratégie capable de nous faire progresser.

    Un véritable programme de lutte doit non seulement défendre l’abolition des lois sécuritaires, mais aussi s’opposer au projet de révision de la constitution promu par Abe et appeler à démanteler les bases de l’armée américaine stationnées au Japon. Ce programme doit aussi s’opposer à l’énergie nucléaire et à la politique actuelle de l’énergie qui menace l’environnement.

    Il doit aussi mettre en avant les revendications économiques des travailleurs et des pauvres, en exigeant un salaire minimum de 1500 yen par heure (7500 francs CFA), l’embauche permanente des travailleurs temporaires, la réforme de l’assurance médicale pour garantir un taux de couverture de 100 %, etc.

    Ce programme devra aussi lutter pour l’égalité des genres, contre les discours réactionnaires et insultants envers les femmes tenus par le Jimint? et ses alliés.

    Cette alliance, si elle parvenait à se réaliser, pourrait constituer la base d’un nouveau parti de gauche, qui mettrait en avant une véritable alternative socialiste au capitalisme, un système qui à notre époque ne promet que plus de restrictions des droits démocratiques, plus de discrimination, d’inégalités, de pollution et de guerres.

  • Indonésie : les massacres anti-communistes de 1965

    pkiQuand le troisième plus grand parti communiste au monde a été écrasé par un coup d’État militaire soutenu par les USA

    La répression militaire contre le Parti communiste indonésien (PKI) qui a débuté en octobre 1965 et a continué tout au long de l’année suivante a été l’un des massacres les plus sanglants du 20e siècle. Même la CIA – qui a pourtant conspiré avec les généraux de droite indonésiens afin d’orchestrer ces atrocités – l’a comparé aux crimes des nazis et à la terreur stalinienne.

    Par Vincent Kolo, chinaworker.info

    Les puissances impérialistes craignaient de perdre l’Indonésie, alors gouvernée par le président populiste Sukarno avec le soutien du PKI, pour la sphère d’influence capitaliste «occidentale». Un mémorandum de la CIA daté de 1962 note que le président américain John F. Kennedy et le Premier ministre britannique Harold Macmillan avaient convenu de «liquider le président Sukarno, en fonction de la situation et des opportunités disponibles.»

    Massacres racistes

    La CIA et l’ambassade américaine à Jakarta ont ainsi remis des listes de milliers de noms de «suspects communistes» à l’armée – alors soutenue par des milices quasi-religieuses – pour les rassembler et les exécuter. La Grande-Bretagne, alors dirigée par le gouvernement travailliste d’Harold Wilson, n’était pas en reste puisqu’elle poussa l’armée indonésienne à donner à sa campagne de terreur une ‘touche’ anti-chinoise.

    Cette décision reposait sur l’expérience de l’administration coloniale britannique dans la lutte contre l’insurrection communiste en Malaisie. «Une des choses les plus efficaces que l’Occident a réussi à manœuvrer fut de transférer par le biais de politiciens non-communistes l’idée même du communisme sur la minorité chinoise en Indonésie. Il l’a transformé en un conflit ethnique», a noté Roland Challis, un correspondant de la BBC de l’époque.

    Les capitalismes américain et britannique n’ont pas hésité à remuer jusqu’aux divisions racistes et religieuses les plus anciennes afin de faciliter la poursuite de leurs objectifs économiques et militaires. C’est d’ailleurs ce modèle que nous avons vu se répéter récemment au Moyen-Orient.

    Les meurtres qui ont eu lieu en Indonésie ont été effectués à une échelle quasi-industrielle, les estimations faisant état d’au moins 500.000 morts. Rivières et cours d’eau étaient bloqués tant les cadavres étaient nombreux, jetés en masse, nuit après nuit. Selon le documentaire de 2012, The Act of Killing (également disponible en français), il serait plutôt question d’un million de décès. Deux tiers des morts étaient d’origine chinoise. Le régime militaire qui a suivi a interdit l’utilisation de la langue chinoise et a fermé les écoles fréquentées par cette même communauté.

    Ces événements ont marqué le début de la fin pour Sukarno, qui avait jusque-là gouverné en balançant de manière «bonapartiste» entre le PKI (parti communiste) à sa gauche et l’armée et les groupes féodaux-islamistes à sa droite. Une fois le PKI proscrit, environ un million de sympathisants et autres furent emprisonnés sans le moindre procès. Le Département d’État américain publia à l’époque un rapport jubilatoire rapportant que le nombre de communistes à travers le monde dans les pays hors bloc de l’Est avait chuté de 42 pour cent en un an. Par la suite, Sukarno fut maintenu en fonction en tant que figure de proue fantoche au service de la junte militaire, qui, l’année suivante, finit tout de même par l’évincer. Cette période inaugurera le règne de 32 ans du dictateur Suharto.

    Le régime brutal du général Suharto ne fut qu’une dictature soutenue par les autorités américaines parmi tant d’autres (Park Chung Hee en Corée du Sud, Chiang Kai-shek à Taiwan,…) dans le but de briser les vagues révolutionnaires qui voyaient le jour à travers l’Asie. Après le coup d’État indonésien, le Premier ministre australien Harold Holt déclara qu’avec «500.000 à 1.000.000 de sympathisants communistes supprimés, je pense qu’il est possible de supposer qu’une réorientation (idéologique, NDA) a bien eu lieu.»

    Un chapitre méconnu de l’Histoire

    Aujourd’hui, les événements de 1965 à 1966 sont en grande partie un chapitre inconnu de l’histoire du pays. Pendant des décennies, le système scolaire a organisé un véritable ‘lavage de cerveau’ avec des films de propagande anti-communistes qui laissaient peu de place à l’imagination. Un sondage d’opinion de 2009 du Jakarta Post a montré que plus de la moitié des étudiants universitaires «n’avaient jamais entendu parler des massacres des années 1960». Les lois édictées à l’ère Suharto interdisant le communisme, le marxisme et la diffusion de l’athéisme n’ont d’ailleurs toujours pas été abrogées.

    Par la suite, un mouvement révolutionnaire renversa Suharto durant la «crise de la roupie» de 1998 après que le FMI (invité par Suharto à se mêler de l’économie indonésienne) ait imposé des politiques d’austérité humiliantes similaires à celles qu’a récemment connu la Grèce. Mais aujourd’hui encore, l’armée et ses intérêts économiques demeurent une force majeure de la politique indonésienne. De même, les milices d’extrême-droite qui ont réalisé la plupart des meurtres en 1965-66 sous la direction de l’armée n’ont jamais été punies et continuent à jouir des liens étroits qu’elles entretiennent avec l’establishment politique.

