Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Histoire révolutionnaire – La guerre d’indépendance algérienne 1954-1962


    En 1962, la “guerre d’Algérie”, l’un des conflits anticolonialistes les plus longs et les plus sanglants, se terminait par la victoire des combattants algériens contre l’impérialisme français. L’Algérie était sous domination coloniale française depuis 132 ans. Elle était le “vaisseau amiral” de l’empire colonial français.

    Par Serge Jordan, article initialement écrit pour le 50e anniversaire de l’indépendance

    Une politique de ségrégation raciale et de dépossession massive des terres s’est faite au détriment des populations autochtones. La grande majorité des Algériens étaient maintenus dans une pauvreté écrasante et subissaient une discrimination salariale systématique, ce qui garantissait d’énormes profits aux grandes entreprises françaises.

    Au début du conflit, en 1954, un million de colons européens – dont 79 % étaient nés en Algérie – coexistaient avec neuf millions d’Algériens. Il existait également une importante communauté de Juifs. Au sommet de l’échelle des colons se trouvaient une petite clique détenant le pouvoir économique et politique. L’écrasante majorité des colons, cependant, était pauvre. Dans les années 1950, leur niveau de vie moyen était inférieur de 20 % à celui de la France.

    Après la Seconde Guerre mondiale, le militantisme et les luttes nationalistes n’ont cessé de croître dans tout le pays, dans le contexte des luttes indépendantistes qui éclataient au niveau international. Cela a coïncidé avec des vagues sans précédent de grèves ouvrières et un désir massif de changement social. Dans de nombreux cas, ces conflits impliquaient des travailleurs algériens et français.

    Le 1er novembre 1954, le FLN (Front de libération national) lança une série d’attaques de type guérilla dans différentes parties du territoire, en visant les bases de la puissance coloniale. Le FLN était une organisation nationaliste composée de militants radicaux qui, lassés du conservatisme et du réformisme croissants des forces nationalistes traditionnelles, avaient décidé d’”allumer la mèche” d’une révolte générale contre la domination française.

    L’armée française a répondu par une terreur systématique, impliquant l’incendie de villages, la création de camps de concentration de fortune, des exécutions sommaires et la torture pratiquée à grande échelle. Cette violence a mis en évidence le visage brutal du capitalisme français – la prétendue France des “droits de l’homme”.

    Les ondes de choc

    Dès le début de la révolte coloniale, des dizaines de villes françaises furent touchées par des conflits sociaux explosifs tandis que des vagues de mutineries éclataient parmi les appelés refusant d’aller se battre pour l’”Algérie française”. Au fur et à mesure que la guerre avançait, le soutien au régime colonial a décliné à la vitesse de l’éclair. Les conséquences financières de la guerre commencèrent à créer un déficit budgétaire bientôt incontrôlable.

    Mais la sauvagerie inégalée déployée sur le sol algérien par le régime autoritaire de Charles de Gaulle – qui avait pris le pouvoir en France par un coup d’État parlementaire en 1958 – s’est révélée incapable de mettre fin à la guerre.

    L’offensive lancée par les troupes françaises en 1959 avait presque achevé l’ALN, la branche armée du FLN, en tant que force combattante. Mais le lourd tribut payé, politiquement et socialement, affectait directement la confiance et la capacité de la classe dirigeante française à poursuivre la guerre.

    Les manifestations massives pro-FLN de décembre 1960, où les masses algériennes urbaines se sont déversées spontanément dans les rues en faveur de l’indépendance, à une échelle dépassant largement les prévisions du FLN, ont constitué un tournant. En outre, en avril 1961, la masse des soldats français s’est rebellée contre une tentative de coup d’État des généraux.

    De Gaulle a dû lutter désespérément pour reprendre le contrôle de l’armée. À Blida (Nord), les conscrits se sont emparés de la principale base militaire, ont arrêté leurs officiers et ont hissé le drapeau rouge de la révolution !

    De Gaulle savait qu’il devait agir sous peine de perdre le contrôle. À ce moment-là, la question est devenue celle de la gestion d’une retraite ordonnée de l’impérialisme français. C’est ce qui s’est finalement produit avec la signature des “accords d’Évian” entre le FLN et le gouvernement français en mars 1962, ouvrant la voie à une Algérie indépendante.

    L’absence d’un parti prônant un programme pour l’unité de la classe ouvrière, en France mais aussi, de manière cruciale, en Algérie, a été un facteur clé dans la canalisation de la lutte anticoloniale sur des lignes nationalistes. Le Parti communiste algérien a perdu de plus en plus le soutien de l’opinion publique car sa direction se faisait l’écho de la politique du Parti communiste français – PCF.

    Le FLN a cherché à prendre le pouvoir par la force militaire, avec une armée essentiellement basée sur la paysannerie et la population urbaine défavorisée. De manière significative, les six fondateurs du FLN étaient tous issus d’une élite rurale appauvrie par le colonialisme ; leur monde était l’Algérie rurale et aucun d’entre eux n’avait eu d’interaction prolongée avec le mouvement ouvrier.

    Au lieu d’orienter leurs efforts vers la construction d’un combat commun à tous les travailleurs et les pauvres, et d’essayer de diviser les colons européens sur une base de classe – y compris en donnant des garanties à la minorité européenne que ses droits seraient respectés – la plupart des dirigeants du FLN avaient une vision purement nationaliste, et n’avaient aucun programme pour développer le pays une fois l’indépendance obtenue.

    Leurs méthodes consistaient notamment à bombarder des lieux publics fréquentés par des civils européens de la classe ouvrière et de la classe moyenne. Ces actions ont contribué à diviser les travailleurs algériens et non algériens, et à pousser les colons en masse dans les bras de la réaction pro-coloniale. À l’automne 1962, 99 % des colons européens avaient quitté le pays par crainte de représailles, ce qui a constitué l’une des plus grandes migrations de population du XXe siècle.

    Aucune solution

    Malgré le courage et l’héroïsme de nombreux combattants et sympathisants pro-FLN, leurs efforts n’ont pas abouti aux changements qu’ils avaient espérés et pour lesquels ils s’étaient battus.

    Après l’indépendance, le régime qui a pris le pouvoir en Algérie était un État à parti unique sous la coupe d’une puissante machine militaire. Cette situation était le résultat direct des structures et des méthodes militaires adoptées par les dirigeants du FLN.

    En effet, la participation massive et démocratique de la classe ouvrière – la seule force collective capable de renverser le capitalisme et de construire le socialisme – était considérée par la bureaucratie militaire émergente du FLN avec suspicion et comme une menace pour son propre pouvoir.

    En équilibre entre le capitalisme et le stalinisme, le régime algérien a pu maintenir pendant un certain temps un “cap à mi-chemin”, impliquant des nationalisations partielles qui ont contribué à développer les infrastructures, la santé et l’éducation. Mais à la suite de la chute du bloc stalinien, il s’est déplacé plus à droite et a adopté des privatisations massives et des contre-réformes néolibérales qui ont conduit à un profond désastre pour la masse de la population.

    L’Algérie aujourd’hui

    Aujourd’hui, malgré ses riches réserves de pétrole, la plupart des Algériens sont privés de tout semblant de conditions de vie décentes. Pour la majorité des Algériens, dont le pays est miné par la pauvreté, la corruption et la violence, l’anniversaire de l’indépendance n’a guère de raison d’être célébré.

    La capitale, Alger, a été classée parmi les villes les moins viables du monde. Le “Code de la famille”, notoirement rétrograde, consacre le statut de mineure à vie des femmes. Les élections sont falsifiés, les conditions de logement sont épouvantables, les abus policiers généralisés.

    La génération post-indépendance constitue désormais la grande majorité de la population et n’éprouve que de la colère envers l’élite corrompue au pouvoir.

    À la lumière des récentes luttes de masse qui ont embrasé la région nord-africaine, le temps est venu pour cette nouvelle génération de réapprendre les leçons de la lutte pour laquelle environ un million de leurs ancêtres ont sacrifié leur vie.

