Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Turquie/Syrie/Kurdistan. Le destin n’a rien à voir avec ça

    Erdoğan a imputé au «plan du destin» l’ampleur de la catastrophe. Bien que les séismes de lundi aient été les plus puissants dans la région depuis 1939, l’ampleur des destructions humaines et matérielles n’a rien à voir avec le destin, ni avec la nature.

    Par Serge Jordan

    Des bâtiments à plusieurs étages côtoient des bâtiments pulvérisés. Un père tenant la main de sa fille morte, alors que son corps, encore allongé sur son matelas, est coincé entre des couches de béton. De jeunes enfants sous la pluie froide pleurant leurs parents disparus. Des survivants désespérés fouillant les décombres à mains nues à la recherche de signes de vie. Les scènes des conséquences des tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,6 qui ont frappé de larges pans de la Turquie, de la Syrie et du Kurdistan au petit matin de lundi, aggravées par des centaines de répliques, sont déchirantes.

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de morts a déjà dépassé les 21.000 et augmente chaque seconde. Le bilan final risque d’être bien plus lourd, car des dizaines de milliers de personnes sont toujours portées disparues, piégées sous les décombres, et le délai pour les retrouver vivantes se rapproche. Les zones touchées en Syrie étant pour la plupart des zones de guerre partagées entre le régime de Bachar el-Assad, des groupes armés islamistes comme Hayat Tahrir al Sham, et certaines enclaves kurdes, le bilan officiel des victimes du côté syrien est également approximatif.

    Des dizaines de milliers de personnes ont été blessées et des millions d’autres se sont retrouvées sans domicile pour tenter de survivre dans des températures hivernales négatives, souvent sans accès à l’électricité, au gaz, à l’eau potable ou à la nourriture. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que pas moins de 23 millions de personnes ont été directement touchées par les tremblements de terre. Cela inclut des millions de réfugiés syriens qui ont très souvent vécu dans des conditions de logement exiguës dans les zones de la Turquie frappées par le tremblement de terre, après avoir été contraints de fuir leurs maisons en quête de sécurité.

    Outre le chagrin et le désespoir, la colère monte contre les autorités des deux côtés de la frontière pour leur responsabilité et leur réaction effroyable à la catastrophe. «Tout le monde est de plus en plus en colère», explique un habitant de Sarmada, une ville de la province syrienne d’Idlib, où les gens ont été abandonnés à leur sort. Dans la plupart des régions de Turquie, aucune équipe de secours n’est arrivée au cours des premières 24 heures critiques après les tremblements de terre. Dans certaines régions, cela semblait encore être le cas trois jours plus tard. «Les gens se sont révoltés (le mardi) matin. La police a dû intervenir», a raconté un survivant de 61 ans de la ville turque de Gaziantep, cité par l’agence de presse AFP. Des manifestations de victimes du séisme ont depuis été signalées dans certaines localités très touchées, comme à Adıyaman et à Ordu.

    Le président du pays, Recep Tayyip Erdoğan, a imputé les retards aux routes et aux aéroports endommagés, mais cela ne sert qu’à masquer la culpabilité de son régime dans cette situation. L’aéroport de Hatay, dont la piste a été scindée en deux et rendue inutilisable par les tremblements de terre, a été construit dans la plaine d’Amik, une zone tectoniquement active, en dépit des avertissements répétés des militants écologistes et des protestations de la population locale.

    Après le tremblement de terre massif qui a frappé le nord-ouest de la Turquie en 1999, une «taxe sur les tremblements de terre» a été introduite, prétendument pour développer la prévention des catastrophes et les services d’urgence et éviter des tragédies similaires à l’avenir. Mais personne ne sait vraiment où est allé cet argent, et malgré les efforts inlassables des secouristes, il est évident que l’État lui-même était terriblement mal préparé, bien que la région soit un candidat de choix pour des événements sismiques de ce type. La question «Où est l’État ?» est sur les lèvres de beaucoup de gens, car les communautés dévastées, qui vivent déjà dans certaines des régions les plus pauvres du pays, ont été laissées en difficulté sans équipement ou soutien correct. Pour ajouter l’insulte à l’injure, les personnes bénévoles, les organisations de la société civile, les groupes d’aide et l’assistance des villes dirigées par l’opposition ont également été empêchés de participer aux efforts de sauvetage en raison des obstacles bureaucratiques que leur ont imposés les responsables du gouvernement AKP.

    Erdoğan a depuis reconnu qu’il y avait eu des «lacunes» dans les étapes initiales de la réponse, ajoutant que la situation était maintenant «sous contrôle». Mais c’est précisément dans les phases initiales que la plupart des vies auraient pu être sauvées si une préparation et une planification appropriées, ainsi que des ressources adéquates, avaient été mises en place.

    Le profit des entreprises au cœur du problème

    «Dans l’étude des géorisques, nous avons un dicton qui dit que les tremblements de terre ne tuent pas vraiment les gens, ce sont les bâtiments qui le font», a déclaré Carmia Schoeman, titulaire d’une maîtrise en géologie des glissements de terrain et membre du WASP (section d’ASI en Afrique du Sud). Elle explique : «Bien que de grands tremblements de terre soient attendus dans cette région en raison de sa situation géologique sur le système de failles anatolien, l’ampleur de la tragédie que ces événements provoquent est presque entièrement due à l’homme. Depuis plusieurs décennies, la science et la technologie permettent non seulement de prédire les zones les plus touchées par de tels événements, mais aussi de minimiser les dommages causés grâce à la construction de bâtiments antisismiques».

    Les experts s’accordent en effet pour dire que des bâtiments correctement construits auraient été capables de résister au choc. Selon David Alexander, professeur de planification et de gestion des urgences à l’University College de Londres «sur les milliers de bâtiments qui se sont effondrés, la quasi-totalité ne répondait à aucun code de construction parasismique raisonnablement attendu.»

    Après la catastrophe de 1999, la Turquie a introduit de nouvelles règles de construction pour les zones sismiques. Mais ces réglementations ont été, au mieux, très peu appliquées, au pire, totalement ignorées, tandis que les bâtiments plus anciens n’ont pas été mis en conformité avec les nouvelles normes. Le boom du secteur de la construction soutenu par le régime a vu la prolifération de grands projets résidentiels, souvent réalisés avec des matériaux de qualité inférieure et sans contrôle de qualité adéquat, afin de maximiser les rendements financiers de quelques grandes sociétés immobilières étroitement liées au parti au pouvoir.

    Cette frénésie de construction, facilitée par l’énorme soutien de l’État et graissée par la corruption à grande échelle pour contourner les règles, est devenue une vache à lait pour ces entreprises liées au régime. La construction et la rénovation de nombreux bâtiments publics tels que des hôpitaux, des écoles, des bureaux de poste, des bâtiments administratifs, etc., ont également été sous-traitées à ces amis du privé par le biais d’appels d’offres publics gérés par le gouvernement AKP. Alors que ces bâtiments auraient dû assurer la sécurité de la population en cas de catastrophe, ils ont été parmi les premiers à s’effondrer, y compris le siège de l’Autorité turque de gestion des catastrophes et des urgences (AFAD) à Hatay.

    Les politiques criminelles du gouvernement en la matière sont allées jusqu’à accorder périodiquement des «amnisties de construction», c’est-à-dire une couverture légale rétroactive accordée en échange d’une redevance pour les structures qui ont été construites sans les licences de sécurité requises. Quelques jours seulement avant les derniers tremblements de terre, un nouveau projet de loi était même en attente d’approbation au Parlement pour accorder une nouvelle amnistie concernant des travaux de construction récents. En bref, alors que des millions de personnes étaient sur le point de voir leur vie brisée, le gouvernement turc était occupé à fournir à ses amis milliardaires ce qui équivaut en fait à un permis de tuer pour le profit.

    Le régime impose le silence aux voix critiques

    En plus de ne pas fournir une réponse compétente à la catastrophe, le régime d’Erdoğan dépense des ressources publiques précieuses, du temps et des efforts pour réprimer ceux qui critiquent sa gestion de la crise. La nervosité s’empare du régime à la perspective que la colère de la population – déjà à bout de souffle en raison d’une crise économique galopante et de l’un des niveaux d’inflation les plus élevés au monde – se cristallise en quelque chose qui pourrait le renverser, alors que le pays se rapproche des élections présidentielles et parlementaires prévues le 14 mai. Dans ces conditions, les séismes pourraient être utilisés comme prétexte pour reporter la tenue du suffrage ou même l’annuler.

    Mardi, le président a annoncé un état d’urgence de trois mois dans dix villes touchées par les tremblements de terre. Cette mesure donne des pouvoirs étendus à la police et permet d’interdire les rassemblements publics et les manifestations. Plusieurs rapports font état d’arrestations et d’intimidations à l’encontre de journalistes indépendants qui couvrent les conséquences de la catastrophe, notamment lorsqu’ils rendent compte du manque de secouristes. Un procureur de l’État d’Istanbul a ouvert une enquête pénale à l’encontre de deux journalistes qui ont critiqué la réaction de l’État. L’accès à Twitter a également été restreint en raison de l’indignation des internautes. La police turque a reconnu que de nombreuses arrestations avaient été effectuées à la suite de «messages provocateurs» sur les réseaux sociaux à propos des tremblements de terre.

    Cette nouvelle série d’attaques contre les droits démocratiques s’inscrit dans la lignée des politiques autoritaires menées par le régime avant le tremblement de terre, qui ont elles-mêmes contribué à paralyser la capacité du pays à gérer une catastrophe humanitaire d’une telle ampleur. Par exemple, les médecins et leurs syndicats, qui ont un rôle vital à jouer dans la situation actuelle, ont fait l’objet d’une chasse aux sorcières politique de la part du régime ces dernières années, notamment pour leur rôle dans la dénonciation des opérations militaires de l’Etat contre la population kurde de Syrie.

    Syrie : les effets du séisme amplifiés par la guerre et les affrontements géopolitiques

    Mais l’insensibilité et le cynisme des classes dirigeantes ne s’arrêtent pas là. Le 7 février, les forces armées turques ont bombardé des maisons dans le quartier à majorité kurde et touché par le tremblement de terre de Tel Rifaat, dans le nord de la Syrie, avant même que les habitants aient pu s’occuper des débris causés par les séismes. L’armée syrienne a également bombardé les zones touchées par les tremblements de terre tenues par l’opposition, quelques heures à peine après la catastrophe.

    Douze années de guerre en Syrie, alimentées par le régime d’Assad ainsi que par des interventions impérialistes multiformes, avaient déjà laissé les infrastructures du pays et les conditions de logement de la population en lambeaux. Selon un rapport de 2017 de la Banque mondiale, près d’un tiers des logements à Alep et Idlib avaient déjà été endommagés ou détruits par la guerre. 70 % de la population avait besoin d’aide et 2,9 millions de personnes risquaient de mourir de faim dans tout le pays, avant même que les tremblements de terre n’aggravent de manière irréfutable une situation déjà horrible. Des millions de Syriens ont été déplacés plusieurs fois par la guerre et maintenant, beaucoup d’autres seront déplacés par cette catastrophe.

    Presque immédiatement après les tremblements de terre, plusieurs gouvernements occidentaux ont mobilisé des équipes d’aide et de secours en Turquie, mais ils n’ont rien offert ou presque à la Syrie, en raison de leurs relations conflictuelles avec le régime d’Assad. Les victimes des tremblements de terre paient le prix de la lutte de pouvoir en cours entre l’impérialisme occidental et la dictature syrienne ; tous deux jouent avec la vie des gens pour renforcer leur pouvoir et leur prestige. Les sanctions économiques imposées par les États-Unis empêchent l’acheminement de l’aide vers les zones touchées, tandis que le régime lui-même retient l’aide vers les zones contrôlées par les rebelles. La corruption systémique et les prix abusifs dans tous les domaines réduisent encore les chances d’une aide humanitaire significative, une raison supplémentaire pour laquelle la collecte et la distribution de l’aide d’urgence ne peuvent être laissées aux mains des forces réactionnaires et des partis corrompus ; en élisant leurs propres comités, les gens pourraient s’efforcer d’assumer et de coordonner ces tâches eux-mêmes, en fonction des besoins réels.

    Une catastrophe en cascade

    Une nouvelle couche de désastre va maintenant s’ajouter de manière prévisible aux effets immédiats des tremblements de terre. Les personnes qui ne sont pas mortes d’être coincées sous les décombres sont menacées par le froid, la faim et la propagation potentielle de maladies. En outre, comme l’a illustré l’effondrement d’un barrage dans la province syrienne d’Idlib jeudi, d’autres désastres ne manqueront pas de se développer à partir de la situation actuelle.

    «Malheureusement, il est fort probable que nous assistions à de nombreux autres événements dévastateurs dans les prochains jours déclenchés par ces tremblements de terre, notamment des glissements de terrain, des dolines, plusieurs répliques sismiques et des tsunamis. Ces phénomènes peuvent à leur tour causer des dommages importants aux infrastructures, aux habitations et aux moyens de subsistance», explique Carmia.

