Your cart is currently empty!
Category: Social
-
Crise climatique : comment pouvons-nous gagner ?

La crise climatique en cours est le signe le plus clair, parmi beaucoup d’autres, que ce système doit disparaître. « L’Organisation météorologique mondiale a indiqué mercredi que la crise climatique a engendré des conditions météorologiques extrêmes qui ont tué plus de 2 millions de personnes au cours des 50 dernières années, avec des dommages économiques de plus de 3.600 milliards de dollars. Les chercheurs ont constaté que le nombre d’événements météorologiques extrêmes a été multiplié par cinq par rapport à 1970. » (Democracy Now le jeudi 02/09/2020)
Par Philipp Chmel (Autriche), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Cette déclaration réaffirme la sensation que nous voyons, entendons, lisons et vivons dans notre vie quotidienne de plus en plus fréquemment : la situation est désastreuse et elle va empirer. La crise climatique se déroule depuis des années. Elle s’accélère, provoquera inévitablement des destructions sans précédent de notre vivant et conduira à des catastrophes climatiques encore plus graves si nous ne changeons pas radicalement de cap dans les années 2020. Sous le capitalisme, des scénarios cauchemardesques avec des émissions accrues entraînant une augmentation de 3 à 5 degrés de la température moyenne mondiale et une élévation du niveau des mers de plusieurs mètres, sont presque garantis. Cela signifie la conversion de grandes parties de notre planète en zones non compatibles avec la civilisation humaine.
Il y a encore de l’espoir
Cependant, il y a aussi de l’espoir : selon le dernier rapport du GIEC, le réchauffement de la planète peut être limité si les émissions de gaz à effet de serre sont réduites à la vitesse et à l’échelle nécessaires. Mais pour que cela soit possible, il faut un changement de système révolutionnaire. S’il s’agit sans aucun doute d’un défi majeur, résoudre la crise climatique dans les limites du capitalisme est carrément impossible.
Les gouvernements et les institutions capitalistes, de plus en plus conscients qu’ils doivent au moins donner l’impression d’essayer de faire quelque chose de grand (et de gagner beaucoup d’argent dans le processus), vont sans aucun doute céder à la pression et mettre en œuvre de nouvelles politiques, y compris une intervention massive de l’État similaire à celle observée pendant la pandémie. Mais tout cela ne sera tout simplement pas assez important, ni assez rapide, pour obtenir le changement dont nous avons besoin dans les années 2020.
Les lois de l’accumulation sans fin du capital et de la concurrence, ainsi que de la division et des antagonismes nationaux, font partie de l’ADN du système, elles ne sont pas sujettes à débat et les classes dirigeantes n’hésitent pas à les faire respecter par la violence si nécessaire. Ces contradictions du capitalisme se dressent comme des murs géants sur le chemin du progrès pour sauver le climat.
Il n’y a pas d’autre solution : comme nous l’avons affirmé tout au long de cette brochure, si nous voulons sauver l’humanité de la barbarie et de la catastrophe climatique, nous devons remplacer le système capitaliste destructeur par un système démocratiquement socialiste dans lequel la production, la distribution et l’ensemble de l’économie sont planifiés en fonction des besoins des personnes et de l’environnement, sous le contrôle démocratique et le gouvernement d’en bas.
Une question de classe
Les gens ne sont évidemment pas tous touchés de la même manière par les effets de la crise climatique : les riches peuvent s’offrir des générateurs privés pour sécuriser leur approvisionnement en électricité, isoler correctement leurs maisons contre la chaleur et le froid ou s’éloigner des zones particulièrement touchées par les phénomènes météorologiques extrêmes. Les super-riches ont même leurs bunkers privés en Nouvelle-Zélande pour tenter d’échapper à l’apocalypse climatique.
La classe ouvrière et les pauvres, en revanche, n’ont pas ce choix. Au contraire, les travailleurs (en particulier les personnes de couleur, les femmes et les groupes marginalisés) sont touchés de manière disproportionnée par la crise climatique, alors qu’ils ne contribuent qu’à une fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cependant, le côté positif est que ce sont également ces mêmes personnes – la classe ouvrière mondiale et les opprimés – qui ont à la fois le pouvoir et l’intérêt de défier et finalement de renverser ce système.
Amis et ennemis
Soyons clairs sur ce point : ce n’est pas l’activité humaine dans l’abstrait, le fait qu’il y ait « trop de gens », ou nos choix de consommation qui sont à l’origine de la crise climatique, c’est le système capitaliste. Ce système, qui repose sur l’exploitation des gens et de la nature, engendre la pauvreté, les déplacements de population et les guerres, le racisme et le sexisme, ainsi que d’innombrables autres maux sociaux. Ce système et ses classes dirigeantes sont nos ennemis ! Reconnaître pleinement ce fait est la première étape très importante pour trouver une stratégie gagnante – nous devons savoir distinguer nos amis de nos ennemis.
Cependant, ce n’est pas toujours évident : la crise climatique mettant en danger les profits des capitalistes et la pression du mouvement augmentant, de nombreuses entreprises, gouvernements et politiciens ont commencé à appeler à l’action climatique. Par exemple, lors d’un discours à la Maison-Blanche le 2 septembre 2021, le président américain Biden a déclaré : « Ces derniers jours, l’ouragan Ida, les incendies de forêt dans l’Ouest et les crues soudaines sans précédent à New York et dans le New Jersey nous rappellent une fois de plus que ces tempêtes extrêmes et la crise climatique sont là. » Dans le même discours, il a toutefois précisé : « C’est pourquoi nous n’attendons pas d’évaluer l’impact total que la tempête aura sur la production de pétrole et les raffineries. Nous agissons déjà, rapidement, pour augmenter la disponibilité du gaz [essence] et relâcher la pression sur les prix du gaz dans tout le pays. » Biden intensifie également la guerre froide avec la Chine, en instrumentalisant la crise climatique.
Le capitalisme vert ne peut pas résoudre la crise climatique. Il vise plutôt à accéder à de nouveaux marchés, à obtenir un avantage concurrentiel – le « vert » est un argument commercial – et aussi à tenter de restaurer la légitimité du système, de regagner la confiance de la jeune génération. C’est une tactique de diversion dans la lutte désespérée pour protéger le système. On tente de nous vendre l’illusion qu’un prétendu capitalisme éthique et vert pourrait mettre fin à la crise climatique et que tout ce que nous devons faire est de faire pression pour des réglementations plus strictes et de réduire nos empreintes carbone individuelles en faisant les bons choix de consommation. Qu’il soit déguisé en vert, rose ou arc-en-ciel, le « capitalisme woke » ne vise pas à résoudre les problèmes brûlants de la crise climatique, du sexisme ou de l’homophobie et de la transphobie. Il vise plutôt à coopter les mouvements et les critiques du système et à renforcer la légitimité du pouvoir capitaliste qui s’effrite.
La solidarité de la classe ouvrière, pas le capitalisme vert
Si nous devons bien sûr toujours nous battre pour des améliorations ici et maintenant, nous devons être conscients que ces améliorations sont le résultat de luttes d’en bas et que toutes les victoires que nous obtenons seront bientôt menacées à nouveau tant que le capitalisme existera. Nous devons défendre une combinaison de revendications audacieuses, des méthodes de lutte et un programme qui, ensemble, peuvent mener au-delà du système actuel, exposant ainsi les mensonges du « capitalisme vert ». Le récit « le climat contre l’emploi » ou l’argument selon lequel la « surpopulation » est le moteur de la crise climatique, par exemple, sont des hommes de paille erronés et dangereux qui visent à diviser la classe ouvrière. Nous devons répondre à ces mensonges en construisant l’unité et la solidarité de la classe ouvrière la plus large possible, pas seulement dans l’abstrait, mais de manière concrète. Nous devons construire l’unité de la classe ouvrière, c’est un point de référence central lors de l’élaboration de nos revendications et de nos slogans, ainsi que lors de l’organisation de manifestations et d’actions plus importantes.
Dans de nombreux cas, nous avons déjà vu des jeunes unir leurs forces et construire la solidarité dans le mouvement pour le climat. De nombreux militants pour le climat ont également participé aux manifestations de Black Lives Matter, à la solidarité avec les réfugiés et aux manifestations du 8 mars, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Aux États-Unis, le Sunrise Movement s’est officiellement mobilisé pour les manifestations de Black Lives Matter, et récemment, l’activiste climatique indienne Disha Ravi, Greta Thunberg et d’autres ont soutenu le mouvement de protestation et de grève des agriculteurs indiens.
La prochaine étape consiste à construire ce même esprit de coopération et de solidarité en relation avec le mouvement syndical et ouvrier, car c’est lorsque nous nous organisons en tant que classe ouvrière que nous avons le pouvoir d’arrêter la machine capitaliste de fonctionner. Grâce à des actions de grève organisées collectivement, nous pouvons créer le type de pression politique et économique qui peut imposer de grands changements.
Pour un mouvement de grève militant
Nous avons vu l’importance des grèves économiques des travailleurs lors des récents soulèvements au Belarus, au Chili, au Myanmar, en Colombie et dans de nombreux autres pays. Il en va de même pour le climat : lutter et faire grève pour la protection de l’environnement et de l’écologie ainsi que pour des améliorations sociales est la méthode la plus puissante pour gagner le changement. Les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, telles que la journée de travail de 8 heures, le droit de vote des femmes et les droits démocratiques dans de nombreux pays, n’ont pas été obtenues en étant « pas trop radical » et en faisant appel aux médias et aux décideurs politiques, mais par des actions collectives de grève et de protestation.
La construction d’un mouvement de grève combatif qui lie les revendications climatiques et les autres revendications sociales ne se fera pas principalement par le biais de réunions stratégiques avec les directions des syndicats (dont la plupart n’ont pas été à la hauteur de la lutte pour les travailleurs au cours de la dernière période), mais avant tout en s’engageant et en soutenant les organisations de base existantes et les militants de la classe ouvrière qui mènent déjà des luttes, par exemple dans le secteur social et des soins de santé.
Nous, et l’ensemble du mouvement pour le climat, devons soutenir, nous engager et essayer de relier les luttes ouvrières dans différents secteurs économiques et pays, et faire pression sur les syndicats pour qu’ils agissent. Nos premiers pas dans cette voie, même s’ils sont modestes, seront d’une grande importance.
En fin de compte, nous devons construire des grèves internationales intersectorielles pour le climat visant à améliorer les conditions de travail, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à faire payer les véritables pollueurs. Tout comme les grèves scolaires de 2019 se sont répandues comme une traînée de poudre, l’idée de véritables grèves générales pour les travailleurs et la planète peut devenir plus viable dans la prochaine vague du mouvement.
La classe ouvrière peut prendre le pouvoir et sauver la planète
Sur la base de son rôle dans la production et de son poids dans la société, la classe ouvrière a le pouvoir de prendre le contrôle des secteurs économiques clés tels que l’agriculture, l’énergie, le transport et la mobilité, et le social et les soins de santé, par le biais de la propriété publique et du contrôle démocratique. L’histoire l’a montré à plusieurs reprises : si l’on ne retire pas la propriété des moyens de production des mains privées pour en faire une propriété publique sous contrôle et gestion démocratiques de la classe ouvrière, la gestion des entreprises et de la production ne changera pas fondamentalement de cap.
Dans de nombreux pays européens, les « comités d’entreprise » et les organes représentatifs des travailleurs se sont développés à partir des luttes ouvrières militantes et révolutionnaires après la Première Guerre mondiale. En Autriche, par exemple, les conseils ouvriers (calqués sur les « soviets » de la révolution russe) se sont formés pendant les grèves de janvier 1918, en tant qu’organisations de masse en dehors des portes de l’usine. Lorsque le SDAP (parti ouvrier social-démocrate) a ensuite tenté de les établir sur le lieu de travail, il s’agissait d’une « concession à la bourgeoisie, qui avait peur que les travailleurs, qui occupaient déjà les usines, ne les exproprient », comme l’a déclaré un responsable syndical autrichien. Ainsi, au lieu de prendre le contrôle de la production, ces organes représentatifs des travailleurs se sont institutionnalisés, abandonnant au fil du temps toute idée de changement radical. Aujourd’hui, ils limitent largement leur travail à la défense des droits et des intérêts des travailleurs au niveau de l’entreprise, dans le cadre juridique donné, et forment le « lien entre la main-d’œuvre et la direction », comme le décrit la Chambre du travail autrichienne.
Il ne s’agit pas de diminuer ici le rôle crucial que les délégués syndicaux doivent jouer dans la lutte pour les droits des travailleurs et l’organisation des luttes ouvrières, mais simplement d’avertir des limites de toute idée de « contrôle ouvrier » durable dans un cadre économique capitaliste. Rester dans le cadre capitaliste officiel et « respecter les règles » ne domptera pas la cupidité des entreprises, mais cela va certainement dompter le militantisme des luttes ouvrières.
Parfois, la classe ouvrière organisée devient si forte qu’elle contrôle de facto certains domaines de la société (ce que les marxistes appellent aussi le « double pouvoir »), mais cela ne peut pas durer longtemps. L’un des deux camps, la classe capitaliste ou la classe ouvrière, finira par prendre le dessus. Nous devons préparer et construire le pouvoir et l’organisation de la classe ouvrière. La classe ouvrière peut et doit renverser les États capitalistes et les remplacer par des États ouvriers socialistes et démocratiques.
Les tendances actuellement dominantes dans le mouvement pour le climat n’ont cependant pas encore tiré les conclusions nécessaires. Bien que beaucoup exigent un changement de système ou appellent même à une révolution, ils n’ont pas pleinement saisi ce qui est réellement nécessaire pour y parvenir. De nombreux points de référence du mouvement, qu’il s’agisse d’activistes individuels ou d’organisations telles que Green New Deal Rising, ont de très bonnes revendications, d’une grande portée, concernant par exemple les investissements verts et les programmes d’emploi, et ils savent que l’on ne peut pas faire confiance à la classe dirigeante.
