Category: Social

  • Somos los Estados Unidos

    Il n’y a pas que chez nous que les sans-papiers s’organisent. Aux Etats-unis, le pouvoir est confronté à une déferlante d’illégaux, majoritairement latinos, manifestant dans toutes les villes du sud du pays. Ces centaines de milliers d’immigrants protestent contre un projet de loi adopté à la chambre qui vise à réprimer l’immigration clandestine.

    Simon Hupkens

    A juste raison, ils rappellent qu’ils constituent une main d’œuvre salariée à bas-prix dont le pouvoir économique profite amplement. Ce sont 11 millions de travailleurs clandestins qui font fonctionner l’économie américaine aujourd’hui, dans des conditions non-moins précaires que les clandestins européens, surtout au sein de secteurs comme l’agriculture et l’horeca.

    Des travaux durs et mal payés… Pour maintenir ces travailleurs dans une situation de précarité, pour les empêcher de revendiquer de meilleures conditions, le patronat américain à recours à son complice le pouvoir politique afin d’accentuer la répression. Il n’est pas de meilleure méthode pour faire taire un travailleur que de le faire traquer par la police.

    Mais les travailleurs clandestins n’ont pas l’air de vouloir se laisser faire. Ils s’organisent et prévoient, à l’occasion du 1er mai, une journée de boycott national. Il en faudra évidemment bien plus pour faire plier le gouvernement. Le mouvement doit trouver le lien avec les travailleurs légaux américains et renouer avec cette tradition séculaire de la classe ouvrière qu’est la grève.

    Le chemin est long pour en arriver à cette conclusion mais les travailleurs illégaux ont déjà a leur actif l’organisation de manifestations de masse comme on en avait plus vu depuis longtemps aux Etats-Unis : jusqu’à 500.000 personnes ont manifesté à Dallas, ils étaient 500.000 à Los Angeles et 100.000 à Phoenix.

    Ils ont déjà obtenu le soutient de dignitaires religieux et de personnalités politiques. Si cela appuie leurs revendications, il n’en reste pas moins que le mouvement pourrait bien être récupéré. Mais si les travailleurs trouvent la voie de l’opposition de classe, ils ont toutes les chances de voir leur lutte aboutir à une issue victorieuse.

  • A Bruxelles comme à Dublin, qu’ils viennent de Varsovie ou de Kinshasa, avec ou sans papiers, … Unité de tous les travailleurs!

    Si, pour le moment, la porte d’entrée de la Maison Belgique reste fermée pour les travailleurs d’Europe Orientale, la porte de derrière, par contre, est grande ouverte. Mais il faut se baisser très fort pour entrer…

    Dagmar Walgraeve

    La discussion sur l’ouverture du marché de l’emploi en Belgique pour les travailleurs venant des « nouveaux Etats membres de l’UE » s’est terminée sur un compromis… typiquement belge. La Commission Européenne voulait savoir pour le 1er mai si la Belgique allait prolonger l’interdiction d’accès ou la supprimer. Puisque les services du gouvernement fédéral n’ont pas encore terminé l’élaboration du document détaillant la politique à suivre (enregistrement obligatoire, contrôles,…), l’Etat ne veut pas encore ouvrir les frontières. Mais le ministre de l’Emploi, Peter Vanvelthoven, affirme que cela devra pouvoir se faire « le plus tôt possible ». Il est déjà acquis que la procédure de demande d’un permis de travail sera réduite de 30 à 5 jours pour les 104 professions où il y a une pénurie de candidats sur le marché belge. C’est le dernier en date des cadeaux que le gouvernement fait au patronat afin de lui livrer des travailleurs à bon marché. Le gouvernement belge est d’ailleurs leader en Europe en ce qui concerne « les aides financières à la création d’emplois » (lisez: les cadeaux au patronat). Par contre, il est bon dernier pour les investissements en formations professionnelles!

    Avec l’adoption récente par le Parlement européen de la directive Bolkestein « aménagée », des entreprises polonaises peuvent maintenant s’installer en Belgique, surtout dans le secteur de la construction où de nombreux travailleurs polonais sont déjà « détachés ».

    La manière dont se prépare l’ouverture du marché de l’emploi pour les travailleurs des nouveaux Etats membres et la directive Bolkestein montrent comment la classe capitaliste européenne essaie de répondre à la concurrence croissante entre pays et entreprises. L’élargissement de l’Europe est un élémentclé de cette stratégie puisqu’elle va permettre aux grandes entreprises d’exploiter plus facilement les nombreux travailleurs hautement qualifiés et bon marché des pays d’Europe de l’Est. Ceci se fera, d’une part, en délocalisant des entreprises d’ici dans ces pays et, d’autre part, en amenant ici des travailleurs bon marché venant de là-bas.

    Le patronat veut utiliser les salaires plus bas et les conditions de travail et de sécurité sociale moins bonnes dans ces pays afin de s’attaquer au niveau de vie de tous les travailleurs en Europe. Car, même si les conditions de travail et de salaire en vigueur chez nous sont respectées lors de la réalisation des contrats d’embauche des travailleurs venus de Pologne ou d’Estonie, il suffira aux entreprises de remplacer les contrats fixes à salaire convenable par du travail précaire au salaire minimal pour doper leurs profits. C’est ce qui s’est passé récemment en Irlande. La direction des Irish Ferries a voulu faire naviguer ses bateaux sous pavillon étranger, ce qui lui permettait de licencier 543 travailleurs irlandais syndiqués et de les remplacer par des travailleurs lithuaniens non-syndiqués, qu’elle comptait payer 3,76 € l’heure – soit moins d’un tiers du salaire officiel actuel – et faire travailler 84 heures par semaine ! Les bateaux ont été occupés par des travailleurs en grève et les syndicats ont été obligés d’organiser une manifestation en solidarité. 100.000 personnes sont descendues dans la rue pour protester contre les licenciements et l’exploitation des travailleurs immigrés. Malheureusement, les syndicats n’étaient pas prêts à engager une lutte décidée et à l’organiser de façon efficace. Ils ont accepté un compromis qui conserve le statut aux travailleurs actuels mais autorise l’embauche de travailleurs étrangers au salaire minimum légal (7,65 €). Une légère amélioration pour ces travailleurs, mais Irish Ferries economisera ainsi annuellement 11,5 millions d’€ en coûts salariaux!

    Un autre avantage qu’offre aux patrons l’engagement de travailleurs étrangers avec des contrats à durée très limitée, c’est l’affaiblissement des syndicats dans les entreprises. Tout comme les travailleurs précaires, les travailleurs étrangers sont difficiles à organiser à cause du taux d’exploitation élevé et de la grande insécurité du travail. De plus, beaucoup ne connaissent ni leurs droits, ni la langue du pays. L’initiative de la CSC de distribuer des tracts en polonais pour informer les ouvriers polonais du bâtiment sur leurs droits est un pas en avant important, mais c’est loin d’être suffisant.

