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  • L’Union soviétique a-t-elle prouvé que le socialisme fonctionnait pas?

    Le stalinisme, c’est-à-dire le développement d’une bureaucratie en Union soviétique, représentait un frein à l’économie planifiée. Une économie planifiée a besoin de la démocratie comme un homme a besoin d’oxygène. Sinon le système va se planter. C’est exactement ce qui s’est passé en Union soviétique et qui a finalement mené à sa perte. Après la restauration du capitalisme, il n’y a pas eu de progrès pour la majorité de la population. Le niveau de vie a chuté et la pauvreté prend une ampleur dramatique.

    La faillite de l’URSS n’est pas due au socialisme, mais au bureaucratisme et au manque de démocratie dans la planification et dans la société. La révolution d’Octobre de 1917 avait ouvert la voie à beaucoup de progrès et d’acquis sociaux: la journée des 8 heures (et même de 6 heures pour le travail dur et dangereux), congés payés, réduction du travail de nuit (interdit aux femmes), congé de maternité de 6 à 8 semaines, allocations familiales, droit à la retraite,… Ces acquis sociaux étaient novateurs au début du 20e siècle. Mais l’isolement du jeune état ouvrier et le manque de démocratie à partir de la moitié des années 20, lorsque la bureaucratie stalinienne a pris le pouvoir, a freiné ce développement.

    En 1936, dans La Révolution Trahie, Trotski a écrit ceci : "Le fonctionnaire finira-t-il par dévorer l’Etat ouvrier ou la classe ouvrière réduira-t-elle le fonctionnaire à l’incapacité de nuire? (…) Sans économie planifiée, l’U.R.S.S. serait rejetée à des dizaines d’années en arrière. En maintenant cette économie, la bureaucratie continue à remplir une fonction nécessaire. Mais c’est d’une façon telle qu’elle prépare le torpillage du système et menace tout l’acquis de la révolution. (…) L’arbitraire bureaucratique devra céder la place à la démocratie soviétique. Le rétablissement du droit de critique et d’une liberté électorale véritable sont des conditions nécessaires du développement du pays. Le rétablissement de la liberté des partis soviétiques, à commencer par le parti bolchevique, et la renaissance des syndicats y sont impliqués. "

    La chute du régime stalinien, en 1989, a servi de prétexte pour rejeter les idées socialistes et promouvoir une offensive néo-libérale accélérée de la bourgeoisie. Mais cette offensive de la bourgeoisie, et la misère qu’elle provoque dans le monde du travail, provoquent la résistance des travailleurs et remettent à l’ordre du jour la question de l’alternative socialiste.

  • Notre alternative: le socialisme

    Lors d’un meeting organisé par la régionale Campine/Malines de la FGTB, Mia De Vits (SP.a) a déclaré qu’il n’existait pas d’alternative à l’économie du marché. Ce n’est pas du tout notre avis. Nous pensons qu’il existe une alternative à la pauvreté, à la guerre et à l’exploitation : le socialisme.

    Geert Cool

    Au cours des deux derniers siècles, le potentiel technologique maîtrisé par l’humanité a considérablement progressé. Malgré cela, 1,2 milliards de gens souffrent de la faim et 841 millions souffrent de malnutrition grave. Les forces productives se sont développées de façon considérable, mais uniquement au profit d’une infime minorité.

    Dans une société socialiste

    Le fonctionnement économique reposerait sur la planification. Les grandes entreprises et les multinationales, qui dominent près de 80% de l’activité économique, seraient placées sous le contrôle et sous la gestion démocratiques des travailleurs. Un gouvernement ouvrier ne serait pas une dictature, mais stimulerait la gestion démocratique. Cela irait beaucoup plus loin que ce que nous offre la démocratie bourgeoise d’aujourd’hui : aller voter une fois tous les 4 ans.

    Dans une société socialiste les représentants élus sur base locale, régionale et nationale devraient rendre des comptes et seraient révocables à tout moment. Les élus ne doivent pas gagner plus que le salaire moyen, pour ne pas être coupé de ce qui vit dans la société. Aujourd’hui les parlementaires perçoivent une indemnité mensuelle correspondant à environ quatre mois d’un salaire moyen. Comment voulez-vous que dans ces conditions ils puissent s’impliquer pour défendre la population laborieuse? De plus, beaucoup de décisions sont prises par les grandes entreprises, sans la moindre consultation de la population.

    Dans une société socialiste, des comités seraient élus à chaque niveau, sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les écoles, pour contribuer à l’organisation de la production et de la société.

    Certains pensent que tout cela est utopique. Mais dans presque chaque lutte de masse au cours des dernières décennies, les embryons d’une telle structure ont émergé. Lors de la Commune de Paris, mais aussi lors de grandes vagues de grève, des comités de grève, des comités de solidarité, des structures d’auto organisation des travailleurs naissent. Il faudra accorder aux travailleurs plus de temps et plus de moyens pour participer au contrôle de la société. Des mesures telles que la réduction du temps de travail, des crèches, et un enseignement de qualité sont donc indispensables.

    Développer une telle planification ne sera pas si compliqué. La technologie moderne facilitera la planification démocratique. Nous ne sommes plus dans la Russie de 1917 où les moyens de communication étaient limités et où la majorité de la population était analphabète.

    Aujourd’hui, la classe ouvrière a atteint un niveau d’instruction élevé. Beaucoup de travailleurs, surtout les jeunes, utilisent un ordinateur. Il existe des instruments technologiques comme l’Internet, des études de marché… Aujourd’hui il existe déjà une forme de planification capitaliste dans les grandes entreprises. Pourquoi ne pourrait-on pas les utiliser de manière rationnelle afin de savoir ce dont les travailleurs et leurs familles ont réellement besoin?

    L’"appropriation" de la production par la classe ouvrière sera un grand pas en avant. Elle ira à contre-courant des intérêts des capitalistes qui possèdent aujourd’hui les moyens de production. La socialisation de la production et la planification socialiste démocratique de celle-ci en fonction des besoins de la population est la question politique la plus importante du mouvement ouvrier.

    Quelques préjugés sur le socialisme

    Le socialisme mènera-t-il à la disparition des talents individuels?

    Une société où seuls les profits comptent et où l’inégalité et la misère sont la règle, mène à ce qu’une bonne partie des qualités humaines ne s’épanouissent pas. Dès lors que ce ne sont plus les profits mais les intérêts de la population qui sont au cœur de la société, il y aura plus de barrières à l’épanouissement individuel sur tous les terrains: culturel, scientifique, sportif,… Cela s’est vu en Union soviétique, après 1917 : une explosion d’initiatives et de créativité culturelle. Le socialisme ne signifie pas que nous porterons tous les mêmes vêtements ou que nous conduirons tous la même voiture,… Au contraire, le socialisme signifiera plus de diversité et que les travailleurs auront plus de temps et de moyens pour exprimer leur créativité.

    Le socialisme ne renforcera-t-il pas la paresse?

    Selon quelques-uns, l’homme serait paresseux de nature et n’aurait pas envie de travailler quand il n’existe pas de stimulant individuel, de la concurrence et/ou de la compétition. Comme si on avait tous notre propre lopin de terre à labourer ou notre propre atelier. En fait la toute grande majorité de la population ne possède pas de moyens de production. Beaucoup de travailleurs font leur travail non parce qu’ils sont stimulés par le fruit de leur travail, mais parce qu’ils sont obligés de travailler pour vivre. Dans une société socialiste, les travailleurs travailleront pour la richesse collective en l’investissant dans la production entière.

  • Théorie. La révolution espagnole 1931-1939

    D’emblée, certains se demanderont pourquoi nous parlons de « révolution » espagnole. Et effectivement, lorsque nous parcourons les manuels d’histoire, on évoque le plus souvent ces événements sous le terme de « guerre d’Espagne » ou « guerre civile espagnole ». Il ne s’agit cependant pas d’une simple querelle de termes ; il s’agit d’une déformation consciente de l’idéologie dominante visant à éluder tout le caractère de classe de ce conflit. C’est donc volontairement que nous utilisons le mot « révolution ». Ce mot a le mérite d’éviter tout malentendu et de mieux cerner ces événements dans leurs justes proportions.

    Cédric Gérôme

    La révolution espagnole est pour nous une expérience historique extrêmement riche en leçons. Il s’agit tout en même temps d’une confirmation éclatante de la théorie de la révolution permanente développée par Trotsky, d’une démonstration pratique, si besoin en est encore, de la faillite des méthodes anarchistes dans la lutte du mouvement ouvrier révolutionnaire, et enfin, d’un exemple de plus du rôle objectivement contre-révolutionnaire qu’a joué le stalinisme dans la lutte des classes.

    Trotsky disait que l’héroïsme des travailleurs espagnols était tel qu’il eût été possible d’avoir 10 révolutions victorieuses dans la période 1931-1937. Pour exemple, on a dénombré pas moins de 113 grèves générales et 228 grèves partielles en Espagne rien qu’entre février et juillet ’36 ! Malheureusement, par le manque d’un parti révolutionnaire à même d’amener le mouvement à ses conclusions logiques, la politique du « Front Populaire » prônée par les staliniens va ouvrir la voie à 40 ans de régime fasciste pour la classe ouvrière espagnole. Il est donc plus qu’important d’étudier les leçons de cet épisode de l’histoire pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.

    L’Espagne: le maillon faible

    Dans les années ’30, l’Espagne est un des maillons les plus faibles de la chaîne du capitalisme européen. L’Espagne reste à cette époque un pays arriéré, agricole, où 70% de la population vit dans les campagnes. Dans l’ensemble du pays, la terre appartient essentiellement à la classe des propriétaires fonciers ; 50.000 d’entre eux possèdent la moitié du sol. Le poids de l’Eglise catholique espagnole donne une image assez claire de ce monde rural médiéval : à côté de la masse paysanne qui compte encore 45% d’illettrés, on dénombre plus de 80.000 prêtres, moines ou religieuses, ce qui équivaut au nombre d’élèves des écoles secondaires et dépasse de 2 fois et demi le nombre d’étudiants…Si l’Espagne a connu un « âge d’or », période de floraison et de supériorité sur le reste de l’Europe au 15è-16ème siècle, cette situation s’est transformée en son contraire suite à la perte de ses positions mondiales, celle-ci s’étant achevée au 19ème siècle par la perte des dernières colonies en Amérique du Sud.