Cependant, lorsqu’il s’agit de savoir comment obtenir ces revendications, ils retombent souvent dans des stratégies de type ONG, se contentant de préconiser de faire pression sur les élus en dénonçant leur inaction. Si de telles campagnes peuvent assurément susciter l’attention nécessaire du public et peuvent également politiser certains jeunes, nous devons aller plus loin. Le mouvement pour le climat doit se concentrer davantage sur le soutien et l’engagement dans les luttes syndicales existantes depuis la base, afin de construire un front uni militant entre les groupes de justice climatique et le mouvement syndical et ouvrier, capable d’imposer les changements nécessaires et de défier le système dans son ensemble.
Pour lutter pour les changements révolutionnaires qui sont nécessaires et combattre efficacement la crise climatique et les nombreux autres maux sociaux, nous devons construire des mouvements de masse et une organisation révolutionnaire avec un programme clair pour relier les luttes, combattre le capitalisme et transformer la société. Pour gagner le changement de système à l’échelle mondiale, une telle organisation doit être construite au niveau international, c’est pourquoi Alternative Socialiste Internationale (ASI), une organisation de travailleurs et de jeunes, lutte activement pour une transformation socialiste de la société dans plus de 30 pays.
Pour obtenir le changement révolutionnaire nécessaire pour mettre fin au capitalisme, à la destruction de notre planète et à toutes les formes d’oppression, rejoignez ASI !
-
Construire un mouvement pour le climat capable de vaincre le capitalisme

En 2019, Alternative Socialiste Internationale s’est mobilisée et a participé de tout cœur à la vague mondiale de grèves et de protestations pour le climat dans le monde entier. À son point culminant, le 20 septembre 2019, 4.500 actions ont eu lieu dans plus de 150 pays qui ont fait descendre plus de 4 millions de personnes dans la rue ! Mené par la jeune génération et soutenu par de larges pans de la société, ce mouvement a évoqué un large débat sur la crise climatique et a même remporté quelques victoires limitées. Pourtant, une fois de plus, les catastrophes environnementales que nous avons connues ces derniers mois ont montré qu’il était urgent d’aller plus loin. La bataille du climat n’est pas terminée. Mais comment pouvons-nous la gagner ?
Par Arne Lepoutre (Belgique), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Notre mouvement doit être anticapitaliste
Des conditions météorologiques extrêmes, des sols infertiles et rocheux et même la pandémie : les scientifiques avaient tout prévu. Pourtant, pendant des décennies, les gouvernements et les grandes entreprises ont refusé d’élaborer un véritable plan pour éviter de tels désastres. Au lieu de cela, ils ont mis au point une énorme campagne visant à nier la crise climatique et à rejeter la responsabilité sur les individus en faisant appel à leurs gouvernements. Les multinationales ont investi dans de prétendues « recherches scientifiques » qui tentaient de nier le lien entre les combustibles fossiles et le changement climatique. La compagnie pétrolière ExxonMobil a dépensé environ 40 millions de dollars pour de tels mensonges au cours des 20 dernières années. Depuis l’accord de Paris de 2015 sur le climat, les plus grandes entreprises de l’industrie des combustibles fossiles ont dépensé plus d’un milliard de dollars en lobbying contre les énergies vertes !Pourtant, la pression du mouvement pour le climat a poussé une partie de la classe dirigeante à investir dans des mesures liées au climat et des technologies vertes. La crise climatique est aujourd’hui d’une telle ampleur qu’elle sape la productivité de la société et les profits des capitalistes. Il suffit de penser à la façon dont les catastrophes naturelles font s’arrêter le monde (et l’économie). Alors que certains de ces investissements seront des développements positifs et des victoires du mouvement pour le climat qui pourraient ralentir ou aider à se protéger contre les effets de la crise, nous devons lancer un avertissement clair : ces investissements ne représentent pas une orientation vers un « capitalisme vert » durable. Cela n’existe pas.
C’est pourquoi le mouvement pour le climat doit être anticapitaliste. Nous avons besoin d’un changement de système, d’un plan international qui réponde à cette crise par la solidarité de la classe ouvrière et le socialisme. Tous les moyens possibles doivent être mobilisés pour résoudre cette crise. Mais les contradictions internes du capitalisme, telles que la concurrence entre les États-nations et les super riches, rendent impossible l’élaboration du plan international nécessaire.
Le mouvement jusqu’à présent
Le mouvement de 2019 a introduit certaines méthodes, qui constituent des avancées importantes. Il a été compris que l’action internationale collective et de masse devait être la priorité du mouvement pour le climat, et non plus les choix des consommateurs ou les actions individuelles.
L’idée de la grève a été introduite dans le mouvement, à travers la proposition d’une grève des écoles et des plateformes telles que Fridays For Future. Ces plateformes et d’autres, dont Extinction Rebellion (XR), ont appelé à des journées d’action internationales et à une organisation internationale. Greta Thunberg a également appelé les activistes climatiques à soutenir le mouvement de protestation et de grève des agriculteurs indiens. Si l’on compare ces données à celles de la période précédente, il est clair que ces changements représentent des défaites idéologiques pour le capitalisme, et une avancée dans la compréhension sociale et politique de millions de jeunes à travers le monde.
Dans toute la société, l’atmosphère et la compréhension de la crise climatique ont radicalement changé en raison de l’impact du mouvement, ainsi que de l’impact réel du changement climatique sur nos vies. Le mouvement a permis d’exposer les véritables responsables de la crise et a popularisé des éléments importants tels que le fait que 71 % des émissions industrielles de gaz à effet de serre proviennent de seulement 100 entreprises. Plus important encore, le mouvement ne s’est pas limité à critiquer les pollueurs : il a appelé à un changement de système, à des changements structurels. Le slogan « change the system, not the climate » représente un pas en avant dans la recherche d’une solution radicale à la crise la plus urgente à laquelle l’humanité est confrontée. En réalité, un changement de système implique un changement révolutionnaire.
Des méthodes erronées et une accalmie dans le mouvement
Cependant, force est de constater que de nombreuses personnalités se sont laissées entraîner vers des méthodes qui n’ont pas vraiment profité à notre mouvement. Cela s’est traduit par une volonté de rallier le plus grand nombre possible de personnalités et d’organisations à la cause afin de faire pression sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils changent de cap (voir les exemples belges ci-dessous). Bien que cela semble être un désir logique, dans la pratique, cela a souvent été fait à un prix : en sacrifiant la clarté politique et le caractère antisystème du mouvement et de ses revendications.
Ces méthodes ont finalement commencé à démobiliser le mouvement et, pire encore, ont ouvert la porte aux partis de l’establishment et même aux grandes entreprises pour tenter de coopter notre mouvement. Le « greenwashing » de ceux qui partagent la responsabilité de la crise climatique a souvent été toléré afin de ne pas trop « polariser ».
Cette approche et le déclin de la taille et de la fréquence des mobilisations, avec le Covid-19 comme facteur supplémentaire, ont permis à la classe dirigeante de commencer à riposter. Les entreprises et les gouvernements ont commencé à réintroduire, avec plus d’intensité, leur discours sur la responsabilité individuelle : « comment vous, en tant qu’individu, pouvez lutter contre le changement climatique dans votre vie quotidienne ? » Les confinements ont traversé la lutte sociale pendant la première phase de la pandémie et finalement, le mouvement pour le climat est entré dans une pause relative encore largement en place à l’approche de la COP26. Seules quelques petites actions ont continué à avoir lieu, mais nous savons qu’il en faut beaucoup plus. Que devons-nous donc faire pour reconstruire le mouvement et éviter que la situation ne se reproduise ?
Nous ne sommes pas tous dans le même bateau : la lutte pour le climat est une lutte de classe !
L’incapacité de la classe dirigeante à résoudre la crise climatique a des implications pour la construction du mouvement climatique. Cela signifie que le mouvement doit viser à lutter pour une alternative au système capitaliste de la classe dominante. Le mouvement n’a rien à gagner d’alliances avec les défenseurs « écolos » du système capitaliste et doit viser à construire un mouvement indépendant de la classe capitaliste. Les alliances avec la classe dirigeante permettent à cette dernière non seulement de fuir ses responsabilités, mais aussi de stimuler de dangereuses illusions dans le « capitalisme vert ». C’est pourquoi les capitalistes cherchent à conclure des coalitions avec le mouvement pour le climat, afin de le stopper et de le démobiliser, surtout compte tenu de sa croissance rapide et de sa radicalisation.
En Belgique en 2019, une énorme dynamique a été construite par le mouvement, exerçant une pression énorme contre les grands pollueurs. Les grèves scolaires ont rassemblé jusqu’à 35.000 jeunes et les manifestations ont réuni jusqu’à 100.000 personnes. Puis, au plus fort du mouvement, une coalition appelée « Sign for my future » a été créée, ce qui a considérablement changé la donne.
Des groupes d’action écologistes bien connus ont rejoint cette campagne, ainsi que de grandes entreprises telles que Colruyt, Ikea, Proximus et Solvay, certaines des plus grandes organisations patronales de Belgique et même de grandes banques comme BNP Paribas, KBC et ING, qui investissent des millions d’euros par an dans l’industrie des combustibles fossiles. Si certains ont pu espérer que cette campagne pourrait donner l’impression que le mouvement pour le climat s’élargissait et se renforçait, ce n’était qu’une illusion.
La campagne était prétendument censée faire pression sur les politiciens qui n’étaient pas prêts à agir, mais en réalité, elle n’a fait que donner aux grandes entreprises un nouveau moyen d’éviter d’assumer la responsabilité de la crise climatique. La campagne n’a rien changé à la façon dont les entreprises participantes investissent ou produisent.
De nombreux militants pour le climat ont désapprouvé la mise en place de cette coalition. Mais malheureusement, le mouvement ne disposait pas des structures démocratiques nécessaires pour exprimer leur désaccord avec la direction autoproclamée du mouvement, qui organisait celui-ci du haut vers le bas. Nous avons besoin d’un mouvement de masse dont la stratégie, les revendications, le programme et les méthodes sont discutés de manière démocratique. Seul un mouvement démocratique peut garantir notre indépendance vis-à-vis des grands pollueurs !
Notre mouvement doit être organisé de manière démocratique
Cette anecdote explique pourquoi Alternative Socialiste Internationale a toujours insisté sur la nécessité de s’organiser correctement. Imaginez ce qui aurait été possible si ce mouvement historique pour le climat avait été organisé en comités d’action dans les écoles, les universités, les villes et sur les lieux de travail !
Le mouvement pour le climat aurait pu s’adapter à la pandémie en proposant un programme pour y faire face et rester organisé et actif de manière sûre pendant le confinement. Il faut maintenant discuter des revendications qui permettraient de mobiliser la couche la plus large possible de jeunes et de travailleurs dans les mois à venir. Les revendications les plus populaires du mouvement, qui étaient souvent des revendications sociales anticapitalistes, devraient être mises en avant par des porte-parole élus du mouvement : des investissements massifs pour des transports publics gratuits, plus nombreux et de meilleure qualité ainsi que pour une énergie verte et abordable, attireraient beaucoup d’autres personnes à rejoindre notre combat après cette cruelle pandémie et de nouvelles catastrophes climatiques.
Aujourd’hui, cependant, notre tâche est différente. Nous avons besoin d’un leadership qui ne favorise pas les coalitions avec ceux qui ne font que promouvoir plus de « taxes climatiques » sur les gens ordinaires qui ne sont pas à blâmer, ou qui ne parlent que de changements dans notre comportement personnel de consommation. C’est pourquoi ASI appelle à un mouvement qui puisse décider démocratiquement qui sont nos dirigeants et nos personnalités publiques, en les élisant et en étant capable de les révoquer. De plus, sans de véritables discussions démocratiques sur notre programme et nos méthodes, nous ferons inévitablement des erreurs importantes.
Pour un programme qui vise l’unité de la classe ouvrière !
En 2018, en France, le mouvement des Gilets jaunes a éclaté. Il s’agissait d’une réaction contre une augmentation des taxes sur le carburant pour les gens ordinaires et la hausse du coût de la vie, que le président français Macron a imputé au mouvement pour le climat et à son programme. Pourtant, très vite, les Gilets jaunes ont été repérés dans presque toutes les manifestations pour le climat et la solidarité entre les deux mouvements de lutte s’est rapidement construite.
Cependant, les Gilets jaunes ne sont pas le seul mouvement que la classe dirigeante a tenté de dresser contre le mouvement pour le climat. Aux Pays-Bas, ils ont essayé de le faire avec le mouvement des agriculteurs. Partout, les politiciens et les médias ont tenté de semer la division entre les « jeunes grévistes du climat » et les « vieux pollueurs ». Ces divisions ne sont pas les seules utilisées et renforcées par la classe dirigeante pour affaiblir nos forces : le racisme, le sexisme, la LGBTQI+phobie et d’autres formes de discrimination et d’oppression sont toujours répandus dans nos sociétés et continuent d’être reproduits et renforcés par l’oppression structurelle du système capitaliste.
Pour le mouvement climatique, il s’agit d’une question cruciale. Il n’y a aucun doute sur la nécessité d’utiliser notre programme pour construire l’unité de la classe ouvrière. Nous ne voulons abaisser le niveau de vie de personne, sauf de la classe dirigeante décadente. Les revendications climatiques sont des revendications sociales et seul un new deal vert socialiste peut fournir des emplois de qualité avec de bonnes conditions de travail et de salaire à tous ceux qui en ont besoin. Un véritable programme socialiste internationaliste pour le mouvement climatique peut être un pas décisif vers la construction de l’unité de la classe ouvrière.
