Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Halte au massacre à Gaza! Stoppons cette guerre permanente!

    L’attaque surprise du Hamas le 7 octobre et les sanglantes représailles du régime israélien ont remis la situation en Israël-Palestine au premier plan de l’actualité au point d’éclipser même la guerre en Ukraine. Du côté israélien, au moins 1.400 personnes ont été tuées et 3.500 blessées. Parmi les victimes, 70 Bédouins arabes et plusieurs jeunes festivaliers. Du côté palestinien, le bilan s’élève à plus de 4.000 morts après 10 jours, dont 1000 enfants. Le 17 octobre, une frappe meurtrière à l’hôpital de Gaza a fait plus de 500 victimes à elle seule. Le dossier ci-dessous repose sur une introduction d’Éric Byl au Comité national du PSL/LSP.

    Une pluie de bombes sur Gaza

    Le 19 octobre, le bilan s’élevait à au moins 4.000 morts à Gaza et 61 en Cisjordanie, auxquels s’ajoutaient 12.500 blessés à Gaza. En sept jours seulement, 6.000 bombes ont été larguées sur Gaza selon l’armée israélienne. Un expert militaire américain a déclaré au Washington Post que ce chiffre est comparable à ce que les États-Unis ont largué sur l’Afghanistan, un pays environ 2.000 fois plus étendu, en une année entière, bien que les bombardements n’aient pas été d’une intensité égale partout dans ce pays. Dans la lutte contre Daesh, l’État islamique, environ 5.000 bombes ont été larguées par mois sur l’Irak et la Syrie. À cela s’ajoute la coupure par Israël du réseau électrique et de l’approvisionnement en eau, en carburant et en autres biens.

    En cas d’invasion terrestre, le nombre de morts et de blessés du côté palestinien augmentera de manière exponentielle. Le régime israélien a ordonné à 1,1 million d’habitants de la ville de Gaza de fuir en 24 heures vers le sud de Gaza, qui est également bombardé. Le Hamas a appelé la population à ne pas bouger. Même les alliés impérialistes du régime israélien, tels que l’UE, ont qualifié cet ordre d’irréaliste.

    Cet ordre rappelle inévitablement la Nakba de 1948, lorsque les Palestiniens ont également été exhortés à fuir la guerre, sans jamais pouvoir revenir par la suite. Un député du Likoud, le parti de droite au pouvoir, a appelé à une deuxième Nakba pour « éclipser la précédente ». Une invasion terrestre présenterait également des similitudes avec l’attaque de Beyrouth au Liban en 1982, avec les massacres dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila et dans le quartier voisin de Sabra. Ces massacres avaient fait au moins 50.000 morts.

    La politique de choc en Israël et les complications qui en découlent

    L’attaque du Hamas a causé le plus grand nombre de victimes en Israël depuis la création de l’État d’Israël. L’illusion d’un mur de fer derrière lequel construire un Israël sûr et prospère a volé en éclats. Soudain, le prix de l’occupation s’est révélé élevé également du côté israélien. Le régime profite de cet effroi pour appliquer sa propre version de la doctrine du choc afin de commettre une démonstration de force et de restaurer sa position. Le ministre de la Défense, Yoav Galant, a déclaré : « Nous combattons des bêtes humaines » et « nous agirons en conséquence ». Netanyahou a quant à lui déclaré : « Nous allons réduire Gaza en ruines ».

    L’attaque du Hamas s’est inscrite dans un contexte de crise de légitimité pour le gouvernement israélien après dix mois de résistance historiques contre la réforme judiciaire, une tentative de rendre la justice encore plus dépendante du gouvernement. L’escalade de violence actuelle a coupé court au mouvement de masse et a renforcé les éléments réactionnaires en Israël. Elle n’a pas approfondi les divisions internes entre les classes, mais les a rétrécies.

    Le renforcement d’éléments réactionnaires en Israël se reflète dans la formation du gouvernement d’unité nationale avec l’opposant Benny Gantz. Ce gouvernement d’unité nationale entend répondre aux craintes de la classe dirigeante et de l’impérialisme américain d’une politique aventuriste dans laquelle le régime israélien se surpasserait. C’est également la raison pour laquelle le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, malgré son soutien explicite à Israël, a néanmoins averti qu’il faut « respecter les règles ». Des manifestations de solidarité de masse ont déjà eu lieu en Jordanie, entre autres. Une guerre terrestre entraînerait des mobilisations massives dans tous les pays arabes, en Turquie et aussi en Europe et ailleurs.

    À l’heure où nous mettons sous presse, les troupes terrestres étaient prêtes pour une invasion. L’attitude du régime israélien était encore inconnue. Une prise de contrôle direct de Gaza est justement ce qu’Israël a abandonné en 2005, car cela était devenu intenable. Une manœuvre similaire à la guerre de Gaza en 2014, plus limitée en termes d’objectif et de portée, est également possible. Le gouvernement évite de fixer des objectifs concrets, mais cela pourrait entraîner une nouvelle crise de confiance.

    Les ministres sont déjà critiqués pour ne pas avoir empêché l’attaque du Hamas, pour avoir concentré trop de troupes en Cisjordanie afin de protéger les colons et pour avoir sapé la vigilance de l’État avec leur réforme juridique. Le fait que beaucoup soient favorables à l’unité nationale en temps de guerre ne signifie pas qu’ils ont déjà oublié les politiques du gouvernement de droite de M. Netanyahou. Il y a aussi les exemples de solidarité de ceux, souvent bédouins, qui, au péril de leur vie, ont éloigné des jeunes du festival attaqué par le Hamas, ou encore ceux qui donnent leur sang pour les victimes.

    La menace d’une guerre régionale

    La menace d’une extension régionale de la guerre est réelle. Pour l’instant, il ne s’agit que d’escarmouches avec le Hezbollah libanais, plus fort et mieux armé que le Hamas. L’organisation est par ailleurs plus puissante que lors de la guerre israélo-libanaise de 2006. La Cisjordanie est également au bord de l’explosion, surtout avec les pogromes constants causés par des groupes d’extrême droite israéliens qui ont déjà coûté la vie à des dizaines de Palestiniens. Israël a également bombardé les aéroports syriens de Damas et d’Alep pour contrer le renforcement du Hezbollah par l’Iran. Il n’est même pas exclu qu’une escalade aboutisse à une attaque israélienne contre l’Iran sans l’accord préalable des États-Unis.

    Au cours des dernières décennies, le soutien à Israël en Occident a commencé à sérieusement s’user. Même au sein du parti démocrate américain, la sympathie pour les Palestiniens, en particulier parmi les jeunes générations, a commencé à prendre le pas sur les positions pro-israéliennes traditionnelles. L’acte terroriste brutal du Hamas a inversé cette tendance, du moins pour l’instant. Cela fait partie de la dynamique de la nouvelle guerre froide. L’ensemble du bloc occidental, sous la houlette des États-Unis, en profite pour s’unir derrière Israël. Les États-Unis ont envoyé des porte-avions pour dissuader une éventuelle ingérence des pays de la région et promettent des livraisons d’armes supplémentaires. Le Royaume-Uni a également envoyé des navires de guerre. En Europe, les drapeaux israéliens sont partout tandis que Macron a interdit les manifestations de soutien à la Palestine en France. Il a même été envisagé d’interdire toute aide humanitaire à Gaza. À l’OTAN, le tapis rouge a été déroulé pour le ministre israélien de la Défense Galant. En intégrant et en cooptant Israël dans le bloc occidental, les États-Unis tentent de restaurer leur perte de prestige pour intervenir militairement au Moyen-Orient. Une confrontation directe entre superpuissances, comme cela avait été craint lors de la guerre du Kippour en 1973, n’est pas envisageable dans l’immédiat. La Russie profite de la guerre parce que celle-ci détourne l’attention de l’Ukraine, mais même Poutine a jugé trop aventureux de se déclarer solidaire du Hamas. Cela pourrait toutefois changer si le régime syrien d’Assad est directement menacé.

    Le régime israélien et l’impérialisme occidental profitent pleinement de ces événements d’une ampleur historique. L’acte terrible du Hamas ne change par contre rien à l’occupation et au blocus, ni d’ailleurs à l’analyse des raisons sous-jacentes derrière ces événements.

    Une percée surprise hors de la plus grande prison à ciel ouvert du monde

    Le 7 octobre, à l’aide de bulldozers, de motos, de parapentes et de canots à moteur, les militants du Hamas ont surpris l’armée de la plus grande puissance impérialiste régionale. Le Hamas s’était auparavant imposé comme la principale organisation de la résistance palestinienne à l’occupation, aux dépens de l’Autorité palestinienne et du Fatah corrompu et collaborant avec le régime israélien. Le Hamas avait établi un quartier général commun avec d’autres factions de la résistance, mais il est resté discret durant les affrontements armés à Gaza et à Jénine en mai et juin dernier.

    Cette fois-ci, il a lui-même lancé une offensive qui comportait initialement des éléments de lutte de partisans contre l’occupation, mais dont le caractère réactionnaire est devenu plus dominant, tant sur le fond que sur la forme, au fur et à mesure que l’attaque progressait. L’attaque s’est accompagnée d’un massacre aveugle d’une ampleur sans précédent dans la lutte de libération palestinienne.

    La Hamas voulait créer l’illusion que l’armée israélienne ne pourrait plus commettre ses crimes en toute impunité et que, s’il n’allait peut-être pas remporter une victoire militaire, il allait tout de même blesser Israël. Même le grand nombre de victimes civiles du côté israélien n’a pas réussi à refroidir l’enthousiasme des Palestiniens et des Arabes qui espéraient que, cette fois-ci, le nombre de victimes serait plus symétrique et qu’il n’y aurait pas à nouveau 10 à 15 vies palestiniennes perdues pour chaque mort du côté israélien.

    Selon Le Monde, après 24 heures, le Hamas avait atteint tous ses objectifs : mettre fin au sentiment d’invulnérabilité et de sécurité du côté israélien et suspendre le rétablissement des relations avec les pays arabes (Maroc, Émirats arabes unis, Soudan) que les États-Unis et Israël voulaient couronner avec l’Arabie saoudite. La normalisation des relations avec l’Arabie Saoudite devait permettre à cette dernière d’accéder à un système de sécurité américain tout en représentant un contrecoup face à la restauration des relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran facilitée par la Chine. Le Monde a conclu que l’approche du Hamas consistait ensuite à attendre la riposte face à son attaque-surprise.

    L’attaque terroriste du Hamas ne saurait être dissociée de l’occupation, du blocus de Gaza et du nombre record de Palestiniens tués en Cisjordanie : 212 déjà avant le 7 octobre, soit le chiffre le plus élevé depuis 2005. Mais les méthodes ne sont pas non plus distinctes du contenu. Le Hamas défend un régime autocratique similaire à la dictature iranienne récemment contestée par une résistance de masse pour les droits démocratiques et contre l’oppression des femmes et des personnes LGBTQIA+. Ces idées réactionnaires sont liées aux actes terroristes qui ciblent des victimes au hasard.

    Nous ne sommes pas opposés à la lutte armée, mais en tant qu’outil, pas en tant que substitut à l’entrée en action des masses et certainement pas à la place d’une lutte politique. Nous défendons la constitution de comités démocratiques d’action de masse à l’image de ceux qui sont nés de la première Intifada (1987-1993), mais cette fois-ci avec un programme visant à la transformation socialiste démocratique de la société et non à s’aligner sur des régimes arabes capitalistes réactionnaires et dictatoriaux qui oppriment et exploitent leur propre peuple. Le soutien dont bénéficie l’attaque du Hamas est malheureusement le reflet de la faiblesse de la gauche qui, au lieu de défendre une position d’indépendance de classe internationaliste, soit soutient sans critique le régime israélien, soit laisse la juste lutte pour l’autodétermination dans les mains de forces aux méthodes réactionnaires. Le soutien à l’attaque du Hamas est une expression de désespoir, tout comme lors des attentats suicides de la seconde Intifada (2000-2005). .

    Une réponse socialiste

    • Stop au bombardement de Gaza ! Résistance contre l’offensive terrestre et contre l’expansion régionale du carnage ! Non au terrorisme, qu’il soit d’État ou non ! Solidarité avec toutes les communautés touchées !
    • Stop au blocus, au siège, aux colonies et à l’occupation ! Pour une mobilisation internationale et une lutte par-delà les frontières des communautés pour une trêve des armes !
    • Pour un échange rapide de tous les prisonniers et otages dans le cadre d’une trêve immédiate des armes !
    • Non à l’ingérence des principaux blocs impérialistes qui utilisent le massacre pour renforcer leurs positions ! Aucune confiance dans le gouvernement israélien « d’unité nationale » de la droite et de Gantz qui portent une lourde responsabilité dans l’escalade qui a conduit à la guerre !
    • Pas touche à nos droits démocratiques ! La guerre n’élimine pas les différences de classe, mais les exacerbe. Le mouvement de lutte avec grèves et manifestations en Israël doit être reconstruit, avec des mesures de sécurité supplémentaires bien entendu, pour mener une lutte conséquente en faveur de la démocratie, de l’égalité, de la prospérité et de la sécurité personnelle pour les deux communautés. Le bloc impérialiste occidental s’est aligné unilatéralement sur Israël et les manifestations ou prises de position propalestiniennes sont interdites dans de nombreux pays, ce qui va s’accentuer avec des attaques terroristes telles que celles d’Arras en France et de Bruxelles. Défendons notre droit de manifester et de protester !
    • Pour l’unité des travailleurs contre la politique de « diviser pour mieux régner » ! Non à la chasse aux sorcières contre celles et ceux qui s’opposent à la guerre et à l’oppression nationale sur les lieux de travail ou sur les campus. Le mouvement ouvrier ne doit pas laisser les frustrations grandir chez chaque individu jusqu’à ce qu’elles deviennent des bombes à retardement. Il doit lui-même s’engager dans le débat et défendre des solutions collectives. À cette fin, les discussions, les rassemblements de protestation avec toutes les communautés et les manifestations de solidarité sont importants dans le cadre de notre lutte pour une société fondamentalement différente.
    • Pour des manifestations et des grèves – telles que la Grève de la Dignité de mai 2021 – en Cisjordanie et à Jérusalem-Est dans le cadre d’une lutte de masse organisée démocratiquement par des comités élus pour la libération nationale et l’émancipation sociale ! Ces comités doivent prendre en charge les mesures de sécurité et l’autodéfense du mouvement lors de manifestations contre la guerre, l’occupation et les colonies. Pour des comités de défense démocratiquement élus dans les quartiers et les localités.
    • Pour une mobilisation internationale de masse contre la guerre. Pour un boycott ouvrier international des livraisons d’armements et d’équipements destinés à être utilisés par Israël dans l’oppression des Palestiniens, ce à quoi appellent les syndicats palestiniens.
    • Pour un plan massif d’investissements publics de reconstruction en faveur du bien-être pour toutes et tous ! Il est déchirant de voir comment, en temps de guerre, des ressources apparemment inépuisables peuvent être trouvées et concentrées au point d’attaque. La reconstruction des deux communautés, tant sur le plan matériel qu’en termes de soutien médical et psychologique, nécessitera une concentration et un engagement de ressources d’une taille au moins comparable. Les capitalistes et leurs gouvernements ne le permettront jamais. C’est impossible sans l’expropriation des gigantesques profits de guerre et du secteur bancaire et leur prise en charge publique sous contrôle et gestion démocratiques. Si ces ressources étaient utilisées sous contrôle démocratique et propriété publique pour assurer à toutes et tous de quoi bénéficier d’une vie digne dans le cadre d’une transformation socialiste de la région, alors une solution durable serait possible.
    • Pour une lutte de masse des travailleurs, des pauvres et de la jeunesse ! La situation actuelle est le produit du capitalisme et de l’impérialisme. Le tribut est particulièrement élevé pour les travailleurs et les pauvres. Nous sommes pour la création de partis de lutte de masse dans les deux communautés travaillant ensemble pour organiser la protestation et la lutte des travailleurs, des pauvres et des jeunes de toutes les communautés dans le cadre d’une lutte internationaliste et socialiste.
    • Pour une Palestine socialiste indépendante avec sa capitale à Jérusalem-Est et une transformation socialiste en Israël avec une garantie d’égalité des droits pour toutes les nations et minorités. Pour une solution juste pour les réfugiés palestiniens par le biais d’un accord qui reconnaisse l’injustice historique et permette à ceux qui le souhaitent de revenir, tout en garantissant la prospérité et l’égalité pour toutes et tous. L’idée de « deux États » est utopique dans le cadre du capitalisme ; elle reviendrait à créer un État fantoche néocolonial pour les Palestiniens. Cela ne résoudrait pas les problèmes fondamentaux des masses palestiniennes. Un État binational est également utopique dans un contexte capitaliste, une grande majorité des deux nationalités ne veulent pas renoncer à leur indépendance dans le cadre d’un seul État et cela ne mettrait pas fin aux craintes et aux suspicions. Pour parvenir à l’unité dans la lutte pour une transformation socialiste, il est nécessaire de reconnaître le droit à l’autodétermination de tous les peuples. La lutte peut arracher des conquêtes sociales, mais une transformation socialiste de la société est nécessaire pour élever le niveau de vie des travailleurs palestiniens et israéliens au-dessus des meilleures conditions possibles dans le cadre du capitalisme. Ce n’est que sur cette base que l’on pourra obtenir une égalité totale des droits dans tous les domaines. Une solution juste exige une lutte qui garantisse la prospérité et l’égalité dans la région et qui prône le dialogue direct et le consentement mutuel, y compris la reconnaissance des injustices historiques et le droit au retour. Dans ces conditions, la haine mutuelle et le schisme national diminueront et les fondements d’un État socialiste uni pourront être posés.