    La gauche française

    La vision dominante de la question algérienne au sein de la SFIO “socialiste” (section française de la Deuxième Internationale) peut être résumée par les mots d’un député SFIO qui déclarait : ” Nous voulons que les hommes d’Algérie soient plus libres, plus fraternels, plus égaux, c’est-à-dire plus français. ”

    L’un des points essentiels sur lesquels la Troisième Internationale, communiste, se différenciait de la Deuxième Internationale était son soutien inconditionnel aux luttes de libération nationale contre le colonialisme. Mais la dégénérescence stalinienne de la Russie soviétique avait mis en lambeaux ces principes.

    Alors que dans les années 1920, le Parti communiste français (PCF) avait joué un rôle de premier plan dans l’organisation de l’opposition à la guerre franco-espagnole du Rif au Maroc, dans les années 1950, ce parti était devenu un appendice soumis à la diplomatie stalinienne, défendant la “défense nationale”, les alliances avec les forces pro-capitalistes et tentant de freiner les luttes ouvrières et anticoloniales.

    Malgré le militantisme indépendantiste de nombre de ses membres et sympathisants, le PCF a voté, en 1956, en faveur des “pouvoirs spéciaux” accordés au gouvernement dirigé par le “socialiste” Guy Mollet, intensifiant la répression en Algérie et envoyant des centaines de milliers de conscrits sur le champ de bataille.

  • Moyen-Orient. Solidarité avec les grèves contre les féminicides !


    Aujourd’hui, 6 juillet, une grève féministe transfrontalière a lieu à travers le Moyen-Orient. Naira Ashraf en Égypte. Eman Rashid en Jordanie. Lubna Mansour aux Émirats arabes unis. Jewel Khnifiss à Shefa-‘Amr. Summer Clancy à Haïfa. Raneen Salous en Cisjordanie. Ce ne sont là que quelques-uns des noms des femmes assassinées ces dernières semaines au Moyen-Orient. Ces meurtres ont été accompagnés d’une vague de réactions conservatrices et de menaces sur la vie des femmes. À la suite de ces événements, des organisations de femmes ont lancé un appel à la grève.

    Déclaration du réseau international “ROSA International Socialist Feminists”

    La grève intervient dans un contexte de crise systémique du capitalisme dans le monde, qui touche les femmes en général et les femmes du monde néocolonial en particulier. Les femmes voient leur vie menacée par des hommes violents, mais aussi par le chômage, la faim, la pauvreté, la guerre, la migration forcée, le commerce des filles, la crise climatique et le déni des droits démocratiques sous des régimes dictatoriaux et réactionnaires.

    Les femmes arabo-palestiniennes, en Israël et dans les territoires occupés, sont également menacées par le régime israélien d’occupation et de discrimination. Les femmes arabo-palestiniennes en Israël représentent plus de 40% des meurtres alors que leur part dans la population ne dépasse pas 20%. 84% des meurtres de femmes arabo-palestiniennes en Israël ne sont jamais résolus. À Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza, les femmes sont également exposées aux démolitions de maisons, à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire imposées par l’occupation israélienne.

    Les femmes ont joué un rôle de premier plan dans les protestations et les révolutions qui ont éclaté au Moyen-Orient depuis le “printemps arabe” jusqu’à aujourd’hui. À travers ces protestations, elles ont également soulevé des demandes de protection contre la violence sexuelle en particulier, et la violence en général.

    Ce qu’il faut pour arrêter les féminicides, c’est une organisation transnationale de femmes et d’hommes sur les lieux de travail, dans les établissements d’enseignement et dans les quartiers, qui lutte contre les féminicides et la violence de genre au Moyen-Orient, mais aussi contre la violence institutionnelle et impérialiste que le capitalisme impose à la région, et en faveur d’une société socialiste et démocratique. Cette grève pourrait constituer une étape importante sur la voie d’une telle organisation.

    ROSA International Socialist Feminists soutient pleinement cette journée d’action transrégionale. L’orientation vers la grève à l’échelle internationale contre la violence sexiste est un développement très encourageant. Les syndicats et les organisations de travailleurs feraient bien de ne pas rester sur la touche mais d’adopter une position audacieuse en soutenant activement ces actions et en en organisant d’autres contre la violence, l’exploitation et l’oppression endémiques et croissantes que subissent les femmes dans toute la région.

  • [DOSSIER] Elections libanaises : des gains inédits pour les candidats dits “indépendants”

    Image tirée du mouvement de masse de 2019.

    Les élections législatives du 15 mai ont été les premières élections organisées depuis le début de la crise au Liban. Celle-ci ne cesse de s’aggraver et a déjà plongé la majorité de la population dans la pauvreté. Ces élections ont également représenté un test à la suite du soulèvement de masse du 17 octobre 2019, une révolte qui marqua le rejet d’un système politique sectaire et néolibéral. Les élections confirment-elles l’affaiblissement continu de ce système? Que nous disent-elles de la crise de la représentation politique ouvrière au Liban? Quel type de politique indépendante peut offrir une solution à la crise?

    Par Christian (Louvain)

    Période préélectorale et rebondissements inattendus

    Au Liban, les dernières années ont été faites d’instabilité et d’impasses politiques. Le gouvernement sortant de Najib Mikati fut formé le 10 septembre 2021. Ceci vînt après treize mois de querelles à la suite de la démission du gouvernement de Hassan Diab, démission survenue à cause de l’explosion du port de Beyrouth. Cependant, un mois après le début du gouvernement Mikati, le Hezbollah et Amal commencèrent un boycott des réunions du cabinet qui allait durer trois mois. Ici encore, la cause était un désaccord concernant l’enquête sur l’explosion du port.

    En mars, un autre élément fit planer l’incertitude sur les élections prévues en mai. Après avoir proclamé son départ de la politique, l’ancien Premier ministre Saad al-Hariri annonça que le « Courant de l’avenir» se retirait de la course et appela au boycott des élections. Véhicule politique de la dynastie politique Hariri, le Courant de l’avenir a dominé les circonscriptions sunnites pendant des décennies. En 2018, le parti avait encore remporté 20 des 27 sièges réservés aux sunnites.(1)

    Le Premier ministre sortant Najib Mikati ayant également annoncé qu’il ne se présenterait plus aux élections, aucune figure sunnite de premier plan ne resta dans la course. Dans ce contexte, on vit surgir une campagne alarmiste selon laquelle le vide politique allait profiter aux candidats sunnites soutenus par le Hezbollah.

    Aucune majorité parlementaire

    En fin de compte, cependant, de nombreux votes sunnites allèrent aux indépendants. L’Alliance du 8 mars, le bloc autour du Hezbollah soutenu par l’Iran, sortit affaibli des élections, perdant sa majorité parlementaire. Le Hezbollah et son allié Amal surent conserver l’intégralité des sièges attribués à la communauté chiite. D’autres alliés, cependant, subirent de lourdes pertes. Ceci fut particulièrement le cas pour le Mouvement patriotique libre, le parti du président Michel Aoun, et anciennement le parti chrétien le mieux représenté au parlement. Par rapport à 2018 ce parti remporta 48% de voix en moins.(2)

    Parmi les circonscriptions chrétiennes, les Forces libanaises soutenues par les États-Unis et l’Arabie saoudite, parti dirigé par Samir Geagea, réalisa des gains importants. Il détient désormais le plus grand nombre de sièges réservés aux chrétiens.

    Malgré cela, l’Alliance du 14 mars, à laquelle appartiennent à la fois les Forces libanaises et le Courant de l’avenir, n’a pas non plus obtenu de majorité parlementaire. La perspective d’un parlement sans majorité pourrait se traduire par une aggravation de l’instabilité et des impasses politiques existantes. Cependant, officiellement, il semble au moins exister un consensus sur l’adoption d’un accord avec le FMI.

    La progression des indépendants

    Evénement historique, les candidats qui avaient pris part aux manifestations de 2019 et se présentaient aux élections comme indépendants des partis sectaires ont remporté 13 des 128 sièges du parlement.(3) Parmi ceux-ci, sept ont remporté des sièges sunnites, cinq des sièges chrétiens et finalement un siège druze. Il s’agit de sièges dans les cinq provinces du Liban, autant dans les zones urbaines que rurales.(4)

    Quelques facteurs ont favorisé ces indépendants. D’une part, les électeurs sunnites n’ont en grande partie pas suivi l’appel de Hariri à boycotter les élections et bon nombre d’entre eux ont fini par voter en faveur d’indépendants. Dans l’ensemble, la participation électorale a été faible : 49 %. Cependant, ceci est semblable à 2018, avant le début de la crise.