    Si nous voulons faire face à ces menaces, il faut aller à leurs racines. Partout dans le monde, les patrons cherchent à s’attaquer aux salaires et aux conditions de travail afin de maximaliser les profits. Ils sont continuellement à la recherche de nouveaux travailleurs à bon marché. Dans le passé, ils ont utilisé les femmes pour miner les salaires des hommes, et aujourd’hui les femmes gagnent toujours en moyenne 25% en moins que les hommes. Des travailleurs “coûteux” sont remplacés par des jeunes meilleur marché au moyen du travail précaire et des plans d’embauche style Rosetta et Activa. Diviser pour régner, c’est la politique préférée de la bourgeoisie pour sauvegarder son système. C’est pourquoi nous devons résister à toute tentative de division des travailleurs. S’il n’y avait pas de travailleurs immigrés, les patrons inventeraient bien d’autres moyens de s’attaquer à nos salaires. Il faut défendre les travailleurs étrangers tout autant que les travailleurs dits illégaux. L’UDEP (Union de Défense des sans-papiers) affirme avec raison : « Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleurs ». Et comme le dit Claude Matuba, un des porte-parole de l’UDEP: “Le travail en noir mène à des salaires plus bas pour tout le monde, la régularisation mène à des salaires plus élevés pour tous.”

    Ce n’est qu’en défendant de façon déterminée le niveau de vie de la classe des travailleurs et en se battant systématiquement pour que chaque nouveau travailleur – qu’il soit belge, polonais ou congolais – soit engagé aux ‘anciennes’ conditions que la spirale vers le bas pourra être arrêtée. Nous devons lutter pour que les syndicats organisent aussi les couches les plus opprimées de la classe des travailleurs (les femmes, les jeunes, les immigrés, …). Ce n’est qu’en ayant des syndicats démocratiques et combatifs qui organisent toutes les couches des travailleurs que nous pourrons nous défendre contre les attaques de la bourgeoisie.

  • Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleurs

    10.000 personnes ont participé le samedi 25 février à la manifestation de soutien des sans-papiers à Bruxelles et, parmi elles, il y avait une forte proportion de sans-papiers. Pour l’Union de Défense des Sans-Papiers et tous ceux qui soutiennent ce combat, c’est donc un grand succès. Mais, pour parvenir à une régularisation de tous les sans-papiers et obtenir la suppression des centres fermés, le chemin à parcourir reste encore long. Car cet objectif va à l’encontre de toute la politique menée en Belgique et en Europe depuis plus de trente ans.

    Xavier Dupret

    Depuis le choc pétrolier de 1974, les frontières de la Belgique et des autres pays européens sont, en effet, officiellement fermées aux migrations de nature économique. Cependant, loin de se tarir, les flux migratoires se sont, au contraire, intensifiés. Le démantèlement des politiques sociales en Europe de l’Est et en Afrique en est la principale raison. Les grandes institutions financières internationales (FMI et Banque Mondiale) ont imposé à l’ensemble de ces pays toute une série de plans d’assainissement des finances publiques, qui ont durement touché l’emploi, la santé, l’enseignement,… avec pour conséquence logique une détérioration des conditions de vie des populations.

    Une nouvelle couche de travailleurs clandestins s’est ainsi constituée dans les pays capitalistes avancés. Les «sans-papiers» sont en réalité des ouvriers fragilisés par les orientations restrictives des politiques migratoires. Ils travaillent souvent dans le bâtiment, la plonge des restaurants et autres métiers pénibles dans des secteurs connus pour leur recours au travail au noir. Les sans-papiers partagent donc – en plus dur encore – le sort de la masse des travailleurs précaires de chez nous, contrairement à ce qu’affirment patrons et racistes qui essaient de les faire passer pour des parasites et des concurrents des travailleurs belges.

    Au total, la multiplication des travailleurs sans-papiers apparaît comme un des éléments de la grande stratégie de précarisation du monde du travail qui, à des degrés divers, nous touche tous. Depuis la fin des années 80, c’est à. un mouvement de régression géénralisée que nous assistons. Une partie des précaires d’hier (femmes, jeunes, immigrés) devient les exclus d’aujourd’hui. Et ceux qui pouvaient espérer occuper un emploi fixe doivent le plus souvent se contenter d’un emploi flexible. Voilà le résultat de 20 ans de politique néolibérale.

    Dans ces conditions, comment le mouvement des sans-papiers peut-il continuer à avancer ? Nous pensons qu’une stratégie axée sur le lobbying auprès des partis représentés au parlement risque d’épuiser le mouvement parce que les partis traditionnels ne veulent pas réellement modifier la situation actuelle.

    Le combat le plus important est, en dépit des difficultés, d’ancrer la lutte des sans-papiers à l’intérieur du mouvement ouvrier belge, parce que celui-ci est le meilleur allié dans la construction d’un rapport de forces avec le gouvernement. Cette lutte n’est pas que syndicale. Elle est aussi politique.

    La lutte des sans-papiers doit être incluse dans la construction d’une nouvelle force de gauche défendant résolument les intérêts de tous les travailleurs, qu’ils soient belges, immigrés ou sans-papiers.

  • “Les sans-papiers ne sont pas des criminels”

    Nous avons interrogé Abdeslam lors de l’action menée au centre fermé de Merksplas dimanche 19 février, qui s’est déroulée dans une ambiance combative .

    Propos recueillis par Emiel Nachtegael

    Qu’est ce que l’UDEP?

    L’UDEP est une organisation créée récemment par des sans-papiers, l’idée étant que les sans-papiers s’organisent eux-mêmes pour réclamer leurs droits. Nous proposons trois revendications principales : la régularisation de tous les sans-papiers, l’arrêt immédiat des expulsions et la fermeture des centres fermés.

    Depuis le 19 octobre, nous menons des actions à l’église St Boniface à Ixelles. Lors de cette lutte, trois personnes ont été arrêtées en 10 jours et enfermées dans un des centres fermés : David et Vincent à Merksplas et Barry à Vottem. Le 7 février, 2500 manifestants ont défilé à Vottem pour soutenir les sans-papiers. Aujourd’hui, nous sommes ici non seulement pour réclamer la libération de Vincent et de David, mais de tous les sans papiers emprisonnés ici (y compris douze mineurs !).

    L’atout de l’UDEP, c’est que c’est une organisation où les sans-papiers décident eux-mêmes des actions à mener. Evidemment, nous collaborons et nous nous réunissons souvent avec les autres organisations qui se soucient du sort des sans-papiers. Pour élargir notre lutte, des comités de soutien à l’UDEP se sont mis sur pied.

    Que pensez-vous de l’accélération de la répression et des attaques du gouvernement (et en premier lieu du ministre de l’Intérieur Dewael) contre les sans-papiers?