    Contre la guerre et le terrorisme d’État ou non : la solidarité

    Le régime israélien a cyniquement mobilisé sa puissante machine de guerre pour infliger une sanglante punition collective en considérant que la totalité de la population palestinienne est responsable de l’attaque aveugle du Hamas.

    Il a coupé les approvisionnements en électricité, en eau, en carburant et en marchandises à Gaza tandis que l’aide humanitaire est elle aussi bloquée au milieu des bombardements constants, alors que les hôpitaux manquent de médicaments et que les générateurs tombent en panne. L’opinion publique internationale est choquée, mais cela provoquera également l’horreur en Israël à mesure que ce drame se poursuivra. En maintenant fermé le poste-frontière de Rafah, le régime israélien, avec la complicité du régime égyptien, prend en otage toute la population de Gaza. Des deux côtés, le sort des otages n’est rien d’autre qu’un dommage collatéral, ce qui suscitera lui aussi une répulsion croissante.

    Chez les Palestiniens, c’est actuellement le soutien au Hamas qui domine, inspiré par la volonté justifiée de résistance contre l’occupant israélien. Chez les Israéliens, ce sont les appels à la vengeance pour le terrible massacre aveugle qui l’emportent. Ce fossé dans la conscience nécessite une approche sensible qui tienne compte des dommages et des traumatismes subis, offre une perspective de sécurité et de prospérité pour toutes les communautés et reconnaisse et réalise le droit à l’autodétermination d’une manière qui soit acceptable et attractive pour les deux communautés.

    Il faut saisir toutes les occasions de briser le cycle de la haine et de la violence. Nos membres sur place participent par exemple activement à la résistance sur les campus israéliens contre les tentatives de l’extrême droite d’expulser du campus celles et ceux qui expriment leur soutien aux Palestiniens. Comme toujours en situation de guerre, la cherté du coût de la vie augmente à vue d’œil, de même que les profits d’un certain nombre de grandes entreprises, évidemment dans l’industrie de l’armement et tout ce qui touche à la défense, mais aussi dans la distribution et d’autres secteurs. Cela peut permettre de mieux comprendre qui profite de la guerre et qui en paie le prix dans les deux communautés.

    La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Elle met à nu toutes les contradictions. Même la réalisation de revendications directes, y compris démocratiques, nécessite une mobilisation de masse, dans toute la région, mais aussi au niveau international, en raison de l’implication de toutes les puissances impérialistes. Nous sommes catégoriques : aucune solution durable n’est possible sans transformation socialiste de la société. Notre programme n’est pas une liste de souhaits, il part des besoins immédiats et les relie à des actions visant à une mobilisation de masse. Il formule des exigences objectivement nécessaires, mais qui ne seront satisfaites par aucun régime capitaliste de son plein gré. Il démontre en pratique la nécessité d’une transformation socialiste de la société, non pas pour un avenir lointain, mais comme une nécessité objective directe.

  • Israël-Palestine. Non à la chasse aux sorcières nationaliste sur les campus !

    Dans le contexte de l’offensive israélienne lancée contre Gaza, en Israël, les institutions universitaires et les organisations étudiantes se livrent à une dangereuse chasse aux sorcières contre les étudiants palestiniens ainsi que celles et ceux qui s’opposent à la guerre. Les membres du Mouvement de lutte socialiste (section d’ASI en Israël-Palestine) sur le campus ont initié, avec l’organisation Academia for Equality, une campagne de protestation contre la persécution au nom des étudiants et du personnel enseignant. Ils appellent à une lutte organisée contre cette persécution et à l’arrêt de la guerre.

    Par AV & TK, Mouvement de lutte socialiste (ISA en Israël-Palestine)

    La crise de la guerre – de l’horrible massacre dans le sud du pays aux bombardements à Gaza et à la menace d’une escalade militaire globale dans la région – a provoqué le choc, le chagrin et la peur, et a approfondi la fracture nationale au sein des territoires de 1948. Cette situation est illustrée par les réseaux sociaux, qui sont inondés d’incitations nationalistes.

    Dans ce contexte, les directions des institutions académiques, ainsi que les responsables des différents syndicats étudiants, jouent désormais un rôle destructeur en propulsant une campagne nationaliste de chasse aux sorcières. En raison de leur soutien politique aux opérations militaires menées par le gouvernement, ils excusent de manière cynique et démagogique les persécutions agressives fondées sur la nationalité ou l’opposition à la guerre et à l’oppression nationale, en les présentant comme une « lutte contre le terrorisme ».

    À ce jour, des centaines d’étudiants et de conférenciers ont été ajoutés à des listes de surveillance véritablement maccarthystes qui exigent – avant tout de la communauté arabo-palestinienne – d’éviter toute critique de la réalité de l’oppression nationale et de la vengeance menée par le gouvernement, une offensive qui a tué un nombre record de personnes dans la bande de Gaza, y compris des centaines d’enfants et de bébés. Les organisateurs de cette chasse aux sorcières belliciste s’efforcent, sur la base de leur agenda politique, d’attiser la division nationale et, en fin de compte, de perpétuer les causes profondes de la guerre.

    Dès le deuxième jour de la guerre et du massacre choquant dans le sud d’Israël, le recteur de l’université de Haïfa, Gur Alroey – qui avait précédemment annoncé son refus politique de servir en tant que réserviste pour protester contre un « gouvernement qui fait d’Israël un pays non démocratique » – a envoyé une lettre à quatre étudiants palestiniens, puis à deux autres, dans laquelle il les informait de leur suspension immédiate sans audience, ainsi que de leur expulsion des résidences universitaires. Cette lettre faisait suite à sa conclusion selon laquelle ils avaient « publié des messages exprimant un soutien clair au terrorisme du Hamas et au meurtre d’innocents ».

    En réponse, 25 maîtres de conférences ont attaqué cette décision, la qualifiant d’arbitraire et de dépourvue d’autorité, et se sont interrogés : « Quel processus d’établissement des faits avez-vous réussi à appliquer dans le court laps de temps avant de prendre la mesure agressive de la suspension et de l’expulsion, alors que, pour autant que nous le sachions, les étudiants suspendus n’ont même pas eu le droit de donner leur version des faits ? »

    L’action du recteur a jeté de l’huile sur le feu et encouragé les initiatives d’étudiants nationalistes extrémistes sur différents campus, qui ont commencé à établir des listes de surveillance contre les étudiants qui, selon eux, « soutenaient l’ennemi » sur les réseaux sociaux. Ils ont même fait pression sur les syndicats d’étudiants et la direction des établissements universitaires pour qu’ils dirigent officiellement la campagne de chasse aux sorcières politiques. Les administrateurs des universités ont accepté cette demande et ont publié des lettres incitant les étudiants à surveiller l’activité de leurs pairs sur les médias sociaux et à signaler toute expression de « soutien à l’ennemi ».

    Les dirigeants des syndicats étudiants soutiennent la persécution

    La direction du syndicat national des étudiants, dirigée par l’activiste de droite Elhanan Fellheimer, qui a œuvré contre le mouvement de protestation démocratique et a abandonné les étudiants au plus fort d’une grave crise économique, joue un rôle actif mais cynique dans cette campagne de persécution politique.

    Un message, publié par le syndicat dans le but d’encourager la persécution, et qui a été partagé des milliers de fois, présentait cinq exemples de messages sur les réseaux sociaux que la droite considère comme « soutenant le terrorisme ». Aucun d’entre eux n’exprimait un soutien concret à une attaque terroriste, ni ne soutenait le fait de blesser des civils – en fait, certains des posts incluaient une objection aux dommages causés à des bébés et à d’autres civils innocents, l’un d’entre eux étant apparemment marqué uniquement parce qu’il montrait un drapeau palestinien.

    En fait, le syndicat étudiant de l’université de Haïfa l’a admis publiquement : « la barre est plus basse que jamais et nous condamnons tout comportement pouvant être interprété comme un encouragement à la nation palestinienne et un soutien au terrorisme. La liberté d’expression, à notre avis, est réduite à néant en cette période ! » En d’autres termes, la droite cherche n’importe quelle excuse pour une chasse aux sorcières nationaliste, visant à faire taire toute critique de la guerre et même à étouffer toute empathie élémentaire avec la souffrance des masses assiégées à Gaza alors qu’elles sont bombardées par l’État israélien.

    Il est particulièrement grave que les syndicats étudiants locaux et nationaux – qui sont censés représenter les étudiants et protéger leurs droits – prennent une part active dans la conduite de cette campagne de persécution politique et encouragent les étudiants à dénoncer leurs pairs. La chasse aux sorcières est avant tout dirigée contre les étudiants palestiniens, les militants juifs de droite demandant que les étudiants palestiniens soient soumis à des tests de “loyauté” à l’égard des actions du gouvernement : s’ils ne soutiennent pas activement la guerre à Gaza, ils sont considérés comme des “partisans du terrorisme”.

    Incitation au racisme

    Dans le même temps, certains étudiants juifs ont appelé à “raser Gaza”, où vivent plus de 2 millions de personnes. Il s’agit essentiellement d’un appel à des actions terroristes d’État, y compris des punitions collectives et des massacres de masse, mais aucune institution universitaire ni aucun syndicat étudiant n’a pris de mesures contre ces appels à la haine en ligne.

    À l’université Ben-Gourion, la direction renonce activement à toute responsabilité dans la lutte contre l’incitation au racisme sur les groupes Facebook de l’université, comme l’a montré Wattan Madi, militante politique de “Hadash/al-Jabha” et candidate aux élections municipales d’Arraba. Elle a été victime d’attaques de la part de militants de droite qui ont affirmé qu’elle soutenait des terroristes, en réponse à un message qu’elle avait publié lors d’une assemblée électorale du Hadash, avant la guerre. L’année dernière, Wattan Madi a été prise pour cible et soumise à une procédure disciplinaire sous la pression de l’extrême droite, uniquement parce qu’elle avait lu un poème du célèbre poète palestinien Mahmoud Darwish lors d’un service commémoratif de la Nakba.

    Ainsi, la campagne de chasse aux sorcières fait suite à des années de persécution politique à l’encontre des étudiants palestiniens. Le cas de Madi n’est qu’un exemple parmi d’autres de harcèlement, notamment contre les cérémonies de commémoration de la Nakba dans les établissements universitaires. Même des activités de routine sur le campus ont été attaquées : au cours de l’année universitaire précédente, une foire du livre arabe a été annulée par la direction de l’université de Tel-Aviv.

    Pendant des années, les établissements universitaires ont laissé libre cours aux éléments racistes et d’extrême droite sur les campus. Cette situation permet aujourd’hui aux activistes de droite de mener une campagne de persécution politique de grande envergure, dont l’objectif est de semer la panique et la peur et de créer une atmosphère de surveillance et d’intimidation. La politique de suspension sans enquête crée une présomption de culpabilité jusqu’à preuve du contraire, ce qui encourage également les militants de droite à signaler d’anciens messages, voire de faux messages, afin d’inventer de toutes pièces des “preuves” pour leur plainte.

    Les directions académiques se conduisent de manière hypocrite et raciste. Il est également évident que la chasse aux sorcières ne s’arrête pas aux étudiants. Par exemple, la Jeunesse du Likoud à Haïfa a vilipendé et publié les noms des membres du personnel supérieur qui ont critiqué le recteur, appelant à leur licenciement. Ce phénomène ne s’arrête pas au monde universitaire : cette semaine, le ministre israélien des communications, Shlomo Karhi, a annoncé qu’il préconisait une réglementation d’urgence qui lui permettrait d’emprisonner les civils dont les messages “nuisent au moral national”, et il a préconisé l’interdiction d’Al Jazeera.

    S’organiser contre la politique de “diviser pour régner” et pour la fin de la guerre

    La persécution politique sur les campus ne fera qu’aggraver les incidents racistes et discriminatoires, accroître le manque de sécurité personnelle des étudiants contraints d’étudier sous un œil maccarthyste, et affaiblir la liberté d’expression nécessaire à l’activité académique. Même l’”Alliance des universitaires pour la démocratie israélienne”, une organisation du mouvement de protestation démocratique israélien qui a pris un virage à droite face à ces développements, l’a reconnu et a publié une déclaration contre le suivi et la surveillance des étudiants sur les réseaux sociaux. Dans le contexte des horreurs de la guerre, il est particulièrement important que les étudiants et le personnel prennent clairement position contre le racisme et la chasse aux sorcières, et insistent sur le fait qu’ils ont le droit de critiquer le gouvernement, ainsi que le droit de s’opposer à la guerre.

