Category: Politique belge

  • Paradise Papers : le naufrage fiscal des Etats se poursuit

    Affiche du Réseau pour la justice fiscale (RJF) lors de la Marche des solidarités à Charleroi le 23 octobre 2017.

    Les révélations des Paradise Papers offrent un nouvel éclairage sur l’ampleur des pratiques d’ingénierie fiscale internationale. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales coûtent à elles seules chaque année quelque 600 milliards de dollars en recettes fiscales perdues par les Etats au niveau mondial. A cela s’ajoute encore ce que les ménages les plus fortunés parviennent à cacher dans les paradis fiscaux, une perte de 200 milliards de dollars annuels d’impôts, toujours selon l’estimation du FMI. 80 % de ces montants sont le fait des 0,1 % les plus riches de la planète.(1)

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    Ces chiffres ne font pas l’unanimité mais toutes les estimations démontrent que nous parlons d’un phénomène massif et systémique. La cascade de révélations de ces dernières années nous porterait à croire que moins d’argent se dirige aujourd’hui vers les paradis fiscaux, mais c’est tout l’inverse. Pour l’économiste Gabriel Zucman(2) ‘‘les fortunes détenues dans les paradis fiscaux ont augmenté d’environ 40% à l’échelle mondiale entre fin 2008 et début 2016’’. Il précise en outre que le phénomène concerne de moins en moins de monde, l’augmentation est surtout révélatrice de la croissance de la fortune des fraudeurs. Il estime le montant global des avoirs détenus dans les paradis fiscaux à 7.900 milliards d’euros.

    Rien n’a changé, tout a continué ?

    Au sommet de Londres d’avril 2009, les pays du G20 ont décrété la ‘‘fin du secret bancaire’’. D’autre part, les principaux paradis fiscaux ont également accepté le principe de la mise en place d’un échange automatique des données entre les banques offshore et les institutions financières nationales. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Et non. La fraude fiscale continue de prospérer.

    Pour Zucman, ‘‘en même temps que la pression internationale sur les paradis fiscaux s’est accentuée, l’opacité financière s’est renforcée. (…) La majorité des avoirs détenus offshore est désormais camouflée derrière des sociétés-écrans, des trusts ou des fondations, grâce auxquels ils continuent d’échapper à l’impôt. Les paradis fiscaux recentrent leurs activités sur les ultra riches, dont le patrimoine ne cesse de croître – plus vite que l’économie mondiale. La fraude devient ainsi un sport d’élite, auquel les gouvernements s’attaquent en s’en remettant à la bonne foi des institutions financières de Suisse ou des îles Caïmans, dont l’intérêt est pourtant diamétralement opposé au leur. Le tout dans un épais brouillard statistique.’’

    De la fraude vulgaire vers la technologie de pointe

    Depuis les révélations des Panama Papers, certains changements ont été accélérés en termes de fraude fiscale. Mais les opportunités de frauder ‘‘légalement’’ et d’éviter de payer un impôt restent nombreuses. Les multinationales et les ultra riches ont les moyens de s’entourer d’une armée de juristes et de comptables capables de profiter de chaque avantage offert par les gouvernements.

    Car chaque pays dispose de ses techniques pour protéger ses champions économiques. Les Pays-Bas sont par exemple passés maîtres dans l’art de modifier leur loi dès qu’une mesure est jugée illégale par les autorités européennes afin de préserver leur avantage fiscal. Chaque pays est devenu spécialiste d’un domaine particulier : la Belgique est devenue le paradis fiscal des banques internes des grandes entreprises, l’Irlande est devenue le paradis des sociétés telles qu’Amazon… Les effectifs de fonctionnaires dévoués à la lutte contre la fraude fiscale sont parallèlement dégraissés(3).

    Alors que nous subissons depuis des années une austérité sauvage, cette situation suscite une indignation féroce. Cette colère doit être organisée avec un plan d’action et un programme visant à retirer les leviers de l’économie des mains de cette infime minorité de rapaces pour les placer dans les mains de la collectivité.

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    Lanceurs d’alerte : deux poids, deux mesures

    Trois ans après l’éclatement de l’affaire LuxLeaks, les seules personnes à avoir été inquiétées sont les deux lanceurs d’alerte, Antoine Deltour et Raphaël Halet. Leur procès en cassation a débuté peu de temps après les premières publications des Paradise Papers.

    Dans les pages de son édition du 23 novembre, Le Soir s’est demandé ce qui avait changé dans la protection des lanceurs d’alerte. Pas besoin de s’étendre sur le cas belge : ‘‘rien n’a changé depuis 2014’’.

    Au niveau européen, selon Mireille Buydens, avocate et professeure à l’ULB : ‘‘il existe déjà une protection pour certains lanceurs d’alerte. Ceux qui dénoncent des abus de marché, des manipulations des cours de Bourse. Et elle est assez bien faite. Mais on n’a pas voulu d’une protection globale. Seuls les lanceurs d’alerte qui travaillent dans l’intérêt des marchés, donc dans l’intérêt des banques, ont été protégés. Pas les autres. La Commission [européenne] sait donc parfaitement y faire quand il s’agit de protéger les lanceurs d’alerte. Mais uniquement lorsque c’est aussi dans l’intérêt des puissants lobbys.’’

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    Notes

    (1) Arnaud Zacharie, Antonio Gambini, Commission spéciale Panama Papers : vers des recommandations qui manquent d’ambition, article disponible sur le site du CNCDE, cncd.be.
    (2) Gabriel Zucman est l’auteur de l’ouvrage de référence La richesse cachée des nations. Enquête sur les paradis fiscaux publié en 2013 et dont la deuxième édition entièrement revue et augmentée a été publiée en octobre dernier.
    (3) Nous avons abordé ce qu’il en est en Belgique dans un article précédent : Panama Papers: “C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches”, https://fr.socialisme.be/15747/panama-papers-cest-de-lenfer-des-pauvres-quest-fait-le-paradis-des-richesPhoto

  • Des milliers de manifestants contre Francken et la politique d’asile cruelle du gouvernement

    Ce samedi 13 janvier, des milliers de manifestants sont venus à Bruxelles pour y protester contre la politique d’asile cruelle et répressive de Theo “Trump” Francken. Le rejet de la politique de ce gouvernement est généralisé. Il s’attaque constamment aux plus faibles: des chômeurs aux retraités et aux migrants. Pour mieux s’en prendre à nos conditions de vie, Michel et sa bande utilise la vielle tactique du diviser pour régner tandis que les migrants sont condamnés à la précarité et à l’illégalité et sont immédiatement utilisés comme main-d’œuvre bon marché sans aucune protection sociale.

    La raison immédiate derrière la mobilisation de ce samedi était l’arrogance de Theo Francken dans la question des réfugiés soudanais. L’incident est clos pour les politiciens établis, mais pas pour le peuple soudanais. Trois personnes sont déjà mortes cette année à la suite de la répression des manifestations contre l’augmentation du prix du pain. Au lieu de condamner la répression et la violence, ce gouvernement essaie de s’entendre avec la dictature d’al-Beshir. Cela confirme à nouveau que ce gouvernement de droite est prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour s’attaquer à notre niveau de vie.

    Comme on pouvait le lire dans le tract que nous avons diffusé à cette occasion : “Ici, en Belgique, la lutte contre le gouvernement et tous les aspects de la politique antisociale est plus efficace en rejoignant nos alliés naturels: les travailleurs et leurs familles. La manifestation en défense de nos pensions de décembre, qui comprenait une délégation de personnes sans papiers, a illustré notre potentiel. Le défi qui nous fait face est de nous appuyer là-dessus pour développer dans la rue une opposition active contre l’austérité. A cela nous couplons la défense d’une alternative au capitalisme: une société socialiste où seraient prioritaires les besoins de de la majorité de la population et non les profits d’une poignée.”