    «L’US Geological Survey, par exemple, a établi une carte qui prédit les zones les plus susceptibles de subir des glissements de terrain après ce séisme, et les services d’urgence devraient donc veiller à ce que les personnes qui y vivent soient évacuées. Mais la capacité à prévoir et à réagir à ces événements est gravement compromise par le manque de financement des systèmes d’intervention d’urgence de base d’une part, et par le besoin insatiable du capitalisme de développer des biens immobiliers rentables d’autre part. Alors que les gouvernements laissent le logement aux mains du secteur privé, qui rogne constamment sur la qualité de la construction et le respect des codes du bâtiment, la classe ouvrière est contrainte de vivre à l’étroit dans les centres urbains afin de trouver un emploi pour survivre. En l’absence de planification dans la perspective des inévitables événements naturels tels que les tremblements de terre, nous nous retrouvons avec des scènes tragiques et chaotiques de dévastation absolue. La science de la prévision des effets des géorisques comme les tremblements de terre n’est tout simplement pas rentable à court terme, pas plus que les investissements dans les systèmes d’intervention d’urgence.»

    Cette tragédie incarne la nature totalement dysfonctionnelle et barbare du capitalisme à de multiples niveaux. Comme c’est toujours le cas dans ce type de méga-catastrophes, les grandes entreprises se frottent les mains avec avidité en envisageant les possibilités de tirer profit de la misère et de la mort des gens – des cimenteries qui ont vu leurs actions bondir à la bourse juste après les tremblements de terre à certaines banques occidentales qui surtaxent les clients pour transférer de l’argent en Turquie.

    En revanche, partout dans le monde, des dizaines de bénévoles se sont précipités pour aider à extraire des personnes des décombres, faire des dons de sang ou collecter des produits de première nécessité afin d’aider les survivants. Cette solidarité instinctive de la part de la classe ouvrière fournit les graines à partir desquelles, au-delà de l’aide urgente requise pour sauver des vies, un mouvement pourrait se développer afin d’exiger justice pour les nombreuses victimes de ce désastre, victimes qui par ailleurs auraient pu être évitées. De là peut également germer la lutte pour une nouvelle société, une société qui place la vie et la sécurité des gens au centre de ses préoccupations plutôt que l’accumulation de profits pour une infime minorité. C’est de cette façon que nous pourrons nous assurer que de telles horreurs ne se reproduisent plus jamais.

    Les revendications d’Alternative Socialiste Internationale :

    • Réquisition des hôtels, bâtiments publics et propriétés inoccupés, après vérification de sécurité, pour abriter chaque personne sans abri ;
    • Evacuation immédiate des communautés dans les zones identifiées comme présentant un risque élevé de répliques sismiques et de glissements de terrain ;
    • Mise à disposition d’un logement public et d’une indemnisation décente pour toutes les victimes de la catastrophe ;
    • Levée de toutes les sanctions contre la Syrie, arrêt immédiat des bombardements et rapatriement de toutes les troupes turques ;
    • Ouverture de tous les postes frontières vers la Syrie pour faciliter les convois humanitaires ;
    • Formation de comités locaux de secours et d’aide, contrôlés démocratiquement par les travailleurs et les résidents locaux, afin de garantir la fourniture démocratique et coordonnée des produits de première nécessité, l’organisation des efforts de secours et d’empêcher la corruption ;
    • Divulgation complète de l’utilisation des fonds collectés par la «taxe sur les tremblements de terre» en Turquie ;
    • Expropriation immédiate, sous contrôle démocratique des travailleurs, du “Gang des Cinq”, c’est-à-dire des cinq entreprises de construction turques qui ont remporté la quasi-totalité des grands appels d’offres publics sous le régime de l’AKP et ont réalisé des montagnes de profits en jouant avec la vie et la sécurité des gens. Leur richesse doit être utilisée pour financer l’aide aux millions de personnes dans le besoin dans les zones touchées ;
    • Enquête indépendante sur la catastrophe afin d’identifier tous les responsables, dans les structures d’État et dans le secteur privé, afin de les rendre responsables de leurs crimes. Cette enquête pourrait être menée par des représentants des familles des victimes, des habitants, des scientifiques et des syndicats de travailleurs ;
    • Aucune grande entreprise ne doit profiter de la catastrophe. L’approvisionnement en nourriture, en eau et en énergie doit être placé sous contrôle public. Il faut un plan public d’urgence de reconstruction des maisons qui repose sur des techniques antisismiques respectueuses de l’environnement et qui soit supervisé démocratiquement par des scientifiques, des travailleurs et des résidents des communautés touchées ;
    • Erdoğan et Assad ont du sang sur les mains, ils doivent dégager ! Pour la construction de l’unité du mouvement ouvrier et d’une alternative socialiste à la dictature, à la guerre et au capitalisme.
  • Iran. Les exécutions ne mèneront pas à la stabilité du régime

    Les 6, 7 et 8 décembre derniers, un appel à la grève générale a été lancé sur les réseaux sociaux en Iran. Cet appel a été bien suivi dans une cinquantaine de villes du pays, essentiellement par des petits commerces et des bazars de taille moyenne. Malgré la répression, les Iranien.ne.s poursuivent la lutte pour leur liberté. Selon des documents internes du régime, ils et elles sont 84 % dans la population à soutenir les manifestations et à y voir une solution au marasme social dans lequel le régime des mollahs les a plongés. Face à cette détermination, ce dernier a décidé de franchir une étape avec l’exécution le 8 décembre de Mohsen Shekari, un manifestant de 23 ans arrêté à la fin du mois de septembre. D’autres mises à mort ont ensuite suivi.

    Par Maxime (Liège)

    https://fr.socialisme.be/94645/lecons-du-passe-lorganisation-des-moudjahiddines-du-peuple-iranien-ompi-et-leur-role-dans-les-processus-revolutionnaires-en-1979
    https://fr.socialisme.be/94321/iran-pour-une-alternative-revolutionnaire-au-regime-islamique

    Depuis que la contestation populaire s’est étendue à tout le pays, le régime des mollahs s’est attelé non seulement à réprimer la lutte sociale dans la rue, où plusieurs centaines de personnes ont été tuées, mais aussi toute solidarité y compris dans les cours de justice.

    « Globalement, il faut être inscrit au tribunal révolutionnaire pour pouvoir être désigné comme avocat. Un certain nombre d’entre eux voulaient défendre les contestataires et se sont inscrits au début des manifestations : ils ont tous été arrêtés », explique Chowra Makaremi, anthropologue au CNRS. « Ils ont grossi la masse des plus de 19 000 disparus ou détenus », indique-t-elle pour l’émission 28 minutes d’Arte. Les avocats commis d’office restants sont à la solde du régime et charge leur « client » pour en assurer la condamnation. Les tribunaux sont ainsi réduits à un théâtre grotesque dont on connaît d’avance le dénouement.

    Redynamiser la lutte par l’extension de la grève

    Comparé au début du mouvement, il y a moins de manifestations. C’est normal après plus de quatre mois. Mais les mobilisations se poursuivent tout de même, tout particulièrement dans le Baloutchistan et le Kurdistan iranien. Au Kurdistan, la population était déjà organisée quasi clandestinement sur la question des femmes, de l’écologie, de la langue kurde,…

    Les grèves ont jusqu’ici essentiellement concerné les écoles et universités du pays, avec quelques pas encore trop timides vers des entreprises. Il est tout particulièrement crucial que le combat intègre le personnel du très important secteur pétrochimique (propriété d’État officiellement ou officieusement en étant propriété de la milice pro-régime des Gardiens de la révolution), industrie-clé pour la survie du régime. Quelques raffineries et usines ont déjà suivi le mouvement dans le sud du pays.

    En Iran, l’espoir est bien vivant et on le transmet clandestinement via les réseaux sociaux ou encore par des organisations qui se font discrètes face à la répression: des comités de quartiers organisent et invitent à la manifestation, des médecins et des membres du personnel soignant s’organisent clandestinement pour soigner les manifestants, des syndicalistes appellent à la grève…

    «Le régime cherche à supprimer le mouvement de protestation par la violence, les arrestations massives et les exécutions. Cette répression a déjà fonctionné par le passé, mais c’est une solution à court terme, car les problèmes de fond ne vont pas disparaître simplement avec la dispersion des manifestants», a analysé Alex Vatanka (Middle East Institute, basé à Washington) pour le journal L’Orient-Le Jour. Le régime est ébranlé, mais il pourra s’accrocher au pouvoir tant qu’il n’y aura pas de force alternative visible capable de prendre le pouvoir et d’exproprier les principaux leviers de l’économie des mains des élites dirigeantes. L’organisation de comité de lutte ouvriers et étudiants organisés démocratiquement est clé pour riposter contre la répression et commencer à prendre le pouvoir localement – dans les villes et les quartiers, sur les lieux de travail et dans les écoles – et assurer qu’un futur changement de régime ne soit pas récupéré par l’impérialisme, américain par exemple.

  • Séismes en Turquie, en Syrie et au Kurdistan : les vautours de la construction cherchent déjà à tirer profit du drame

    On ne connaît pas encore toute l’ampleur des destructions causées par les tremblements de terre en Turquie, en Syrie et au Kurdistan, mais déjà les grandes entreprises cherchent à en tirer profit. Dans cette première réponse, Serge Jordan commente la situation.

    Par Serge Jordan

    Les scènes des vies brisées par les tremblements de terre de ce lundi en Turquie, en Syrie et au Kurdistan sont douloureuses à regarder. J’étais en Turquie à l’été 1999, à seulement 40 km de l’épicentre du dernier tremblement de terre d’une telle ampleur à avoir frappé ce pays. J’avais 16 ans à l’époque et les souvenirs troublants des longues files de cadavres étendus sur le sol, des villes et villages entiers rasés et de l’odeur accablante de la mort humaine qui régnait partout ne m’ont jamais quitté depuis.

    Il était alors devenu évident aux yeux de toutes et tous que les réglementations et les pratiques du secteur de la construction dans le pays (comme le mélange de sable de mer avec le béton) visaient à satisfaire la soif de profits des gangsters au sommet de cette industrie. Une corruption débridée s’était par ailleurs développée en conséquence autour du secteur. Ces deux facteurs étaient fondamentaux pour comprendre l’ampleur du désastre. La réaction terriblement inadéquate du gouvernement turc de l’époque a constitué un élément important dans l’ascension du parti AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir depuis 2002) et d’Erdoğan, qui avait promis changement et prospérité au peuple turc, notamment concernant la législation de construction du pays.

    Deux décennies de règne de l’AKP plus tard, force est de constater que bien peu de choses ont changé. Les séismes de ce lundi ont mis en évidence toute la pourriture derrière l’engouement pour l’immobilier et les infrastructures, le moteur de la croissance turque de ces dernières années. En dépit d’avertissements répétés de la part des scientifiques et des experts, chaque mesure un tant soit peu sérieuse afin d’améliorer la préparation face aux tremblements de terre a été sacrifiée sur l’autel du profit privé au plaisir de quelques grandes entreprises alliées du parti au pouvoir.

    Aidés par de généreuses incitations fiscales, des appels d’offres truqués et une corruption institutionnalisée, les quelques magnats de la construction proches du régime d’Erdoğan ont empoché des milliards et des milliards en rognant systématiquement sur la sécurité ainsi que sur les conditions de travail. Aujourd’hui, des millions de pauvres gens doivent revivre des scènes de désolation et de mort à grande échelle identiques, alors que cela était totalement évitables. Mais il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le cours des actions des cimentiers s’envolent à la bourse d’Istanbul. Les vautours s’approchent déjà pour tirer profit de la catastrophe.

    Celle-ci n’est pas plus «naturelle» que celle qui a eu lieu il y a 24 ans et que toutes les autres, plus petites, qui se sont produites entre-temps. Les moyens, la technique et la science nécessaires à la construction de villes et de bâtiments antisismiques existent. Mais la logique du capitalisme s’oppose à leur utilisation, car il est bien plus rentable de jouer au poker avec des vies humaines.

    Les appels qui se font actuellement entendre pour «ne pas politiser» les tremblements de terre reflètent à la fois tout le cynisme et toute la crainte de l’élite dirigeante que la rage profonde des masses commence à exploser sur la scène à quelques mois d’élections cruciales. En fait, la solidarité réconfortante de la classe ouvrière qui se forge en ce moment critique de désespoir pourrait précisément poser les bases de la construction d’un mouvement capable de faire rendre des comptes à tous les grands criminels responsables de cette catastrophe, de mettre fin au règne de l’AKP qui l’a présidée, de placer les grands conglomérats de construction sous contrôle public et, finalement, de lutter pour un système socialiste dans lequel la vie des gens, leur droit à la sécurité, au logement, etc. sont fermement mis au premier plan.