    Dans le courant du 19ème siècle et durant le 1er tiers du 20ème siècle, on assiste en Espagne à un changement continuel de régimes politiques et à des coups d’état incessants (les « pronunciamentos »), preuve de l’incapacité aussi bien des anciennes que des nouvelles classes dirigeantes de porter la société espagnole en avant. En réalité, la société de l’ancien régime n’avait pas encore fini de se décomposer que déjà la société bourgeoise commençait à ralentir. Trotsky analysait la situation comme suit : « La vie sociale de l’Espagne était condamnée à tourner dans un cercle vicieux tant qu’il n’y avait pas de classe capable de prendre entre ses mains la solution des problèmes révolutionnaires ».

    Cependant, la période de la première guerre mondiale et le rôle neutre que va y jouer l’Espagne, vont amener de profonds changements dans l’économie et la structure sociale du pays, créer de nouveaux rapports de force et ouvrir de nouvelles perspectives. Cette période va en effet voir s’amorcer une industrialisation rapide du pays, et son corollaire : l’affirmation du prolétariat en tant que classe indépendante. Les années 1909, 1916, 1917, 1919 seront des années de grandes grèves générales en Espagne, mais dont les défaites successives vont préparer le terrain pour la dictature militaire bonapartiste du Général Primo de Riveira. Il s’agira par là de mettre un terme à l’agitation ouvrière et paysanne, en s’en prenant aux principales conquêtes ouvrières et aux relatives libertés démocratiques qui permettaient, dans une certaine mesure, l’organisation des ouvriers et des paysans.

    Cependant, cette dictature n’assure aux classes dominantes qu’un bref répit. L’inflation galopante qui dévore les salaires et le niveau de vie, puis la crise économique de ’29 qui mine profondément la base du régime vont obliger le roi, pour préserver la monarchie, à se débarasser de Primo de Riveira en 1930. Et de la même manière, un an plus tard, les classes possédantes obligeront le roi Alfonso XIII à faire ses bagages et sacrifieront la monarchie dans le but de sauver leur propre peau ;autrement dit, dans le but de ne pas faire courir au pays le risque d’une révolution « rouge »…

    La République : portier de la révolution

    Le 14 avril 1931, la République est donc proclamée. Il ne s’agit toutefois que d’un changement de façade, du remplacement d’un roi par un président, d’une opération à laquelle ont recours les classes possédantes afin de bénéficier d’un nouveau sursis et de calmer les ardeurs des masses. Mais cela aura l’effet inverse : la proclamation de la République nourrit les aspirations des masses et ouvre un processus révolutionnaire qui s’étendra sur plusieurs années. Pendant toute cette période cependant, le facteur subjectif (la direction du mouvement ouvrier) restera en retard par rapport aux tâches du mouvement : c’est la faiblesse de ce facteur qui conduira le mouvement à sa perte.

    L’anarchisme dispose à l’époque d’une influence beaucoup plus importante en Espagne que dans les pays industrialisés d’Europe Occidentale. La CNT (Confédération Nationale du Travail), de tendance anarcho-syndicaliste, rassemble autour d’elle les éléments les plus combatifs du prolétariat espagnol, même si elle n’a aucune perspective et aucun programme à offrir à sa base. En 1918, elle réunit déjà plus d’un million de syndiqués. Cette prépondérance des anarchistes en Espagne s’explique par plusieurs raisons :

    – le rôle de premier plan qu’a joué la CNT dans l’organisation de la grève générale insurectionnelle de 1917 <br- le tournant à droite que connaît le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) après la première Guerre Mondiale, suivant la tendance générale de toute la social-démocratie en Europe. Cela va se marquer fortement en Espagne par le fait que le PSOE et la centrale syndicale qu’il contrôle, l’UGT (Union Générale des Travailleurs) se prononcent en 1923 pour une collaboration avec la dictature militaire. Le secrétaire général de l’UGT, Francisco Largo Caballero, celui que d’aucuns qualifieront par la suite, et à tort, de « Lénine espagnol », sera même conseiller d’Etat sous Primo de Riveira !

    – l’inconsistance du Parti Communiste Espagnol, qui sera affaibli tant par la répression systématique qu’il subit sous la dictature que par sa politique sectaire qui l’isole des masses. En effet, à partir de ’24, le PCE subit le même sort que tous les PC, soumis mécaniquement aux ordres et zigzags de la bureaucratie stalinienne en URSS. Pour exemple, lors de la proclamation de la République, le PCE, suivant la ligne ultra-gauche de l’Internationale, reçoit la consigne de lancer le mot d’ordre de : « A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » dans un pays et à une période où il n’existe pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable. Le résultat de cette politique désastreuse est qu’en avril ’31, moment de l’avènement de la République, le PCE ne compte pas plus de 800 membres dans l’ensemble de l’Espagne.

    Le premier gouvernement républicain est formé d’une coalition entre les Socialistes et les Républicains. Ces derniers sont les principaux représentants politiques de la bourgeoisie et se caractérisent par un programme social extrêmement conservateur. Trotsky expliquait : « Les républicains espagnols voient leur idéal dans la France réactionnaire d’aujourd’hui, mais ils ne sont nullement disposés à emprunter la voie des Jacobins français, et ils n’en sont même pas capables : leur peur devant les masses est bien plus forte que leur maigre velléité de changement. » Et de fait, cette coalition républicano-socialiste, à cause de la crise mondiale du capitalisme, est bien incapable de tenir ses promesses et de réaliser les tâches élémentaires, bourgeoises, qui se posent au pays : la réforme agraire, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la résolution de la question nationale. Celle-ci est particulièrement aigüe en Espagne, dans la mesure où, l’unification nationale n’étant pas arrivée à son terme, deux régions –bastions de l’industrie-, la Catalogne et le Pays Basque, manifestent de sérieuses tendances séparatistes. Cela rajoute un élément explosif au contexte de crise générale que traverse la société espagnole.

    L’impuissance du nouveau gouvernement face aux problèmes historiques du pays alimente les contradictions sociales et les divergences au sein du mouvement ouvrier. Celui-ci s’engage dans une série de grèves qui sont réprimées sans ménagement. Parallèlement, la paysannerie s’engage dans des tentatives de saisir la terre, mais là aussi , la seule réponse du gouvernement est d’envoyer les troupes. La CNT, à la tête de laquelle domine le courant aventuriste, putschiste et anti-politique de la FAI ( Fédération Anarchiste Ibérique), s’engage quant à elle dans une série d’insurrections locales, éphémères et désorganisées qui sont violemment réprimées dans le sang. Quant au PC, il continue d’appliquer mécaniquement les analyses et les mots d’ordre élaborées dans le cadre de la politique dite « de la 3ème période », caractérisée par son sectarisme et son refus de l’unité ouvrière.

    La définition de la social-démocratie comme « social-fasciste », qui aboutira en Allemagne à la victoire sans combat des bandes hitlériennes, est appliquée à la situation espagnole. Mais ici, les staliniens vont encore plus loin : ils étendent cette définition aux anarchistes, désormais qualifiés d’ « anarcho-fascistes » ! Il est évident que cette politique contribue davantage à les isoler.

    Pendant ce temps, les communistes oppositionnels s’efforcent de promouvoir une autre politique. Sous l’impulsion d’Andrès Nin, ancien cadre de la CNT et ami personnel de Trotsky, ainsi que d’autres militants trotskistes, l’opposition de Gauche, appelée « Izquierda Comunista » (=Gauche Communiste) est créée officiellement en Espagne en 1932. A peu près à la même période se crée également le Bloc Ouvrier et Paysan, dirigé par d’anciens membres du PCE, et dont le principal dirigeant, Joacquin Maurin, ne cache pas ses tendances boukhariniennes. Ce parti refuse de prendre position entre trotskistes et staliniens, et adopte une ligne très opportuniste sur la question nationale, se déclarant « séparatiste » en Catalogne et soutenant, sans distinction, tous les mouvements indépendantistes catalans.

    Le fascisme : la réaction bourgeoise en marche

    Les élections d’octobre ’33 donnent l’avantage à la droite, qui profite de la faillite de la coalition socialiste-républicaine des 2 années précédentes. Pour ce nouveau gouvernement, il ne s’agit plus simplement d’une alternance de pouvoir, mais d’un début de contre-attaque contre le mouvement ouvrier, pour laquelle d’autres moyens qu’électoraux seront employés si nécessaire. Le nouveau gouvernement, présidé par un certain Lerroux, donne d’exorbitantes subventions au clergé, diminue les crédits de l’école publique, engage massivement dans la police et l’armée. Les groupes d’extrême-droite descendent dans la rue avec la protection ouverte des autorités ; les fascistes commencent à attaquer locaux et journaux ouvriers.

    Mais la victoire de la droite n’est pas la seule conséquence de la politique de collaboration de classes des socialistes. Dans les rangs du PSOE, et plus particulièrement de la Jeunesse Socialiste, se dessine un courant qui remet radicalement en question la défense de la démocratie bourgeoise et l’optique réformiste de la direction. Ce développement aura d’importantes répercussions par la suite…

    Après plusieurs hésitations, le gouvernement Lerroux décide d’intégrer dans son cabinet 3 membres de la CEDA, parti catholique d’extrême-droite. La CEDA est sans cesse menacée d’être débordée sur sa droite, soit par sa propre organisation de jeunesse , la Juventud de Accion Popular (J.A.P.) que dirige Ramon Serrano Suner, beau-frère de Franco, admirateur d’Hitler et de Mussolini, grand pourfendeur de « juifs, franc-maçons et marxistes », soit par la Phalange, au programme et aux méthodes typiquement fascistes, que dirige José Antonio Primo de Riveira, fils du dictateur et agent du gouvernement fasciste italien.