    Deuxièmement, le vote de la diaspora semble avoir, à plusieurs reprises, fait pencher la balance en faveur de partis alternatifs, créant des victoires imprévues contre des personnalités établies. En fait, les estimations initiales du taux de participation électorale ont dû être révisées à la hausse, entre autres en raison de la plus forte participation (63 %) parmi les électeurs inscrits vivant à l’étranger.(5)

    Le pouvoir persistant des forces sectaires

    Dans l’ensemble, les partis sectaires ont encore largement réussi à maintenir leur emprise sur le pouvoir. C’est particulièrement le cas des partis chiites mais aussi d’autres partis, notamment les Forces libanaises. Cela peut être dû en partie à l’apathie politique exprimée par la faible participation électorale. Il est également possible que les ‘indépendants’ n’aient pas su convaincre des couches de la population tentant de survivre au jour le jour. De plus, les élections ont également vu les partis sectaires recourir à l’intimidation et à la violence pour éloigner leurs adversaires. De telles accusations ont particulièrement été portées contre le Hezbollah et Amal.

    Le plus important peut-être, c’est que les partis sectaires ont encore intensifié leur offre clientéliste à des segments importants de leur électorat, précisément à un moment où le besoin de soutien social est plus désespéré que jamais.

    Les exemples ne manquent pas. Ainsi les Forces libanaises de Geagea ont distribué du pain et des coupons de carburant à ses partisans ainsi que des médicaments soi gratuit ou à prix réduit. Dans une autre région, un réseau de transports en commun a été mis en place pour les partisans du parti. Diverses forces politiques sectaires ont également utilisé l’accès au vaccin covid pour consolider leur base.(6)

    Fait remarquable, le Hezbollah a pu étendre son réseau clientéliste tout au long de la crise. Il fournit des cartes électroniques à sa base communautaire donnant accès à des coopératives vendant de la nourriture à des prix réduits. D’autre part, il a également accordé 200.000 microcrédits à ses partisans.

    Le Hezbollah a aussi réussi à contourner les sanctions américaines en important du pétrole iranien à travers la Syrie. Ce carburant est fourni gratuitement à des institutions telles que les hôpitaux publics, la Croix-Rouge libanaise, les forces de défense civile et les orphelinats. Cela renforce la stratégie du Hezbollah de contrôler soit directement ou indirectement des parties de l’appareil d’État tout en renforçant son image de force résistante à l’impérialisme américain.

    Cependant, selon certains, un facteur dans les revers subis par les alliés du Hezbollah pourrait être lié à la perte de prestige du Hezbollah sur ce front. En effet, son rôle dans la lutte contre Israël a reculé dans le passé.

    Pourtant, quelque chose a tout de même cédé…

    La raison du retrait du Courant de l’avenir des élections est une question cruciale. Les poursuites juridiques internationales dont fait objet Hariri, notamment en Turquie, en raison de ses relations d’affaires, ont peut-être joué un rôle. Mais, plus fondamentalement, le retrait de son parti (tout comme d’une personnalité comme Mikati) pourrait être un aveu de l’incapacité de ces forces politiques à atteindre leurs objectifs dans les circonstances actuelles. Diverses indications soulignent que le système politique sectaire pourrait être particulièrement affaibli au sein de la communauté sunnite. Le maillon faible du système a-t-il commencé à se rompre? Ce serait une évolution positive favorisant la construction de l’unité de la classe ouvrière au-delà de la fracture sectaire.

    D’un autre côté, les circonstances géopolitiques du retrait du Mouvement de l’avenir pourraient être plus inquiétantes. De plus en plus mécontents de l’incapacité du parti à former un contrepoids au Hezbollah, les États du Golfe et l’Arabie saoudite semblent avoir transféré leur soutien aux Forces libanaises. Cela peut signaler une pression extérieure pour une accentuation du conflit entre les alliances du 14 mars et du 8 mars.(7)

    En effet, des partis tels que les Forces libanaises pourraient avoir réussi à faire des élections un référendum sur les armes du Hezbollah. Le Hezbollah, pour sa part, a joué sur un sentiment d’encerclement par des ennemis aussi bien étrangers que domestiques pour conserver son noyau de partisans.

    Attiser les tensions sectaires et l’impunité

    Le 14 octobre 2021 fut un rappel du danger toujours présent de la violence sectaire. Ce jour-là vit éclater les pires combats de rue depuis 2008.

    Le Hezbollah appelait à la destitution de Bitar, le juge principal enquêtant sur l’explosion catastrophique du port de Beyrouth en août 2020. Ils l’accusaient de parti pris politique, c’est-à-dire de ne s’en prendre qu’aux personnalités du bloc politique autour du Hezbollah. Alors que les partisans du Hezbollah et de son allié Amal se rassemblaient pour protester près du palais de justice de Beyrouth, ils durent essuyer des tirs de snipers provenant d’un quartier chrétien bastion des Forces libanaises. Les combats ont duré quatre ou cinq heures et ont suivi l’ancienne ligne de front de l’époque de la guerre civile. Bilan : six morts et des dizaines de blessés. Bien qu’un retour à la guerre civile semble peu probable, cet incident démontre que les élites politiques libanaises ne reculeront devant rien pour canaliser des aspirations légitimes de justice dans des canaux sectaires.

    Entre-temps, les tragédies se répètent. En août 2021, un camion-citerne explosa à Tleil, dans le district d’Akkar, la partie la plus pauvre du pays avec le taux d’analphabétisme le plus élevé. Au moins 33 personnes périrent, beaucoup d’autres furent blessées. Les habitants ont accusé trois parlementaires de la région, membres de grandes familles de propriétaires terriens féodaux, d’être à l’origine de l’opération de contrebande qui provoqua la catastrophe. Deux appartiennent au Courant de l’avenir de Hariri, le troisième au Courant patriotique libre d’Aoun.(8) De blocs opposés dans le jeu de la politique sectaire, tous négligèrent leur région, profitant conjointement de la population locale qu’ils finirent par mettre en danger. Cela montre l’intérêt de classe commun des partis sectaires rivaux.

    Les “indépendants” entrent en scène – De nombreuses nuances

    Les indépendants nouvellement élus ne possèdent aucune direction centralisée et n’appartiennent à aucun parti ni même à aucune liste électorale commune. Dans de nombreux cas, des indépendants se disputaient les mêmes sièges. D’une part le fait que le mouvement de masse de 2019 n’ait pas trouvé d’expression politique plus unifiée peut être considéré comme un échec. Bien qu’il y ait une part de vérité dans ce constat, en tant que marxistes, nous ne défendons pas des alliances opportunistes.

    Il est important de se rappeler que ces indépendants sont issus d’un mouvement très large. Alors que celui-ci exprimait un rejet du sectarisme et du néolibéralisme, la participation organisée de la classe ouvrière y était largement absente. Des gens issus de celle-ci y ont participé en masse, mais en tant qu’individus seulement. Ceci a sans aucun doute influencé l’expression politique ultérieure du mouvement.

    De toute évidence, les perspectives politiques des indépendants nouvellement élus varient considérablement. Constituer un bloc parlementaire avec un programme cohérent semble une perspective peu probable car cette unité manquerait de principes. Elle pourrait aussi présenter un obstacle à une possible évolution vers la gauche sous la pression d’en bas des indépendants les plus proches de la classe ouvrière.

    Chez les ‘indépendants’, on retrouve un large éventail politique allant du progressiste au libéral en passant par le très réactionnaire, qui trouve une illustration dramatique concernant la question des réfugiés.
    D’un côté, il y a Cynthia Zarazir, élue de Beyrouth, qui en 2016 avait tweeté « Ensemble pour le génocide des Syriens, peu importe le genre ou la secte. Ils n’ont rien fait d’autre que semer le trouble au Liban. » Elle a depuis exprimé son “regret” non pas pour sa position politique mais pour son langage.(9) De l’autre côté, il y a Rami Finge, élu de Tripoli, qui s’est activement impliqué dans l’aide aux réfugiés (y compris syriens) durant un quart de siècle.