  • Leçons du passé : le désastre de l’approche de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI)

    Au cours des développements à venir en Iran, les travailleurs et les jeunes regarderont en arrière pour tirer des leçons de l’histoire des partis et organisations qui se sont opposés au régime islamique. Dans le cas des Moudjahiddines, et malgré l’héroïsme incontestable de ses adhérents, il s’agit d’une histoire faite d’erreurs.

    Par Bob Sullivan

    https://fr.socialisme.be/50002/archives-iran-1978-79-une-revolution-volee-a-la-classe-ouvriere
    https://fr.socialisme.be/94321/iran-pour-une-alternative-revolutionnaire-au-regime-islamique

    L’OMPI (ou Mujaheddin-e-KhalqMeK) est l’une des organisations les plus visibles sur les événements actuels de solidarité avec le mouvement en Iran, notamment dans certains pays d’Europe, soit en lui-même, soit par le biais de ses organisations de façade comme le Conseil national de la résistance. Il est donc important que les militants aient une certaine connaissance de l’histoire et de l’orientation de l’OMPI. Alors qu’il comportait de nombreux adeptes en Iran, l’OMPI a, pour diverses raisons, dégénéré en un groupe sectaire dépendant de l’impérialisme occidental et disposant d’une base insignifiante dans le pays.

    Origines dans les années 1960

    Les origines des Moudjahiddines du Peuple remontent au mécontentement croissant de la classe ouvrière et des jeunes à l’égard du régime de Mohammad Reza Pahlavi dans les années 1960 et 1970. Le Shah (le roi) était le principal point d’appui des États-Unis au Moyen-Orient, et l’Iran était son gendarme. Soutenu et armé par l’Occident, le régime du Shah a combiner extravagance démesurée, corruption et répression impitoyable. À la fin des années 1960, les idées de gauche commençaient à circuler à nouveau plus largement, et certains militants commençaient à prendre les armes contre le régime.

    En 1971, les Fedayins du Peuple, qui se considéraient laïques et marxistes, ont lancé une campagne de guérilla. Bien que les fedayins aient abandonné la stratégie de guérilla plus tard dans cette décennie, et que cette stratégie ait offert peu de gains concrets à la classe ouvrière, l’idée de défier physiquement le régime était attractive pour une partie de la jeunesse. Les fedayins se considéraient comme des communistes frustrés par les compromis et l’approche réformiste du Tudeh (“le parti des masses”), c’est-à-dire le parti « communiste » traditionnel aligné sur Moscou.

    Cette frustration était tout à fait justifiée, mais elle s’est malheureusement exprimée politiquement par l’adoption de tactiques de guérilla inspirées par Fidel Castro et Che Guevara. Ces méthodes signifiaient en réalité un abandon de la construction dans les communautés et les organisations de la classe ouvrière en faveur de méthodes liées au terrorisme individuel. Cela représentait un manque de confiance dans la classe ouvrière, et était voué à l’échec dans un pays comme l’Iran, une réalité acceptée par les fedayins à la fin des années 1970.

    Les moudjahiddines ont également émergé du milieu radicalisé des années soixante, le même milieu qui a produit Ali Shariati (un intellectuel qui a tenté de fusionner les idées islamiques et socialistes), bien que Shariati lui-même n’ait jamais été membre des moudjahiddines. Un groupe s’est réuni autour d’une idéologie de l’Islam révolutionnaire confuse et vague. Au cœur de l’organisation des premiers moudjahiddines se trouvait la division entre laïcs et islamistes. L’organisation a néanmoins commencé à construire un réseau de membres et de partisans, notamment dans les universités. À ses débuts, elle avait également établi de bonnes relations avec des religieux de premier plan hostiles au Shah, comme le futur président Rafsandjani.

    Les tactique de guérilla

    Suivant l’exemple des fedayins, les moudjahidines se sont engagés dès le début des années 1970 dans une série d’actions de guérilla très médiatisées, dont l’assassinat de militaires et de membres du personnel de sécurité américain stationnés en Iran. Il sont toutefois subi une série de revers de la part de l’État qui se sont traduits par des emprisonnements et des exécutions.

    En 1975, une nouvelle direction a organisé une brutale et sanglante purge interne en visant tout particulièrement ceux qui s’identifiaient comme islamistes plutôt que marxistes. La violence de la purge a été justifiée par le prétexte de la dureté du régime du Shah, elle a été jusqu’à l’exécution de membres considérés peu fiables. L’événement a également marqué une rupture permanente avec des figures telles que le futur chef suprême Khomeiny, qui a dénoncé l’OMPI comme une organisation qui tuait les bons musulmans.

    La seule figure dirigeante importante qui s’identifiait à l’islam plutôt qu’à une version du socialisme et qui a survécu à la purge était Massoud Radjavi. Dans la lutte interne pour le pouvoir qui a suivi, de nombreux membres de base ayant une approche plus islamiste ont soutenu Radjavi contre le reste de la direction. L’organisation a dû se servir des tendances islamistes de Radjavi pour se présenter comme de loyaux musulmans. Ces purges ont marqué un point tournant décisif vers une culture arbitraire et autoritaire, tendance qui s’est par ailleurs accentuée au cours des années suivantes.

    Avec l’effondrement de la monarchie en janvier et février 1979, aux premiers jours de la révolution, des groupes tels que les moudjahiddines et les fedayins ont connu un développement exponentiel, en dépit du fait que leur absence d’alternative marxiste claire et révolutionnaire a toujours signifié qu’ils couraient derrière les partisans de Khomeiny sans jamais déterminer la nature des événements. Le régime islamique naissant a alors commencé à s’approprier le langage de la gauche, en particulier l’anti-impérialisme, afin de consolider son soutien. En novembre 1979, Khomeiny et le nouveau régime ont pesé de tout leur poids dans la prise de l’ambassade américaine et la saisie du personnel qui y travaillait. Le régime a utilisé ces événements pour se parer des habits d’un anti-impérialisme populaire. En réalité, il s’agissait d’un coup d’éclat aventuriste, mais tant les moudjahiddines que les fedayins se sont sentis obligés de le soutenir, sans jamais expliquer quelle était la stratégie derrière cette attaque ni la manière dont la classe ouvrière pouvait tirer bénéfice de la situation.

    Le point culminant de 1980

    Toutefois, malgré leurs déficiences, lors de l’élection du maire de Téhéran au début de l’année 1980, le candidat des moudjahiddines a obtenu 200.000 voix, soit environ 10 %. C’était le point culminant du soutien aux moudjahiddines. En réalité, ils manquaient d’un programme et d’une stratégie. Au lieu de s’appuyer sur les communautés de la classe ouvrière, par exemple en soutenant les shoras (les conseils ouvriers qui s’étaient développés durant la lutte contre le Shah) et en développant un programme clair reposant sur la classe ouvrière et opposé au régime, les moudjahiddines ont adopté une approche de collaboration de classe, en se rangeant du côté du président libéral Bani Sadr (premier président de la République islamique), qui était avant tout un fidèle représentant de la classe dominante iranienne.

    En septembre 1980, avec le bombardement de Bushehr par le dictateur irakien Saddam Hussein et le déclenchement de la guerre Iran-Irak, l’atmosphère politique en Iran a commencé à devenir de plus en plus difficile. Toutes les grèves ont ainsi été interdites. Mais une détérioration décisive s’est produite en juin 1981 lorsque des milices associées au régime islamique ont attaqué une manifestation à Téhéran sur la question des droits civils, organisée par le vieux Front national libéral et soutenue par la gauche. Des dizaines de personnes ont été tuées et blessées. Immédiatement après, le régime a exécuté un total de quinze opposants de premier plan, dont des moudjahiddines et des fedayins. Cet épisode a marqué une étape décisive et brutale vers la dictature.

    Une semaine plus tard seulement, le président Bani Sadr et le chef des moudjahiddines Radjavi ont tous deux fui l’Iran. Entre-temps, en Iran, les moudjahiddines ont lancé une véritable guérilla au cours de l’été 1981. Ils ont bombardé une réunion du Parti républicain islamique, le parti de Khomeiny, et tué plus de cent membres de la hiérarchie religieuse, dont l’ayatollah Beheshti, et de nombreux députés. Ils ont ensuite assassiné le président et le premier ministre du pays. Par la suite a suivi une campagne d’assassinat de religieux de premier plan associés au régime. En 1982, ils ont tué nombre de personnes liées au régime, y compris des religieux de rang inférieur préalablement enlevés et torturés. La stratégie et les tactiques des moudjahiddines leur ont aliéné de plus en plus même ceux qui les avaient initialement soutenus. De son côté, le régime a systématiquement pu remplacer tous ceux qui avaient été assassinés.

    Se reposer sur les États-Unis et l’OTAN, pas sur la classe ouvrière

    Pire encore, ces méthodes ont justifié l’intensification de la répression du régime, avec l’accord d’une grande partie de la société, d’autant plus que l’Iran était désormais impliqué dans une guerre brutale avec l’Irak, guerre encouragée et préparée par Washington et l’OTAN. Les méthodes des moudjahiddines ont fourni un prétexte parfait pour accroître la surveillance, la répression, la torture et l’exécution de celles et ceux qui s’opposaient au régime. Et les cibles n’étaient pas seulement les moudjahiddines, mais aussi les militants de gauche qui s’opposaient à Khomeiny au sens large. Parmi eux figuraient la minorité des fedayins (qui s’étaient scindés en deux en 1980 sur la question du soutien au régime) et d’autres groupes anti-régime, bien qu’aucun d’entre eux n’ait soutenu ou ne se soit engagé dans la stratégie et les tactiques de guérilla urbaine employées par les moudjahiddines. En 1983, Khomeiny s’est également retourné sans pitié contre les partis autrefois de gauche qui lui avaient apporté leur soutien, notamment le Tudeh et l’aile majoritaire des fedayins.

    Les dirigeants des moudjahiddines n’ont jamais revendiqué ou nié publiquement la responsabilité de telle ou telle tactique, bien que Radjavi ait affirmé que la stratégie globale était très réussie, avec ses trois phases : d’abord détruire l’avenir du régime, ensuite détruire le corps du régime, et enfin permettre la révolution sociale. L’optimisme de Radjavi allait une fois de plus à l’encontre de la réalité. Cependant, Radjavi lui-même a procédé à une purge interne de masse en 1982, ce qui lui a permis de continuer à agir de manière incontestée et sans rendre de comptes à qui que ce soit au sein de l’organisation.

    Les moudjahiddines cultivaient depuis longtemps des relations amicales avec Yasser Arafat et l’aile Fatah de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ; les fedayins étaient quant à eux alignés sur les positions du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Grâce à leurs liens avec le Fatah, les chefs des moudjahiddines se sont entretenus en 1981 avec des membres du cercle restreint de Saddam Hussein, comme Tariq Aziz. Cela a conduit à l’établissement de camps de moudjahidines à la frontière iranienne, ainsi qu’à l’armement et à l’entraînement des forces rassemblées dans ces camps. De plus en plus, la motivation de Radjavi était exclusivement liée au renversement du régime islamique, même si cela impliquait de contribuer efficacement à l’effort de guerre contre l’Iran.

    Aventure mortelle dans la guerre Iran-Irak

    En 1988, les moudjahiddines se sont inquiétés de ce que les propositions de l’ONU en faveur d’un traité entre les deux pays pouvaient conduire à la fin du conflit, un scénario redouté et non prévu par les moudjahiddines qui était de nature à menacer l’existence de leurs camps à la frontière. C’est dans cette perspective que s’est concrétisée l’entreprise malheureuse de lancer une attaque militaire à grande échelle contre l’Iran. De jeunes moudjahiddines, hommes et femmes, se sont rassemblés à la frontière et une force de 5000 personnes est partie sous le slogan « De Mehran à Téhéran » (Mehran est une ville proche de la frontière irakienne). On a dit aux volontaires que la libération de Téhéran aurait lieu dans les 48 heures, que les masses iraniennes se lèveraient pour accueillir leurs libérateurs et que la victoire était assurée.

    Malheureusement, rien de tout cela ne s’est avéré et la ligne de soldats volontaires n’a réussi à capturer que quelques petites villes avant d’être anéantie par une attaque aérienne. On ne sait pas exactement combien de personnes ont été tuées, probablement dans les environs de 3000. Il n’y a pas eu de soulèvement de sympathie en Iran, toute l’aventure a été considérée avec indifférence ou hostilité à l’intérieur du pays. Outre les pertes humaines, les moudjahiddines ont également subi une perte calamiteuse de prestige dont ils ne se sont jamais remis. Pourtant, il n’y a jamais eu d’aveu d’échec, ni d’explication sur la façon dont un tel désastre a pu se produire.