Le rôle du mouvement des travailleurs
Les revendications sociales qui composent un tel programme trouvent toutes leur origine dans les luttes du mouvement ouvrier, et ce n’est pas une coïncidence : le mouvement climatique lui-même trouve son origine dans le mouvement ouvrier.
Dès le début du 20e siècle, les travailleurs se sont battus contre la pollution dans leurs quartiers. Au cours des « croisades antismoke » aux États-Unis, les femmes de la classe ouvrière se sont battues contre le smog provenant des usines polluantes. Les métallurgistes ont attaqué Carnegie Steel à la suite du smog mortel de Donora en 1948, qui a tué des dizaines de personnes. Plus tard, et en dehors des États-Unis, c’est le mouvement ouvrier qui s’est chargé de toutes les luttes vitales pour l’environnement, ce qui a permis d’obtenir bon nombre des lois de protection de l’environnement qui existent actuellement.
Aujourd’hui encore, nous voyons comment le mouvement ouvrier se bat au quotidien contre la pollution. Une entreprise appelée 3M, présente dans plus de 70 pays et réalisant des millions de bénéfices chaque année, a utilisé sciemment des substances toxiques depuis des années. L’été dernier, des quantités excessives de ces substances (PFOS et BFAS) ont été détectées à deux reprises dans la zone entourant les activités de 3M dans le port d’Anvers, en Belgique. Depuis bien plus longtemps, les représentants syndicaux de l’entreprise posaient des questions sur la pollution des sols qu’elle provoquait, sans recevoir de réponse de la direction. Le syndicat a également averti qu’il existait des risques de pollution provenant de plusieurs entreprises de la région et que l’on utilisait des matières premières dont les effets sur les gens et l’environnement n’avaient pas encore été entièrement clarifiés.
L’obstacle de la bureaucratie syndicale
D’une manière générale, les syndicats n’ont pas encore joué le rôle moteur qu’ils devraient jouer. Bien que de nombreux syndicats se soient prononcés en faveur des grèves scolaires pour le climat dans le sillage du mouvement, cela est resté largement à un niveau symbolique. Pratiquement aucune structure syndicale importante ne fait activement campagne et ne s’organise autour de la question de la crise climatique. La plupart des dirigeants syndicaux ont, dans une certaine mesure, essayé de cultiver une image « verte », mais sans réellement proposer de réponses cohérentes, que ce soit dans l’action ou sous la forme de solutions politiques.
Dans de nombreux pays, les dirigeants syndicaux qui se disent « verts » ont pris des positions politiques en faveur de projets d’entreprises liés aux combustibles fossiles, reprenant souvent la fausse version selon laquelle cela était nécessaire pour défendre les emplois et les conditions de travail de leurs affiliés. En Allemagne et en Autriche, ils ont notamment soutenu l’expansion des aéroports et les subventions gouvernementales aux constructeurs automobiles privés. Dans l’exemple le plus extrême, l’IG BCE (syndicat industriel des travailleurs des mines, de la chimie et de l’énergie) a organisé, en collaboration avec la société minière RWE, une contre-manifestation de 30.000 travailleurs contre un mouvement de masse visant à mettre fin à la déforestation et à la destruction de l’environnement par les multinationales de l’extraction du charbon dans la forêt de Hambacher !
Des exemples comme ceux-ci montrent à maintes reprises que nous ne pouvons en aucun cas compter sur les directions syndicales conservatrices et bureaucratiques, qui dominent aujourd’hui la plupart des syndicats dans la plupart des pays, pour mener notre lutte. Souvent, l’approche erronée de ces dirigeants vis-à-vis de la crise climatique fait partie d’une approche globale qui ne parvient pas à représenter efficacement la classe ouvrière contre les patrons, en refusant de mobiliser le pouvoir de leurs membres et en empruntant plutôt la voie du lobbying inefficace et de la démobilisation. Pour le mouvement climatique, et pour toutes les luttes de la classe ouvrière, nous devons nous battre pour développer de nouvelles directions syndicales avec une stratégie combative de lutte de masse pour gagner de nouvelles conquêtes sociales.
Le contrôle des travailleurs, pas le chaos du marché !
Dans les années 1970, en Grande-Bretagne, une grande lutte a eu lieu autour du « plan Lucas », lorsque les travailleurs de Lucas Aerospace ont appris en 1976 que des milliers d’entre eux allaient perdre leur emploi. Les travailleurs n’ont pas accepté cela à la légère et ont organisé un comité mixte de délégués syndicaux pour lutter contre les licenciements et pour la reconversion de la production. Le plan Lucas, proposé par le comité mixte des délégués syndicaux en 1976, demandait « le droit de travailler sur des produits raisonnables […], afin de résoudre les vrais problèmes de l’humanité au lieu de les produire ».
Avec le plan Lucas, les travailleurs proposaient qu’au lieu de produire des technologies militaires pour l’État britannique, ils fabriquent, avec le financement public nécessaire, des produits socialement utiles qui répondent aux intérêts de la société. Le plan prévoyait la production de plus de 150 produits environnementaux et sociaux nécessaires. Il s’agissait notamment d’équipements médicaux, d’équipements de chauffage bon marché et écologiques pour les maisons, d’éoliennes et d’un système ferroviaire permettant de relier les zones rurales au réseau public de trains.
Voilà ce qui aurait été possible si les travailleurs avaient eu un contrôle effectif sur leurs lieux de travail. Aujourd’hui, le mouvement pour le climat a besoin de beaucoup d’autres plans comme celui-ci. Et tout comme le Plan Lucas nous l’enseigne, ces plans viendront de la classe ouvrière.
En mars 2020, les travailleurs de General Electric dans trois usines aux États-Unis se sont mis en grève contre les licenciements prévus. Les patrons de GE ont utilisé la pandémie comme excuse pour ces licenciements, mais les travailleurs se sont montrés beaucoup plus intelligents. Ils ont commencé à s’organiser et à faire grève, mais pour obtenir bien plus que les salaires qu’ils méritent. Les syndicats ont posé la question de savoir pourquoi ils ne pouvaient pas commencer à construire les ventilateurs dont on a tant besoin pour lutter contre la pandémie, puisque tous les matériaux nécessaires pour le faire étaient là dans leurs usines.
En Irlande du Nord, en 2019, les travailleurs de Harland & Wolff, un chantier naval historique qui a été placé sous administration judiciaire, mettant en danger des emplois qualifiés, ont fait grève pendant plus de neuf semaines pour exiger la nationalisation de leur chantier afin de préserver son avenir. Mais ce n’était pas leur seule revendication. Pendant des années, les syndicats et les travailleurs ont défendu la nécessité pour Harland & Wolff de devenir un spécialiste de l’énergie verte. Les travailleurs ont fait appel à Mick Barry, membre du Socialist Party (section irlandaise d’ASI) au parlement d’Irlande du Sud, pour l’interroger sur les projets à venir qui pourraient apporter du travail dans le secteur de l’énergie verte.
Que pouvez-vous faire ?
Le mouvement ouvrier n’est pas seulement le mieux placé pour lutter contre la crise climatique parce que les origines de la lutte environnementale se trouvent en son sein ou en raison des exemples de ce qu’il pourrait réaliser s’il en avait le contrôle. La classe ouvrière est également la seule force de la société ayant le pouvoir de renverser le système capitaliste et de le remplacer par une économie socialiste planifiée démocratiquement qui place les besoins réels des gens, de la planète et de toute vie au centre.
Le mouvement pour le climat a besoin de s’orienter vers le mouvement ouvrier et de faire très attention à ce que ses actions ne puissent pas être interprétées à tort comme ciblant la classe ouvrière. Bloquer des stations de métro sans impliquer les travailleurs ne sert qu’à ennuyer les travailleurs qui sont en retard pour leur travail. Les travailleurs des secteurs des combustibles fossiles ne sont pas nos ennemis. Pourquoi ne pas rejoindre la bataille de ces travailleurs pour de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires ET la transformation de leur secteur en un secteur vert, comme l’ont proposé les travailleurs de Harland & Wolff ?
En juillet 2021, une trentaine de militants pour le climat ont bloqué l’entrée des plus grandes banques du pays en Suisse. L’un des manifestants interrogés a déclaré : « nous ne sommes pas ici parce que nous sommes stupides ou que nous n’avons rien d’autre à faire. Nous sommes ici parce que nous ne savons plus ce que nous pouvons faire. Nous nous sommes battus pendant deux ans ». C’est probablement un sentiment partagé par de nombreux jeunes. Notre avenir semble si catastrophique, que pouvons-nous encore faire ?
Notre proposition est très claire : organisons-nous, avec la classe ouvrière de tous les secteurs et industries, avec les habitants de la forêt amazonienne et les autres communautés qui luttent contre l’exploitation des terres par les multinationales polluantes du monde entier. La classe ouvrière est la source de la richesse et des profits de la classe capitaliste. Nous sommes inarrêtables lorsque nous nous organisons ensemble contre eux.
Construire un mouvement pour le climat qui mette en avant ce programme et ces méthodes aujourd’hui reste une grande tâche. C’est pourquoi ASI s’engage dans la bataille. Chaque jour, des membres dans plus de 30 pays s’organisent, protestent et exposent les cruautés du capitalisme. Nous mettons en avant la nécessité du socialisme dans les luttes d’aujourd’hui. Nous sommes un mouvement de lutte international, mais nous sommes encore trop petits pour mener à bien notre mission. Rejoignez-nous, il n’est pas trop tard.
-
Pourquoi les féministes doivent s’engager pour le climat et pour un changement de système

Après les millions de morts du Covid-19, la crise climatique a fait grimper le nombre de victimes l’été dernier. Les inondations, les feux de forêt et autres événements météorologiques extrêmes ont dominé l’actualité. Pour imposer une action réelle, nous devons occuper les rues ! Les femmes autochtones nous ont montré la voie, en défilant par milliers dans la capitale brésilienne le 10 septembre 2021 contre les nouvelles attaques du gouvernement de Bolsonaro contre leurs terres ancestrales dans le but de servir les intérêts des sociétés minières et de l’agrobusiness.Par ROSA – International Socialist Feminists, article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
En luttant pour stopper la destruction continue de la forêt amazonienne, elles défendent la vie de leurs enfants, mais se battent aussi contre un système qui rend de plus en plus de parties de la planète inhabitables pour toutes les créatures vivantes. Nous devons suivre leur exemple : nous avons besoin des plus grandes mobilisations climatiques jamais organisées jusqu’à et pendant la COP26 en 2021. Les féministes doivent être à l’avant-garde de ces mobilisations, car la lutte contre le sexisme va de pair avec la lutte contre la crise climatique.
Les femmes sont plus durement touchées
Le système capitaliste repose sur le travail non rémunéré que les femmes effectuent au sein du foyer. Une partie de ce travail consiste à assurer l’éducation et la sécurité des enfants, une tâche cruciale pour le capitalisme, car les enfants sont la prochaine génération de travailleurs qui créeront des profits pour la classe capitaliste. Cela rend les femmes plus vulnérables aux catastrophes naturelles et aux conditions météorologiques extrêmes liées à la crise climatique. Dans les situations d’urgence, les femmes doivent non seulement se sauver elles-mêmes, mais aussi leurs enfants, qui ne savent peut-être pas encore suffisamment marcher ou nager. Après le tsunami qui a frappé le Sri Lanka, l’Indonésie et l’Inde en 2004, Oxfam a indiqué que pour trois hommes ayant survécu à la catastrophe, seule une femme avait survécu.
Non seulement les femmes effectuent une grande partie des tâches ménagères non rémunérées, mais elles sont également surreprésentées dans les emplois mal payés : 70 % des 1,3 milliard de personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes et 40 % des ménages dans les régions urbaines sont dirigés par une mère célibataire. Les mesures « vertes » antisociales telles que les redevances d’eau frappent plus durement les femmes sur le plan économique, tout comme les destructions massives causées par les catastrophes naturelles, telles que l’ouragan Ida qui a récemment balayé les États-Unis. Les femmes n’ont souvent pas, ou très peu, de moyens pour réparer ou reconstruire leur maison, et encore moins pour payer une maison bien isolée ou souscrire une assurance adéquate.
De plus, les abris après ces catastrophes ne sont souvent pas non plus bien équipés pour accueillir les femmes. Après le passage de l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans en 2005, les femmes ont été hébergées dans un refuge qui ne disposait pas de suffisamment de produits sanitaires pour le nombre de femmes qui y séjournaient.
80 % des personnes contraintes de fuir en raison des effets de la crise climatique sont des femmes. Elles se retrouvent dans des camps de réfugiés où les gens vivent en rangs serrés et où les femmes sont très vulnérables à la violence sexiste, à la traite des êtres humains, etc. Dans un camp de réfugiés au Pakistan, plus de 79 % des 200 femmes interrogées avaient subi des violences domestiques. Et 46 % des femmes des camps de réfugiés européens ont déclaré se sentir en danger.
Avec un emploi mal rémunéré, de nombreuses femmes sont financièrement dépendantes de leur partenaire ou de leur famille et n’ont pas les moyens d’échapper à une situation de violence. Les crises sanitaires et climatiques du capitalisme font de cette réalité une réalité quotidienne pour de plus en plus de femmes. Dans les périodes de tension accrue, la violence à l’égard des femmes augmente. La déshydratation des terres agricoles et l’accès à de moins en moins d’eau potable obligent non seulement les femmes à voyager plus loin pour avoir accès à ces aliments, mais les conduisent aussi à manger moins ou à ne pas être nourries du tout parce qu’elles sont en bas de la hiérarchie soi-disant « naturelle ». Dans d’autres cas, les femmes doivent vendre leur corps en échange de nourriture. Une catastrophe naturelle est une telle situation de tension accrue. En Australie, les chiffres de la violence domestique atteignent des sommets après les feux de forêt, dont l’intensité et la durée augmentent en raison de la crise climatique.