    Betoging tegen Francken, Manif contre Francken // Mario

  • Dégageons Theo ‘Trump’ Francken et ce gouvernement !

    Action contre Theo ‘Trump’ Francken à Anvers le 26 octobre. Photo de Liesbeth.

    La politique d’asile de Theo Francken s’inscrit parfaitement dans la trajectoire néolibérale de ce gouvernement de droite: les chômeurs sont considérés comme responsables du manque d’emplois, les sans-abri de la crise du logement, les retraités des trous dans la sécurité sociale issus des innombrables cadeaux aux grandes entreprises, etc. Accords avec le dictateur turc Erdogan, camps d’esclaves en Libye ou coopération avec la dictature soudanaise d’al-Bashir: tout est possible pour Francken & Co.

    L’arrogance de Theo Francken ne fait que renforcer la colère contre cette politique antisociale. S’il s’en sort avec ses mensonges et De Wever avec son chantage, c’est parce que tous les partis au pouvoir et une grande partie de l’opposition parlementaire s’accordent sur la politique menée. Et dans ce cas, on n’en est pas à un mensonge près. Michel n’a pas hésité à qualifier de menteurs les dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté fin décembre en défense de leurs. Le gouvernement ment quand il dit que nos conditions de vie s’améliorent : nos salaires réels diminuent et les “nouveaux emplois” tant vantés sont, en grande majorité, des emplois précaires et mal payés.

    La critique générale se limite au style de Francken. Louis Tobback (SP. a) l’illustre bien : “Beaucoup de ce que fait Theo Francken, je le ferais aussi”. Et c’est ce qu’il a déjà fait: en 1998, il a dû démissionner lorsque sa politique d’asile répressive a entraîné la mort de Semira Adamu. Que fait mal Francken selon Tobback ? “Il en fait trop”. Avec une telle opposition, le gouvernement s’en tire à bon compte.

    Rompre avec cette politique d’asile antisociale qui condamne les gens à la guerre, à la torture et à l’exploitation extrême n’est pas évident. Cela exige une rupture avec le capitalisme, où la concentration des richesses chez une infime élite signifie misère et tensions grandissante dans le reste de la population, poursuite du pillage néocolonial et de ses conséquences,… Une politique d’asile sociale doit reposer sur des mesures qui ne poussent plus les gens à fuir chez eux et qui empêchent de jouer les migrants contre d’autres travailleurs. Des emplois décents, des investissements publics massifs dans le logement social, l’éducation et les soins, etc. sont nécessaires. Mais cela ne peut arriver qu’en rompant avec la logique de profit du capitalisme, ce que refusent les politiciens traditionnels.

    Il faut activement résister à la politique antisociale à l’échelle internationale. En Suède, de jeunes demandeurs d’asile se sont organisés dans les écoles et ont initié une grève écolière contre les expulsions. Et même dans le contexte de dictatures, des mouvements de protestation exigent notre solidarité, comme en Iran ou au Soudan.

    Ici, en Belgique, la lutte contre le gouvernement et tous les aspects de la politique antisociale est plus efficace en rejoignant nos alliés naturels: les travailleurs et leurs familles. La manifestation en défense de nos pensions de décembre, qui comprenait une délégation de personnes sans papiers, a illustré notre potentiel. Le défi qui nous fait face est de nous appuyer là-dessus pour développer dans la rue une opposition active contre l’austérité. A cela nous couplons la défense d’une alternative au capitalisme: une société socialiste où seraient prioritaires les besoins de de la majorité de la population et non les profits d’une poignée.

    Samedi 13 janvier, 14h, gare du Nord à Bruxelles – Manifestation « Francken doit quitter le gouvernement » (événement Facebook)

  • Après les mensonges, le chantage. Mais sur le fond, ils sont d’accord.

    Manifestation contre la visite de Francken à l’université d’Anvers fin 2017.

    Theo Francken doit rester en place, faute de quoi la N-VA provoquera une crise gouvernementale. De Wever n’aurait pas pu être plus clair ce week-end : “Si on demande à Theo Francken de se retirer, alors la N-VA se retirera. À ce sujet, je suis très clair. Je soutiens Theo Francken et je ne le laisserai pas tomber”. Si Theo Francken s’est retrouvé dans une telle situation, ce n’est pas en raison de sa politique, mais bien parce qu’il a menti au sujet de celle-ci. L’occasion a été saisie par le CD&V, l’Open-Vld et le MR pour aboyer contre la N-VA, en prenant toutefois bien garde de ne pas mordre. C’est qu’ils ne désirent vraiment pas aborder le fond de la question : la politique d’asile antisociale des autorités.

    Qui a le plus gros bouton rouge?

    Comme à son habitude, De Wever a réagi en aboyant encore plus fortement. Sur le plateau de l’émission “De zevende Dag” (VRT), le député européen Ivo Belet (CD&V) a déclaré que Theo Francken aurait dû démissionner depuis longtemps. Son collègue du CD&V, Eric Van Rompuy, Charles Michel est devenu “la marionnette” de la N-VA. Il a également accusé la N-VA d’être responsable d’un “climat politique écœurant” en recourant notamment à des tweets populistes. Ni Belet ni Van Rompuy n’ont toutefois été jusqu’à remettre en question la participation du CD&V à ce gouvernement… Ils ont laissé à leur président le soin de se prononcer. Mais Wouter Beke a déjà indiqué que le CD&V n’allait pas exiger le renvoi de Francken.

    Nous avons déjà assisté il y a peu à la petite joute des présidents des partis présents au gouvernement fédéral par le biais de tweets particulièrement empoisonnés concernant les émeutes. De Wever avait une fois de plus atteint le sommet en menaçant de faire chuter le gouvernement. Difficile de ne pas penser à Donald Trump qui a répondu au message de Nouvel An de son homologue nord-coréen, qu’il appelle “Rocket-Man”, en déclarant que lui aussi avait un bouton rouge ‘‘plus gros et plus puissant que le sien’’ pour lancer des missiles nucléaires. Ce système capitaliste plongé dans la crise en crise génère des leaders politiques qui se décrivent – sans rire – comme des ‘‘génies stables’’ alors qu’ils discutent sur Twitter de qui a le plus gros bouton rouge !

    Au milieu des mensonges et du chantage, un accord sur l’austérité

    Si Francken est capable de s’en tirer avec ses mensonges et De Wever avec son chantage, c’est avant tout parce que la totalité des partis du fédéral partage la politique à propos de laquelle on ment. Ces dernières années, les conditions de vie de la majorité de la population ont durement été frappées : saut d’index, augmentation de l’âge de départ en pension, suppression progressive des retraites anticipées, flexibilité et précarité renforcée,… Pour mettre en œuvre ce type de mesures, le gouvernement ne s’embarrasse pas de tellement de discussions. Sur tout cela, la concorde règne en maître. Michel n’hésite pas à qualifier de menteur celui qui ose critiquer la logique de ces mesures antisociales sur base de faits et de chiffres. “Fake News !” a-t-il encore osé dire au sujet des syndicats à la suite de la manifestation du 19 décembre dernier. Ce jour-là, des dizaines de milliers de syndicalistes défilaient à Bruxelles en défense de nos pensions.

    Les partis établis ne veulent pas d’une campagne électorale dont le thème central serait la politique d’asile. Ils redoutent que cela profite à la N-VA. Le débat porte avant tout sur la forme et non sur le fond, comme l’a encore tout récemment illustré le ponte du SP.a Louis Tobback en disant : ‘‘Une grande partie de ce que fait Theo Francken, je le ferais aussi.’’ Il a au moins eu le mérite de résumer simplement toute la faiblesse de l’opposition. Et c’est vrai, Tobback a à plus d’un titre tracé le chemin pour Francken. Souvenons-nous qu’il a dû démissionner de son poste de ministre en 1998 trois jours après la mort de Semira Adamu. La seule critique de Tobback vis-à-vis de Francken, c’est qu’il en fait trop.