    L’épisode de la « Commune Asturienne »

    La nouvelle composition du gouvernement, comprenant 3 ministres d’extrême-droite, est considérée comme une déclaration de guerre par le mouvement ouvrier. Elle provoque sa réaction immédiate ; les travailleurs espagnols sont en effet bien décidés à ne pas subir le même sort que leurs camarades allemands et autrichiens, qui viennent de succomber sous la botte du régime nazi. L’UGT lance le mot d’ordre de grève générale, tandis que la CNT, sur le plan national, ne bouge pas. Finalement, 3 foyers insurrectionnels se déclarent : Barcelone, Valence et les Asturies. A Barcelone et à Valence, le gouvernement rétablit facilement son autorité, du fait que la CNT s’est positionné contre la grève et a ainsi brisé le front unique.

    Dans les Asturies en revanche, la CNT rejoint la lutte, ce qui donne à celle-ci un autre impact. Dans tous les villages miniers se constituent des comités locaux qui prennent le pouvoir. Etant sûr de tenir le reste de l’Espagne, le gouvernement central emploie les grands moyens et écrase dans le sang ce que l’on appellera la «Commune Asturienne ». La répression est féroce : plus de 3000 travailleurs tués, 7000 blessés et plus de 40.000 emprisonnés. L’instigateur de cette répression n’est autre que Francisco Franco.

    Création du POUM et entrée en scène des staliniens

    Après cet épisode, on assiste à des reclassements rapides au sein du mouvement ouvrier. Trotsky préconise l’entrée de la Gauche Communiste dans le PSOE afin d’opérer la jonction avec l’aile gauche des Jeunesses Socialistes en train de se radicaliser. Nin, comme la majorité des dirigeants de la GC, refuse le conseil de Trotsky, rompt avec celui-ci et s’oriente vers une fusion avec le Bloc Ouvrier et Paysan. Cette fusion aboutira à la création du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) en 1935, qui compte alors quelques 8000 militants et une base ouvrière réelle, surtout en Catalogne, mais qui ne dispose pas d’un caractère national. C’est là une lourde responsabilité et une grave erreur qu’ont pris sur eux les dirigeants de l’Opposition de Gauche, laissant sans perspectives cette jeunesse socialiste qui se cherche et qui, comme le disait Trotsky, « en arrivait spontanément aux idées de la 4ème Internationale ».

    Car dans le même temps, l’Internationale Communiste stalinienne opère un tournant radical à 180° et adopte une ligne complètement nouvelle lors de son 7ème congrès, préconisant la politique du Front Populaire, à savoir une coalition programmatique avec les républicains bourgeois. Rompant ainsi son isolement et jouant sur le prestige de la révolution russe dans cette période de troubles révolutionnaires, le PCE va ainsi réussir à attirer vers lui l’aile gauche du Parti Socialiste. Cela aboutit, en avril ’36, à la fusion entre la minuscule Jeunesse Communiste et la puissante organisation de la Jeunesse Socialiste, donnant naissance à la JSU (Jeunesse Socialiste Unifiée) qui constitue dès lors le levier principal de l’influence stalinienne en Espagne. En Catalogne, le PCE et le PSE fusionne carrément pour former le PSUC (Parti Socialiste Unifié de Catalogne) qui adhère, dès sa fondation, à la 3ème Internationale. De plus, le « tournant politique » de 1935 et les circonstances particulières de la guerre civile redonnent au communisme un visage attractif auquel cèderont, au moins dans un premiers temps, bien des libertaires endurcis.

    Le Front Populaire : une combinaison politique pour tromper les travailleurs

    A l’approche de nouvelles élections, alors que la polarisation de classes est à son plus haut niveau et que le danger fasciste se fait de plus en plus menaçant, un pacte d’alliance électorale – le futur Front Populaire- est signé entre les Républicains, le Parti Socialiste, le Parti Communiste, l’Esquerra catalane (parti nationaliste bourgeois) …et le POUM. Le programme du Front Populaire mentionnait pourtant explicitement le refus de la nationalisation des terres et des banques, le refus du contrôle ouvrier, l’adhésion à la Société des Nations,…bref, un programme qui, en toute logique compte tenu de ses principaux signataires, ne dépassait pas le cadre de la société bourgeoise. Les socialistes le qualifient d’ailleurs sans ambages de « démocratique bourgeois ».

    Le Front Populaire, présenté comme une alliance nécessaire avec la soi-disante bourgeoisie « progressiste » pour constituer le front le plus large contre le fascisme, va en réalité servir à freiner l’action révolutionnaire des masses et donner un sérieux coup de pouce à la victoire du fascisme. Le rôle du Front Populaire est clairement exprimé par cette déclaration du Secrétaire Général du PC de l’époque, José Diaz : « Nous voulons juste nous battre pour une révolution démocratique avec un contenu social. Il n’est pas question de dictature du prolétariat ou de socialisme mais juste d’une lutte de la démocratie contre le fascisme ».

    En réalité, la prétendue bourgeoisie « progressiste » n’existait que dans la tête des staliniens. La bourgeoisie industrielle de Catalogne avait été le plus fervent soutien à la dictature militaire de Primo de Riveira. La bourgeoisie espagnole était une bourgeoisie largement dépendante des capitaux étrangers, et entretenant des liens étroits avec l’aristocratie et les propriétaires terriens. Pour exemple, l’Eglise était simultanément le plus gros propriétaire de terres et le plus gros capitaliste du pays ! Difficile dans ces conditions d’admettre que « la bourgeoisie était dynamique et très intéressée par un changement politique. » (1). Pour tout dire, la bourgeoisie espagnole avait très bien compris que le fascisme était le seul et ultime rempart contre la montée du mouvement ouvrier. C’est pourquoi, déjà à cette époque, elle s’était rangée comme un seul homme derrière Franco…De la même manière que la montée révolutionnaire ne pouvait être véritablement vaincue que par la réaction fasciste, le fascisme ne pouvait être combattu que par la voie de la lutte révolutionnaire. Opposer un barrage légal au fascisme ne pouvait donc servir qu’à endormir les masses et à paralyser leur action ; en d’autres termes, à sauver la bourgeoisie.

    Dès la victoire du Front Populaire en février ’36, la classe ouvrière va montrer dans la pratique sa détermination à aller plus loin que le programme plus que modéré de celui-ci ; autrement dit, à éclater les cadres trop étroits du succès remporté aux urnes. Sans attendre le décret d’amnistie, les travailleurs espagnols ouvrent les portes des prisons et libèrent les milliers de prisonniers de la Commune Asturienne. Des défilés monstres et des grèves éclatent dans tout le pays, pour la réintégration immédiate des ouvriers licenciés, le paiement d’arriérés de salaires aux travailleurs emprisonnés, contre la discipline du travail, pour l’augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail. Les cheminots exigent la nationalisation des chemins de fer. A la campagne, les occupations de terre se multiplient, les fermiers refusent de payer leurs fermages. Le gouvernement de Front Populaire, lui, multiplie les appels au calme, demande aux travailleurs de « rester raisonnables afin de ne pas faire le jeu du fascisme », et reste passif, incapable d’apporter la moindre réforme digne de ce nom dans l’intérêt des ouvriers et des paysans.

    De plus, même si deux généraux suspects de conspiration sont éloignés de la capitale (Franco est nommé aux Canaries, Goded aux Baléares), le gouvernement fait preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des éléments fascistes présents dans l’armée et l’appareil d’état. « Quelles sont les mesures drastiques qui ont été prises contre les provocateurs fascistes et contre les criminels ? Aucune.», reconnaît après coup Jiminez Asua, député socialiste à Madrid en ‘36. Le contraire eût d’ailleurs été étonnant. S’attaquer aux officiers fascistes de l’armée signifiait s’attaquer à la machine d’état sur laquelle se reposait la classe dominante, avec laquelle les représentants du Front Populaire n’étaient nullement prêts à rompre.

    La contre-révolution déclenche la révolution

    Mais alors que le gouvernement se porte garant de la fidélité des officiers à la république, le coup d’état des Généraux se prépare dans les hautes sphères de l’armée, tandis que Hitler et Mussolini fournissent argent et armes aux fascistes espagnols. Le coup d’état militaire éclate dans la nuit du 16 au 17 juillet 1936. Le chef du gouvernement prononce alors cette phrase célèbre, nouveau témoignage de toute la détermination du Front Populaire à combattre le fascisme : « Ils se soulèvent. Très bien. Et bien moi, je vais me coucher. »

    Contre toute évidence, le gouvernement nie la gravité de la situation, et refuse de distribuer des armes à la population, qui envahit par milliers les rues des grandes villes pour les réclamer. Il est clair que les politiciens bourgeois au gouvernement craignaient mille fois plus une classe ouvrière armée qu’une Espagne fasciste.