    Sukarno était un leader bourgeois, un nationaliste radical dans le style de Nasser en Égypte et de Nehru en Inde, qui zigzaguait sur la scène mondiale entre les blocs occidentaux et de l’est, entre le capitalisme américain et les régimes à parti unique staliniens. Dans ses dernières années, Sukarno avait été courtisé avec ferveur par Pékin, qui était également devenu le principal bailleur de fonds international de la direction du PKI. C’était aussi l’époque de l’approfondissement de la rivalité entre les régimes staliniens chinois et russes, une lutte de pouvoir purement basée sur des intérêts nationaux mais déguisée sous des termes idéologiques de «véritable communisme» contre «révisionnisme».

    Au début des années 1960, tandis que la «guerre froide» s’intensifiait en Asie, Sukarno s’est engagé dans un anti-occidentalisme radical, ce qui ne l’a pourtant pas empêché de signer un accord avec les compagnies pétrolières occidentales en 1963, ignorant ainsi les demandes de nationalisation du PKI et des nationalistes. S’opposant aux plans des Américains et des Britanniques qui prévoyaient d’utiliser la Malaisie nouvellement indépendante comme tête de pont pour les intérêts occidentaux – que Sukarno décrivait comme «néocoloniaux» – celui-ci retira l’Indonésie de l’Organisation des Nations Unies, expulsant dans la même foulée le FMI et la Banque mondiale avec leurs agendas pro-américains.

    Ces mesures alarmèrent rapidement Washington et Londres. En dépit de cela, sur le terrain, les conditions des masses indonésiennes continuaient de se détériorer avec hyperinflation, hausse du chômage et impasse sur la réforme agraire. Les discours de Sukarno étaient pleins de rhétorique radicale mais ils ne préconisaient pas d’alternative au capitalisme. Amateur d’acronymes, il lança le concept de NASAKOM – une fusion de nationalisme, d’Islam et de communisme. En réalité, il ne s’agissait que de mots destinés à tenter d’apaiser les différentes forces sociales.

    En 1963, une grave sécheresse a conduit à une famine de masse à Java. Quand les paysans, d’abord soutenus par le PKI, commencèrent à réclamer des terres, l’armée lança une vaste campagne de répression. Sukarno appela alors les dirigeants du PKI à abandonner leur agitation sur cette question en contrepartie de maigres concessions, ce qu’ils firent.

    Dans son excellent L’avènement et la Chute du PKI, Craig Bowen (membre du Comité pour une Internationale Ouvrière en Australie) a écrit : «La nation indonésienne était lourdement endettée par les banques mondiales et, chaque année, le déficit budgétaire doublait. La valeur de la roupie avait sombré à un centième de sa valeur légale à la suite d’une inflation chronique – dans les six années précédant 1965, le coût de la vie avait augmenté de 2000 pour cent. Dans le même temps, il a été rapporté que jusqu’à 75 pour cent du budget de l’Etat était dépensé dans les forces armées.»

    La théorie des stades

    Le mécontentement croissant parmi les masses s’est reflété dans une croissance fulgurante du PKI, qui, de seulement 7.000 en 1952 a atteint les 3 millions de membres en 1964. Le PKI était à cette époque le troisième plus grand parti communiste au monde, après ceux de Chine et de Russie. En août 1965, quelques semaines avant que ne commence la répression militaire, 26 millions de gens étaient organisés et dirigés par le PKI dans des syndicats ainsi que dans diverses organisations de jeunes et de femmes, soit une personne sur six parmi la population! Le chef du PKI Dipa Nusantara Aidit, capturé et tué par l’armée en novembre 1965, s’est même vanté de pouvoir gagner 30 pour cent du vote populaire si des élections avaient lieu, ce qui était en réalité tout à fait plausible.

    Mais il n’y a pas eu d’élections. Celles-ci avaient été suspendues avec le consentement de la direction du PKI, quand Sukarno a présenté en 1959 ce qu’il a appelé la “démocratie dirigée”, en réalité une loi martiale dissimulée. Lors des dernières élections parlementaires qui prirent place sous Sukarno, en 1955, le PKI avait émergé comme étant le quatrième plus grand parti avec 16,4 pour cent de vote.

    Les dirigeants du PKI ont malheureusement été pris au piège de la mentalité stalinienne de la théorie des «stades», croyant qu’il n’y avait aucune possibilité immédiate de révolution socialiste dans un pays en développement comme l’Indonésie, récemment libéré du colonialisme néerlandais. La conclusion de cette approche était que la tâche du mouvement des travailleurs était de soutenir l’aile la plus radicale de la classe capitaliste nationale dans une «alliance anti-impérialiste». L’objectif, selon ce schéma, était de consolider le capitalisme national et la «démocratie» en reportant l’idée du socialisme de façon indéfinie. Le Chef du PKI a ainsi réaffirmé que « la lutte de classe est subordonnée à la lutte nationale ».

    Cette idée, une pierre angulaire pour les partis communistes staliniens, signifie que les dirigeants du PKI ont agi comme un frein monumental sur les luttes des masses. Ils ont mis l’accent sur des thèmes nationalistes, comme la confrontation militaire et politique à l’encontre de la formation de l’État de Malaisie parrainée par les États-Unis et l’Angleterre (la Malaisie partage une frontière terrestre avec l’Indonésie sur l’île de Bornéo) ; au détriment de l’engagement dans la lutte sur les questions de classe à la manière de la Révolution russe de 1917 et de son célèbre slogan : terre, pain, paix.

    Par les clauses de l’alliance du PKI avec Sukarno, le parti est devenu un appendice de facto de son gouvernement, dépouillé de toute indépendance dans l’action ou le programme ; le PKI entreprenant ainsi et seulement des campagnes permises par le président lui-même.

    L’historien David Mozingo décrit que « les grandes organisations travaillistes, de jeunes et de femmes au sein du parti pouvaient produire des rassemblements splendides pour Sukarno; ces rassemblements, toutefois, ne persuadaient aucunement les membres de la base, dans les villes et villages, que le PKI se rapprochait ainsi du pouvoir ».

    Les différences politiques entre le PKI, reposant ostensiblement sur les fondations du «marxisme», et Sukarno, sont devenues floues aux yeux des masses et il semble également que cela ait été le cas au sein de la direction du PKI même.