    Dans un premier temps, les membres du Mouvement de lutte socialiste sur le campus ont lancé une lettre de protestation contre la persécution politique qui a été signée par des centaines de personnes et envoyée lundi (16.10) au Conseil de l’enseignement supérieur en Israël. Cette lettre a été envoyée en collaboration avec Academia for Equality, une organisation représentant environ 800 membres du personnel, qui, avec le centre juridique Adalah, a également mis en place une ligne d’assistance pour les étudiants qui ont été persécutés politiquement ou qui ont fait l’objet de discrimination raciste.

    Quelques heures seulement après la diffusion de la lettre, nous avons reçu une réponse du directeur du syndicat national des étudiants, qui est membre du Conseil de l’enseignement supérieur. M. Fellheimer, qui choisit systématiquement d’investir les fonds du syndicat pour faire taire les positions anti-gouvernementales, a cyniquement utilisé la mémoire des victimes de l’horrible massacre dans le sud d’Israël dans sa lettre pour éviter de répondre aux arguments qui réfutent les exemples de “soutien au terrorisme” publiés par le syndicat.

    Dans sa réponse, il a affirmé que la liberté d’expression “ne peut pas se transformer en liberté d’incitation”, et a bien sûr omis de mentionner l’incitation à la haine raciste et nationaliste sur les réseaux sociaux publiée par les Juifs-Israéliens, y compris les commentaires postés en réponse à l’annonce du syndicat sur les réseaux sociaux.

    En outre, M. Fellheimer s’est engagé à promouvoir l’interdiction d’utiliser le drapeau palestinien. Cette interdiction a été vivement combattue par les directions des établissements universitaires lors du mouvement de masse contre la réforme judiciaire, car elle a été perçue comme une “tentative de faire de la direction de l’université des policiers, des juges et même des bourreaux pour des transgressions qui n’ont rien à voir avec le monde universitaire”.

    Pour s’opposer à cela, il est essentiel que les étudiants, le personnel enseignant et de recherche et les travailleurs des campus s’organisent contre la persécution politique et la guerre. A cette fin, nous devons organiser des réunions pour discuter concrètement des prochaines étapes de la lutte, y compris l’application d’une pression concentrée sur les syndicats pour exiger la fin de la chasse aux sorcières, et un appel aux syndicats du personnel universitaire pour protéger leurs membres et les autres travailleurs et étudiants, également spécifiquement contre la persécution politique nationaliste.

    Face à la chasse aux sorcières, à l’extrême droite et à l’exploitation des horreurs de la guerre pour promouvoir un programme politique répressif, ceux qui s’opposent à la guerre et à la persécution politique doivent s’organiser clairement et vocalement contre elles.

  • Bruxelles. Manifestation massive contre le massacre à Gaza

    Ce dimanche, une manifestation particulièrement importante a eu lieu à Bruxelles pour protester contre le massacre de Gaza. Des dizaines de milliers de personnes venues des quatre coins du pays y ont participé. Les organisateurs ont d’abord parlé de 25.000 participants, puis de 40.000. Les manifestations de masse sont importantes pour exprimer la colère face à ce carnage, mais elle constitue également un contrepoids aux politiciens de l’establishment et aux médias grand public qui approuvent et soutiennent la violence de guerre. Vous trouverez ci-dessous le tract que le PSL a distribué lors de la manifestation, suivie de quelques photos.

    Pour une résistance de masse contre l’occupation, le siège, la pauvreté et le capitalisme

    La brutalité barbare de l’attaque de l’État israélien dépasse les massacres précédents à Gaza. Le nombre de morts augmente d’heure en heure, jour après jour, nuit après nuit. Les bâtiments réduits à néant par la quatrième armée du monde, avec un équipement militaire en partie fourni et payé par les États-Unis et l’Union européenne.

    Les grandes puissances impérialistes se sont unies pour soutenir la violence de Netanyahou. Joe Biden a promis 8 milliards de dollars d’aide militaire supplémentaire à Israël, qui s’ajoutent aux 3,8 milliards de dollars versés chaque année par les États-Unis. La Commission européenne a d’abord menacé de supprimer toute aide aux Palestiniens, mais elle a dû faire marche arrière. Les banques, les assureurs et les investisseurs européens investissent des milliards d’euros par an dans l’armement et l’équipement nécessaire à l’occupation.

    Le seul moyen de stopper ça, c’est de construire un mouvement de masse dans le monde entier contre l’occupation, l’impérialisme et le terrorisme. Ce mouvement de masse peut, d’une part, soutenir la lutte contre l’occupation dans la région elle-même et, d’autre part, viser en plein cœur l’impérialisme qui contribue à financer le carnage. Les syndicats de Palestine appellent à la fin des livraisons d’armes. Cet appel devrait être soutenu par les syndicats en Europe et ailleurs.

    Pour un mouvement de masse contre l’occupation, le siège, la pauvreté et le capitalisme

    Dans le monde entier se manifestent la colère et l’entrée en action contre l’horreur à Gaza. Parallèlement, on assiste à des tentatives d’étouffer les protestations. En Allemagne et en France, les manifestations sont interdites, des étudiants ont été suspendus et des syndicalistes placés en garde à vue pour s’être exprimés contre l’occupation et la violence de l’État israélien. En Allemagne, le port de la Kufiya a même été interdit.

    Cela démontre de quel côté se trouve l’impérialisme occidental. C’est aussi pourquoi nous n’avons aucune confiance envers les solutions diplomatiques. Leur diplomatie n’est que la défense de leurs intérêts dans la région, qui coïncident avec les intérêts géopolitiques de l’État capitaliste d’Israël et des régimes répressifs des États pétroliers qui l’entourent.

    Les tentatives de répression des manifestations illustrent à quel point les élites dirigeantes en Europe sont effrayées par la puissance potentielle d’un mouvement anti-guerre véritablement massif. Cette crainte n’est pas injustifiée : les guerres se terminent généralement par l’usure, les défaites et les destructions, ou par des mobilisations de masse qui empêchent leur poursuite. La Première Guerre mondiale a pris fin à la suite de révolutions en Russie et en Allemagne. Les troupes américaines ont dû se retirer du Viêt Nam lorsque leurs pertes militaires étaient accompagnées d’une résistance anti-guerre grandissante à l’intérieur du pays, une résistance qui menaçait même l’ensemble du système capitaliste.

    La construction d’un tel mouvement anti-guerre, du niveau local au niveau international, basé sur des actions, des comités démocratiques et des manifestations de masse, voilà la seule solution pour que la solidarité internationale de masse se transforme en une pression mondiale sur la machine à tuer israélienne.

    La libération de la Palestine

    Le Parti Socialiste de Lutte / Linkse Socialistische Partij (PSL/LSP) et notre organisation-sœur en Israël/Palestine, le Mouvement de Lutte Socialiste, soutiennent pleinement le droit du peuple palestinien à se défendre et à résister à la terreur de l’État israélien et à l’oppression systématique et raciste dans laquelle il vit, y compris par les armes. Mais la lutte armée ne peut et ne doit jamais être un substitut à l’action de masse et surtout pas un substitut pour la lutte politique. Nous défendons la constitution de comités démocratiques d’action de masse à l’image de ceux qui sont nés de la première Intifada (1987-1993), mais cette fois-ci avec un programme visant à la transformation socialiste démocratique de la société et non à s’aligner sur des régimes arabes capitalistes réactionnaires et dictatoriaux qui oppriment et exploitent leur propre peuple.  

    Les assassinats brutaux et aveugles de travailleurs, de personnes âgées et de jeunes assistant à un festival de musique doivent être totalement rejetés. Ces méthodes ne vaincront pas l’État israélien. Au contraire, l’aversion qu’elles suscitent chez les citoyens ordinaires en Israël et à l’étranger renforce la position des oppresseurs des Palestiniens.

    Il faut s’inspirer des méthodes utilisées lors des précédentes luttes du peuple palestinien, à savoir les grèves et les manifestations de masse, comme la première Intifada en 1987 ou la Grève de la Dignité en mai 2021, la dernière fois que l’État israélien a imposer sa terreur sanglante à Gaza. L’industrie israélienne de la construction a dû admettre que la grève avait paralysé les chantiers, avec une perte estimée à près de 40 millions de dollars en une seule journée, puisque seuls 150 des 65.000 travailleurs s’étaient présentés au travail. En Cisjordanie, depuis le début de l’année, les Palestiniens ont dû faire face à une répression encore plus forte en fermant leurs lieux de travail, leurs commerces et leurs services face aux pogroms des colons d’extrême droite et à la brutalité de l’armée israélienne. C’est aussi là qu’une telle lutte entre en conflit avec le programme politique et la stratégie du Hamas qui, avant cette nouvelle phase de l’occupation, réprimait encore les manifestations à Gaza contre la crise de l’énergie et l’envol des prix.

    Un changement socialiste révolutionnaire

    Les grèves, les manifestations et l’autodéfense organisée, avec des appels à la solidarité internationale, peuvent sortir le mouvement du désespoir. La lutte pour la libération nationale palestinienne doit être liée à un changement systémique révolutionnaire dans la région. La classe ouvrière et les pauvres de toute la région doivent s’unir dans une lutte contre l’ennemi commun qu’est le capitalisme et l’impérialisme. C’est ainsi qu’ils pourront prendre le pouvoir dans leurs mains collectives et transformer la société. Cela inclut la classe ouvrière juive israélienne, qui vit sous un État de plus en plus autoritaire qui restreint les droits démocratiques et souffre d’inégalités massives – avec 21 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Il s’agit d’un État dont l’oppression systématique des Palestiniens a conduit à un cercle vicieux de conflits, faisant d’Israël l’endroit le plus dangereux au monde pour un juif.

    La domination de l’impérialisme, des régimes oppressifs comme celui de l’État israélien et de ses divers voisins, ainsi que de l’exploitation capitaliste promet un avenir uniquement constitué de pauvreté, de violence et d’oppression. Ce système est incapable de répondre aux aspirations nationales et de garantir les droits des minorités. Il doit être renversé.

    Cela signifie qu’il faut retirer les vastes ressources de la région des mains du secteur privé et les soumettre à la propriété publique et au contrôle démocratique. Cela signifie construire un Moyen-Orient socialiste reposant sur le pouvoir démocratique de la classe ouvrière et des masses opprimées.

    – Halte au terrorisme d’État israélien !

    Solidarité avec toutes les victimes de la guerre, du terrorisme et du terrorisme d’État !

    – Pas touche aux droits démocratiques, défendons le droit de manifester !

    – Pour un mouvement de masse contre l’occupation, le siège, la pauvreté et le capitalisme !

  • Stop au bain de sang et à la guerre, stop au massacre à Gaza!

    Les Palestiniens assiégés de Gaza – la plus grande prison à ciel ouvert du monde, où vivent 2,3 millions d’opprimés – sont à nouveau bombardés par l’État israélien raciste et colonial à la suite des attaques sans précédent et aveugles du Hamas.

    La sauvagerie barbare de l’attaque de l’État israélien dépassera les massacres précédents à Gaza – le nombre de victimes augmente d’heure en heure alors que les bâtiments sont rasés par l’équipement militaire de la quatrième plus grande armée du monde, dont une partie est fournie et payée par les États-Unis et l’Union européenne. Toutes les voies d’évacuation ont été fermées, le point de passage de Rafah, la frontière entre l’Égypte et Gaza, a été bombardé à cet effet.

    Ces actions s’ajoutent à la rhétorique raciste dégoûtante des représentants du gouvernement israélien illustrée par un ministre israélien, Yoav Galant, qui a déclaré « nous combattons des bêtes humaines ». Le régime de Netanyahou resserre l’étau autour de Gaza en coupant l’accès aux médicaments, à l’eau, au carburant, à l’électricité et à la nourriture. Il s’agit d’un crime de guerre inavoué.

    Les principales puissances impérialistes se sont unies pour soutenir les actions de Netanyahou. Joe Biden a promis 8 milliards de dollars d’aide militaire supplémentaire à Israël, en plus des 3,8 milliards de dollars qu’il lui accorde chaque année. Parallèlement, la Commission européenne a d’abord menacé de supprimer toute aide aux Palestiniens. Cette semaine, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fait une déclaration dans laquelle elle soutenait implicitement la guerre d’Israël contre Gaza.

    Le gouvernement israélien est déterminé à punir collectivement Gaza pour l’attaque du Hamas contre des villes israéliennes le week-end dernier, qui a tué des centaines de civils innocents, juifs et bédouins palestiniens. Les assassinats brutaux et aveugles de travailleurs et de pauvres, y compris d’enfants et de personnes âgées, dans les villes, les kibboutzim, ainsi que de jeunes qui assistaient à un festival doivent être combattus sans réserve. Ces méthodes ne vaincront pas l’État israélien. Au contraire, leur aversion parmi les gens ordinaires en Israël et à l’étranger ne fera que renforcer la position des oppresseurs des Palestiniens.

    Solidarité avec les Palestiniens victimes des bombardements meurtriers à Gaza et avec les familles des victimes de toutes les communautés des deux côtés de la barrière !

    La libération de la Palestine

    Le PSL/LSP et notre organisation sœur en Israël/Palestine, le Mouvement de Lutte Socialiste, soutiennent pleinement le droit du peuple palestinien à la défense armée et à la résistance contre le terrorisme d’État israélien et contre l’oppression systématique et raciste qu’il subit. Cette lutte doit être organisée et contrôlée démocratiquement à partir de la base, avec l’implication des masses de travailleurs, de pauvres et de jeunes dans des comités de lutte démocratiques, organisés des deux côtés de la ligne verte, dans les villes, les villages, les lieux de travail, les écoles et les universités.

    Elle devrait reposer sur les méthodes des luttes précédentes du peuple de Palestine, des grèves et des manifestations de masse, à l’image de la première Intifada en 1987 ou de la grève de la dignité en mai 2021, la dernière fois que l’État israélien a infligé sa terreur sur Gaza. L’industrie israélienne de la construction a dû admettre que cette grève avait paralysé les chantiers, avec une perte estimée à près de 40 millions de dollars en une seule journée, puisque seuls 150 des 65.000 travailleurs étaient venus travailler. En Cisjordanie, la répression s’est encore accrue depuis le début de l’année. Les Palestiniens ont bloqué leurs lieux de travail, leurs magasins et leurs services face aux pogroms des colons et à la brutalité de l’armée israélienne.

