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  • Théorie : La révolution permanente aujourd’hui

    Nous publions ci-dessous un texte de Peter Taaffe, écrit pour servir d’introduction à l’ouvrage de Léon Trotsky «La Révolution Permanente», que nos camarades du Socialist Movement Pakistan (CIO-Pakistan) vont traduire en urdu et publier.

    Par Peter Taaffe

    En quoi la théorie de la Révolution Permanente développée par Trotsky est-elle toujours adaptée aux problèmes rencontrés par le mouvement ouvrier ou la cause paysanne d’aujourd’hui? Cette théorie a, après tout, été formulée il y a plus d’un siècle, lors de la première révolution russe de 1905-07. On pourrait se poser le même genre de question – et certains le font – à propos des idées de Marx, Engels, Lénine et Luxembourg. Mais ce qui est important, ce n’est pas l’âge d’une idée (une méthode d’analyse sur laquelle se base l’action de masse). Tant qu’elle permet de décrire la situation actuelle avec plus d’exactitude que ne le font les «nouvelles» théories, elle garde toute sa pertinence dans l’ère moderne. C’est d’ailleurs particulièrement le cas pour les masses du monde néocolonial, et surtout dans un pays aussi crucial que le Pakistan avec ses 200 millions d’habitants. Ces masses sont confrontées aux horribles problèmes qui découlent d’une révolution démocratique-capitaliste inachevée.

    La situation que connaît le Pakistan aujourd’hui est semblable à celle de la Russie durant les deux premières décennies du XXe siècle. La Russie n’avait alors pas achevé sa révolution capitaliste-démocratique: une réforme agraire réalisée en profondeur, la suppression des vestiges féodaux et semi-féodaux dans les campagnes, l’unification du pays, la résolution de la question nationale, la libération de la domination de l’impérialisme étranger. En même temps, il n’y avait aucune démocratie – c’est-à-dire, le droit d’élire un Parlement démocratique, la liberté de la presse, des droits syndicaux, etc. Ce système était couronné par un Etat tsariste brutal, autocratique, et vieillissant. Comment résoudre la révolution capitaliste-démocratique? Voilà LA question qui se posait au jeune mouvement ouvrier russe. Les diverses théories abordant cette question ont été testées dans la pratique lors des trois révolutions russes de 1905-07, de février 1917 et d’octobre 1917. Cette dernière, pour la première fois au cours de l’Histoire, a porté la classe ouvrière au pouvoir. Elle reste à ce jour le plus important événement de l’Histoire de l’humanité.

    La révolution bourgeoise

    Lénine et Trotsky divergeaient fondamentalement des Menchéviks (la fraction minoritaire qui s’est détachée du Parti Ouvrier Social-Démocrate Russe), lesquels croyaient que la tâche de la classe ouvrière dans les pays économiquement sous-développés, tels que la Russie à ce moment, était de s’associer aux capitalistes libéraux avec un « «soutien critique» afin de les aider à accomplir «leur» révolution. Ils considéraient en effet les capitalistes libéraux comme les principaux agents de la révolution capitaliste-démocratique. Toutefois, le développement tardif des capitalistes en tant que classe – comme cela avait déjà été démontré par les capitalistes allemands en 1848, lorsqu’ils refusèrent de porter la révolution jusqu’au bout – signifiait qu’ils étaient incapables d’accomplir cette tâche historique.

    Tout d’abord, les capitalistes avaient investi dans la terre et les seigneurs féodaux avaient investi dans l’industrie. Tous deux étaient liés, particulièrement à l’ère moderne, au capital des banques. Par conséquent, toute révolution démocratique-bourgeoise accomplie en profondeur aurait été réalisée non seulement contre les seigneurs féodaux, mais également contre les capitalistes eux-mêmes ainsi que leurs représentants politiques, les partis capitalistes libéraux. Ils avaient par-dessus tout peur que les masses – qui dans toutes les révolutions (y compris dans les révolutions capitalistes) sont le principal agent de changement – ne les poussent toujours plus vers l’avant avec leurs propres revendications, en remettant ainsi en question la position des capitalistes eux-mêmes. Même lors de la révolution bourgeoise française de 1789, ce sont ces plébéiens qu’étaient les «sans-culottes» qui ont été les principaux agents du balayage de tous les débris féodaux qui s’accrochaient à la société française. Mais ensuite, en 1793-94, ils ont commencé à revendiquer des mesures qui iraient dans leur propre intérêt, tels que des «salaires maximaux» et la «démocratie directe», ce que les représentants de la bourgeoisie nouvellement au pouvoir ont vu comme une menace, avec raison. Les sans-culottes ont été réprimés, tout d’abord par le Directoire, ensuite par Napoléon Bonaparte lui-même.

    C’est une crainte similaire, bien qu’encore plus prononcée, qui a étreint la bourgeoisie allemande lors de la révolution de 1848. La peur des masses a alors refreiné la volonté des bourgeois d’instaurer leur propre règne politique incontesté, d’où le compromis conclu entre les partis bourgeois et petit-bourgeois et le féodalisme et son représentant, la monarchie. Dans le cas de l’Allemagne, il a fallu attendre l’intervention de Bismarck dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, basée sur les Junkers (les anciens représentants de la réaction féodale terrienne) pour accomplir tardivement la révolution capitaliste-démocratique «par en haut». Et même alors, cette révolution ne fut qu’incomplète, et ce n’est qu’après la Première Guerre Mondiale, avec l’éphémère révolution ouvrière de 1918, que ce processus fut achevé.

    Lénine et la «Dictature Démocratique»

    Lénine et Trotsky s’opposaient à cette idée menchévique selon laquelle les capitalistes libéraux pourraient accomplir leur propre révolution en Russie. Les capitalistes étaient arrivés trop tardivement sur l’arène politique, et avaient peur des masses. C’est à partir de cela que Lénine formula l’idée de la «dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie». Pour Lénine – tout comme pour Marx – la «dictature» signifiait le régime d’une classe bien définie. Le terme de «dictature de la classe ouvrière» signifiait le règne démocratique des masses laborieuses et non un régime militaire ou une «dictature» bonapartiste au-dessus des masses, comme les adversaires du marxisme le prétendent. Puisque le stalinisme – une dictature à parti unique organisée par une élite bureaucratique basée sur une économie planifiée – a terni la compréhension des masses, le marxisme actuel n’utilise plus ce terme de «dictature». De nos jours, l’expression de «démocratie ouvrière» exprime mieux l’idée de Marx et de Lénine. L’idée de Lénine était en fait une proposition d’alliance entre la classe ouvrière et la paysannerie en tant que forces principales dans un mouvement de masse pour accomplir la révolution capitaliste-démocratique. Trotsky était d’accord avec Lénine sur le fait que c’était là les seules forces capables de faire aboutir ce processus.

    Cependant, la faiblesse de la formule de Lénine était de ne pas préciser quelle force serait dominante dans le cadre d’une telle alliance: la classe ouvrière ou la paysannerie? Trotsky a souligné le fait que l’Histoire démontre que la paysannerie n’a jamais joué un rôle indépendant. Dispersée à travers la campagne, avec peu d’accès à la culture des villes – avec leur littérature, leurs théâtres, leurs grandes populations concentrées – les paysans ont toujours été destinés à rechercher un dirigeant dans les zones urbaines. Ils pouvaient soutenir les bourgeois, ce qui serait au final revenu à trahir leurs propres intérêts. Ceci du fait que les capitalistes ne pouvaient pas parachever une réforme agraire en profondeur qui aurait bénéficié à la masse des paysans. Ou ils pouvaient trouver un dirigeant parmi la classe ouvrière.

    Lénine avait en fait laissé ouverte la question la classe qui dominerait au sein d’une alliance entre classe ouvrière et paysannerie. Sa formule était une «formule algébrique» et il a laissé l’Histoire lui donner une forme concrète. Trotsky, avec sa fameuse «Théorie de la Révolution permanente», a été plus loin que Lénine. Karl Marx lui-même avait le premier parlé du caractère «permanent» de la révolution, en tirant les leçons des révolutions de 1848. En 1850, il écrivait ainsi: «C’est notre intérêt et notre tâche de rendre la révolution permanente jusqu’à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été chassées de leurs positions dominantes». Mais Trotsky est allé plus loin et a conclu qu’une fois que la classe ouvrière aurait attiré derrière son drapeau la masse de la paysannerie et qu’elle aurait pris le pouvoir, celle-ci serait forcée de passer aux tâches socialistes, sur le plan national comme sur le plan international.

    Cela revenait en somme à brillamment anticiper la révolution d’Octobre 1917. La classe ouvrière y a pris le pouvoir à Petrograd, le siège des troubles révolutionnaires de l’époque, et à Moscou. Ensuite, elle en a appelé aux masses rurales, a lancé une réforme pour donner «la terre au laboureur», ce qui lui a acquis la paysannerie. Mais les seigneurs féodaux dépossédés se sont unis aux capitalistes – réactionnaires comme «libéraux» – dans une tentative commune d’étrangler la Révolution russe. La paysannerie, tout au long des trois ans que dura la guerre civile, s’est ralliée aux ouvriers et à leur parti, le parti bolchévique. Elle avait fini par comprendre dans l’action que les ouvriers seraient les seuls à leur donner la terre. Même l’intervention de vingt-et-une armées impérialistes n’a pas pu empêcher la révolution de triompher. Pourtant, à un moment, ces interventions avaient réduit l’étendue de la révolution à la seule vieille province de Moscovie, autour de Petrograd et de Moscou….

    Une autre caractéristique de cette théorie est l’idée du «développement inégal et combiné», en particulier lorsque l’on se penche sur le sort des pays sous-développés, même aujourd’hui. La Russie elle-même, avant 1917, était une très claire illustration de ce phénomène. Elle combinait une extrême arriération au niveau du foncier – propriété féodale, semi-féodale, etc. – avec le dernier cri de la technique dans l’industrie, largement en raison de l’intervention massive du capital français et britannique. Les conséquences en Russie ont été le développement d’une classe ouvrière jeune et dynamique organisée dans de grandes usines, aux côtés de formations économiques et culturelles archaïques. Un développement similaire a depuis lors pris place dans d’autres pays du monde néocolonial.

    Les attaques contre la théorie de la révolution permanente

    Par conséquent, la révolution permanente a pris corps, non seulement dans la théorie formulée il y a plus de cent ans, mais aussi dans la pratique de l’action elle-même lors du triomphe de la Révolution russe. Cela n’a toutefois pas empêché les attaques continuelles contre l’auteur de cette théorie comme contre cette théorie en elle-même. La bureaucratie personnifiée par Staline qui a usurpé le pouvoir en Russie suite de l’isolement de la Révolution russe a lancé une attaque d’ampleur contre cette théorie. Les staliniens avaient emprunté l’idée menchévique d’«étapes». Selon cette théorie, le développement d’une société doit d’abord parvenir à l’étape capitaliste, suivi à un certain moment de l’avenir par l’étape «socialiste». Au cours du premier stade, les partis ouvriers sont obligés d’accorder un «soutien critique» aux partis capitalistes, et en particulier aux libéraux, jusqu’à inclure le soutien et même la participation aux gouvernement libéraux bourgeois. Lorsqu’elle a été mise en pratique par les partis staliniens cette idée a – sans exception – conduit à des désastres complets, surtout dans le monde néocolonial.