    Comme l’a noté l’historien australien Rex Mortimer, « En 1963, le culte du parti devenait presque de l’idolâtrie. Malgré le mépris notoire du Président dans les affaires économiques et de son ignorance en la matière, le PKI déclara que la solution aux difficultés pouvait être laissée en toute sécurité dans les mains de Sukarno. Un peu plus tard un dirigeant du PKI (Aidit) donna l’accolade finale en décrivant le président comme son premier professeur de marxisme-léninisme ».

    Une répétition de la Chine des années 1920

    La confusion politique des dirigeants du PKI et leur échec à poursuivre une position indépendante et clairement socialiste apparaît presque comme une répétition des erreurs des staliniens en Chine dans les années 1920. Léon Trotsky, dont la théorie de la révolution permanente est le meilleur antidote à la théorie stalinienne des «stades», expliquait que les marxistes peuvent et devront, en fonction des conditions concrètes, conclure des alliances temporaires de caractère purement pratique avec des non-socialistes et même des partis bourgeois pour, par exemple, résister à l’intervention militaire impérialiste ou défendre les droits démocratiques. Mais, dans le même temps, ils devront maintenir leur indépendance politique et leur liberté d’action.

    Voilà pourquoi Trotsky s’opposa à l’entrée du Parti communiste chinois (PCC) dans le Kuomintang en 1924, une politique imposée par Staline au PCC, alors jeune et inexpérimenté. Cela équivalut à la subordination totale du parti au Kuomintang bourgeois – un parti et une classe sociale qui n’a pas été capable de mener une révolution démocratique bourgeoise à la victoire.

    Quelle ironie alors que 40 ans plus tard, le régime de Mao Zedong en Chine ait soutenu avec enthousiasme la subordination du PKI à Sukarno. Comme dans les années 1920, le résultat a été une contre-révolution meurtrière et l’anéantissement de toute une couche communiste conscientisée de la classe ouvrière. A défaut de comprendre sa propre histoire, le régime chinois a applaudi l’adaptation politique du PKI à Sukarno. En 1963, Aidit a été nommé membre honoraire de l’Académie des Sciences de Chine et ses œuvres sélectionnées ont été publiées par Pékin. Le soi-disant front uni du PKI avec Sukarno a été salué comme “de grande importance pour le mouvement communiste international”.

    Le but de cette flatterie était de garder le PKI loin de Moscou et dans l’orbite de Pékin, et plus important, pour assurer les services du PKI comme une monnaie d’échange pour Pékin afin de gagner de l’influence auprès de Sukarno et de la bourgeoisie indonésienne. Cela montre de façon similaire comment Staline, quatre décennies plus tôt, avait utilisé un PCC muselé dans le but de sécuriser une alliance avec le Kuomintang de Tchang Kaï-chek. Même après que la répression militaire ait commencé à la fin de 1965, loin d’appeler à une “guerre du peuple” ou à la lutte armée contre les milices et la droite en général, les conseils du régime chinois au PKI furent de ne “pas paniquer, de ne pas être provoqué”, une position dictée par l’espoir et le désir de ne pas affaiblir celle de Sukarno afin de sauver leur soi-disant «alliance».

    Même quand l’ambassade de Chine à Jakarta fut brûlée la réponse officielle chinoise est restée muette. La décision prise par de petits groupes restants du PKI -qui n’était plus qu’un faible écho du mouvement de masse précédent- à se tourner vers la lutte de guérilla est venu plus tard, en 1967, quand il était devenu clair que les politiques de Pékin en Indonésie s’étaient définitivement effondrées.

    La plus cruelle des défaites

    L’étincelle qui a mené à la répression militaire est venue lorsqu’un groupe d’officiers de l’armée radicale, les G30S (Gerakan 30 Septembre), ont organisé un coup d’État bâclé, le 30 Septembre 1965, en capturant et tuant six généraux de droite. Cette action avortée a probablement été lancée pour déjouer un complot ourdi par ces mêmes généraux qui devait se dérouler une semaine plus tard. Le haut commandement de l’armée soutenue par l’impérialisme ont vu ainsi une occasion de stigmatiser le coup d’État manqué comme étant de l’œuvre du PKI afin de pouvoir lancer des représailles massives.

    La base du PKI a été complètement prise au dépourvu par le putsch du G30S; bien qu’il soit possible qu’une partie de sa direction en ait eu connaissance. Cependant, la suite des événements pourrait être résumée en un mot: la paralysie. Une fois que l’armée a lancé sa contre-attaque avec une propagande anti-communiste massive, il n’y avait qu’une seule voie d’action possible pour éviter la catastrophe, en mobilisant les forces de masse du PKI dans les rues et en appelant à une grève générale pour empêcher ce qui était maintenant un contrecoup de droite et une tentative d’écrasement de la résistance des masses.

    Ce mouvement aurait dû exiger des élections immédiates, la terre aux paysans, un gel des salaires et des hausses de prix, la nationalisation de l’industrie sous contrôle démocratique des travailleurs, les droits démocratiques au sein de l’armée et l’élection des officiers, et la formation de milices armées des travailleurs. Une telle réponse avait une bonne chance de succès si elle avait été faite immédiatement, avant que le commandement de l’armée de droite ait consolidé sa position. Malheureusement, à défaut de voir le couteau sous sa gorge, les dirigeants du PKI n’ont émis aucune appel et ont placé leurs espoirs dans leur «ami» Sukarno pour sauver la situation.

    Des similitudes existent, à la fois avec l’Allemagne de 1933 et le Chili de 1973, quant au manque de préparation et à l’impuissance des cadres du PKI une fois que l’assaut répressif ait été déclenché. Les membres du PKI, même des membres de premier plan, ont été laissés sans plan de survie. “Attendez les instructions,” semble avoir été l’avis largement partagé – mais les instructions ne sont jamais venues !

    La déroute du PKI et le bain de sang qui a suivi est un terrible avertissement à la classe ouvrière internationale de la manière dont ses erreurs politiques – des illusions dans les politiciens bourgeois, l’absence d’un programme socialiste clair, et la sous-estimation de la détermination brutale de l’ennemi de classe – peuvent être traduites dans la plus cruelle des défaites. Alors qu’une nouvelle génération de combattants de la classe ouvrière et de la jeunesse socialiste émerge en Asie, ces leçons écrites dans le sang doivent impérativement être apprises.

  • Pakistan. Manifestation contre l’extrémisme religieux et l’intolérance

    pakistan_photo09Plus de 400 personnes, dont beaucoup de femmes et d’enfants, ont participé au rassemblement organisé en décembre dernier à l’initiative du Socialist Movement Pakistan (CIO) à Mir Pur Khas, dans la province de Sindh, contre l’extrémisme religieux et l’intolérance croissante. Des membres et sympathisants du SMP ont participé à l’évènement parmi lesquelles un grand nombre de femmes. Les médias de langue sindhi en ont largement fait écho.