    Il n’est pas évident d’en finir avec cette politique d’asile et ce racisme d’Etat qui condamnent les victimes de guerres, de tortures et d’exploitation extrême. Pour y parvenir, c’est avec le capitalisme lui-même qu’il faut rompre. Dans ce système, la concentration de richesses aux mains d’une infime élite signifie d’imposer une effroyable misère, d’exacerber les tensions parmi le reste de la population, de piller les pays du monde néocolonial,… Défendre une véritable politique d’asile, cela implique de s’assurer que plus personne n’ait à fuir la misère, la guerre ou la dictature tandis que des mesures soient prises pour garantir que les migrants ne soient pas instrumentalisé contre d’autres travailleurs en termes de conditions de travail, de vie ou de salaire. En entendant cela, les yeux des politiciens établis s’écarquillent : il est hors de question pour eux de toucher aux fondements de la logique de profit du capitalisme !

    Francken s’est fait prendre pour avoir menti. Mais c’est la règle plutôt que l’exception dans ce gouvernement. Tous ses membres sont fiers des fameux nouveaux emplois créés par sa politique. En oubliant opportunément de préciser qu’il ne s’agit quasiment pas d’emplois décents à plein temps… Ça aussi, Charles Michel en parlera-t-il comme «d’informations incomplètes» au lieu de mensonges ? Les autorités fédérales répètent inlassablement que le progrès a embrassé la Belgique, alors que tous les chiffres indiquent que notre pouvoir d’achat et nos salaires réels sont en retard par rapport à ceux des pays voisins. C’est peut-être bien pour ça que l’on entend plus beaucoup parler de ce fameux ‘‘handicap salarial’’ d’ailleurs… On pouvait encore lire hier dans le quotidien flamand Het Nieuwsblad: “Au moins 1 Belge sur 20 ne peut pas chauffer suffisamment son logement. C’est ce qui ressort des chiffres d’Eurostat.”

    Ce gouvernement n’a cessé de nous mentir au sujet de nos pensions, de nos salaires, de nos services publics,… Comme le dit Gwendolyn Rutten: “Celui qui fait violence à la vérité une fois sera mis en doute la fois suivante.’’ Et Wouter Beke : ‘‘Au sujet de tout ce qui est dit, nous ne savons plus distinguer le vrai du faux.’’ Instaurer l’austérité, ça passe quand même mieux en montant les différentes couches de la population frappée les unes contre les autres. Et dans ce cadre, un mensonge de plus ou de moins…

    Le gouvernement ne parvient à s’en tirer qu’en raison de la faiblesse de l’opposition. Au Parlement, l’opposition se limite en grande partie à des remarques sur les mensonges de Francken tout en soulignant l’importance de l’enquête du Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides sur les conséquences des rapatriements. La situation actuelle doit être saisie pour se mobiliser activement contre toutes les mesures antisociales de ce gouvernement de malheur – que le gouvernement ait menti ou non. Le succès de la manifestation du 19 décembre a encore tout récemment illustré le potentiel dont bénéficierait un mouvement social conséquent contre ce gouvernement de droite dure. Tout l’enjeu est de parvenir à construire une opposition active dans la rue pour mettre un terme à cette politique de casse sociale. Ce défi sera d’autant mieux relevé si le mouvement est armé d’un programme de rupture avec le capitalisme, un programme qui défend l’instauration d’une société socialiste démocratique, où les besoins de la majorité de la population sont centraux en lieu et place de la soif de profit de quelques-uns.

    Pendant ce temps, au Soudan

    Le week-end dernier, des actions de protestation ont eu lieu dans tout le Soudan contre l’augmentation des prix du pain. La répression des autorités s’est abattue sur le mouvement : des journaux ont été fermés, un dirigeant de l’opposition a été arrêté et la violence policière s’est déchaînée contre les manifestants. A Geneina, il y a eu un mort. Cette augmentation du prix du pain fait suite à la décision du gouvernement de stopper de subventionner cette denrée de base, dans le cadre d’un plus vaste paquet de mesures néolibérales faisant suite aux recommandations du FMI. Il y a quelques années, le pays avait déjà été secoué par des protestations de masse à l’occasion de l’augmentation des prix du carburant. Selon Amnesty International, en 2013, pas moins de 185 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations. Cela est un temps parvenu à paralysé les protestations, mais les premiers signes d’un nouveau mouvement sont actuellement visibles. En septembre 2017, des actions d’étudiants avaient également eu lieu.

    Samedi 13 janvier, 14h, gare du Nord à Bruxelles – Manifestation « Francken doit quitter le gouvernement » (événement Facebook)

  • Nouvelles Conquêtes – Encore une opportunité manquée pour le PS

    Le Parti socialiste subira sans doute une punition électorale ces prochaines années. Sa base ouvrière traditionnelle est de plus en plus remplacée par des couches plus aisées. Il reste pourtant un facteur politique important de même qu’une force dans le mouvement des travailleurs en raison de son histoire et du lien qu’il entretient avec l’appareil syndical de la FGTB. C’est précisément pour cela que le PSL a consacré un atelier de discussion au nouveau livre de Di Rupo, Nouvelles Conquêtes, à l’occasion de son week-end de débats ‘‘Socialisme 2017’’.

    Par Eric Byl

    En dehors de l’orateur, pas un seul des plus de 40 participants – tous activistes du mouvement des travailleurs ou de la jeunesse – n’avaient lu le livre. Ce dernier a néanmoins bénéficié d’une large couverture médiatique qui l’a caractérisé de virage à gauche. Cela à lui seul en dit long sur la crédibilité du PS. Celui qui avait espéré que le PS adopterait un autre cours dans le sillage du nouveau président du parti travailliste britannique Jeremy Corbyn, qui n’est même pas mentionné dans le livre, en est pour ses frais. Bien qu’il a été écrit au moment des scandales autour de Publifin et du Samusocial, qui ont montré qu’un nombre considérable de bonzes du PS sont tout aussi gourmands que de nombreux CEO, on ne lit pas un mot à ce sujet. De plus, hormis quelques remarques cosmétiques, Di Rupo défend intégralement la politique gouvernementale du PS, y compris la privatisation de la RTT (devenue Proximus) qu’il prétend avoir sauvée. Le fait que le parti soit allé trop loin dans sa recherche de compromis et soit donc tenu pour responsable de la politique de démolition sociale néolibérale n’est pas écrit. Di Rupo persiste au contraire : ‘‘sans compromis, la droite va toujours gagner’’.

    La tradition du ‘‘chantier des idées’’

    Nouvelles Conquêtes avait cependant l’ambition d’être la dernière pièce d’une grande consultation interne de refondation : le ‘‘chantier des idées’’. Ce type d’exercice est une longue tradition dans le mouvement ouvrier. La fusion de l’Association générale des travailleurs allemands avec le Parti ouvrier social-démocrate pour constituer, en 1875, ce qui devint le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) était accompagnée du programme de Gotha.Bien que Marx et Engels aient déjà été très critiques au sujet de son caractère réformiste, ce programme était l’expression d’une phase ascendante de la lutte des classes. Juste avant la Première Guerre mondiale, le SPD comptait plus d’1 million de membres, 15.000 permanents, 90 quotidiens et 4,25 millions d’électeurs qui ont donné 110 sièges au Bundestag. Le programme de Gotha fut un modèle pour le Parti ouvrier belge notamment (POB, 1885). Au cours de cette période, la Belgique est devenue le pays des ‘‘grèves politiques’’ (pour le droit de vote en 1886, 1892 et 1893). Cette radicalisation s’est exprimée dans la déclaration de principe du POB, la Charte de Quaregnon (1894). Même si cette dernière est un mélange d’influences anarchistes, réformistes et marxistes, elle affirme que les sources de toutes richesses – la nature et la force de travail – appartiennent au patrimoine de l’humanité. Ce patrimoine doit, selon la Charte, être dépensé de façon socialement utile au profit du bien-être et de la liberté de tous, ce qui est incompatible avec le capitalisme qui divise la société en deux classes antagonistes.