    La révolution chinoise de 1925-27 avait une possibilité de victoire sous la bannière de la classe ouvrière et du jeune Parti Communiste Chinois encore plus grande que ce n’avait été le cas en Russie moins de dix ans plus tôt. Une classe ouvrière surexploitée, maintenue au statut de bétail, s’est dressée pour donner lieu à l’un des plus magnifiques mouvements de l’Histoire, créé par un Parti Communiste de masse, avec une majorité des paysans attirés dans une guerre contre le féodalisme et le capitalisme. Même si les masses avaient à peine formé des syndicats, elles ont également tenté de créer des soviets – des conseils ouvriers et paysans – comme autant d’organes de la révolution. Ce mouvement cherchait à suivre l’exemple de la Révolution russe. Malheureusement, la grandissante bureaucratie stalinienne de Russie a déterminé que le rythme de la révolution chinoise ne pourrait se poursuivre que dans un corset menchévique. Mais cette fois-ci, le corset menchevique était tenu par Staline lui-même. En conséquence, cela a abouti en un soutien pour le Guomindang «radical» de Tchang Kaï Chek. Ce soutien a été jusqu’à reconnaître le Guomindang comme une section sympathisante de l’Internationale Communiste. Tout cela a fini en désastre. La révolution a été noyée dans le sang, et c’est sur son cadavre que s’est élevée la monstrueuse dictature de Tchang Kaï Chek.

    Ces évènements ont donné un aperçu de ce qui ce serait produit en Russie si les idées des menchéviks avaient été suivies durant la révolution. Elles auraient conduit, comme dans d’autres situations, à une révolution avortée. Le Général Kornilov vaincu en septembre 1917 (ou un autre militaire du même acabit) aurait imposé une dictature sanglante instaurée sur le cadavre de la Révolution russe. Cette possibilité a été empêchée par l’activité du parti bolchévique dirigé par Lénine, Trotsky et leurs idées. Les désastres rencontrés dans le monde néocolonial – avec le massacre de communistes en Indonésie, les flux et reflux au Vietnam après la Seconde Guerre Mondiale et bien d’autres exemples – sont les conséquences directes de la politique menchévique de la révolution par «stades» ou «étapes» mise en œuvre par les staliniens en lieu et place des brillantes idées de Trotsky partagées par Lénine en Octobre 1917.

    Cependant, malgré cela, certains «marxistes» s’attaquent aux idées de Trotsky et à la théorie de la révolution permanente, parfois même ceux qui hier encore les enseignaient. D’autres ont même soutenu l’idée de la «révolution permanente» tout en pratiquant la position menchévique, en soutenant la participation d’organisations ouvrières à des gouvernements de coalition avec des partis capitalistes. Dans la première catégorie de ceux qui rejettent Trotsky, on retrouve par exemple les deux ailes du Democratic Socialist Party (DSP) en Australie maintenant dissout. Cette organisation a été très loin dans leur attaque contre l’idée de la révolution permanente de Trotsky. Un de leurs dirigeants, Doug Lorimer, alors qu’il s’attaquait à l’un de nos tracts écrit dans les années ‘70, a opposé l’idée de la «dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie» de Lénine à la révolution permanente de Trotsky. Pour y parvenir, ce qu’il admet avoir été difficile, il s’est lancé dans une politique de mensonges. Il a falsifié des citations, en a utilisé d’autres à moitié, a recouru à de petits sous-entendus, etc. tout cela étant destiné à opposer à Trotsky l’idée «plus correcte» de Lénine et de sa «dictature démocratique».

    Ce n’était pas là faire preuve d’une grande originalité. Karl Radek, qui a été un moment donné un des membres dirigeants de l’Opposition de Gauche «de Trotsky» contre le stalinisme, avait également attaqué la théorie de la révolution permanente après avoir capitulé et fait la paix avec Staline. Trotsky avait souligné dans sa réponse le fait que Radek «n’avait pas trouvé le moindre nouvel argument contre la théorie de la révolution permanente». Trotsky l’a traité d’«épigone» (c-à-d de larbin) des staliniens. Lorimer n’a pas agi de façon différente. En parlant de la révolution russe de 1905, il écrivait: «Selon Lénine, l’accomplissement de la révolution démocratique-bourgeoise par une alliance entre ouvriers et paysans, dirigée par le parti marxiste, permettrait ensuite à la classe ouvrière, en alliance avec la majorité pauvre et semi-prolétaire de la paysannerie, de passer à la révolution socialiste de manière ininterrompue».

    Mais Lénine n’a qu’occasionnellement mentionné le fait de passer «de manière ininterrompue» à la révolution socialiste lorsqu’il adhérait à son idée de la «dictature démocratique». Cette idée d’une révolution «ininterrompue» ou «permanente» a été mise en avant en premier lieu par Trotsky dans son livre «Bilans et Perspectives» (1906). L’idée principale de Lénine était que la révolution démocratique-bourgeoise aurait pu au moins conduire à «stimuler» la révolution en Europe occidentale, qui viendrait ensuite à la rescousse des ouvriers et paysans en Russie, pour alors seulement mettre le «socialisme» à l’ordre du jour. Si Lénine avait avancé cette idée de manière cohérente jusqu’à sa conclusion, comme Lorimer l’a ainsi suggéré, il n’y aurait eu aucune différence fondamentale quant à la révolution entre lui et Trotsky. Mais Lénine envisageait clairement toute une période et un développement de la société et de la classe ouvrière entre le moment de la «dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie» et l’arrivée au pouvoir du socialisme. Il n’y a ici rien d’«ininterrompu».

    Le rôle de la paysannerie

    Une autre légende perpétuée par les staliniens et par certains tels que l’ancien DSP est que Trotsky «sous-estimait la paysannerie» en croyant que la classe ouvrière seule pourrait porter la révolution à son terme en Russie. Il était par conséquent contre une véritable alliance entre la paysannerie et la classe ouvrière. A propos de toutes ces tentatives de trouver une différence fondamentale entre lui et Lénine, Trotsky avait écrit «Le diable lui-même peut citer les Ecritures à son gré». Il a admis qu’il y avait des «trous» dans sa théorie de la révolution permanente telle qu’elle avait été publiée au départ, en 1906. L’Histoire, et particulièrement l’expérience des révolutions de Février et d’Octobre 1917, a rempli ces «trous», mais pas de sorte à infirmer l’idée générale de Trotsky. Bien au contraire, ces expériences l’ont confirmée et renforcée.

    Voyez avec quelle honnêteté Trotsky retrace l’évolution de ses idées face à leur distorsion honteuse du fait de Staline, puis de Radek et d’autres. Il a écrit en réponse à Radek que: «Je ne veux pas dire par-là que, dans tous mes ouvrages, ma conception de la révolution est représentée par une ligne unique et inaltérable… J’ai écrit aussi des articles où les problèmes du moment et les exagérations polémiques, inévitables dans les luttes quotidiennes, occupèrent le premier plan et rompirent l’unité de la ligne stratégique. On trouvera, par exemple, des articles où j’exprimais des doutes sur le futur rôle révolutionnaire de toute la paysannerie, comme classe, et où, par conséquent, je refusais (surtout pendant la guerre impérialiste) d’appeler “nationale” la future révolution russe, qualifiant d’équivoque cette caractérisation». Il poursuit ainsi: «Il est à noter que Lénine, qui n’oublia pas un instant le problème agraire dans ses proportions gigantesques et qui, dans ce domaine, fut notre maître à tous, n’était pas sûr, même après la révolution de Février, que nous réussirions à détacher la paysannerie de la bourgeoisie et à la faire marcher avec nous».

    Lorimer a beaucoup parlé de Trotsky dans le passé, dans ses premiers ouvrages, cherchant une alliance entre la classe ouvrière et les paysans pauvres plutôt qu’avec «la paysannerie dans son ensemble». Lénine lui-même parlait parfois de la même manière que Trotsky de la création de liens entre le prolétariat et les couches les plus pauvres des villages, etc. Mais en 1917, la classe ouvrière a, pendant la révolution, mené la paysannerie vers l’accomplissement de la révolution démocratique-bourgeoise, sans s’y arrêter. Elle est ensuite passée, de manière «ininterrompue», à la mise en œuvre des premières tâches socialistes en Russie et à l’élargissement international de la révolution.

    Des constructions fantastiques ont été élaborées par les adversaires de cette théorie, notamment pour affirmer que la Révolution d’Octobre n’aurait pas été une révolution socialiste mais représentait la victoire de la révolution démocratique-bourgeoise par la «dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie». Cela n’aurait constitué qu’une «première étape» séparée (en accord avec la théorie des «deux stades»), la révolution socialiste n’ayant soi-disant été accomplie qu’en été et automne 1918. Cette conception mécaniste et erronée recherche à artificiellement séparer l’accomplissement de la révolution démocratique-bourgeoise des tâches socialistes. Elle est complètement inexacte appliquée à Octobre 1917. Qui plus est, elle serait absolument fatale si, comme dans le passé, elle serait appliquée à la situation existant aujourd’hui dans de nombreux pays du monde néocolonial, comme le Pakistan.

    La Chine et Cuba

    Certains, tels que l’ancien DSP, utilisent même l’argument selon lequel la Chine et Cuba sont une confirmation de la première position de Lénine de la «révolution démocratique» et du «d’abord la phase démocratique, ensuite la phase socialiste». Au contraire, ces révolutions ont été une affirmation de l’exactitude de la révolution permanente de Trotsky, bien que de façon caricaturée. Une révolution sociale s’est effectivement produite en Chine et à Cuba, mais sans les soviets et la démocratie ouvrière qui existait lors de la Révolution russe de 1917. En Chine, un régime de parti unique maoïste-staliniste a été instauré dès le départ, bien qu’avec une économie planifiée. A cuba, il est vrai que la révolution a connu quelques éléments de contrôle ouvrier, mais pas une complète démocratie ouvrière à la russe. Cela a limité l’attrait de ces deux révolutions – en particulier pour la classe ouvrière internationale – qui n’ont pas eu le même effet hypnotique que la Révolution bolchévique au cours des «Dix jours qui ébranlèrent le monde».