    Dès lors, la classe ouvrière prend l’offensive et commence à organiser la lutte armée. Dans la plupart des grandes villes, le peuple assiège les casernes, érige des barricades dans les rues, occupe les points stratégiques. On raconte que dans certaines régions, la population laborieuse se lançait à l’assaut des bastions franquistes avec des armes de fortune tels que des canifs, couteaux de cuisine, fusils de chasse, pieds de chaise, dynamite trouvée sur les chantiers, poêles, fourches,…bref, avec tout ce qu’elle pouvait trouver, et parfois même à mains nues ! La situation est très bien décrite par Pierre Broué (2) : « Chaque fois que les organisations ouvrières se laissent paralyser par le souci de respecter la légalité républicaine, chaque fois que leurs dirigeants se contentent de la parole donnée par les officiers, ces derniers l’emportent…par contre, ces mêmes officiers sont mis en échec chaque fois que les travailleurs ont eu le temps de s’armer, chaque fois qu’ils se sont immédiatement attaqués à la destruction de l’armée en tant que telle, indépendamment des prises de position de ses chefs, ou de l’attitude des pouvoirs publics légitimes ». Bien souvent, les travailleurs peuvent compter sur le soutien ou dumoins la sympathie d’une frange importante des soldats. C’est le cas dans la marine de guerre où la quasi-totalité des officiers sont gagnés au soulèvement, mais où les marins, sous l’impulsion de militants ouvriers, se sont organisés clandestinement en « conseils de marins ». Ces derniers se mutinent ; certains, en pleine mer, exécutent les officiers qui résistent, s’emparent de tous les navires de guerre et portent ainsi au soulèvement des généraux un coup très sérieux. « Au soir du 20 juillet, sauf quelques exceptions, la situation est clarifiée. Ou bien les militaires ont vaincu, et les organisations ouvrières et paysannes sont interdites, leurs militants emprisonnés et abattus, la population laborieuse soumise à la plus féroce des terreurs blanches. Ou bien le soulèvement militaire a échoué, et les autorités de l’Etat républicain ont été balayées par les ouvriers qui ont mené le combat sous la direction de leurs organisations regroupées dans des « comités » qui s’attribuent, avec le consentement et l’appui des travailleurs en armes, tout le pouvoir. » (3)

    La lutte armée ne représente effectivement qu’un aspect de ce vaste mouvement d’ensemble initié par la classe ouvrière : en réalité, la contre-révolution avait déclenché la révolution. Le putsch des chefs militaires ne réussit qu’à accélérer le processus de transformation de la société déjà commencé dans les faits. L’Espagne se couvre de comités ouvriers qui entreprennent la remise en marche de la production et la direction des affaires courantes. Pour exemple, à Barcelone, les travailleurs, dès les premiers jours, prennent en main les transports en commun, le gaz, l’électricité, le téléphone, la presse, les spectacles, les hôtels, les restaurants , et la plupart des grosses entreprises industrielles. Le même processus apparaît dans les campagnes : les paysans non plus n’avaient pas l’intention d’attendre en vain que le gouvernement légifère. Entre février et juillet ’36, la prétendue « réforme agraire » initiée par le Front Populaire avait fourni de la terre à 190.000 paysans…sur 8 millions ! (moins d’un sur 40). A ce rythme, il eût fallu plus d’un siècle pour donner de la terre à tout le monde…C’est pourquoi, rapidement, les villageois se débarassent de leurs conseils municipaux et s’empressent de s’administrer eux-mêmes. Se met alors en place un profond mouvement de collectivisation de la terre, jamais vu dans l’histoire. En Aragon, les ¾ de la terre sont collectivisés.

    Grâce à cette furia et à cette combativité populaire exemplaire, non seulement l’échec de l’insurrection militaire est consommé en quelques jours, mais en outre, les masses détiennent pratiquement le pouvoir entre les mains. La situation qui se crée en Espagne n’est en effet rien d’autre qu’une situation de double-pouvoir. Lorsque les autorités se remettent de leur stupeur, elles s’aperçoivent tout simplement qu’elles n’existent plus. L’Etat, la police, l’armée, l’administration, semblent avoir perdu leur raison d’être. Le gouvernement est suspendu dans les airs et n’existe plus que par la tolérance de la direction des différents partis ouvriers. Fin juillet, les masses contrôlent 2/3 du pays. Elles exercent le pouvoir, mais celui-ci n’est pas organisé ni centralisé. Les « comités » (ou « conseils », « juntes », ou « soviets », qu’importe le nom), organes d’auto-administration de toutes les couches de la population laborieuse, et élus par celle-ci, auraient dû être élargis à chaque entreprise, chaque lieu de travail, chaque district, en y incluant la population paysanne ainsi que les milices ouvrières. Ces comités auraient dû être reliés via des délégués dans le but de former des comités locaux, régionaux, et national. Cela aurait constitué les bases d’un nouveau régime, jetant définitivement par-dessus bord le vieux gouvernement impuissant et passif : la dictature du prolétariat, Etat de type nouveau reposant sur la représentation directe des travailleurs et rompant une fois pour toute avec la « légalité bourgeoise ». Les masses voulaient abattre le capitalisme, tentaient d’imposer une politique révolutionnaire à leurs dirigeants qui étaient trop aveugles, trop malhonnêtes, trop peureux ou trop sceptiques que pour appréhender la situation correctement. Ceux-ci seront les principaux obstacles sur la voie d’une prise de pouvoir effective : la révolution va s’arrêter à mi-chemin.

    Le mouvement ouvrier : analyses

    Anarchistes et anarco-syndicalistes refusent d’engager une lutte pour un pouvoir dont ils ne sauraient que faire vu qu’il serait contraire à leur principe. Ils affirmeront par la suite qu’ils auraient pu prendre le pouvoir mais qu’ils ne l’ont pas fait, non parce qu’ils ne le pouvaient pas mais parce qu’ils ne le voulaient pas. Cela n’empêchera pourtant pas les anarchistes d’accepter finalement des portefeuilles dans les 2 gouvernements : celui de la Généralité de Catalogne d’abord, celui de Madrid ensuite ! Autrement dit, de collaborer à un gouvernement bourgeois et qui plus est, à un moment où sa base dans le rapport de force a disparu…On cerne ici toute la faillite de la théorie anarchiste, prise au piège de ses propres contradictions : n’ayant pas d’alternative et de stratégie pour contrer la politique de la classe dominante, les anarchistes font la politique A LA PLACE de la classe dominante. En renonçant à exercer la dictature du prolétariat, ils acceptent dans les faits à exercer la dictature…de la bourgeoisie. Comme le disait Trotsky, renoncer à la conquête du pouvoir, c’est le laisser dans les mains de ceux qui le détiennent, c’est-à-dire aux exploiteurs.

    Le POUM était quant à lui l’organisation la plus honnête et la plus à gauche en Espagne. Mais bien qu’ils se dénommaient marxistes, les dirigeants du POUM resteront à la traîne des anarchistes pendant tout le conflit, et les suivront jusqu’à entrer dans le gouvernement de Catalogne avec eux. Au moment où l’heure a sonné de préparer la prise du pouvoir par les masses, Andrès Nin affirme que la dictature du prolétariat existe déjà en Espagne. Ensuite, alors que les dirigeants bourgeois profitent de la passivité des organisations ouvrières pour restaurer l’appareil d’Etat bourgeois, celui-ci devient ministre de la Justice en Catalogne. En couvrant ainsi l’aile gauche du Front Populaire, le POUM préparera la voie à sa propre destruction. Pourtant, le POUM avait d’énormes possibilités. Il était passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres en 6 semaines. Selon certaines sources, il aurait atteint jusqu’à 60.000 membres. Proportionnellement, il était donc numériquement plus fort que le Parti Bolchévik au début de la révolution russe. Malheureusement, oscillant entre le réformisme et la révolution, le POUM commettra toute une série d’erreurs qui lui seront fatales : au lieu de faire un travail dans la CNT, syndicat le plus puissant d’Espagne, les poumistes créeront leurs propres syndicats, laissant ainsi les travailleurs de la CNT dans les mains d’une direction aveugle et minée par la bureaucratie. Au lieu de faire un travail dans l’armée, ils créeront leurs propres milices. Cherchant ainsi des raccourcis dans la lutte des classes, ils isoleront l’avant-garde de la classe et laisseront les masses sans direction.

    Quant aux staliniens, il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’ils constitueront l’avant-garde de la contre-révolution espagnole. Pendant tout le conflit, les staliniens nageront complètement à contre-courant de la dynamique révolutionnaire, allant jusqu’à nier le fait qu’une révolution prenait place en Espagne. Il est clair que le but poursuivi à l’époque par Staline dans ce pays n’était pas la victoire de la révolution, mais seulement l’assurance de se constituer de bons alliés contre l’Allemagne nazie pour la 2ème guerre mondiale qui s’annonçait. Staline ne voulait à aucun prix du triomphe d’une révolution sociale en Espagne, parce qu’elle eût exproprié les capitaux investis par l’Angleterre, alliée présumée de l’URSS dans la « ronde des démocraties » contre Hitler. D’ailleurs, les staliniens ne le cachent pas. Dans un livre écrit par Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70, on peut lire : « Il est clair qu’à l’époque, la bourgeoisie européenne n’aurait pas toléré qu’un petit pays comme l’Espagne puisse victorieusement porter une révolution socialiste. A cette époque, nous ne parlions pas de révolution socialiste et nous critiquions même ceux qui le faisaient, car nous voulions neutraliser les forces bourgeoises des démocraties européennes. » Ce qu’on ne précise pas dans ce passage -très instructif, au demeurant-, c’est que les staliniens ne se contentaient pas de « critiquer » ceux qui parlaient d’une révolution socialiste, mais les arrêtaient, les emprisonnaient, les torturaient dans des prisons spéciales du GPU, les assassinaient…En outre, on a beaucoup de mal à croire que les classes dominantes anglaise et française étaient assez dupes pour ne pas se rendre compte qu’une révolution était en train de menacer leurs intérêts capitalistes en Espagne, et cela du simple fait que les staliniens refusaient d’en parler !

    Pour les staliniens, la lutte n’était pas entre révolution et contre-révolution mais entre démocratie et fascisme, ce qui rendait nécessaire le maintien du Front Populaire et de l’alliance avec les républicains bourgeois, le respect des institutions légales, de la démocratie parlementaire et du gouvernement. Le journal « L’Humanité » (journal du PCF) du 3 août 1936 affirmait : « Le peuple espagnol ne se bat pour l’établissement de la dictature du prolétariat mais pour un seul but : la défense de la loi et de l’ordre républicain dans le respect de la propriété. » Un argument souvent utilisé par les staliniens pour justifier la politique du Front Populaire est que celui-ci visait à « avancer un programme plus modéré capable d’attirer la petite-bourgeoisie vers le mouvement ouvrier ». S’il entendait cela, Lénine se retournerait dans sa tombe ! L’histoire du bolchévisme est l’histoire d’une guerre sans relâche contre de telles notions. Le moyen de gagner les couches moyennes à la cause du mouvement ouvrier n’est pas de lier les mains de ce dernier aux politiciens bourgeois, mais bien au contraire de faire tout pour les démasquer , de faire tout pour montrer l’incapacité de la bourgeoisie et de son système politique à résoudre la crise, de faire tout pour démontrer dans l’action que la seule issue se trouve du côté des travailleurs. En Russie en 1917, c’est cette politique de classe intransigeante qui a permis de gagner la confiance de la paysannerie et a ainsi assuré le succès de la révolution. La petite-bourgeoisie, de par sa position intermédiaire dans la société, a tendance, dans la lutte des classes, à se ranger du côté du « cheval gagnant », c’est-à-dire du côté de la classe qui se montrera la plus résolue et la plus à même de gagner la bataille. En Espagne en 1936, la politique de Front Populaire a seulement réussi à pousser la paysannerie et la petite-bourgeoisie des villes dans l’indifférence, voire dans les bras de la réaction fasciste.