    La profondeur de cette opposition est illustrée par la résistance incessante de la classe dirigeante face à toute amélioration des conditions de vie du mouvement des travailleurs. Un programme ne devient une force que lorsqu’il est soutenu par un mouvement qui a aussi besoin de victoires pour générer suffisamment de puissance. Il a fallu la Révolution russe d’octobre 1917 puis la révolution allemande de novembre 1918 pour que la bourgeoisie belge soit prête à accorder des concessions substantielles par peur d’être expulsée du pouvoir : le suffrage universel masculin (1919), l’indexation des salaires (1920), la liberté d’association (1921), la journée de huit heures et la semaine de 48 heures (1921) et le retrait des grèves du droit pénal (1921). Aucun mot à ce sujet dans Nouvelles Conquêtes, où il n’est pas question de lutte de classe. Le seul endroit où l’on parle encore des ouvriers est la longue introduction autobiographique dans laquelle Di Rupo exploite ses origines familiales ouvrières. Pour le reste, nous ne trouvons qu’à peine mention de conflits sociaux par le biais de citations d’articles et de thèses d’universitaires renommés. Il semble que Di Rupo n’a pas vu ou parlé à un travailleur pour le chantier des idées du PS. Le fait que des travailleurs ont perdu leur vie, ont été brutalisés et persécutés, il ne le mentionne pas, il revendique toutes les conquêtes sociales comme étant l’oeuvre des ‘‘socialistes’’.

    Ces ‘‘socialistes’’ ont cependant dû être rappelés à l’ordre par les travailleurs à plus d’une reprise. Ce n’est qu’après que les mineurs se sont révoltés en masse en 1932, que le Borinage a été occupé par la gendarmerie et que les avions de chasse ont déchiré l’espace aérien, que le POB a décidé de faire campagne pour le plan De Man (1933), qui comprenait la nationalisation des matières premières ainsi que de l’énergie de même qu’un système de crédit public. Ce plan était loin d’être un programme socialiste, mais il a créé un enthousiasme qui a certainement contribué à la grève générale de 1936. 15 millions de journées de travail ont été perdues pour arracher les congés payés (6 jours), une augmentation salariale (8%) mais aussi l’introduction d’un salaire minimum et de la semaine de 40 heures dans diverses industries. Après la Seconde Guerre mondiale, la FGTB a adopté une déclaration de principes visant l’instauration d’une société sans classes, la socialisation du système bancaire et des groupes industriels, ainsi que le placement du commerce extérieur sous contrôle et gestion publics. Lors de ses congrès extraordinaires de 1954 et 1956, la FGTB plaida en faveurs de réformes structurelles : la nationalisation des mines, du gaz et de l’électricité, le contrôle public de tous les établissements de crédit et une politique d’expansion économique. Au congrès idéologique du PSB (qui succéda au POB) de 1974 encore, la Charte de Quaregnon a été réaffirmée, il y a été préconisé l’instauration d’une société sans classes, une production orientée vers la satisfaction des besoins, une économie démocratiquement planifiée, le plein emploi avec revenus suffisants, la souveraineté du peuple face aux pouvoirs économiques et une fédération socialiste d’Europe.

    Les supplications de Di Rupo

    En comparaison, Nouvelles Conquêtes ne dit rien. Ce n’est pas une plate-forme de revendications, il s’agit d’une supplication qui ne vise pas à imposer un rapport de forces avec le mouvement des travailleurs, mais à persuader les patrons de construire ensemble une Wallonie ‘‘forte et dynamique’’. Le PTB, le plus grand challenger du PS au Sud du pays, ne vaut pas d’être mentionné, tout comme l’appel du secrétaire général de la FGTB wallonne Thierry Bodson en faveur d’une majorité progressiste en Wallonie après les élections régionales. Di Rupo aimerait garder toutes les options ouvertes et ne pas nuire à une éventuelle alliance avec quelques patrons ‘‘progressistes’’ qui détestent l’idée d’une coalition avec le PTB. Mais Di Rupo comprend aussi qu’il doit proposer quelque chose : un bonus social généralisé qui permettrait aux revenus les plus bas d’atteindre le seuil de pauvreté, l’individualisation des droits sociaux, la diminution du temps nécessaire pour bénéficier d’une allocation de chômage d’insertion et le rétablissement de la pension à 65 ans. Sa proposition d’une semaine de quatre jours ne serait pas obligatoire, mais s’effectuerait par le biais de consultations avec les patrons prêts à le faire, tandis que les coûts seraient pris en charge par la sécurité sociale. La seule mesure qui ferait aussi contribuer les riches est la proposition visant à appliquer les barèmes d’imposition progressifs à la totalité des revenus perçus. De plus, Di Rupo veut rendre le remboursement de la dette publique plus dépendant de la croissance économique. Tout le reste, pour Di Rupo, doit venir de l’Europe à travers un protocole sur le progrès social, un salaire minimum européen de 60% du revenu médian, une convergence fiscale et une taxe Tobin (sur les transactions financières). Pourquoi donc la social-démocratie n’a-t-elle pas fait tout ça lorsqu’elle bénéficiait d’une large majorité en Europe ? Il ne s’étend pas sur ce sujet.

    Le livre de Di Rupo est-il complètement hors de propos ? Nous imaginons bien qu’il circule largement dans l’appareil de la FGTB francophone. Une brochure du CEPAG au sujet de la semaine des 4 jours et des 32 heures s’intéresse à la renaissance de la discussion sur la diminution du temps de travail et cite, pour souligner cela, les propositions du PS, du PTB, d’Écolo et de DEFI, mais aussi le patron de la Sonaca, le directeur de l’aéroport de Charleroi, l’organisation des classes moyennes UCM et l’économiste libéral Colmant. Sans le dire aussi explicitement, des illusions y sont promues quant à la méthode de Di Rupo pour aller convaincre les patrons à titre individuel. Di Rupo ne fait guère de revendications directes, aucune ne remet en question le système alors que cela est pourtant nécessaire pour répondre à des préoccupations concrètes et il ne présente aucun modèle de société alternatif. Il exprime simplement sa conviction que le développement historique convaincra progressivement les patrons de la nécessité d’accepter une politique sociale par le compromis. Toute l’Histoire démontre justement que les classes dirigeantes n’ont jamais renoncé volontairement à leurs privilèges, mais en conséquence de la lutte des classes et de la construction de relations de forces… Il trouve cela dépassé. Le mouvement des travailleurs, la gauche et les vrais socialistes doivent exposer les faiblesses de Nouvelles Conquêtes, mais parallèlement se saisir des quelques propositions concrètes pour en faire des points de combat réels et construire une véritable relation de forces afin de pouvoir également les appliquer.

  • “La pauvreté n’est pas un choix individuel, elle résulte d’une politique antisociale”

    Photo: Jean-Marie Versyp

    L’avalanche d’années d’austérité a amené avec elle nombre de problèmes sociaux et la période hivernale met particulièrement en lumière la croissance du sans-abrisme. Pour les médias, c’est une occasion à saisir. En Flandre, la chaîne de télévision ‘Vier’ a même été jusqu’à en faire une émission de téléréalité ! Dans le ‘project Axel’, cinq sans-abris anversois reçoivent chacun 10.000 euros pour sortir de leurs problèmes. Emotions et tragédies garanties ! Dans le monde réel, où en sommes-nous dans la lutte contre la pauvreté ? Nous en avons parlé avec un travailleur du secteur.