    L’une des conséquences tragiques de cette débâcle est qu’elle a servi de prétexte à l’assassinat de dizaines de milliers de prisonniers politiques en 1988, principalement, mais pas exclusivement, des membres des moudjahiddines. L’actuel président iranien, Ebrahim Raïssi, était l’une des figures clés de ce massacre. Un tel résultat a permis au régime de réaliser en quelques jours ce qui, autrement, aurait pris des années. Pendant ce temps, les dirigeants des moudjahiddines sont devenus de plus en plus dépendants du soutien de leurs nouveaux amis à Washington. Il s’agissait d’un revirement complet par rapport à leur position des années 1970, mais il était enraciné dans la même perspective réformiste : préférer faire des affaires avec les « grands acteurs » plutôt que de placer sa confiance dans la classe ouvrière.

    Depuis 1988, Radjavi, qui a mystérieusement disparu de la circulation en 2003, a été remplacé à la tête de l’organisation par son ancienne épouse Maryam Radjavi. L’organisation a survécu à la chute de Saddam Hussein et a négocié un transfert en Albanie grâce à ses liens avec la CIA. Elle entretient également des liens étroits avec le Mossad, les services secrets israéliens. Il est toutefois possible que son étoile commence à pâlir, Washington ayant tendance à reporter son affection et ses financements sur des royalistes.

    Tirer les leçons de cet exemple pour l’avenir

    Au cours des développements futurs en Iran, les travailleurs et les jeunes regarderont en arrière pour tirer des leçons de l’histoire des partis et organisations qui se sont opposés au régime islamique. Le programme confus et leurs perspectives erronées des moudjahidines, ainsi que leurs méthodes terroristes sans issue, n’ont en dernière instance que servi à renforcer le régime islamique au cours des 40 dernières années au lieu de le menacer à contribuer renversement.

  • FEMME, VIE, LIBERTÉ : 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence de genre

    « Femme, vie, liberté » : c’est le principal slogan que les masses en Iran ont scandé dans les rues après le meurtre brutal de Jina (Mahsa) Amini, 22 ans. Du Kurdistan à l’Azerbaïdjan, du Sistan & Baluchestan au Khuzestan, ce mouvement a secoué le pays tout entier et bien au-delà. Les protestations déclenchées par ce féminicide d’État se sont immédiatement transformées en un soulèvement révolutionnaire courageux contre l’ensemble du régime iranien, abordant la question du féminicide et de la violence d’État ainsi que l’ensemble du système d’oppression dont souffrent les femmes, le peuple kurde ainsi que les autres minorités, les jeunes et les travailleurs.

    Déclaration du réseau international féministe socialiste ROSA

    Jina a été tuée par la police des mœurs iranienne, une force de police symbole de contrôle quotidien du corps des femmes, d’arrestation, de harcèlement et de violence. Les masses ne l’acceptent plus. Les codes vestimentaires oppressifs et les attaques croissantes contre les femmes ou la communauté LGBTQIA+ (illustrée par la récente condamnation à mort de deux militantes LGBTQIA+) représentent des piliers essentiels du régime iranien. L’unité dans la lutte qui s’est développée depuis le mois de septembre s’est imposée dans toutes les sphères de la société iranienne : dans les écoles, sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les rues, dans les foyers. Elle frappe le système en plein cœur. Ces femmes ont inspiré des couches plus larges de la classe ouvrière à se soulever également. C’est ce qu’ont exprimé les travailleurs d’une usine de sucre en Iran en déclarant : « Filles du soleil et de la révolution, le jour de la victoire, c’est le monde entier qui vous saluera. Vous avez donné à la terre entière une leçon pour se soulever et résister. »

    Le mouvement révolutionnaire en Iran démontre, une fois de plus, à quel point la misogynie, la violence et le sexisme sont profondément liés à la violence d’État, à la répression et à l’ensemble du système capitaliste lui-même. Ce mouvement s’est engagé dans une lutte contre l’une des dictatures les plus oppressives et répressives au monde en une démonstration éclatante de l’inébranlable bravoure de toute une génération. En Afghanistan, des femmes et des jeunes filles protestent depuis le tout début contre le régime des talibans récemment revenu au pouvoir. Inspirées par le mouvement en Iran, elles ont à nouveau occupé la rue après l’horrible attentat à la bombe contre des étudiantes de la minorité chiite hazara.

    Ce mouvement est un exemple extrêmement inspirant de solidarité entre les opprimés. « Femme, vie, liberté », ce slogan reflète la lutte mondiale contre les féminicides et la violence sexiste. Il illustre la manière dont des soulèvements de masse peuvent être déclenchés par une étincelle, à l’image d’un cas extrême symptomatique de l’oppression et de la violence auxquelles les femmes et les personnes LGBTQIA+ sont confrontées. Ils se transforment alors rapidement en une lutte radicale contre les dictatures et, dans une certaine mesure, contre le système lui-même dans son ensemble. Les femmes, les jeunes filles, les travailleurs et les jeunes d’Iran nous montrent avec héroïsme la voie à suivre pour notre combat contre la violence et l’oppression.

    La solidarité internationale est une caractéristique essentielle des mouvements féministes et autres qui ont marqué ces dernières années. Cela reflète l’état d’esprit selon lequel une blessure à l’un.e est une blessure à tou.te.s. De Metoo à Black Lives Matter (BLM) et Ni una Menos : la violence subie tous les jours a trouvé une réponse dans l’action radicale et la solidarité. Ainsi, nous avons assisté en juillet à une journée d’action transfrontalière contre les féminicides au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Nous devons développer plus avant ce type de mouvements contre la violence sexiste et d’État afin de construire un mouvement féministe socialiste international contre toute forme d’oppression et d’exploitation. Nous devons transformer l’édition de cette année de la Journée internationale pour l’élimination de la violence de genre en une journée d’action de masse contre les attaques contre nos droits, contre la violence croissante, contre la guerre et contre l’impérialisme, contre la crise du coût de la vie et contre l’horreur capitaliste que nous subissons.

    L’augmentation de la violence sexiste et le rôle de l’État

    Depuis le début du soulèvement en Iran, des centaines de personnes ont été tuées et arrêtées par les forces de sécurité. L’âge moyen des manifestant.e.s arrêté.e.s est de 15 ans. De jeunes écoliers et écolières ont été attaqué.e.s par la police dans leurs salles de classe. Des étudiant.e.s universitaires ont « disparu » et les forces de l’État ont eu recours à la violence brutale et au viol afin de tenter de briser le mouvement et les femmes. Mais même cette répression sanglante et cette horrible violence d’État ne sont pas parvenues à mettre un terme au mouvement.

    Comme l’ont déjà illustré les récents soulèvements révolutionnaires au Chili ou encore au Soudan, la classe dirigeante et l’État n’hésitent pas à recourir consciemment la violence et le viol. La violence d’État et les féminicides augmentent lorsque la classe dirigeante craint la révolution. Les dictatures comme le régime iranien sont le reflet le plus clair de l’interconnexion entre l’État capitaliste et la violence interpersonnelle reposant sur le genre. Mais nous pouvons constater cette interconnexion partout. L’État est complice de l’oppression et de la violence à l’égard des femmes et des personnes LGBTQIA+ de multiples façons. L’évidence s’est imposée à beaucoup : dans un système où l’État est un tel responsable, nous ne pourrons jamais avoir d’égalité totale et mettre fin à la violence sexiste.

    Il s’agit de la culpabilisation des victimes et du slutshaming qui se déroule quotidiennement, que cela soit le fait d’agents de police ou des tribunaux. Il s’agit des liens profonds entre l’État et les institutions religieuses, qu’il s’agisse de l’Église catholique ou des Ayatollahs, et de la promotion consciente de la misogynie et du sexisme. Il s’agit de l’ensemble de l’appareil d’État qui protège la richesse et les biens d’une petite minorité de super-riches plutôt que les vies et les droits de toutes et tous. L’État capitaliste est un instrument de la classe dirigeante, ce n’est aucunement une institution neutre. Il est intrinsèquement construit pour défendre le statu quo. Cela est apparu clairement lors du soulèvement de BLM ainsi qu’à travers certains des cas les plus choquants de féminicides, comme le cas de Sarah Everard, assassinée à Londres en 2021 par un officier de police.

    Bien que ces cas soient parmi les exemples les plus extrêmes de violence de genre, nous savons que la plupart des cas de féminicides et de violence ont lieu au sein même des foyers, un phénomène qui n’a fait qu’augmenter durant la pandémie et aujourd’hui avec la crise économique. La violence à l’égard des femmes n’est pas seulement physique. Souvent, les femmes sont soumises à une longue période de contrôle de leur comportement, de violence psychologique et par exemple de perte de contrôle sur leurs propres finances.

    Les abus et la violence à l’égard des femmes font partie du maintien du déséquilibre du pouvoir entre hommes et femmes, tout comme le contrôle du corps des femmes. Dans la société capitaliste, l’État n’a aucun intérêt à s’y opposer. Au contraire, la division entre femmes et hommes qui travaillent est une pierre angulaire du système.

    Parallèlement, les coupes budgétaires dans les services publics, les refuges, les soins de santé et l’éducation ont encore accru la dépendance économique des femmes. Dangereusement isolées dans leurs foyers, les femmes, les jeunes filles et les jeunes LGBTQIA+, par exemple, perdent de plus en plus la possibilité de quitter un partenaire violent, leur famille, etc. Les multiples crises créées par le système capitaliste – des inondations dévastatrices au Pakistan à la crise énergétique – frappent encore plus durement les plus personnes opprimées et augmentent toutes les formes de violence.

    Offensive de l’extrême-droite et de la classe dirigeante – L’avortement et les droits des personnes LGBTQIA+ attaqués

    Les dangereuses attaques contre l’autonomie corporelle et certains de nos droits les plus fondamentaux constituent une autre forme de violence d’État. L’attaque contre l’arrêt Roe V. Wade concernant l’avortement a constitué un important tournant cette année : aux États-Unis, les États interdisent l’avortement les uns après les autres, menaçant ainsi la vie de millions de femmes et de femmes enceintes.

    Cette offensive de la droite a inspiré l’extrême droite et les cyniques « activistes pro-vie » du monde entier, de la Hongrie à l’Italie en passant par l’Allemagne et l’Autriche. Ces attaques vont de pair avec celles menées contre la communauté LGBTQIA+ et les personnes transgenres tout particulièrement. La classe dirigeante est bien consciente que la confiance et la radicalisation croissantes, en particulier des jeunes femmes et des personnes LGBTQIA+, représentent une menace pour leurs normes de genre rigides et pour la famille nucléaire traditionnelle dont le système a besoin pour opprimer et exploiter non seulement les femmes mais aussi l’ensemble de la classe travailleuse.

    En ce sens, ces attaques font également partie de l’offensive idéologique lancée contre le mouvement féministe en plein essor à travers le monde. L’extrême-droite se qualifie de « pro-vie » tout en s’opposant à l’intervention de l’État pour résoudre la crise du lait infantile aux États-Unis et en soutenant le massacre de réfugié.e.s aux frontières européennes. Cette hypocrisie est utile au système capitaliste. Cette idéologie conduit à une violence extrême et au meurtre.

    Nous assistons à un retour de bâton contre Metoo avec le procès de Johnny Depp et Amber Heard ou encore avec l’impact dangereux de figures comme Andrew Tate (kickboxeur britannico-américain et personnalité en ligne masculiniste et misogyne bannie des principaux réseaux sociaux en 2022). Le 12 octobre, un jeune homme de 19 ans a attaqué un bar LGBTQIA+ à Bratislava et a tué deux hommes. Avant l’attentat, l’auteur avait publié un manifeste d’extrême droite et anti-queer. Les attaques dont nous avons également été témoins à Oslo, dans le Colorado tout récemment et lors de plusieurs événements liés aux Pride cette année sont illustratives de l’escalade de l’oppression dont les personnes LGBTQIA+ sont victimes au quotidien.

    Les attaques contre le droit à l’avortement en Chine constituent un exemple clair de la volonté de policer nos vies et nos corps. Le pays a connu un virage radical de la politique de l’enfant unique vers des limitations du droit à l’avortement. Ce type d’attaque se situe dans l’actuel contexte de guerres et de crises impérialistes croissantes, afin de contrôler quand et si nous devons donner naissance à des enfants. Les interdictions liées à l’avortement représentent un exemple de violence d’Etat, elles signifient des situations de danger de mort non seulement pour les femmes qui désirent avorter mais aussi pour toutes celles qui peuvent ou veulent tomber enceintes. En fin de compte, ces restrictions sont une question de classe : celles qui travaillent et les pauvres sont les plus touchées alors que les riches n’ont aucun problème pour accéder aux soins de santé dont ils ont besoin.

    De l’Iran aux États-Unis, nous défendons une autonomie corporelle totale. Il s’agit d’un élément central de notre lutte contre la violence de genre. Nous luttons pour un accès total et gratuit à tous les types de soins de santé dont nous avons besoin. Les différentes luttes inspirantes des travailleuses et travailleurs des soins de santé du monde entier pour des salaires décents et de meilleures conditions de travail nous montrent où se trouve notre pouvoir : dans notre action collective. Nous devons relier ces luttes au combat pour l’autonomie corporelle et nous rappeler comment nous avons pu remporter de véritables victoires.