    Nous sommes convaincus que tout cela n’est pas un hasard. Pour vous donner un exemple: David qui est le responsable de l’UDEP à Bruxelles, a été arrêté alors qu’il était chez le médecin. Ce jour-là, deux tentatives d’expulsion ont eu lieu, ce qui est exceptionnel. David a-t-il été visé en particulier? Nous ignorons exactement comment il a été arrêté mais il est clair qu’il a été traqué. Le jour de son arrestation, nous avons organisé une conférence de presse.

    Nous nous opposons aux déclarations de Dewael. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout. Nous ne sommes pas des criminels simplement parce que nous réclamons nos droits!

    Le gouvernement veut raccourcir la procédure de demande d’asile et restreindre les possibilités de porter recours contre une décision négative. En réaction, nous avons rédigé une proposition de loi qui devrait simplifier cette procédure. Nous exigeons des critères clairs et permanents comme la régulation automatique des réfugiés gravement malades. Actuellement, la commission pour la régularisation n’a traité (traité ne signifie pas approuvé) qu’un nombre très limité des dossiers introduits depuis 1993. Par conséquent, les sans-papiers sont contraints de vivre dans des conditions atroces sans couverture médicale ni permis de travail. En bref, l’illégalité complète!

  • C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes!

    Depuis les régularisations de 2000, le nombre d’étrangers en séjour illégal a de nouveau augmenté. Cette réalité est due à la misère croissante dans les pays néocoloniaux, organisée par les pouvoirs des pays capitalistes occidentaux avec la complicité des dirigeants locaux. La solidarité avec les sans-papiers est nécessaire : le sort des travailleurs belges et celui des illégaux sont indissolublement liés.

    Olivier, EGA-ULB

    Jeunes et travailleurs quittent les pays du monde néo-colonial pour fuir la misère et la guerre. Sur place, les gouvernements locaux, à la botte des puissances impérialistes, mènent une politique de pillage des richesses de ces pays. Les seuls bénéficiaires de ces pratiques sont les patrons des multinationales qui augmentent ainsi spectaculairement leurs profits. En Belgique, moins de 4% des demandeurs d’asile recevront des papiers. Peu d’alternatives sont laissées à ceux qui, par nécessité, quittent leur pays pour venir chercher un avenir meilleur en Europe.

    Certains subissent des conditions de détention désastreuses dans les centres fermés tandis que beaucoup sont obligés de se tourner vers le travail au noir, illégal, mal payé et sans aucune protection sociale. Cette situation bénéficie surtout au patronat qui se constitue ainsi un réservoir de main d’œuvre bon marché. Mais les sans-papiers ne sont pas les seuls à subir les conséquences de cette politique. Celle-ci permet aussi de faire pression sur les salaires et les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs.

    Face à l’afflux de réfugiés en Europe et en Belgique, les partis traditionnels n’offrent aucune solution. De la politique répressive permanente à l’organisation de la précarité, le gouvernement met en oeuvre une politique entièrement dévouée aux intérêts du patronat. Ces mesures n’amènent qu’à un repli identitaire et communautaire des minorités.

    Face à cette stratégie consciente du patronat et du gouvernement, il importe que les travailleurs de toutes origines ne se laissent pas diviser mais, au contraire, resserrent leur rang pour contrer ces attaques contre leurs conditions de vie. Ces dernières années, plusieurs groupes de sans-papiers ont lutté pour leur régularisation. On se souvient des Afghans qui ont mené une grève de la faim de plusieures semaines à l’église Sainte-Croix d’Ixelles, ou encore des Iraniens qui ont occupé les locaux de l’ULB et de l’UCL en 2003. Aujourd’hui, 70 sans-papiers occupent l’église Saint-Boniface, et différentes manifestations sont organisées à travers le pays (Vottem, Morlanwelz, Anvers,…). Mais ni les luttes isolées, ni les pressions sur les partis traditionnels (qui ne défendent que les intérêts du patronat) n’offrent de perspectives au mouvement. Des régularisations ont déjà eu lieu dans des contextes particuliers, lorsque ça arrange nos dirigeants, ou sous pression de mouvements larges. Une lutte massive des travailleurs contre la politique néolibérale – et son volet « immigration » – est nécessaire. L’union de tous les sans-papiers et travailleurs belges est un élément décisif pour la lutte.

    L’UDEP, premier véritable mouvement qui organise des sans-papiers, essaie de faire le lien entre les luttes et tente de construire cette unité entre travailleurs belges et sans-papiers. C’est un pas en avant pour le mouvement. L’ « immigration clandestine » – qui tire ses sources de l’impérialisme –, le travail au noir, le racisme… est une conséquence du capitalisme. Seule une société socialiste, qui rompt avec la logique de marché et qui se base sur les besoins et les capacités de chacun, peut apporter des solutions aux travailleurs et jeunes sur tous les continents.

  • Les médias bourgeois (ou : pourquoi la nécessité d’une presse ouvrière s’impose)

    « La presse bourgeoise tire un énorme profit des crimes et des empoisonnements, en misant sur la curiosité malsaine et sur les plus vils instincts de l’homme. » Léon Trotsky.

    Un dossier de Cédric Gérôme

    Marx affirmait que l’idéologie dominante n’est rien d’autre que l’idéologie de la classe dominante. En effet, le rôle de la presse bourgeoise dans la société capitaliste ne peut être détaché du rôle qu’y joue la bourgeoisie elle-même. Sans tomber dans la caricature qui consiste à prétendre que les médias sont une sorte de « quatrième pouvoir », il est clair que les classes dirigeantes, historiquement, ont toujours tenter de contrôler le flux de l’information et de s’en servir comme moyen de relayer leur discours et de défendre leur idéologie.

    Historiquement, beaucoup d’exemples montrent à quel point la presse et les médias en général, sous le capitalisme, ont toujours servi à défendre servilement la politique et les intérêts de la bourgeoisie. Des chercheurs ont par exemple démontré qu’entre 1921 et 1968, les médias britanniques avaient pratiquement ignoré l’existence de l’Irlande du Nord !

    Mais il existe évidemment bon nombre d’exemples plus récents. Il est incontestable qu’avant même le début de la guerre en Irak, la presse américaine a servi à relayer les mensonges de la Maison-Blanche et fut par conséquent un excellent relais de propagande. Rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait qu’entre 1993 et 2000, l’industrie des médias a versé 75 millions de dollars au financement des campagnes électorales des candidats des deux principaux partis américains. Ou quand on sait que la FCC (Federal Communications Commission), sensée fixer la réglementation des médias aux USA, était jusqu’en janvier 2005 dirigée par Michael Powell – le fils de Colin Powell. David Smith, le PDG du groupe Sinclair (le principal propriétaire de stations de télévisions aux USA) déclarait ouvertement : « Nos élus ont décidé que la guerre était dans notre intérêt. Une fois qu’ils ont pris cette décision, à tort ou à raison, je crois que nous avons l’obligation de soutenir nos troupes et qu’il faut que les Américains aillent se battre. » En avril 2004, le groupe a interdit à ses stations de programmer une émission spéciale appelée « Ceux qui sont tombés », au cours de laquelle un journaliste lisait un par un les noms des soldats américains morts en Irak.