    Certains affirment même qu’il peut y avoir des partis paysans «indépendants» qui peuvent participer à un gouvernement de coalition avec les «partis ouvriers» afin d’accomplir la révolution bourgeoise. Certains tirent même des citations isolées de Lénine dans lesquelles il suggère ceci: «Un gouvernement révolutionnaire provisoire est nécessaire… [Le POSDR] déclare tout net qu’en principe la participation de la social-démocratie au gouvernement révolutionnaire provisoire (en période de révolution démocratique, en période de lutte pour la République) est admissible». [V.I Lénine, Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique, Ch. 2]

    En commentant cela, Trotsky a concédé que Lénine a effectivement formulé une idée de ce genre. Mais Trotsky a décrit cela comme étant «incroyable» et, qui plus est, en contradiction avec tout ce que Lénine a défendu par la suite, y compris dans la période allant de la révolution de Février à celle d’Octobre. Lénine, dans ses «Lettres de loin» a même condamné le moindre soutien «critique» au Gouvernement Provisoire et a demandé une indépendance de classe totale, que ce soit pour le Parti Bolchévik ou pour la classe ouvrière. En outre, les arguments de nombreuses personnes telles que Radek et de ces imitateurs contemporains comme le DSP, l’histoire même de la Russie, attestent qu’avant la révolution de 1917, il n’existait aucun parti paysan stable et indépendant.

    Certains ont suggéré que les Socialistes-Révolutionnaires entraient dans cette catégorie de parti paysan indépendant. Mais toutes ces organisations qui prétendaient représenter la paysannerie «dans son ensemble» et qui existaient durant des périodes relativement stables ont ensuite éclaté et été divisées sur des lignes de classe – les couches supérieures se tournant vers la bourgeoisie, les couches inférieures fusionnant et agissant de concert avec la classe ouvrière – au cours des périodes de crise sociale. Les Socialistes-Révolutionnaires l’ont démontré en 1917. Après Février 1917, ils étaient une des composantes de la coalition bourgeoise, aux côtés des Menchéviques, et s’opposaient au fait de donner la terre aux paysans. Ils ont été répudiés dans l’action par la majorité des paysans. Il est vrai que les Socialistes-Révolutionnaires de Gauche qui se sont séparés des SR ont partagé le pouvoir avec les Bolchéviks pendant une courte période après la Révolution d’Octobre. Ils ont occupé une position de minorité comparée à celle des Bolchéviks, ce qui n’était pas clairement envisagé dans l’idée de départ de Lénine d’une dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie. Trotsky, dès le début, avait expliqué dans sa théorie que la classe ouvrière finirait par dominer et diriger la paysannerie. Par la suite, les SR de Gauche ont quitté le gouvernement, ce qui en soi était un reflet du conflit de classe croissant à leur base parmi la paysannerie tout autant qu’une illustration de leur caractère informe de classe moyenne.

    Le Pakistan et la révolution permanente aujourd’hui

    Quel est le rapport avec le Pakistan d’aujourd’hui? Tout d’abord, là où les idées erronées du menchevisme – la théorie de la révolution en deux étapes – ont été mises en pratiques, cela a eu des conséquences catastrophiques pour chaque mouvement de masse luttant pour le pouvoir. Deuxièmement, la révolution démocratique-bourgeoise doit toujours être accomplie au Pakistan. Le fait que les relations féodales et semi-féodales dominent la campagne et, dans un certain sens, la société dans son ensemble, est quelque chose qui est presque considéré comme normal par les masses travailleuses du Pakistan. Même dans le monde néocolonial, il n’y a aucun autre pays qui démontre à ce point l’inaptitude voire l’impossibilité pour la bourgeoisie de résoudre l’accumulation des problèmes de leur régime. Très peu d’autres pays ont une aussi grande concentration de richesse entre les mains d’une classe féodale et semi-féodale de seigneurs terriens et de capitalistes. Vingt familles dominent la société – d’après ce qui est communément compris par les masses de la population pakistanaise. Les principaux partis politiques que sont le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) mené par Asif Zardari, la Ligue Musulmane Pakistanaise (PML) de Nawaz Sharif, l’armée et la machine d’Etat, l’immense majorité des grands conglomérats et compagnies industriels et commerciaux… – tous sont dominés par cette très étroite classe dirigeante super-riche.

    Toutefois, un facteur spécial additionnel du Pakistan féodal et semi-féodal est la domination de l’armée, qui a gardé la main sur le contrôle du pouvoir depuis la mise en place de l’Etat il y a soixante ans. C’est un exemple extrême du type de «capitalisme de copinage» corrompu qui défigure les classes dirigeantes du monde néocolonial et de plus en plus du monde «développé». En 2007, le Dr Ayesha Siddiqua a écrit Military Incorporated, un livre démontrant les intérêts d’affaires privées colossaux de l’armée pakistanaise. Dans ce livre, elle affirmait que cet «empire» militaire interne pourrait bien peser jusqu’à 10 milliards d’euros. Des officiers dirigent des conglomérats industriels secrets, produisant tout, des corn flakes au ciment, et possèdent dans les faits cinq millions d’hectares de terres publiques. Les généraux ont dirigé le Pakistan directement pendant plus de trente ans depuis l’indépendance de 1947. Ils contrôlent toujours le gouvernement, malgré l’existence d’un «gouvernement civil» au cours des trois dernières années. Il n’y a pas eu un seul jour de «paix» dans le pays depuis lors, un fait souligné par l’assassinat de Benazir Bhutto, qui était alors dirigeante du PPP, par la catastrophe de la Vallée du Swat – dans le cadre de la talibanisation de certaines régions du Pakistan – et maintenant par les monstrueux attentats suicide qui infestent non seulement l’Afghanistan, mais aussi le Pakistan, affectant même les centres urbains comme celui de Lahore.

    Il y a une fausse impression – surtout vu de l’étranger – que le Pakistan, à la suite de l’Afghanistan, a succombé à l’irrésistible emprise des fondamentalistes islamistes de droite. Cependant, comme l’a fait remarquer le Socialist Movement Pakistan (SMP, section du CIO au Pakistan), les fondamentalistes n’ont jusqu’ici jamais acquis un soutien de masse. Qui plus est, la campagne d’attentats indiscriminés de masse menée par les talibans et autres terroristes meurtriers ne peut qu’encore plus aliéner les masses. En même temps, le contre-terrorisme également indiscriminé mené par certaines sections de l’Etat pakistanais et par l’impérialisme américain, armé de ses drones qui font pleuvoir la mort du ciel, pourrait bien faire enrager la population et la pousser (au moins temporairement) dans les bras des talibans. Cependant, le règne meurtrier des talibans dans le Swat, après que l’Etat pakistanais y eût négocié un cessez-le-feu et s’en fût retiré, a été si brutal que la population locale s’est soulevée contre eux. Cette rébellion a été accueillie par une répression terrible de la part des talibans. Cela a conduit à l’intervention de l’armée et à une nouvelle campagne de pacification contre les talibans, ce qui a dans les faits rompu leur accord initial, qui n’avait été signé que quelques mois auparavant. Cela souligne la position extrêmement instable, catastrophique, qui se développe aujourd’hui au Pakistan. En fait, le Pakistan est tellement lié à présent à l’Afghanistan que certains commentateurs s’y réfèrent maintenant sous le nom d’ ‘Afpak’.

    Une chose est certaine: l’armée pakistanaise ne se soumettra jamais aux plans de l’impérialisme en Afghanistan tant qu’il n’y a pas d’accord entre l’Inde et le Pakistan comprenant un volet sur la question du Cachemire. L’armée pakistanaise considère le Cachemire comme faisant partie de son ‘arrière-pays’, comme un levier de pression et comme une ‘zone tampon’ contre l’Inde. Le journaliste David Gardner a fait ce commentaire dans le Financial Times: «Nonobstant l’offensive contre les talibans pakistanais dans le Sud-Waziristan, le mode de pensée des militaires pakistanais n’a pas fondamentalement changé. Ils ne considèrent pas simplement les moudjahidines comme constituant une plus grande menace sécuritaire que l’Inde. […] L’armée aurait besoin d’au moins trois fois les effectifs qu’elle a déployés pour pouvoir prendre et tenir le Sud-Waziristan. Cette opération a plus l’air d’être une tentative de punir les talibans pakistanais pour avoir quitté leur réserve!» Poussée par son efficacité accrue, l’armée a récemment été forcée de pourchasser les talibans pakistanais, alors qu’elle tolérait auparavant les moudjahidines pandjabis, le groupe Lashkar-e Jhangvi. Qui plus est, elle soutient et utilise toujours contre l’Inde le groupe moudjahidine kashmiri Lashkar-e Tayyiba, dont on pense qu’il est à l’origine du raid sanglant à Mumbai de novembre 2008. A nouveau, Gardner déclare que: «Le cerveau du groupe, Hafiz Saïd, a une excellente relation avec les portes des prisons pakistanaises».

    Le Pakistan parvient dans les faits à contenir un demi-million de soldats indiens dans la vallée du Cachemire avec seulement quelques milliers de moudjahidines. Son soutien aux moudjahidines afghans est basé sur le même raisonnement, en tant que contrepoids – entre autres – contre l’Inde. L’Inde, de son côté, est soupçonnée d’être complice des insurgés du Baloutchistan pakistanais. Comme l’a expliqué un haut général: «Nous voulons définitivement que l’Afghanistan devienne la profondeur stratégique (1) du Pakistan».

    La question nationale au Pakistan

    En même temps, l’armée n’a pas abandonné l’espoir de pouvoir à nouveau agir et reprendre les rênes du pouvoir d’une manière un peu plus ouverte au Pakistan. A cette fin, elle a conclu une campagne officieuse systématique d’intervention dans les processus politiques et judiciaires. En outre, elle a brutalement réprimé et fait ‘disparaître’ des centaines de ses opposants dans l’Etat rebelle du Baloutchistan. Le soulèvement au Baloutchistan est plus sérieux que celui des zones tribales. Bien que l’Etat pakistanais ait perdu le contrôle de ces zones au profit des talibans, on n’y trouve pas une opposition nationale en tant que telle contre l’Etat pakistanais. La situation est différente au Baloutchistan, qui n’adhère à la ‘Fédération’ pakistanaise que depuis 1969. Comme notre camarade Khalid l’a dit: «La majorité des gens n’ont aucun sentiment positif vis-à-vis de l’Etat. De plus en plus de jeunes Baloutches rejoignent la lutte armée. Le soulèvement nationaliste non seulement se poursuit, mais s’étend dans de plus en plus de régions de la province.»

    Il y a de nombreux groupes insurgés armés baloutches qui se battent contre l’armée pakistanaise. Malheureusement, des ‘frappes stratégiques’ ont aussi été organisées contre des non-Baloutches: trois mille non-Baloutches ont ainsi perdu la vie et jusqu’à présent, des milliers de gens ont émigré hors du Baloutchistan, et des milliers d’autres sont en cours de demande de transfert hors de la région. L’université est restée fermée plus de trois mois. Il y a un sentiment croissant en faveur de la séparation du Pakistan, les nationalistes baloutches déclarant que «Nous voulons un Baloutchistan indépendant tel qu’il l’était avant 1948, lorsqu’il a été annexé par le Pakistan par la force militaire». Ces sentiments sont particulièrement vifs parmi la jeunesse, étudiants universitaires en tête, et, symptôme de la profondeur de ce mouvement, avec des femmes y jouant un rôle proéminent.