    Une rupture nette avec les partis sectaires?

    Tous les indépendants n’ont pas non plus rompu clairement avec le système politique sectaire. Malgré leur étiquette indépendante, certains n’hésitent pas à s’associer à des forces sectaires particulièrement nauséabondes. Ces compromis sont conclus au nom de la construction d’une alliance d’opposition contre le gouvernement dominé par le Hezbollah.

    Le Taqaddom, parti issu du mouvement de 2019, a vu deux de ses candidats élus. Bien qu’il se décrive comme un parti démocratique progressiste, il figurait sur une liste dominée par le parti Kataeb (ou Phalanges). Les milices chrétiennes des Phalanges furent responsables du massacre notoire de réfugiés palestiniens à Sabra et Chatila en 1982.

    L’étiquette d’indépendants peut être utile pour de tels partis libéraux cherchant à se dissocier de l’image sordide associée aux groupes sectaires traditionnels. Dans la pratique, cependant, ils s’alignent sur le bloc autour des Forces libanaises qui revendique le manteau de l’opposition.

    Ceci est à juste titre rejeté par d’autres indépendants.

    Réformisme libéral ou lutte des classes

    Outre la question des alliances avec les partis sectaires, une autre question cruciale se présent aux indépendants. Tous les maux du Liban proviennent-ils de son système politique sectaire pourri ou est-ce le capitalisme plus généralement qui est en faute? Les indépendants qui ne voient que le premier comme étant le problème peuvent être d’accord avec de nombreuses réformes proposées par le FMI et peuvent considérer l’austérité qui les accompagne comme un mal nécessaire. Peut-être que dans la période à venir, ils se sentiront obligés de soutenir la formation d’un gouvernement (éventuellement de technocrates) lequel chercherait à gagner la confiance du FMI et des investisseurs.

    Une évaluation préliminaire suggérerait qu’aucun des indépendants n’a une analyse de classe ou une critique complète du capitalisme. En effet, même les indépendants les plus prometteurs se considèrent avant tout comme des militants de la société civile. Certains, sans aucun doute, ont des liens plus étroits avec les luttes de la classe ouvrière et des pauvres que d’autres. On pourrait s’attendre à ce que ceux-ci adoptent des positions de résistance contre les mesures d’austérité.

    Melhem Khalaf, en tant que président de l’Association du barreau libanais, a joué un rôle de premier plan dans l’organisation indépendante des couches professionnelles. Ensuite, il y a l’architecte et urbaniste Ibrahim Mneimneh qui a remporté un siège sunnite sur la liste Beyrouth résiste. Suite à son implication dans les manifestations durant la crise des ordures de 2015, il s’était présenté sans succès aux élections municipales et parlementaires. Dans un discours prononcé à la suite de sa récente élection, il a souligné son opposition à la vente des actifs de l’État et aux attaques contre le niveau de vie et les droits sociaux. Ailleurs, il a souligné que face aux multiples moyens d’obstruction et de pression de l’élite sectaire, l’outil le plus puissant des indépendants était de rallier la rue. Son programme met l’accent sur la responsabilité de l’explosion de Beyrouth, la fin du clientélisme et le remplacement du système de gouvernance sectaire par un « système laïc, démocratique et juste ».(10)

    Crise économique et sociale

    L’effondrement de l’économie libanaise est presque sans précédent dans l’histoire moderne. Il en va de même pour la profondeur de la crise sociale. En effet, l’économie s’est contractée d’environ 58 % entre 2019 et 2021.(11) En janvier 2022, le chômage s’élevait à près de 30 %, soit près de trois fois plus qu’en 2018-2019.(12) La pauvreté s’élève désormais à 80% et l’extrême pauvreté à 36%.

    Une crise accentue l’autre et ainsi de suite. L’effondrement du système financier en 2019 et le défaut de paiement de la dette souveraine qui a suivi ont produit un effondrement de la monnaie nationale. Après quelques mois de relative stabilité, la valeur au marché noir de la livre libanaise a de nouveau fortement chuté depuis les élections. La lire a maintenant perdu environ 95 % de sa valeur. Cela a été la principale cause de l’hyperinflation. La faillite de l’État libanais a également rendu difficile l’importation de produits essentiels tels que la nourriture, les médicaments et le carburant. La pandémie a encore aggravé la crise. Ces derniers mois, la hausse mondiale des prix des matières premières, encore accentuée par la guerre en Ukraine, s’est ajoutée à une situation déjà catastrophique.

    L’inflation annuelle des prix à la consommation a atteint 206 % en avril 2022. Pour l’alimentation et les boissons, elle était de 375 % (ce qui porte l’inflation alimentaire depuis le début de la crise à plus de 1.000 %).(13) L’inflation annuelle dans des domaines tels que les transports, la santé, l’électricité, le gaz et d’autres combustibles était encore plus élevée.(14) Cela reflète notamment l’effet de la guerre en Ukraine sur les prix (et l’offre) de la nourriture et du carburant. Pour le blé et l’huile de cuisson, le Liban dépend à 90 % des importations russes et ukrainiennes.(15)

    L’année écoulée a été marquée par des coupures de courant endémiques dues à des pénuries de carburant. La compagnie d’électricité publique ne fournit actuellement que deux à trois heures d’électricité par jour. Les générateurs privés très chers fournissent de l’électricité supplémentaire à ceux qui en ont les moyens.(16)

    La fin de la crise n’est pas en vue. Le gouvernement s’apprête à réduire encore les subventions aux médicaments. Sans aucun doute, l’inflation va encore augmenter.

    Un accord avec le FMI?

    Depuis les élections, le gouvernement intérimaire a conclu un accord préliminaire avec le FMI. Le plan de sauvetage initial ne comprendrait que 3 milliards de dollars sur 46 mois, bien en deçà des besoins de financement actuels du Liban. Cependant, la mise en œuvre des accords pourrait débloquer 11 milliards de dollars d’aide étrangère promise au Liban lors de la conférence CEDRE en 2018. Cependant, ceci reste peu en comparaison aux pertes de 70 milliards de dollars du secteur bancaire libanais.

    De plus, l’accord est subordonné à un certain nombre de conditions strictes. Ces mesures, qui doivent encore être approuvées par le nouveau parlement, comprennent la restructuration du secteur financier, une nouvelle loi sur le secret bancaire, des taux de change normalisés et des réformes des entreprises publiques. Ce dernier comprend l’introduction de partenariats publics privé pour le secteur de l’énergie chroniquement mal géré et déficitaire.(17)

    Pourquoi aucun accord n’a-t-il été conclu plus tôt dans la crise? La plupart des banques libanaises sont contrôlées par la classe politique sectaire et, par conséquent, les mesures ayant un impact sur le secteur financier se sont heurtées à des obstacles et à des délais. Cela a fait gagner du temps à l’élite libanaise pour sortir clandestinement 7 milliards de dollars du pays, tout en transférant la plupart des pertes sur les fonds publics et la population générale. L’acceptation tacite de cet état de fait par l’accord actuel pourrait améliorer ses chances d’être approuvé par le parlement.(18) Comme tous les partis sectaires sont d’accord que ce soit la classe ouvrière et les pauvres qui payent la crise, ce sont ces derniers qui seront confrontés à des mesures d’austérité et encore plus de coupes dans la protection sociale.

    Résistance et nécessité d’une représentation indépendante de la classe ouvrière

    Dans le contexte d’une détérioration continue des conditions économiques et d’une profonde crise sociale, l’année écoulée a été marquée par de nombreuses luttes défensives.

    Des protestations et des grèves répétées ont été dirigées contre la flambée des prix du carburant. En effet, depuis que le gouvernement a levé toutes les subventions sur les carburants en octobre dernier, le coût d’un réservoir de carburant dépasse le salaire minimum mensuel. La « journée de colère » du 13 janvier a vu une grève générale des travailleurs des transports (dont beaucoup sont des travailleurs indépendants). Les routes à travers tout le pays furent bloquées par des taxis et des camions.