    A l’inverse, quand il y a des informations qui peuvent s’avérer compromettantes ou tendancieuses, tout est fait pour empêcher qu’elles soient révélées. Le meilleur exemple à ce sujet est sans doute l’interdiction imposée aux médias américains de filmer les cercueils des soldats morts en Irak qui sont rapatriés vers les USA.

    Le rôle vicieux de la presse bourgeoisie a merveilleusement été illustré lors du débat autour du traité constitutionnel européen ; en gros, le message qui passait dans les médias était le suivant : tout ce qui va bien, on le doit à l’Europe, tout ce qui va mal, à l’absence de constitution. « Moi je suis pour le oui, je ne devrais pas le dire, mais je suis pour le oui. Mais je suis objectif ! » annonçait avec fierté un intervieweur d’Europe 1, le 8 février 2005. Pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mars 2005, on a dénombré à la télévision 29% d’intervenants favorables au non toutes émissions confondues (journaux télévisés, débats politiques,…), et 71% de favorables au oui…

    Plus tôt, en France, lors des élections présidentielles de 2002, tout était fait pour pousser l’opinion à voter pour Jacques Chirac. « Abstention, piège à cons » était le titre de couverture du magazine Télérama. Sur tous les journaux français, sur 83 tribunes libres consacrées au scrutin présidentiel, 2 seulement remettait vaguement en question le vote pour Chirac. De même en France, pendant les mouvements de grève contre la réforme des retraites, les médias se sont acharnés pour dénoncer les nuisances des grèves. Le soir de la journée nationale d’action du 10 juin 2003, TF1 consacra 3 minutes et 47 secondes aux grévistes et manifestants contre 14 min et 5 sec à ceux qui les dénonçaient. Même topo sur France 2 : le journal télévisé du 14 mai octroyait une minute et demie aux grévistes, et 8 min 50 sec à ceux qui s’y opposaient. En réalité, dans chaque grève, les médias tentent d’amener une opposition entre les salariés en mettant en scène, d’un côté, les gêneurs (= les grévistes), de l’autre, les travailleurs « normaux » (= ceux qui ne font pas grève) qui sont « pris en otage » et essaient par tous les moyens de se rendre sur leur lieu de travail.

    Les médias peuvent donc être un allié plus qu’utile pour la bourgeoisie dans la défense de ses intérêts et de son idéologie. Le rédacteur en chef du « Time » affirmait : « Les événements ne doivent pas leur naissance à des forces historiques ou à des gouvernements ou à des classes sociales , mais à des individus » : on retrouve très clairement dans cette déclaration la vision bourgeoise de l’histoire, qui consiste à expliquer le monde à travers la vie des grands hommes. Effectivement, les médias tentent toujours de réduire les causes des événements à des personnalités, des ministres, des présidents,…Pour exemple, les deux guerres du Golfe se sont traduites en un duel entre Georges Bush et Saddam Hussein. Cette vision mène à une individualisation des luttes collectives. Un bon exemple est celui de la fameuse photo prise pendant les événements de Tien-Anmen en 1989, photo qui a fait le tour du monde : un homme seul stoppant la progression d’une colonne de chars ; les milliers de manifestants massés autour de lui ont été volontairement exclus du cadre de la photo.

    Tous les préjugés de l’idéologie bourgeoise trouvent un écho dans les médias. Les préjugés nationalistes et racistes : pendant la catastrophe du tsunami en Asie du Sud-Est, tout le monde a pu constater avec écoeurement le souci prioritaire manifesté envers les ressortissants étrangers (les touristes) et la relativisation des victimes locales (pourtant au moins cent fois plus nombreuses). Ce phénomène est particulièrement marqué dans les médias américains : avant le 11 septembre 2001, les articles consacrés à l’actualité internationale ne représentaient que 2% du total de la presse écrite américaine. Certains soirs, les journaux télévisés se concluaient sans jamais être sortis une seule fois des Etats-Unis. Après le 11 septembre, le reste du monde a tout à coup « ressurgi » dans les médias américains. La presse américaine a consacré davantage de temps à l’Afghanistan entre septembre et décembre 2001 qu’elle ne l’avait fait pendant les quatre décennies précédentes !

    Naturellement, la crise économique du système capitaliste touche également le secteur des médias. On peut ainsi voir un phénomène de concentration extrême dans le secteur des médias depuis une vingtaine d’années, qui a entraîné la disparition d’une quantité innombrables de quotidiens. Un signe révélateur est le fait que le plus jeune quotidien belge francophone est le journal « Vers l’avenir »…qui date de 1918 ! Dans le Nord du pays, il s’agit de « Het nieuwsblad » (datant de 1932). L’évolution qui se manifeste a donc pour corollaire un taux de mortalité extrêmement élevé et un taux de natalité quasiment nul, à travers une concurrence de plus en plus sévère.

    En outre, la presse est de plus en plus sous le contrôle d’un petit nombre de groupe industriels et financiers. Traditionnellement, la presse écrite était la propriété d’éditeurs purs (souvent des entreprises familiales). Depuis quelques années, on voit une accentuation de la prise de contrôle de nombreux médias par des magnats de l’industrie et/ou des finances : aujourd’hui, une poignée de multinationales contrôlent l’information. En 2001, Clear Channel possédait aux USA 1202 radios. L’homme le plus riche de Belgique, Albert Frère, est actionnaire de RTL-TVI. En Flandre, « Het Laatste Nieuws » ou « De Standaard » appartenaient à des familles d’éditeurs ; à présent, ces journaux sont sous le contrôle de groupes financiers. A la fin de l’année dernière, le quotidien français « Libération » a subi une prise de contrôle de 37% de son capital par le banquier Edouard de Rotschild. Le groupe Socpresse (qui possède 70 titres dont « Le Figaro », « L’Express » ainsi que des dizaines de journaux régionaux) a été récemment racheté par un fabricant d’armes, Serge Dassault. Dès sa prise de fonctions, celui-ci déclarait aux rédacteurs : « Je souhaiterais dans la mesure du possible, que le journal mette plus en valeur nos entreprises. » Le groupe Hachette est quant à lui déjà détenu par un autre industriel de l’armement : Arnaud Lagardère. Sur les 15 premières fortunes françaises, 5 ont des intérêts dans les médias et tirent évidemment profit de cette situation pour consolider leur position. En Italie, « Il Corriere della Sera » et « La Stampa » sont désormais contrôlés par Fiat. Silvio Berlusconi a construit un véritable « empire télévisuel » et contrôle aujourd’hui 90% de l’audience et 87% des recettes publicitaires de la télévision italienne. Il n’a pas eu de scrupules à modifier la loi afin qu’à partir de janvier 2006, la RAI puisse être totalement privatisée.