Il est temps d’agir !
« Nous sommes au début d’une crise climatique et vous ne parlez que d’argent et de contes de fées de croissance économique éternelle », c’est ainsi que Greta Thunberg a démasqué les véritables tueurs du climat dans son discours à l’ONU en 2019. Et c’est ce que nous devons à nouveau faire maintenant ! Parce que tout comme le sexisme n’est pas un problème qui vient de chaque homme, le réchauffement climatique n’est pas causé par des personnes individuelles. C’est l’ensemble du système qui est à blâmer !
Le mouvement pour le climat, tout comme le mouvement féministe, doit à nouveau descendre dans la rue, organiser de grandes journées d’action et de grève. Et comme en 2019, les femmes et les féministes doivent être à l’avant-garde de ce combat. Les pays les plus durement touchés par la crise climatique aujourd’hui sont des pays où les femmes sont déjà fortement opprimées. La crise climatique réduit encore plus leurs chances d’avoir une vie décente.
Pour imposer un véritable changement, les jeunes et les travailleurs, les hommes et les femmes doivent lutter ensemble et s’organiser autour d’un programme de revendications sociales qui rompt avec la logique de profit responsable de la crise climatique et qui a également besoin du sexisme pour maintenir ses profits.
-
Crise climatique, impérialisme et oppression

Comme nous le savons, les conséquences de la catastrophe climatique affecteront tout le monde, mais ce sont les communautés les plus pauvres et la classe ouvrière, en particulier dans les pays les plus pauvres, qui supporteront le plus lourdement le poids de cette situation désastreuse. Il s’agit là d’une caractéristique fondamentale de l’impérialisme moderne, où les grandes puissances capitalistes mondiales se disputent des ressources qui s’amenuisent avec peu voire aucune considération pour la vie humaine ou la planète.Par Pedro Meade (Brésil), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Pour maintenir un flux constant de profits, elles doivent également maintenir un système d’influence en exploitant des pays et des continents entiers et en opprimant leurs populations. Aujourd’hui, alors que les relations interimpérialistes mondiales sont de plus en plus dominées par une nouvelle guerre froide entre le capitalisme chinois et les États-Unis, nous devons examiner comment l’exploitation et l’oppression impérialistes ont accéléré les crises climatiques et environnementales tout en laissant la classe ouvrière et les personnes opprimées en subir les conséquences.Lors de la campagne électorale brésilienne de 2018, Jair Bolsonaro, qui n’était alors encore qu’un candidat, a déclaré : « Si je deviens président, il n’y aura pas un centimètre de plus de terres indigènes ». Ce n’était ni la première ni la dernière fois qu’il tenait des propos similaires et, depuis qu’il est président, il a pesé de tout son poids pour réduire à néant la démarcation des terres des communautés indigènes et autres communautés traditionnelles, tout en encourageant les invasions violentes de ces terres par les bûcherons, les mineurs et les accapareurs de terres.
Le pillage impérialiste
Il affirme que la raison pour laquelle ces communautés ne méritent pas d’avoir leurs propres terres sous leur contrôle est qu’elles « entravent le progrès » et que la richesse supposée en minéraux et autres ressources trouvées sur ces terres est « gaspillée ». Bien entendu, ce qu’il entend par « progrès », c’est l’ouverture de ces terres aux entreprises étrangères pour qu’elles exploitent et exportent tout ce qu’elles pourraient y trouver, sans tenir compte du fait que les territoires indigènes sont les îlots les mieux préservés d’écosystèmes plus sains dans une mer de déforestation et de destruction.
Cette situation n’est pas nouvelle en Amérique latine, ni d’ailleurs dans la plupart des pays du « Sud » (terme communément utilisé pour désigner les pays qui ont souffert du sous-développement dû à la domination impérialiste). Pendant des siècles, la classe dirigeante locale a fait tout ce qu’elle pouvait pour accommoder les multinationales ou les puissances impérialistes afin de pouvoir extraire les ressources avec une main-d’œuvre bon marché ou tout simplement esclave. Toutefois, ce processus s’intensifie aujourd’hui, car les ressources deviennent de plus en plus rares et la concurrence entre les puissances impérialistes s’intensifie.
En Afrique, les opérations minières chinoises ont contesté la domination des entreprises nord-américaines et européennes, en investissant massivement dans des pays tels que la Zambie et la République démocratique du Congo pour s’assurer des sources de cuivre, de lithium et de cobalt. Ces investissements touchent toutefois rarement la population locale, qui souffre d’un manque d’infrastructures et de terribles conditions de travail, et fait parfois appel au travail des enfants.
Gyekye Tanoh, responsable de l’unité d’économie politique du Third World Network-Africa basé au Ghana, a récemment publié des données de la Banque du Ghana qui montrent que, « sur les 5,2 milliards de dollars d’or exportés par des intérêts miniers étrangers depuis le Ghana [de 1990 à 2002], le gouvernement n’a reçu que 68,6 millions de dollars [en] redevances et 18,7 millions de dollars en impôts sur les sociétés. » En d’autres termes, le gouvernement a reçu au total moins de 1,7 % des recettes mondiales provenant de son propre or.
L’industrie aurifère est en soi un symbole du gaspillage des ressources et de la destruction de l’environnement par le capitalisme. Aujourd’hui, jusqu’à 80 % de l’or nouvellement extrait ou recyclé est utilisé pour la fabrication de bijoux, un produit qui n’a en réalité que peu ou pas de valeur d’usage.
L’exploitation minière et forestière et l’accaparement des terres accélèrent la destruction du climat
L’exploitation minière a toujours un effet plus ou moins dévastateur sur l’environnement, la destruction évidente causée par le processus d’extraction étant renforcée par l’empoisonnement des réserves d’eau par les écoulements toxiques. Ce phénomène est encore amplifié par les accidents, ce qui devient de plus en plus courant avec la vente des entreprises d’extraction publiques et la dégradation des normes de sécurité par les entreprises privées. On en a vu les résultats en 2019, lorsqu’un barrage de résidus à Brumadinho, au Brésil, s’est effondré, libérant 12 millions de mètres cubes de boue toxique qui ont tué 270 travailleurs et riverains et empoisonné les rivières environnantes, détruisant des écosystèmes délicats et uniques et privant les pêcheurs locaux de leurs moyens de subsistance.
Outre les activités minières, l’exploitation forestière et l’accaparement des terres détruisent de vastes zones de forêts et d’écosystèmes. Les incendies de forêt massifs que l’on observe en Amérique latine pendant les saisons sèches font généralement partie des dernières étapes du « nettoyage » des zones qui seront revendiquées illégalement. Ces dernières années, les records d’ampleur et de durée de ces incendies n’ont cessé d’être battus. Parfois, des incendies sont allumés délibérément dans des zones de conservation, avec la logique simple et brutale qu’une fois que les incendies ont détruit tous les exemples uniques de biodiversité, il n’y a plus de raison de préserver la zone et les autorités peuvent la vendre. Ces terres sont ensuite utilisées pour d’immenses plantations de soja et d’autres cultures de ce type, ou pour d’énormes élevages de bétail destinés à l’industrie de la viande et des produits laitiers, qui sont tous principalement exportés. Il en résulte que des pays produisent et exportent d’énormes quantités de nourriture alors que la faim fait constamment plus de ravages.
L’Amazonie, un champ de bataille essentiel
La forêt amazonienne est devenue un champ de bataille clé pour différents intérêts impérialistes. Les États-Unis ont depuis longtemps un intérêt direct dans son écosystème, non seulement en raison de ses ressources mais aussi de son importance stratégique. Depuis les incendies, d’autres pays comme la France ont utilisé un vernis écologique pour menacer d’intervenir dans la région, ce qui a conduit les États-Unis à resserrer leurs liens avec les gouvernements locaux et même à envoyer l’ex-secrétaire d’État Mike Pompeio en visite.
La destruction de ces forêts a d’autres conséquences, outre la destruction de la faune et des communautés indigènes locales. Certaines parties de l’Amazonie produisent désormais plus de CO2 qu’elles n’en absorbent, en raison des incendies et de l’activité humaine. Il y a également un impact direct sur la disponibilité de l’eau douce, car les « rivières aériennes géantes » constituées de vapeur d’eau libérée dans l’atmosphère par les arbres qui se dessèchent, entraînent une réduction des précipitations dans d’autres parties de la région ainsi que dans le monde. Les sécheresses sont de plus en plus fréquentes, entraînant une raréfaction de l’eau et de la production alimentaire, notamment en Afrique et en Amérique latine. Le Brésil et l’Argentine sont confrontés à des sécheresses massives, les réservoirs des États du sud du Brésil s’asséchant et entraînant la possibilité très réelle de pannes d’électricité, la majeure partie de l’énergie du pays étant produite par des centrales hydroélectriques.
De nouvelles guerres de l’eau ?
Nous assistons déjà à des conflits concernant les droits sur l’eau, tant au niveau local qu’à plus grande échelle. Les communautés ont dû se battre pour l’accès à l’eau, qui a généralement été volée par des entreprises privées. Cela a conduit à un soulèvement des agriculteurs pauvres dans la « guerre de l’eau » contre la privatisation de l’eau à Cochabamba en Bolivie au début des années 2000, dans le cadre d’une vague révolutionnaire qui a secoué le pays. Mais nous voyons aussi l’État et le secteur privé travailler ensemble pour sécuriser les réserves d’eau douce avant que les concurrents ne le fassent.
La majeure partie de l’eau douce de la planète provient des glaciers de montagne, qui fondent aujourd’hui à un rythme accéléré, d’où la course pour sécuriser ces « châteaux d’eau ». Une raison importante de l’occupation continue du plateau tibétain par la Chine est de sécuriser ces approvisionnements. Le conflit frontalier avec l’Inde, qui s’est dramatiquement aggravé, est à considérer dans ce contexte.
Bien entendu, cette ruée vers l’eau n’est pas destinée à assurer le bien-être des milliards de personnes qui en sont encore privées, mais à garantir un approvisionnement régulier pour l’industrie et l’agriculture à grande échelle. Un récent rapport de l’OMS et de l’Unicef estime qu’en 2020, 46 % des personnes dans le monde n’auront toujours pas accès à des services d’assainissement gérés de manière sûre et qu’une personne sur quatre n’aura pas d’eau potable traitée de manière sûre à son domicile. Dans la plupart des pays du « sud global », c’est déjà la réalité au sein des nombreux favelas et bidonvilles qui ont toujours été confrontés à ce manque d’infrastructures. C’est particulièrement le cas pour les personnes de couleur et les femmes, qui vivent et travaillent plus souvent dans ces zones, ce qui entraîne une augmentation des problèmes de santé et des maladies, comme nous l’avons encore constaté durant la pandémie actuelle.
Les plus pauvres en subissent les conséquences
Ce sont ces communautés qui subissent les conséquences du pillage impérialiste. Non seulement les milliards gagnés grâce à l’extraction des ressources passent au-dessus de leur tête, mais en plus elles subissent des réductions de salaire, l’érosion de leurs droits et la privatisation des infrastructures. La pandémie a révélé l’ampleur de ces attaques, notamment dans le secteur de la santé, mais aussi des infrastructures sanitaires et dans l’éducation. Les femmes, et surtout les femmes de couleur, subissent les pires conséquences. Elles sont touchées de manière disproportionnée par les pertes d’emploi et sont également plus exposées aux maladies car elles sont les principales pourvoyeuses de soins pour les familles. L’insécurité alimentaire, associée à l’utilisation généralisée de pesticides, dont beaucoup sont interdits dans l’UE et aux États-Unis, ne fait qu’aggraver les problèmes de santé, ainsi que la pollution atmosphérique dans de nombreuses mégalopoles.
La vente et la réduction des coûts des infrastructures signifient également que ces communautés auront beaucoup plus de mal à faire face à des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus nombreux et mettront plus de temps à se rétablir chaque fois qu’une catastrophe se produira. Des pays comme Haïti sont frappés par des tempêtes tropicales plus fortes et plus fréquentes, mais ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face aux conséquences après des siècles de pillage impérialiste.
Il n’est pas surprenant que ces communautés soient donc à la pointe de la lutte contre cette dévastation, notamment les femmes. En 2019, dans le cadre d’une explosion des luttes dans le monde, les mouvements indigènes en Équateur ont mené la lutte contre les politiques néolibérales. Au Chili et plus récemment en Colombie, la jeunesse, avec les jeunes femmes en tête, s’est soulevée contre les attaques et les gouvernements ayant une longue histoire de soutien américain. C’est le mouvement des travailleurs indigènes en Bolivie, en faisant grève et en utilisant des barrages routiers, qui a réussi à renverser le coup d’État soutenu par les États-Unis dans le pays en 2020, et en ce moment même, les femmes indigènes au Brésil sont en première ligne contre les attaques de Bolsonaro contre leurs droits, l’environnement et leurs terres.
Ces exemples – ainsi que les énormes grèves des agriculteurs indiens contre la tentative du gouvernement Modi d’amoindrir les réglementations et d’ouvrir le marché aux grandes entreprises ou encore la grève nationale indonésienne de 2020 contre les attaques contre la classe ouvrière et les protections environnementales – montrent la voie à suivre : résister aux profits capitalistes et impérialistes qui dévastent le monde. La nouvelle guerre froide entre la Chine et les États-Unis aura de vastes répercussions non seulement sur la géopolitique, mais aussi sur l’environnement. Leur lutte pour la suprématie sera payée par la destruction des écosystèmes du monde et de la vie des pauvres et des travailleurs. Nous devons nous assurer que la lutte pour le climat soit aussi une lutte contre l’oppression et l’exploitation. C’est la seule façon de vaincre l’impérialisme et de détruire enfin ce système barbare, en le remplaçant par un socialisme durable, sans exploitation ni oppression.