    Des manifestations similaires ont eu lieu en décembre et février. Au cours de la dernière année, il y eut également des grèves nationales récurrentes de pharmaciens face aux pénuries de médicaments essentiels.

    Les écoles publiques ont connu des mois de grèves tout au long de l’année scolaire en cours, les enseignants exigeant des salaires et des allocations plus élevés face à la montée en flèche du coût de la vie. Parmi les autres revendications figure une couverture médicale adéquate pour les contractuels et des indemnités de transport. Fin mars, les banques libanaises ont connu une grève de deux jours.

    Le secteur public des télécommunications a également connu sa part de grèves. À la mi-décembre de l’année dernière, les travailleurs des opérateurs de téléphonie mobile Alfa et Touch entrèrent en grève pour défendre leur droit à la couverture maladie et sociale. En mars, il y eut une grève chez Ogero Télécom, les travailleurs revendiquant des augmentations de leurs salaires et allocations sociales.

    Fin mai, alors que de nombreux hôpitaux risquent d’être fermés, les médecins et les infirmières rentrèrent dans une grève de deux jours. Les hôpitaux fonctionnent à moins de 50% de leur capacité en raison des coupures d’électricité et du grand nombre de personnel ayant quitté le pays.

    Une organisation syndicale indépendante

    La résistance sous forme de protestations et de luttes ouvrières, bien que fort répondue et souvent prolongée, semble également être largement dispersée. En effet, le mouvement syndical libanais souffre encore de l’héritage de la période qui suivit la guerre civile (après 1990). Outre les effets désintégrateurs de la mondialisation néolibérale observés ailleurs à cette époque (y compris sur la conscience de classe et le militantisme ouvrier), les syndicats libanais furent également effectivement infiltrés et cooptés par les partis politiques sectaires. Ceci fut particulièrement le cas dans le secteur public où l’emploi est lié au clientélisme.

    En raison de ses liens organiques avec les élites politiques sectaires, la fédération syndicale CGTL resta absente du mouvement d’octobre 2019. Malheureusement, jusqu’à présent, le soulèvement n’a pas inspiré de développements substantiels dans l’organisation des travailleurs salariés et informels. Ceci reste une tâche urgente pour la gauche libanaise.

    Parmi les couches professionnelles, cependant, le soulèvement a lancé un processus d’organisation alternative. S’inspirant de l’Association professionnelle soudanaise et de son rôle dans le soulèvement soudanais (2018-2019), un groupe de professeurs fonda l’Association des professeurs universitaires indépendants. Finalement, divers groupes professionnels, principalement des journalistes, des avocats, des médecins, des ingénieurs, des architectes, ainsi que des travailleurs du secteur des arts et de la culture, se sont réunis sous l’égide de l’Association libanaise des professionnels.(19)

    En novembre 2020, le politicien indépendant submentionné, Melhem Khalaf, fut élu président de l’Ordre des avocats du Liban. En juillet 2021, une liste d’opposition indépendante arriva également en tête dans l’Ordre des ingénieurs et des architectes. Elle sut faire face à une liste réunissant presque tous les partis néolibéraux sectaires. Les listes étudiantes indépendantes remportèrent elles aussi des victoires durant les élections universitaires de 2020 et dans une moindre mesure celles de 2021.(20) Bien qu’il s’agisse d’avancées importantes, l’origine sociale des couches impliquées contribue également sans aucun doute à certaines des limitations politiques des forces issues du soulèvement d’octobre 2019.

    Une approche socialiste révolutionnaire internationaliste

    En tant que marxistes, nous ne nous faisons pas d’illusions sur la transformation de la société principalement par le biais des élections. Au Liban, malgré les fissures récentes, le système politique sectaire offre encore des obstacles supplémentaires à cette voie. Cependant, nous reconnaissons que la participation aux élections et l’obtention de mandats électifs peut présenter une tribune importante pour soutenir les luttes de la classe ouvrière et des opprimés. Outre populariser ces luttes, nous pouvons aider à les mener à la victoire en partageant les leçons des luttes passées, en tirant les leçons nécessaires en s’appuyant sur une analyse de classe basée sur le marxisme.

    Alors, la percée des indépendants lors des récentes élections législatives peut-elle aider à reconstruire le mouvement ouvrier libanais? Oui, s’il y a au moins un ou deux élus indépendants remplissant les conditions suivantes. Premièrement, ils doivent être véritablement indépendants des partis sectaires et ne pas s’aligner avec l’un ou l’autre des blocs politiques. Deuxièmement, ils doivent concentrer leur travail non pas sur les réformes institutionnelles mais sur le soutien aux luttes de la classe ouvrière et des pauvres, y compris celles des réfugiés et des travailleurs étrangers.

    Cependant, la classe ouvrière ne peut pas compter sur des sauveurs individuels. De plus, une approche beaucoup plus décisive est nécessaire. La période actuelle n’est pas une période de stabilité relative favorisant la construction de larges formations ouvrières stables. Ceci est vrai dans le monde entier et encore davantage au Liban. La situation pose de façon criante la nécessité d’un changement révolutionnaire et donc la constitution d’une force révolutionnaire.

    Le Liban n’est pas seul dans un monde en crise

    Le Liban n’est pas une aberration car la crise du capitalisme devient de plus en plus explosive dans un pays après l’autre. Ces dernières semaines, les masses sri-lankaises ont répondu à l’effondrement de l’économie de leur pays par une grève générale sans précédent depuis des décennies. L’Iran connaît des protestations en cours autour de la hausse des prix. Des développements similaires pourraient se produire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord dans un délai assez court. Cela pourrait insuffler une nouvelle vie au mouvement au Liban. Le système sectaire pourri doit disparaître, mais le remplacer par une forme de capitalisme « plus propre » est totalement utopique.

    Si un nouveau soulèvement se produisait, couplé à une grève générale, des forces socialistes révolutionnaires devraient proposer que des comités de grève démocratiquement élus prennent en charge la gestion de la vie quotidienne. Des problèmes tels que la thésaurisation et les hausses illicites des prix, contre lesquels le gouvernement se dit impuissant, pourraient ainsi être résolus. Le contrôle des capitaux sous la supervision démocratique de la classe ouvrière pourrait arrêter le pillage du pays. Les services sociaux pourraient être arrachés au clientélisme des forces sectaires et rendues accessibles à tous. Par de telles mesures et bien d’autres, ces comités se révéleraient bien supérieurs au règne des politiciens sectaires corrompus et des patrons, qui ne sont qu’une et même chose. Des couches passives de la population libanaise jadis négligées seraient ainsi inspirées à l’action. Une assemblée nationale de délégués élus par les comités de grève devrait alors arracher le pouvoir à l’État lui-même.

    De tels développements inspireraient une vague de solidarité parmi les travailleurs du monde entier. Dans de telles circonstances, la situation désastreuse du Liban en ce qui concerne les produits de première nécessité tels que la nourriture, les médicaments et le carburant pourrait être atténuée. De véritables solutions structurelles pourraient être trouvées au lieu de celles mises en avant par le FMI. Celles-ci devraient inclure l’annulation de la dette nationale et l’expropriation de la bourgeoisie libanaise (y compris ses avoirs étrangers). En plaçant les piliers de l’économie sous le contrôle des travailleurs, la planification démocratique pourrait refaçonner l’économie libanaise pour répondre aux besoins de l’ensemble de la population. Dans le cadre d’une fédération socialiste de la région, les déséquilibres économiques pourraient être surmontés et des défis importants tels que le changement climatique correctement abordés.