    Le régime pakistanais, toutefois, est préparé à patauger dans autant de sang qu’il sera nécessaire afin de garder la main sur cette province stratégiquement importante. Cette province est importante non seulement pour le Pakistan mais aussi pour toutes les puissances régionales, avec l’influence concurrente des Etats-Unis, de la Chine, de l’Iran et de l’Afghanistan, avec même l’ ’empreinte’ de l’Inde présente dans la zone. Cette province est importante pour ses riches ressources naturelles en énergie, en gaz et en minerais, pour ses réserves de pêche et aussi pour l’importance stratégique de Gawadar, le port flambant neuf dont l’accès se trouve dans le Détroit de Hormuz, à l’entrée du Golfe Persique et, par conséquent, une étape importante pour les navires de la région. La Chine en particulier considère cette installation comme vitale pour ses intérêts, et c’est la raison pour laquelle elle a contribué à la part du lion de capital et de main d’œuvre pour la construction du port.

    Cependant, le Baloutchistan n’est que l’expression la plus extrême du mécontentement national bouillonnant dans les provinces non-penjâbies qui composent la ‘fédération’. Même dans le Sindh, le ressentiment par rapport à la ‘domination penjâbie’ – c’est-à-dire dans les faits, le contrôle exercé par les seigneurs-capitalistes du Pendjab, surtout les militaires – est alimenté par la pauvreté écrasante et croissante partout au Sindh et au Pakistan dans son ensemble. La question nationale forme un aspect crucial de la théorie de la révolution permanente de Trotsky. Sans la position de Lénine sur la question nationale – défendue et complétée par l’analyse de Trotsky de cet enjeu dans de nombreux pays et dans de nombreuses situations – la Révolution russe aurait été impossible. C’est mille fois plus le cas aujourd’hui, surtout dans le monde néocolonial et en particulier étant donné le caractère multinational du Pakistan.

    Pourtant, aussi incroyable cela puisse-t-il paraître, la revendication basique du droit à l’autodétermination des nationalités opprimées du Pakistan est dans la pratique rejetée par les soi-disants ‘trotskystes’ de la tendance Class Struggle au Pakistan, organisation aujourd’hui en crise profonde. Seul le SMP, notre parti au Pakistan, a maintenu une position cohérente, principielle et délicate sur cette question. Le SMP, tout comme Lénine et Trotsky, défend les droits de tous les peuples opprimés, est pour l’égalité et s’oppose à la discrimination sur les bases raciale, ethnique, religieuse et nationale. Cela ne signifie pas qu’ils défendent le droit à l’auto-détermination, y compris le droit à l’indépendance, sans prendre en compte le sentiment parmi les masses. C’est le droit des peuples de chacune des zones nationales du Pakistan en-dehors du Pendjab, et même au Pendjab lui-même, de choisir leur propre voie.

    La position idéale, du point de vue du mouvement ouvrier au Pakistan, serait celle d’une confédération socialiste. Une telle confédération garantirait des droits complets à l’autonomie, permettrait tous les droits nationaux légitimes, jusqu’à l’élimination de la moindre expression de nationalisme ou de supériorité nationale d’un groupe ethnique ou national sur un autre. Cependant, si les nationalités opprimées souhaitent se séparer même d’un Etat ouvrier démocratique, alors le mouvement ouvrier doit l’accepter, comme Lénine l’a systématiquement défendu et, dans les faits, mis en pratique dans le cas de la Finlande en 1918. Class Struggle, dirigé jusqu’ici sur le plan international par le groupe d’Alan Woods (International Marxist Tendency), s’est systématiquement opposé à une telle politique au Pakistan. Ceci les a coupé de certains parmi les meilleurs combattants et dirigeants des travailleurs et paysans opprimés dans les parties non-penjâbies du pays, dont nombre d’entre eux se sont par conséquent orientés vers le SMP.

    Crise au sein de l’International Marxist Tendency

    Au même moment, le groupe d’Alan Woods suit la position totalement erronée qui consiste à s’accrocher coûte que coûte aux soi-disant «organisations traditionnelles de la classe ouvrière» – sans prendre en compte les circonstances concrètes qui permettent de déterminer si oui ou non ces organisations représentent toujours les masses laborieuses. Cette politique gît maintenant en ruines puisqu’une grande scission s’est développée au sein de «l’Internationale» de Woods, l’International Marxist Tendency (IMT) sur base, entre autres, des conséquences de cette politique. Cela a eu des conséquences désastreuses pour leur organisation au Pakistan, comme il cela a été illustré par l’importante documentation détaillant les méthodes bureaucratiques du groupe Woods (qui s’est séparé du Comité pour une Internationale Ouvrière en 1991).

    Très peu de travailleurs conscients entretiennent maintenant la moindre illusion dans le fait que le PPP – dirigé par Asif Zardari – représente dans la pratique, même de loin, les masses ouvrières et les paysans pauvres du Pakistan. Ce parti est noyé sous l’influence des féodaux, que ce soit dans les villes ou dans les régions rurales. C’est un parti qui s’est opposé aux grèves, qui a appelé à la casse de grèves et a même organisé cela (lors de la grève des travailleurs des télécoms par exemple). La position du PPP telle qu’elle était sous son fondateur Zulfikar Ali Bhutto – un parti ‘populiste’ capable de répondre aux revendications des masses – a depuis longtemps disparu.

    Par conséquent, la tâche qui se pose au Pakistan est la même que dans beaucoup de pays à travers le monde: développer un nouveau parti de masse des travailleurs et des paysans, ce à quoi le SMP a systématiquement appelé. Le groupe Woods – dont les dirigeants se vantaient d’être immunisés aux processus de ‘scissions’ qui selon eux condamnaient les autres organisations à une influence ‘marginale’ au sein du mouvement ouvrier – est maintenant gravement divisé.

    Par une ironie de l’Histoire, cette division se base sur les mêmes raisons ‘politiques’ qui ont autrefois justifié leur départ du CIO. C’était alors selon eux sur base de la soi-disant existence d’une ‘clique’ au ‘sommet du CIO’. Cette position a été rejetée par 93% des membres de l’organisation britannique du CIO, de même que par une majorité du CIO. Pourtant, c’est la même accusation, dans les faits, qui est aujourd’hui proférée à l’encontre d’Alan Woods et de son cercle. Il n’y avait absolument aucune base à cette accusation lorsqu’elle a été faite par Woods & Co en 1992 au sujet du CIO et de ses méthodes internes. La preuve de ceci peut être trouvée dans le développement ultérieur de sections nationales du CIO dotées de directions indépendantes et réfléchies, capables de répondre aux circonstances concrètes dans chaque pays et qui collaborent internationalement tout en agissant sans attendre d’ ‘instructions’ d’un centre international.

    Le CIO opèrent sur base du centralisme démocratique avec de pleins droits pour tous ses membres et sections et avec dans les faits, à ce stade, une plus grande emphase sur le besoin de discussions et de débats plutôt que sur les aspects formels du centralisme.

    La scission actuelle au sein de l’IMT a été étouffée – cachée à certains de leurs membres – jusqu’à l’heure où nous avons écrit cet article. Cependant, toutes les disputes politiques au sein du CIO sur toute une série de points dans les années ‘90 et les années 2000 ont été des discussions publiques, et les documents ont été publiés tandis que la discussion était toujours en cours. Les débats actuels sont par exemple largement publiés dans notre revue ‘Socialism Today’ sur la question de la Chine. Ceci afin de permettre à tous les travailleurs de voir et, si besoin est, de participer à la discussion de points cruciaux. Rien de semblable à ces discussions démocratiques n’est organisé dans l’IMT.

    C’est une toute autre image qui est donnée de l’IMT, de sa vie interne, de ses idées et surtout de sa direction dans les incroyables documents émanant du Pakistan, d’Espagne et d’autres qui se sont retrouvés chez Woods et son cercle proche. Les ‘dissidents’ pakistanais autour de Manzour Khan – l’ancien parlementaire PPP – ont dépeint le tableau tragique de là où peuvent conduire les positions erronées de Ted Grant et d’Alan Woods et leur insistance dogmatique pour mener coûte que coûte un travail à l’intérieur du PPP et des ex-partis ouvriers. Manzour justifie son opposition aux grèves – en tant que membre du PPP – par sa volonté de rester «à tout prix» dans le PPP. Woods a objecté à cela et a promptement exclu Manzour et ses partisans. Mais c’est une approche similaire à celle-ci qui a été adoptée par Grant et Woods au Royaume-Uni au sujet de la position des parlementaires de Militant depuis devenu le Socialist Party) contre la Poll Tax en 1991-92. Nous, la direction et l’immense majorité de Militant, avons affirmé que Terry Fields et Dave Nellist (nos deux parlementaires) ne pouvaient pas payer la Poll Tax parce que nous étions parvenus à inciter des millions de travailleurs à ne pas la payer et, lorsqu’ils ont été confrontés à une situation similaire, nous avons déclaré qu’ils devraient adopter une position principielle. Grant et Woods ont défendu le fait que les parlementaires devraient payer, afin de pouvoir demeurer à l’intérieur du Labour Party!

    Les socialistes étaient ‘morts’ en-dehors de cette ‘organisation traditionnelle’, disaient-ils, de la même manière qu’ils avaient professé à Manzour et aux autres dans ‘Class Struggle’ de mener un travail constant au sein du PPP. Nous aurions été ‘politiquement morts’ si les parlementaires et nous avions suivi leur position. Le Labour Party a depuis dégénéré, tout comme le PPP, en une formation bourgeoise. Grant & Co ont été piégés dans une perception obsolète et erronée: que toute vie politique de la classe ouvrière était limitée au Labour Party ; qu’en sortir reviendrait à ‘sauter d’une falaise’. Quel est le résultat de tout ceci? Ils sont aujourd’hui insignifiants au Royaume-Uni, tandis que le Socialist Party a grandi en nombre tout comme en influence. La même chose s’applique à l’échelle internationale, avec la perte d’influence de l’IMT dans de nombreux pays, et Alan Woods de plus en plus réduit au rôle de ‘conseiller bienveillant’ de Hugo Chavez au Venezuela. Ils ont réagi aux actions opportunistes et indéfendables de Manzour – qui n’étaient que la conclusion logique de leur propre position fossilisée au sujet des ‘organisations traditionnelles’ – en l’expulsant!

    Il se trouve toujours des marxistes et trotskistes sincères parmi leurs rangs qui, nous l’espérons, parviendront à trancher à travers l’épaisse couche de mensonges et de falsifications qui ont été élaborées par Alan Woods et par son groupe organisationnel dirigeant à l’encontre du CIO, de ses organisations, de sa direction et de sa politique. Un examen consciencieux des idées du CIO conduira, espérons-le, les meilleurs de ces camarades à réexaminer leur politique passée, et celle du CIO, et trouveront éventuellement le chemin qui les ramènera à une position trotskiste cohérente.

    Le Socialist Movement Pakistan et les tâches pour les masses

    Le trotskisme authentique est destiné à jouer un rôle crucial dans les batailles à venir pour la classe ouvrière pakistanaise. Et un aspect vital dans l’arsenal politique des forces qui vont se développer est les idées et les méthodes de LéonTrotsky, en particulier son anticipation brillante du caractère de la révolution dans le monde néocolonial, représenté par les idées de la révolution permanente, telle que définie dans son livre époustouflant.