-
Pourquoi la crise climatique est une crise capitaliste

La question de la croissance économique et de sa relation avec la crise climatique est un sujet de plus en plus discuté. Nous proposons ici un point de vue marxiste sur cette question cruciale pour le mouvement environnemental.
Par Conor Payne et Chris Stewart (Irlande), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
De nombreux écologistes, activistes et universitaires soutiennent que l’obsession de la croissance économique est la cause de notre crise écologique actuelle et qu’un engagement à « décroître » l’économie est la solution.Trop souvent, cependant, cette discussion manque de contenu de classe ou anticapitaliste et les travailleurs sont accusés d’entretenir des « modèles de consommation » supposés destructeurs. Au lieu de cela, les socialistes doivent être clairs sur le fait que la cause de la crise climatique est le système capitaliste lui-même avec sa course incessante à l’accumulation de profits, et que la seule façon de résoudre la crise est de lutter pour un monde socialiste où les besoins humains, y compris une relation durable avec la nature, passent avant la cupidité privée.
Le cycle d’expansion et de récession du capitalisme
Sous le capitalisme, la force motrice de l’économie est la recherche du profit. La concurrence entre les entreprises et entre les différentes puissances capitalistes pour l’obtention des marchés et des ressources signifie que cette recherche du profit est implacable et expansive. Par conséquent, le capitalisme implique également une quête permanente de croissance économique.
Dans le même temps, ces entreprises chercheront à « externaliser » le coût de leurs activités, à le laisser à la charge de quelqu’un d’autre. L’entreprise capitaliste ne se soucie pas de savoir sur quelle base elle se développe, si ses produits sont utiles ou nuisibles, ou si ses activités sont durables sur le plan environnemental.
Le capitalisme est un système de contradictions. C’est un système basé sur les États-nations, alors que la production et les marchés sont mondiaux. Cela exclut les solutions et la planification mondiales. De plus, il repose sur la propriété privée des moyens de production et d’échange, quelques individus détenant le pouvoir sur la production, les investissements et les emplois. Les capitalistes obtiennent leurs profits en exploitant les travailleurs, ainsi que les ressources extraites de la nature dans le processus de travail. Le besoin constant d’accumuler plus de profits signifie que le capitalisme extrait de plus en plus de ressources de manière de plus en plus destructive, ce qui conduit finalement à l’épuisement des sols, des minéraux, des forêts, de la vie dans nos océans, etc.
Le capitalisme se heurte de plus en plus à la barrière écologique qui s’oppose à son développement effréné, comme en témoignent les catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses, l’arrêt du réseau électrique au Texas en 2021 et la pandémie mondiale, tous imputables, au moins en partie, à la destruction croissante de la nature par la société capitaliste.
En outre, le capitalisme est un système qui organise principalement l’investissement à travers le chaos du marché boursier, où l’investissement est motivé uniquement par la recherche du profit. Aujourd’hui, les capitalistes choisissent de plus en plus de spéculer avec leur richesse par le biais de produits financiers complexes qui ont peu de rapport avec la valeur réelle dans la société – ce que Marx a appelé le « capital fictif ». En effet, ils peuvent y réaliser plus de profits à court terme qu’avec des investissements productifs réels.
En même temps, le désir des capitalistes de réduire la part de la richesse qui revient à la classe ouvrière signifie que les travailleurs ne sont pas en mesure d’acheter collectivement tous les biens que les capitalistes mettent sur le marché. C’est ainsi que la croissance capitaliste finit par se heurter à ses limites et plonge le système dans la crise et la récession. Le capitalisme connaît actuellement une crise économique mondiale pour la deuxième fois en un peu plus d’une décennie.
Lorsque la croissance était ancrée dans les investissements productifs, par exemple lors de l’essor économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, elle a souvent entraîné une augmentation du niveau de vie de la classe ouvrière, même si les gains des travailleurs étaient généralement éclipsés par ceux des entreprises et des riches. Au cours de cette période, les gouvernements capitalistes, surtout en Occident, ont accordé des réformes sociales dans l’intérêt des travailleurs, telles que les pensions, les services publics de santé et d’éducation, les protections sociales, etc. Cela n’a pas été fait par une quelconque bonté innée, mais comme un mécanisme visant à écarter les menaces révolutionnaires potentielles posées par la classe ouvrière au système capitaliste.
Cependant, au cours des dernières décennies du capitalisme néolibéral, la base de la croissance économique fut précisément la réduction de la part de la richesse allant à la classe ouvrière, plutôt que les développements de la production. Le capitalisme a diminué les salaires, privatisé les services publics et érodé la sécurité sociale. Les inégalités ont explosé à mesure que les gains de la croissance économique se sont concentrés au sommet de la société. Parallèlement, les capitalistes ont encouragé une consommation de plus en plus importante, alimentée en grande partie par la dette. Grâce à la mondialisation capitaliste, la production s’est étendue au monde entier, afin de maximiser les profits en trouvant les meilleurs endroits pour exploiter les travailleurs et l’environnement. Cela signifie qu’aujourd’hui, la croissance économique capitaliste est souvent synonyme d’absence de gains réels pour la classe ouvrière et de désastre pour l’environnement.
La reprise après la grande récession de 2008 fut en grande partie sans joie. En Irlande et ailleurs, malgré des taux de croissance nominalement positifs, la reprise n’a pas changé la réalité des bas salaires, de la précarité et des difficultés de logement. En Grande-Bretagne, l’Office of National Statistics a constaté que, malgré une décennie de « croissance », les salaires réels n’ont retrouvé leur niveau de 2008 qu’à la fin de 2019 – juste à temps pour la prochaine crise ! Parallèlement, les chiffres concernant les contrats « zéro heure » (des contrats de travail extrêmement précaires, sans minimum d’heures de travail garanties) étaient les plus élevés jamais enregistrés, avec un peu moins d’un million de travailleurs.
Le fardeau grandissant de l’effondrement écologique ne sera pas partagé équitablement, les riches cherchant à se protéger des conséquences du système économique dont ils ont profité. Alors que des températures plus basses que jamais ont provoqué des pannes de courant catastrophiques au Texas, les quartiers ouvriers et pauvres ont été les plus touchés par les coupures de courant, tandis que des gratte-ciel vides illuminaient l’horizon de la ville.
Karl Marx affirmait que sous le capitalisme : « L’accumulation de richesse à un pôle signifie donc en même temps à l’autre pôle une accumulation de misère, de torture à la tâche, d’esclavage, d’ignorance, et de dégradation morale pour la classe dont le produit propre est, d’emblée, capital. » Voilà qui résume bien l’économie capitaliste d’aujourd’hui. Dans le même temps, bien sûr, les travailleurs sont toujours susceptibles de payer le prix lorsque le système entre en récession. La réalité est qu’à aucun moment de son cycle d’expansion et de récession, l’économie capitaliste ne fonctionne dans l’intérêt de la classe ouvrière.
Une économie qui répond aux besoins, pas à la cupidité
Alors que la croissance économique actuelle fait sans aucun doute augmenter les émissions de carbone et toutes les formes de destruction de l’environnement, la contraction de l’économie capitaliste n’entraîne pas une diminution équivalente de l’intensité de celle-ci. Selon une étude portant sur 150 pays sur la période 1960-2008, une augmentation de 1 % du PIB s’est traduite par une augmentation moyenne de 0,73 % des émissions de carbone, tandis qu’une baisse de 1 % du PIB n’a entraîné qu’une diminution de 0,4 % des émissions de carbone. Cela s’explique par le fait que les biens et les infrastructures inefficaces sur le plan environnemental créés pendant une période d’expansion continuent généralement à être utilisés pendant une période de récession. La réduction de la consommation en soi ne pourra jamais entraîner la réduction radicale des émissions de carbone nécessaire. Nous avons besoin d’un changement fondamental de la production.
Cela signifie que sans une transition planifiée vers un mode de vie durable, la tendance sera à l’augmentation constante des émissions. Le débat sur la croissance et la décroissance est donc inutile s’il n’est pas lié à la nécessité de mettre fin au chaos du marché capitaliste.
Le but de l’économie capitaliste est de fournir des profits accrus aux patrons. Le but de l’économie sous le socialisme serait de satisfaire les besoins humains de manière durable. Cela signifie qu’il faut retirer les secteurs clés de l’économie des mains des grandes entreprises et les amener sous propriété publique, sous contrôle démocratique. Cela signifie que nous pouvons réorganiser l’industrie de l’énergie, les transports, l’agro-industrie et la production en général sur une base planifiée, dans l’intérêt des gens et de la planète.
Un monde de déchets
La production capitaliste est synonyme d’énorme gaspillage. Nous ne devons pas en sous-estimer l’ampleur :
- 690 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2019, et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture prévoit que l’impact de la pandémie pourrait ajouter 132 millions de personnes supplémentaires à ce chiffre. Or, pendant la pandémie, la fermeture des restaurants et d’autres perturbations ont provoqué la mise au rebut généralisée de produits parfaitement bons. Même en temps « normal », alors que le monde produit déjà suffisamment de nourriture pour nourrir tout le monde, au moins un tiers de cette nourriture est gaspillée. Les causes sont multiples, mais le statut de la nourriture en tant que marchandise à vendre pour faire du profit est au cœur du problème. L’agro-industrie laisse les aliments pourrir dans les champs pour maintenir des prix élevés, les supermarchés jettent les aliments comestibles qu’ils ne pensent pas pouvoir vendre, de bons aliments sont même jetés parce que leur taille ou leur forme les rend « invendables ».
- En 2020, environ 569 milliards de dollars ont été dépensés en publicité, chiffre qui devrait passer à 612 milliards de dollars cette année. Vous pouvez ajouter à cela les ressources consacrées à la promotion des ventes, aux relations publiques, au « marketing direct » et à d’autres formes d’autopromotion des entreprises. La majeure partie de cet argent est gaspillée, dépensée non pas pour nous informer mais pour nous convaincre d’acheter le plus possible ou d’acheter une marque identique d’un produit plutôt qu’un autre, en exploitant souvent nos angoisses et nos insécurités afin de créer dans notre esprit de faux besoins qui peuvent être « résolus » par la consommation.
- Comme le capitalisme ne produit pas pour répondre à un besoin, mais pour faire du profit, la publicité et le marketing sont liés au processus de production lui-même. L’industrie de l’emballage est aujourd’hui la troisième plus importante au monde et la plupart des emballages ne sont pas principalement fonctionnels mais constituent une forme de promotion du produit. Les coûts d’emballage représentent entre 10 et 40 % du coût total du produit.
- L’obsolescence programmée signifie que les produits sont consciemment conçus pour ne pas être durables et doivent être fréquemment remplacés par les consommateurs. Cela inclut la mode rapide fabriquée à partir de matériaux de faible qualité et les appareils électroniques, dont les piles ne peuvent être remplacées, ce qui contribuera à la production de 500 millions de tonnes de déchets électroniques en 2019.
- Il existe une pléthore d’autres industries et produits inutiles pour les travailleurs : de l’industrie de l’armement aux produits de luxe comme les jets privés, une industrie qui a bénéficié d’un grand nombre de nouveaux clients fortunés cherchant à éviter les vols commerciaux pendant la pandémie. En raison d’une énième bulle spéculative capitaliste, la cryptomonnaie Bitcoin consomme désormais plus d’énergie que toute l’Argentine, un pays de 45 millions d’habitants.
- La concurrence entre les entreprises signifie que les efforts de recherche et de développement sont souvent dupliqués et que les brevets empêchent la diffusion de technologies utiles dans le but de maximiser le profit.
Comme nous pouvons le constater, les montagnes de déchets produites sous le capitalisme ne sont pas principalement le produit des demandes des consommateurs, mais servent plutôt les besoins du profit capitaliste. La structure de la société capitaliste elle-même conditionne aussi en partie nos besoins de consommation. Ceux qui n’habitent pas à proximité de transports publics fiables « doivent » acheter des voitures, les personnes à faibles revenus « choisissent » d’acheter du « fast fashion », etc.
Créer de plus en plus de produits qui ne sont pas nécessaires ou qui seront rapidement jetés à la décharge, ou générer de plus en plus de demandes artificielles, c’est de la « croissance » en termes capitalistes, mais ce n’est pas du progrès humain. Une économie socialiste démocratique et planifiée pourrait faire « plus avec moins » dans le cadre d’une transition écologique planifiée en réorientant les industries inutiles ou destructrices ; en éliminant le gaspillage par le double emploi, la surproduction et l’obsolescence programmée ; en se concentrant sur la satisfaction des besoins et non sur la génération de désirs artificiels et en transformant l’agriculture, le transport et la production d’énergie sur une base durable. Dans un tel système, le développement des industries, des communautés et des villes serait planifié démocratiquement. Sur cette base complètement différente, on pourrait mettre un terme à la surproduction et au gaspillage capitalistes tout en permettant une allocation plus rationnelle des ressources.
-

Quelle est la gravité de la situation ? La menace aiguë de la crise climatique

Dans les deux années qui ont suivi les grandes grèves mondiales pour le climat de 2019, le Covid-19 a éclipsé la catastrophe climatique à laquelle la planète est confrontée. Pourtant, le coronavirus est en soi une mise en accusation implacable du mode de production capitaliste qui détruit les écosystèmes et crée des dangers biologiques et environnementaux qui menacent le développement de toute notre biosphère : la vie sur terre.
Par Jonas Brannberg (Suède) et Blythe Serrano (États-Unis), article tiré de la brochure “Le capitalisme assassine la planète” éditée par Alternative Socialiste Internationale Les avertissements concernant la pression exercée par le mode de production capitaliste sur la capacité de la terre à gérer toutes formes de stress se succèdent à un rythme grandissant. En 2020, nous avons assisté à un nombre record de tempêtes tropicales en Amérique centrale et en Asie du Sud-Est, à des chaleurs extrêmes en Sibérie et à des incendies en Australie et sur le continent américain. L’année 2020 a été, malgré le phénomène climatique de refroidissement La Niña, l’année la plus chaude jamais enregistrée.