    “Le grand problème du ‘project Axel’ est qu’il individualise le sans-abrisme: cinq ‘‘chanceux’’ reçoivent 10.000 euros chacun à la suite de quoi on regarde le nombre de portes qu’ouvrent l’argent et une équipe de tournage. Ce n’est pas une expérience sociale, c’est une forme de ‘‘spectacle’’ où la vie privée de cinq personnes est tout simplement achetée. Il est remarquable que l’échevin anversois Fons Duchateau (N-VA) applaudisse ce programme alors que sa politique communale vise à réprimer et dissimuler le sans-abrisme. La ‘reforme’ du travail social à l’oeuvre à Anvers lui confère de plus en plus un caractère inquiétant de contrôle tandis que les sans-abris subissent des sanctions directes, comme les Sanctions Administratives Communales.

    “Une idée intéressante de cette émission est évidement qu’elle montre qu’il est possible de sortir les personnes sans-abri de leurs problèmes avec des moyens financiers et un accompagnement intensif. C’est aussi le principe de ‘Housing First’, un programme qui vise à offrir un logement avec un accompagnement inconditionnel. A Anvers, cela a été appliqué à une petite échelle, mais les autorités ont mis fin au programme l’année dernière.

    “L’émission ‘project Axel’ n’offre pas une vue réaliste du sans-abrisme, les causes de la pauvreté et du sans-abrisme sont masquées. Le manque de logements sociaux, la pénurie de logements abordables sur le marché privé et les lourdes factures de l’énergie, par exemple, augmentent les difficultés. La politique antisociale de ce gouvernement y contribue activement également. En 2016, il y avait en Flandre 80 à 250 expulsions de logements par semaine ! Ce problème a fortement augmenté depuis l’éclatement de la crise.

    “Il nous faut plus de logements sociaux de toute urgence, mais les autorités n’en veulent pas. A Anvers, il a été explicitement décidé de ne plus investir dans les logements sociaux. Pourtant, 33.000 personnes y figurent sur la liste d’attente pour à peine 20.000 unités de logements sociaux au total ! Même le doublement du parc de logements sociaux serait insuffisant pour répondre aux besoins réels. De plus, avec l’augmentation du montant de la garantie locative en Flandre de deux à trois mois, la N-VA et le reste du gouvernement flamand ont rendu plus difficile d’être en mesure de louer un logement. Parallèlement, il devient constamment plus difficile de recevoir une garantie locative de la part du CPAS.

    “La meilleure riposte contre la pauvreté, c’est un bon salaire. Mais au lieu de combattre le chômage, les autorités chassent les chômeurs. La limitation dans le temps des allocations d’insertion, mise en place par le gouvernement Di Rupo, contribue à la forte augmentation du nombre de bénéficiaires du CPAS. Au cours de la première moitié de l’année 2017, on comptait 8,4% de bénéficiaires du CPAS en plus en Flandre en comparaison de l’année 2016. Pour la N-VA, en dépit de la réalité des chiffres, c’est à cause de ‘‘l’énorme afflux de réfugiés’’ ! La N-VA fait tout pour diviser les plus précarisés.

    “La politique dominante conduira à des problèmes sociaux encore plus dramatiques. Un quart des bénéficiaires du CPAS a moins de 25 ans aujourd’hui. A Anvers, un enfant sur quatre grandit dans une famille sous le seuil de pauvreté. La lutte contre la pauvreté des autorités est un échec : au lieu de s’attaquer à la pauvreté, on combat les pauvres. La pauvreté n’est pas un choix individuel, cela exige donc des mesures collectives et structurelles : des emplois, des logements, des moyens pour l’accompagnement, des services publics,… C’est complètement à l’opposé de la politique menée aujourd’hui.’’

  • Travailler plus longtemps pour moins de pension, a fortiori quand on est une femme

    En 2014, l’accord de gouvernement stipulait que : « La meilleure prise en compte du genre dans lemploi sera une des pierres angulaires du gouvernement. Ce dernier accordera une attention particulie?re en matie?re d’e?cart salarial, de conciliation vie prive?e/vie professionnelle, de lutte contre le plafond de verre et plus globalement sur la se?gre?gation tant verticale quhorizontale du marche? de lemploi. ». Pourtant, depuis son entrée au pouvoir, les attaques déferlent sur les travailleurs et touchent particulièrement les femmes. La réforme des pensions ne fait, à nouveau, pas exception.

    Article tir du site de la campagne ROSA

    Contrairement à l’idée diffusée par les politiciens, le niveau des pensions en Belgique est parmi le plus bas d’Europe (selon l’OCDE). Dans notre pays, une étude d’Enéo (mouvement social des aînés) montre que 4 pensionnés sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Et deux-tiers d’entre eux sont des femmes. La pension des femmes est également en moyenne 26 % inférieure à celle des hommes [1].

    Cet écart existe pour les mêmes raisons qu’existe l’écart salarial : les femmes sont souvent cantonnées dans des secteurs et des emplois moins rémunérateurs que les hommes, elles sont majoritaires dans les emplois à temps partiel et ce sont, le plus souvent, elles qui interrompent leur carrière pour s’occuper de la famille. Et cela ne va pas s’arranger avec l’augmentation des emplois précaires et le démantèlement des services publics.

    Toutes ces entraves à l’obtention d’une carrière complète et à une pension décente sont encore renforcées par la réforme des pensions en cours. En effet, après avoir relevé l’âge légal de la pension à 67 ans, le gouvernement s’attaque aujourd’hui aux méthodes de calcul des montants de pensions et de durée de carrière. Il ne s’agit pas – comme ils le disent – d’augmenter la pension de ceux qui voudraient travailler plus longtemps mais bien de faire des économies en s’attaquant à ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts. Et ce n’est pas fini. Le ministre des pensions, Daniel Bacquelaine, a encore plusieurs réformes à mettre sur la table avant la fin de la législature : discussion sur les métiers pénibles, pension à temps partielle, les pensions à point, …

    Qu’est-ce que ces réformes signifient pour les femmes ?

    La réforme des pensions comprend de nombreuses mesures, qui semblent souvent très techniques. Nous abordons ici celles qui nous semblent aujourd’hui les plus dangereuses, notamment pour les femmes.

    La limitation des périodes assimilées

    Les périodes assimilées sont des périodes d’inactivité (maladie, chômage involontaire, crédit-temps, …) qui sont tout de même comptabilisées pour la constitution de la pension. Au départ, ces périodes permettaient de constituer un droit de pension sur base du dernier salaire perçu. Mais les réformes des différents gouvernements – y compris le gouvernement Di Rupo – ont limité de plus en plus cet acquis. Pour certaines de ces périodes, ce n’est plus le dernier salaire qui est pris en compte mais un salaire minimum (« droit minimum »), ce qui diminue le montant de la pension. Et le gouvernement actuel est allé encore plus loin. Sous prétexte de « valoriser davantage les années de travail », le gouvernement a décidé de ne plus du tout comptabiliser certaines de ces périodes et d’étendre à d’autres périodes l’utilisation du droit minimum.

    Ainsi, le travail à temps partiel est pris aujourd’hui en compte seulement au minimum dans le calcul de la retraite. L’indemnité complémentaire perçue par les travailleurs à temps partiels non volontaires – déjà diminuée par le gouvernement – ne donne plus un droit complet mais seulement à un droit minimum à la pension. Or, chacun sait que les femmes occupent majoritairement les emplois à temps partiel : 66% des 1,9 million de contrats à temps partiel sont occupés par des femmes pour 34% des 2,3 millions de contrats à temps plein[2]. De même, après 1 an de chômage, les droits à la pension ne se calculent là non plus sur base du dernier salaire mais à nouveau sur base d’un droit minimum. Or, 2 ans avant leur pension, la moitié des assimilations pour les femmes correspondent à des périodes de chômage (chiffres FGTB). Tout cela signifie en clair une diminution des montants des pensions.