    Un changement socialiste révolutionnaire

    La lutte pour la libération nationale palestinienne doit être liée à un changement systémique révolutionnaire dans cette région, unissant la classe ouvrière et les pauvres de toute la région dans une lutte contre l’ennemi commun qu’est le capitalisme et l’impérialisme. Ils doivent prendre le pouvoir dans leurs mains collectives et transformer la société. Cela inclut la classe ouvrière juive israélienne, qui vit dans un État de plus en plus autoritaire qui restreint les droits démocratiques et souffre d’énormes inégalités : 21 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il s’agit d’un État dont l’oppression systématique des Palestiniens a conduit à un cercle vicieux de conflits, faisant d’Israël l’endroit le plus dangereux au monde pour un juif.

    La domination de l’impérialisme, des régimes oppressifs comme celui de l’État israélien et des différents États arabes, et du capitalisme dans cette région en général, promet un avenir uniquement fait de pauvreté, de violence et d’oppression. Ils sont incapables de répondre aux aspirations nationales et de garantir les droits des minorités. Il faut mettre fin à leur règne.

    Cela signifie qu’il faut retirer les vastes ressources de la région des mains du secteur privé et les soumettre à la propriété publique et au contrôle démocratique. Cela signifie de construire un Moyen-Orient socialiste reposant sur le pouvoir démocratique de la classe ouvrière et des masses pauvres.

    Lire également la déclaration de notre organisation sœur en Israël/Palestine (rédigée dimanche dernier)

  • Israël-Palestine : Une nouvelle guerre éclate dans un contexte de normalisation de l’occupation et de l’état de siège

    Face au bain de sang, lutter pour une solution fondamentale

    Les actions guerrières dramatiques de ce week-end – avec plus de mille morts jusqu’à présent – en Israël et dans la bande de Gaza ont ébranlé le monde. Cela pourrait être le début d’une plus grande instabilité et d’une guerre élargie. Voici un premier commentaire du Socialist Struggle Movement (Mouvement de lutte socialiste, section d’ASI en Israël-Palestine).

    • Solidarité avec celles et ceux qui ont perdu des proches ainsi qu’avec les hommes et les femmes ordinaires de toutes les communautés, des deux côtés de la barrière, qui font face aux horreurs de la guerre.
    • Au cœur de « l’échec » se trouvent l’arrogance de la politique gouvernementale de « gestion des conflits » ainsi que la normalisation de l’occupation et du siège, c’est ce qui a conduit à la guerre.
    • Ce qu’il faut, c’est une lutte pour arrêter la détérioration et mettre fin au siège, à l’occupation et à la pauvreté, dans le cadre d’une lutte pour une solution radicale aux cycles de conflits sans fin, dans le cadre du changement socialiste, sur la base de la garantie de l’égalité des droits à l’existence, à l’autodétermination, à la dignité et au bien-être.

    Déclaration du Secrétariat du Mouvement de lutte socialiste (ISA en Israël-Palestine)

    La guerre qui a éclaté samedi matin, avec une attaque surprise du Hamas d’une ampleur sans précédent (l’Opération Déluge d’Al-Aqsa) suivie d’une attaque dont on s’attend à ce qu’elle soit encore plus sanglante de la part du gouvernement Netanyahu (qui a officiellement déclaré l’état de guerre), continue de produire des événements horribles parmi les communautés, des deux côtés de la barrière. Ces événements sont d’une ampleur qui ne fait qu’empirer pour les habitants de la bande de Gaza, soumise au siège israélo-égyptien. Netanyahou a promis une « vengeance » qui transformerait « la ville du mal en une ville de décombres ».

    Parallèlement, le nombre de morts résultant du massacre de centaines d’habitants des villes et communautés du sud d’Israël et des tirs de roquettes aveugles augmente, y compris dans les communautés bédouines où il n’y a pas d’abris. Entre-temps, l’escalade militaire s’est étendue à la frontière israélo-libanaise, avec des tirs de roquettes du Hezbollah, qui semblent être un message d’avertissement contre une éventuelle invasion israélienne de Gaza. La crise pourrait se poursuivre pendant des semaines et même dégénérer en guerre régionale.

    Le choc, le chagrin et la peur règnent désormais parmi les habitants du district sud et d’autres districts d’Israël, et pas seulement parmi la population juive, et plus encore dans la bande de Gaza, au milieu des bombardements, alors que les habitants n’ont même pas d’abris ou de systèmes d’alerte aux missiles. Le Mouvement de lutte socialiste (ASI en Israël-Palestine) est solidaire de la population ordinaire, des parents des morts et des blessés de toutes les communautés, des deux côtés de la barrière, et des citoyens kidnappés. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de tués s’élève à plus de 700 dans le sud, issus de diverses communautés nationales, et à 500 dans la bande de Gaza. Tout cela alors que le gouvernement Netanyahou encourage la brutalité des punitions collectives, notamment en coupant l’électricité et en réduisant en ruines les bâtiments à Gaza. Il s’agit de terrorisme d’État.

    L’ampleur sans précédent des enlèvements de dizaines d’Israéliens et d’Israéliennes dans la bande de Gaza avait pour but, selon le Hamas, de limiter la puissance de feu du régime israélien et de servir de moyen de négociation pour la libération des prisonniers palestiniens. L’enlèvement des civils, y compris des enfants et des femmes âgées, mérite d’être condamné. Ils et elles ne sont pas responsables de la politique brutale du régime israélien dans la bande de Gaza et à l’égard des Palestiniens. Cette politique – qui comprend l’incarcération massive, avec procès militaire ou sans procès du tout, y compris d’enfants et de résidents palestiniens qui cherchent à manifester et à s’opposer à l’occupation militaire – est également ce qui a motivé les enlèvements en premier lieu. Une intervention militaire visant à libérer les otages entraînerait un grand nombre de morts. Il faut exiger du gouvernement qu’il permette un accord rapide et complet sur les prisonniers dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu.

    Nous appelons à une manifestation pour mettre fin à la guerre et aux politiques de punition collective et de « diviser pour régner », pour refuser de participer à une offensive de vengeance contre les habitants de Gaza, et pour lutter pour un changement profond de la réalité quotidienne, y compris la fin de l’occupation des territoires palestiniens et du siège de Gaza. De même, les appels à la grève de protestation et aux marches de la colère en Cisjordanie peuvent aider à construire la lutte nécessaire pour contester le statu quo – la dictature de l’occupation et du siège qui leur est imposée – tout en se préparant à l’autodéfense et à la protection des marcheurs et des résidents palestiniens.

    L’escalade militaire dans le conflit national n’est pas venue de nulle part. Le soi-disant gouvernement de droite dirigé par Netanyahou, Ben Gabir et Smotrich a agi avec toute sa vigueur non seulement pour nier l’opposition de masse au plan de « coup d’État légal » conçu pour renforcer son pouvoir, mais aussi pour consolider l’occupation, le siège et les colonies imposés à des millions de Palestiniens. Tout cela dans l’ombre d’une prétention arrogante à maîtriser la « gestion des conflits » et d’une prétention cynique à la promotion de la paix régionale par le biais du processus de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite sous les auspices des États-Unis.

    La crise guerrière aiguë et généralisée déclenchée ce samedi est survenue après deux cycles d’escalade militaire depuis la formation du gouvernement et après des années au cours desquelles la fréquence des cycles de conflit a augmenté en tant qu’expression de l’instabilité croissante de l’occupation et de l’état de siège. L’escalade actuelle présente des caractéristiques exceptionnelles qui marquent une nouvelle phase de confrontation.

    Attaque surprise du Hamas

    Le Hamas, que les gouvernements d’occupation capitalistes israéliens prétendent jusqu’à ce jour « dissuader » (récemment encore, le conseiller à la sécurité nationale d’Israël, Tzachi Hanegbi, a déclaré que « le Hamas est très, très modéré ») a temporairement franchi les frontières du blocus militaire avec une force de plusieurs centaines d’hommes armés, dont certains sont même venus par la mer et en parapente. Ces forces ont pris le contrôle du quartier général de la division de Gaza de l’armée israélienne, ont confisqué des véhicules militaires et se sont barricadées dans un poste de police de la ville de Sderot, dans le sud du pays. En outre, parallèlement à des éléments de guerre partisane contre les forces militaires, elles ont pris le contrôle d’un certain nombre de communautés israéliennes pendant de longues heures (jusqu’à plus d’une journée) et, dans le même temps, elles ont également eu recours à des actes terroristes : assassinats aveugles de civils, y compris de participants à un festival de musique, et enlèvement de dizaines de civils.

    En quelques heures, le Hamas a atteint ses objectifs politiques en réussissant, au-delà d’une démonstration de force, à compliquer la « normalisation » entre Israël et le régime saoudien, ainsi que l’Autorité palestinienne. Bien qu’il ne s’agisse pas du premier raid de l’aile militaire du Hamas au-dessus de la barrière de la bande de Gaza, c’est la plus grande démonstration de force militaire que le Hamas ait réalisée jusqu’à présent, avec un niveau de compétence et d’audace sans précédent, qui a également été enveloppé dans une rhétorique présentant l’opération comme une mesure de libération.

    Au cours des premières heures, quelques habitants de la bande de Gaza ont profité de la levée temporaire du siège pour franchir la clôture et marcher, ne serait-ce qu’un instant, hors du plus grand camp de prisonniers du monde, avec un sentiment d’exaltation. Pour une masse de résidents de Gaza et pour de nombreux Palestiniens en général, la possibilité d’assister, ne serait-ce qu’un instant, à une rupture de la clôture du siège et à une démonstration de force contre le pouvoir qui les emprisonne, piétine leur vie et leur refuse l’indépendance nationale et toute possibilité d’accéder au territoire d’où leur famille est originaire – cette possibilité en soi peut susciter de la sympathie à l’égard des forces du Hamas, présentées dans ce contexte comme une « force protectrice ».

    D’autre part, le régime israélien peut cyniquement profiter des dommages massifs causés aux civils israéliens pour entretenir le mythe selon lequel le blocus de la bande de Gaza est une politique « défensive » et mobiliser encore plus de « légitimité » pour tuer et détruire à grande échelle dans la bande de Gaza. Les deux millions d’habitants de la bande de Gaza vivent dans des conditions d’extrême pauvreté et de détresse, 63 % d’entre eux souffrant d’insécurité alimentaire, sans eau potable, sans infrastructures de base et sans liberté de mouvement. Alors que le régime israélien exploite politiquement les préoccupations existentielles et sécuritaires de la classe ouvrière juive pour promouvoir, entre autres, l’oppression et les attaques contre les Palestiniens, les attaques quotidiennes, ainsi que la dévastation et le deuil laissés par les bombardements israéliens au fil des ans, ont créé en premier lieu des possibilités politiques pour le Hamas. Il a pu exploiter le soutien désespéré d’une partie de la population palestinienne, même pour des actions réactionnaires d’attaques aveugles contre la population civile.

    En outre, étant donné que l’équilibre sanglant entre les victimes israéliennes et palestiniennes est souvent extrêmement asymétrique – avec des dizaines de morts palestiniens pour chaque mort israélien – les rares moments où l’on observe un équilibre numérique un peu plus « égal » peuvent en eux-mêmes renforcer le soutien désespéré au Hamas. Le Hamas peut se présenter comme ayant la capacité de « faire payer le prix », de se venger, voire de créer une dissuasion ou une force militaire capable de vaincre l’occupation et l’état de siège.

    Les dirigeants du Hamas savent qu’ils ne sont certainement pas capables de vaincre militairement la plus grande puissance militaire de la région. Au fil des ans, comme il est typique d’un pouvoir doté d’un programme politique de droite et pro-capitaliste – qui met en œuvre l’oppression politique, les attaques contre les travailleurs et les pauvres de Gaza, l’oppression des femmes et des personnes LGBTQ et la coercition religieuse – les dirigeants du Hamas se sont appuyés sur leur dépendance à l’égard des régimes de la région et des puissances impérialistes, et même sur des accords de « coexistence » avec Israël. Cependant, le Hamas cherche à donner l’impression d’une victoire par le biais d’un défi militaire – contrairement à l’Autorité palestinienne et aux régimes arabes – selon un schéma qui ressemble à celui du Hezbollah qui, en 2006, a montré de son côté les limites de la puissance régionale d’Israël et a menacé dans le passé de s’emparer de communautés israéliennes, comme le Hamas l’a fait aujourd’hui.

    Menaces de « victoire militaire décisive »

    Le gouvernement Netanyahou, qui prétendait avoir prouvé sa capacité à dicter complètement l’ordre du jour du conflit national et à « dissuader » toute résistance, a maintenant été exposé à une perte dramatique (bien que partielle) de contrôle sur les événements. Il tente de reprendre l’initiative par des moyens militaires. Il menace de lancer une attaque prolongée et de grande envergure sur la bande de Gaza, essentiellement pour protéger l’ordre existant d’occupation et d’état de siège qui a précisément donné lieu à la crise actuelle.

    Le ministre de la défense Galant menace de « briser la nuque du Hamas ». Cette menace est similaire à celle de Netanyahou lors de la campagne électorale de 2009, à savoir infliger une soi-disant « victoire militaire décisive ». Même avant cela, les gouvernements israéliens ont assassiné des dirigeants du Hamas et attaqué ses forces. Toutefois, entre les séries d’effusions de sang et le « rétablissement de la dissuasion », la capacité militaire relative du Hamas, bien que limitée, a augmenté et s’est développée au point que le régime israélien a été contraint de la prendre davantage en compte, tout en s’appuyant par défaut sur ses « accords » avec le gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza afin de préserver et de maintenir l’ordre existant. Une tentative du régime israélien de « vaincre militairement le Hamas » sera non seulement incapable d’éliminer le mouvement Hamas, mais aura également des conséquences déstabilisatrices à grande échelle, et c’est pourquoi le message du gouvernement Netanyahou utilise des termes plus vagues.

    La mobilisation des partis de l’establishment israélien de « l’opposition », qui se sont engagés à soutenir politiquement les politiques et les opérations militaires menées par la bande Netanyahou-Ben Gabir dans la crise actuelle, souligne leur responsabilité, y compris sous le gouvernement précédent, dans la situation actuelle. Les propositions de Lapid et de Gantz de réintégrer le gouvernement avec Netanyahou sous les auspices de la crise de la guerre – Lapid voulant remplacer les ministres d’extrême droite, tandis que Gantz est prêt à les avoir dans la coalition au pouvoir – prouvent par elles-mêmes qu’en fin de compte, les différences entre les partis sur les questions essentielles sont étroites.

    Netanyahou, dont le gouvernement, jusqu’à la crise actuelle, s’appuyait sur le soutien d’une minorité distincte du public israélien, a saisi l’occasion de promouvoir un large accord de coalition avec les partis de Lapid et de Gantz, sans rompre avec les partis d’extrême-droite. Cela correspond à l’intérêt de la classe dirigeante d’essayer de limiter une influence « aventureuse » de la part des ministres d’extrême droite en réponse à ces événements, et est également cohérent avec les pressions exercées ces derniers temps par Washington, afin de faciliter un accord de normalisation avec le régime saoudien. Cependant, Netanyahou craint de se débarrasser de Ben Gvir et de Smotrich, car il est en concurrence avec eux pour une base de soutien similaire.