    La réaction « démocratique »

    Dans ces conditions, les premiers succès des milices restent sans lendemain. Une machine de guerre moderne entre en action, la situation se renverse : les fascistes reprennent du terrain et procèdent à des massacres féroces. En septembre ’36, tous les comités sont dissous et remplacés par des conseils municipaux à l’image du gouvernement. Le corps des magistrats est remis en fonction, les milices placées sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur. Les conseils de soldats qui avaient vu le jour pendant la révolution sont supprimés, les grades, les galons et l’ancien code de Justice Militaire sont remis en vigueur.

    Le gouvernement, selon sa propre expression, « légalise les conquêtes révolutionnaires », ce qui constitue en réalité un moyen d’empêcher leur extension. Le coup d’arrêt porté à la révolution coïncide avec l’arrivée de l’aide matérielle russe (chars, tanks, avions…et police politique), qui s’était jusqu’ici engagée dans un pacte de « non-intervention », et l’entrée en scène, à l’initiative et sous le contrôle des différents partis communistes du monde, des « Brigades Internationales », formées de volontaires de tous pays venus combattre le fascisme.

    La contre-révolution stalinienne, la défaite et son prix

    La « réaction démocratique » fait ensuite place à la contre-révolution stalinienne dans toute sa cruauté, mettant la touche finale à l’étranglement de la révolution. L’Espagne devient un laboratoire pour la prochaine guerre mondiale où Staline va pouvoir démontrer aux puissances occidentales qu’il est un allié solide capable d’arrêter une révolution. Le mot d’ordre principal du PC est qu’il faut « d’abord gagner la guerre », et remettre à plus tard les questions sociales. Ce qu’il faisait mine de ne pas comprendre est qu’on ne pouvait gagner la guerre sans gagner la révolution. Il n’y avait évidemment pas de solution intermédiaire, à partir du moment où l’on admet la structure de classe de la société.

    Les staliniens vont exceller dans un travail consistant concrètement à aider le fascisme à triompher. En novembre ’36, le consul général d’URSS à Barcelone dénonce le journal du POUM « vendu au fascisme international ». La presse stalinienne se déchaîne contre les révolutionnaires, le POUM est dissout et tous ses dirigeants sont arrêtés. Andrès Nin et de nombreux militants trotskistes sont exécutés par la police politique ;on les accuse d’être « des fascistes déguisés qui emploient un langage révolutionnaire pour semer la confusion » (4).

    Le décret de collectivisation en Catalogne est suspendu, les propriétaires récupèrent les terres et les usines. Fin ’37, les premiers conseillers russes seront rappelés : la plupart seront à leur tour exécutés en URSS. Les envois d’armes diminuent rapidement. L’Espagne devient le théâtre d’une guerre classique où un camp se trouve en situation d’infériorité militaire et technique. Le calvaire durera jusqu’en ’39 ; il se terminera par de nombreux supplices et exécutions et par la victoire définitive de Franco.

    Conclusion

    Il s’est présenté en Espagne une situation révolutionnaire exceptionnellement favorable. Malheureusement, il n’y avait pas un parti révolutionnaire avec une direction capable de faire une analyse correcte de la situation, d’en tirer les conclusions nécessaires et de mener fermement les travailleurs à la prise du pouvoir. Trotsky disait que pour la solution victorieuse des tâches révolutionnaires qui se posaient à l’Espagne, il fallait trois conditions : un parti, encore un parti…et toujours un parti. Cette même conclusion peut être tirée de nombreux mouvements révolutionnaires qui jalonnent l’histoire du capitalisme. C’est pourquoi nous pensons que les leçons à tirer de cette expérience sont d’une importance cruciale et conservent toute leur actualité.


    (1) extrait d’une interview de Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70

    (2) voir Pierre Broué, « La Révolution et la Guerre d’Espagne » (p.87-88)

    (3) voir Pierre Broué, « La Révolution Espagnole 1931-1939 » (p.70)

    (4) José Diaz, discours du 9 mai 1937, « Tres Anos de Lucha » (pp.350-366)

  • Un syndicat combatif et démocratique: c’est possible

    Au mois de juin, en Grande-Bretagne, le syndicat des services publics PCS (Public and Commercial Services Union) a tenu son congrès annuel à Brighton. Les congressistes, parmi lesquels de nombreux jeunes, ont beaucoup participé aux discussions. Cela ne reflète d’ailleurs pas la situation qui existe dans beaucoup d’autres syndicats.

    Sous l’impulsion de la direction de gauche, une campagne de recrutement a été menée. Des travailleurs du rang ont été sollicités pour s’impliquer dans l’activité syndicale. Des réunions ont été organisées sur les plan local, régional et national où les participants ont été impliqués dans l’élaboration du programme de revendications et d’actions. Résultat: en deux ans, plus de 30.000 nouveaux affiliés ! En 2004, la grève générale de 24 heures a été un succès sur toute la ligne. Ces résultats doivent être mis en évidence quand on sait que ce syndicat était connu auparavant pour son caractère conservateur. Pendant la même période, quasiment tous les autres syndicats britanniques ont perdu des affiliés.

    Aux élections pour la direction nationale, cette année, l’aile gauche est sortie renforcée des urnes. Pour la troisième fois une direction de gauche a été élue. Sur les 35 membres de la direction nationale, 7 sont membres de notre organisation, et notamment la présidente Janice Goodrich.

    Au congrès, l’aile gauche a proposé que les secrétaires et les permanents syndicaux ne perçoivent pas un salaire supérieur à celui des travailleurs qu’ils représentent. Cela n’a cependant pas été compris pas tous. Par conséquent, les élus de gauche appliquent cette règle provisoirement sur une base volontaire.

  • De quels syndicats avons-nous besoin? Pour des syndicats combatifs et démocratiques

    De quels syndicats avons-nous besoin?

    Les syndicats sont régulièrement pris sous le feu des employeurs : ils les trouvent trop radicaux. Beaucoup de militants se demandent si on parle bien des mêmes syndicats! Beaucoup de travailleurs se demandent en effet si les syndicats les défendent encore et si, à l’époque de la mondialisation, les syndicats peuvent agir efficacement. Nous tentons ici d’apporter une réponse.

    Un délégué FGTB

    Au cours des récentes années, un grand nombre d’emplois ont disparu suite aux fermetures et aux rationalisations: la faillite de la Sabena et le démarrage de SN Brussels Airlines avec beaucoup moins de personnel et avec de plus mauvaises conditions de travail, la fermeture de la phase à chaud chez Arcelor à Liège, les nombreuses pertes d’emplois à La Poste et à la SNCB, etc. Dans la plupart des cas les syndicats ont à peine réagi. Les actions menées par les travailleurs ont timidement été soutenues par les syndicats qui se sont surtout contentés de canaliser les actions et de se concerter avec les employeurs. Un telle politique syndicale ne peut mener les travailleurs qu’à la démoralisation et même à l’antisyndicalisme.

    Il y a pourtant une aspiration des travailleurs à passer à l’action pour se défendre. Il suffit de citer les nombreux débrayages spontanés à La Poste ou aux TEC, les grèves sectorielles pour le renouvellement des conventions collectives ou encore la manifestation de masse du 21/12/04 pour un meilleur accord interprofessionnel. Les mobilisations dans le non-marchand montrent que les travailleurs sont mobilisables quand le jeu en vaut la chandelle.

    Et pourtant, malgré les nombreuses actions dans les secteurs, le résultat des conventions collectives est souvent plus maigre que ce qui était initialement prévu dans le projet d’accord interprofessionnel! Cela n’est pas dû à un manque de combativité de la base, mais à la couardise des directions syndicales soucieuses de la “santé économique” des entreprises et dont le radicalisme s’exprime en paroles mais pas en actes. Par exemple contre la directive Bolkestein.

    Ce n’est que lorsque ça dépasse vraiment les bornes, comme par exemple avec l’affaire Picanol (où le manager avait empoché un solide magot), qu’ils osent encore élever la voix pour s’en prendre au “mauvais” capitalisme. Où est le temps où, à l’intérieur des syndicats, une aile gauche remettait en cause le capitalisme même? Dans les années 80, la FGTB a encore mené des actions de masse contre la politique des gouvernements Martens-Gol. Aujourd’hui le sommet de la FGTB est un allié du gouvernement Verhofstadt via ses alliés politiques privilégiés (PS et SP.a).

    Il faut bien constater au-jourd’hui que l’aile gauche dans les syndicats est fluette et que les directions syndicales tentent vite de faire taire les voix dissidentes. Le putsch contre Albert Faust, au sein du SETCa de Bruxelles Hal Vilvorde, mené par un quarteron de secrétaires ambitieux, ralliés temporairement au SETCa national, sous la supervision de Mia De Vits, en est l’exemple le plus frappant. Quelques années plus tôt, les délégués les plus en pointe des Forges de Clabecq, en pleine bataille pour la réouverture de leur usine, avaient été exclus de la FGTB sans avoir la possibilité de se faire entendre dans les structures. La direction de la FGTB voudrait – comme à la CSC – une direction fortement centralisée pour pouvoir plus facilement faire la chasse aux dissidents. Cela semble momentanément leur réussir. Mais cela peut changer. Comment?