    Malgré le terrorisme, le nationalisme et les divisions ethniques, la puissance potentielle de la classe ouvrière pakistanaise a également été bien visible dans le nombre de grèves et de manifestations de masse – y compris celles au Baloutchistan – des travailleurs de toutes ethnies et de toutes religions qui marchent ensemble pour défendre les organisations ouvrières et leurs droits. Le futur du Pakistan ne se trouve pas dans les mains des moudjahidines de droite abrutis ni de l’impérialisme américain, ni des groupuscules sectaires, mais de la puissante force de la classe ouvrière pakistanaise organisée avec une orientation socialiste. Le meilleur espoir d’accomplir tout ceci se trouve dans les idées et les méthodes de Léon Trotsky, mariées à l’analyse et au programme contemporain du Socialist Movement Pakistan.

    La presse capitaliste spécule autour d’une autre tentative par l’armée de prendre le pouvoir aux politiciens ‘démocratiques’ discrédités. Mais l’alternative de Nawaz Sharif face au PPP dominé par Zardri n’est pas une véritable alternative du tout. De même, un coup d’Etat – peut-être mené cette fois par des ‘colonels’ au passé fondamentaliste – n’est pas non plus capable d’offrir une solution aux problèmes du Pakistan et de la région. Bien au contraire, cela amènerait le scénario cauchemardesque d’un régime fondamentaliste ou soutenu par des fondamentalistes, disposant cette fois d’armes nucléaires. Un tel développement, s’il devait se produire, ne représenterait d’aucune manière le peuple du Pakistan parce que les fondamentalistes n’ont jamais reçu plus de 10-15% des voix aux élections. Seule la voie socialiste et démocratique offre la libération du cauchemar du féodalisme et du capitalisme pour les masses pakistanaises qui ont déjà tant souffert. Ce livre peut aider à poser les bases pour l’émergence d’une force qui puisse les mener dans cette direction.


    (1) La profondeur stratégique est un terme militaire pour décrire l’espace qui s’étend entre le(s) centre(s) de population et industriel(s) d’un pays et ses frontières – sa « couche de graisse protectrice », en quelque sorte, qui détermine de quelle marge un pays dispose après le début d’une invasion étrangère pour pouvoir préparer et organiser une contre-offensive. On pourrait aussi traduire ceci par « zone de repli ».

  • Insécurité à Bruxelles: “Sans avenir pour la ‘génération perdue’, il n’y aura aucune amélioration”

    Ces dernières semaines, les médias ont décrit Bruxelles comme une zone en guerre et certains quartiers comme des zones de non-droit. Bien que le problème de l’insécurité reste bien réel pour une grande partie des travailleurs et de leur famille, ce tableau ne correspond pas à la réalité quotidienne des Bruxellois. Très certainement pour ceux qui vivent dans les quartiers les plus pauvres de la ville.

    Par Aisha (Bruxelles)

    Bruxelles, ce n’est pas seulement les très riches quartiers européens, c’est aussi de fortes concentrations de pauvreté et de précarité dans le centre-ville. Ce sont les quartiers les plus précarisés qui ont connu des émeutes. Plus d’un quart des habitants de la capitale habite des quartiers où le taux de chômage dépasse la barre des 25%. Des quartiers comme celui de «Maritime» à Molenbeek, plusieurs fois secoué par des affrontements entre jeunes et police, est frappé d’un taux de chômage de 70% parmi les moins de 26 ans!

    Quelle est la réponse du gouvernement face à cette violence? Il renforce l’appareil répressif de l’Etat, met en avant la politique de tolérance zéro, etc. Bref, il s’en prend aux conséquences du problème sans chercher à le résoudre effectivement. S’en prendre aux causes de la montée de cette violence signifie s’attaquer aux problèmes sociaux omniprésents.

    A Bruxelles, 34% des jeunes sont au chômage. Il y existe un vrai problème d’inadéquation entre la formation des jeunes et les offres d’emplois, à 90% dans le secteur des services. En plus des problèmes de qualification et du manque d’emplois, les jeunes travailleurs de ces quartiers, souvent d’origine immigrée, sont confrontés aux discriminations à l’embauche. Le chômage touche les travailleurs de toutes nationalités, mais les personnes issues de l’immigration cumulent les obstacles. Les jeunes de ces quartiers sont donc régulièrement confrontés aux discriminations, au racisme et aux provocations policières. Mais même si les émeutes sont parfois l’expression de la colère générale de la jeunesse de ces quartiers contre cette situation et contre l’absence de toute perspective d’avenir, la forme que prend cette colère a un effet contre-productif vis-à-vis des intérêts des travailleurs dans leur ensemble.

    Les premiers à payer ces actes de violence gratuite sont les autres travailleurs habitant le quartier. De plus, ces évènements sont utilisés pour appliquer une politique encore plus répressive contre l’ensemble des travailleurs. Mais surtout, cette violence gratuite offre une arme au patronat et à ses politiciens pour diviser les travailleurs. Aujourd’hui, il est nécessaire que les organisations de travailleurs interviennent dans cette situation. Pour tous ces jeunes, le manque de réponse issue de la cause des travailleurs laisse le champ libre à la recherche de solutions individuelles.

    Il est essentiel qu’une réponse capable d’unifier les travailleurs soit formulée. Une revendication telle que celle du partage du temps de travail avec les 32 heures de travail par semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires permet d’unir les travailleurs, qu’ils aient ou non du travail et quelque soient leur quartier et leur nationalité.


    «Les problèmes sociaux (chômage, pauvreté, et ainsi de suite) sont considérés comme des problèmes individuels qui doivent être abordés avec une politique plus sévère et répressive. Cela conduit à des mesures politiques simplistes qui s’adressent surtout à la lutte contre les symptômes: les SDF sont chassés des gares et des stations de métro, les jeunes qui brossent leurs cours sont plus sévèrement punis et leurs parents aussi. De cette façon, l’aspect de la société est éliminé du problème, reste l’aspect individuel. Sans avenir pour la ‘génération perdue’, il n’y aura aucune amélioration». (Carte blanche de Nadia Fadil, Sarah Bracke, Pascal Debruyne et Ico Maly dans le quotidien De Standaard)

  • Affaires, attaques contre les travailleurs,… Est-ce cela le “Bel avenir du socialisme”¹ selon le PS?

    Depuis le début de la crise économique – et principalement lors des 1er mai, où le PS met un point d’honneur à se “rapprocher” des travailleurs – les pontes du Parti “Socialiste” dénoncent la “crise libérale”. Mais qu’a-t-on eu du PS depuis lors? Des affaires, des annonces d’austérité budgétaires et… le rire de Michel Daerden.

    Par Stéphane (Liège) et Nicolas Croes

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    Manifestation de la CES le 15 mai 2009: le PS défile avec l’autocollant de la campagne de la FGTB wallonne Le capitalisme nuit gravement à la santé. Tout comme sur les paquets de cigarette, l’avertissement est sur le produit nocif…

    La bonne vieille recette néolibérale

    Et ce rire, il est bien nécessaire pour tenter de faire passer la pilule. C’est sans doute ce que s’est dit Di Rupo en envoyant Daerden au gouvernement fédéral s’occuper des pensions. Ce qu’il a encore dû se dire, c’est qu’en tant que réviseur d’entreprise, Michel, il connaissait les sous et il savait comment en économiser. Aujourd’hui, voilà qui est bien utile pour le gouvernement.

    Tout bon comptable qu’il soit, Daerden n’est guère imaginatif. Et pour équilibrer les budgets des prochaines années, il s’est contenté de ressortir les bonnes vieilles recettes néolibérales. Dans son Livre vert des pensions, il parle de «reporter l’âge effectif de la retraite de trois ans» en «décourageant les mécanismes de départ anticipé à la retraite»(2). C’était déjà l’objectif du Pacte des Générations, mais les résultats sont, aux dires de Daerden, «décevants». Pourquoi donc? Entre autres parce que le salaire des travailleurs âgés serait… trop élevé! Il nous faut donc nous orienter vers un deuxième Pacte des Générations. Les «pistes de réflexion» avancées dans ce fameux Livre vert sont de s’attaquer au système des prépensions, d’accorder des diminutions fiscales ou des subsides pour l’engagement de travailleurs âgés, de prendre en charge par l’Etat une partie des salaires des plus de 50 ans,…

    Et non, tout cela n’est pas la réponse cynique d’un Reynders volontairement aveugle fasse aux dizaines de milliers de pertes d’emplois et aux 800.000 chômeurs annoncés pour 2011. Ce n’est pas non plus le discours d’un Modrikamen pour qui des salaires sont toujours trop élevés (et tant pis pour les travailleurs qui tombent sous le seuil de pauvreté ou dans l’endettement). C’est ce qu’annonce un ministre qui se dit «socialiste», sans que personne de son parti ne trouve quelque chose à redire.

    Attention, ce n’est pas de sa faute! Le vieillissement a un coût, comprenez-vous, et le fonds de vieillissement ressemble à une chaussette trouée. Mais d’où il vient ce trou? Bon, OK, c’est la crise. Les entreprises ferment. Les travailleurs sont licenciés, ils paient donc moins d’impôts (les patrons aussi, mais eux, ça fait déjà longtemps, et ce n’est pas parce que leur revenu diminue…). Sans blague, la réalité, c’est que cela fait 30 ans qu’on troue la chaussette, à coups de politiques néolibérales.

    Dans ce processus de pillage de la collectivité, les «camarades» de Michel Daerden n’ont pas été les derniers. Aujourd’hui encore, ils refusent de remettre quoi que ce soit fondamentalement en cause. La Déduction des Intérêts Notionnels, par exemple, c’est un coût estimé à 4 milliards d’euros pour 2008 uniquement, et au bénéfice exclusif des patrons (3). Ce système est évidemment sorti du crâne de Didier Reynders, mais il a été voté par le PS sans le soutien de qui bien d’autres mesures néolibérales n’auraient pas pu voir le jour si facilement. Toujours maintenant, le PS continue d’estimer que ce système ne pose pas de problème. Il suffirait juste de l’aménager en interdisant son application aux entreprises qui licencient. C’est bien maigre, et ce ne sont aussi que des paroles. Le PS sait que personne ne suivra parmi les autres partis et il se garde bien de dire qu’il conditionne sa participation gouvernementale à cette modification. C’est une opération de relations publiques, rien de plus.

    En résumé, la recette néolibérale, c’est donner 4 milliards d’euros aux riches, dire qu’il manque 4 milliards et les réclamer ensuite aux travailleurs et aux pauvres. C’est ce que Michel Daerden fait aujourd’hui, dans la droite ligne de l’orientation réelle de son parti.