    Le cœur de « l’échec » : la politique

    La question de savoir « qui a tiré le premier » dans la dynamique qui a conduit au cycle actuel peut susciter des réponses différentes compte tenu de l’escalade actuelle des tensions nationales, mais elle passe en tout état de cause à côté des causes fondamentales de la guerre. De même, la question de « l’échec du renseignement » de l’armée israélienne, 50 ans après la guerre de 1973, détourne l’attention du point principal : la racine de la crise est l’application de l’ordre existant dans lequel le capitalisme israélien, disposant de la plus grande puissance militaire de la région, impose l’occupation et l’annexion et nie les droits fondamentaux, y compris le droit à l’autodétermination, de millions de Palestiniens.

    Le soutien politique des gouvernements capitalistes du bloc impérialiste « occidental » aux actions militaires du gouvernement Netanyahou offre désormais une marge de manœuvre pour la poursuite du bain de sang et illustre une défense fondamentale du statu quo de l’occupation. La sécurité personnelle des gens ordinaires des deux côtés de la barrière non seulement ne les intéresse pas, mais est mise à mal à cause d’eux.

    Déjà, depuis l’époque du précédent gouvernement Bennet-Lapid, le nombre de morts palestiniens a connu une forte tendance à l’escalade et a battu un record de 20 ans. Les maisons palestiniennes en Cisjordanie ont été détruites à un rythme accéléré ; les attaques de l’État et des colons visant à déraciner les communautés palestiniennes se sont poursuivies, de même qu’une augmentation des provocations nationalistes religieuses par des éléments juifs de droite promouvant une guerre religieuse avec le soutien de l’État autour de la mosquée d’Al-Aqsa. La crise économique a intensifié la pression de la vie sous l’occupation. Cependant, le gouvernement Netanyahu-Ben Gabir a adopté une ligne encore plus dure à l’encontre de toute concession aux Palestiniens et a cherché à enterrer toute idée d’indépendance palestinienne.

    Simultanément, avec le développement des actions de protestation populaire et des conflits armés, les directions du Hamas et du Jihad islamique, sous les auspices du Hezbollah et de l’Iran, se sont efforcées de se présenter comme plus efficaces dans la confrontation contre l’occupation que le Fatah et l’Autorité palestinienne – qui traverse une crise de légitimité aiguë en raison de son rôle réel de sous-traitant de l’occupation. Face au nouveau gouvernement israélien de Netanyahou, le Hamas et le Jihad islamique ont annoncé cette année qu’ils agiraient comme un seul front dans la confrontation avec Israël, même si la direction du Hamas a préféré ne pas entrer dans un conflit direct avec Israël lors de l’embrasement de mai dernier dans la bande de Gaza et des raids de juillet en Cisjordanie. Cependant, il y a deux semaines, le 24 septembre, les dirigeants du Hamas, du Jihad islamique et du « Front populaire » ont annoncé, lors d’une réunion à Beyrouth, qu’ils renforceraient leur coordination afin d’intensifier les actions en réponse à l’agression du régime d’occupation.

    La crise dans la bande de Gaza et les protestations contre la barrière

    Cette annonce est intervenue au milieu d’une nouvelle série de manifestations palestiniennes sur la barrière de Gaza, qui ont été accueillies par une répression militaire. Le régime israélien craignait que les manifestations ne deviennent incontrôlables. Une évolution dans le sens d’une lutte de masse représente un risque plus fondamental pour le régime que des séries de confrontations militaires, surtout si l’on considère la capacité accrue d’un mouvement de masse à susciter des échos et de la sympathie au niveau régional et mondial, et même à influencer les travailleurs et les jeunes au sein de la population juive. Mais en général, le régime israélien craint une déstabilisation et le développement de conflits dans d’autres domaines, ce qui ferait pression sur Riyad pour qu’il ne conclue pas d’accord de normalisation.

    Cette crainte d’une déstabilisation a également, à maintes reprises au cours des derniers mois, conduit les chefs de l’establishment militaro-sécuritaire, en coordination avec Netanyahu et Gallant, à intervenir pour freiner l’extrême droite, en particulier avec les tentatives de Ben Gabir de faire avancer les attaques sur les conditions des prisonniers palestiniens. Le 29 septembre, le journal libanais Al-Akhbar a rapporté que le gouvernement israélien, avec la médiation égypto-qatarie, avait apparemment accepté un « retour aux accords précédents », une nouvelle augmentation symbolique des fonds d’aide qataris à Gaza, ainsi que le quota de travailleurs de la bande de Gaza entrant en Israël, l’expansion de la zone de pêche sur le littoral de Gaza, et des quotas d’exportation et d’importation. Apparemment, les forces militaires israéliennes ont ensuite été détournées de la bande de Gaza vers la Cisjordanie, ce qui a permis au Hamas d’exécuter plus facilement son plan en bénéficiant de l’effet de surprise militaire.

    Alors que l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah a fait part de sa volonté de coopérer à la normalisation israélo-saoudienne, le prince héritier saoudien Bin Salman a fait savoir que tant que rien ne s’y opposerait, les conditions des concessions israéliennes aux Palestiniens ne constitueraient pas des obstacles à la conclusion d’un accord. Cette insinuation, ainsi que l’aggravation de la crise dans la bande de Gaza, malgré les apparentes compréhensions, ont apparemment fait pencher la balance pour que les dirigeants du Hamas interviennent militairement à une échelle sans précédent dans le but d’accroître la pression sur Israël en « changeant l’équation ». Il s’agissait de démontrer la capacité à faire payer un prix plus élevé par des moyens militaires, notamment en perturbant le processus de normalisation, et, ce faisant, de créer une fausse impression politique de progrès dans la lutte contre le siège et l’occupation.

    Construire une lutte et promouvoir une issue

    Il est important de souligner que, face à un siège et à une occupation, ainsi qu’à une éventuelle invasion militaire, les habitants ont le droit de lutter contre les attaques dont ils font l’objet et de s’organiser pour se défendre, y compris par le biais d’une guerre de partisans. De nombreux Palestiniens ont dû être heureux de voir la destruction symbolique d’un certain nombre de véhicules militaires israéliens, compte tenu de la destruction, du deuil et de la détresse auxquels ils sont confrontés depuis des années dans la bande de Gaza.

    Mais il y a une différence entre une telle résistance – qui peut se développer de la manière la plus bénéfique lorsqu’elle s’inscrit dans une stratégie de construction d’une lutte de masse nécessaire aujourd’hui, et sous le contrôle démocratique de comités d’action élus (ce qui n’est pas compatible avec le programme politique et la stratégie du Hamas) – et les tirs aveugles ainsi que le fait de blesser la population civile, en particulier les femmes et les hommes travailleurs et pauvres de toute communauté nationale. Les attaques militaires du Hamas contre les travailleurs et les pauvres non seulement ne favorisent pas la libération du blocus et de l’oppression nationale, mais servent politiquement d’excuse à l’establishment israélien pour mobiliser le soutien en faveur d’attaques encore plus barbares contre les Palestiniens assiégés et occupés.

    Le ministre de la sécurité nationale, Ben Gabir, a déclaré un « état d’urgence sur le front intérieur », qui étend les pouvoirs de la police dans la sphère publique. Cette mesure pourrait également être utilisée pour accroître les persécutions politiques en général, et contre les activistes arabo-palestiniens en particulier. En arrière-plan, des rapports font état de militants d’extrême-droite qui cherchent à profiter de la crise pour attiser le schisme national et promouvoir des attaques contre la communauté arabo-palestinienne. Il est nécessaire d’organiser une lutte intercommunautaire contre les tentatives de l’extrême droite de promouvoir des attaques racistes et des affrontements nationalistes dans les rues des villes, et contre le gouvernement qui nourrit régulièrement ces éléments et leur donne une sécurité politique accrue à travers toutes ses politiques.

    Le fait que le gouvernement Netanyahou ait été confronté jusqu’à la crise actuelle à un mouvement de masse implique la possibilité, plus tard, de développer une large réponse de protestation avec des critiques sur les échecs et la responsabilité de cette guerre. Cependant, l’”opposition” officielle et la direction autoproclamée du mouvement de masse, qui agit au nom des capitalistes et des généraux qui profitent cyniquement de la lutte de masse contre le « coup d’État légal », se sont alignées sur le soutien politique au gouvernement et au bombardement des habitants de Gaza, et ont appelé à un gel des manifestations.

    Il est nécessaire de promouvoir la protestation et la lutte maintenant afin de montrer la direction nécessaire pour arrêter le bain de sang et résoudre les problèmes qui ont conduit à la guerre. Suite à l’expérience des événements de mai 2021, des actes de protestation et de lutte sont maintenant nécessaires – tels que la « grève de la dignité » palestinienne à l’époque, des manifestations de solidarité intercommunautaires sur les lieux de travail et dans les écoles, des piquets de protestation, des réunions syndicales pour prendre position – contre l’escalade militaire, contre les bombardements à Gaza, contre la politique de « Diviser pour régner », et contre la poursuite du siège et de l’occupation. Compte tenu de l’ensemble des politiques d’oppression nationale, de crimes de guerre et d’inégalité promues par les gouvernements capitalistes de droite, il est nécessaire de mettre à l’ordre du jour l’horizon d’une issue, pour la solution des problèmes fondamentaux, dans le contexte d’une lutte pour un changement socialiste dans la région, sur la base de la garantie de droits égaux à l’existence, à l’autodétermination et à la vie dans la dignité et le bien-être.

  • Séisme au Maroc. Quand le manque d’infrastructure tue

    Vendredi 8 septembre, un terrible tremblement de terre de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter a frappé la ville de Marrakech. Si la ville a pu plus ou moins s’en sortir, ce n’est pas le cas de nombreux villages de l’Atlas, totalement anéantis par la catastrophe qui a causé près de 3.000 morts et le double de blessés. Les dégâts matériels sont estimés à 10 milliards d’euros, soit 8% du PIB du pays.

    par Arno (Liège)

    Il est assez facile d’imputer au hasard ces morts, les dégâts matériels et toutes leurs conséquences. La « Nature » nous rappellerait à quel point nous sommes petits et fragiles, et rien n’aurait pu empêcher ça. Comme l’avait rappelé Carmia Schoeman, titulaire d’une maîtrise en géologie des glissements de terrain et membre du WASP (section d’ASI en Afrique du Sud), à l’époque des séismes qui ont frappé la Turquie, la Syrie et le Kurdistan en février dernier : « Dans l’étude des géorisques, nous avons un dicton qui dit que les tremblements de terre ne tuent pas vraiment les gens, ce sont les bâtiments qui le font. »

    Dans les zones touchées, les normes qui auraient dû assurer une résistance plus importante des bâtiments n’étaient pas respectées. La région a pourtant connu précédemment d’autres tremblements de terre importants, en 1960 et 2004 notamment, dus à la situation du Maroc, à cheval sur les plaques tectoniques africaine et eurasiatique. Pire que ça, de nombreux villages de l’Atlas, les plus durement touchés car situés dans l’épicentre de la catastrophe et disposant d’une architecture rustique, étaient largement inaccessibles pour les secours, faute de route bien aménagée.

    Une catastrophe aggravée par les inégalités

    La chose est d’autant plus criminelle quand on sait que les régions les plus touchées sont également les plus pauvres. Le PIB par habitant de la région de Marrakech-Safi est de deux fois inférieur à la moyenne nationale. La population est essentiellement composée de paysans pauvres vivant d’une économie agricole de subsistance. La plupart ne disposent pas d’assurance. Si le pays dispose d’un Fonds de Lutte contre les effets des Catastrophes Naturelles (FLCN), le régime d’indemnités en cours depuis 2020 n’est pas capable de débourser plus de 100 millions par an selon la banque mondiale. Sans compter que l’indemnisation demande des démarches administratives impossibles à réaliser dans ces régions reculés où l’Etat est peu présent.

    Ces problèmes d’assurance peuvent rappeler, toutes proportions gardées, les dégâts causés par les inondations de juillet 2021 en Belgique et le manque de volonté des assurances d’indemniser les sinistrés. Cette comparaison n’est pas finie : si le séisme n’est pas la conséquence du réchauffement climatique, les inondations qui ont dévasté au même moment la Libye rappellent que les catastrophes naturelles risquent d’augmenter dans les années à venir, accroissant la nécessité de construire des infrastructures solides face aux périls qui s’annoncent.
    Mais les conditions actuelles du Maroc ne permettent pas une telle chose. Si le Maroc est la cinquième économie du continent africain et deuxième plus grand investisseur du continent, c’est aussi le pays le plus inégalitaire d’Afrique du Nord. Les trois milliardaires les plus riches du pays réunissaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars en 2018 selon Oxfam, et l’accroissement de leur fortune en un an est égal à la consommation des 375.000 Marocains les plus pauvres sur la même période.

    Tout cela est dû à une politique économique globale tout entière offerte aux caprices du marché, notamment sous l’impact des plans d’ajustement structurel des années 70-80. À l’époque, face à la crise de la dette, les pays capitalistes développés avaient confié au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale la mission d’imposer une discipline financière stricte aux pays surendettés et notamment la privatisation d’une grande partie de l’économie, des transports entre autres.

    En 2011, le pays avait connu, comme de nombreux autres en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, une puissante vague de contestation contre le régime, le « mouvement du 20 février », face à un chômage de masse affectant particulièrement la jeunesse et une situation de désespoir socio-économique global, fruit des politiques évoqués plus haut. Le mouvement, bien que maîtrisé, continuait à alimenter un certain esprit, qui a pu se manifester à nouveau dans la région du Rif en 2016. Ces mouvements de masse étaient le signe de la volonté de larges pans de la population de lutter contre le régime dictatorial du roi Mohamed VI, soutenant avant tout les élites marocaines et impérialistes qui pillent de concert le pays au détriment de la population. Cependant, la puissance répressive du régime et le manque d’organisation politique capable de lui offrir un débouché avaient eu pour conséquence un échec du mouvement. L’esprit de contestation reste toutefois puissant au Maroc, et ce nouvel élément dramatique vient ajouter aux raisons de la colère, rendant plus nécessaire que jamais la constitution d’une organisation large des travailleurs, capable d’organiser la population autour d’un programme de rupture, afin d’investir dans les besoins sociaux vitaux de la population et de la prémunir contre de nouveaux désastres de ce genre.

  • Femme, vie, liberté ! Un an après le meurtre de Jina Amini, la lutte continue !

    Tract d’ASI et du réseau international féministe socialiste ROSA préparé à l’occasion de la manifestation de solidarité qui a lieu à Vienne ce 16 septembre

    Un an s’est écoulé depuis l’assassinat brutal de Jina Amini par la « police de la moralité », qui a déclenché l’une des vagues de protestation les plus radicales et les plus larges de l’histoire de l’Iran contre la violence, l’oppression et la dictature. Les femmes et les jeunes étaient en première ligne de ce combat. Ils et elles ont inspiré non seulement des couches plus larges de travailleuses et travailleurs en Iran, mais également des millions de femmes à travers le monde. Aujourd’hui, les forces de l’État ont désespérément intensifié leur répression pour tenter d’empêcher les masses courageuses de descendre à nouveau dans la rue. Mais malgré les arrestations, les exécutions et les intimidations, les protestations n’ont pas cessé.