Tout aussi menaçantes que le changement climatique sont les menaces posées par la mort rapide des espèces, la surfertilisation et la propagation explosive du plastique et d’autres polluants. Selon les climatologues, nous avons déjà quitté la « zone de sécurité » pour quatre des neuf « frontières planétaires » qui maintiennent la Terre dans l’état climatique stable dans lequel elle se trouve depuis 11.700 ans (l’Holocène).
Marx et la faille métabolique
Lorsque Karl Marx et Friedrich Engels – les fondateurs du socialisme moderne – ont étudié le capitalisme au 19e siècle, ils étaient déjà capables de remarquer la contradiction entre le système et la nature. Marx a écrit que le capitalisme avait créé une faille métabolique entre la société humaine et la nature. Il a donné l’exemple de la manière dont les nutriments contenus dans les aliments étaient transportés de la campagne vers les villes, puis rejetés dans la mer sous forme de déchets, ce qui entraînait l’épuisement des sols.
Marx et Engels ne pouvaient cependant qu’entrevoir ce qui allait devenir une transformation complète de la relation de l’humanité à la nature. Dans la quête de profits toujours plus importants du capitalisme, les écosystèmes et les ressources naturelles de la terre ont été traités comme des ressources gratuites, où les matières premières, les produits alimentaires et les autres ressources ont été aspirés de la nature tandis que la pollution a été vomie dans le sol, la mer et l’air. Avec l’aide des combustibles fossiles, la barrière « photosynthétique » a été franchie : le capitalisme a tout simplement extrait de la nature plus de « production » qu’il n’a pu en donner.
Il n’est pas toujours facile de voir quand des changements graduels transforment la quantité en qualité (un état complètement neuf). Ce n’est qu’au cours des dernières années que les chercheurs ont pu arriver à la conclusion que la terre, au milieu des années 1900, avait déjà quitté ce qu’on appelle l’Holocène.
L’entrée dans l’Anthropocène (ou Capitalismeocène)
Nous vivons aujourd’hui dans ce que l’on appelle l’Anthropocène (l’ère de l’homme), même si « Capitalismocène » est une meilleure description. Cela signifie que nous vivons à une époque où l’humanité, sous le capitalisme, est devenue la force la plus importante dans l’évolution de la vie sur terre. L’équilibre du système terrestre – qui a utilisé l’équilibre et la rétroaction d’une variété de formes de vie pour maintenir les températures moyennes entre -5 et +2 pendant 2,6 millions d’années – est maintenant sérieusement menacé en raison du capitalisme.
Pendant la majeure partie de l’histoire de l’humanité, la terre – ou plutôt la partie de la terre sur laquelle la vie peut exister – a probablement été perçue comme plus ou moins infinie. En réalité, il s’agit d’un fragment extrêmement petit du monde naturel dans lequel nous vivons. Dans l’univers, il y a au moins deux trillions de galaxies, et dans notre propre galaxie, la Voie lactée, il y a jusqu’à 400 milliards d’étoiles. Autour d’une de ces étoiles, notre soleil, la terre tourne, avec une fine couche de vie de seulement 20 km sur et au-dessus de sa surface.
Texte de l’image : Les neuf frontières planétaires. Le vert signifie qu’il n’y a aucun risque, le jaune qu’il y a une incertitude ou un risque accru et le rouge qu’il y a un grand risque de dépasser ce qui est sûr pour l’humanité. Plusieurs zones à risque doivent encore être définies. (Graphique : J. Lokrantz/Azote d’après Steffen et al. 2015.)
Avec un système capitaliste qui s’est emballé ces dernières décennies, cette biosphère de vie a été gravement endommagée. Ce ne sont pas seulement les changements de température qui menacent de modifier radicalement l’état dans lequel notre civilisation existe. La vie sur Terre est également façonnée par la circulation dans l’atmosphère (comme les courants-jets, dont les changements ont provoqué la vague de froid extrême au Texas en février 2021), par la circulation de l’eau à travers la vapeur d’eau, les précipitations et les courants océaniques, les calottes glaciaires, le sol, la couche d’ozone, la circulation des nutriments, etc. Avec notre entrée dans l’Anthropocène, la société humaine affecte non seulement la dynamique de toute vie sur terre mais aussi l’ensemble du système terrestre : les océans, les glaces, la terre, l’atmosphère et le climat.
Perte dangereuse de la biodiversité
Jamais dans l’histoire de la planète, depuis sa création il y a 5 milliards d’années, la diversité de la vie n’a été aussi grande qu’à l’époque géologique la plus récente. Cette situation est dialectiquement liée aux conditions climatiques. Des conditions climatiques stables ont créé les conditions nécessaires au développement et à la diversification de la vie, mais la diversité de la vie a également stabilisé le système terrestre et créé une biosphère « élastique », c’est-à-dire capable de gérer le changement.
Sous le capitalisme, cette diversité a été rapidement érodée. Depuis 1970, le capitalisme a fait disparaître 60% des populations de mammifères, d’oiseaux, de poissons et de reptiles, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). En moyenne, un animal ou une plante sur quatre ayant fait l’objet d’une étude est menacé, ce qui signifie qu’environ un million d’espèces sont menacées d’extinction.
Cette perte de biodiversité nous menace directement, par exemple par la diminution des insectes pollinisateurs qui a entraîné une réduction de la production alimentaire. Mais elle risque également d’accélérer le changement climatique et rend l’adaptation de la planète plus difficile. À cause de l’industrie agricole capitaliste, par exemple, 90 % des cultures locales, qui peuvent s’adapter au changement climatique, ont été perdues lorsque les grandes multinationales ont introduit d’autres cultures à haut rendement.
Au cours des dernières décennies, 50 % des terres de la planète ont été converties en terres agricoles, villes, routes et autres infrastructures. Aujourd’hui, l’évolution de l’utilisation des terres est responsable de 14 % des émissions de gaz à effet de serre. Un exemple en est le rapport de la « Rainforest Foundation Norway », qui a récemment déclaré que seul un tiers des forêts tropicales de la planète restait intact.
Le poids combiné de la population humaine actuelle est 10 fois supérieur à celui de tous les mammifères sauvages. Si l’on ajoute le poids du bétail reproduit pour la consommation humaine, les mammifères sauvages ne représentent que 4 % du poids total. Cependant, c’est le capitalisme qui est le problème, et non les « gens » ou l’humanité en tant que telle.
Au cours des 25 dernières années, les 1 % les plus riches ont été responsables de plus de deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que la moitié la plus pauvre du monde. La moitié la plus pauvre de la population mondiale n’a pratiquement pas augmenté ses émissions au cours de la même période.
Les points de basculement
Ce qui est particulièrement menaçant dans le changement climatique, c’est qu’il ne s’agira probablement pas d’un changement simplement progressif lié à l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les scientifiques ont identifié un certain nombre de « points de basculement » critiques pour le climat qui, s’ils étaient atteints, entraîneraient des effets accélérés et potentiellement irréversibles. Certains d’entre eux sont peut-être déjà dépassés.
Dans l’article de 2019 intitulé « Climate tipping points – too risky to bet against » publié dans la revue scientifique Nature, les scientifiques ont identifié un certain nombre de points de basculement critiques du climat. Depuis lors, la communauté scientifique est de plus en plus certaine que ces points de basculement se produiront de notre vivant.
Pour ralentir les pires effets du changement climatique, il faudra prendre des mesures radicales et immédiates pour réduire les émissions de carbone. Nous devons être clairs : une action à l’échelle et dans les délais requis n’est pas possible dans le cadre du capitalisme, un système basé sur le pouvoir et les profits des grandes entreprises. Ces dernières ne renonceront jamais volontairement à leur pouvoir. La seule façon de ralentir les pires effets du changement climatique est de construire un mouvement de masse des travailleurs et des jeunes luttant pour la fin de l’extraction des combustibles fossiles, pour un Green New Deal, et lié à la lutte pour une transformation socialiste de la société. C’est ce que nous défendons tout au long de cette brochure.
Les points de non-retour
Les scientifiques avertissent depuis des décennies contre trois points de non-retour qui auront des conséquences désastreuses s’ils sont franchis.
L’un de ces points de basculement est la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental. Si la totalité de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental s’effondre, le niveau des mers s’élèverait de 3 mètres ou plus, déplaçant plus de 12 millions de personnes rien qu’aux États-Unis et submergeant la quasi-totalité de La Nouvelle-Orléans. Les effets seront similaires dans les villes côtières du monde entier, et des nations insulaires entières seront menacées.
Un autre point de basculement majeur est la transformation de la forêt amazonienne en une savane (prairie), qui pourrait se produire si 20 à 25 % de la forêt sont détruits. Environ 18 % ont déjà été défrichés. Cette situation serait dévastatrice pour les 30 millions de personnes, pour la plupart indigènes, qui dépendent des précipitations fiables produites par la forêt, et entraînerait également une perte importante de biodiversité. La transformation de l’Amazonie en prairie entraînerait davantage de sécheresse et augmenterait donc le risque d’incendies de forêt. Sa saison sèche s’est déjà allongée d’un mois au cours des 50 dernières années.
Un troisième point de basculement critique est l’effondrement potentiel du Gulf Stream (partie de l’AMOC – Atlantic Meridional Overturning Circulation), qui transporte 20 % de l’excès de chaleur qui s’accumule à l’équateur vers les régions polaires de l’hémisphère nord et joue également un rôle clé dans la détermination des régimes climatiques. Ce courant ralentit à un rythme alarmant et devrait ralentir de 45 % d’ici à 2100, alors qu’il se déplace déjà à son rythme le plus lent depuis au moins 1.600 ans. Le climatologue Tim Lenton prévient que le ralentissement continu du Gulf Stream aurait des effets dévastateurs sur les régimes climatiques de l’hémisphère nord et provoquerait une escalade des phénomènes météorologiques extrêmes, peut-être au cours de ce siècle : « L’Europe occidentale devrait essayer de s’adapter à un climat complètement différent. Les principales moussons pourraient se déplacer, de façon néfaste, par exemple en Inde et en Afrique de l’Ouest. »
D’autres points de basculement potentiels qui auraient des effets dévastateurs sur le système terrestre, et risqueraient d’accélérer le changement climatique, sont le dégel du permafrost (sol solide gelé « en permanence »), la fonte des calottes glaciaires mondiales, l’incendie des forêts boréales et les modifications du courant-jet. Le dernier rapport du GIEC conclut que l’Arctique sera libre de glace en été d’ici 2050, quoi que l’on fasse.
Récemment, un rapport inquiétant a indiqué que le dégel du pergélisol était plus rapide que prévu et qu’il entraînait d’importantes émissions de méthane, un gaz à effet de serre. Si c’est le cas, cela signifie qu’un tiers du “budget” de gaz à effet de serre qui nous permettrait de rester en dessous d’un réchauffement de 1,5 degré a déjà disparu.
Pris séparément, chacun de ces points de basculement représente une escalade alarmante de la crise climatique. Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est la prédiction des scientifiques concernant les effets en cascade, c’est-à-dire qu’un point de basculement pourrait en déclencher d’autres. Par exemple, la forêt amazonienne sert de réservoir à 100 milliards de tonnes de carbone, dont une grande partie serait libérée directement dans l’atmosphère, ce qui augmenterait la température de la planète et risquerait de déclencher de nouveaux points de basculement. Il peut en résulter une cascade de points de basculement qui transforment notre terre en une « serre » – même si les émissions de dioxyde de carbone sont réduites. Cela prendra bien sûr du temps – peut-être des centaines d’années – mais le problème est que lorsque nous atteignons un point de basculement, nous ne savons pas s’il est possible de revenir en arrière.
Ces dernières années, les climatologues sont devenus de plus en plus certains que ces points de basculement se produiront, et bientôt. Tim Lenton affirme que « le temps d’intervention restant pour empêcher le basculement pourrait déjà s’être réduit à zéro, alors que le temps de réaction pour atteindre des émissions nettes nulles est de 30 ans au mieux. » Bien que cela puisse être catastrophique, certaines recherches récentes suggèrent qu’il serait possible de dépasser temporairement ces points de basculement sans causer de dommages permanents. Toutefois, si des mesures drastiques ne sont pas prises rapidement, la catastrophe reste inévitable.
Une partie des crises du capitalisme
La crise climatique ne peut être considérée séparément des autres crises du capitalisme, qu’elles soient économiques, sociales ou politiques. Elles témoignent toutes d’un système en décomposition dont les contradictions sont de plus en plus fortes et qui crée des crises qui interagissent entre elles.
Par exemple, le changement climatique alimente des conflits qui peuvent conduire à la guerre et, avec le changement climatique lui-même, obliger des millions de personnes à quitter leur foyer. Selon Oxfam, 20 millions de personnes ont été contraintes de fuir chaque année au cours de la dernière décennie en raison du changement climatique. Si la société ne change pas de cap, l’avenir sera bien pire. En fonction des différents scénarios de croissance démographique et de réchauffement, on estime que dans 50 ans, 1 à 3 milliards de personnes pourraient connaître des conditions similaires à celles du Sahara. Aujourd’hui déjà, le changement climatique, tout comme la pandémie de Covid et d’autres crises, entraîne une augmentation des inégalités entre les classes et les genres.
Bien que les confinements liés à la pandémie aient entraîné une réduction des émissions climatiques d’environ 7 % en 2020, rien n’indique qu’il s’agisse du début d’un changement durable. Au contraire, les sommes que les États ont versées aux capitalistes pour maintenir l’économie à flot sont allées dans une bien plus large mesure à l’industrie des combustibles fossiles qu’aux énergies renouvelables. Juste avant le sommet du G7 en juin 2021, le magazine britannique The Guardian a révélé que les pays du G7 avaient donné 189 milliards de dollars à l’industrie des combustibles fossiles pendant la pandémie, bien plus que les 147 milliards donnés aux alternatives plus vertes. Les chiffres pour les pays du G20 sont encore pires.