    Double langage

    Le PS appelle à une «économie enfin sortie des griffes des spéculateurs, une économie qui crée de l’emploi et rend possible un modèle social élevant le bien être durable des populations.» (4) Dans différentes villes, plusieurs projections gratuites du dernier film de Michael Moore (Capitalism : a love story) ont été organisées par le PS, avec petite présentation d’Elio. On a même pu voir des individus comme Jean-Claude Marcourt arborer l’autocollant de la campagne de la FGTB wallonne «Le capitalisme nuit gravement à la santé». Voilà pour la galerie.

    5-6 avril 1885, 125 ans après la fondation du Parti Ouvrier Belge Quelque chose a-t-il fondamentalement changé?

    En 1865, Karl Marx parlait ainsi de la Belgique: «La Belgique est le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés». En avril 2009, l’OCDE classait la Belgique au même rang que Monaco, le Luxembourg et le Liechtenstein sur la liste des endroits favoris des riches pour éviter de payer des impôts.

    Le POB et son successeur, le Parti Socialiste Belge, a durant longtemps fait fonction de mécanisme de contrôle face aux excès du capitalisme. Ce parti, les travailleurs s’en sont saisis comme d’un instrument pour défendre leurs intérêts dans le domaine politique (malgré le fait que sa direction était dès le début acquise au capitalisme). La lutte pour le suffrage universel a constitué une première étape. Mais les luttes qui se sont déroulées pour la journée de huit heures, pour les congés payés, pour un système de sécurité sociale,… ont aussi pu compter sur une traduction politique.

    125 ans après la fondation du POB, la classe des travailleurs se retrouve sans abri. Le PS et ECOLO ont été séduits par les sirènes du néolibéralisme et acceptent la logique du marché dit «libre». Ils se présentent même comme les meilleurs gestionnaires de ce marché «libre». En 1885, les travailleurs des mutualités, des syndicats et des coopératives avaient pris l’initiative de fédérer les groupes politiques locaux existants en un grand parti de la classe ouvrière. Lancer un tel processus est à nouveau nécessaire aujourd’hui.

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    Dans les faits, Laurette Onkelinx n’hésite pas à louer le gouvernement «socialiste» grec qui «travaille à éviter la faillite» (5). Ce «travail» est constitué du gel des salaires du secteur public, de suppressions de primes (qui composent une grande partie des salaires), d’une augmentation des impôts sur le carburant, le tabac et l’alcool, du remplacement d’un travailleur sur cinq dans la fonction publique ou encore de l’augmentation de l’âge d’accès à la retraite de deux ans. Voilà une belle vision de la façon dont le PS pense que l’on peut «éviter la faillite» d’un Etat. C’est exactement de cette manière que les patrons et actionnaires veulent que cela se passe, et c’est exactement cela que le PS est disposé à faire. Plus que cela, il a plus que tout autre les moyens de le faire, il a ses liens avec les directions syndicales et garde son image de prétendu «moindre mal». En d’autres termes, le PS est le mieux placé pour faire passer la pilule prescrite par les patrons.

    Pour un nouveau parti des travailleurs

    Dans de nombreux pays en Europe et ailleurs, des syndicalistes, des travailleurs, des allocataires sociaux, des militants politiques, etc. ont dit «ASSEZ!» et ont lancé des initiatives pour construire de nouveaux instruments politiques pour les travailleurs et leurs familles. Avec toutes leurs différences, leurs défauts et leurs victoires, des partis comme le NPA en France ou Die Linke en Allemagne ainsi que des initiatives comme la TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition – Coalition de syndicalistes et de socialistes) en Grande Bretagne représentent des pas importants posés vers la constitution de nouveaux partis des travailleurs de masse, pour autant bien sûr que les opportunités soient correctement saisies, comme l’illustre l’effondrement du PRC en Italie après sa participation gouvernementale.

    Chez nous comme ailleurs, nous avons un besoin urgent d’un prolongement politique pour les luttes des travailleurs, également afin d’éviter que les directions syndicales ne se cachent derrière l’absence de choix à gauche pour soutenir le «partenaire privilégié». Le PS remercie ce soutien à coups de poignards dans le dos de la population.


    (1) «Le bel avenir du socialisme» est le titre du dernier livre de Paul Magnette, ministre du climat et de l’énergie et personnalité montante au sein du parti socialiste.

    (2) Le Soir du 11 février 2010

    (3) De Morgen du 10 décembre 2009

    (4) Sommet européen et «Stratégie UE 2020», www.ps.be, mis en ligne le 10 février 2010

    (5) Le Soir, 13-14 février 2010.

  • Italie : Une campagne «anti-TGV» contre la destruction de l’environnement

    L’euro-parlementaire Joe Higgins a récemment rendu visite à des militants anti-TGV en Italie. Ces derniers sont en train de mener campagne et d’organiser une opposition de masse contre une liaison ferroviaire à haute vitesse fiancée par l’Union Européenne, avec de graves conséquences pour l’environnement.

    Par des reporters du CIO

    En novembre dernier, lors d’un meeting national de Controcorrente à Gênes, le Parlementaire Européen Joe Higgins a rencontré Nicoletta Dosio, une des principales militantes de cette campagne. Là, Joe avait été invité au Val de Suse afin d’y rencontrer les habitants et de voir ce qu’il pourrait faire pour aider cette campagne à travers l’Europe. L’Union Européenne finance la construction d’une liaison de train à haute vitesse de Turin à Lyon, mais cette liaison va couper en deux le Val de Suse, une belle vallée avec une population de 80.000 personnes réparties dans 40 différentes villes, détruisant l’environnement et menaçant la santé des populations locales.

    Communiqué de presse

    A la suite de sa visite, Joe a envoyé le communiqué de presse suivant :

    «Ma visite du 20 février au Val de Suse m’a prouvé à quel point la position de la campagne NO TAV («Non au TGV») est absolument correcte. Cette campagne est une campagne massive d’opposition, véritablement impressionnante, face au projet de construction d’une liaison TGV qui n’est pas nécessaire mais qui aurait des conséquences catastrophiques pour les communautés du Val de Suse tout en impliquant une importante destruction environnementale dans une région d’une grande beauté naturelle. Confrontés à la répression par la police et par la mafia, des milliers de gens ont courageusement tenu bon afin de défendre leurs communautés. Ils sont un brillant exemple pour les militants environnementaux et communautaires partout dans le monde.

    «Ayant vu la région de mes propres yeux, je compte bien redoubler d’efforts afin d’assister cette campagne. Je vais soumettre une question détaillée à la Commission Européenne afin d’obtenir les dernières informations pour la campagne et d’exercer une pression sur les autorités européennes dans le but d’annuler le soutien européen. Je vais aussi utiliser ma position et le travail des sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (www.socialistworld.net) afin de faire connaître cette campagne et organiser un soutien à l’échelle internationale»

    Une campagne de masse

    Certains militants locaux comme Nicoletta militent depuis 21 ans contre le projet de liaison TGV, mais ce n’est vraiment que depuis les dix dernières années que le mouvement a pris un caractère de masse. En 2007, une pétition a été signée par 32.000 habitants des zones affectées par le projet et amenée à l’UE à Bruxelles. Pour pouvoir faire progresser le projet de TGV, les habitants devraient être d’abord consultés. Comme d’habitude, les spéculateurs, les grandes entreprises et les politiciens sont en train de fouler les droits des petites gens dans l’intérêt de leurs profits.

    La campagne a atteint un stade critique, parce qu’afin d’obtenir un soutien financier européen, des sondages (forages) doivent être entrepris dans la zone. Le 23 janvier, 40.000 personnes ont manifesté en opposition, et des «presidi» (camps de protestation) permanents ont été établis là où les forages sont censés être effectués. Ces presidi ont été construits par la population en tant que lieux de rencontre, de repas et de repos pour les manifestants, mais aussi en tant que ressource pour la communauté locale. En fait, c’est une forme de vie alternative basée sur la solidarité, la coopération et l’esprit de communauté qui est en train de prendre forme.

    Confrontés à une opposition de plus en plus grande de la population, les techniques d’intimidation et de répression se sont aussi intensifiées. Des presidi ont été incendiés, et une des récentes manifestations de nuit (les forages sont effectués de nuit afin de minimiser l’opposition) a été brutalement attaquée par la police, blessant 22 personnes, dont 2 gravement. 600 policiers sont déployés pour chaque tour de forage, et il y a 4 tours pour chaque forage.

    «C’est l’un des nôtres»

    Joe a visité à l’hôpital Marinella une des victimes de la brutalité policière. Malgré son nez cassé, une blessure à la tête et le fait que son corps soit recouvert de bleus, elle a juré que quoi qu’il arrive, elle était déterminée à poursuivre la lutte.

    Joe est ensuite passé de presido en presido afin de rencontrer les gens et discuter avec eux. Au premier presido, San Antonino, il a été accueilli par l’applaudissement de 200 manifestants et par un orchestre qui jouait de la musique irlandaise! «Il est clair que cette liaison ferroviaire n’est pas nécessaire», a-t-il dit à la foule. «Cette belle vallée large de seulement deux kilomètres, bordée de montagnes, est déjà parcourue par une autoroute, une ligne de chemin de fer et deux routes nationales… Alors pourquoi les politiciens veulent-ils y construire une ligne de TGV, contre la volonté de la population locale? Ce pourrait-il qu’ils soient en ligue avec les spéculateurs, le grand patronat, les entreprises de construction et la mafia qui en seront les principaux bénéficiaires?»

    «On dirait que ça fait 10 ans qu’il est là, pas 10 minutes» a dit un des manifestants. «Il comprend tout.»

    A tous les presidi, Joe a été accueilli chaleureusement et informé quant aux risques environnementaux auxquels la population locale est confrontée. Le projet prévoit de faire passer la liaison ferroviaire à travers la montagne qui contient de l’amiante et de l’uranium, ce qui pourrait poser de graves problèmes. Le terrain de la région est fragile, avec le risque de glissements de terrain, et là où les autres lignes de chemin de fer ont été construites, comme celle de Muginello en Toscane, de précieuses ressources en eau ont été détruites. Comment cette destruction peut-elle être justifiée lorsque la ligne ferroviaire déjà existante ne tourne qu’à 30% de sa capacité ?

    Au soir, Joe a pris la parole devant un meeting public organisé avec Nicoletta à Bussolano. Elle a présenté Joe aux 200 personnes présentes en parlant des campagnes locales auxquelles Joe a pris part en Irlande, contre la taxe sur l’eau, la taxe sur les poubelles et la raffinerie Shell. Lorsque Joe a expliqué qu’il ne reçoit que le salaire d’un travailleur moyen, la salle a connu une explosion d’applaudissements. «Il est des nôtres!» a crié quelqu’un. «Il ne s’habille pas chez Armani» a crié quelqu’un d’autre.

    Une autre personne a dit «Il devrait se présenter en Italie, on a bien besoin de gens comme lui», mais quelqu’un a alors rétorqué «Ils l’en empêcheraient – il est trop éthique.»

    Le lendemain, en plus de continuer le tour des presidi, Joe a rencontré le président de la Communauté de la Montagne et divers maires et conseillers NO TAV. Il a promis qu’il ferait tout ce qu’il pourrait en Europe afin d’aider la campagne, mais tout au long de sa visite, il a insisté sur le fait que ce serait seulement la détermination, la résistance de masse et l’unité de la population en lutte qui pourra vaincre ce projet. «D’après ce que j’en ai vu au cours des deux derniers jours, ils ne seront jamais capables de construire ce chemin de fer», a-t-il déclaré.