    La courageuse féministe, journaliste et militante ouvrière Sepideh Qolian a décrit dans une lettre les horreurs de son emprisonnement tout en précisant : « Les échos de ‘Femme, Vie, Liberté’ peuvent être entendus même à travers les murs épais de la prison d’Evin. »

    Pas de retour en arrière possible

    Les manifestations de rue se sont poursuivies et renouvelées au Kurdistan, au Khuzestan, au Sistan et au Baluchestan. D’autre part, des travailleurs et travailleuses se sont mis en grève au printemps dernier contre la fermeture de leur entreprise. Au printemps, des grèves ont éclaté dans plus d’une centaine de lieux de travail pour exiger une augmentation des salaires. Les retraitées et retraités continuent quant à eux de protester contre les effets insupportables de la crise économique. Ce n’est qu’une question de temps avant que le mouvement révolutionnaire ne se réveille et ne proclame, à la suite de Rosa Luxemburg : « J’étais, je suis, je serai ».

    Aujourd’hui, des femmes attendent que la police de la moralité les intimide pour avoir l’occasion de riposter verbalement et physiquement. Les arrestations et intimidations de la part des forces de l’État sont désormais régulièrement suivies d’une riposte spontanée, femmes et hommes se réunissant en une foule en colère visant à empêcher l’arrestation.

    La révolte courageuse des masses, menée par des jeunes femmes et des jeunes hommes, qui a conduit l’Iran au seuil de la révolution, ne sera pas oubliée par celles-ci. Au contraire, elle sert de base à une nouvelle vague du mouvement, qui se soulève à nouveau pour exiger la libération de tous les prisonniers politiques, la fin des brutalités policières et de la répression, ainsi que le renversement de l’ensemble du régime. Les mollahs ont clairement indiqué qu’ils ne feraient aucune concession. Tous les fils de l’État et de l’économie iraniens convergent entre leurs mains et ils ne renonceront pas volontairement au pouvoir et à la richesse. Le renversement du régime brutal des mollahs ne sera possible que par la seule force des masses organisées : toutes les personnes opprimées et en particulier la classe ouvrière, qui a le pouvoir de bloquer l’ensemble de l’économie.

    Pour une action indépendante de la classe ouvrière et des personnes opprimées

    Nous avons eu un aperçu du pouvoir potentiel de la classe ouvrière, des pauvres et des personnes opprimées à prendre leur destin en main avec la lutte héroïque des travailleurs de l’usine Haft Tappeh, avec les enseignants qui se sont mis en grève, avec les travailleurs du pétrole qui sont entrés en lutte. Les masses elles-mêmes sont la seule force qui devrait décider de l’avenir du pays. L’héritier de la vieille monarchie, Reza Pahlavi, et toutes les forces qui se sont ralliées à lui et à son programme ne représentent aucunement ces masses. Ils représentent la richesse et le pouvoir de l’impérialisme, mettent à l’écart les demandes des minorités et constituent une menace pour le mouvement. Afin d’étendre et de reconstruire le mouvement, nous devons nous assurer qu’ils ne constituent pas la seule opposition organisée au régime islamique. La large alliance et la “charte” formées en février par certaines organisations indépendantes de travailleurs et d’étudiants montrent les étapes nécessaires : une action coordonnée et organisée à partir de la base sur la base d’un programme et de revendications communs.

    Construire la lutte pour la liberté de la vie des femmes dans le monde entier

    Construire une véritable solidarité internationale d’en bas avec le peuple iranien : protester dans les rues, exiger de nos syndicats qu’ils prennent position, construire des groupes de solidarité en exil et, par ce biais, résister à toute forme d’intervention impérialiste. Les classes dirigeantes et les gouvernements des pays occidentaux ont volé les ressources et entraîné toute la région dans la guerre et la destruction. La course aux profits est leur seul intérêt, que ce soit sous la forme de sanctions qui frappent principalement les plus pauvres ou sous la forme d’accords pourris avec les mollahs. Ces gouvernements parlent hypocritement de solidarité avec les femmes en Iran, alors qu’ils contrôlent eux-mêmes le corps des femmes en interdisant l’avortement, en s’attaquant aux droits des femmes et des homosexuels, ainsi qu’en appliquant des politiques racistes telles que l’interdiction du hijab.

    Nos alliés sont les masses qui protestent en Syrie contre le régime réactionnaire, les étudiants et les femmes en Afghanistan qui poursuivent héroïquement la lutte contre les Talibans. Ce sont les masses qui protestent en Israël et en Palestine contre la menace de l’extrême droite et des fondamentalistes religieux. Ce sont les jeunes et la classe ouvrière en France qui protestent contre la violence policière et le racisme, ainsi que contre les difficultés économiques et la pauvreté. Ce sont les femmes, les jeunes et la classe ouvrière du monde entier qui souffrent des formes infinies d’oppression et d’exploitation, qu’il s’agisse de la violence sexiste, des meurtres racistes commis par la police, de la guerre ou de la catastrophe climatique. Le capitalisme est un système mondial qui entraîne le monde entier dans la destruction et l’horreur, y compris la perpétuation de régimes réactionnaires comme celui de l’Iran.

    C’est pourquoi la solidarité internationale signifie qu’il faut se battre partout où l’on se trouve, afin de s’assurer que l’appel à la “liberté de vie des femmes” devienne réalité : mettre fin au sexisme, au racisme, à la queerphobie et au système qui les sous-tend. Pour exiger l’égalité totale à tous les niveaux de la société, ce qui inclut la lutte contre les super riches qui volent et exploitent les masses laborieuses, poussés par le système du profit et de l’inhumanité.

    Un reportage racontait l’histoire d’une jeune fille. Dans sa classe, elle a enlevé son hijab obligatoire et le professeur a menacé de la renvoyer de l’école pour cette raison. Lorsqu’il lui a demandé son nom, elle a répondu : « Je suis Jina Amini ». Tous les autres élèves se sont levés et ont dit : « Nous sommes aussi Jina Amini ». Cette situation n’est pas exceptionnelle, elle est devenue une lutte quotidienne contre l’une des dictatures les plus répressives au monde. Ce courage et cette solidarité nous donnent une immense inspiration pour lutter pour nos droits, pour nous organiser maintenant et pour construire une force internationale socialiste-féministe.

    Construire la lutte pour

    L’arrêt immédiat de la répression sanglante, la libération de tous les prisonniers politiques, les syndicalistes et les étudiants, la réintégration de tous les travailleurs anti-régime licenciés et la riposte contre la police, l’armée, les gardiens de la révolution et toutes les forces de l’État ;

    Élargir la lutte pour la pleine égalité et la liberté des femmes et des personnes LGBTQIA+ à tous les niveaux : Se débarrasser de toutes les lois discriminatoires et lutter contre toute forme de violence et d’oppression fondée sur le genre ;

    Construire des structures combattives et démocratiquement organisées sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers pour résister à la répression et pour discuter du programme nécessaire au mouvement ;

    Résister à toute forme d’impérialisme – États-Unis, Chine, Russie – Construire des organisations indépendantes de la classe ouvrière pour lutter en faveur d’une alternative au régime ;

    Lutter pour une démocratie réelle : construire une assemblée constituante révolutionnaire par des conseils de travailleurs, excluant toutes les forces qui ont été impliquées dans l’oppression et l’exploitation, afin de remplacer le régime par une république ouvrière socialiste démocratique avec tous les droits, y compris le droit à l’autodétermination, pour tous les groupes nationaux et ethniques.

    Construire une solidarité internationale de la classe ouvrière et des féministes socialistes : Organisez-vous avec ROSA et ASI pour aider à construire cette lutte ! Pour une lutte internationale qui remplacera le système capitaliste pourri qui alimente le racisme, le sexisme, l’impérialisme et la guerre par une société socialiste égalitaire, prospère et pacifique !

  • La lutte contre l’occupation, l’oppression et la pauvreté en Israël / Palestine

    À côté de l’escalade des raids militaires et de la répression étatique contre les Palestiniens, à laquelle répondent de courageuses manifestations, se développe parallèlement un mouvement de masse contre les projets judiciaires du gouvernement d’extrême droite israélien. Le capitalisme israélien a été étreint par une crise politique historique. Nous en avons discuté avec Nof, précédemment active au sein de la section d’Alternative Socialiste Internationale en Israël-Palestine (Le Mouvement de lutte socialiste) avant de s’installer en Europe.

    Les vidéos d’un raid policier brutal sur la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem au début du mois d’avril sont devenues virales. Dans quel contexte cela survient-il ?

    Des policiers ont brutalement frappé des fidèles pendant le ramadan. 200 personnes ont été blessées et 400 arrêtées. Cela a déclenché des manifestations dans toute la région, notamment en Turquie et en Jordanie, suivies de nouvelles attaques de la police. En réponse, des roquettes ont été tirées du Liban et de Gaza et l’armée israélienne a répondu par des bombardements intensifs. Il n’est pas encore question de guerre, mais la situation reste instable. Depuis le début de l’année, 95 Palestiniens ont été tués suite aux raids de l’armée israélienne en Cisjordanie.

    Le gouvernement et l’armée multiplient les attaques militaires et la répression en guise de mesure préventive contre la mobilisation populaire des Palestiniens. Parallèlement, deux semaines après la formation du gouvernement le plus réactionnaire de l’histoire d’Israël, celui-ci a déclenché le plus grand mouvement de protestation de la société israélienne depuis 2011, avec 250 à 300.000 manifestants sur une population de 9 millions. Une semaine avant l’escalade militaire et les bombardements à Gaza et au Liban, le pays était en proie à une grève générale historique contre le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. Ce mouvement de protestation présente des caractéristiques contradictoires, l’arme de la division nationale ne l’a pas encore traversé. Le capitalisme israélien est dans l’impasse politique.

    De quel type de mouvement s’agit-il ?

    Le gouvernement veut soumettre le pouvoir judiciaire au gouvernement : les juges de la Cour suprême seraient nommés par le gouvernement lui-même et une « clause dérogatoire » permettrait au gouvernement d’annuler les lois de type constitutionnel et tout autre arrêt de la Cour suprême.

    Les raisons de la colère concernent plus globalement les libertés individuelles et les droits démocratiques. Un ministre a déclaré travailler à l’interdiction de la Pride à Jérusalem. Les réactions vives l’ont contraint à démissionner. Une loi est prévue pour légaliser la discrimination sur base de la « foi religieuse ». Un médecin pourrait refuser de soigner un patient en raison de sa foi. Le gouvernement s’efforce aussi d’étendre l’autorité des tribunaux religieux, qui ont déjà toute autorité sur le mariage et empêchent le droit des femmes à divorcer. Le coût de la vie est un autre facteur.

    Depuis 1996, Netanyahou n’a cessé d’être au pouvoir et a souvent été très contesté. Comment est-il revenu au pouvoir et quelle est la nature du gouvernement actuel ?

    En novembre 2022 ont eu lieu les cinquièmes élections générales en moins de quatre ans. L’une des raisons est l’incapacité du parti au pouvoir, le Likoud, à constituer un gouvernement de coalition stable. Le gouvernement précédent était une coalition de 8 partis allant de l’extrême droite au « centre gauche » et comprenant également un parti arabe islamiste. Ils s’appelaient eux-mêmes le « bloc du changement », mais il s’agissait en fait d’un gouvernement de droite brutal, qui n’était pas « moins mauvais » que Netanyahou. Il a présidé au même type de raids sur la mosquée Al Aqsa que ceux que nous avons vus récemment, et à l’implantation d’encore plus de colonies israéliennes en Cisjordanie que les précédents gouvernements de Netanyahou. Sur le plan économique, il a réduit la réglementation des prix des produits de base et a augmenté l’âge de la retraite pour les femmes.

    Leurs politiques désastreuses et l’escalade des tensions nationalistes ont ouvert la voie au retour de Netanyahou. S’appuyant sur l’exacerbation des tensions nationales et sur la tactique « diviser pour régner », sur la démagogie sécuritaire et sur la rhétorique populiste contre l’élite, il a également promis un gel d’un an des prix de la taxe d’habitation, du carburant, de l’eau et de l’électricité. Il a également promis la gratuité des services de garde d’enfants de 0 à 3 ans. Néanmoins, il n’a pas augmenté ses voix de manière spectaculaire, mais les partis d’extrême droite rivaux l’ont fait. Netanyahou avait poussé les partis d’extrême droite à se présenter sur une liste commune, leur promettant des postes ministériels clés au sein de son gouvernement s’ils le faisaient. Avant cela, les partis d’extrême droite n’avaient pas obtenu suffisamment de voix pour franchir le seuil depuis plus d’une décennie.

    Netanyahou a remporté une courte majorité avec moins de 50 % des voix et a pu former une coalition avec l’extrême droite, ce qui a entraîné une intensification de la répression et des mesures autoritaires. Mais le mouvement social actuel et l’affaiblissement du gouvernement montrent que la crise politique ne fait que s’aggraver. Aucun des partis capitalistes n’a de solution aux crises du coût de la vie et du logement ainsi qu’à l’escalade du conflit national nourri par les colonies, l’occupation, le siège de Gaza et la pauvreté.

    Peux-tu nous en dire plus sur le caractère du mouvement ?

    Les manifestants forment un mélange très hétérogène. Dans des villes comme Haïfa, Jérusalem, Be’er Sheva, il y a eu les plus grandes manifestations de leur histoire. Il y a eu des grèves étudiantes et des rassemblements organisés par le personnel de la santé. Le plus important, c’est que les travailleurs ont réussi à pousser Histadrout, la plus grande fédération syndicale, à entamer une grève générale, bien que les grèves politiques soient illégales en Israël.

    Il est toutefois significatif qu’une aile de la classe dirigeante se soit jointe à l’appel à la grève. D’anciens généraux, des politiciens pro-capitalistes de la prétendue « opposition » et des PDG d’entreprises ont pris part au mouvement et essayent de le dévier. C’est une illustration des divisions au sein de l’État israélien, mais leur principale préoccupation est la stabilité car les mesures du gouvernement compliquent leurs liens avec l’impérialisme américain. 

    Le gouvernement est affaibli, mais le mouvement a lui aussi fait preuve de faiblesse en ne rejetant pas ces personnalités. La direction du mouvement tente de faire taire toute contestation de l’occupation des territoires palestiniens, mais l’assaut de centaines de colons d’extrême droite sur le village de Huwara a provoqué une réaction parmi les citoyens israéliens. Alors que des policiers arrêtaient des manifestants, ceux-ci ont crié : Où étiez-vous à Huwara ?

    Nos camarades en Israël-Palestine interviennent avec un programme qui unit les diverses communautés de la classe ouvrière en faveur de l’expansion de la lutte pour la démocratie et avec des slogans comme « Pas de compromis avec les attaques contre les droits des femmes et des LGBTQ+ !, Pas de compromis avec le piétinement de nos droits !, Pas de compromis avec la domination du capital et l’occupation ! »

    Quel a été l’impact de la grève ?