    Et c’est sans compter la reconversion technologique (notamment l’informatisation) qui demande des investissements de plus en plus lourds ; cette logique fait en sorte qu’en définitive, seuls les plus gros groupes sont capables de supporter de tels coûts.

    Le revers de la médaille de cette tendance s’exprime à travers des compressions de personnel, des fermetures d’agences, l’emploi d’un groupe le plus restreint possible de reporters et de journalistes, des licenciements de masse, la disparition de nombreux points de vente. Pour exemple, en France, depuis 1990, 4500 kiosques à journaux ont été supprimés. Aux USA, entre 2000 et 2004, plus de 2000 postes ont été supprimés dans la presse écrite. L’agence de presse Reuters a procédé au début de l’année à une réduction de ses effectifs de 4500 salariés. Le groupe Sinclair (USA) a procédé à 229 suppressions d’emplois dans ses stations en une seule année : le fait de détenir plus de 60 stations locales permet de diffuser tel quel les mêmes programmes d’une région à une autre et d’ainsi réduire fortement les coûts salariaux. Le patron s’explique : « Ce n’est pas que nous n’aimons pas les monteurs ou les cameramen. Mais la technologie a tellement évolué que les réalisateurs estiment pouvoir réaliser un travail encore meilleur en automatisant certaines de ces tâches. On peut désormais assembler un studio d’informations, avec, disons, un producteur de moins, un journaliste de moins, pas de monteur, 2 cameramen qui disparaissent, et la liste ne fait que commencer… »

    Il importe également de casser un mythe largement répandu : les journalistes bien payés sont une exception. Mis à part les journalistes vedettes et les stars du show-business comme Patrick Poivre D’Arvor, les journalistes sont en général mal payés et travaillent dans des conditions déplorables. Aux USA, les entreprises qui détiennent différents médias (presse, radio, télévision, internet,…) dans une même ville recherchent des journalistes à tout faire capables de fournir un contenu immédiatement adapté aux différents supports. Selon un professeur de journalisme de la Columbia University, « ces journalistes travaillent de 16 à 20 heures par jour et deviennent complètement fous à force d’exercer plusieurs métiers de presse à la fois ». Les mauvaises conditions de travail dans ce métier ont encore été illustrées par la récente grève à la RTBF. On ne compte plus les intérimaires ou les faux stagiaires qui travaillent gratuitement, malléables et corvéables à merci. On voit ainsi un peu partout la multiplication des CDD (contrats à durée déterminée). Selon les syndicats de France 3, en moyenne 8 des 12 reportages du journal de 19h sont réalisés par des CDD. Voici le témoignage révélateur d’un jeune CDD : « Un précaire pose moins de question. Il est plus disponible, plus docile. Il ne conteste pas les choix éditoriaux. Il ne rechigne pas à travailler les jours fériés, à traverser la France en une nuit pour rejoindre une autre station de radio. »

    Sur le plan de la formation, la situation n’est pas plus rose. Dans les écoles de journalisme, on apprend aux étudiants à être le moins critique possible, à respecter la hiérarchie,…en d’autres termes, à fermer sa gueule et à accepter la logique du marché. Au CFJ (Centre de Formation des Journalistes- Paris), le responsable « presse écrite » dit à ces étudiants : «Dans la profession, il y a un certain nombre de journalistes qui ne sont pas dans la ligne. Ici, on vous demande de suivre la ligne, de rester dans la norme. Eh oui, il y a un moule CFJ, et il faudra bien vous y couler ».Une étudiante attaque : « Pour mercredi, avec la sortie du film sur les travailleurs de chez Michelin, on aurait voulu faire un retour sur la condition ouvrière ». Le rédacteur en chef réplique aussitôt : « Ca c’est pas de l’actu. Il faut espérer qu’on aura autre chose comme actu, de l’actu qui parle un peu plus. Mercredi, je vois qu’il y a PSG-OM. Ca, ça ne peut pas être moins d’une page. »

    Le seul souci dans la formation des journalistes est de répondre aux besoins du marché. Un enseignant de l’école le dit lui-même : «Ce que vous êtes naïfs ! Les médias, c’est une industrie. On vend du papier comme d’autres vendent des poireaux. Le seul critère, c’est le résultat : l’audience ou la vente». Dans un guide pour les étudiants de l’école appelé « Pour devenir journaliste », on peut lire que le CFJ « trouve une solution à l’inadéquation de l’offre et de la demande, sait répondre aux évolutions du marché, afin de livrer des étudiants immédiatement opérationnels. », etc. La directrice de l’école conclut en beauté: « on étudie en ce moment comment se tourner pleinement vers le management. »

    Les conditions de production de l’information sont bien sûr soumises aux lois de l’économie capitaliste : productivité, maximum de rendement, … L’information est une marchandise comme les autres : le but est de faire du profit avant toute autre considération. Il faut produire un maximum d’informations en un minimum de temps, et surtout, de produire de l’information qui se vend. Le critère premier n’est donc pas le souci de l’information objective, de la pertinence des sources, etc, mais bien le marketing. Le choix, la mise en valeur et l’importance accordée aux informations est donc complètement tronquée et disproportionnée par rapport à la réalité, voire complètement fausse. En juillet 2004, de jeunes Maghrébins et Africains sont accusés d’avoir fait une agression antisémite dans le RER, à Paris. Le lendemain, le journal « Libération » concluait : « Antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme mêlés comme aux pires heures de l’histoire ». En fait, cette agression n’a jamais eu lieu et se révèlera être un pur mensonge inventée par la soi-disante victime.

    Mais quelques chiffres valent parfois mieux qu’un long discours : depuis l’affaire Dutroux en 1996, le nombre d’articles et de reportages consacrés aux affaires sexuelles touchant des enfants a explosé. Les mots « pédophile » et « pédophilie » apparaissent 4 fois dans le journal « Le Monde » en 1989, 8 fois en 1992. On passe à 122 fois en 1996, 199 fois en 1997, 191 en 2001, 181 fois en 2002 ! Du 5 mai au 5 juillet 2004, on dénombre, dans les quatre grands quotidiens nationaux français, 344 articles sur le procès d’Outreau (affaire de pédophilie en France). Pendant la même période, ces mêmes quotidiens consacrent 3 articles sur la sortie d’une étude de l’OMS établissant que la pollution tuait chaque année plus de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans. En 1998, les trois principaux journaux télévisés américains ont consacré plus de temps à l’affaire Monica Lewinsky qu’au total cumulé de plusieurs dossiers tels que la crise économique et financière en Russie, en Asie et en Amérique Latine, la situation au Proche-Orient et en Irak, la course au nucléaire dans le sous-continent indien !