    Notes :

    1. https://thearabweekly.com/mikatis-decision-not-run-elections-may-usher-reset-lebanons-politics
    2. https://www.upi.com/Top_News/World-News/2022/05/18/lebanon-Lebanon-elections-hope-Hezbollah-react/6621652899614/
    3. https://www.middleeasteye.net/opinion/lebanon-election-new-faces-parliament-seize-moment-change
    4. https://today.lorientlejour.com/article/1300708/what-went-wrong-for-the-uprising-candidates-in-the-lebanese-elections.html
    5. https://www.thenationalnews.com/mena/lebanon/2022/05/18/nearly-half-of-registered-voters-took-part-in-lebanons-2022-election/
    6. https://alter.quebec/liban-la-crise-sans-fin-du-confessionnalisme-neoliberal/
    7. https://today.lorientlejour.com/article/1290221/how-will-political-life-without-hariri-be-for-hezbollah.html
    8. https://alter.quebec/liban-la-crise-sans-fin-du-confessionnalisme-neoliberal/
    9. https://www.middleeastmonitor.com/20220518-new-lebanon-mp-under-criticism-over-calling-for-genocide-of-syrians/
    10. https://www.middleeasteye.net/news/lebanon-parliament-independents-who-won-seats
    11. https://www.thenationalnews.com/business/economy/2022/05/24/hyperinflation-in-lebanon-hovers-at-206-in-april/
    12. https://english.alaraby.co.uk/news/lebanon-unemployment-rate-almost-triples-crisis
    13. began#:~:text=%22Lebanon%27s%20unemployment%20rate%20increased%20from,January%202022%2C%22%20it%20said
    14. https://timep.org/commentary/analysis/the-imf-no-silver-bullet-for-lebanon/
    15. https://www.thenationalnews.com/business/economy/2022/05/24/hyperinflation-in-lebanon-hovers-at-206-in-april/
    16. https://www.aljazeera.com/news/2022/3/8/lebanese-fearful-as-fuel-and-wheat-shortage-deepens
    17. https://www.arabnews.fr/node/240426/monde-arabe
    18. https://www.mei.edu/blog/monday-briefing-new-imf-deal-lebanon-could-bring-some-much-needed-relief
    19. https://english.alaraby.co.uk/analysis/lebanon-and-imf-entrenching-ruling-elite
    20. https://civilsociety-centre.org/paper/historical-mapping-lebanese-organized-labor-tracing-trends-actors-and-dynamics
    21. https://alter.quebec/liban-la-crise-sans-fin-du-confessionnalisme-neoliberal/
  • Iran : Les enseignants en lutte montrent la voie à suivre

    Le régime iranien est dans une position instable et craint une nouvelle vague de protestations généralisées. C’est pourquoi la répression s’est faite plus intense ces derniers mois.

    Par Nina Mo, SLP (section autrichienne d’ASI)

    Le 23 décembre fut une journée nationale d’action du personnel enseignant iranien. Des dizaines de milliers d’enseignants et de retraités – les travailleuses en première ligne – ont manifesté dans plus de 100 villes du pays réclamant des salaires plus élevés, un enseignement gratuit et de qualité, etc. Ils et elles dénoncent les salaires de misère, les salaires impayés, l’absence de toute assurance médicale, la répression et les faibles pensions. Les salaires des enseignants iraniens sont pour la plupart inférieurs au seuil de pauvreté, ce qui constitue un énorme problème au vu de la croissance de l’inflation. De nombreux enseignants se voient obligés d’exercer un deuxième voire un troisième emploi.

    Ces manifestations et ces grèves montrent la voie à suivre pour le mouvement ouvrier en Iran, notamment grâce à leur forte organisation. Le « Conseil de coordination de la confédération syndicale des enseignants iraniens » a appelé toutes et tous les enseignants à manifester et à défendre leurs revendications dans tout le pays.

    Une mobilisation qui ne faiblit pas

    Cette mobilisation se poursuit depuis des mois et des années déjà. Elle est née de l’action d’associations et de syndicats d’enseignants indépendants et combatifs. La journée d’action du 23 décembre entendait réagir à une nouvelle loi du régime visant à restreindre les grèves et les manifestations. Elle était également dirigée contre une augmentation salariale ridicule qui ne suffira pas à couvrir les besoins des enseignants ainsi que contre les nouvelles coupes budgétaires dans l’enseignement.

    Des grèves nationales avaient eu lieu les 11 et 12 décembre. Le lendemain, elles se sont transformées en grands rassemblements auxquels ont participé non seulement des enseignants mais aussi des retraités. Plus de 200 villes d’Iran ont été touchées par ces manifestations. Rien qu’à Ispahan, plus de 10.000 enseignants ont participé à un rassemblement dont le principal slogan visait la répression : « Les enseignants emprisonnés doivent être libérés ». En raison de la situation économique (qui se reflète notamment dans les prix des denrées de base) et des conditions de vie catastrophiques, les enseignants se trouvent dans une situation extrêmement difficile.

    Après des mois de mobilisation, le parlement a finalement approuvé le 15 décembre le projet de loi sur le système de classement des enseignants. Il a laissé entendre que les revendications des enseignants avaient été satisfaites et qu’il n’y avait plus lieu de protester. Mais les enseignants ont annoncé leur intention de poursuivre leurs protestations. Ils revendiquent que leur salaire atteigne 80% du salaire des enseignants de l’enseignement supérieur et la libération immédiate des enseignants et des syndicalistes emprisonnés. D’autre part, les enseignants retraités exigent que leurs pensions soient adaptées à l’inflation. Toutes ces revendications sont ignorées par le régime.

    Le nouveau projet de loi vise à légèrement augmenter les salaires des enseignants, qui sont restés à des niveaux extrêmement bas depuis dix ans. En raison de l’inflation actuelle, ce nouveau salaire resterait inférieur au seuil de pauvreté. Le budget de l’enseignement est incapable d’augmenter les salaires. Dans le budget 2021-22, le budget des « affaires civiles » (qui comporte notamment celui de l’enseignement) est inférieur à 3,5 milliards de dollars, alors que le budget des forces de défense dépasse les 5 milliards de dollars ! Mohammad Habibi, le porte-parole du Conseil de coordination a déclaré après l’approbation de ce projet de loi au parlement : « La totalité de ce qui a été approuvé au parlement ne peut en aucun cas être approuvé par les enseignants ».

    Une répression brutale

    Lors de la dernière grande série de manifestations et de grèves, à la mi-décembre, les forces de sécurité ont attaqué les enseignants dans un certain nombre de villes et arrêté quelques militants de premier plan. Au total, plus de 200 enseignants et syndicalistes ont été arrêtés. Le régime se trouve dans une situation instable, il craint une nouvelle vague de protestations généralisées et a donc décidé de renforcer la répression.

    Les manifestants ont scandé que la réponse du régime était « une honte », tandis que les autorités ont battu et détenu temporairement plusieurs représentants des enseignants devant le bâtiment du parlement, dont Rasoul Badaghi, du syndicat des enseignants, et en ont menacé d’autres. Toutefois, par crainte que cette arrestation ne jette de l’huile sur le feu, les autorités ont été contraintes de le libérer quelques jours plus tard.

    Les manifestations du 23 décembre ont eu lieu alors que les forces de sécurité avaient envoyé des SMS aux enseignants pour les avertir des conséquences d’une action ! À Téhéran, le régime a tenté de disperser les enseignants à la sortie des stations de métro, mais ces derniers se sont ensuite tout de même rassemblés. À Shiraz, des milliers d’enseignants ont résisté à la forte présence des forces de sécurité. A Téhéran, divers rapports font état d’attaques contre les enseignants masculins place Baharestan, mais les enseignantes se sont assises au milieu de la place pendant environ une heure en dépit des attaques des agents de sécurité.

    Organisation et direction

    La grande force du mouvement des enseignants réside dans son unité, son organisation et sa direction. Les récentes grèves et manifestations furent les mieux organisées depuis des années. Contrairement à d’autres luttes très spontanées, le Conseil de coordination a fait campagne durant des semaines pour mobiliser et organiser les travailleurs, même parmi les syndicats dirigés par le régime. Il cherche à organiser les enseignants de base et les syndicalistes radicaux, en les unifiant sous des revendications communes pour un enseignement de qualité dans l’intérêt des enseignants et des étudiants.

    Avec leur approche combative, les dirigeants de l’association des enseignants font preuve de la volonté nécessaire pour arracher des victoires. Le Conseil de coordination a souligné dans une récente résolution qu’il « ne cessera pas de lutter jusqu’à ce que les revendications soient pleinement satisfaites et poursuivra le processus de protestation avec la plus grande intensité. »

    Les enseignants en Iran ont toujours fait partie des travailleurs les plus combatifs et les plus politisés du pays. Ils montrent la voie à suivre dans la lutte contre le régime. Il est nécessaire que leur direction exprime cette atmosphère radicale dans leur programme. Le Conseil de coordination prétend qu’il n’est pas politique, mais il est absolument clair que la lutte des enseignants est une menace politique pour le régime !