    Plus d’un million de personnes ont participé à la grève. Après une journée, Netanyahou a annoncé le report de son projet judiciaire à l’été. La grève a alors pris fin. Mais les projets de formation d’une nouvelle « garde nationale » sous le contrôle du ministre ultra-nationaliste Ben Gvir (une milice privée d’extrême droite) n’ont pas été annulés.

    Il est clair que cette grève politique illégale sans précédent devrait être suivie de la préparation d’une autre, et de nombreux manifestants sont déterminés à poursuivre la lutte jusqu’à ce que la législation soit annulée. Malgré son caractère interclassiste, cette grève a eu un impact énorme sur la conscience des travailleurs et des jeunes, démontrant la force de la classe ouvrière organisée.

  • Il y a 20 ans… La guerre en Irak

    En mars 2003, les États-Unis ont lancé la deuxième guerre du Golfe contre le dictateur Saddam Hussein. Après l’effondrement des états staliniens à la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’impérialisme américain était devenu la seule puissance mondiale. Ses dépenses militaires dépassaient celles de tous les autres pays développés réunis. En Chine, la mutation de l’économie vers le capitalisme battait son plein. Mais le pays était encore loin d’être le challenger direct de la puissance américaine qu’il est aujourd’hui dans de nombreux domaines : économiquement, en termes de savoir-faire technologique, diplomatiquement et militairement.

    Par Peter Delsing

    https://fr.socialisme.be/60278/guerre-et-capitalisme-les-marxistes-ont-une-alternative

    Les États-Unis estimaient pouvoir inaugurer une ère de domination militaire et politique inégalée après la chute des États ouvriers bureaucratiquement dégénérés (URSS) et déformés (Europe de l’Est et centrale). Leurs idéologues avaient proclamé la «fin de l’histoire» après la chute du prétendu «communisme» incarné par les dictatures staliniennes. Politiquement, la démocratie bourgeoise allait devenir la norme incontestée. Sur le plan économique, les lois du marché et la mondialisation – sous l’impulsion des multinationales délocalisatrices – donneraient désormais le ton.

    Mais les fissures étaient déjà visibles dans cette représentation triomphaliste du capitalisme. La désindustrialisation laissait derrière elle une friche sociale en divers endroits de l’Occident tandis que le démantèlement néolibéral des salaires et des conditions de travail discréditait les politiques traditionnelles. Dans le monde néocolonial – économiquement dominé par les pays capitalistes développés – la pauvreté et la dégradation sociale continuaient à se répandre de manière effrayante. En l’absence de partis combatifs de masse des travailleurs et des opprimés, cela a notamment conduit à la percée du fondamentalisme islamique.

    L’un de ces mouvements, Al-Qaida, dirigée par Oussama Ben Laden, avait été initialement soutenu par les États-Unis dans sa lutte armée contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Al-Qaida a aussi commencé à viser des cibles américaines dans les années 1990 et s’en est prise aussi aux régimes islamiques acquis à l’impérialisme américain, comme l’Arabie saoudite. Après les attentats terroristes, revendiqués par Al-Qaïda, du 11 septembre 2001 aux États-Unis – qui ont fait près de 3.000 morts lors des horribles attentats suicides contre le World Trade Center et le Pentagone – la classe dirigeante américaine a voulu se venger.

    Le régime fondamentaliste des talibans en Afghanistan, qui abritait Al-Qaïda, n’était pas le seul visé. L’aile néoconservatrice des Républicains, sous la direction du président Bush junior, couvait également un plan de « guerres préventives » contre une série de régimes hostiles au Moyen-Orient, riche en pétrole. Le régime Baas de Saddam Hussein en Irak s’est immédiatement retrouvé en ligne de mire.

    Saddam Hussein: du dictateur allié au paria honni

    L’impérialisme américain a appliqué à Saddam Hussein le principe cynique «l’ennemi de mon ennemi est mon ami». L’Irak avait constitué un allié des États-Unis contre l’Iran, voisin fondamentaliste, dans les années 1980. Le fait que l’Irak était une dictature où la torture et le meurtre étaient quotidiens n’était qu’un détail négligeable pour les stratèges de Washington..

    Pendant la guerre Irak-Iran, de 1980 à 1988, des entreprises britanniques et américaines ont fourni des armes à Saddam, en contournant l’embargo décrété par les Nations unies. L’administration Reagan a empêché le Sénat américain de condamner l’Irak pour avoir utilisé des gaz toxiques contre des soldats iraniens. En 1988, Saddam a également attaqué le village kurde de Halabja au gaz. 5.000 Kurdes, femmes et enfants, ont perdu la vie. L’ancien ministre de la Défense britannique de Thatcher, Alan Clark, a par la suite déclaré dans un documentaire de la BBC : « Il faut peser le risque de la coopération avec un dictateur au regard des avantages économiques. »

    Le 2 août 1990, Saddam a envahi le Koweït, pays voisin et État pétrolier. Ce dernier avait refusé de limiter la production de pétrole pour maintenir les prix élevés. La valeur des exportations de pétrole irakien était donc tombée de 26 milliards de dollars en 1980 à 14 milliards de dollars en 1989. Avec l’invasion du Koweït, Saddam a toutefois mal calculé son importance. Une coalition impérialiste, dirigée par les États-Unis, a lancé la première guerre du Golfe avec l’opération Tempête du désert. L’intervention armée ne reposait pas seulement sur des bombardements aériens à la précision relative. Outre les cibles militaires, l’impérialisme américain a délibérément détruit les réseaux électriques et de transport de l’Irak. L’opération n’est pas sans rappeler les attaques barbares de Poutine contre les infrastructures vitales ukrainiennes aujourd’hui.

    100.000 Irakiens ont péri durant l’offensive terrestre. Mais l’impérialisme américain n’avait en main aucune alternative pour remplacer Saddam et il redoutait que le soulèvement des Kurdes en Irak déborde sur la Turquie voisine, alliée des États-Unis. De l’autre côté, un éventuel soulèvement de la majorité chiite (65% de la population irakienne) pouvait potentiellement faire le jeu de l’Iran fondamentaliste. Les États-Unis ont donc finalement laissé Saddam au pouvoir sous le régime meurtrier d’un embargo commercial des Nations unies qui allait coûter la vie à entre 400.000 et 500.000 enfants irakiens.

    2003 : un mouvement antiguerre historique

    Après la victoire obtenue en Afghanistan en 2001, l’administration Bush se berçait de l’illusion qu’elle était en mesure de renverser une série de régimes hostiles au Moyen-Orient, ce que les populations auraient simplement avalé au nom de la «démocratie». Les plus grands bailleurs de fonds de Bush, les multinationales pétrolières, salivaient à l’idée de contrôler la richesse pétrolière de l’Irak. Le bras droit de Bush, le vice-président Dick Cheney, disposait des parts dans l’entreprise de défense Halliburton qui se frottait les mains à l’idée de la «guerre permanente» que les néoconservateurs recherchaient. Les mensonges autour des armes de destruction massive en Irak et des liens avec Al-Qaïda étaient censés préparer l’opinion publique à une guerre sanglante.

    Cette course aveugle vers un conflit déstabilisant et sanglant a provoqué un large mouvement antiguerre mondial. Le 15 février 2003, une journée d’action internationale a réuni 15 millions de participants à travers le monde. Un million de Britanniques, par exemple, ont manifesté contre le soutien du gouvernement Blair à l’invasion de l’Irak. À Bruxelles, 100.000 personnes ont manifesté. Le PSL et EGA ont organisé des comités antiguerre et ont appelé à des manifestations de masse le « jour X », le jour où la guerre était censée éclater. Ce jour-là, de grandes grèves lycéennes et étudiantes ont eu lieu dans le pays, suivies de manifestations antiguerre dans la soirée avec des milliers de participants.

    Les manifestations internationales ont contribué à poser les bases d’une tendance ultérieure : l’internationalisation rapide de la contestation, comme avec le mouvement féministe international dans les années 2010 et les manifestations de Black Lives Matter. Ces mobilisations étaient un formidable enthousiasme, mais pour arrêter une guerre, sortir en masse dans la rue est insuffisant. Il manquait des outils politiques de masse pour que la classe ouvrière puisse enclencher une résistance d’un ordre supérieur.

    Un parti anticapitaliste et socialiste de masse avec une réelle implantation aurait pu populariser un appel à la grève générale contre la guerre. Un tel parti, à notre avis, aurait dû lier cet appel à un programme concret répondant aux conséquences économiques de la guerre – par exemple sur les prix du pétrole – par des revendications sociales. L’absence de ce type de parti de lutte – sans même parler de partis révolutionnaires – a permis aux faucons d’ignorer les manifestations antiguerre et de lancer l’invasion de l’Irak.

    L’invasion a conduit à la destruction du régime Baas de Saddam. Ce dernier a été en fin de compte exécuté. Si l’impérialisme américain et ses alliés ont pu nommer une «autorité provisoire» sur les décombres de l’invasion, celle-ci n’a apporté aucune stabilité. Une guerre civile entre factions chiites et sunnites a éclaté. La résistance à un gouvernement au service de l’impérialisme s’est poursuivie pendant des années. Les États-Unis ont augmenté leur présence militaire jusqu’à 170.000 soldats en quelques années.

    L’instabilité persistante en Irak a démontré à quel point le projet des néoconservateurs n’était qu’un fantasme. Le peuple irakien avait déjà enduré des années d’embargo désastreux, de bombardements aériens, de réduction des services de base… Sa méfiance envers l’impérialisme n’a fait que se renforcer.

    En 2011, Obama a retiré les dernières troupes américaines du pays, sans pour cela améliorer la stabilité. Sur base de la soumission à l’impérialisme, les masses laborieuses et opprimées ne pouvaient pas se libérer. Une lutte de masse est nécessaire, couplée à la construction de partis de masse révolutionnaires, pour arracher le contrôle des ressources de la région et les placer sous gestion démocratiquement planifiée.

    Une véritable libération ne peut résulter, obligatoirement, qu’à une rupture avec le capitalisme et l’impérialisme, à la nationalisation démocratique des propriétés foncières et des secteurs clés, à l’élection de comités de base sur les lieux de travail, avec des élus soumis à la révocation et dont le salaire ne dépasse pas celui des travailleurs…

    Dans le passé, des partis « communistes » (staliniens) existaient en Irak, en Syrie, au Liban… Ils ont adhéré à la stratégie conservatrice et perfide du Front populaire et des « deux étapes », apportant leur soutien aux forces bourgeoises locales prétendument « anti-impérialistes ». Cela a joué un rôle central dans l’échec de soulèvements et de révolutions en Irak en 1958 ou encore en Iran 1979. D’importantes leçons doivent en être tirées concernant l’importance de l’indépendance de classe et la nécessité de ne pas ajourner le combat pour le socialisme, afin de construire de nouvelles forces marxistes dans les mouvements de masse à venir.

  • Tunisie : Halte à la campagne raciste du président Saïed !

    Luttons tous ensemble contre les attaques incessantes contre les conditions de vie des travailleurs et des pauvres

    Déclaration conjointe de Tayaar al’Amael al’Qaaedi et de Militant-CI (groupes d’ASI en Tunisie et en Côte d’Ivoire)

    Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed a lancé une diatribe publique raciste contre les ressortissants d’Afrique subsaharienne, appelant à des “mesures urgentes” à leur encontre, et les décrivant comme une source de “violences, de crimes et d’actes inacceptables”. Il a fait valoir que des “hordes” [“jahafil” en arabe, un terme utilisé pour les criquets] de migrants menaçaient “l’identité arabe et islamique” de la Tunisie et l’équilibre démographique du pays – faisant ainsi écho à la théorie du complot du “grand remplacement” utilisée par les forces d’extrême-droite en Europe et en Amérique du Nord pour s’en prendre aux personnes non-blanches. Sans surprise, Saïed a immédiatement reçu l’approbation de ces mêmes cercles d’extrême-droite, qui l’ont salué comme un allié dans leur campagne contre l’immigration transméditerranéenne, tel que le démagogue raciste français Eric Zemmour.

    Selon les chiffres officiels, il y a plus de 21.000 Africains subsahariens en Tunisie, principalement originaires de pays d’Afrique de l’Ouest comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Cameroun et la Guinée. Certains sont des migrants sans-papiers, survivant souvent en travaillant de manière informelle dans des conditions de précarité et d’exploitation extrêmes. En raison de sa proximité avec les côtes italiennes, la Tunisie est une voie de transit importante pour ceux qui tentent de rassembler suffisamment d’argent pour risquer le dangereux voyage pour atteindre la “Forteresse Europe”. Mais il y a aussi de nombreux Africains subsahariens titulaires de visas étudiants dans les universités tunisiennes, ainsi que d’autres permis légaux.

    Le discours incendiaire du président tunisien a provoqué une importante réaction raciste contre les Noirs toute catégorie – y compris contre les Tunisiens noirs et à la peau plus foncée, qui sont pour la plupart originaires des régions marginalisées du sud et de l’intérieur et souffrent de discrimination de longue date. Déjà quelques semaines avant la déclaration présidentielle, une vague d’arrestations policières et de détentions arbitraires d’Africains subsahariens avait eu lieu. L’Union des Ivoiriens de Tunisie a documenté environ 300 arrestations de personnes subsahariennes, pour la plupart des Ivoiriens, entre le 10 et le 15 février.

    Depuis, cependant, la situation a pris un tournant pour le pire. Une vague d’attaques violentes s’est répandue à travers le pays (souvent avec l’approbation tacite sinon l’implication active des forces de l’État) qui a inclus des cas de viol, des attaques à mains armées en plein jour, ainsi que le meurtre d’un Africain noir dans la ville de Sfax, au centre-est du pays. Selon Avocats Sans Frontières, environ 800 Africains subsahariens ont été arrêtés en Tunisie depuis le discours de Saïed, y compris certains étudiants avec des permis de séjour parfaitement conformes. Des familles entières, y compris de jeunes enfants et des femmes enceintes, ont été jetées à la rue, expulsées des maisons ou appartements qu’elles louaient, tandis que de nombreux migrants noirs ont été licenciés de leur emploi, car la plupart des propriétaires et des patrons s’alignent effectivement sur la nouvelle politique de l’État, ne voulant pas courir le risque d’amendes ou de peines de prison pour avoir employé ou loué à des ressortissants d’Afrique subsaharienne. Beaucoup de ces personnes végètent désormais dans les rues tunisiennes, encore plus exposées qu’avant aux agressions physiques ou au harcèlement policier. Pour celles qui ont encore un toit au-dessus de leur tête, elles vivent maintenant sous la peur constante et sous un couvre-feu auto-imposé, certaines ayant même peur de sortir pour se nourrir.