    Cette offensive des conservateurs et de l’extrême-droite ne représente qu’un côté de la médaille. L’autre côté, ce sont les importantes victoires qui ont été remportées de l’Irlande à l’Argentine, du Mexique à la Corée du Sud. La Campagne ROSA et le Socialist Party d’Irlande ont joué un rôle clé dans l’obtention du droit à l’avortement dans la république irlandaise et ont pris l’initiative de rappeler comment cette victoire a été remportée en organisant une marche à l’occasion du 10e anniversaire de la mort tragique de Savita Halappanavar (décédée en 2012 d’une septicémie après que sa demande d’avortement ait été refusée en raison de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement). Cette victoire avait été arrachée en organisant et en mobilisant la classe travailleuse depuis la base grâce à une approche audacieuse, notamment en organisant la distribution de pilules abortives à grande échelle afin de soumettre l’État à une intense pression en exposant la réalité derrière les restrictions à l’avortement.

    Guerre et impérialisme : La violence dans sa forme la plus pure

    L’ONU Femmes a publié un rapport le 20 octobre indiquant que : « Les dépenses militaires ont atteint un niveau record de 2,1 trillions de dollars en 2021, au détriment des investissements dans la sécurité humaine. Parallèlement, et au moment où l’on en a le plus besoin, le financement des organisations de femmes dans les pays touchés par les conflits a baissé à 150 millions de dollars en 2020, contre 181 millions en 2019. »

    L’invasion criminelle de l’Ukraine par la Russie a connu une nouvelle escalade en septembre dernier avec la « mobilisation partielle » déclarée par Poutine. Depuis le début de cette guerre, des milliers de civils ont été tué.e.s, de nombreux autres ont été forcé.e.s de quitter leurs maisons. Des soldats ukrainiens et russes s’entretuent dans une guerre qui a plongé le monde entier dans le choc et la peur.

    Les guerres représentent la forme la plus pure de violence dans le système capitaliste. La guerre en Ukraine n’est qu’un exemple des tensions impérialistes et de la militarisation qui augmentent dangereusement. Et ce sont toujours les femmes, les plus opprimées, la classe travailleuse et les pauvres qui doivent en payer le lourd tribut. Mais c’est de là aussi que provient la résistance. En Russie, les femmes ont été à l’avant-garde des protestations anti-guerre, en dépit de la répression massive du régime de Poutine.

    La guerre est synonyme de violence brutale, de faim et de destruction, ainsi que d’une augmentation de la violence sexiste. Le viol est utilisé comme arme de guerre dans tous les conflits armés. Des femmes et des jeunes filles ukrainiennes ont été victimes de la traite des êtres humains, comme tous les réfugié.e.s, à une échelle de masse. D’autre part, quand les hommes reviennent de la ligne de front, cela signifie une augmentation de la violence domestique et des féminicides.

    Qui profite de cette guerre ? Notre combat contre la violence de genre ne peut pas être séparé de nos actions contre l’impérialisme et la guerre. Dès le tout premier moment de cette guerre, nous avons fait campagne avec ROSA et ASI (Alternative Socialiste Internationale, à l’initiative du réseau international féministe socialiste ROSA) en faveur de la construction d’un mouvement anti-guerre à l’approche féministe socialiste en soulignant le pouvoir potentiel des gens ordinaires et de toutes les personnes opprimées pour mettre fin à cette guerre par la lutte de classe.

    Crise du coût de la vie = crise du capitalisme. Nous ne paierons pas de nos vies, de nos corps et de notre santé !

    « Il y a plusieurs façons de tuer. Planter un couteau dans l’estomac de quelqu’un, retirer le pain de quelqu’un, ne pas guérir la maladie de quelqu’un, mettre quelqu’un dans un mauvais logement, faire travailler quelqu’un à mort, pousser quelqu’un au suicide, emmener quelqu’un à la guerre. Dans notre pays, certaines de ces choses sont interdites. » (Bertolt Brecht)

    La guerre en Ukraine est également utilisée par la classe dirigeante pour expliquer la crise massive du coût de la vie, l’inflation, les pénuries alimentaires, etc. En réalité, la crise économique avait déjà commencé avant le déclanchement de cette guerre. La crise énergétique menace aujourd’hui massivement la vie de millions de personnes dans le monde.

    En Iran, l’inflation était de 75 % en septembre dernier. La population de 44 États connait actuellement des niveaux « alarmants » de famine. Pas moins de 828 millions de personnes souffrent de malnutrition dans le monde, dont de nombreux enfants. Cet hiver, la violence basée sur le genre augmentera de nouveau de façon dramatique. Nous savons que les crises économiques conduisent à une augmentation de la violence – les températures glaciales dans les maisons conduiront à des infections dangereuses et à des problèmes de santé – sans compter qu’une nouvelle vague de COVID aggravera la situation. Outre la pauvreté et la faim, la crise du coût de la vie entraînera également une escalade de violence dans les foyers et les ménages, avec des tensions croissantes, de la violence et donc une augmentation des féminicides. Le travail de soin non rémunéré des femmes dont le système capitaliste a besoin et dont il tire profit va encore s’étendre et exercer de multiples pressions sur les femmes qui sont souvent celles qui sont chargées de préparer et d’acheter la nourriture pour la famille.

    L’inflation n’est pas une loi de la nature. Alors que nous peinons à payer nos factures et que nous redoutons d’être sans abri et de souffrir de la faim, les entreprises du secteur de l’énergie ont réalisé des bénéfices records. Exxon à elle seule a déclaré pour 2022 un bénéfice de 17,9 milliards de dollars. La société Aramco d’Arabie Saoudite a réalisé 48,4 milliards de dollars au cours du même trimestre ! Et ce serait à nous de payer pour la crise ? Un nombre écrasant de femmes travaillent dans des secteurs essentiels, la pandémie les a donc placées en première ligne. Aujourd’hui, l’inflation les contraint à faire la queue pour manger. Ce sont des formes de violence nées du système capitaliste.

    C’est pourquoi la lutte contre la violence fondée sur le genre va de pair avec la lutte contre ce système axé sur le profit qui produit toutes ces crises multiples dont nous souffrons. Cela signifie que le mouvement de la classe travailleuse à l’échelle internationale, comme le mouvement syndical lorsqu’il s’attaque à la crise du coût de la vie, doit placer au centre de ses revendications la lutte contre la violence sexiste, le sexisme et l’oppression. Par exemple, en utilisant les négociations salariales et les mobilisations contre la crise du coût de la vie pour les lier à la lutte pour l’autonomie corporelle, les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+.

    Construire la riposte féministe socialiste MAINTENANT

    Le mouvement révolutionnaire en Iran nous montre comment les femmes à la pointe de la lutte, la classe travailleuse, les pauvres et les personnes opprimées ont le pouvoir de renverser les dictatures, et potentiellement même le système capitaliste axé sur le profit. C’est la seule façon de mettre fin à la spirale de crise après crise et aux différentes formes de violence qui y sont liées.

    Ce système est coupable à tous égards. Pour mettre fin à la violence sexiste et donner corps au slogan “Ni una menos” (“Pas une de moins”), nous devons nous battre pour une société complètement différente. La violence de genre est l’expression d’un système profondément violent. L’heure est venue de se mobiliser et de s’organiser pour construire un mouvement féministe socialiste sur nos lieux de travail, dans nos écoles, nos universités et nos communautés :

    – Mettons un terme à toute forme de violence basée sur le genre ; combattons le sexisme, la misogynie, le racisme, la LGBTQIA+phobie, les abus de pouvoir, le harcèlement et l’oppression partout dans le monde.

    – Défendons et étendons le droit à l’avortement et à des soins de santé respectueux de l’égalité de genre : pour un accès total et gratuit aux soins de santé, pour une éducation sexuelle laïque et entièrement publiquement financée et un accès facile et gratuit à la contraception.

    – Luttons pour le financement intégral des services de lutte contre la violence domestique et sexuelle, des refuges pour femmes et personnes LGBTQIA+ ainsi que des services consacrés à la santé mentale.

    – Battons nous en faveur de salaires décents, de logements abordables et d’emplois décents, pour lutter contre l’augmentation de la faim et de la pauvreté et pour rendre possible une vie indépendante.

    – Luttons pour des investissements publics massifs dans les soins de santé, l’enseignement et les logements sociaux, exproprions les sociétés immobilières à but lucratif.

    – Saisissons la richesse de l’élite et des super riches pour financer ces mesures nécessaires.

    – Nationalisons les entreprises énergétiques, l’industrie alimentaire et d’autres industries clés dans le monde entier sous contrôle et gestion démocratiques de la classe travailleuse afin de mettre fin au gel des logements et à la crise énergétique tout en combattant la crise climatique.

    – Luttons pour un Etat gouverné démocratiquement par la classe travailleuse et les pauvres et éliminer les bases de l’oppression et de la discrimination dans l’Etat et le système judiciaire.

    – Luttons pour une alternative socialiste à la barbarie capitaliste, pour la planification démocratique de l’économie et pour assurer que les ressources de la société soient consacrées à satisfaire les besoins des êtres humains et de la nature afin de mettre un terme une fois pour toutes à l’oppression, à la violence et à l’exploitation.

  • Iran : pour une alternative révolutionnaire au régime islamique

    Le soulèvement révolutionnaire en Iran se poursuit depuis plus de deux mois maintenant. Des actions héroïques de rue menées par les femmes et la jeunesse ont été décisives pour inciter au soulèvement des couches plus larges de la société et de la classe ouvrière.  

    Par des membres d’ASI (Alternative Socialiste Internationale) issus d’Iran et en Iran   

    Ce texte, ainsi que d’autres, ont été discutés et rédigés avec des militants sur le terrain et ont été traduits pour être diffusés en Iran. Les sections d’ASI s’engagent à construire le mouvement de solidarité internationale, non seulement pour exprimer leur solidarité et faire pression dans leur propre pays, mais aussi pour aider réellement à construire la lutte pour une alternative socialiste en Iran. Si vous êtes d’accord avec nos idées et notre programme, aidez-nous à les diffuser en ligne et directement parmi les masses en Iran et à construire une organisation révolutionnaire sur le terrain.  

    La lutte pour un pouvoir alternatif au régime islamique  

    Le soulèvement révolutionnaire en Iran est en cours depuis plus de 2 mois maintenant. Des actions héroïques dans les rues, menées par les femmes et les jeunes, ont été décisives pour inspirer des couches plus larges de la société et la classe ouvrière à se soulever.  

    La réaction brutale du régime n’a pas encore stoppé les masses. Les manifestations de rue ont même pris de l’ampleur et se sont radicalisées. Les différents appels lancés par les organisations d’étudiants et de jeunes pour mettre en place des structures organisées sont cruciaux pour les prochaines étapes. Celles-ci doivent être reliées aux structures qui se sont développées ces dernières années en plusieurs lieux de travail, comme à l’usine de sucre Haft Tappeh. D’autres similaires se développent actuellement.  

    En dépit de la bravoure dont font preuve les jeunes tout particulièrement, la menace de condamnation à mort des manifestants emprisonnés peut conduire à la démoralisation et à la peur parmi des couches plus larges de la classe ouvrière. En outre, le mouvement manque toujours d’une direction claire, alors que différentes forces extérieures au pays, telles que les monarchistes et celles soutenues par les forces impérialistes, tentent de se présenter comme ses dirigeants. Il s’agit d’une véritable menace pour le mouvement. Ces forces ne représentent pas du tout les masses populaires. La lutte a besoin d’une direction, mais d’une direction issue du mouvement révolutionnaire lui-même, qui représente les intérêts de la grande majorité de la population et est totalement indépendante de toute puissance impérialiste.  

    C’est pourquoi la coordination entre les groupes d’étudiants existants, les comités de lutte régionaux, les syndicalistes, etc. et leur rassemblement afin d’organiser une assemblée constituante révolutionnaire sont plus importants que jamais. Ce serait un pas important vers la construction d’une direction réelle visant à assurer la prise du pouvoir par le mouvement de lutte.  

    Les fermetures généralisées des marchés et des magasins de même que les protestations des étalagistes des bazars, qui se sont étendues au-delà des régions kurdes, ont été frappantes. Les grèves et les sit-in étudiants sont une source continuelle d’inspiration pour la résistance contre l’Etat et les forces de sécurité. Mais si différentes associations de travailleurs et des militants ouvriers de premier plan n’ont cessé d’exprimer leur solidarité avec les mobilisations contre le régime et s’y sont joints, les grèves dans les différentes industries n’ont pas encore atteint la portée, l’étendue et la durée nécessaires pour arracher la victoire.  

    À ce stade, le danger d’une nouvelle répression du mouvement encore plus sanglante est réel. Nous avons besoin d’une stratégie et d’un programme pour aller de l’avant et faire passer le mouvement à un stade supérieur, afin d’empêcher tout recul décisif. La menace de condamnation à mort des militants emprisonnés, la poursuite de l’utilisation consciente du viol et de la violence sexiste par les forces de sécurité, les meurtres de jeunes écoliers et d’enfants : tout cela démontre que le régime est déterminé à briser le mouvement de toutes ses forces.  