    C’est une attaque qui touche fortement les pensions – déjà maigres – des femmes. En effet, pour les raisons évoquées ci-dessus, la carrière des femmes est moins constante et linéaire que celle des hommes et compte, en moyenne, plus de périodes assimilées. Leur carrière est en moyenne de 36,6 ans, dont 37 % en sont assimilés. Alors que pour les hommes, la moyenne est de 42,2 ans, dont 30 % en sont assimilés (chiffres FGTB). Obtenir une pension décente devient donc encore plus difficile. La réforme des pensions propose un système à partir duquel les pensions sont calculées sur un modèle de « carrière masculine », c’est-à-dire un travail à temps plein et sans interruption. Et cela nuit particulièrement aux femmes qui sont massivement présentes dans les emplois à temps partiels et bénéficiaires des allocations de chômage.

    La difficulté d’alléger sa fin de carrière

    Après s’être attaqué à l’âge légal de la pension et à la retraite anticipée, le gouvernement Michel s’en prend aux aménagements de fin de carrière. En 2015, ils ont décidé de monter l’âge de la retraite de 65 ans à 67 ans et de durcir l’accès à la pension anticipée. En effet, à partir de 2019, nous ne pourrons en bénéficier (à partir de 63 ans) qu’à la condition d’avoir une carrière de 42 ans, ce que la plupart des femmes n’atteignent pas. Les conditions d’accès aux emplois de fin de carrière sont également plus difficiles. Il était avant possible pour une personne de 55 ans de travailler mi-temps ou 4/5ème-temps sans que cela n’ait de trop grands impacts sur la pension. Mais le gouvernement ne permet aujourd’hui cela qu’à partir de 60 ans (sinon notre pension diminue). L’étape suivante est l’introduction de la pension à temps partiel dont l’objectif clair et avoué est de « maintenir les gens le plus longtemps possible au travail ». Les femmes qui, pour la majorité, peinent déjà à atteindre une carrière suffisamment longue pour avoir une pension décente et ne pas vivre sous le seuil de pauvreté, auront encore plus de difficultés à alléger leur fin de carrière.

    L’attaque sur les pensions dans les services publics

    Elle aussi est en ligne de mire sous prétexte d’harmonisation des différents systèmes. Une fois de plus, il s’agira d’une harmonisation vers le bas, dans un secteur où les salaires inférieurs au secteur privé étaient compensés par de bonnes pensions. Les femmes sont ici encore particulièrement impactées puisqu’elles sont largement majoritaires à travailler dans les secteurs publics.

    La perte du pouvoir d’achat chez les retraités

    Le relèvement du montant de la pension minimale qui aurait pu passer pour une bonne nouvelle n’a bénéficié qu’aux travailleurs ayant une carrière complète. Alors que les femmes sont les plus nombreuses à toucher une pension minimum, elles n’atteignent que rarement les 45 ans de carrière demandés pour bénéficier de cette mesure. Elles ne sont que 40% à pouvoir bénéficier de cette augmentation contre 60% des hommes.

    Et pourtant la situation aujourd’hui est déjà catastrophique. Le coût de la vie augmente, y compris pour les pensionnés. Et les revenus ne suivent pas. Selon Eneo, 58% des femmes ont une pension inférieure à 1000€ (et 32% des hommes). Et si la pension moyenne est de 1200€, l’inscription en maison de repos atteint facilement 1400€ à 1500€.

    A cela s’ajoute, un relèvement de l’âge minimum pour pouvoir bénéficier de la pension de survie (octroyée au conjoint survivant) à 50 ans en 2025 et 55 ans en 2030. Les femmes représentent 98,49 % des bénéficiaires de cette pension.

    L’introduction de la pension à points

    La prochaine grande réforme prévue par le gouvernement est une modification du système de calcul des pensions : le fameux système de pension à points. L’objectif est de « contenir l’augmentation du coût des pensions en fixant annuellement pour les travailleurs admis à la retraite cette année-là la valeur du point. »[3] Ce système plongera les futures pensionnées dans l’insécurité complète sachant que la valeur des points pourra fluctuer en fonction de la conjoncture économique et démographique et qu’il sera impossible de se projeter ne serait-ce qu’à moyen terme, la valeur des points étant communiquée pour ainsi dire à la veille de la pension. Et Eneo ajoute :« Outre l’incertitude qui en résulte pour le travailleur, il y a là une tentation pour les gouvernements de peser sur la valeur du point et ainsi d’ajuster, à la baisse les pensions. »[4]

    Combattre l’austérité pour combattre le sexisme !

    L’objectif de la réforme est clair : le démantèlement du système solidaire formé par le « 1er pilier de pension ». Le gouvernement considère la pension légale (1er pilier) comme une protection minimale et non comme un droit à une pension décente acquis sur base de salaire différé. En parallèle, il stimule les « 2ème et 3ème pilier des pensions », qui transfèrent au niveau individuel la responsabilité de se constituer une pension suffisante. En pratique, le gouvernement organise avec sa réforme une précarité généralisée des futurs pensionnés et casse des le système de solidarité.

    Alors que tous les politiciens se présentent comme de « grands féministes », ils n’ont aucun scrupule à pousser de plus en plus de femmes dans la précarité et l’insécurité. Celles-ci sont déjà surreprésentées dans les petites pensions. Aujourd’hui déjà 75% des personnes âgées ne peuvent pas payer seules les frais d’une maison de repos. De nombreuses familles doivent prendre en charge la totalité des soins pour les enfants, les personnes âgées, handicapées, … sans aide ni service adéquat. Un travail qui, la plupart du temps, retombe au sein des familles sur les épaules des femmes. Ces situations poussent de nombreuses femmes à chercher des emplois à temps partiels afin de combiner leurs différentes responsabilités. Mais cela limite leur revenu, leurs droits sociaux ainsi que leur accès à une pension complète …

    Mais pour combattre le sexisme et l’oppression des femmes, il ne suffit pas de grandes déclarations ou d’avoir suffisamment de femmes sur ses listes électorales. Il est essentiel de lutter pour de meilleures conditions de vie afin d’assurer la base matérielle essentielle à l’émancipation des femmes. Et  l’argent existe. Si les politiciens arrêtent leurs cadeaux aux multinationales et cherche l’argent là où il est, il y aurait assez d’argent pour refinancer les services publics et des pensions décentes pour toutes et tous. Le choix du gouvernement est clair : s’attaquer aux conditions de vie et de travail des 99% de la population et protéger les richesses des plus riches.

    Nous revendiquons une pension juste pour toutes et tous

    • Les pensions minimum doivent être relevées à au moins € 1.500 bruts par mois
    • Il faut porter les pensions du secteur privé à 75% du salaire moyen
    • Ne pas toucher aux pensions du secteur public ni aux périodes assimilées
    • La pension doit revenir à 65 ans
    • Les droits doivent être individualisés de manière à permettre une indépendance financière des femmes
    • Des services publics de qualité accessibles à toutes et à tous sont indispensables

    La lutte ne fait que commencer

    Ce 19 décembre 2017, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour dénoncer cette réforme des pensions. Ce n’est qu’un début, il est essentiel de construire un plan d’action afin d’arrêter effectivement les plans du gouvernement. Et les femmes doivent également jouer un rôle important à jouer dans ces mobilisations. Il est nécessaire qu’elles participent activement à ces luttes et dénoncent l’hypocrisie du gouvernement afin de construire un mouvement combatif qui pourra imposer ses revendications.