    Dans ce contexte, il est clair que les journalistes ne peuvent pas dire ce qu’ils veulent, et doivent rester dans un cadre de pensée qui respecte le souci des actionnaires et des propriétaires du média en question. Le directeur de l’International Herald Tribune (qui appartient au groupe New York Times, coté à Wall Street) disait : « Souvent, ceux qui doivent prendre une décision journalistique se demandent si celle-ci fera baisser ou monter de quelques centimes la valeur boursière de l’action de l’entreprise éditrice. Ce genre de considérations est devenu capital, les directeurs de journaux reçoivent constamment des directives dans ce sens de la part des propriétaires financiers du journal. »

    De plus, le simple fait d’être journaliste et d’avoir sa carte de presse ne donne pas accès partout. Le journaliste doit se faire accréditer auprès de certains services de presse (UE, ministères,…). Les journalistes accrédités ne peuvent divulguer que les informations qu’on les autorise à divulguer : s’ils ne respectent pas les règles du jeu, on leur retire l’accréditation. Sans compter que la plupart du temps, les journalistes se font « acheter »: par des réceptions, des déjeuners en tête-à-tête, des voyages de presse pour accompagner le ministre ou l’homme d’affaires en déplacement à l’étranger, des voyages exotiques,…

    L’ancien journaliste du Guardian (rubrique Energie) nous donne un témoignage intéressant à ce sujet: « La compagnie de gaz britannique British Gas s’intéressa à mon travail. Chaque jour, elle dépêcha un nouvel attaché de presse avec la panoplie complète allant de la voiture tape-à-l’oeil au téléphone mobile. Le premier m’introduisit dans l’entreprise et calcula ce que mon article représenterait pour la compagnie en termes de gains ou de pertes potentiels. Le deuxième fit survoler la baie de Morecambe en hélicoptère pour me conduire sur la plateforme de forage que British Gas avait fait construire. Le troisième m’invita à un dîner arrosé de bon vin, au cours duquel il m’abreuva de considérations sur la stratégie de l’entreprise. Et le quatrième m’accompagna pour rencontrer le président de la compagnie. Après avoir été traité de la sorte, j’ai dû déployer des efforts considérables pour mordre la main qui m’avait nourri en me fournissant toutes ces informations. Et mordre signifiait dire au revoir à tout ce que British Gas pouvait m’offrir de bon ».

    On en arrive vite à ce qu’on peut appeler le « journalisme promotionnel », très bien résumé par cette phrase de Patrick Le Lay, patron de TF1 : « Le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola à vendre son produit. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. ». En Italie ou aux USA, il n’est désormais plus rare de voir des spots publicitaires insérés à plusieurs reprises en plein milieu du journal télévisé.

    Comme on l’a déjà vu, les politiques de privatisation n’on pas épargné le secteur des médias. Ce phénomène de désengagement public implique que les médias sont de plus en plus dépendants de leur budget publicitaire. Le média qui fait une appréciation négative sur un produit court le risque de se voir retirer le budget publicitaire du fabricant. En Belgique, le numéro un des investissements publicitaires dans les médias est le secteur automobile. Ce dernier élément explique les nombreux suppléments « auto » dans les quotidiens. Lors de l’ouverture du dernier salon de l’auto, « La Libre Belgique » a ainsi consacré 5 pages à ce grand événement…

    Pendant l’été 2005, la direction du groupe automobile Volkswagen lança à travers la presse la rumeur d’une fermeture du site de Forest. Cela fit naître un meilleur état d’esprit au sein de l’entreprise pour faire passer d’autres mesures moins « radicales », mais néanmoins tout aussi désavantageuses pour les travailleurs de l’usine. En janvier 2001, la multinationale Danone a fait la même chose grâce à la complicité des médias français. La presse annonçait le licenciement de 1700 travailleurs chez Danone ; il s’en suivit un large mouvement de contestation. Au coeur du mouvement, la direction annonça qu’il n’y aurait finalement « que » 500 pertes d’emplois. Conclusion : réaction de soulagement de la part d’une bonne partie du personnel et arrêt du mouvement. La presse sert ainsi souvent, pour le patronat et les politiciens bourgeois, de « ballon d’essai », de moyen destiné à tester un projet, une hypothèse de travail et mesurer quelles en seront les réactions. Il ne faut donc pas se leurrer : quand on parle de « fuite » dans la presse, il s’agit dans bien des cas de fuites volontaires.

    Ces dernières années, les chiffres montrent une baisse particulièrement significative de diffusion de la presse écrite. A l’échelle mondiale, la diffusion de journaux chute en moyenne, chaque année, de 2%. Le quotidien américain « International Herald Tribune » a vu ses ventes baisser en 2003 de 4,16% ; au Royaume-Uni, le « Financial Times » a chuté de 6,6 % ; en Allemagne, au cours des 5 dernières années, la diffusion a baissé de 7,7 %, au Danemark de 9,5%, en Autriche de 9,9%, en Belgique de 6,9%. Même au Japon (dont les habitants sont les plus gros acheteurs de journaux), on compte un recul de 2,2%. Au sein de l’UE, au cours des huit dernières années, le nombre de quotidiens vendus a diminué de 7 millions d’exemplaires. Il existe à cela certaines raisons externes tels que la montée d’internet, ou l’apparition des quotidiens gratuits (« Metro »,…). L’augmentation importante du prix des journaux cumulée à une baisse du pouvoir d’achat pour la majorité de la population n’y est sans doute pas pour rien non plus.

    Mais la raison première est sans aucun doute la perte de crédibilité de la presse écrite, tout comme des médias au sens large ; non seulement du fait que la qualité des journaux ne fait que se détériorer (les mensonges, les manipulations, et autres distorsions de l’information ne cessent d’augmenter), mais aussi parce la période dans laquelle on se trouve aujourd’hui se caractérise par une remise en question croissante de l’idéologie bourgeoise et du discours néo-libéral relayé par les médias. La confiance dans les institutions bourgeoises et dans ses relais idéologiques, dont les médias font partie, ne cesse de s’effriter. Cela renforce d’autant plus l’importance de diffuser une presse ouvrière, une presse de gauche qui défend les intérêts des travailleurs et des jeunes.

  • Régularisation immédiate de tous les sans-papiers!

    Depuis les régularisations de 1999, le nombre d’étrangers en séjour illégal a de nouveau augmenté. Cette réalité est due à la misère croissante dans les pays du Sud, organisée par les pouvoirs des pays occidentaux avec la complicité des dirigeants locaux. La solidarité avec les sans-papiers est nécessaire car, n’en déplaise à ceux qui pensent “qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde”, le sort des travailleurs belges et celui des illégaux sont indissolublement liés.