    Le courage des masses est loin d’avoir disparu, mais il ne suffira pas pour renverser le régime. Le régime est ébranlé, mais il pourra s’accrocher au pouvoir tant qu’il n’y aura pas de force alternative visible capable de prendre le pouvoir et d’exproprier les principaux leviers de l’économie des mains des élites dirigeantes. Pour s’emparer du pouvoir économique et politique, il faut une alternative politique et organisationnelle concrète autour de laquelle les masses puissent se rallier et transformer leur pouvoir potentiel en un pouvoir réel.  

    Afin d’empêcher le mouvement de s’éteindre, un tel pouvoir alternatif doit être construit maintenant en reposant sur les structures de base qui se sont déjà répandues partout. Dans certaines villes, des postes de police ou des bâtiments administratifs sont incendiés ou même occupés par des manifestants. Nous savons également que la police et les Basijis (membres d’une force paramilitaire fondée par l’ayatollah Khomeini en novembre 1979) ont déjà des difficultés à contrôler leurs propres forces. Certains rapports indiquent qu’ils ont commencé à utiliser les milices libanaises du Hezbollah pour réprimer les manifestations. Dans certaines régions, les manifestants ont contrôlé de petites villes pendant plusieurs heures. Ces batailles se déroulent régulièrement, nuit après nuit.  

    Des structures d’autodéfense se développent contre les forces armées, de même que des structures de coordination et de discussion. Les médecins et le personnel des soins de santé ont organisé un réseau souterrain afin de soigner les personnes blessées par la répression. Des structures démocratiques doivent être mises sur pied pour consolider et amplifier ces initiatives afin de permettre la prise de contrôle des villes et des régions par les masses de travailleurs et de pauvres. Très rapidement, la question du pouvoir alternatif des masses sera cruciale pour le mouvement. La détermination populaire a déjà poussé les forces du régime à battre en retraite à plusieurs reprises.  

    Là où certaines parties de l’administration et des services publics s’effondrent, des organes démocratiques du mouvement doivent s’y substituer. Pour commencer à prendre le pouvoir localement – dans les villes et les quartiers, sur les lieux de travail et dans les écoles – là où le régime est obligé de se retirer, les conseils de travailleurs et d’étudiants organisés démocratiquement sont la clé. Il s’agit également d’organiser l’autodéfense, ce qui implique la création de milices ouvrières et de comités d’autodéfense démocratiques et multiethniques pour résister collectivement à la répression d’État. En ce moment, il faut également lancer des appels à destination de la base de la police et des forces de sécurité pour que celle-ci désobéisse, refuse d’accepter d’appliquer la répression et rejoigne la lutte révolutionnaire.  

    Ces conseils devraient étendre le mouvement de grève vers l’organisation d’une grève générale, mais ils pourraient aussi immédiatement prendre le pouvoir, prendre en main l’administration locale et se rassembler au niveau régional et national, jusqu’à la tenue d’une assemblée constituante. Ils pourraient commencer à désarmer les forces répressives et à arrêter et juger les criminels du régime, les Basijis, les Gardiens de la révolution (organisation paramilitaire dépendant directement du chef de l’État).

    Tant qu’un tel pouvoir alternatif ne sera pas construit, il sera plus facile pour le régime de stabiliser la situation – même si ce n’est qu’à court terme. Certaines forces réformistes défendent l’organisation d’un nouveau référendum sur la constitution. C’est une tentative de faire taire le mouvement révolutionnaire et de le canaliser loin des rues et des lieux de travail. Il ne faut pas réaffirmer la constitution théocratique. Tant que le brutal régime actuel est toujours en place, aucun véritable vote démocratique ne peut être organisé. Une assemblée constituante révolutionnaire élue parmi les masses – excluant toutes les forces qui ont participé à la répression, à l’oppression et à l’exploitation ou qui ont collaboré avec le régime – devrait décider démocratiquement de l’avenir du pays.  

    Alors que l’incroyable richesse du régime, des gardiens de la révolution et d’autres n’a pas été touchée, et alors qu’ils continuent à profiter de l’exploitation massive de la classe ouvrière et des pauvres, l’inflation et la crise économique actuelle signifient davantage de famine et de misère.  

    Briser leur pouvoir économique par le biais de conseils de travailleurs à l’échelle nationale qui pourraient commencer à prendre le contrôle de la production et de l’ensemble de l’économie sera crucial. C’est la seule façon de lutter pour l’expropriation des Gardiens de la révolution, de l’ensemble de la classe capitaliste et pour une production planifiée démocratiquement afin de répondre aux besoins des masses et de l’environnement. En fait, ces conseils poseraient la question du pouvoir et fourniraient une alternative. De cette façon, nous pouvons empêcher les forces hostiles aux intérêts de la grande majorité de la société de profiter de tout vide lorsque le régime tombera. Ces forces hostiles comprennent les pseudo-alternatives, dans le pays ou à l’étranger, qui collaborent avec l’impérialisme, la famille du Shah et d’autres qui veulent échanger un régime qui exploite les richesses de l’Iran à ses propres fins par un autre qui fait de même.  

    Construire un parti révolutionnaire des masses ouvrières, des étudiants, des paysans et des pauvres  

    C’est pourquoi une organisation socialiste dotée d’un programme révolutionnaire et capable de proposer un programme et une stratégie pour que les masses prennent le pouvoir est cruciale dans cette situation. Beaucoup, surtout les jeunes, voient la nécessité d’organiser leur colère et leur détermination. La riche histoire révolutionnaire du pays avec un fort mouvement de la classe ouvrière et des organisations socialistes a été brutalement écrasée par les Mollahs. De plus, les organisations socialistes et communistes qui ont continué à avoir quelques forces dans le pays sont discréditées aux yeux de beaucoup en raison de leurs erreurs massives dans le passé – principalement en remettant le pouvoir aux Mollahs en 1979 pour se débarrasser du Shah au lieu de construire un Iran socialiste indépendant.  

    Il est important que la gauche en général tente de reconstruire ses forces, également sur le terrain, mais cela doit se faire sur la base des leçons tirées de la révolution volée de 1979 et du passé en général. Nous voulons discuter du programme nécessaire pour le mouvement maintenant avec toutes les forces qui s’engagent à reconstruire le mouvement socialiste de la classe ouvrière.  

    La tâche immédiate est de commencer à construire une force politique par les étudiants, les travailleurs, les paysans et les pauvres. Il faut se rassembler autour de revendications concrètes pour mettre fin à l’oppression des femmes, des personnes LGBTQI+ et des nations et s’assurer que ces revendications sont placées au centre de la lutte révolutionnaire. Elles doivent être liées à des revendications démocratiques telles que la libération de tous les prisonniers politiques, les pleins droits pour les groupes d’opposition organisés, les partis et les syndicats, avec des revendications pour mettre fin à toutes les formes d’exploitation, pour l’emploi, le logement, les droits des travailleurs, etc.

    Il n’y a pas de lutte pour l’une de ces questions sans l’autre, elles ont toutes la même source : le système capitaliste d’exploitation et d’oppression. Nous devons lutter pour une rupture définitive avec le système capitaliste en Iran et pour une société socialiste par le biais d’une organisation de la classe ouvrière et de tous les exploités et opprimés. C’est la classe ouvrière qui a réellement le pouvoir de reprendre les industries clés et la production des mains de la classe capitaliste pour construire une société complètement nouvelle et démocratique.  

    Pour cela, les premières étapes doivent être l’unification sur base d’un programme, et de décider des slogans nécessaires et des prochaines étapes qui s’imposent au mouvement. Nous voulons discuter d’un projet de programme qui a été élaboré et nous voulons l’améliorer sur base des expériences des militants dans les différentes parties de l’Iran (en savoir plus). Nous voulons discuter cde la diffusion de ce programme et des idées socialistes dans cette situation de répression brutale, en ligne et hors ligne, mais aussi de la construction d’un parti capable d’opérer, d’agiter et d’organiser à travers les canaux de communication que le mouvement utilise déjà pour se coordonner.  

    Nous ne connaissons pas l’issue à court terme du mouvement, mais il est déjà clair que la situation ne reviendra pas simplement à ce qui existait auparavant, et que le processus révolutionnaire se poursuivra. La tâche de construire un tel parti est donc cruciale pour lutter pour un programme qui réponde réellement aux besoins et aux intérêts à long terme de la classe ouvrière et de la grande majorité de la population. Une telle organisation – même si elle est de petite taille pour le moment – composée de cadres révolutionnaires, peut attirer des couches clés d’étudiants et de travailleurs qui peuvent jouer un rôle essentiel pour faire avancer la lutte et gagner également des couches plus larges des masses à la lutte pour un Iran socialiste.  

    Alternative Socialiste Internationale est une organisation révolutionnaire internationale. Nous faisons partie des luttes des travailleurs et des opprimés du Brésil à la Russie, de l’Inde à la Grande-Bretagne, du Nigeria à la Chine, des Etats-Unis à Israël/Palestine, de l’Allemagne à l’Afrique du Sud.

    Si vous êtes d’accord et désirez vous engager dans la construction d’un tel parti, contactez-nous maintenant et participez à la construction des forces de l’Alternative Socialiste Internationale en Iran.  

  • Motion de solidarité : Soutien à la population iranienne en révolte contre leur régime oppressif !

    Nous relayons cette importante motion de solidarité de la part de la CGSP ALR (Administrations locales et régionales), un exemple à suivre !

    Depuis plusieurs semaines, une révolte importante s’est développée en Iran à la suite de l’assassinat brutal de Mahsa Amini par la police des mœurs. La mobilisation pour la disparition du code vestimentaire obligatoire pour les femmes s’est ensuite rapidement élargie en faveur de droits démocratiques et pour la fin de la dictature.

    Nous sommes solidaires du soulèvement actuel et nous sommes particulièrement concernés comme syndicalistes par l’appel à la grève lancé par les enseignants et rejoins depuis par les travailleurs du secteur pétro-chimique. Nous espérons que ce mouvement de grève sera suivi par d’autres car l’arme la plus puissante dont dispose le mouvement ouvrier pour lutter pour ses droits est effectivement la grève !

    En tant que travailleurs progressistes, nous sommes aussi particulièrement dégoûtés par la répression et les meurtres perpétrés par le régime ces dernières semaines. Ces milices de répression sont d’ailleurs souvent équipées par du matériel de répression livré par certains pays occidentaux. Nous exigeons dès lors l’arrêt immédiat du commerce de ces armes qui sont utilisées pour assassiner nos frères et sœurs.

    Comme travailleurs et syndicalistes, la solidarité ne doit pas être un simple mot. La lutte de nos camarades en Iran est notre lutte ! Certains de nos gouvernements qui font mine de critiquer le régime iranien s’attaquent également aux droits des femmes, aux droits démocratiques et aux droits des travailleurs ces dernières années. Il suffit de voir comment une manifestation en solidarité au peuple iranien organisée à Paris dernièrement a été confrontée à une répression inadmissible.

    Nous, syndicalistes de la CGSP-ALR de Bruxelles, nous engageons par cette motion à soutenir l’ensemble des initiatives qui viseront à donner une aide concrète à la population iranienne en lutte. Nous envoyons nos salutations les plus chaleureuses à l’ensemble de la population en lutte en Iran. Nous demandons aux camarades iraniens en Belgique de nous tenir au courant des initiatives qui seraient prises dans les semaines à venir et nous engageons à les relayer dans notre organisation syndicale.

    La solidarité et la grève sont nos armes. Tenez-bon, nous sommes à vos côtés !

    Femmes, vie et liberté !

    Bruxelles, le 17 octobre 2022

    Contact CGSP ALR : karim.brikci@cgspacod.be

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    Support the Iranian people in revolt against their oppressive regime!

    For several weeks, a major revolt has been developing in Iran following the brutal murder of Mahsa Amini by the morality police. The mobilisation for the abolition of the compulsory dress code for women then quickly broadened to include a call for democratic rights and an end to the dictatorship.

    We are in solidarity with the current uprising and we are particularly concerned as trade unionists by the call for a strike by teachers, which has since been joined by workers in the petrochemical sector. We hope that this strike movement will be followed by others because the most powerful weapon the workers’ movement has to fight for its rights is indeed the strike!

    As progressive workers, we are also particularly disgusted by the repression and killings perpetrated by the regime in recent weeks. These repressive militias are often equipped with repressive equipment supplied by certain Western countries. We therefore demand an immediate halt to the trade in these weapons which are used to murder our brothers and sisters.

    As workers and trade unionists, solidarity must not be just a word. The struggle of our comrades in Iran is our struggle! Some of our governments who pretend to criticise the Iranian regime have also been attacking women’s rights, democratic rights and workers’ rights in recent years. Just look at how a recent demonstration in solidarity with the Iranian people in Paris was met with unacceptable repression.