     La campagne ROSA soutient également des campagnes de syndicalisation de femmes. C’est essentiel pour construire un mouvement fort et uni, certainement dans les secteurs où elles sont majoritaires. Que ce soit dans les grandes institutions/entreprises ou dans les « petites structures » (moins de 50 travailleurs), nous ne pouvons stopper ces attaques et obtenir de nouvelles victoires qu’en luttant ensemble et en poussant les directions syndicales à organiser la riposte. Syndiques toi et défends tes droits !

    Sources :

    • « Femmes et hommes sont-ils égaux ? En 2017, l’écart salarial est encore de 20 % ! », FGTB, vu le 18/12/2017 sur http://www.fgtb.be/-/femmes-et-hommes-sont-ils-egaux-en-2017-l-ecart-salarial-est-encore-de-20-
    • « Nos pensions : trois piliers, trois régimes», Eneo, vu le 18/12/2017 sur http://www.eneo.be/analyses-2017/etudes-analyses/analyses/analyses-2017/nos-pensions-trois-piliers-trois-regimes.html
    • Pension: comprendre la réforme des périodes assimilées », L’écho, 7/12/2016
    • « Les périodes assimilées, victime des mesures visant à « valoriser » le travail pour le calcul de pension », Eneo, avril 2017
    • « La réforme des pensions: voici comment le gouvernement nous “retraite” », RTBF, 4/11/2016, vu sur https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-reforme-des-pensions-voici-comment-le-gouvernement-nous-retraite?id=9447590
    • « Pensions : lourdes attaques sur les périodes assimilées », CEPAG, décembre 2016
    • « Pour le Conseil de l’égalité des chances, «la réforme des pensions discrimine les femmes» », Le soir, 24/11/2017
    • « Travailler plus longtemps pour une pension plus basse », FGTB Wallone, 2/10/2017
    • « Les réformes du ministre Bacquelaine : un retour en arrière », mars 2016, vu le 18/12/2017 sur https://bruxelles-hal-vilvoorde.csc-en-ligne.be/Images/160307-dossier-presse-pensions-tcm199-384293.pdf
    • « La pension minimale sera augmentée pour seulement 40 % des femmes », La Libre, 3/10/2016
    • « Nos pensions sont en danger, tant dans le secteur privé que dans les services publics ! », FGTB-ABVV, 30 juin 2017
    • « La FGTB réunit 600 déléguées et dénonce la politique du gouvernement «contre les femmes» », Sudinfo.be, 17/12/2017

    [1] « Femmes et hommes sont-ils égaux ? En 2017, l’écart salarial est encore de 20 % ! », FGTB, vu le 18/12/2017 sur http://www.fgtb.be/-/femmes-et-hommes-sont-ils-egaux-en-2017-l-ecart-salarial-est-encore-de-20-

    [2] « La FGTB réunit 600 déléguées et dénonce la politique du gouvernement «contre les femmes» », Sudinfo.be, 17/12/2017

    [3] « Nos pensions : trois piliers, trois régimes », Eneo, vu le 18/12/2017 sur http://www.eneo.be/analyses-2017/etudes-analyses/analyses/analyses-2017/nos-pensions-trois-piliers-trois-regimes.html

    [4] « Nos pensions : trois piliers, trois régimes », Eneo, vu le 18/12/2017 sur http://www.eneo.be/analyses-2017/etudes-analyses/analyses/analyses-2017/nos-pensions-trois-piliers-trois-regimes.html

  • Pension. Des dizaines de milliers de manifestants, des centaines de milliers de personnes en colère

    Au départ, il n’était question que d’une manifestation locale des sections bruxelloises des syndicats. Mais la colère face aux attaques contre nos pensions du gouvernement Michel a transformé l’initiative en manifestation nationale. Des dizaines de milliers de personnes ont pris part à la manifestation: peut-être 40.000 personnes. Mais le mécontentement va bien au-delà de cela. Le nombre de visites sur le site mypension.be en est une expression. Après le saut d’index, l’augmentation de l’âge de la retraite et de nombreuses autres mesures antisociales, la pire est encore à craindre de ce gouvernement.

    Le Premier ministre Michel et le ministre des pensions Bacquelaine (MR) se sont montrés condescendants vis-à-vis des manifestants en parlant de «désinformation», de «mensonges» et de «fake news» à cause des syndicats. Y a-t-il encore quelqu’un qui pense que quelque chose peut être obtenu pour les travailleurs ordinaires et leurs familles en négociant avec ce gouvernement ? Les syndicats ont expliqué ce que le gouvernement veut faire de nos pensions. Selon le gouvernement, les droits à la pension ne sont pas affectés, mais il veut économiser 305 millions au cours des deux prochaines années. Où cet argent sera-t-il obtenu si nos pensions ne sont pas touchées? Il est également confirmé que le calcul du montant de la pension sur mypension.be ne sera plus correct après l’introduction de la pension à points. Ce gouvernement veut que nous travaillions plus longtemps pour une pension plus petite après avoir déjà infligé une augmentation généralisée.

    Dans sa réaction, Michel a de nouveau fait allusion à la prétendue création de 170.000 emplois depuis le début de cette législature, mais il ne dit rien de la part d’emplois décents à plein temps dans ce domaine. Nous avons des emplois flexibles à temps partiel au lieu d’emplois permanents avec de bons salaires. Les nombreux incitatifs fiscaux pour obtenir ces 170 000 emplois auraient mieux été utilisés dans la fonction publique. Avec les mêmes moyens, beaucoup plus d’emplois auraient été été créés.

    Selon le gouvernement, les dirigeants syndicaux seraient des «menteurs». Les manifestants et tous les inquiets ne sont pas épargnés. Selon le premier ministre, nous n’avons pas bien compris. Il a déclaré qu’il allait faire plus d’efforts pour expliquer au public ce qui a été décidé. “De cette façon, les gens ne devraient plus s’inquiéter”, a-t-il ajouté.

    Beaucoup de gens sont inquiets. Ces dernières semaines, il a souvent été fait mention du coût d’un séjour en maison de repos : plus de 1600 euros par mois en moyenne, soit bien plus que la pension moyenne. Les retraites sont déjà bien faibles par rapport à celles des pays voisins. Pourtant, tout indique que le gouvernement veut l’abaisser davantage. L’arrogance et la condescendance de ce gouvernement ne disparaîtront que si son existence est menacée par la lutte sociale. Comme le disait notre tract: “Le gouvernement ne retirera la pension à points que s’il est menacé de chuter – Pour une opposition massive via un réel plan d’action”

    Photos de Walter et Liesbeth:
    Pensioenbetoging // Liesbeth en Walter

    Photos de Mario:
    Pensioenbetoging // Mario

  • Le gouvernement ne retirera la pension à points que s’il est menacé de chuter

    Manifestation du 21 novembre à Liège. Photo: socialisme.be

    Pour une opposition massive via un réel plan d’action

    Demain, nous serons une fois de plus des dizaines de milliers dans la rue. Nous représenterons les centaines de milliers de personnes qui ne se voient pas travailler jusque 67 ans et qui rejettent les attaques contre nos pensions. Cette offensive nous touche tous, les femmes en premier lieu. Cette manifestation n’est pas un but en soi, elle doit être le début d’une mobilisation plus générale, tous ensemble !

    Tract du PSL pour la manifestation du 19 décembre // Tract en version PDF

    La pension à points individualise nos droits : le niveau de notre pension ne sera déterminé qu’au dernier moment en fonction des possibilités budgétaires. Nous savons à quoi mène une politique qui plume la communauté pour faire des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux amateurs de paradis fiscaux : la misère ! Nous ne devons pas attendre de compassion envers les aînés de la part de ce gouvernement et de sa politique. Il suffit de voir le manque d’investissements dans les soins aux personnes âgées qui permet aux entreprises privées de réaliser de grands profits sur le dos du personnel et des usagers.

    Leurs arguments ne tiennent pas la route !