    Simon Hupkens

    Face à l’afflux de réfugiés en Europe et en Belgique, les partis traditionnels ne proposent que des versions plus ou moins édulcorées du repli identitaire et sécuritaire. Du flicage permanent à l’organisation de la précarité, le gouvernement met en oeuvre une politique entièrement dévouée aux intérêts de la bourgeoisie. Travail illégal, donc mal payé et dénué de toute protection sociale, est la seule alternative laissée à ceux qui, par nécessité, ont quitté leur pays pour venir chercher un avenir meilleur en Europe. Cette situation bénéficie en premier lieu au monde des entreprises qui se constitue ainsi un réservoir de main d’oeuvre bon marché et docile. Mais elle n’a pas de conséquences que pour les travailleurs illégaux. Elle permet aussi de faire pression sur les salaires et les conditions de travail des salariés belges. Certains secteurs sont réputés pour mettre en concurrence les travailleurs déclarés et les illégaux. C’est le cas de la construction, l’horeca ou encore l’agriculture.

    Face à cette stratégie plus ou moins consciente du patronat, il importe que les travailleurs de toutes origines ne se laissent pas diviser mais, au contraire, resserrent leurs rangs pour contrer ses attaques contre leur niveau de vie. La fédération Liège-Huy-Waremme de la FGTB l’a bien compris et à commencé a travailler dans cette voie en lançant une campagne d’affiliation des sans-papiers. Continuer sur cette lancée implique d’exiger du gouvernement une campagne massive de régularisation de tous les sans-papiers sans distinction afin d’empêcher le patronat d’entretenir la division. Le mouvement social belge se trouve devant une tâche d’ampleur, plus difficile à réaliser encore qu’en 1999.

    A cette époque, l’occupation des églises par les collectifs de sans-papiers et l’indignation soulevée par l’assassinat de Semira Adamu, conjuguées à l’incapacité du gouvernement de gérer la multitude de dossiers, avaient abouti à une régularisation. Régularisation partielle, arrêtée à mi-chemin mais régularisation tout de même, qui avait permis d’améliorer le quotidien de près de 50.000 illégaux.

    Aujourd’hui, l’intransigeance du ministre de l’intérieur Patrick Dewael et le peu de mobilisation rendent les choses plus difficiles.

    Cependant des initiatives de terrain vont dans la bonne direction: la campagne de la FGTB mais surtout le développement de l’UDEP (Union de défense des sans-papiers), structure autonome créée par et pour les sans-papiers, qui rend possible une fédération du mouvement autour d’elle. Le mouvement n’a pas dit son dernier mot.

  • Non aux centres fermés! C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes!

    es centres fermés sont camps où hommes, femmes et enfants étrangers sont enfermés faute de papiers en règle et traités de manière dégradante en attendant leur expulsion du territoire belge. Leur principe même renforce le racisme dans la société à travers l’idée que l’étranger est un délinquant.

    Julie Demulder

    Le premier centre fermé, le «127», fut créé en 1988. Depuis, 5 autres centres ont été créés: le centre INAD, situé dans l’aéroport de Zaventem et destiné aux passagers «inadmissibles» sur le territoire belge, les centres de Bruges, de Merksplas (au nord d’Anvers), deVottem (Liège), et le 127 bis, en bordure de Zaventem, destiné à rassembler les sans-papiers avant leur rapatriement. Leur coût global est de 25 millions d’euros par an..

    Tous sont gérés par l’ «Office des Étrangers» sous la tutelle du ministre de l’ Intérieur Patrick Dewael (VLD) qui a récemment déclaré vouloir imposer une carte à puce à tous les candidats réfugiés pour mieux les contrôler et pour qui toute personne aidant un sans-papier est condamnable!

    Les détenus peuvent passer un maximum légal de 5 mois dans ces prisons, mais le compteur peut être remis à zéro (notamment en cas de résistance à une expulsion). Le délai de détention peut donc être rallongé à volonté. Mais la première fonction assignée aux centres reste l’expulsion. Et les assistants sociaux engagés dans les centres ont pour tâche de faire accepter leur sort aux réfugiés et de les aider à « reconstruire » une nouvelle vie dans leur pays d’origine !

    Le patronat multiplie les appels pour que des immigrés « choisis » puissent venir travailler ici dans des emplois précis (informaticiens, camionneurs, aide-soignants…) parce qu’il veut « combler des manques » au niveau de l’emploi en engageant des étrangers à des salaires moindres. Mais, pour le reste, patrons et gouvernement veulent continuer à tout prix à rendre notre pays moins « attractif ». Le droit d’asile est de plus en plus réduit. Près de 90% des candidats se voient refusés le statut de réfugié. Soit ils acceptent l’expulsion, soit la seule solution pour eux sera de passer dans la cladestinité, sans revenu ni sécurité sociale et avec comme seules perspectives le travail en noir, l’insécurité et la peur. Car s’ils se font rafler par la police, ils seront jetés dans les centres fermés et ensuite expulsés.

    Dans les centres, en plus d’être privés de liberté et coupés de tout contact vers l’extérieur, les détenus sont souvent victimes de violences sans pouvoir protester sous peine de voir leur expulsion accélérée.

    Ces centres avaient été imaginés surtout pour enfermer des adultes mais, de plus en plus, on y parque des familles entières, y compris des enfants et des bébés. Pour l’instant, seul le «127bis» est équipé pour les recevoir mais bientôt les centres de Vottem et Merksplas ouvriront leurs cellules aux familles.

    Cette politique d’expulsion génère la clandestinité et donc le travail en noir et l’exploitation. Les patrons ne s’en plaignent pas – ils ont sous la main des travailleurs sous-payés et sur-exploités et qui contribuent à faire pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail de tous les autres travailleurs. D’ailleurs aucun patron utilisant ces pratiques n’a jamais été sérieusement inquiété par la justice.

    Afin de nous opposer efficacement à l’exploitation des illégaux et au traitement inhumain des candidats réfugiés, nous défendons la solidarité et de l’unité de classe des travailleurs au niveau international. On ne devient pas réfugié pour le plaisir mais pour échapper à une misère et à des geurres engendrées par le système capitaliste lui-même. En conséquence, nous estimons qu’il vaut mieux s’attaquer aux multinationales plutôt qu’à leurs victimes.

    > Suppression de tous les centres fermés et arrêt des expulsions !

    > Régularisation immédiate de tous les sans-papiers!

    > Du travail pour tous par la réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire !

    > Annulation de la dette des pays du Tiers-Monde et aide aux mouvements de lutte de ces pays!

  • C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes ! NON aux centres fermés !

    A Vottem, il existe une prison où on enferme des hommes et des femmes qui n’ont commis aucun crime – sauf ne pas avoir des papiers en règle. Et aujourd’hui, le gouvernement veut y enfermer aussi des enfants !

    Depuis des années, les gouvernements successifs affirment que la Belgique “ne peut pas accueillir toute la misère du monde”. Cette affirmation est ridicule (seuls 5% des réfugiés du monde se dirigent vers l’Europe). Mais pourtant, plus de 85% des étrangers qui demandent le statut de réfugiés en Belgique sont rejetés. Six « centres fermés » ont été créés pour emprisonner ces personnes en attendant leur expulsion. Et maintenant, le gouvernement veut faire aménager de nouveaux bâtiments à Vottem pour «accueillir» des familles entières.