    Le MRS et le MPDS

    Pendant la lutte des travailleurs des Forges de Clabecq s’est créé le Mouvement pour le Renouveau Syndical (MRS). Ce fut un pôle d’attraction – bien que limité – pour tous ceux qui voulaient refaire du syndicat un organe de lutte. Le fait que la liste Debout, aux élections européennes de 1999, ait récolté 5% des voix dans certains cantons électoraux ouvriers montre l’audience qu’avaient ceux de Clabecq. Le MRS s’est cependant progressivement éteint après la fin du procès des 13 travailleurs des Forges, faute de perspectives et de structuration.

    Après la liquidation d’Albert Faust et son lynchage médiatique, le Mouvement pour la Démocratie Syndicale (MPDS) a été impulsé par les militants de gauche du SETCa de Bruxelles Hal Vilvorde. Cette initiative a tout de suite suscité l’intérêt de militants syndicaux de gauche d’autres secteurs, mais le MPDS, malgré ses efforts pour s’adresser à la gauche syndicale au-delà du SETCa, n’a pas pu réellement s’élargir.

    Le MRS et le MPDS ont pu se développer à partir de l’activisme et le militantisme de syndicalistes de gauche dans une période de lutte. Les militants du MAS présents dans le MRS et dans le MPDS ont insisté sur la nécessité d’avoir une analyse correcte de la situation économique et politique. Etre radical ne suffit pas en soi. Cela doit être encadré.

    Quand la lutte perd de son élan, le militantisme faiblit. La tâche d’une direction est alors d’analyser la situation et de réorienter le cours afin d’éviter la démoralisation des travailleurs et d’étayer le rapport de forces pour de futures luttes. Lorsque les travailleurs de Splintex ont entamé leur lutte courageuse pour le maintien de l’emploi, une gauche syndicale aurait pu jouer un rôle important pour soutenir et élargir le mouvement. En l’absence d’une telle gauche syndicale, les directions syndicales avaient les mains libres pour laisser le conflit s’asphyxier progressivement.

    Comment faire pour avoir des syndicats combatifs?

    Les militants combatifs sont actuellement peu nombreux et dispersés. Aujourd’hui la mise sur pied d’une structure pour les réunir risque de n’être, tout au plus, qu’une réédition de l’expérience du MRS et du MPDS, dans de plus mauvaises conditions. La tâche des syndicalistes de gauche consiste avant tout à œuvrer, sur les lieux de travail mêmes, à rassembler et à former un noyau syndical combatif capable d’analyser la situation et prêt à agir pour mettre en mouvement la masse des travailleurs pour se défendre contre les attaques patronales. Cela implique d’accorder beaucoup d’attention à l’implication des militants et de développer un travail de conscientisation vers les jeunes travailleurs.

    Des contacts informels, au sein du secteur et sur le plan régional, peuvent permettre de tisser peu à peu un réseau de militants syndicaux de gauche. Quand ce réseau aura suffisamment de poids, on pourra songer à le structurer pour mener la bataille au sein des syndicats pour exiger plus de démocratie syndicale.

  • Mouvement anti-guerre. Une majorité d’Américains veulent le retrait des troupes d’Irak

    Mouvement anti-guerre

    Semaine après semaine et sondage après sondage, deux grandes tendances se confirment aux Etats-Unis. La popularité de Bush plonge et est maintenant nettement en dessous des 50% tandis que l’hostilité à la poursuite de l’occupation militaire de l’Irak grandit.

    Jean Peltier

    Début juin, un sondage réalisé pour le quotidien USA Today indiquait que 59% des Américains souhaitent que les Etats-Unis procèdent à un retrait total ou partiel de leurs troupes d’Irak.

    Les deux tendances sont évidemment étroitement liées. Malgré le pilonnage pro-guerre et pro-Bush des grands médias, les Américains se rendent compte que, loin de s’améliorer, la situation continue à se dégrader en Irak. David Rumsfeld, secrétaire à la Défense et va-t’en-guerre de première classe, a dû le reconnaître lui-même en déclarant que " L’Irak n’est statistiquement pas plus sûr aujourd’hui qu’après la chute de Saddam Hussein ".

    Les statistiques qui tracassent Rumsfeld ne sont sans doute pas les 100.000 Irakiens qui, selon des estimations réalisées pour les Nations-Unies, ont trouvé la mort depuis l’invasion américaine. Ce sont plutôt les pertes matérielles et humaines qu’encaisse l’armée US – plus de 1.600 GI sont morts depuis que Bush a annoncé la fin de la guerre il y a deux ans – et l’effet que cela a sur le moral des troupes. Car celui-ci part en chute libre. Beaucoup de soldats sont partis en Irak persuadés qu’ils allaient libérer le pays et qu’ils seraient accueillis à bras ouverts par la population. Or, à la place de fleurs, ce sont des crachats, des pierres et une hostilité générale qu’ils reçoivent. Quand elles sortent de leurs bases ultra-protégées, les patrouilles risquent à tout moment de tomber dans des embuscades. En réaction, les soldats tirent à vue aux contrôles routiers ou lors des attaques nocturnes contre les quartiers sensés abriter des " terroristes ", ce qui renforce en retour la haine dans la population.

    Désertions et résistance

    Cette situation de tension extrême est de plus en plus mal vécue par les soldats US. Malgré le blocus total mis par l’Etat-major sur toutes les informations concernant le contingent américain en Irak, des informations commencent à percer. Les auto-mutilations se multiplient, les soldats blessés espérant être renvoyés chez eux. Plus étonnant encore, l’armée US elle-même a dû reconnaître plus de 6.000 désertions depuis le début de la guerre. Durant la même période, le nombre de demandes du statut d’objecteurs de conscience a triplé. Tout comme pendant la guerre du Vietnam, des organisations de soldats revenus d’Irak et de parents de soldats morts se développent et jouent un rôle important dans le mouvement contre la guerre.

    Rien d’étonnant dans ces conditions que l’armée US rencontre aujourd’hui un autre gros problème, celui du recrutement. Le nombre de volontaires pour partir en Irak étant lui aussi en chute libre, l’armée est obligée de multiplier les opérations de recrutement dans les écoles. C’est pourquoi le mouvement anti-guerre aide à développer un mouvement d’étudiants et de lycéens contre le recrutement militaire, qui dénonce les mensonges et les fausses promesses des militaires et multiplie stands et réunions de contr’information dans les écoles.

    Si, dans les années ’60 et ’70, les Etats-Unis ont perdu la guerre, ce n’est pas uniquement sur le terrain – dans les rizières, les forêts et les quartiers populaires du Vietnam – mais tout autant sur les campus universitaires américains. La guerre actuelle en Irak pourrait bien elle aussi être perdue autant dans les écoles et les villes US que dans les sables de Bagad.

  • Crise économique. Vers un nouveau Plan Global?

    L’économie belge ne va pas bien. Verhofstadt a tenté de le nier des mois durant dans les médias. Mais entre-temps, il travaillait bel et bien à un Plan Global qui soutiendra sans doute la comparaison avec le Plan Global de 1993. C’était alors le plan d’austérité le plus sévère depuis la Deuxième Guerre mondiale; il a mené à la plus grande grève générale de l’histoire de la Belgique.

    Bart Vandersteene

    Les pensions en danger

    Avant que le contrôle budgétaire de cette année ne soit clôturé et que la discussion sur le budget 2006 ne démarre, le gouvernement veut aller de l’avant dans le dossier des pensions. Seule 7% de la population croit que la pension légale suffira à leur garantir un revenu décent pour ses vieux jours. Sur ce plan, les patrons et le gouvernement ont déjà marqué pas mal de points. 20 années de propagande sur les pensions complémentaires et le maintien des pensions légales à un niveau très bas, ont répandu l’idée que les pouvoirs publics n’étaient pas en mesure de garantir une pension décente à tous.

    Le débat sur la réforme des pensions était annoncé depuis des mois. Et les premières propositions gouvernementales sortent peu à peu. Il en ressort que, non seulement nous devrons recourir à l’épargne privée pour compenser une pension trop basse, mais nous devrons en outre travailler plus longtemps pour y avoir droit. Aujourd’hui, après 35 ans, on peut prendre sa pension anticipée (avec cependant un poucentage de perte par année anticipée). Ils vont relever graduellement ce seuil à 40 ans. La possibilité de prendre sa pension de manière anticipée va ainsi devenir quasi impossible.

    L’économie stagne, on économise des milliards

    Malgré les déclarations ronflantes sur la prochaine relance économique, l’économie belge a stagné dans la première moitié de 2005. Et il y a pas vraiment matière à optimisme pour la deuxième moitié de l’année. Le secteur de la construction est le seul secteur de l’économie belge qui continue à croître. Mais cette croissance est entretenue par des taux d’intérêt historiquement bas. On peut obtenir un crédit hypothécaire à 3,5% avec un taux d’intérêt variable. Ça rend l’acquisition ou la construction d’un logement très attractive pour nous tous et davantage encore pour les spéculateurs. Conséquence: des hausses de prix énormes.

    Fin mai, le Bureau du Plan avertissait le Ministre du Budget Vande Lanotte que, à politique inchangée, on se dirigeait vers un déficit budgétaire de 0,5%, soit 1,5 milliard d’euros, en 2005. A ce moment-là, le Bureau du Plan prévoyait encore une croissance de 1,7%. Les chiffres du gouvernement, des banques, de la FEB et de l’OCDE sur la croissance économique ont servi d’instrument de propagande pendant des années pour nous faire croire que tout allait bien. Mais quelle est la base scientifique de tous ces chiffres? Au début de l’année, le gouvernement a calculé son budget sur base d’une prévision de croissance de 2,2%. En fait, on escomptait secrètement une croissance de plus de 2,5%. En avril, le gouvernement a fait un premier contrôle budgétaire et les prévisions de croissance ont été ramenées à 1,7%. Aujourd’hui, même les plus confiants ne semblent plus croire à une croissance supérieure à 1%.