    Par Hameed Channa, Socialist Movement Pakistan (SMP, section pakistanaise du Comité pour une Internationale Ouvrière au Pakistan)

    Les deux plus grandes chaînes de télévision sindhi ont couvert l’évènement à plusieurs reprises durant toute la nuit dans le cadre des principaux titres de l’actualité. Le rassemblement a commencé par une manifestation partie des locaux du SMP à Rahim Nagar pour ensuite défiler dans les artères principales du centre-ville et finir au club de la presse pour un meeting. Sur le trajet, le cortège s’est arrêté sur deux places pour de brèves interventions de camarades contre le développement de l’extrémisme religieux et l’intolérance accrue qui ont pris place dans la province de Sindh ces dernières années.

    Les participants portaient des drapeaux rouges et des bougies tout en scandant divers slogans opposés à l’extrémisme religieux, en faveur de la paix, contre l’intolérance et contre le sectarisme. Un imposant contingent de la police était présent tout au long du parcours afin de protéger les participants contre d’éventuelles attaques.

    Les camarades Hameed Channa, Sughra Khaskheli, Iqbal Narejo, Malik Nizamdin, Ghulam Qadir Murree, Sunder Channa, Afzal arain, Ramzan arain, Jamila, Samantha, Irum Qambrani, Sarmad Channa et Ghulam Muhammad Leghari ont pris la parole au meeting pour souligner la nécessité d’organiser une lutte politique contre l’extrémisme religieux et l’intolérance. Ils et elles ont déclaré que l’ensemble du pays est sous l’emprise de l’extrémisme religieux et de l’intolérance et que l’intervention militaire ne pourra pas résoudre ce problème.

    Si nous voulons mettre fin à la propagation des idées réactionnaires dans la société, il faut mettre fin aux causes profondes de cette épidémie. L’Etat doit fournir à chacun des services publics de base comme un enseignement moderne et scientifique, de bons soins de santé, des emplois de qualité, des logements accessibles tout en stoppant l’assaut néolibérale actuel mené contre la classe des travailleurs et les masses pauvres du pays. Il faut en finir avec la pauvreté, la faim, la répression, l’injustice sociale et économique qui découlent de ce système capitaliste pourri et corrompu.

    Ensuite, les camarades Sunder, Samantha et Laraib ont chanté des chants révolutionnaires, rejoints par les participants enthousiastes. Il s’agissait de notre plus grand évènement dans cette ville jusqu’ici.

    Mirpur Khas (Sindh Province) protest against religious extremism and violence

  • Hausse des tensions entre États-Unis et Chine, sur fond de panne de l'économie chinoise

    À bas le nationalisme, la répression et les « réformes » néolibérales qui caractérisent le régime de Xi? Ji?npi?ng

    obama-xiLe président chinois Xí Jìnpíng a commencé sa visite d’une semaine (du 22 au 29 septembre) aux États-Unis par la ville de Seattle, où il a rencontré les dirigeants des plus grandes entreprises technologiques états-uniennes Apple, Amazon et Microsoft. Partout sur son chemin, il a été accueilli par des groupes de manifestants. Parmi eux, les camarades du Comité pour une Internationale Ouvrière de la ville de Seattle accompagnés par notre conseillère Kshama Sawant, qui ont tenu à afficher leur solidarité avec les travailleurs chinois en soutenant la revendication de pouvoir créer des syndicats indépendants en Chine.

    Par Vincent Kolo, chinaworker.info

    Cette toute première visite d’État du président Xí aux États-Unis survenait à un moment particulièrement difficile pour le régime chinois. En effet, l’économie chinoise a fortement ralenti cette année, poursuivant sur les mauvais résultats de 2014. Les dernières données économiques ne font qu’ajouter au marasme. L’indice des directeurs d’achat industriels, qui mesure la production à l’usine et qui était de 47,3 en aout, est passé à 47,0 en septembre (tout chiffre en-dessous de 50,0 indique une réduction de la production). Le résultat de septembre est le plus bas depuis la crise financière mondiale de 2008-2009.

    Révision à la baisse des prévisions de croissance

    Les marchés boursiers chinois, qui ont perdu 40 % de leur valeur depuis le mois de juin (avec la perte de 5000 milliards de dollars en actions), se sont encore dépréciés à la suite de la publication de cet indice. Cela a contrarié l’objectif de la visite de Xí aux États-Unis, qui visait à « restaurer la confiance » dans l’économie chinoise.

    Les dernières chutes des bourses de Sha?ngha?i et de She?nzhe?n ont été accompagnées de fortes baisses sur les marchés mondiaux, y compris à Wall Street. Les financiers craignent que la Chine, censée être le moteur de l’économie mondiale, en particulier en ce qui concerne les soi-disant « pays émergents » et autres pays exportateurs de matières premières, pourrait plonger le monde entier dans une nouvelle récession. Quelques jours avant l’arrivée de Xí aux États-Unis, plusieurs banques et institutions internationales (y compris la Banque asiatique de développement, l’OCDE et la banque Barclays) ont révisé à la baisse leurs prévisions en ce qui concerne la croissance du PIB chinois.

    Lors d’un long entretien avec le Journal de Wall Street (propriété de M. Rupert Murdoch, magnat des médias mondiaux et 32e personne la plus puissante au monde, qui sortait d’une audience en privé avec M. Xí à Pékin une semaine auparavant), Xí a rassuré son public américain du fait que son plan de réformes capitalistes se poursuivra « coute que coute ». Ces réformes incluent un rôle accru pour le capital privé et étranger dans l’économie, plus de dérégulations et de privatisations. Fidèle à son style rhétorique, Xí a déclaré que ses réformes sont telles « une flèche qui, une fois tirée, ne peut plus revenir en arrière ».

    Des messages contradictoires

    Les États-Unis désiraient faire pression sur le président chinois quant aux dossiers de la militarisation de la mer de Chine méridionale (mer hautement stratégique située entre la Chine, Taïwan, le Vietnam, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour, à travers laquelle transitent un tiers des bateaux du monde entier) et de la cybersécurité, tentant de tirer profit des difficultés actuelles du régime chinois. Mais Xí considérait cette visite avant tout comme une tribune à partir de laquelle calmer les craintes de ses investisseurs quant à la possibilité d’une récession chinoise. Son problème est que tous ses discours sont constamment décrédibilisés par les données en provenance de l’économie de son pays et par la fragilité de l’économie mondiale qui dépend de plus en plus de la Chine.