    Finalement, le dimanche soir, Joe a rencontré une trentaine de travailleurs en lutte dans diverses entreprises du Val de Suse. Comme ils l’ont expliqué, quasi chaque usine de la vallée soit a fermé, soit se trouve dans la «cassa integrazione» (où les travailleurs sont « temporairement » licenciés et reçoivent une partie de leur salaire, souvent avant le chômage). Marco, un jeune travailleur d’Azimut, la plus grande entreprise de la région, qui fabrique des yachts, a expliqué comment 350 travailleurs en CDD ont perdu leur emploi, et comment d’autres doivent maintenant accomplir le travail de ceux qui ont été virés, y compris en heures sup’. Un des arguments qui est mis en avant par les partisans du TGV est qu’il amènera de l’emploi dans la région. Mais avec la privatisation du chemin de fer existant, des centaines d’emplois locaux seront détruits. Les habitants veulent des emplois décents et permanents, par du travail temporaire dans des conditions dangereuses ou illégales qui est le seul type d’emploi que le TGV amènera – s’il en amène.

    Joe s’est engagé à maintenir le lien avec la campagne NO TGV et à les représenter au Parlement Européen. Le slogan du mouvement est « A sará dura » (« A ça sera dur »), mais les habitants sont déterminés à défendre leur communauté, leur environnement et leur futur.

  • VIDEO: manifestation anti-NSV

    Jeudi dernier, entre 700 et 800 antifascistes ont manifesté à Anvers pour la contre-manifestation annuelle anti-NSV, l’organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang. Blokbuster était à l’initiative de cette manifestation, et 25 organisations avaient soutenu sa plateforme. “Jobs, geen racisme – des emplois, pas de racisme” était le slogan central de la manifestation.

    Par Pablo V (Bruxelles)

  • France : élections régionales sur fond de crise et de réforme

    En mars 2010, la France votera pour renouveler les conseils régionaux. En pleine crise économique, la droite et la gauche se lancent dans la campagne électorale. De quel programme, de quel projet politique les travailleurs et les jeunes en France ont-ils besoin ?

    Par Nicolas (Bruxelles), article issu de l’édition de mars de Lutte Socialiste

    “Identité nationale”

    Ces dernières semaines, on a assisté à une stratégie électorale traditionnelle de la part de l’UMP de Sarkozy. Besson (ex-PS), Ministre zélé de l’Immigration, a lancé un débat sur l’identité nationale utilisé pour diffuser des idées racistes. Déjà lors de la campagne des présidentielles, Sarkozy avait joué à fond l’argument de l’insécurité, créant un climat qui détournait l’attention des questions cruciales, sociales et économiques, ce qui lui permettait au passage de prendre des voix à l’extrême-droite.

    Aujourd’hui, le débat n’est pas différent : l’identité nationale a été utilisée pour diviser les travailleurs et les jeunes, en stigmatisant une partie d’entre eux. L’attention a pu être détournée des vrais enjeux : le chômage qui explose, les restructurations qui se succèdent, les retraites à l’aube d’une nouvelle grande réforme. Ces problèmes sont la conséquence des politiques néolibérales menées par les différents gouvernements : privatisation accélérée des services publics, diminution du nombre de fonctionnaires, suppression de la taxe professionnelle (12 milliards de cadeaux en plus aux patrons en 2010), attaques sur les retraites, etc. pour combler les déficits publics creusés par le sauvetage des banques et les baisses de charges patronales.

    Attaques sur le système des pensions

    Dans cette situation, il faut souligner le rôle joué par le PS français en tant que principal parti d’opposition. Martine Aubry, présidente du PS, a même pris de l’avance sur le gouvernement en s’avançant sur le dossier des pensions. Pour dire «pas touche» ? Non bien sûr : Aubry s’est empressée de se présenter comme une interlocutrice «fiable», proposant d’augmenter l’âge de la pension à 62 ans (actuellement à 60 ans).

    Cela fait des décennies que, gouvernement après gouvernement, les acquis sociaux ont été démantelés à grands coups de contre-réformes. Et le PS, sous le gouvernement Jospin notamment, ne s’est pas montré des plus discrets dans le démantèlement des services publics. L’annonce d’une réforme du système des pensions est un signal du gouvernement aux actionnaires pour leur prouver leur bonne volonté à faire payer la crise aux travailleurs. La démarche du PS est identique : montrer à la bourgeoisie sa capacité à mener les réformes aux bénéfices des profits privés.

    Quelle alternative à gauche ?

    La classe des travailleurs, en France comme ailleurs, a besoin de son propre parti, dans lequel ils peuvent s’organiser, mener les luttes, discuter les revendications et se rassembler le plus largement possible, et pas seulement au moment des élections.

    Le développement des nouvelles formations de gauche en Europe et ailleurs met en avant le danger d’une approche essentiellement électoraliste. C’est le cas pour le Parti de Gauche (PG) de Mélenchon, une scission de gauche du PS qui a participé aux dernières élections européennes avec le PCF (Parti Communiste). Le PG dit vouloir rester dans le cadre du parlementarisme «républicain» actuel, tente de convaincre que les réformes sociales par le haut sont possibles et ne cherche pas à jouer un rôle dans les mouvements dans la rue.

    Le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), de son côté, avait lancé un appel aux partis de gauche pour un front unitaire afin de défendre les retraites. Mais l’important aujourd’hui est de construire à la base des syndicats, sur les lieux de travail, pour mobiliser vers une lutte générale contre les attaques lancées contre les acquis sociaux. Le NPA doit aussi intervenir dans cette situation en mettant en avant la nécessité d’une alternative socialiste au capitalisme.

    Depuis des mois, le NPA a privilégié la discussion sur les élections régionales plutôt que sur les idées politiques, les interventions dans les luttes et le type de parti à construire. En voulant aller vers des listes unitaires, le NPA a mis de côté toute une série de revendications anticapitalistes. De plus, il n’y a pas une stratégie unifiée pour les élections: chaque région peut choisir de conclure ses propres accords électoraux. Ce manque de clarté est un pas en arrière pour le NPA qui peut démobiliser les membres et les travailleurs qui regardent vers le NPA.

    Nous pensons que le NPA doit être un parti résolument tourné vers les travailleurs et les jeunes pour construire un rapport de forces dans les luttes. C’est ce message qui doit être diffusé au moment des élections : le système capitaliste et ses relais politiques n’offrent aucune solution à nos problèmes.

  • Grèce: révolte ouvrière

    L’humeur de la classe ouvrière grecque est à la colère et est extrêmement explosive, et un « soulèvement » des travailleurs est possible. De nombreux milliers de travailleurs ont répondu à l’appel de SYRIZA (une large coalition de la gauche, dans laquelle participent nos camarades), du KKE (Parti Communiste Grec) et de la fédération syndicale du secteur public, ADEDY, à manifester le 4 mars devant le Parlement à Athènes contre le plan d’austérité qui devait y être voté ce jour-là.

    CIO-Grèce

    L’humeur de la classe ouvrière grecque est à la colère et est extrêmement explosive, et un « soulèvement » des travailleurs est possible. De nombreux milliers de travailleurs ont répondu à l’appel de SYRIZA (une large coalition de la gauche, dans laquelle participent nos camarades), du KKE (Parti Communiste Grec) et de la fédération syndicale du secteur public, ADEDY, à manifester le 4 mars devant le Parlement à Athènes contre le plan d’austérité qui devait y être voté ce jour-là.

    Toutefois, l’approche des dirigeants syndicaux semble être de vouloir « laisser échapper la vapeur », sans fournir aux travailleurs aucune alternative concrète aux attaques du gouvernement.

    Lors d’une interview télévisée, le Secrétaire Général du KKE, qui dirige une des grandes fédérations syndicales, s’est vu demander à trois reprises par le journaliste de donner une alternative aux coupes annoncées par le gouvernement PASOK. Le porte-parole du KKE n’est toutefois parvenu qu’à bredouiller quelque chose de très général au sujet de la nécessité d’une « économie alternative ».

    Les partisans de Xekinima (CIO en Grèce) mettent en avant une analyse de classe de ce qui se passe en Grèce, et aussi une politique socialiste afin d’empêcher les coupes et de transformer les conditions de vie des travailleurs.

    Ci-dessous se trouvent des extraits d’un communiqué de presse publié par Xekinima le 3 mars, quelques heures après que le nouveau plan anti-travailleurs brutal ait été annoncé, condamnant la nouvelle tournée de coupes et appelant à une direction audacieuse par les syndicats et la gauche en Grèce et à travers l’Europe.

    « Des raisons pour une rébellion ouvrière ! »

    Les travailleurs du secteur public partent en grève le 5 mars après l’annonce d’un nouveau plan d’austérité de 4,8 milliards d’euro

    Xekinima (CIO-Grèce) – Communiqué de presse

    Grève générale, 24 février 2009

    « Des raisons pour une rébellion ouvrière ! »

    Les mesures que le Premier Ministre grec Georgios Papandreou a annoncées aujourd’hui [3 mars] représentent une « cause de rébellion » de la part des travailleurs pour s’opposer à la politique du gouvernement PASOK et des banquiers – grecs et internationaux – qui sont maintenant en train de mener les plus grandes attaques sur les travailleurs de Grèce depuis la fin de la guerre, contre notre niveau de vie et nos droits.

    Le gouvernement a annoncé des plans afin de, dans les faits, supprimer de 2 à 3 mois de salaire aux travailleurs du secteur public ; d’augmenter la TVA de 19 à 21% ; d’imposer des taxes indirectes sur les biens de consommation de masse, tels que les cigarettes, l’alcool et le carburant, et de réduire de 12% les avantages en nature des travailleurs du secteur d’Etat [ces « avantages » étant en grande majorité fournis en tant que compensation pour les bas salaires].

    Ces mesures s’élèvent à un montant de 4,8 miliards d’euros de coupes budgétaires. Le gouvernement dit que ces coupes sont nécessaires et ne peuvent être faites d’aucune autre manière… Ce chiffre vaut moins que l’amende de 5,5 milliards d’euros qui a été imposée à la companie financière grecque « Acropolis » due au pillage des fonds de pension organisé par cette compagnie en 2007. Il vaut aussi moins que les 8 milliards d’euros d’évasion fiscale annuelle des grandes entreprises qui ne payent pas l’assurance-pension de leur personnel.

    Ce n’est pas un accident si la première figure publique à applaudir ces coupes sauvages a été Mitsotakis l’ancien Premier Ministre droitier tant haï (1990-1993), suivi par le Président de l’organisation des industrialistes grecs, et par le dirigeant d’un parti d’extrême-droite !