    Comme l’a écrit le syndicat indépendant des travailleurs de Haft Tappeh dans sa déclaration de solidarité : « Nous ne devons pas nous faire d’illusions sur la constitution, la loi sur le travail, ni envers les membres du parlement et des institutions gouvernementales. Nous devons démanteler tout cela avec nos organisations indépendantes, avec l’aide et le soutien de la collectivité. »

    Le mouvement des enseignants et surtout sa direction doivent penser à des stratégies pour s’adresser à l’ensemble de la classe ouvrière afin qu’elle soutienne leur lutte. Par exemple, la présence active des étudiants dans certaines villes et l’accent mis sur l’unité des étudiants et des enseignants sont cruciaux pour étendre la lutte. Cette unité est nécessaire pour obtenir un enseignement de qualité organisé et contrôlé démocratiquement, indépendant des institutions religieuses et du régime. Pour vaincre, les enseignants doivent avoir un contrôle total sur la stratégie, la tactique et le programme du mouvement. Les syndicats doivent être construits de manière démocratique et repousser toute tentative du régime de les infiltrer ou d’infiltrer leur direction.

    Les grèves générales : prochaine étape pour construire une lutte politique contre le régime

    Les luttes des enseignants s’inscrivent dans un contexte plus large. Ces derniers mois et ces dernières années, de nombreuses luttes et actions de grève ont eu lieu sur les lieux de travail, des mineurs aux travailleurs du pétrole, en passant par les travailleurs des bus et des transports, etc. Les agriculteurs, les travailleurs et les pauvres ont également manifesté dans plusieurs villes contre la pénurie d’eau et les conséquences de la crise climatique.

    Toutes ces luttes doivent être liées entre elles afin de construire un puissant mouvement de lutte contre le régime et le système capitaliste. Elles démontrent quel est le pouvoir réel de la classe ouvrière pour prendre en charge elle-même la production économique et construire une nouvelle société. Cette force doit être utilisée dans les étapes suivantes, crescendo, pour construire une réelle menace pour le régime : une grève générale de tous les différents secteurs qui combine revendications économiques et politiques. Il est clair que le régime corrompu et criminel est opposé aux intérêts des travailleurs et des agriculteurs. Ce n’est que dans l’opposition au régime que les revendications des enseignants, des agriculteurs, des travailleurs du pétrole et des jeunes peuvent être satisfaites.

    Il est extrêmement important et positif que plus de 43 syndicats indépendants aient exprimé leur solidarité avec la lutte des enseignants. Ce type de solidarité de la classe travailleuse a pu être constaté à maintes reprises au cours des dernières années. La prochaine étape importante serait de rassembler toutes ces différentes associations et syndicats ainsi que les travailleurs de base par le biais d’un comité national démocratique des différents comités de grève et syndicats, non seulement pour coordonner les actions mais aussi pour construire un nouveau parti indépendant de la classe ouvrière avec une direction audacieuse autour d’un programme socialiste visant à exiger des salaires et des retraites décents, la renationalisation des grandes entreprises sous le contrôle des travailleurs et la chute du régime.

  • Tunisie : Non au coup d’Etat de Saïed, non à Ennahda – Construisons la lutte pour le socialisme

    Un peu plus de dix ans après le soulèvement populaire qui a chassé du pouvoir le dictateur tunisien Ben Ali, de nouvelles convulsions secouent le pays. Le 26 juillet, le président a démis le gouvernement et gelé le Parlement pour 30 jours.

    Par Serge Jordan, Alternative Socialiste Internationale, article initialement publié le mercredi 28 juillet sur internationalsocialist.net

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    Dimanche 25 juillet, tard dans la journée, le président tunisien, Kaïs Saïed, a pris la décision unilatérale de suspendre le Parlement, de limoger le gouvernement en place et d’annoncer qu’il gouvernera temporairement par décret. Il s’agit d’un acte sans précédent depuis la révolution de 2011 qui a renversé le régime dictatorial de Zine El Abidine Ben Ali, marquant une escalade dramatique de l’instabilité politique chronique qui affecte le capitalisme tunisien depuis lors.

    Fait important, cette décision est intervenue le jour même où des milliers de personnes manifestaient dans de nombreuses villes du pays pour demander la chute du gouvernement.

    La force dominante au parlement et au gouvernement, le parti islamiste de droite Ennahda, était dans la ligne de mire de ces protestations ; plusieurs de ses bureaux locaux ont été saccagés ou incendiés. Mais le mécontentement gronde contre l’ensemble de l’establishment politique, alors que le pays connaît une chaîne de crises combinées et s’aggravant mutuellement, exacerbées par la pandémie de Covid-19.

    Depuis des mois, les querelles politiques au sommet de l’Etat se manifestent ouvertement, avec des confrontations publiques entre le Président, le Premier ministre Hichem Mechichi et le président du Parlement Rached Ghannouchi. Tout cela se déroule dans un contexte où l’économie du pays a été malmenée par les effets de la pandémie et de la contraction brutale de l’année dernière – générant des centaines de milliers de pertes d’emplois, l’effondrement du secteur crucial du tourisme, et des hausses importantes des prix des biens de consommation.

    C’est sur ce cocktail déjà explosif qu’est apparue depuis le mois de mai une nouvelle vague brutale d’infections de Covid-19. Ce n’est pas un phénomène naturel ; aujourd’hui, la Tunisie consacre 5 % des dépenses publiques totales à la santé publique, alors qu’elle en consacre 38 % à la défense. Cette troisième vague de Covid a mis en évidence la négligence criminelle du secteur de la santé après des années de coupes budgétaires néolibérales, en particulier dans les régions intérieures les plus pauvres – et l’impréparation pure et simple de la classe dirigeante. Des vidéos ont circulé sur les médias sociaux montrant des cadavres abandonnés au milieu des salles d’hôpital, les morgues ne pouvant faire face au nombre croissant de décès.

    La Tunisie connaît aujourd’hui le taux de mortalité dû au Covid-19 le plus élevé d’Afrique et du monde arabe, ayant officiellement enregistré plus de 18 000 décès sur une population d’environ 12 millions d’habitants. La mauvaise gestion de la pandémie est elle-même devenue une question de plus en plus politisée qui a affaibli le gouvernement déjà profondément impopulaire, en proie à la crise depuis le premier jour. Il y a quelques semaines, à Kairouan, l’une des zones les plus touchées, des manifestations ont éclaté pour réclamer la chute du gouverneur local pour sa mauvaise gestion de la crise sanitaire. La semaine dernière, le ministre national de la santé a été limogé – le quatrième depuis le début de la pandémie.

    Aucun soutien pour le coup de force de Kaïs Saïed

    Compte tenu du rejet généralisé du gouvernement et du parlement, la récente décision de Kaïs Saïed a été célébrée dans la rue par une partie importante de la population. Comme le commentait alors Tayaar al’Amael al’Qaaedii (ISA en Tunisie), l’élection de ce professeur de droit populiste à la présidence à l’automne 2019 a été l’expression d’un fort sentiment anti-élite, anti-establishment et anti-parti, notamment chez les jeunes.

    Assisté, pour l’instant, par l’armée et des pans importants de la machine étatique, sa dernière manoeuvre est une tentative de mettre fin à l’instabilité politique par des moyens autoritaires. Il veut profiter de l’immense colère qui s’est développée contre la coalition au pouvoir soutenue par Ennahda pour couper les ailes d’un centre de pouvoir concurrent autour du parti islamiste en se positionnant du côté du “peuple”, rompant ainsi avec le reste d’un establishment largement perçu comme pourri, corrompu et inefficace. Il est compréhensible que la décision de Saïed de lever l’immunité parlementaire et sa menace de soumettre les députés corrompus à la loi “malgré leur richesse et leur position” soient accueillies avec un certain degré d’approbation populaire.