La prise de conscience de la gravité de la situation et de la menace existentielle à laquelle nous sommes confrontés, de la profondeur de la « faille métabolique » dont Marx n’avait vu que le début, permet de comprendre que le problème ne peut pas être résolu en passant « simplement » aux voitures électriques, en installant des panneaux solaires, ou en adoptant des habitudes individuelles comme manger moins ou pas de viande. Ces mesures sont loin d’apporter le changement crucialement nécessaire.
-
Contre la crise climatique : luttons pour le socialisme

Pas moins de 70.000 personnes ont manifesté pour le climat dans les rues de Bruxelles le 10 octobre. L’ampleur de la mobilisation a surpris tout le monde. Nous étions aux premières loges avec le Parti Socialiste de Lutte, la Campagne ROSA et les Etudiants de Gauche Actifs. Ce qui nous a permis d’observer un changement frappant par rapport à l’époque des grèves scolaires pour le climat en 2019 : la compréhension qu’il nous faut un changement radical de société est beaucoup plus répandue.
Par Jeremy (Namur)
Il ne faut pas aller chercher bien loin pour en comprendre l’origine. Les effets du dérèglement climatique sont devenus une réalité concrète pour de très nombreuses personnes partout dans le monde y compris en Belgique. Pensons simplement aux inondations de cet été.
Autre chose désormais plus évidente pour plus de monde : l’incapacité des gouvernements à prendre les mesures qui s’imposent puisqu’ils refusent de toucher aux profits des capitalistes. La gestion calamiteuse de la crise du coronavirus en a donné la preuve éclatante : les soins de santé souffrent toujours d’un dramatique sous-financement tandis que les géants pharmaceutiques ont pu dicter leur loi pour enrichir leurs actionnaires !Respecter la dictature des marchés, cela condamne aux belles promesses. En septembre, le président du PS, Paul Magnette, déclarait que son parti voulait la gratuité de tous les transports en commun. Quand on sait que le transport routier représente à lui seul 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et pas moins de 22 % à l’échelle du pays, une telle mesure s’impose évidemment comme une nécessité. Cela exige un refinancement public massif des transports publics pour en augmenter l’offre et embaucher suffisamment de personnel avec augmentation de salaire pour faire face au sous-effectif.
Il n’a pas fallu longtemps pour que Magnette n’évoque la gratuité de la SNCB uniquement et seulement pour les moins de 24 ans et les plus de 65 ans. Comme si ces catégories d’âge étaient celles qui prenaient le plus la voiture pour aller travailler… Et dans le budget fédéral ? Plus un mot. Trop cher.
Pourtant, l’argent ne manque pas ! L’affaire des Pandora papers l’a une nouvelle fois démontré. Et ça n’est que la toute petite partie émergée de l’iceberg. Le monde n’a jamais porté autant de richesses. Le seul paradoxe c’est que ces richesses sont le produit du travail combiné de l’immense majorité de la population, mais qu’elles sont accaparées par une infime minorité de capitalistes.
Il y a deux ans, les jeunes menaient des grèves pour le climat. Depuis lors, la pandémie et les confinements ont illustré que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui font tourner le monde, pas les actionnaires ! La classe travailleuse peut faire grève et bloquer toute l’économie, elle peut aussi très bien la faire tourner pour elle-même en étant débarrassée des patrons et actionnaires !
De cette façon, il serait possible d’organiser la planification démocratique de l’économie dans le respect de l’environnement afin de répondre aux besoins de l’ensemble de la population plutôt qu’à la soif de profits d’une poignée de milliardaires capitalistes qui n’ont rien de mieux à faire que polluer la planète en se faisant la course à l’espace.Comment faire de cet objectif une réalité ? Venez en discuter avec nous lors de notre journée « Socialisme » du 4 décembre prochain.
-
La planète se dirige vers un point de non-retour, nous devons changer de système !

La crise climatique qui menace notre existence n’a jamais été aussi évidente et urgente. Le rapport du GIEC a confirmé que nous sommes en proie à une crise climatique dévastatrice causée par l’activité humaine, ou plus précisément, par l’activité humaine dans l’intérêt de l’élite dirigeante du système capitaliste.
Par Keishia Taylor (Irlande), article issu de la brochure “Le capitalisme assassine la planète” éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Notre planète est brutalement dévastée sous nos yeux, avec de violents incendies et des inondations meurtrières. Il n’a jamais fait aussi chaud depuis 100.000 ans et les catastrophes climatiques extrêmes liées au climat ont augmenté de 83 % au niveau mondial au cours des 20 dernières années, tuant 1,23 million de personnes. Les grandes inondations ont doublé et les tempêtes violentes ont augmenté de 40 %.Des mesures immédiates sont nécessaires. Il existe une multitude de mesures que les gouvernements pourraient prendre dès maintenant s’ils voulaient sérieusement s’attaquer au changement climatique. Par exemple, ils pourraient immédiatement mettre fin à toutes les subventions publiques ainsi qu’à tous les investissements dans les projets de combustibles fossiles et développer à la place des infrastructures efficaces pour des énergies véritablement renouvelables. Cela pourrait procurer des emplois à toutes celles et ceux qui travaillent actuellement dans des industries polluantes de même qu’à des millions d’autres. Ils refusent même la simple étape minimale consistant à investir massivement dans les transports publics de manière à ce qu’ils soient gratuits, fiables et en suffisance.
Mais comme nous l’avons vu, les gouvernements capitalistes ne prendront que les mesures les moins perturbatrices pour le statu quo, et seulement lorsqu’ils y seront contraints. Ils sont à mille lieues de faire ce qui est nécessaire. Au lieu de mettre en œuvre les changements qui s’imposent, ils blâment et punissent la classe ouvrière. Ils présentent cyniquement nos droits, nos emplois et nos conditions de vie comme étant d’une certaine manière opposés à la protection des vies humaines contre la crise climatique. Tout cela pour pouvoir exploiter davantage les travailleurs.
Le « capitalisme vert » est un mensonge !
Alors qu’aujourd’hui, les grandes entreprises promeuvent cyniquement une image « verte », elles sont fondamentalement à l’origine de cette crise et se moquent de la résoudre. L’élévation du niveau de gaz à effet de serre dans notre atmosphère remonte à la révolution industrielle et à la montée en puissance du capitalisme. Au fur et à mesure de son expansion, le capitalisme, avide de ressources, a répandu la combustion de combustibles fossiles dans le monde entier et a décimé de plus en plus l’environnement au nom de la course aux profits. Depuis 250 ans, la majorité des émissions de gaz à effet de serre provient directement des entreprises, et une centaine d’entreprises seulement sont à l’origine de plus de 70 % des émissions industrielles mondiales depuis 1988. Entre 2015 et 2021, les 60 plus grandes banques du monde ont investi 3.800 milliards de dollars dans des sociétés pétrolières. Celles-ci continueront à extraire et à brûler des combustibles fossiles tant que cela sera plus rentable que les alternatives renouvelables. Il leur est beaucoup moins cher d’investir dans la communication pour disposer d’une image publique « verte » que d’opérer de véritables changements.
Dans un système capitaliste, la nature est traitée comme une source inépuisable de richesse et les conséquences de l’épuisement des ressources naturelles, de la pollution des écosystèmes et de la perturbation des processus essentiels au maintien de la biosphère sont délibérément exclues de la formule de rentabilité. Et ce, en dépit du fait que toute richesse provient des ressources brutes de la terre et du travail effectué par les travailleurs pour les extraire et les transformer. Selon un récent rapport des Nations unies, si une entreprise devait payer le coût de ses dommages environnementaux, aucune d’entre elles ne serait réellement rentable.
La société fonctionne dans un contexte de grave déficit climatique (elle prend plus au climat qu’elle ne lui donne) depuis des siècles, mais le système économique et politique a ignoré ce fait, car vivre de manière durable est fondamentalement contradictoire avec le besoin constant du capitalisme de s’étendre, de réduire les coûts et de maximiser les profits.
Nous ne pouvons pas faire confiance au capitalisme « vert ». Quelle que soit sa forme, le capitalisme est incapable de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la crise climatique. Nous devons plutôt taxer les super riches, fermer les paradis fiscaux et faire en sorte que les banques et les entreprises du secteur de l’énergie deviennent des propriétés publiques démocratiques afin de financer des investissements dans les technologies et les énergies vertes et de mettre en place un programme massif d’emplois verts. Cela pourrait entamer un processus de changement réel du système, en établissant une démocratie socialiste des travailleurs qui donne la priorité aux gens et à la planète.
Nous nous opposons aux mesures d’”éco-austérité” telles que les taxes sur l’eau et les taxes sur le carbone qui pénalisent les travailleurs. Il s’agit de tentatives pour faire porter la responsabilité de la crise et son coût à la classe ouvrière, et cela ne réduira pas les émissions ou les déchets. L’éco-austérité n’est pas une solution à une crise qui commence avec la production capitaliste elle-même.
Crime de l’humanité ou contre l’humanité ?
Soyons clairs : la crise climatique n’est pas un « crime de l’humanité ». C’est un crime contre l’humanité. La plupart des émissions de carbone et de la pollution proviennent d’un nombre infime de sociétés sur lesquelles nous n’avons aucun droit de propriété ou de contrôle. La grande majorité de la population mondiale est responsable de très peu de choses en termes d’émissions de carbone. Un récent rapport des Nations unies montre qu’à l’échelle mondiale, les 1 % de personnes gagnant le plus d’argent sont responsables d’une moyenne annuelle par habitant de 74 tonnes de CO2 par an. En revanche, pour les 50 % de personnes gagnant le moins, ce chiffre est de 0,7 tonne.
En outre, de nombreuses personnes issues de la classe ouvrière, même dans les pays les plus riches, vivent dans la pauvreté ou ont du mal à garder la tête hors de l’eau, n’ont pas accès à un logement décent ou aux soins de santé, ou n’ont aucune sécurité économique pour l’avenir, ce qui est totalement injustifiable dans un monde d’abondance incroyable.
Il est inévitable, dans le cadre du capitalisme, que les élites dirigeantes tentent de faire porter aux classes populaires ordinaires le poids de la crise climatique qu’elles ont elles-mêmes provoquée. Toutes les attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière, même celles introduites sous un vernis écolo, doivent être combattues par le mouvement climatique, car elles sont à la fois injustes et inefficaces : faisons payer les vrais pollueurs !
Un autre mythe dangereux est que la crise climatique est due à la surpopulation et qu’il y a trop de gens sur la planète. Cela serait la source de la catastrophe climatique, des pénuries alimentaires et de l’effondrement de la société. Bien sûr, il existe d’innombrables exemples de consommation non durable, d’épuisement des sols, de pollution, etc., mais cela ne prouve pas qu’il y a trop de gens, seulement que les systèmes en place sont inutilement gaspilleurs, irrationnels et absurdes. En fait, il est amplement prouvé que le monde peut subvenir aux besoins de toutes celles et ceux qui l’habitent pour peu que l’on mette en place un système qui repose sur la satisfaction des besoins des gens et de la planète.
Le nombre de gens est bien moins important que la manière dont ceux-ci sont organisés. Ce système capitaliste est destructeur, inefficace et imprudent car son objectif est le profit privé et non le bien public. Les partisans du socialisme comprennent que la cause de la crise climatique est le système capitaliste et sa course incessante à l’accumulation de profits. La seule façon de résoudre la crise est de lutter pour un monde socialiste où les besoins humains, y compris leur relation durable avec la nature, passent avant la cupidité privée.
Luttons pour notre planète et nos emplois !
Nous devons contester le mensonge capitaliste selon lequel les emplois s’opposeraient au climat et veiller à ce que les droits des travailleurs soient protégés. Nous avons besoin d’un plan d’action socialiste pour le climat qui définisse une transition juste pour les travailleurs. Cela impliquerait un programme massif d’emplois verts et de travaux publics pour construire de nouvelles industries vertes afin d’effectuer une transition vers une économie durable.
Une économie publique et planifiée avec un réel contrôle démocratique effectué par les travailleurs pourrait créer des millions d’emplois durables, avec de bons salaires et de bonnes conditions de travail, pour construire de nouvelles industries publiques écologiques. Les travailleurs des industries nuisibles à l’environnement pourraient reconvertir leur travail pour le rendre durable, l’orienter vers des projets bénéfiques pour la société et la planète, ou se réorienter eux-mêmes dans de nouvelles industries publiques vertes.
Par exemple, des entreprises de construction publique doivent être créées pour construire des millions de logements, d’écoles, d’hôpitaux, de crèches et de centres communautaires publics, tous construits selon les normes les plus élevées en matière d’efficacité énergétique et avec la plus petite empreinte écologique possible. En outre, les logements et les bâtiments publics et commerciaux existants devraient être modernisés pour répondre aux mêmes normes.
Tous les services publics devraient être détenus par le secteur public, comme la collecte et le recyclage des déchets, l’approvisionnement en eau, les transports publics, l’éducation, les soins de santé et, bien sûr, l’énergie. Les parcs nationaux seraient considérablement étendus, en complément d’un vaste programme de reforestation et de boisement, avec des emplois à temps plein pour planter et entretenir les forêts de manière durable.
Pas un seul travailleur ne doit y perdre. La seule véritable « transition juste » est celle où les travailleurs sont au centre des décisions, où ils contrôlent leurs lieux de travail, leurs communautés et l’économie dans son ensemble.