    Les conditions de vie à l’intérieur de ces centres sont pires que dans les prisons : l’isolement des détenus est total, les violences fréquentes, aucun recours judiciaire n’est possible (de plus, toute plainte entraîne une accélération de la procédure d’expulsion), les difficultés dues à la diversité des langues sont énormes,… en plus de la crainte qu’ont les détenus d’être renvoyés dans des pays où c’est souvent la mort qui risque d’être leur unique avenir.

    Ces pratiques sont contraires aux Déclarations Européenne et Universelle des Droits de l’Homme, à la Convention des Droits de l’Enfant, à la Convention de Genève,… pourtant signées par la Belgique.

    Comment dès lors expliquer que de tels camps de détentions existent en Belgique?

    C’est que le pouvoir et la justice, si celle-ci existe bien, sont toujours du même côté, et ce n’est pas celui des opprimés ! Une véritable justice reconnaîtrait qu’en soutenant dans le Tiers-Monde et à l’Est, des régimes dictatoriaux et des multinationales qui exploitent les populations, nos gouvernements portent une grande responsabilité dans les guerres et la misère qui forcent les gens à fuir par millions.

    Une véritable justice refuserait de laisser criminaliser des innocents sous le seul prétexte qu’ils sont étrangers, renforçant ainsi le racisme dans la population.

    Une véritable justice s’indignerait de l’exploitation vers laquelle ce système pousse les demandeurs d’asile qui sont rejetés dans la clandestinité. Car les illégaux rapportent de juteux bénéfices en étant obligés de travailler au noir pour des patrons sans scrupules (dans la construction et le travail saisonnier entre autres).

    Cette justice dont nous rêvons ne saurait exister tant que nous vivrons dans un système basé sur le profit qu’une petite minorité de patrons et de banquiers peut accaparer au détriment de tous !

    Au delà des centres fermés, c’est le capitalisme et sa logique de guerre et de misère qu’il nous faut dénoncer !

    * Suppression de tous les centres fermés pour étrangers et arrêt des expulsions !

    * Régularisation immédiate de tous les sans-papiers !

    * C’est aux multinationales et aux gouvernements qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes: annulation de la dette des pays du Tiers-Monde et aide aux mouvements de lutte de ces pays !

    Rejoins nous dans ce combat !

  • Changement climatique. Un point de vue socialiste

    Les terribles conséquences du cyclone Katrina ont ouverts les yeux des américains sur la politique menée par Bush et Cie. Mais ces effets désastreux soulèvent également des questions sur l’impact du changement climatique. Les scientifiques se disputent aujourd’hui sur cette question: dans quelles mesures l’activité humaine peut-elle être une cause du changement climatique, lui-même à l’origine du nombre croissant de catastrophes naturelles?

    Bart Vandersteene

    En tant que socialistes révolutionnaires nous savons que cette planète est en perpétuel développement, donc que le climat, très lentement, se modifie constamment. Nous savons également que le capitalisme a d’énormes conséquences, pas seulement sur les personnes et leurs relations sociales, mais également sur l’environnement. Dans la discussion scientifique, il n’est pas toujours simple de distinguer les faits de la propagande. Sous le capitalisme monopolistique, la science est aussi un produit commercial. Ceux qui ont de l’argent peuvent diriger des recherches dans le sens des intérêts qu’ils veulent défendre. Mais malgré tout, il y a un consensus sur le fait que la terre se réchauffe, principalement à cause des gaz à effet de serre.

    Les accords de Kyoto de ’97 avaient pour but de réduire les gaz à effet de serre d’environ 5% pour 2012 par rapport à 1990. Des experts pensent qu’une diminution de 60% est nécessaire. La date de référence 1990 n’est pas choisie innocemment. Elle correspond à l’effondrement des Etats staliniens d’Europe de l’Est. Les économies de ces pays étaient presque totalement ruinées et la forte diminution des émissions de gaz à effet de serre qui en découle permettait de rendre les objectifs de Kyoto réalisables.

    Ce qui est étrange, c’est que les accords de Kyoto donnent la possibilité aux Etats de négocier et vendre leurs quotas d’émissions de CO2. Peut-il y avoir encore plus ironique que le ministre Ecolo Deleuze qui propose que la Belgique vende son air propre à la Russie ? Un autre problème avec Kyoto, c’est évidemment qu’il ne propose aucun projet pour après 2012. La problématique nécessite une planification de coordination sur le plan international pour des décennies. Or, le chaos anarchique du capitalisme nous empêche de tenir une planification sur le long terme.

    “Les émissions de gaz à effet de serre (…) sont à l’origine d’un réchauffement de la planète qui revêt aujourd’hui un caractère alarmant et connaît un rythme insoutenable à terme. Quand je dis à terme, je ne veux pas dire à l’horizon de quelques siècles. Je veux dire dans les années que connaîtront mes enfants, et peut-être même durant ma propre existence. Et quand je dis insoutenable, je ne vise pas un phénomène qui nous obligera à certains ajustements. J’entends par là un bouleversement d’une telle ampleur et d’une telle irréversibilité dans ses effets destructeurs que la survie même de l’espèce humaine s’en trouve menacée.”

    Ce discours date de septembre 2004 et a été prononcé par le Premier ministre britannique Tony Blair. Celui-ci donne un aperçu du problème et met en avant la nécessité de diminuer le dioxyde de carbone de 60% d’ici 2050. Mais toute initiative concernant du changement climatique est basée sur les intérêts des grosses entreprises. En fait, l’émission de CO2 en Grande-Bretagne n’a pas baissé, mais a augmenté même de de 2,2% en 2003 et de 1,5% en 2004.

    La seule méthode réaliste pour diminuer l’émission de CO2 de manière drastique est de stopper la consommation de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) et de produire de l’énergie qui ne provoque pas de réchauffement climatique. Tentant de respecter les normes de Kyoto, les différents gouvernements ont étudié à nouveau la question d’investir dans l’énergie nucléaire, celle-ci ne provoquant pas d’effet de serre. Ce n’est pas de cette manière que les socialistes cherchent une solution.

    Une solution durable reposant sur la situation actuelle des sciences et technologies peut seulement être envisagée par l’utilisation plus répandue d’énergies renouvelables comme les énergies éolienne, solaire ou marémotrice. Ces sources d’énergie ont certes des limites: elles sont beaucoup plus présentes certains jours, dans certains lieux, à certains moments de la journée,… et la quantité d’énergie produite reste encore relativement limitée. Il sera donc nécessaire de planifier le développement de ces sources d’énergie au niveau international et de mettre l’entièreté de l’industrie énergétique dans les mains de la communauté. Tout ceci ne peut se faire quer dans une société socialiste basée sur la coopération et non sur la rivalité impérialiste entre les nations comme nous le connaissons sous le capitalisme.

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