    Les dirigeants capitalistes du monde entier sont de plus en plus inquiets face au ralentissement de l’économie chinoise qui se fait de plus en plus sentir et face à l’instabilité financière qui menace les plans de réformes de Xí. En aout, Pékin a pris le monde par surprise en changeant subitement de politique monétaire. Il s’agissait d’une tentative tout autant couteuse que futile de contrer la déroute des marchés boursiers. Cela n’a fait qu’accroitre les craintes d’une dévaluation de la monnaie chinoise tout en faisant perdre à Xí et à son équipe la confiance placée en eux par les capitalistes ainsi que leur autorité. Alors que les dirigeants chinois étaient perçus partout comme des gestionnaires compétents, ce point de vue est de plus en plus remis en cause.

    Les relations entre la Chine et les États-Unis sont entrées dans une nouvelle phase de turbulences. La montée en puissance de la Chine contraint les États-Unis à réagir pour maintenir leur position en tant que « gendarme du monde ». C’est surtout le cas en Asie, où les tensions entre les différents pays sont en train de monter, comme cela s’est illustré récemment lorsque le parlement japonais a décidé d’abolir les clauses pacifistes de sa constitution, ce qui permet désormais au Japon, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 70 ans, d’envoyer ses troupes combattre à l’étranger aux côtés de ses alliés américains et autres. Shinzo? Abe, le Premier ministre japonais, un nationaliste de droite, est soutenu dans sa politique militariste par l’administration Obama, au grand dam d’une grande majorité de la population japonaise. Il ne s’est pas caché du fait que sa « réinterprétation » de la constitution de 1947 du royaume du Japon vise essentiellement à répondre à la « menace chinoise ».

    La mer de Chine méridionale

    La modification de la constitution japonaise n’est qu’un des nombreux changements qui sont en train de s’opérer sur la carte géopolitique de l’Asie, de même que la décision du président Obama de renforcer son « pivot » militaire sur le continent, afin de contrer la domination économique croissante de la Chine dans cette région.

    La Chine est maintenant devenue, et de loin, le plus important partenaire commercial des dix pays qui forment l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), une sous-région qui compte 600 millions d’habitants. Le commerce entre la Chine et le bloc ASEAN s’élevait à 480 milliards de dollars en 2014, comparé aux 100 milliards de dollars entre la même sous-région et les États-Unis. La puissance financière de la Chine dans la sous-région – en tant que principal acheteur du fer australien et principal financier des banques indonésiennes – est aussi devenu un important contre-pouvoir face à la domination américaine et japonaise. C’est dans ce contexte que se développe à présent ce qui pourrait devenir un conflit dangereux dans la mer de Chine méridionale, qui pourrait engendrer des échanges houleux entre Obama et Xí au cours de la visite du président chinois.

    Plusieurs iles inhabitées dans cette mer, ainsi que leurs territoire maritime, font l’objet d’un contentieux entre la Chine et d’autres pays (notamment le Vietnam et les Philippines). Ces iles sont censées être riches en minerais et en pétrole, mais jouent également un important rôle stratégique du point de vue militaire. Les porteparoles états-uniens ont durci leur discours au cours des derniers mois contre les prétentions chinoises, la Chine désirant s’installer sur cet archipel pour y construire des bases aériennes et autres infrastructures militaires.

    Les États-Unis et son allié le Japon ont renforcé leur coopération militaire avec les États du Vietnam et des Philippines, qui sont tous deux mêlés dans divers conflits avec la Chine quant au contrôle de ces iles et de leur territoire maritime.

    Quel que soit le gagnant de ce conflit, les perdants sont déjà les travailleurs et paysans pauvres de Chine, du Vietnam, des Philippines et d’autres pays asiatiques, qui voient leurs gouvernements entonner des refrains patriotiques et augmenter leurs budgets militaires au détriment des budgets pour l’enseignement, les logements et la protection de l’environnement (tels que des barrages pour protéger les populations de la montée des eaux et autres plans de lutte contre le changement climatique). Loin de tenter de trouver une solution, les élites états-unienne et chinoise ne font qu’envenimer le problème dans leur lutte pour la prééminence régionale. On parle même d’une « nouvelle guerre froide ».

    Avant la visite de Xí, l’administration Obama a lancé toute une série d’accusations contre Pékin, selon lesquelles le gouvernement chinois serait coupables d’attaques de hackers contre différentes entreprises et institutions états-uniennes. La Chine a répondu en envoyant à Washington le chef de son service de sécurité intérieure, M. Me?ng Jia?nzhu?, afin d’aplanir cette dispute avant la visite de M. Xí. Obama a demandé la mise en place d’un cadre de concertation internationale pour empêcher que l’internet ne devienne un terrain d’opérations militaires, sans vouloir avouer sa propre culpabilité dans le cadre de cette affaire.

    Comme le militant Edward Snowden l’a révélé, les États-Unis ont mis sur écoute les téléphones de 120 chefs d’État dans le monde et sont à la tête d’un gigantesque réseau de cyberespionnage. Lorsqu’on lui a demandé de commenter les mesures de représailles prises par les hackers du gouvernement chinois, M. Michael Hayden, un ancien directeur de la NSA et de la CIA, s’est exclamé : « Qu’est-ce qu’on va faire ? Voler les secrets d’État de la Chine ? On les a déjà ! » Il est possible qu’au cours de la rencontre entre les deux dirigeants à Washington, un « code de bonne conduite » soit annoncé pour limiter l’ampleur de ces attaques, mais il est très peu probable que ce protocole soit respecté dans la pratique.

    Interdépendance

    Mais comme le démontre la foule de chefs d’entreprises américaines qui font le rang pour venir serrer la main du président chinois (y compris Bill Gates, Warren Buffet et Tim Cook, le PDG de Apple), la relation entre les deux plus grandes économies mondiales est extrêmement complexe. Il s’agit d’une interdépendance économique, qui croit de jour en jour en même temps que s’accroit la rivalité sur le plan stratégique. Pour l’entreprise Boeing, que Xí a visité le mercredi 23 septembre, la Chine représente aujourd’hui près d’un quart de ses ventes d’avions. Pour Apple, la Chine est le plus grand marché au monde ainsi que sa principale base de production.