    Nous vivons plus vieux et devons donc travailler plus longtemps ? L’espérance de vie croît mais en moyenne, nous ne restons en bonne santé que jusqu’à 64 ans, avant d’atteindre l’âge de la pension fixé à 67 ans. Nous vivons plus vieux mais sommes aussi plus productifs. Entre 1995 et 2009, notre productivité a augmenté de 15%. Au cours des années précédentes, la productivité augmentait encore plus rapidement.

    Les pensions dans le secteur public sont trop élevées ? La pension moyenne légale en Belgique se monte à 1.100 euros par mois à peine. C’est largement en-dessous du coût du séjour dans une maison de retraite. Cela provoque la pauvreté parmi les personnes âgées. La pension des fonctionnaires est plus élevée : entre 1.500 et 1.700 euros par mois, soit dans la moyenne européenne. Ce n’est pas la pension des fonctionnaires qui est trop élevée, ce sont les pensions du secteur privé qui sont beaucoup trop basses pour mener une vie décente !

    Les pensions sont impayables ? Cela ne provient pas d’un changement fondamental dans la proportion actifs/inactifs. Cela vient du fait que la sécurité sociale est pillée au travers de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. Avec l’accord d’été, le gouvernement veut encore épargner 265 millions d’euros sur les pensions ! Il faut prendre l’argent là où il se trouve : les Paradise Papers ont montré que, mondialement, 7.900 milliards d’euros dorment dans les paradis fiscaux !

    L’enjeu de notre lutte : stopper la politique d’austérité !

    Ce gouvernement poursuit ses attaques antisociales, nous ne pouvons postposer la lutte jusqu’aux prochaines élections. Une grève générale en février est nécessaire mais doit être bien préparée et ne doit pas être une occasion sans lendemain d’exprimer notre opposition servant uniquement à évacuer la pression.

    Comment préparer une grève générale ? Un programme combattif répondant aux nombreux besoins sociaux peut aider à convaincre les collègues. Le manque d’effectifs frappe presque chaque secteur tandis que les infrastructures sont sous-financées (le problème reste entier même sans jour de neige !), que la charge de travail est intenable, que le droit de grève est attaqué,… Nous avons des solutions : un plan massif d’investissements publics dans l’enseignement, les soins et l’infrastructure ; une réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire ; un salaire minimum de 15 euros de l’heure et une pension minimum de 1.500 euros ; des emplois décents et sûrs plutôt qu’une hyper-flexibilisation et un retour au salaire à la pièce, etc. ; et prendre l’argent où il se trouve pour financer tout ça. Une vaste campagne d’information par l’action populariserait ces revendications. Cela exige la plus large implication possible sur le terrain, via des assemblées du personnel où parler de la politique gouvernementale et de notre riposte, mais aussi de la préparation des actions, en les soumettant au vote.

    Le plan d’action de fin 2014 a fait vaciller le gouvernement. L’arrêt de ces actions a donné naissance à de la frustration et de la méfiance parmi la base. Il faut de la clarté sur l’enjeu d’une grève générale en février : le lancement d’actions soutenues en vue de mettre fin au gouvernement de droite et à la politique d’austérité.

    Les ‘‘partenaires politiques traditionnels’’ ont baissé les bras. Le ‘‘visage social’’ du CD&V est invisible, ‘‘l’opposition” du PS et du SP.a peu crédible. Heureusement, il y a la percée du PTB dans les sondages. L’appel à des coalitions progressistes ne peut être un plaidoyer pour une ‘‘austérité light’’ mais doit être lié au retrait complet de toutes les mesures antisociales de Michel. On ne répondra pas aux besoins sociaux sans un changement radical de société, sans une société socialiste démocratique. Une vaste campagne dans cet objectif avec la gauche radicale, les syndicats et les mouvements sociaux peut aider à sortir de l’impasse.

  • Loi anti-squat : Criminaliser les pauvres au lieu de les aider

    A Gand, des organisations de lutte contre la pauvreté ont manifesté en faveur de loyers décents (photo : Jean-Marie Versyp)

    Début octobre, une nouvelle loi a été votée par la majorité gouvernementale pour durcir les procédures d’expulsion et les sanctions envers les squats. Et ce à l’approche de l’hiver, en pleine crise du logement.

    Par Baptiste (Hainaut)

    Cette loi prévoit non seulement une facilitation et un raccourcissement des délais d’expulsion, mais aussi et surtout des amendes et peines de prison pour les squatteurs. Concrètement, toute personne se trouvant dans un bien immobilier quelconque, dont il n’est pas propriétaire ou formellement locataire, peut être expulsé en 8 jours, sans médiation d’un juge de paix, subir une amende jusqu’à 300€ et risquer jusqu’à 2 ans de prison s’il y a un refus de quitter les lieux.

    µTout cela dans un contexte où d’un côté le sans-abrisme s’aggrave, les listes d’attente pour un logement social explosent (240 000 personnes en Belgique, dont 44 000 rien qu’à Bruxelles) ; et où de l’autre côté tant de bâtiments sont laissés vides. Ainsi à Bruxelles, on dénombre de 15 000 à 30 000 logements inoccupés et 1,5 millions m² de bureaux vides.

    L’ensemble des associations défendant le droit au logement ont dénoncé l’absurdité de cette loi. Même l’Union Royale de Juges de Paix, précisant qu’il existait déjà des possibilités d’expulsion en quelques jours et une sanction en cas d’effraction et de vandalisme. La nouveauté de la loi est ailleurs : même s’il n’y a pas effraction ni dommage quelconque, l’expulsion peut être réalisée sans même passer par une médiation au juge de paix et s’accompagner de sanctions pénales.

    Le squat est vu par beaucoup de personnes précarisées comme le dernier recours avant de dormir dans la rue et sombrer dans l’exclusion sociale. De plus l’essentiel de ces squats concernent des bâtiments abandonnés de longue date. Mais à présent, n’importe quel squat sera assimilé à du vandalisme, sans la moindre considération. Pire : cette loi ne criminalise pas que les squatteurs, mais plonge également dans l’insécurité les locataires les plus précaires qui n’ont pas conclu de bail écrit, et permet également des sanctions contre des travailleurs qui occuperaient leur lieu de travail !

    Un gouvernement qui criminalise les plus pauvres pour enrichir les plus riches.

    Le gouvernement justifie cette loi en prétendant qu’un flou juridique existait concernant les squats, ce qui pénalisait soi-disant les propriétaires. Toute une série de faits divers ont été instrumentalisés à cette fin, visant à assimiler sans nuance le squat au vandalisme et au vol. La réalité est autre : la crise du logement pousse les plus précaires dans la pauvreté et le recours au squat pour éviter la rue. Cette nouvelle loi ne fera qu’accentuer les problèmes.

    La volonté du gouvernement est clair : s’attaquer aux conditions de vie des travailleurs et des plus pauvres pour assurer l’enrichissement des plus riches. La politique du logement n’échappe pas à cette logique. Les autres niveaux de pouvoir ne sont d’ailleurs pas en reste : que ce soit le gouvernement wallon qui songe à supprimer l’obligation de 10% de logements sociaux par commune, ou la ville de Namur qui criminalise la mendicité, sans compter tous ces projets immobiliers d’embellissement privés comme publics qui ont pour effet d’évacuer les plus pauvres à la place de résoudre la crise du logement et ce pour satisfaire une soif de profit.

    Une rupture avec ces politiques néolibérales est indispensable. Une politique d’investissements publics massifs est indispensable pour rénover et construire des logements sociaux afin de répondre aux listes d’attente. Les moyens existent pour permettre à chacun de vivre dans la dignité, il faut aller les chercher là où ils se trouvent ! Cela implique de rompre avec le capitalisme et organiser la production en fonction des besoins et non des profits, c’est ce que nous appelons une société socialiste.

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