    Grève générale du 17 décembre 2009

    Toutes les meesures annoncées par le Premier Ministre Panadreou ne seront ni temporaires, ni la fin de l’histoire. Plus reste à venir. Selon les porte-parole du gouvernement et les médias, ces mesures permettront de « complètement sortir l’économie de la récession ». Mensonges ! Ces mesures ne vont qu’approfondir encore plus la récession en Grèce. On estime qu’en conséquence de cette politique, l’économie va chuter de -5% au cours de cette année (2010).

    Les grands capitalistes et le gouvernement soi-disant « socialiste » ont montré leurs véritables intentions. Il est temps à présent pour la classe ouvrière et la jeunesse de riposter ! Nous avons besoin d’un appel immédiat à une grève générale de 48 heures ! Jusqu’à présent, la fédération syndicale du public, ADEDY, a appelé à une grève générale des travailleurs du public pour le 16 mars. Ce n’est pas assez ! Nous devons développer une vague de grèves prolongée, incluant des manifestations de masse et des occupations d’entreprises et des bâtiments gouvernementaux, et aussi l’occupation par les travailleurs des stations radio et télé qui ne font que répandre la propagande du gouvernement.

    Nous devons nous préparer à une grève générale de 48 heures. La jeunesse, les paysans, les petits commerçants doivent également être impliqués dans des actions de masse. Il est important que les lycéens et étudiants organisent des occupations, et que les paysans bloquent les routes nationales. Il faut un plan de grèves générales à répétition – pas seulement une de plus – afin de forcer le gouvernement PASOK et les bureaucrates réactionnaires de Bruxelles à reculer.

    En même temps, il nous faut une mobilisation paneuropéenne et une coordination d’actions ouvrières de masse, de grèves contre la politique de l’UE, liées à la lutte des travailleurs grecs. Les luttes des travailleurs grecs d’Athènes, de Saloniki et d’autre villes, vont grandement déterminer la férocité des attaques sur le reste de la classe ouvrière à travers l’ensemble de l’Europe. Si les patrons grecs peuvent s’en tirer ainsi, ce sont les patrons de toute l’Europe qui vont en faire de même.

    Les partis de gauche et les syndicats en Grèce, comme sur le plan paneuropéen, doivent prendre des initiatives urgentes afin de mobiliser une action ouvrière de masse pour résister à ces attaques. Soit le gouvernement et le grand capital grecs seront vaincus dans les rues de Grèce par l’action ouvrière, soit la classe ouvrière sera confrontée à des attaques sans précédent. Ce n’est pas à nous de payer pour la crise qu’ils ont causée, ce n’est pas à nous de payer pour les déficits et les dettes qu’ils ont créés !

    Nous revendiquons :

    • Nationalisation des banques et des compagnies financières, sous le contrôle et la gestion par les travailleurs et la société
    • Taxes drastiques sur les profits, les grandes propriétés foncières et les immenses domaines de l’Eglise orthodoxe
    • Coupes drastiques dans les dépenses militaires
    • Refuser de payer la dette aux banques grecques et étrangères

    Nous appelons à la fin de la spéculation sur les marchés internationaux et aux scandales des banques-brigands – grecques et étrangères – qui amassent d’énormes profits sur le dos des contribuables (l’Etat a renfloué les banques grecques de 28 ùmilliards d’euro, à taux d’intérêt zéro, uniquement pour permettre à ces banques de « prêter » ces fonds au gouvernement à des taux de 6-7% !).

    Cette année comme pour les quelques prochaines années, ce seront 50 milliards d”euros qui seront remboursés chaque année aux sépculateurs des spéculateurs bancaires charognards, tandis que le gouvernement ne dépense que 10 milliards d’euro chaque année pour l’éducation et la santé prises ensemble !

    Devons-nous saigner pour leurs profits ? Non ! C’est à leur tour de saigner !

    [Publié par Xekinima (CIO – Grèce) le 3 mars 2010]

  • Tremblement de terre au Chili : La précarité de l’Etat et du modèle capitaliste mise à nu

    Le tremblement de terre du samedi 27 février a mis à nu l’inefficacité de l’Etat chilien qui, apparemment, ne disposait d’aucun système alternatif de communications (téléphonie satellite ou radio par exemple). Il démontre que toute l’arrogance de l’élite dominante sur la supériorité du système néolibéral régnant dans le pays n’a pas de base dans la réalité.

    Socialismo Revolucionario (CIO-Chili)

    La réponse pour solutionner ou palier en partie les problèmes les plus urgents de larges secteurs de la population s’est faite extrêmement lente et inefficace. Les couches les plus pauvres aujourd’hui n’ont rien à manger, au contraire des couches les plus riches qui disposent de caves ou de garde-manger remplis dans leurs maisons. La majorité des secteurs populaires vivent au jour le jour, comptant sur des réserves d’un ou deux jours. Cela n’est qu’un exemple en plus illustrant la mauvaise répartition des revenus dans ce pays. Une élite nage dans l’abondance et la majorité se noie dans la misère absolue et le surendettement.

    L’absence d’eau et d’électricité contribue à démontrer l’inefficacité du système, étant donné que les patrons de l’eau ne font rien pour distribuer cet élément vital (en camion citerne, par exemple) puisque l’eau ne parvient plus aux gens à travers les moyens traditionnels à cause de leur lamentable situation.

    Le manque d’eau et de nourriture a poussé les gens dans une situation désespérée. Personne ne souhaite voir ses enfants pleurer de faim ou de soif et c’est cette situation qui a poussé les gens à pénétrer par la force dans les supermarchés afin de ramener des aliments de base pour nourrir les familles.

    Décomposition sociale

    Le désespoir des victimes du tremblement de terre face au manque d’eau et de nourriture, avec les supermarchés fermés et, qui plus est, sans argent liquide (même si on dispose d’argent à la banque, il est impossible de le retirer dans plusieurs villes), mais également des actes de vandalisme, comme les attaques et les pillages de maisons de travailleurs et de petits commerces de quartiers populaires, montrent la gravité de la fracture sociale au Chili. Avec une des répartitions des revenus parmi les plus inégales au monde, on a vu croître la décomposition sociale et l’individualisme promus par le brutal système capitaliste chilien. Mais on a aussi pu voir des gestes de solidarité émouvants.

    Les autorités sont plus préoccupées par le paraître que par la recherche de solutions

    Il est clair que des délinquants utilisent cette situation pour piller et voler. Mais les autorités instrumentalisent ces faits pour masquer leur incapacité à trouver des solutions réelles et concrètes aux problèmes des habitants. Il est beaucoup plus facile de traiter tout le monde de délinquants et d’ordonner la répression.

    Rien de tout cela ne serait arrivé si les autorités et le patronat de la grande distribution avaient organisé la distribution de nourriture à la population qui en avait besoin. Malheureusement, il semble que la soif de profit des patrons était plus grande et qu’ils souhaitaient contribuer à la situation de désespoir et voir, de cette façon, augmenter le prix des aliments.

    Selon Bachelet, il n’y aurait pas de tsunami

    Les criques de pêcheurs et les localités touristiques de la côte sont dévastées. Au tremblement de terre s’est ajouté un tsunami. La Présidente Bachelet a pourtant annoncé à la radio que, selon les services de surveillance spécialisés de la Marine, il n’y avait aucun danger de tsunami. Etant donné le désordre qui a suivi, le ministre de la défense a fait porter publiquement la responsabilité de l’erreur à la Marine. Cependant, de ce que l’on sait du document, il est clair qu’ils connaissaient le danger de tremblements de terre sous-marins.

    En général, les témoignages abondent sur la réaction de voisins, de pompiers ou de policiers qui ont appelé à l’évacuation des quartiers littoraux vers des endroits plus élevés par rapport au niveau de la mer et qui eurent la présence d’esprit de ne pas écouter les déclarations gouvernementales et qui ont agi sans recevoir de consignes, ce qui a permis de sauver des milliers de vies. Il semblerait que le gouvernement était plus préoccupé de donner une image de tranquillité, minimisant la gravité de ce qui était en train de se passer. Le pire, c’est que cette attitude est probablement responsable de nombreuses morts.

    La Présidente, Michelle Bachelet, et le futur Président, Sebastian Piñera, se sont contentés de se balader en hélicoptère et de se montrer à la télévision; mais en réalité, ils ne font rien alors que les pompiers et les spécialistes du sauvetage ont dû attendre 24 heures pour être envoyés vers les zones plus sinistrées pour pouvoir aider les personnes coincées sous les buildings effondrés suite au tremblement de terre.

    De nombreux gouvernements étrangers ont rapidement offert d’envoyer aide matérielle et services de secours et de soins spécialisés, mais le gouvernement chilien a répondu avec arrogance qu’il disposait de suffisamment de moyens. Après plusieurs précieuses heures perdues pour pouvoir sauver des personnes coincées ou suppléer les hôpitaux effondrés, après qu’il ait été clair que les moyens sur lesquels ils comptaient étaient largement dépassés, le gouvernement s’est enfin décidé à accepter l’aide extérieure. En réalité, même les moyens disponibles n’ont pas été utilisés de manière adéquate, les équipes de secours et les entreprises minières du nord du pays, qui n’a pas été affecté par le tremblement de terre, ont attendu les instructions du gouvernement pour accéder aux zones de la catastrophe.

    Les entrepreneurs de la construction peu scrupuleux sont de véritables criminels

    La quantité de buildings et de maisons qui se sont effondrés vient seulement confirmer ce qui se dit en permanence : il n’y a aucun contrôle sur les nouvelles constructions laissées aux lois du marché. Comme l’a dit le président du collège des architectes, Patricio Gross: "Aucune construction bien conçue ne devrait s’effondrer ou être gravement affectée par un tremblement de terre de magnitude 8 au Chili, puisque c’est un niveau relativement courant."

    Le manque de contrôle a permis aux entrepreneurs peu scrupuleux et criminels de construire des bâtiments bien en dessous des normes existantes dans un pays régulièrement touché par ce genre de mouvements sismiques. Julio Alegría, membre du collège professoral de l’Université de Talca a été extrêmement clair quand il a dit: "Nous devons tout ceci à la diminution des moyens de contrôle de qualité. Nous le disions, c’était prévisible et les conséquences sont maintenant claires. Le Chili a raté son examen."

    Le moins que nous puissions exiger est que l’ensemble de ces entrepreneurs peu scrupuleux aillent en prison et payent des amendes égales ou supérieures aux escroqueries dont ils sont responsables.

    Il est nécessaire de mettre sur pied des comités de solidarité et d’action dans toutes les communes affectées

    Les habitants des quartiers doivent s’organiser et exiger des solutions réelles et immédiates aux problèmes urgents et à ceux qui se poseront à moyen terme.

    Une des premières choses que nous devons exiger est l’abandon des dettes de toutes les maisons sérieusement endommagées ou inutilisables avec des subventions de l’Etat pour la reconstruction et tout cela sous le contrôle des habitants des quartiers affectés et des organisations des travailleurs.

    Ces comités doivent nous servir en premier lieu à nous protéger et à faire jouer la solidarité entre tous les voisins des quartiers populaires. Il est clair que face à l’urgence, nous devons nous organiser pour prendre soin de nos quartiers.

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