    À la mi-septembre, la banque fédérale américaine a décidé de postposer à nouveau la hausse de son taux directeur. Cela fait neuf ans que ce taux directeur n’a pas été relevé. Cette décision a elle aussi été prise en raison des puissants liens financiers et économiques entre les États-Unis et la Chine. La banque fédérale américaine a reconnu la fragilité des marchés émergents qui comptent pour 40 % de la production mondiale et qui sont les plus touchés par le ralentissement de l’économie chinoise. Maintenant que les États-Unis ont décidé de cesser leur politique monétaire d’« assouplissement quantitatif » et de taux d’intérêt proche de zéro, on voit s’accélérer les flux de capitaux hors de ces pays « émergents » et plonger le cours de leurs monnaies.

    Cette interdépendance s’exprime aussi dans le fait que sur le terrain diplomatique, les États-Unis ne mentionnent jamais plus le problème des « droits de l’homme » (c-à-d. de la répression étatique) lors de rencontres officielles, mis à part quelques références purement décoratives dans les médias. Pour les gouvernements capitalistes, le plus important est avant tout la négociation de bons contrats et les concessions d’ordre purement économique.

    « Révolution démocratique » ?

    De même, alors que les médias chinois avaient furieusement dénoncé la tentative, selon eux, des puissances occidentales et en particulier des États-Unis de fomenter une « révolution démocratique » à Hong Kong l’année passée (en référence au mouvement de masse qui s’était développé pour réclamer des élections démocratiques à Hong Kong), cet aspect a complètement disparu du discours de Pékin lors de la visite de Xí aux États-Unis.

    L’absurdité de cette accusation est démontrée par le fait qu’au même moment où le président chinois était reçu par le président américain, trois représentants du soi-disant mouvement pour la démocratie de Hong Kong, venus aux États-Unis en même temps que cette visite d’État, peinaient à trouver quelqu’un pour les loger. Malgré le fait que leur « ONG » Maison de la liberté est financée par le Parti démocrate états-unien, ces représentants n’ont pas pu obtenir la moindre audience avec des cadres du gouvernement. Pour le gouvernement américain, la « démocratie » est aussi précieuse que l’est l’« unité nationale » pour le régime chinois : il ne s’agit que d’armes de propagande destinées à promouvoir leur puissance et leurs intérêts économiques, et rien de plus.

    Sous Xí Jìnpíng, on a vu augmenter le nombre d’arrestations d’opposants, se durcir le contrôle et la censure de l’internet, en plus du développement d’une répression des « valeurs occidentales » au niveau des universités et des médias d’État. L’aile libérale du régime est tombée dans un profond pessimisme. Cette couche de l’élite chinoise aspire à une ouverture graduelle et limitée du système autoritaire actuel, de peur qu’une répression trop forte ne finisse par mener à une véritable explosion révolutionnaire. La « campagne anticorruption » menée par Xí a été utilisée avant tout pour consolider sa mainmise sur l’appareil tout en gagnant une certaine popularité auprès de la population. Cette campagne a suscité d’énormes tensions entre les dirigeants et aggravé le déclin économique du pays. Le nationalisme et la répression, mélangées à des promesses de réformes néolibérales, voilà la recette de la présidence Xí.

    Les entreprises américaines ont été les premières à bénéficier des lois draconiennes et de la stricte discipline dans les usines où les travailleurs chinois sont réduits à un état de quasi esclavage. Les entreprises technologiques que Xí visitera au cours de son séjour aux États-Unis, parmi lesquelles on compte Apple, Dell, HP… utilisent des sous-traitants en Chine pour qui le non respect des mesures de sécurité et des lois antidiscrimination font partie de la vie de tous les jours, en plus des longues heures supplémentaires non payées et des salaires de misère, inférieurs au salaire minimum légal.

    Tout comme le gouvernement américain avec son discours de « démocratie », l’adoption de « codes éthiques » par les multinationales américaines n’a pour seul but que de blaguer les consommateurs. En réalité sur le terrain, aucune de leurs belles mesures n’est jamais appliquée, et la seule force qui pourrait faire appliquer ces normes, de véritables syndicats indépendants et entre les mains des travailleurs, est continuellement proscrite.

    Prenons pour seul exemple l’usine de Lo?nghua? à She?nzhe?n (ville de 20 millions d’habitants de la région de Canton, située à la « frontière » entre la Chine proprement dite et Hong Kong), un des sous-traitants de Foxconn. Cette usine où travaillent 100 000 ouvriers est le plus important exportateur de Chine. C’est là que sont fabriqués la plupart des produits Apple vendus dans le monde entier, tels que les iPhones.

    Cette usine est réputée pour ses pratiques proches d’un camp militaire, qui ont suscité une vague de suicides parmi ses jeunes travailleurs en 2010 (l’entreprise s’est vue contrainte d’attacher des filets à chaque étage pour empêcher les nombreux candidats au suicide de se jeter par la fenêtre). Le 8 septembre, tandis que l’entreprise se préparait à recevoir son propriétaire venu en visite, un milliardaire taïwanais du nom de Terry Guo? Ta?imi?ng, 15 braves travailleurs ont déroulé une banderole en signe de protestation contre le non-paiement de leurs cotisations sociales, dans une tentative héroïque de lancer un mouvement parmi leurs collègues. Ils ont été licenciés le jour même.

    Tandis que les capitalistes et politiciens américains ferment les yeux sur cette situation tout en en tirant d’immenses profits, les socialistes américains tels que les camarades du CIO à Seattle proclament leur solidarité avec les travailleurs chinois en lutte pour leurs droits. Kshama Sawant a ainsi publié une lettre ouverte au président Xí Jìnpíng dans laquelle elle dit : « Nous sommes solidaires des travailleurs de Chine dans leur lutte pour les droits démocratiques, y compris le droit de s’organiser en syndicats indépendants. Les multinationales qui exploitent les conditions atroces en vigueur dans les usines chinoises, approuvées par votre gouvernement, auront à faire face à notre opposition et à notre résistance. »

  • Economie mondiale : La crise chinoise crée la panique sur les marchés mondiaux

    china_crisis« Lundi noir », s’est exclamée Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise lorsque la bourse s’est effondrée de 8,5% le 24 août. Cela a entraîné les plus forts baisses sur les bourses du monde entier depuis la crise financière de 2008 sur fond de crainte de récessions mondiale menée par la Chine.

    Vincent Kolo, chinaworker.info, article initialement publié le 25 août

    Auparavant, Wall Street était l’épicentre du marasme financier mondial, après l’effondrement des banques en 2008, mais cette fois, c’est la crise économique de la Chine et la perte de contrôle visible de ses dirigeants qui est le déclencheur. La « mini-dévaluation » de choc du Yuan chinois le 11 août a tiré la plus grande partie du monde capitaliste hors de son faux sentiment de sécurité, croyant que la Chine « avait un plan » pour gérer le ralentissement croissant du pays. Depuis, plus de 5000 milliards de dollars ont été effacés de la valeur des bourses mondiales. Cette destruction massive de richesse en quelques jours est la preuve accablante que le capitalisme est un système économique insensé et moribond. « Aujourd’hui, plus de 400 milliards d’euros ont disparu des valeurs de 300 plus grandes entreprises européennes », d’après Reuters le jour du Lundi Noir, alors que la déroute s’étendait à l’Europe.