    Il nous semble donc plus probable que le déficit s’élèvera à 2,5 milliards d’euros, soit 0,8% du budget. Ça signifie que le gouvernement va devoir mettre en oeuvre dès octobre un paquet de coupes budgétaires pour cette année-ci et un autre, bien plus lourd encore, de quelque 6 milliards d’euros pour l’année prochaine. Mais le gouvernement a multiplié les largesses envers le patronat. Entre 1993 et 2005, les patrons ont empoché annuellement des baisses de charges pour 3,75 milliards d’euros. Il suffirait de revenir sur ces largesses pour résoudre d’un coup pas mal de problèmes de la sécurité sociale. Ou, mieux encore, de s’en prendre à la fraude fiscale dont on s’accorde à dire qu’elle est d’au moins 15 milliards d’euros par an.

    La croissance économique ne dit pas tout

    Le patronat et le gouvernement accordent beaucoup d’attention aux chiffres bruts concernant la taille du gâteau économique. Et pour les travailleurs, les pensionnés, les chômeurs et les jeunes, il n’importe pas moins de savoir si le gâteau que nous produisons tous ensemble grandit ou non. En effet, plus grand est le gâteau, plus il y a de morceaux à distribuer. Mais la taille du gâteau ne dit rien sur son partage. Une plus grand gâteau ne signifie pas automatiquement davantage de prospérité pour tout le monde. La situation en Irlande en est une bonne illustration.

    L’Irlande produit le plus de richesse par tête d’habitant dans l’Union européenne. C’est dû à l’augmentation spectaculaire de la productivité que l’Irlande a connue ces 15 dernières années. Entre-temps, la part de la richesse produite qui va aux travailleurs a diminué de 25%. En 1991, les entreprises payaient encore 50% d’impôts sur leurs bénéfices, aujourd’hui ce n’est plus que 10 à 12,5%. Le prix moyen du loyer à Dublin a atteint les 1.300 euros par mois et le prix d’achat moyen d’une maison était de 303.000 euros l’année passée. Le taux de pauvreté des enfants y est de 15,7%, un chiffre très élevé pour un pays industrialisé. Il s’agit donc d’une forte croissance économique qui, loin de bénéficier à la majorité de la population, s’est au contraire faite à son détriment. Une croissance dans laquelle les travailleurs et leurs familles payent pour les profits de la bourgeoisie.

    Accroître la flexibilité? Est-il possible d’être encore plus flexible?

    Pour nous mettre en concurrence avec les travailleurs des pays voisins, le gouvernement veut nous rendre encore plus flexibles. Les travailleurs belges sont déjà parmi les plus flexibles du monde. Verhofstadt veut stimuler encore davantage le travail à pauses et le travail de nuit en prévoyant des primes supplémentaires pour les employeurs et en assouplissant la réglementation du travail intérimaire de façon à ce que les services publics puissent aussi y recourir. On prépare ainsi à la jeune génération un avenir fait de travail précaire et de revenus précaires. La pension à laquelle cette génération pourra encore prétendre après une telle "carrière" sera à l’avenant.

    La PS et le SP.a en maîtres d’œuvre de la régression sociale

    Il va sans dire que les partis sociaux-démocrates sont la force motrice de ce gouvernement . Ce sont les Vande Lanotte et les Vanden Bossche qui donnent le ton et qui jouent le rôle de maîtres d’oeuvre. Ils font valoir qu’ils ne peuvent pas faire autrement et qu’ils veillent à le faire d’une façon qui soit socialement acceptable. Quels mensonges ! Le PIB par tête d’habitant a augmenté de 37,5% ces dix dernières années. Si on décompte l’inflation (dévaluation de l’argent) qui était de 18,8% pour la même période, ça aurait dû signifier une hausse générale du niveau de vie de 18,7%. Mais tout le monde voit bien que ce sont surtout les grands actionnaires, les managers et les ménages à hauts revenus qui ont tiré les marrons du feu. Ces dix dernières années, les travailleurs, les pensionnés, les chômeurs et les jeunes ont vu les trains d’austérité se succéder l’un après l’autre.

    Malheureusement les directions syndicales prêtent leur concours au démantèlement de l’Etat-Providence d’après-guerre depuis fin des années ’80 qui a vu la social-démocratie revenir au gouvernement. Le risque est grand d’assister à une régression négociée en automne. Il faut que les militants syndicaux combatifs s’organisent dans leurs syndicats afin de pouvoir tenir en échec la direction actuelle et sa politique et de lutter pour un programme socialiste qui offre une réponse aux problèmes avec lesquels nous sommes confrontés.

    Cette direction a opté pour le "moindre mal": la régression socialement corrigée. Cela se traduit politiquement par un soutien au PS. Mais il devient chaque jour plus clair que cette politique ne pourra pas stopper la régression sociale. Le mouvement ouvrier a besoin de son propre parti. En Allemagne, des couches plus larges de travailleurs combatifs ont déjà tiré cette conclusion, ce qui a mené des groupes de militants issus de différents syndicats à lancer WASG (Alternative électorale pour la Justice sociale), une nouvelle formation à la gauche du SPD et des Verts. Les années qui viennent verront la question d’une telle formation se poser en Belgique également.

  • Ecole d’été 2005 avec des centaines de marxistes à l’appel

    Durant la première semaine d’août, l’école d’été internationale aura lieu à Gand. Elle sera organisée par Aktief Linkse Studenten (ALS/EGA). Des centaines de marxistes de toute l’Europe, et même de plus loin, vont vivre une semaine de discussions intenses.

    Jan Van Emous

    Comme l’an dernier, cette école permet aux participants d’échanger leurs expériences. L’analyse des événements mondiaux et les perspectives qui en découlent, permettront de mieux préparer nos interventions dans les prochaines luttes.

    On y discutera des conséquences économiques et politiques du ralentissement économique en Europe, du NON en France et aux Pays-Bas qui a envoyé par le fond la constitution européenne, du taux de chômage qui grimpe dans un tas de pays européens importants. D’autre part, nous assistons à la naissance de nouvelles formations politiques, comme la liste unitaire du PDS et de WASG en Allemagne. Quelle position doivent adopter les marxistes face à ces formations et quel travail politique ont déployé nos camarades allemands dans cette nouvelle formation politique à gauche?

    Les discussions porteront aussi sur les événements au-delà de l’Europe. La guerre en Irak est loin d’être finie et le barril de poudre du Moyen-Orient est toujours sur le point d’exploser. Dans plusieurs pays asiatiques, nos camarades jouent un rôle important dans les luttes : par exemple contre la politique de privatisation des télécommunications au Pakistan. Nos camarades du Sri Lanka ont joué un rôle important dans l’aide aux victimes du tsunami. En Amérique latine nous participons au développement d’une nouvelle formation politique au Brésil : le P-SOL. Là se pose la question d’un nouvel instrument politique face à la politique néo-libérale du gouvernement Lula. Des camarades de l’ex-Union soviétique viendront présenter un rapport sur les mobilisations de masse, au cours des derniers mois, qui ont renversé plusieurs régimes.

    L’an dernier, l’école d’été a accueilli 300 participants. Cette édition-ci ne manquera pas d’en faire autant. Pour assister à cette occasion formidable de participer aux discussions sur un éventail de sujets telsque: la lutte de femmes, l’écologie, le mouvement contre la mondialisation, les luttes ouvrières, etc. inscris-toi au plus vite!

  • Les masses dans la rue en Bolivie. La question du socialisme à l’ordre du jour

    Les masses dans la rue en Bolivie

    Dix-neuf mois d’agitation dans le pays le plus pauvre d’Amérique latine ont abouti, le vendredi 7 juin, à la démission du président honni Carlos Mesa. Mesa a ainsi subi le même sort que son prédécesseur, l’ultra libéral De Lozada, appelé aussi "le bourreau". De Lozada avait en effet donné l’ordre à l’armée, en octobre 2003, de tirer sur les manifestants.

    Emiel Nachtegael

    Mesa avait hérité d’un pays disloqué où 5,6 millions d’habitants sur 8 millions vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Les indigènes, la population indienne, sont considérés comme des citoyens de second zone. Trois millions d’habitants n’ont pas accès à l’eau potable. La population indienne est partie prenante de la mobilisation de masse (plus de 6.000 blocages de routes ou manifestations) des mineurs et des paysans.

    Revendication offensive de nationalisation

    La principale revendication était la nationalisation du gaz et du pétrole : un secteur qui, jusqu’à présent, est aux mains des multinationales espagnoles, françaises et britanniques. La Bolivie dispose de réserves importantes de gaz et de pétrole. Les réserves de gaz représentent à elles seules 100 milliards de dollars. Selon la multinationale espagnole Repsol-YPF qui a investit des millions en Bolivie, chaque dollar investi permet de faire un profit en rapporte dix. La deuxième revendication de la population indienne est l’élection d’une Assemblée constituante pour élaborer une nouvelle constitution plus démocratique qui donnera des droits à la population indigène. Felipe Quipe, porte-parole des Indiens Aymaras, qui ont paralysé les rues de la capitale La Paz et de la ville voisine d’El Alto (où un million d’Indiens vivent) a dirigé la fureur de la population contre Mesa en déclarant : " Mesa brade nos richesses. Il est du côté des multinationales et ne pense pas à son peuple. Il serait capable de vendre sa mère ! ".

    En juin dernier, le mouvement contre Mesa s’est durci. Une grève générale a paralysé l’ensemble du pays. Pendant plusieurs semaines les travailleurs et les paysans ont bloqué les voies d’accès à la capitale et ont occupé les champs pétroliers et gaziers. A El Alto et à Cochabamba, une ville industrielle à l’Est de La Paz, des assemblées populaires de travailleurs et d’habitants des quartiers ont eu lieu. Des milliers de manifestants ont fait le siège de La Paz aux cris de: "Mesa dehors! Tout le pouvoir au peuple!" Entre-temps, le parlement bourgeois et l’armée ont estimé que Mesa n’était plus en mesure de diriger le pays. Il a lancé à son successeur, le 7 juin dernier, les avertissements suivants: "La Bolivie est au bord de la guerre civile", "de nouvelles élections sont la seule issue pour le pays".