    We, the trade unionists of the CGSP-ALR in Brussels, hereby pledge our support for all initiatives aimed at providing concrete assistance to the Iranian people in struggle. We send our warmest greetings to the entire population of Iran in struggle. We ask our Iranian comrades in Belgium to keep us informed of the initiatives that will be taken in the coming weeks and we commit ourselves to relay them within our trade union organisation.

    Solidarity and strike action are our weapons. Stand firm, we are at your side!
    Women, life and freedom!

    Brussels, 17 october 2022

    Contact CGSP ALR : karim.brikci@cgspacod.be

  • « La femme, la vie, la liberté » : Quel programme pour une révolution iranienne victorieuse ?

    En guise de contribution aux discussions sur l’avenir du mouvement en Iran, les membres et sympathisants d’Alternative socialiste internationale, l’organisation internationale dont le PSL est la section belge, ont élaboré un programme de revendications.

    Les événements explosifs en Iran, qui ont déjà des répercussions directes sur l’Irak et l’Afghanistan, continuent de prendre de l’ampleur. Les écoliers, les écolières en particulier, descendent en masse dans les rues. Les étudiants d’une université ont même été crier face au président Raisi. Des actions de grève ont eu lieu, notamment dans la partie kurde de l’Iran, mais jusqu’à présent, la classe ouvrière s’est largement limitée à un soutien passif (de nombreuses grèves ont toutefois eu lieu l’année dernière). Les enseignants, majoritairement des femmes, font cependant figure d’exception. La manière dont le mouvement va se développer reste une question très ouverte, dont la réponse dépend largement du rôle que la classe ouvrière va jouer.

    Les manifestations de masse actuelles pourraient être le début de la fin du régime des Mollahs, elles pourraient aussi déclencher une vague de protestations dans toute la région. ASI et ses partisans ont soutenu activement la lutte en Iran et ont construit une solidarité internationale avec le mouvement en Iran. En guise de contribution aux discussions sur la voie à suivre pour le mouvement en Iran, nous avons développé le programme de revendications ci-dessous. Un programme est évidemment quelque chose de vivant, qui peut être adapté au fur et à mesure que le mouvement se développe. N’hésitez pas à nous faire part de vos réactions.

    Vous trouverez de plus amples informations en farsi sur les comptes Instagram et Facebook de ROSA.

    « Femme, vie, liberté ». Un programme pour gagner

    • Justice pour Jina (Mahsa) Amini, Nika Shakarami et toutes les autres personnes tuées par le régime ! Pour une enquête complète sur ces cas et d’autres cas similaires. Cette enquête doit être menée par des représentants démocratiquement élus du mouvement révolutionnaire ;
    • Luttons pour la fin des violences, notamment à l’encontre des femmes et des personnes LGBTQIA+ ;
    • Stop à l’oppression et à la violence d’État ! Il faut se débarrasser de la « police des mœurs », des Gardiens de la révolution et de tout l’appareil répressif. Pour la libération de tous les prisonniers politiques, syndicalistes, étudiants et écoliers. Pour la fin de la surveillance et du contrôle : suppression de toutes les interdictions d’accès à internet et aux autres moyens de communication ;
    • La police et les autres structures répressives doivent être tenues loin des écoles, des universités, des lieux de travail et des communautés ;
    • Construisons le mouvement en organisant des réunions sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités pour discuter des revendications concrètes du mouvement et élire des représentants démocratiques pour coordonner les protestations et l’autodéfense du mouvement ;
    • Pour la fin de toutes les lois et réglementations discriminatoires ! Pour l’égalité des droits pour les femmes, les personnes LGBTQIA+ et toutes les minorités religieuses, nationales et ethniques. Pour la suppression de toutes les lois religieuses et tous les codes vestimentaires : pour le liberté de chacun de porter ce qu’il ou elle souhaite, ce qui signifie le droit d’enlever le hijab, mais aussi de le porter si on le veut ;
    • Pour le plein droit à l’organisation syndicale et politique. De nombreux travailleurs et jeunes ont créé des structures syndicales illégales au cours des dernières décennies, malgré la répression. Il convient de les développer et de les mettre en réseau afin qu’elles puissent constituer la base de la reconstruction du mouvement ouvrier et syndical dans tout le pays ;
    • Le mouvement ouvrier doit jouer un rôle actif, les syndicats doivent étendre les grèves pour soutenir le mouvement et lier leurs revendications économiques à celles visant à mettre fin à la répression ;
    • Pour l’autodétermination physique et l’indépendance des femmes et des personnes LGBTQIA+ : droit au divorce, fin des mariages forcés, pour un enseignement inclusif vis-à-vis des personnes LGBTQIA+ et l’égalité des droits dans les soins de santé, avec accès à la contraception et à l’avortement ;
    • L’accès des femmes et des personnes LGBTQIA+ aux emplois, au logement et aux services sociaux, indépendamment de toute influence religieuse. La lutte pour ces droits est internationale et montre qui sont les véritables sœurs (et frères) dans cette lutte : pas celles et ceux qui sont au pouvoir et qui prétendent défendre les femmes tout en attaquant les droits des femmes dans leur propre pays, comme cela s’est produit récemment aux États-Unis. Nos alliés sont les millions de personnes qui descendent dans la rue en Argentine et en Pologne, en Chine et aux États-Unis pour défendre les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ ;
    • L’oppression des minorités ethniques, religieuses et nationales était et reste un instrument de division et de conquête des élites en Iran. Nous défendons un État multiethnique qui garantit les droits fondamentaux tels que la liberté de langue, de culture, etc. Le peuple kurde et les autres minorités doivent avoir le droit à l’autodétermination, jusqu’à et y compris le droit de se séparer de l’État iranien s’ils le souhaitent ;
    • La fin du pouvoir des mollahs, économiquement, politiquement et socialement. Dans un nouvel Iran, les structures démocratiques de la révolution remplaceront les structures répressives des mollahs. La religion deviendra une affaire privée ;
    • Pour l’unité des étudiants et des universitaires avec le mouvement ouvrier. Pour l’expansion du mouvement à toutes les régions, districts et lieux de travail et pour la construction de structures démocratiques de coordination ;
    • Les manifestations de masse sont énormes et sapent la base politique du régime. Une prochaine étape doit toucher les fondements économiques du régime. C’est possible en organisant une grève générale pour renverser le régime et occuper les institutions et les entreprises de l’État et de ses partisans ;
    • Pour la création de comités d’autodéfense multiethniques afin de protéger le mouvement dans les écoles, les universités, les communautés et les lieux de travail contre les attaques de l’État et des institutions religieuses ;
    • Il faut faire appel aux rangs inférieurs de la police et de l’armée pour qu’ils refusent d’exécuter les ordres visant à réprimer le mouvement. Un appel doit également être lancé en direction des travailleurs ordinaires dans les différents secteurs de l’appareil d’État, dans l’administration, dans les industries d’État, etc., pour qu’ils fassent blocage à la répression. Des structures démocratiques, comme des comités de soldats, peuvent permettre de défendre ces droits ;
    • Ces structures démocratiques peuvent rejoindre les comités similaires qui existent et se développent dans les entreprises et sur le lieu de travail, et peuvent être utilisées pour organiser la distribution de nourriture, d’eau et de biens de première nécessité, elles peuvent commencer à prendre le relais là où l’État se retire et jeter les bases de la prise de contrôle des industries clés et des richesses du pays ;
    • Des réformes ou des modifications limitées de la constitution ou de la législation ne répondront pas aux aspirations en faveur d’un changement fondamental. Lors d’élections prétendument « démocratiques » pour un nouveau parlement, ceux qui pourront se présenter comme candidats seront choisis par les élites et non par les masses populaires qui mènent actuellement la lutte. Le régime actuel doit être remplacé par des structures véritablement démocratiques reposant sur les organes de lutte qui se développent sur les lieux de travail et dans les communautés. Il faut construire une démocratie entièrement nouvelle reposant sur le pouvoir et la force des masses, des travailleurs qui font tourner l’économie, des femmes, des paysans et des jeunes ;
    • Pour l’établissement de conseils de travailleurs dans tout le pays afin d’assurer le renversement complet de l’appareil d’État, des gardiens de la révolution et de toutes les institutions religieuses, ainsi que pour le contrôle et la gestion démocratiques de l’économie, en particulier des industries clés comme le pétrole. Pour la nationalisation de toutes les entreprises privatisées sous contrôle des travailleurs ;
    • Pour la publication de toutes les informations concernant les entreprises et les informations internes de la structure centrale de l’État. Il faut que soit rendu public là où sont passées les richesses créées par les millions de travailleurs en Iran, et qui sont les représentants du régime qui en profitent. Que la comptabilité soit ouverte et que l’on passe à l’expropriation ;
    • Que les richesses soient utilisées au bénéfice de celles et ceux qui les ont produite. Pour un salaire décent sans écart de rémunération entre les genres. Pour lutter contre l’inflation, les prix doivent être contrôlés par des structures de la classe ouvrière organisées démocratiquement. Les salaires doivent être liés à la hausse des prix. Il est possible de mettre un terme à la pauvreté en expropriant l’élite et en utiliser l’argent afin de financer entièrement les soins de santé et l’enseignement ainsi qu’en assurant de bonnes allocations aux personnes retraitées et aux personnes dans le besoin ;
    • La production doit satisfaire les besoins nécessaires, les ressources et richesses du pays doivent permettre de mettre fin à la pauvreté, à la faim et au chômage. C’est également la base pour mettre fin à l’exploitation de la nature qui conduit à la sécheresse et aux pénuries alimentaires. Seule une économie et une agriculture organisées et planifiées démocratiquement peuvent sauver les petits agriculteurs de l’exploitation par les propriétaires terriens et les multinationales, et garantir la conservation des espèces, de l’eau et de la nature ;
    • De Téhéran à Kaboul, de Zahedan à Bagdad : pour l’expansion du mouvement révolutionnaire dans toute la région en un mouvement pour une fédération de pays socialistes ;
    • N’accordons aucune confiance dans les puissances impérialistes. Les impérialistes américains et européens ont vigoureusement soutenu le régime brutal du Shah et, aujourd’hui encore, ils ne voient dans l’Iran qu’une source de pétrole et de gaz bon marché. La Chine et la Russie ne valent pas mieux ; elles exploitent et oppriment les populations dans leurs propres pays et travaillent main dans la main avec le régime iranien. Pour la construction d’une organisation indépendante et révolutionnaire de la classe ouvrière et de la jeunesse afin de garantir qu’après la chute du régime, les représentants et les entreprises de l’Occident ou de l’ancienne famille du Shah ne s’approprient pas les richesses du pays.

    Un programme pour le mouvement de solidarité internationale

    • Il faut construire un mouvement de solidarité internationale à partir de la base – sur les lieux de travail, dans les écoles, les universités et les quartiers, avec les mouvements féministes, LGBTQI+, des jeunes, des travailleurs et des syndicats en première ligne ;
    • Le mouvement ouvrier joue un rôle central à cet égard : non seulement parce que nombre de ses collègues sont eux-mêmes issus de dictatures, mais aussi parce que le fait de vaincre les dictatures et l’exploitation améliore les conditions des travailleurs du monde entier. Les organisations de travailleurs doivent utiliser leurs canaux et leurs médias pour informer et participer activement aux manifestations, les soutenir et, surtout, soutenir les travailleurs des entreprises qui font des affaires avec le régime afin qu’ils ne soient pas affectés ;
    • Stop à l’hypocrisie : contre les livraisons d’armes par les Etats impérialistes et contre les guerres impérialistes dans la région et dans le monde. Cela signifie, dans les entreprises commerçant directement ou indirectement avec l’Iran, l’ouverture totale de toute l’administration -ci et son examen par des représentants du mouvement ouvrier ;
    • Déclarons la guerre au réseau d’espionnage du régime dans le monde entier : pour la suppression de tous les privilèges diplomatiques, pour la fin de toute coopération avec les autorités du régime, les ambassades et les réseaux de ce régime de terreur doivent disparaître ! Pour la publications de tous les documents d’entreprise, accords et contrats pour mettre au jour les relations économiques entretenues, mais aussi pour savoir quels militants sont menacés ;
    • Les personnes originaires d’Iran qui fuient ou ont fui dans d’autres pays doivent accéder à des droits pleins et entiers : leur droit de séjour ne doit pas être soumis au contrôle ou à l’influence des autorités iraniennes, ce qui implique la suppression des visas et autres restrictions ;
    • Les bénéfices réalisés par les entreprises qui coopèrent ou tolèrent le régime doivent être confisqués et utilisés pour soutenir le mouvement et la reconstruction démocratique. Les employés de ces entreprises ne devraient pas en faire les frais, seulement les propriétaires et les actionnaires ;
    • Les ambassades, les richesses et les biens du régime et de ses partisans à l’étranger doivent être confisqués pour les remettre entre les mains du mouvement de solidarité ;
    • L’accord nucléaire des dirigeants n’est pas une solution. Il faut mettre fin à toutes les sanctions qui affectent les travailleurs et les pauvres ! Une révolution réussie est la meilleure garantie de paix, de sécurité, de liberté et d’autodétermination dans toute la région.
    • Défendons partout le slogan « la femme, la vie, la liberté ». Pour un mouvement mondial visant à renverser le système capitaliste mondial qui engendre l’oppression des femmes et des personnes LGBTQI+, les dictatures, la guerre, la misère et l’exploitation, et visant à la construction d’une démocratie socialiste mondiale.
  • Manifestation – Révolution féministe en Iran, Liège solidaire !