    Larry Summers, ancien Secrétaire du Trésor des Etats-Unis, a tweeté « comme en août 1997, 1998, 2007 et 2008, nous pourrions être à la première étape d’une situation très grave ». Même le candidat à la présidence américaine Donald Trump, qui n’a pas inventé l’eau chaude, avertit que le monde pourrait plonger dans la dépression. Damian McBride, qui servait de conseiller économique au Premier Ministre Gordon Brown, prévient que la crise actuelle pourrait être « 20 fois pire » que celle de 2008.

    L’Index de Hong Kong, Hang Seng, a subi sa pire baisse depuis 1987, et sa bourse est devenue officiellement un « marché baissier », ayant perdu plus de 20% depuis son pic en avril. Les bourse d’Indonésie et de Taïwan sont aussi à la baisse. Similairement, les bourses des économies développées ont subi un énorme revers ce Lundi, ce qui a aggravé la panique des deux semaines précédentes, la FTSE de Londres ayant perdu 18% de sa valeur depuis avril, et la DAX allemande 20% sur la même période. La bourse australienne a plongé de 8% Lundi, l’une des chutes les plus fortes, et un reflet de son exposition à la Chine.

    L’effondrement mondial s’est étendu aux matières premières, le pétrole, le cuivre, l’aluminium et le nickel atteignant leurs niveaux les plus bas depuis le début de la crise en 2008. Les prix du pétrole, qui jouent un grand rôle dans l’économie mondiale, ont chuté de 115$ le baril à l’été 2014 à moins de 43$. Cela augmente la pression sur les producteurs de pétrole, de la Russie au Vénézuéla, qui sont déjà en récession. Le Bloomberg Commodity Index, qui surveille les prix de 22 matières premières est descendu à son niveau le plus bas de ce siècle en tombant de 17% cette année et 40% sur les 3 dernières années.

    La Chine a été le principal moteur de la croissance mondiale ces dernières années, en contribuant à environ un tiers de la croissance mondiale, contre 17% pour l’économie US. Elle consume environ la moitié des métaux du monde et domine le marché d’autres matières premières comme les produits agricoles. La forte chute des prix de ces matières premières a ralenti la croissance dans beaucoup de pays exportateurs de matières premières, mais met aussi une forte pression déflationniste dans toute l’économie mondiale. Alors qu’à court terme, la baisse des prix peut donner de l’élan aux économies qui importent des matières premières, si cette déflation se prolonge, cela menace d’handicaper la croissance économique et d’exacerber les problèmes de dettes, qui augmentent par tout et surtout en Chine elle-même. C’est ce qu’il s’est passé au Japon, qui est entré dans une crise déflationniste en 1990 – marquée par la stagnation économique et la montée du niveau de la dette – de laquelle il n’est jamais sorti. Aujourd’hui, la Chine montre beaucoup de caractéristiques similaires à celles du Japon des années 1990 tout comme l’économie mondiale.

    Dévaluation-choc

    Quand la Chine a dévalué le yuan il y a 2 semaines, ce qu’elle a toujours été réticente à faire et qu’elle considérait comme une « option nucléaire », cela a choqué le système capitaliste mondial. Tout à coup, cela a confirmé les suspicions selon lesquelles le malaise économique Chinois est bien pire que ce que Pékin admettait ou rapportait dans ses statistiques officielles, qui, comme nous l’avons expliqué, étaient falsifiées et trompeuses. La dévaluation, minimale jusqu’ici, agitait le spectre d’autres dévaluations par imitation (ce qu’on appelle « la guerre de monnaie ») qui pourrait en retour, comme le dit Albert Edwards de la banque Société Générale, provoquer « un raz-de-marée » sur l’économie mondiale.

    Les commentateurs capitalistes se grattent la tête de sidération devant la manière confuse dont la dévaluation chinoise a été effectuée. Comme Paul Krugman l’a noté dans le New York Times (14 août), « ils semblent avoir été pris complètement par surprise par la réaction prévisible du marché… Les investisseurs ont commencé à quitter la Chine, et les politiciens brusquement pivoté de la défense de la dévaluation de la monnaie à un effort surhumain pour soutenir la valeur du yuan. »

    La dépréciation de la monnaie (jusqu’ici, de 3% contre le dollar) est trop faible pour avoir le moindre impact sur les exportations chinoises. De plus, le régime et la banque centrale chinoise, PBoC, ont ajuster leurs interventions monétaires pour soutenir le yuan, ou risquer une fuite des capitaux hors de Chine bien plus grande. Une somme sans précédent de 800 milliards de $ a quitté la Chine au cours des cinq derniers semestres – la monnaie étant convertie en actifs en dollars (outed into dollar assets) ou autres monnaies « sures » par les sociétés et spéculateurs chinois aussi bien que par les étrangers.

    La dévaluation, à laquelle le PBoC semble avoir résisté jusqu’au tout dernier moment, semble donc « le pire des mondes possible ». La décision a créé le chaos sur les marchés mondiaux et a lancé une réaction en chaîne de chute des monnaies mais sans apporter la moindre amélioration à l’économie chinoise. En fait, la chute brutale des monnaies asiatiques et d’autres « marchés émergents » des deux dernières semaines a complètement annulé et en fait inversé tout bénéfice de la dévaluation pour la Chine en termes de remontée des exportations. Les monnaies indonésienne et malaisienne sont tombées à leur plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998, au milieu d’une baisse générale des monnaies asiatiques (à l’exception du yen japonais qui est vu comme une monnaie « sure ») ; pendant que le rouble Russe, le rand Sud-Africain et la lira Turque ont touché le plus bas niveau jamais atteint. Un autre effet important de la dévaluation sera, très probablement, de reporter l’augmentation des taux d’intérêts américains longtemps attendue et planifiée pour septembre par Janet Yellen et la Réserve Fédérale. Cela complique la position du gouvernement américain et ajoure aux tensions croissantes entre Washington et Pékin.