    Des centaines de migrants noirs africains ont fui le pays au cours des dernières semaines, et beaucoup d’autres se sont inscrits auprès de leurs ambassades pour être rapatriés. La semaine dernière, quatorze personnes originaires d’Afrique subsaharienne se sont noyées dans la mer Méditerranée, alors qu’un nombre croissant d’entre elles tentent de quitter le pays par tous les moyens. Les garde-côtes tunisiens ont déclaré que leur personnel avait secouru 435 migrants dans la nuit de mercredi à jeudi, presque tous en provenance de pays d’Afrique subsaharienne.

    Bouc émissaire et division

    L’économie tunisienne traverse une crise majeure: l’État est au bord de la faillite, les travailleurs du secteur public sont régulièrement confrontés à des retards de paiement de salaires, l’inflation frôle les 10%, le chômage touche un quart des jeunes, les services publics s’effondrent et la pénurie de biens essentiels tels que le sucre, le café et le lait se multiplient. Tout en s’accaparant de plus en plus de pouvoir et en élargissant une répression étatique frénétique contre les dissidents, le régime de Kaïs Saïed n’a rien fait pour résoudre ces problèmes, et son discours populiste s’est révélé aussi vide qu’un puits tari; en conséquence, sa popularité s’est effondrée. Cela s’est illustré de manière flagrante lors des récentes élections législatives, qui ont enregistré des niveaux de participation historiquement bas, à 8,8 % et 11 % respectivement pour les premier et second tours – bien loin de la victoire écrasante du même Saïed en octobre 2019.

    Alors que son gouvernement a cherché désespérément à obtenir de nouveaux prêts du Fonds Monétaire International impliquant une austérité de masse (s’attaquer aux subventions sur les produits alimentaires, privatiser davantage, réduire les dépenses publiques…), il fait de plus en plus face à la colère de la classe ouvrière. Cela a forcé la direction de l’UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisiens) à passer d’une étape de soutien critique au régime à une étape de confrontation plus ouverte, surtout après que Saïed ait ordonné l’arrestation du secrétaire général du syndicat des travailleurs des autoroutes et l’expulsion d’un haut responsable syndical européen pour “ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie” le mois dernier.

    Les attaques racistes de Saïed doivent être vues dans ce contexte plus large : il s’agit d’une tentative de faire d’un segment particulièrement vulnérable de la population un bouc émissaire pour les échecs abjects de son propre régime, et de détourner l’attention des travailleurs et des pauvres de son rôle d’architecte en chef de la catastrophe sociale, économique et politique que traverse le pays actuellement. L’hypocrisie règne: alors que son administration est de connivence avec de riches créanciers et des institutions étrangères prédatrices pour saigner le pays à blanc, le président s’en prend aux pauvres communautés noires et africaines subsahariennes, tout en brandissant constamment l’argument douteux de “complots étrangers” pour neutraliser ses adversaires. Cette rhétorique contredit également la rhétorique “panafricaine” exprimée en d’autres occasions par le même Saïed, comme lors du sommet Union européenne – Union africaine de février 2022, où il avait affirmé que “l’Afrique appartient aux Africains”. Ces zigzags montrent que son régime est en crise et chancelle comme un homme ivre sans objectifs politiques cohérents, s’appuyant sur tout ce qu’il peut trouver pour servir ses intérêts du moment.

    Ceci dit, le torrent d’attaques racistes encouragé par le chef de l’État ne fera rien pour enrayer la spirale vers le bas des conditions de vie et de travail des masses, ni pour pallier au manque criant d’emplois pour les jeunes, tout au contraire. Le racisme est un outil qui déchire la solidarité ouvrière, dont seuls le pouvoir et les classes possédantes peuvent bénéficier. En nous divisant sur des bases raciales, le poison raciste affaiblit notre résistance contre nos véritables ennemis : les patrons et les marchands de sommeil qui profitent des sans-papiers pour augmenter leurs profits, le gouvernement qui écrase méthodiquement nos droits, et les institutions impérialistes qui dictent une austérité à plein régime malgré l’échec retentissant et répété de ces politiques à apporter autre chose que plus de chômage, de faim et d’inégalités.

    Réactions

    Aujourd’hui, ces institutions, comme le FMI et la Banque Mondiale, feignent de s’indigner des récentes déclarations racistes du président tunisien. Pourtant leurs politiques, en semant la dévastation sociale à une large échelle, en Tunisie comme sur tout le continent, font partie intégrante du cocktail de raisons qui poussent de nombreux Africains subsahariens à chercher une meilleure vie ailleurs. En Tunisie, ce sont les mêmes politiques qui, en réduisant les moyens de subsistance matériels de la population, ont permis aux idées et aux partis d’extrême droite de commencer à trouver une audience – des forces telles que le “Parti nationaliste tunisien” dont la thèse principale, aujourd’hui reprise sans vergogne par Kaïs Saïed lui-même, repose sur la dénonciation d’un supposé complot visant à “noircir” et “coloniser” les populations d’Afrique du Nord et à leur voler leurs emplois. Le Parti nationaliste a mené une campagne de plus en plus bruyante pour expulser les migrants sans-papiers d’origine subsaharienne, et certaines figures de ce parti ont fait plusieurs apparitions publiques en compagnie de responsables du régime ces derniers mois.

    Du côté des ambassades et des gouvernements occidentaux, le silence semble d’application en ce qui concerne l’escalade raciste du régime de Saïed. Ce n’est pas très surprenant ; l’Union Européenne s’appuie depuis longtemps sur les États d’Afrique du Nord comme tampon contre l’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne, elle est donc prête à détourner le regard – de la même manière qu’elle détourne le regard lorsque des gardes-frontières marocains massacrent des dizaines de migrants Africains tentant de traverser la frontière de Melilla, comme cela s’est passé l’an dernier, ou lorsque que des milliers d’entre eux sont régulièrement torturés ou réduits en esclavage en Libye par des milices brutales. Après tout, les gouvernements européens adoptent un traitement raciste similaire vis-à-vis de “leurs” populations immigrées, réfugiés et demandeurs d’asile. En Europe, les Tunisiens subissent régulièrement des discriminations racistes, un phénomène que le discours de droite de Saïed contribue à légitimer. 

    Mais en réalité, il y a plus qu’un simple haussement d’épaules de la part des autorités européennes. La vague de répression raciste en Tunisie est étroitement inspirée de la politique d’externalisation des contrôles migratoires de l’UE. L’Italie, en particulier, a fourni aux gouvernements tunisiens successifs un important soutien financier à cet effet. Rien qu’entre 2011 et 2022, l’État italien a accordé à la Tunisie plus de 47 millions d’euros pour le contrôle des frontières, dont une grande partie a été dépensée pour envoyer des bateaux aux garde-côtes tunisiens.

    Le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, arrivé au pouvoir en Italie en octobre dernier, a renforcé cette collaboration. Le 27 février, le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a félicité Saïed pour sa récente campagne raciste : “Le gouvernement italien est en première ligne pour soutenir la Tunisie dans les activités de contrôle des frontières”. Deux jours plus tard, Meloni elle-même a eu un appel téléphonique chaleureux avec la Première ministre tunisienne Najla Bouden, au cours duquel elle a confirmé la “volonté de l’Italie de continuer à soutenir financièrement la Tunisie, avec l’Union européenne, ainsi qu’auprès des institutions financières internationales”. Depuis lors, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait l’éloge de la politique migratoire de l’Italie et s’est engagée à soutenir davantage les “capacités de gestion migratioires” en Afrique du Nord – des indications claires que la répression raciste de Kaïs Saïed n’est en rien une anomalie, mais s’inscrit dans un contexte systémique de politiques approuvées par les classes dirigeantes européennes.

    Pendant ce temps, en Côte d’Ivoire, le gouvernement essaie d’instrumentaliser cette crise pour se profiler comme les “dirigeants capables” à travers une médiatisation à outrance des rapatriements d’Ivoiriens, avec visites régulières en grande pompe par des représentants gouvernementaux dans les centres où ces personnes sont reçues. Sans chercher à mettre en avant ce qui a poussé ces personnes à chercher refuge en Tunisie, le gouvernement ivoirien joue maintenant les bons samaritains, affirmant que “l’État mettra tout en œuvre afin que tous nos compatriotes puissent regagner leur pays”. Ainsi le ministère de la jeunesse prétend s’atteler à leur intégration professionnelle progressive, avec une somme de 160 mille Francs CFA remise à chacun. Bien sûr, nous soutenons pleinement des mesures de compensation et de soutien public dignes envers toutes les personnes rapatriées – surtout que 80% d’entre elles venaient des zones rurales où elles ont vendu tous leurs biens. Cependant, il est ironique de constater que le gouvernement semble subitement capable de trouver de l’emploi à des personnes initialement forcées de quitter la Côte d’Ivoire car elles n’en avaient pas. 

    Par ailleurs, certaines voix s’élèvent maintenant pour préconiser la chasse aux Tunisiens qui vivent en Côte d’Ivoire. Nous nous opposons fermement à toute forme de représailles collectives de ce type à l’égard de personnes dont certaines ont fui la Tunisie précisément à cause des politiques de Saïed. Pas plus qu’ailleurs, les masses laborieuses et les pauvres de Côte d’Ivoire n’ont à gagner de politiques de “préférence autochtone”, dont elles ont déjà payé un prix lourd par le passé.   

    Des campagnes de boycott des produits tunisiens ont également été lancées au Sénégal, au Mali et dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne, tandis que le porte-parole des commerçants guinéens a annoncé le 2 mars la suspension des importations de marchandises tunisiennes. Des “listes noires” de produits alimentaires tunisiens tels que le couscous, les dattes et l’huile d’olive sont partagées sur les réseaux sociaux. Si beaucoup de gens soutiennent de tels boycotts de consommateurs, pensant légitimement que “quelque chose doit être fait” contre le déchaînement raciste de l’État tunisien, force est de constater que ces boycotts ne mènent en général pas à grand chose. Ils peuvent même sans le vouloir donner un argument au régime tunisien pour attiser davantage les sentiments nationalistes, et au sein des entreprises visées, c’est sur le dos des salariés plutôt que sur celui des patrons que les conséquences de l’annulation des commandes se déchargeront.

    Une blessure à l’un est une blessure à tous ! Mettons fin au racisme et à la pauvreté par l’action de masse 

    Fait encourageant, la récente vague de racisme a aussi suscité des gestes de solidarité et des manifestations dans plusieurs régions de la Tunisie. Fin février, une marche, surtout de jeunes, a rassemblé plusieurs milliers de personnes dans le centre-ville de Tunis scandant des slogans tels que “Pas de peur, pas de terreur, la rue appartient au peuple”, “Le peuple veut la justice sociale” et “Solidarité avec tous les sans-papiers”. Des campagnes de financement participatif ont également été lancées sur les réseaux sociaux pour soutenir les migrants subsahariens avec de la nourriture, des médicaments, des endroits pour se loger etc. Lors de récentes manifestations syndicales pour protester contre les récentes attaques du gouvernement Saïed contre l’UGTT et contre les atteintes au droit de grève, beaucoup de travailleurs et de travailleuses exprimaient également leur dégoût de son tournant raciste, ayant bien compris le lien intime qui existe entre les deux.

    Il est clair que cette indignation publique a été un facteur à l’origine des “nouvelles mesures” annoncées le 5 mars par les autorités tunisiennes, lesquelles suggèrent, en surface, une certaine forme de volte-face (elles incluent entre autres la délivrance de permis de séjour d’un an aux étudiants de “pays africains frères”, l’extension des permis de séjour de trois à six mois, et l’augmentation de l’assistance sanitaire et sociale aux migrants). Celles-ci visent cependant principalement à atténuer les critiques; aucune garantie n’existe quant à leur mise en œuvre et sur le terrain, les attaques racistes et le harcèlement par les forces de l’État se poursuivent.

    Les protestations que nous avons vues jusqu’à présent ne sont qu’une petite expression de la colère qui grandit rapidement dans la société. Nul doute que beaucoup d’autres se sentent pour le moment intimidés à l’idée de protester ouvertement dans la rue, à cause du climat de peur et de répression que le régime tente d’installer. Avec son vaste réseau de membres et de sympathisants à travers tout le pays, l’UGTT doit peser de tout son poids dans la lutte contre la campagne raciste actuelle, et soutenir et aider à organiser l’une des sections les plus marginalisées, les plus pauvres et les plus exposées de notre classe. Cette contre-attaque doit être liée à un plan de mobilisation de masse, sérieux et bien préparé, ciblant également l’agenda économique néolibéral du régime de Saïed et sa croisade autocratique implacable contre les droits démocratiques et sociaux.

    Les partisans d’ASI en Tunisie et en Côte d’Ivoire sont pleinement solidaires de toutes les victimes de la violence encouragée par l’État tunisien contre les Africains subsahariens et les citoyens tunisiens noirs. Alors que la résurgence de groupes et de revendications portant sur les droits des Noirs en Tunisie après la révolution de 2011 était un élément progressiste, représentant l’éruption d’un problème trop longtemps étouffé, la démagogie raciste de Saïed, comme tous les autres aspects de son programme, représente la contre-révolution et doit être consciemment, énergiquement et urgemment résistée en tant que telle.

    Nous appelons tous les syndicats, les organisations communautaires et  étudiantes, les groupes de défense des droits des migrants et les jeunes à l’action commune – dans la rue, sur les lieux d’études et les lieux de travail – contre le racisme et toute forme de divisions, contre les descentes de police visant les migrants, pour la libération de toutes les personnes en détention arbitraire et la régularisation de tous les sans-papiers ; mais aussi pour des emplois de qualité et bien rémunérés pour tous et toutes, des logements décents aux loyers abordables, la fin des politiques d’austérité, la libération de tous les dissidents politiques et la défense de tous les droits démocratiques contre le spectre de plus en plus réel d’un retour à une nouvelle dictature. 

    La logique capitaliste nous jette tous dans une lutte fratricide pour les miettes, tandis que nos vies, notre travail et nos ressources naturelles sont monopolisés par un petit groupe de banques, d’entreprises et d’institutions néocoloniales qui accumulent une quantité monstrueuse de richesses pour elles-mêmes. Dans ces conditions, aussi louables et importantes soient-ils, même les efforts de solidarité matérielle envers les migrants et les réfugiés s’essouffleront s’ils ne sont pas combinés à une lutte politique visant à remettre en cause la “fabrique d’inégalités” qu’est le capitalisme, et à reprendre le contrôle et la propriété collectifs sur les secteurs dominants de l’économie. C’est ce qui est arrivé, par exemple, à la vague initialement remarquable de solidarité qui avait surgi en Tunisie en 2011 avec les dizaines de milliers de réfugiés libyens fuyant la guerre et la répression du régime de Kadhafi à l’époque.

    C’est pourquoi dans tout mouvement de ce type, en tant qu’ASI, nous défendrons un programme socialiste et internationaliste, un programme qui se tient sans compromis aux côtés des travailleurs et des opprimés quel que soit leur lieu d’origine ou la couleur de leur peau, contre le capitalisme mondial qui s’efforce d’accroître la violence, l’exploitation, la peur et la division pour prolonger son existence.

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