    Ce jeudi 6 octobre, 18h30, Place Saint Lambert

    L’assassinat de Zhina (Mahsa) Amini, une jeune femme kurde, par la “police des mœurs” en Iran a provoqué un nouveau mouvement de masse audacieux et explosif, défiant le pouvoir des mollahs et le régime !

    A l’initiative de la Campagne ROSA, avec le soutien des FPS? du collectif Et ta soeur ?, de Féminisme Yeah, etc.

    Nous sommes solidaires de tou.te.s les femmes et les hommes courageux.ses, des travailleur.euse.s et des jeunes qui risquent leur vie en descendant dans la rue aux cris de “Mort au dictateur”, “Mort à l’oppresseur – qu’il s’agisse du Shah ou du chef religieux” – et “Femmes, vie, liberté”.

    Aucun mot ne peut décrire la tristesse et la colère qui sont présentes dans nos esprits et nos cœurs. Nous devons transformer cette tristesse et cette colère en une action coordonnée en solidarité avec nos frères et sœurs en Iran, au Kurdistan et dans toute la région.

    Tout en exprimant nos plus profondes condoléances à la famille, aux proches et aux amis de Zhina, nous voulons participer à l’organisation d’une solidarité active internationale.

    Il est très important en ce moment d’être uni.e.s et de construire une solidarité internationale pour donner le plus d’ampleur possible aux mobilisations qui sont en train d’avoir lieu en Iran et qui sont brutalement réprimées par la police. Plus de 70 personnes ont déjà perdu la vie en protestant contre le régime.

    Nous voulons donner force au combat de ces femmes courageuses qui risquent chaque jour leur vie pour se battre pour leurs droits fondamentaux.

    Nous voulons crier qu’il faut en finir avec toute forme de dictature partout dans le monde.

    Nous voulons tout particulièrement revendiquer :
    – La fin du hijab obligatoire et le droit des femmes à porter ce qu’elles souhaitent.
    – La fin de toutes les règles misogynes ainsi que de toutes les formes de discrimination à l’encontre des groupes opprimés et des minorités.
    – Le droit de manifester et de s’organiser ainsi que la libération de tou.te.s les prisonnier.e.s politiques
    – Le droit à une vie décente, à la sécurité, a des bons emplois avec des bons salaires ainsi que l’indépendance des femmes non seulement économique mais aussi dans tous les aspects de leur vie.

    • 14/10, 18h30 – Réunion ROSA-Liège – Quai Roi Albert 5 / Avec 2 militantes Iraniennes de la Campagne ROSA :
      Solmaz (Liège) et Sarah (Autriche, organisatrice de la manifestation de solidarité de Vienne).
    • 27/11 – Bruxelles – Manif nationale contre la violence faites aux femmes
  • Justice pour Zhina (Mahsa) Amini ! À bas le régime islamique !

    Construisons une solidarité internationale féministe-socialiste avec le mouvement de lutte contre la violence de genre et la violence d’État !

    Le meurtre de Zhina (Mahsa) Amini, une jeune femme kurde, par la « police des mœurs » en Iran a provoqué un nouveau mouvement de masse, audacieux et explosif, défiant le règne des mollahs et le régime alors que le président Raisi est accueilli à l’assemblée générale de l’ONU à New York ! Nous sommes solidaires de toutes les femmes courageuses, des travailleurs et des jeunes qui risquent leur vie en descendant dans la rue aux cris de “Mort au dictateur”, “Mort à l’oppresseur – qu’il s’agisse du Shah ou du chef religieux” et “Femmes, vie, liberté”.

    Déclaration d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) et de ROSA International Socialist Feminists

    Aucun mot ne peut décrire la tristesse et la colère présentes dans nos esprits et nos cœurs. Nous devons les transformer en action coordonnée de solidarité avec nos frères et sœurs en Iran, au Kurdistan et dans toute la région. Tout en exprimant nos plus profondes condoléances à la famille, aux proches et aux amis de Zhina, nous, en tant qu’ASI et ROSA international, aiderons à organiser et à élargir les mobilisations et actions de solidarité internationales.

    Zhina a été battue par les agents du régime et est morte après un coma de trois jours. En Iran, les femmes sont arrêtées et battues quotidiennement pour la façon dont elles sont habillées. C’est un exemple parmi d’autres de la brutale violence d’État et de sa misogynie. Les féminicides sont profondément ancrés dans le régime. C’est pourquoi, dans d’innombrables cas, la première pensée fut : cela aurait pu être moi, ma fille, ma sœur ou mon amie. Être harcelée ou violée dans la rue par des religieux, par la « police des mœurs » ou d’autres est un drame bien connu dans toutes les sphères publiques ou privées de la société iranienne. Une fois arrêtée, personne ne sait ce qui peut arriver. Ce n’est pas la première fois que des femmes sont tuées durant leur détention ou sous la torture. Tout au long de son histoire, le régime meurtrier a désespérément tenté de dissimuler ces meurtres en les faisant passer pour des crises cardiaques, des suicides, etc. Mais cette fois, cela a conduit à des protestations généralisées sous diverses formes : sit-in, grèves, manifestations dans les universités, actions devant les bureaux de la police, etc.

    Le meurtre de Zhina n’est ni un accident ni le résultat d’une erreur d’un policier à titre individuel. Ce meurtre s’inscrit dans la continuité de la politique misogyne et répressive que le régime islamique a adoptée depuis son arrivée au pouvoir. Depuis plus de quatre décennies, les femmes et les groupes opprimés tels que le peuple kurde ont payé un lourd tribut de leur corps et de leur vie à la défense de leurs droits humains les plus fondamentaux.

    En résistant au hijab obligatoire, certaines femmes risquent régulièrement leur vie, afin d’exiger la liberté de décider et de choisir ce qui les concerne. Le régime cherche maintenant à briser le mouvement et les actions de grève en cours. Dans les régions kurdes, par exemple, la répression a été excessivement violente et il y a même à des meurtres lors des manifestations. Mais la colère profonde et généralisée ne peut être réduite au silence à ce stade.

    La vie de Zhina a été prise alors que le régime était en proie à de multiples crises : inflation, pauvreté croissante et flambée des prix, autant de facteurs qui touchent encore plus durement les femmes. Les mollahs traversent une profonde crise de légitimité, qui met leur pouvoir en danger à chaque pas, comme nous l’avons vu tout au long de la pandémie avec des vagues de protestation et des actions de grève de plus en plus nombreuses (enseignants, travailleurs du pétrole, infirmières, chauffeurs de bus …). Le peuple en a assez ! Et une fois encore, ce sont les femmes, par exemple les femmes et les jeunes kurdes, qui sont à la pointe de la lutte pour mettre fin au règne de ces tueurs islamistes. Ce sont toujours elles qui ont fait les premiers pas dans la construction d’un mouvement pour exiger leurs propres droits ainsi que la libération de la classe ouvrière, en menant le mouvement révolutionnaire il y a plus de 40 ans, qui a été trahi et volé.

    Le régime est bien conscient de cette force et il a tenté de réprimer plus brutalement les femmes, les personnes LGBTQIA+ et les jeunes ces dernières semaines et ces derniers mois, comme nous l’avons vu avec l’horrible condamnation à mort de Zahre Sedighi et Elham Choobdar. Mais le mouvement a maintenant le potentiel de s’étendre encore plus dans le pays et dans toute la région. Comme nous le savons, les femmes ont joué un rôle clé dans les récents soulèvements, du Liban à l’Irak. Les femmes enlèvent leur hijab, non seulement dans la ville natale et la région de Zhina, mais aussi dans les manifestations qui se sont étendues à Téhéran et à Ispahan ainsi qu’en Irak. Les forces de sécurité avaient imposé à la famille d’enterrer leur fille la nuit tombée, mais celle-ci a résisté et la cérémonie s’est transformée en une manifestation bruyante qui a déclenché. Sur le panneau de la tombe de Zhina, il est écrit en kurde : « Zhina, tu ne meurs pas, ton nom devient un cri ».

    La lutte contre le hijab obligatoire et les codes vestimentaires islamiques est profondément liée à la lutte contre l’ensemble du régime et du système capitaliste en Iran et dans le monde. Comme nous le constatons au niveau mondial, en temps de crise, les dirigeants ont besoin de contrôler encore plus le corps et la vie des femmes. Le régime iranien a besoin de l’oppression brutale des femmes par le biais des lois religieuses et de la violence pour maintenir les rôles de genre et l’exploitation des femmes à la maison.

    Alors que les politiciens occidentaux, l’impérialisme américain, etc. tentent d’instrumentaliser la mort de Zhina pour servir leur propre agenda politique, il est absolument évident que l’on ne peut pas faire confiance à ces forces. Nos vies et nos corps sont contrôlés par des codes vestimentaires, des restrictions au droit à l’avortement, l’explosion de la violence de genre et des fémicides, la pauvreté et la faim. Les forces impérialistes ont plongé toute la région dans la guerre et la destruction, qui menace tout particulièrement la vie des femmes, et ont contribué à la croissance des forces islamistes de droite comme en Afghanistan, en Irak ou en Syrie. En Iran, les sanctions de l’impérialisme ne touchent pas les mollahs super riches mais bien la classe ouvrière et les pauvres, et encore une fois tout particulièrement les femmes.

    D’autre part, l’impérialisme occidental se plie également aux exigences des dirigeants du régime archiréactionnaire saoudien qui traite les femmes tout aussi abominablement. Il vient par exemple de condamner des militantes à des peines de prison de plusieurs dizaines d’années pour avoir simplement affiché leurs opinions sur les réseaux sociaux. Ces puissances impérialistes ne sont intéressées ni par la liberté réelle ni par la libération des masses. Les femmes, les travailleurs et tous les opprimés et les pauvres en Iran ne doivent compter que sur leur propre force. C’est par leur action et leur organisation en toute indépendance des forces capitalistes que ce régime pourra être renversé.

    Pour exiger que les assassins de Zhina reçoivent le châtiment qu’ils méritent, il faut lutter contre l’ensemble du régime. Nous défendons la fin du hijab obligatoire et le droit des femmes à porter ce qu’elles souhaitent, la fin de toutes les règles et lois misogynes ainsi que de toutes les formes de discrimination à l’encontre des groupes opprimés et des minorités. Nous défendons le droit de manifester et de s’organiser ainsi que la libération de tous les prisonniers politiques. Nous défendons le droit à une vie décente, à la sécurité, à de bons emplois avec de bons salaires ainsi que l’indépendance des femmes dans tous les aspects de leur vie. Ces revendications contrastent fortement avec les nécessités du régime. Nous sommes profondément convaincus que ces revendications seront arrachées grâce à l’unité et à la solidarité dans la lutte de la classe ouvrière, les femmes et les personnes opprimées au premier plan.

    Ce combat a le potentiel de vaincre le sexisme, la violence et la discrimination profondément enracinés dans la société. Le régime a toujours utilisé la discrimination brutale du peuple kurde ainsi que d’autres minorités pour diviser et régner plus aisément. Le mouvement des travailleurs kurdes, le mouvement des femmes radicales et son militantisme constituent donc une menace très spécifique. C’est pourquoi l’appel à la grève lancé par les organisations de travailleurs kurdes doit être repris par l’ensemble du mouvement ouvrier iranien. Il doit être élargi pour créer des comités d’action dans toutes les écoles, universités, lieux de travail et quartiers et montrer ainsi que le mouvement ouvrier iranien ne peut être séparé de la lutte de tous les opprimés : il s’agit d’un combat commun contre un ennemi commun.
    Ce type de solidarité est nécessaire pour surmonter les divisions nationales et communautaires ainsi que la discrimination et la violence fondées sur le genre. Il en va de même pour le mouvement ouvrier international qui a besoin de toute urgence de construire une solidarité internationale par en bas comme alternative à l’hypocrisie de l’impérialisme occidental et de son « féminisme » libéral. Les récentes actions de grève dans un certain nombre de villes et de régions en Iran ont montré le potentiel qui existe pour un puissant mouvement de la classe ouvrière démocratiquement organisé et coordonné, multiethnique et au-delà du genre, qui a le pouvoir de mettre fin au règne des mollahs, de faire tomber Raisi Khamenei et l’ensemble du régime, de prendre en main l’ensemble du système et de l’économie et de lutter pour un système démocratique et socialiste garantissant la liberté, l’égalité et l’autonomie corporelle.

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