    Au bord de la guerre civile

    Après la démission de Mesa, le président du Sénat, Vaca Diez, a assuré l’intérim. Mais choisir Diez, un riche propriétaire terrien blanc soutenu par l’ambassade des Etats-Unis, c’était pour la bourgeoisie allumer une nouvelle mèche au tonneau de poudre. Afin de s’assurer de sa désignation en tant que président, il a déplacé la réunion du parlement de la capitale vers la ville de Sucre. Le mouvement redoutait que Diez ne rétablisse l’ordre par les armes, ce qui semblait être confirmé par la nouvelle selon laquelle un mineur avait été abattu le jour même. C’est la première victime après le départ de Lozada. La révolution a souvent besoin du fouet de la contre-révolution. Des milliers d’enseignants, de mineurs, de paysans, ont cerné la ville de Sucre. Entre-temps le personnel de l’aéroport s’est mis en grève et les parlementaires ne pouvaient plus accéder à la ville ou la quitter sans l’accord des grévistes. Par crainte d’une insurrection locale et d’une rupture avec l’armée Diez a renoncé à prendre la tête du pays. C’est Eduardo Rodriguez, président de la cour suprême, qui a finalement été choisi.

    Une voie sans issue?

    Eduardo Rodriguez est une personnalité en apparence "neutre". La bourgeoisie espère que la désignation de Rodriguez ainsi que la promesse de tenir des élections anticipées, peut rétablir le calme et lui permettre de gagner du temps pour rassembler ses forces. Rodriguez a reçu le soutien des patrons, de l’ambassade américaine et de l’Eglise catholique. A première vue il semblerait que la tempête se soit apaisée. Les mineurs et les paysans se sont retirés des rues de la capitale, mais ils ont promis de revenir si le nouveau gouvernement ne donnait pas satisfaction à leurs revendications.

    Rodriguez a déclaré de façon crue: "Je ne peux prendre aucune décision politique". Pendant les périodes où la domination de la bourgeoisie est menacée – et où une situation de double pouvoir entre les autorités et les masses auto-organisées persiste – la bourgeoisie essaie toujours de gagner du temps. L’intronisation de Rodriguez ne signifie pas la fin, mais plutôt une pause, de la "guerre du gaz" en Bolivie. La profondeur de la crise et la détermination des masses signifient que ce n’est qu’un répit et que le mouvement va reprendre.

    Le prolétariat ou la bourgeoisie au pouvoir?

    Malgré les mobilisations de masse exemplaires et la combativité de la classe ouvrière et des paysans indiens, il n’y a pas encore de mouvement conscient pour le renversement du capitalisme. Dans une telle situation, un parti révolutionnaire est une nécessité vitale pour traduire les aspirations des masses sur le plan politique; un parti capable d’orienter la lutte vers l’instauration d’un gouvernement ouvrier et paysan. Plus personne ne croit encore dans les partis traditionnels. Il y a un vide immense à gauche. Lors des élections municipales de décembre dernier, la principale organisation politique réformiste de gauche, le MAS (Mouvement vers le Socialisme), dirigé par Evo Morales, a recueilli le plus de suffrages : 18%.

    Le MAS occupe maintenant un cinquième des sièges au congrès. Morales, connu comme dirigeant des paysans planteurs de coca, est dépassé sur sa gauche par les secteurs les mieux organisés de la classe ouvrière et des paysans pauvres qui veulent aller plus loin. Malheureusement le MAS – malgré son nom ! – n’a pas la moindre idée sur la façon d’aller au socialisme. Au début de l’an dernier, Morales déclarait encore que la revendication de nationalisation était irréaliste, alors que les masses sont descendues dans la rue avec cette revendication, et que lors d’un référendum, la population s’est prononcée pour la nationalisation.

    Après le siège de Sucre, Morales a appelé à la fin de la grève et à la levée des barrages sur les routes afin de "donner du temps au nouveau président". Et ceci, au moment où les secteurs les plus combatifs du mouvement, notamment à El Alto, posaient un ultimatum au nouveau gouvernement pour satisfaire immédiatement leurs revendications. Si le MAS continue de faire des concessions à la bourgeoisie, il se produira immanquablement une rupture avec la base.

    Un potentiel révolutionnaire actuel

    Une période de statu quo entre les classes peut éventuellement exister, mais pas de manière durable. Un parti révolutionnaire doit concentrer l’énergie des masses et la canaliser comme un cylindre canalise la vapeur dans une locomotive à vapeur. Dans le passé de telles situations pré-révolutionnaires ont existé. Par exemple en Argentine en 2001. Elles peuvent toutefois être fatales. Fautes de perspectives, le découragement peut s’installer dans les couches intermédiaires de la société et gagner progressivement les secteurs les plus combatifs.

    L’appareil d’état, en Bolivie, (l’armée, le parlement, les tribunaux, les médias, …) ne maîtrisent pas la situation. La bourgeoisie est affolée, mais pas impuissante. Le long entretien de Rodriguez avec le chef de l’armée, Luis Aranda, doit être pris au sérieux. Incontestablement une partie de la caste militaire voudrait rétablir l’ordre de façon plus brutale. La seule chance de neutraliser rapidement la contre-révolution est de préparer la prise du pouvoir par les masses. Cela doit être combiné avec un appel aux soldats et aux sous-officiers de former des comités de soldats, d’élire les officiers et de les placer sous le contrôle de ces comités. Les officiers d’extrême-droite doivent comparaître devant des tribunaux populaires et être démis de leurs fonctions.

    Une assemblée nationale de représentants des organisations de lutte dans les quartiers, des ouvriers agricoles, des paysans, des mineurs doit être convoquée le plus vite possible. Elle devrait mener à la mise sur pied d’une assemblée constituante révolutionnaire appuyée sur des comités démocratiquement élus par les masses dans les entreprises, les quartiers, les écoles. Dans son livre Histoire de la Révolution russe, Léon Trotsky décrit de tels organes tels que les soviets de 1917, comme "des comités de grève à grande échelle".

    Les fonctions de ces organes révolutionnaires s’accroissent au fur et à mesure (contrôle du ravitaillement, remise en route des entreprises, contrôle des moyens de communication) et devraient conduire à la prise du pouvoir dans toute la société par un gouvernement ouvrier et paysan. Les nationalisations ne peuvent élever significativement le niveau de vie des masses que si le gouvernement est entièrement composé de représentants élus par les travailleurs et les paysans pauvres. Les richesses doivent être mises, sous le contrôle d’une économie démocratiquement planifiée, au service des besoins des masses. En outre, un parti révolutionnaire doit lancer un appel à l’extension de la révolution dans toute l’Amérique latine. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut aller à la victoire. Les masses n’ont que leurs chaînes à perdre !

  • Les profits avant la musique? Boutez les multinationales hors de nos festivals!

    Tu te demandes toi aussi pourquoi payer 100 euros pour voir U2 ? Ou pourquoi Rock Werchter est devenu si cher ? Il ne faut pas chercher bien loin : depuis que Clear Channel contrôle ici aussi les grands shows et festivals, les profits de cette entreprise priment tout le reste. Et nous en payons le prix fort.

    Christophe De Brabanter

    Peut-être as-tu déjà aperçu le nom de Clear Channel sur les panneaux de pub dans les abribus ou dans les gares. L’entreprise a acheté sa première chaîne de radio en 1972 aux Etats-Unis. Elle y contrôle aujourd’hui entre autres 1.200 chaînes de radio, 700.0000 panneaux de pub et 36 chaînes de télévision. La diversité des chansons jouées sur les chaînes radio de Clear Channel a diminué de 60% entre 1996 et 2002. La publicité s’y taille désormais la part du lion pour atteindre dans certains cas les 40 minutes par heure d’émission! Clear Channel est actif dans 65 pays et a empoché 1,9 milliard de dollars de recettes au premier trimestre de 2005 !

    La Belgique n’échappe pas non plus à l’emprise de Clear Channel. Ils ont par exemple fait main basse sur On The Rox, Rock Werchter, Sound&Vision, Make it Happen, T/W Classics, I Love Techno,… Les amateurs de festivals l’auront certainement remarqué aux augmentations annuelles du prix des tickets. Ils ont partout augmenté d’au moins 20% ces dernières années. En 2002, un ticket à Forest-National coûtait environ de 30 à 35 euros. En 2004, il en coûtait déjà 45, et aujourd’hui on dépasse les 100 euros. Quant aux panneaux de pub, Clear Channel contrôle déjà 43% du marché belge.

    Clear Channel déclare être politiquement neutre. Or, lors des dernières élections présidentielles aux Etats-Unis, l’entreprise avait soutenu financièrement Bush ainsi que Kerry. De plus, un membre de la famille de Bush est à la direction de Clear Channel. Pendant la guerre en Irak, les "avantages" de la guerre étaient largement mis en avant sur les chaines de radio de Clear Channel. Certains artistes en étaient bannis (comme par exemple Rage Against the Machine ou les Dixie Chicks qui se tournaient contre la politique de Bush). Les (maigres) manifestations de soutien à la guerre avaient droit à un compte-rendu en long et en large sur les ondes de Clear Channel (103 millions d’auditeurs aux Etats-Unis).

    Pendant les élections présidentielles, Clear Channel a donné 42.200 dollars à Bush et 335.000 à la campagne électorale des Républicains. Ces sommes proviennent de l’extorsion de notre argent de poche englouti dans les shows et les festivals… La multinationale Clear Channel ne s’intéresse qu’aux profits et fait de la propagande pour le compte de l’élite dirigeante. La liberté de la presse, la liberté artistique, le plaisir qu’on peut retirer de chouettes festivals à un prix abordable et avec de la bonne musique passent (c’est le cas de le dire !) par pertes et profits.

    La mainmise croissante de la logique commerciale et de la soif de profits sur nos lieux de loisirs est une conséquence du système capitaliste. Face aux multinationales comme Clear Channel, le MAS défend la liberté culturelle et musicale. Pour cela, il faut que le profit cesse d’occuper la place centrale. Alors seulement la fréquentation des festivals redeviendra un plaisir abordable en même temps qu’une plus grande diversité artistique retrouvera ses droits.

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