    Erreurs spectaculaires

    Le régime chinois a spectaculairement mal géré l’effondrement de sa bourse, en dépendant plus de 1000 milliards de dollars en mesures des soutien sur les 10 dernières semaines, desquelles il n’a récupéré absolument rien. Le Lundi Noir, la liquidation, la pire depuis 8 ans, a mis les cours des actions en dessous du niveau du 8 juillet quand l’opération de sauvetage a été lancée. En effet, les pertes d’aujourd’hui balayent tous les gains de la bourse – la deuxième plus grande au monde – depuis le début de l’année.

    Ces événements ont marqué un tournant dans la perception du régime. Le CIO et sa section chinoise ont depuis longtemps remis en question le mythe de « l’infaillibilité » qui entoure la dictature et ses supposées compétences économiques. Mais jusque très récemment, les dirigeants chinois ont été tenu pour des « technocrates modèles », les représentants du capitalisme mondial se bousculant pour leur rendre hommage.

    Ces derniers mois, une succession de mesures bâclées – d’abord gonfler une bulle intenable, puis tenter de la soutenir après qu’elle ait éclaté, culminer avec une dévaluation de la monnaie hésitante et paniquée – ont mis en lambeaux l’autorité des mandarins économiques de Pékin. The latest move, although unannounced, is shown by the regime’s failure to intervene with fresh market support measures as the stock index tanked on Black Monday. Bien entendu, Pékin a réalisé qu’il ne peut pas soutenir à la fois la bourse et la monnaie et a choisi de se focaliser sur cette dernière. Ces mesures représentent un étalage d’incompétence presque sans égal. Elles montrent aussi les limites du pouvoir de Pékin à contrôler les développements économiques, surestimé par les capitalistes du monde entier.

    « La vraie perdante de cet été, c’est la crédibilité du gouvernement. Quand vous regardez l’intervention sur la bourse, quand vous regardez le rafistolage du FX [la dévaluation] comme je le disais il y quelques semaines, et quand vous regardez l’explosion de Tianjin, vous voyez un gouvernement qui n’a certainement aucun contrôle. Vous regardez cela et cela vous renvoie une image déplorable de la compétence de la Chine au niveau des dirigeants. Qui d’autre est responsable ici ? [Le président] Xi Jinping paraît invisible. »

    Ces commentaires de Fraser Howie, co-auteur du livre Red Capitalism, sont typiques des analystes bourgeois d’aujourd’hui. Beaucoup de ces commentateurs étaient fans des dirigeants chinois jusque récemment et font maintenant la même expérience que les petits enfants lorsqu’ils découvrent que Saint Nicolas n’existe pas.

    Le crash de la bourse chinoise était tout à fait prévisible, car la baisse du cours de l’action a perdu toute connexion avec l’économie réelle. Les données économiques récentes ont confirmé la gravité des problèmes de la Chine. La production des usines se contracte depuis 5 mois d’affilée et n’a jamais été si basse depuis 6 ans. D’anciennes industries à croissance comme les smart phones et les voitures – la Chines est le plus grand marché mondial pour les deux – se contactent aussi. Malgré une récente « stabilisation » des prix du logement, les démarrages de chantiers ont baissé de 16,8% au cours des 7 premiers mois de l’année. Ces dernières années, la Chine a compté la moitié des constructions du monde, ce qui, rapporté à une base annuelle, se traduirait pas une baisse de 8% des constructions dans le monde entier. Cela explique pourquoi le marché des matières premières – du pétrole aux pousses de soja – sont sur le déclin ces dernières semaines. De plus, certaines des plus grandes corporations aux USA ont vu des milliards de dollars disparaître des valeurs des actions en raison de leur dépendance du marché chinois. Cela inclut Apple, General Motors, et Yum Brands (KFC et Pizza Hut) qui vendent toutes plus de produits en Chine qu’aux USA. Apple (l’entreprise qui a le plus de valeur au monde) a vu sa capitalisation boursière se réduire de 18% ces 6 derniers mois.

    Crise mondiale du capitalisme

    Le bouleversement financier actuel souligne l’aveuglement du capitalisme qui titube d’une crise à l’autre. Le CIO et sa section chinoise ont déjà averti que la prochaine phase de la crise capitaliste mondiale serait « Made in China » – une perspective qui devient de plus en plus probable. Mais les problèmes de l’économie chinoise, et le fardeau écrasant de sa dette, qui est à l’origine des zigzags politiques désespérés des derniers mois, sont enracinés dans l’impasse historique du capitalisme mondial.

    En 2008, à mesure que la crise mondiale menaçait de glisser dans une dépression comme celle des années 30, le régime chinois a lancé un programme de relance énorme basé sur des crédits d’un montant sans précédent. Cela a d’abord eu un rendement stupéfiant, le PIB de la Chine accélérant et paraissant échapper à la l’attraction universelle de la récession. Stephen King, économiste de la banque HSBC, a qualifié la Chine « d’absorbeur de chocs pour l’économie mondiale » – même si aujourd’hui, son rôle s’est inversé pour devenir celui de source de chocs pour le capitalisme mondial. C’est parce que la croissance tirée par les plans de relance de la période post-2008 était basée sur une accumulation insoutenable de dette, qui a quadruplé de 7000 milliards en 2007 à 28 000 milliards aujourd’hui. Cela a réduit la capacité du régime à continuer de stimuler l’économie pour se sortir de la crise, comme nous le voyons aujourd’hui. Avant 2008, chaque yuan de crédit rapportait environ 0,8 yuan de PIB. Mais à présent, ce chiffre n’est que de 0,2.

    Les problèmes de la Chine se reflètent dans l’augmentation de la dette mondiale qui a augmenté de 57 000 milliards de dollars depuis la fin de 2007, à un stupéfiant 199 000 milliards de dollars, selon McKinsey Global Institute. L’économie mondiale va entrer dans sa prochaine récession dans un état bien pire que lors de la dernière récession. Pendant la « reprise » économique bancale des dernières années, des sections entières de l’économie capitaliste ont dépendu du « soutien vital » financier du gouvernement et des banques centrales, surtout via les mesures « d’assouplissement quantitatif » desquelles l’économie n’a pas encore été capable de s’extirper.

    Si les taux d’intérêts restent aux niveaux actuels historiquement bas (proches de zéro, ou dans certains cas même négatifs), cela signifie que les capitalistes auront encore moins d’armes à leur disposition pour faire face à la nouvelle récession. En même temps, la classe ouvrière a fait face à une austérité ininterrompue depuis le début de la crise en 2008, subissant une forte diminution des conditions de vie dans beaucoup de pays, ce qui signifie qu’une nouvelle récession déclenchera des mouvements politiques sans précédent et remettra en cause le règne capitaliste. C’est cette peur qui dirige le bouleversement des marchés mondiaux.

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