Reprenons les terres
Nous ne pouvons jamais oublier que la lutte contre la destruction de l’environnement n’est pas seulement menée par le mouvement international de grève pour le climat, mais aussi par les luttes de millions de communautés indigènes et opprimées, notamment en Amérique et en Afrique, contre les projets impérialistes destructeurs et polluants des multinationales occidentales et chinoises. Notre mouvement doit être pleinement solidaire de chacune d’entre elles et s’efforcer de construire la plus grande unité possible.
Les projets de pipelines, la déforestation et l’exploitation impérialiste des ressources naturelles doivent être arrêtés immédiatement et il faut s’opposer à tout contrôle des entreprises privées sur la production d’énergie. Nous avons besoin de la propriété et du contrôle démocratiques des ressources naturelles par les travailleurs et les communautés locales afin de protéger le niveau de vie des autochtones et de tous, y compris les travailleurs qui dépendent financièrement de l’industrie des combustibles fossiles.
De même, nous devons transformer nos systèmes alimentaires, dont nous dépendons tous pour survivre, en abandonnant les pratiques agricoles et d’exploitation intensive des terres par les grandes entreprises agroalimentaires, qui menacent à la fois la santé environnementale et publique et les travailleurs eux-mêmes. Les grandes entreprises qui nuisent à notre environnement et à nos systèmes alimentaires devraient passer sous le contrôle démocratique du public. Cela nous permettrait alors de combiner les pratiques agricoles durables avec les nouvelles technologies, une étape clé sur la voie d’une agriculture durable à grande échelle et à haut rendement.
Dans le cadre de la transition écologique de l’agriculture, il faut mettre fin à la domination de l’industrie capitaliste sur la viande et les produits laitiers, principaux responsables des émissions de carbone. Sur base d’une planification socialiste démocratique, cela peut être effectué d’une manière qui protège les moyens de subsistance des petits et moyens agriculteurs et des ouvriers agricoles.
Non au chaos du marché, oui à la planification démocratique
Les défis auxquels nous sommes confrontés prennent des proportions historiques. Rien de comparable à ce qui est nécessaire, en termes d’échelle ou d’urgence, n’a jamais été entrepris et encore moins accompli. Le type de transformation fondamentale – de la production, de la distribution, de la consommation, de l’énergie, des déplacements – nécessaire pour parvenir à un monde véritablement durable ne serait rien de moins que révolutionnaire. Une grande partie de la technologie et des connaissances nécessaires à la transition vers une économie sans carbone existe déjà, mais les intérêts privés et la concurrence du marché s’y opposent. Il est inconcevable que le marché capitaliste, la concurrence, le chaos et l’intérêt personnel puissent être les moteurs de ce changement.
La structure de la société capitaliste conditionne en partie nos besoins en tant que consommateurs. Ceux qui ne vivent pas à proximité de transports publics fiables et abordables « choisissent » de conduire des voitures, les personnes qui travaillent de longues heures « choisissent » des plats préparés préemballés, les personnes à faibles revenus « choisissent » d’acheter des vêtements « fast fashion » (moins chers et moins respectueux du climat). Aucun choix de consommation « écologique », souvent inabordable pour la plupart des gens issus de la classe ouvrière, ne peut apporter le changement dont nous avons besoin.
Nous ne pouvons pas contrôler ce que nous ne possédons pas. La prise en charge publique et démocratique des secteurs clés de l’économie permettrait de mettre en place un plan économique global à l’échelle mondiale, qui pourrait mobiliser toutes les ressources de la société pour faire face à cette crise.
Il s’agirait, par exemple, d’un plan mondial visant à reconstruire complètement les réseaux énergétiques pour qu’ils reposent à 100 % sur les énergies renouvelables dans un délai d’une décennie ; à mettre fin à la production de voitures fonctionnant au pétrole ; à augmenter la production de véhicules électriques et à développer massivement les transports en commun ; à éliminer complètement la dépendance aux combustibles fossiles ; à rénover et à construire de nouveaux logements et infrastructures écologiques pour résister aux conditions climatiques extrêmes et accueillir les réfugiés climatiques ; à reboiser la planète et refondre notre système alimentaire de fond en comble en remplaçant les monocultures de masse par des alternatives locales et biologiques ; et à investir à un niveau historique dans des technologies encore inconnues qui peuvent aider à faire face à la crise de la contamination et des pénuries d’eau, aux maladies infectieuses, à l’effondrement des récifs coralliens et des populations de pollinisateurs, et bien plus encore.
Dans le cadre d’une transition écologique planifiée, une économie planifiée démocratiquement pourrait faire « plus avec moins » en réorientant à des fins constructives les industries inutiles et nuisibles telles que la fabrication et la commercialisation d’armes ; en éliminant le gaspillage par le double emploi, la surproduction et l’obsolescence planifiée ; en se concentrant sur la satisfaction des besoins et non sur la création de désirs artificiels ; et en transformant l’agriculture, le transport et la production d’énergie sur une base durable. Dans un tel système, des industries, des communautés et des villes entières seraient planifiées démocratiquement, mettant fin au gaspillage capitaliste et permettant une allocation plus rationnelle des ressources. Dans un système socialiste, le but de l’économie ne serait plus de faire du profit pour une petite élite, mais de satisfaire les besoins humains de manière durable.
Luttons ensemble – Reconstruisons un mouvement de lutte pour le climat
Non seulement la classe ouvrière subit les pires effets du changement climatique, mais elle dispose également d’un pouvoir énorme. Les travailleurs font fonctionner la société – partout, des écoles aux usines – et en faisant grève, ils peuvent mettre ce système à l’arrêt. Le mouvement pour l’action climatique n’a pas d’alliés réels ou cohérents dans la classe dirigeante capitaliste. Ce n’est qu’en se basant sur les méthodes de la lutte sociale et ouvrière qu’il pourra lutter efficacement pour arracher les changements nécessaires.
Nous devons nous organiser et reconstruire un mouvement de lutte pour le climat qui soit lié à un mouvement de lutte des travailleurs et des syndicats. Une telle lutte unitaire pourrait lier, par exemple, le besoin de transports publics gratuits à la revendication de salaires plus élevés, ou le besoin de développer des technologies vertes au besoin d’emplois de qualité pour les jeunes. Dans toutes nos revendications, nous devrions cibler les gouvernements, les accapareurs de richesses et les grands pollueurs – ceux qui ont le pouvoir – et non les travailleurs.
Les grèves explosives et militantes de la jeunesse ont montré que les jeunes ouvriront la voie. Mais si les grèves écolières et les actions des jeunes ont fait pression sur les gouvernements pour qu’ils déclarent de belles paroles, ce n’est pas suffisant pour obtenir des changements significatifs. Pour que de vraies mesures soient adoptées, nous devons construire un mouvement de masse et organiser des comités de base dans les écoles secondaires, les universités et hautes écoles, les lieux de travail et les communautés locales pour construire des grèves économiques qui paralysent l’économie.
Généralement, les directions syndicales bureaucratiques bloquent la lutte. Nous ne pouvons pas reposer sur elles et devons plutôt construire le mouvement parmi les travailleurs et les affiliés de base des syndicats, et lutter en faveur de nouvelles directions syndicales prêtes à se battre. Toutes les tactiques de campagne efficaces doivent être utilisées, depuis les pétitions, les actions de protestations, les boycotts, les débrayages, les occupations, les blocages et bien sûr les grèves de durée et d’intensité variables.
Enfin, la lutte pour l’action climatique doit être inextricablement liée à toutes les luttes de la classe ouvrière contre l’oppression et les inégalités de toutes sortes. Il doit s’agir d’une lutte pour et par la classe ouvrière en faveur d’un système qui lui appartienne. Le capitalisme, le système des riches, est à l’origine de leur paupérisation et de la destruction des écosystèmes de la planète.
Non à la rivalité impérialiste, oui à la solidarité internationale des travailleurs
En raison de l’immense inégalité mondiale, les pays les plus pauvres sont actuellement les plus touchés par la crise climatique. Pour faire les premiers pas contre cette énorme injustice, toutes les dettes publiques doivent être annulées, et les brevets sur les technologies et connaissances cruciales supprimés. Dans un système capitaliste, les profits, la propriété privée, les brevets et la « propriété intellectuelle » sont prioritaires par rapport aux besoins de l’humanité et de notre planète. Cela a été clairement souligné lors de la pandémie de Covid-19, lorsque les grandes entreprises pharmaceutiques spéculaient sur les vaccins tout en acceptant la mort de millions de personnes. Les technologies vertes, ainsi que les connaissances et les technologies médicales et pharmaceutiques, doivent être partagées librement entre les travailleurs de tous les pays sur la base de la solidarité internationale et de la coopération entre la classe ouvrière et les plus pauvres.
Le capitalisme est un système incapable d’une véritable coopération mondiale. Aujourd’hui, alors qu’une action mondiale pour sauver la planète est plus nécessaire que jamais, le capitalisme et l’impérialisme ne font que diviser davantage le monde. La crise climatique est déjà utilisée comme arme dans la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine dans leur rivalité de grandes puissances.
Ce n’est qu’en débarrassant le monde de la concurrence nationale et de la rivalité inter-impérialiste et en les remplaçant par une coopération mondiale que nous pouvons créer les conditions nécessaires pour mettre fin à la crise climatique. Cela ne peut se faire que par une action coordonnée de la classe ouvrière internationale et des plus pauvres pour un changement révolutionnaire mondial, contre les classes capitalistes nationales et internationales qui défendent leurs propres intérêts.
Organisons-nous maintenant pour lutter pour le socialisme international
Les défenseurs du capitalisme affirment parfois que leur système est inévitable, « qu’il n’y a pas d’alternative ». À toutes celles et ceux qui veulent éviter une catastrophe climatique et construire un avenir juste et durable, nous disons qu’il n’y a plus d’autre alternative que de se battre pour mettre fin à la domination du système capitaliste. Nous devons arracher les richesses et les ressources du monde à la classe des milliardaires et les utiliser pour reconstruire la société sur la base du contrôle démocratique et de la solidarité afin de répondre durablement aux besoins humains.
Mais l’élite riche n’abandonnera jamais son pouvoir volontairement : nous devons nous organiser pour lutter pour un changement révolutionnaire. Nous avons besoin d’un mouvement de masse, mais aussi d’une organisation révolutionnaire avec un programme clair pour lier les luttes entre elles, combattre le capitalisme et transformer la société.
Pour obtenir un changement de système à l’échelle mondiale, une telle organisation doit être construite au niveau international. C’est pourquoi Alternative Socialiste Internationale (ASI), une organisation de travailleurs et de jeunes, lutte activement pour le changement socialiste dans plus de 30 pays. Pour gagner le changement révolutionnaire nécessaire pour mettre fin au capitalisme, à la destruction de notre planète et à toutes les formes d’oppression, rejoignez ASI !
-
La COP26 a commencé. Intensifions la mobilisations pour faire face à la crise climatique !

La COP 26 réunit des dirigeants du monde entier et 30.000 décideurs politiques, hommes d’affaires, banquiers, “investisseurs verts”, “lobbyistes verts” et bien d’autres. Ils se réuniront à Glasgow cette semaine à l’occasion d’un événement parrainé par une série de multinationales des secteurs de l’énergie, de l’automobile, de la chimie ou encore de l’informatique. Ces personnes devraient donc veiller à ce que les mesures nécessaires pour lutter contre la crise climatique soient adoptées et mises en œuvre. Cela ne présage rien de bon.
Le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine n’y assisteront pas, bien que leurs pays soient respectivement deuxième et troisième en termes d’émissions de CO2 dans l’atmosphère depuis 1990, juste après les États-Unis.
Jusqu’à présent, les différents pays ont eu du mal à atteindre l’objectif annoncé de 100 milliards de dollars pour la lutte contre le changement climatique. Il s’agit pourtant d’une somme dérisoire : moins que ce que le monde dépense en armement chaque année. L’ONU estime que les pays en développement auront besoin de 5.900 milliards de dollars d’ici à 2030 pour atteindre leurs objectifs climatiques. Selon la campagne Jubilee Debt, 34 des pays les plus pauvres du monde dépensent près de 30 milliards de dollars par an au service de la dette envers les banques (y compris sans doute certaines qui parrainent la COP 26) mais n’ont que 5,4 milliards de dollars à consacrer aux mesures visant à lutter contre la crise climatique.
L’objectif initial de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,50°C n’est plus considéré comme réalisable. Les scientifiques estiment désormais que l’augmentation de la température sera de 2,70°C au rythme actuel.
Comme l’a dit Greta Thunberg, tout ce que nous pouvons attendre de ce sommet, c’est du bla-bla. Nous sommes d’accord avec elle pour dire que la COP 26, dans sa forme actuelle, ne changera rien, à moins “d’une pression importante et massive de l’extérieur”. Mais nous devons aller plus loin. Nous devons nous débarrasser des banquiers, qui, selon elle, “financent notre chute”. Avec eux doivent disparaître les multinationales, les politiciens corrompus et le commerce des armes. En d’autres termes, le capitalisme doit disparaître et être remplacé par un monde socialiste démocratique.
Pour construire une telle alternative, Alternative Socialiste Internationale (ASI) participera activement aux protestations autour de la COP 26. Cette semaine, nous reviendrons régulièrement sur différents aspects de la lutte contre le changement climatique. Vendredi et samedi, nous ferons campagne pour nos propositions socialistes à Glasgow et Edimbourg. Samedi soir, il y aura une réunion d’ASI à Glasgow.
Nouvelle manifestation à Bruxelles hier
Une nouvelle action a eu lieu à Bruxelles pour marquer le début de la COP26. Après la manifestation massive du 10 octobre, la manifestation était bien sûr plus modeste en termes de participation, mais il n’était donc pas moins important de faire descendre la protestation dans la rue dès le début de la COP26. Ci-dessous une série de photos prises par Liesbeth.
[embed-google-photos-album https://photos.app.goo.gl/1hUSvCcMaLjH2jwQ8]