    La vérité, cependant, est qu’aucun des principaux protagonistes de ce drame politique n’a de solution aux problèmes qui touchent la majorité de la population. Bien entendu, les socialistes se sont opposés inconditionnellement à la coalition gouvernementale déchue. Comme les onze coalitions qui l’ont précédée depuis la chute de Ben Ali, elle a perpétué les mêmes politiques anti-pauvres et anti-travailleurs que sous l’ancien régime, et a cycliquement ramené les masses dans la rue. Mais aucune confiance ne peut être accordée à un “homme providentiel”, et encore moins à un homme qui a démontré qu’il n’avait aucune alternative sérieuse à opposer au système défaillant du capitalisme et de l’impérialisme dans lequel tous les gouvernements post-Ben Ali ont opéré.

    Dans son discours de dimanche, Saïed a évoqué la nécessité de retourner à la “paix sociale” et de “sauver l’État” – et non d’apporter un soutien aux millions de familles dans le besoin, de donner du travail aux chômeurs, de répudier la dette publique, d’accélérer le rythme trop lent de la vaccination contre le Covid, d’investir dans les soins de santé publics ou de nationaliser les hôpitaux privés. Malgré sa position anticorruption, Saïed n’a rien fait pour défier les intérêts particuliers de la bourgeoisie locale et des institutions impérialistes comme le FMI, qui tentent d’imposer des programmes de pauvreté de masse au milieu d’une pandémie mondiale – comme l’illustrent les récentes coupes dans les subventions à l’alimentation et au carburant par feu le gouvernement, contre lesquelles Saïed n’a pas pipé mot. Il a même, à certaines occasions, menacé d’envoyer l’armée contre les travailleurs en grève, et s’est lié d’amitié avec des régimes totalement réactionnaires et anti-ouvriers à l’étranger, tels que les impitoyables dictatures saoudienne et égyptienne.

    Les militants révolutionnaires, les jeunes et les travailleurs ne peuvent soutenir la démarche antidémocratique de Saïed. Alors qu’elle semble aujourd’hui s’attaquer principalement à des politiciens impopulaires, elle implique déjà des mesures visant à empêcher les masses de marquer les événements de leur empreinte – comme l’interdiction de rassembler plus de trois personnes sur les places et la voie publique. La normalisation du déploiement de l’armée dans les rues, comme cela a été fait pour encercler les bâtiments de l’État et empêcher les députés d’entrer au Parlement, servira demain à intimider ou à briser les véritables protestations des travailleurs et des jeunes.

    La démarche de Saïed a un caractère préventif : comme beaucoup de membres de la classe dirigeante, il est très conscient que l’ensemble du régime post-Ben Ali, construit sur l’exploitation continue de la majorité par une élite super-riche et corrompue, repose sur un baril de poudre qui risque de nouvelles explosions sociales. Un rapport publié le mois dernier par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux montre que le nombre de mouvements de contestation dans le pays a doublé en mai 2021 par rapport à mai 2020. Sous cet angle, la prise de pouvoir de Saïed peut être considérée comme une manœuvre du sommet pour empêcher les masses de faire le travail de renversement du gouvernement par leur propre lutte.

    Comme le dit le proverbe, “montre-moi tes amis et je te montrerai qui tu es”. Parmi ceux qui ont soutenu les mesures de Saïed figure le Parti Destourien Libre – un parti qui se nourrit de la nostalgie ouverte de la dictature de Ben Ali et d’une forte opposition à la révolution de 2011, qu’il qualifie de “coup d’État” et de “conspiration”. L’ironie d’un président qui, au cours de sa campagne électorale, avait souligné la nécessité d’une démocratie participative radicale, finit par concentrer le pouvoir entre ses propres mains, ne devrait échapper à personne. Cela montre l’impasse de la promesse de changement dans les limites d’un système structurellement truqué en faveur d’une poignée de familles super riches, de sociétés multinationales et de grands créanciers qui profitent de leur contrôle sur les principaux leviers de l’économie tunisienne.

    La destitution par le président du Premier ministre Mechichi, qui était également en charge du ministère de l’Intérieur, et son remplacement par le chef de la garde présidentielle, est une tentative directe de Saïed de consolider son soutien au sein des forces de police, dont les abus généralisés et les actes de brutalité répétés à l’encontre des pauvres et des jeunes ont été un déclencheur important de la rage sociale qui a éclaté au grand jour ces derniers mois. La prise d’assaut du bureau d’Al Jazeera à Tunis par des policiers en civil, apparemment autorisés par des instructions venues d’en haut, montre que la démarche de Saïed, si elle n’est pas accueillie par une réponse forte du mouvement ouvrier et révolutionnaire, pourrait ouvrir la voie à une dangereuse escalade de mesures antidémocratiques.

    La classe ouvrière et la jeunesse révolutionnaire doivent se battre pour leur propre alternative.
    Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faille accorder le moindre soutien à des partis comme Ennahda, dont les dirigeants utilisent aujourd’hui une phraséologie hypocrite autour de la ” défense de la révolution ” et de la ” démocratie ” contre le coup d’État constitutionnel de Saïed – alors qu’ils ont eux-mêmes toujours mené des attaques réactionnaires vicieuses contre la révolution et les droits démocratiques sous les gouvernements auxquels ils ont participé, plus notoirement entre 2011 et 2013.

    Malheureusement, mais sans surprise, face à la grave crise politique qui affecte depuis des mois les institutions du pays, la direction de la puissante UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) n’a rien trouvé de mieux ces derniers mois que de faire de nouvelles propositions pour un ” dialogue national ” entre tous les partis politiques. Et ce, alors que ces partis, suivant les traces de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis le renversement de Ben Ali, n’ont rien proposé d’autre qu’un programme de guerre de classe contre la majorité : privatisation des entreprises publiques, compression des salaires du secteur public, suppression des subventions, dévaluation de la monnaie, vente de terres agricoles à des multinationales étrangères, réduction des services publics, etc.

    Au lieu d’essayer de recoller les pièces cassées du puzzle politique capitaliste, le rôle du mouvement syndical devrait être de construire une alternative politique authentique et indépendante basée sur les intérêts de la classe ouvrière, des agriculteurs pauvres, des jeunes chômeurs et des populations des régions marginalisées. Cependant, les bureaucrates de la centrale syndicale ont non seulement omis de condamner le coup de force de Saïed, mais ils l’ont même soutenu, à condition qu’il y ait des garanties que ces mesures exceptionnelles seront “limitées” et “respectueuses de la constitution”. Les travailleurs se retrouvent ainsi dans une position de spectateurs face à la bataille politique qui se joue actuellement entre les différentes ailes de la classe dirigeante.

    Pour répondre aux exigences de leur révolution inachevée, la classe ouvrière et les masses révolutionnaires ne peuvent compter sur aucun des camps pro-capitalistes opposés ; elles doivent compter sur leurs propres forces, utiliser leurs propres méthodes de lutte et mettre en avant leurs propres exigences – comme elles l’ont fait pour renverser le régime de Ben Ali il y a dix ans. La mise en place de comités d’action locaux sur les lieux de travail et dans les quartiers pour discuter de la situation actuelle et construire une mobilisation de masse selon leurs propres termes serait une très bonne façon de commencer. Mais pour que leurs efforts héroïques de la dernière décennie n’aient pas été vains, ils doivent aussi se rassembler de toute urgence pour construire leur propre alternative politique : une force de masse qui se consacre à mettre fin à l’assaut capitaliste sur leurs vies et leurs moyens de subsistance, et à lutter pour la transformation socialiste

  • Non à la guerre, non au siège de Gaza, non à l’occupation de la Palestine

    Aucune paix véritable sans lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et la domination capitaliste

    En mai, nous avons assisté avec horreur à l’assaut meurtrier de Gaza par l’État israélien, quatrième puissance militaire au monde. On estime que 242 habitants de Gaza ont été tués en 11 jours. Le spectacle de ces crimes de guerre est devenu trop familier : il s’agit de la quatrième attaque de ce type depuis 2009.

    Par Clément (Liège), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

    Si le cessez-le-feu conclu au moment de produire cette édition peut mettre fin au bombardement de Gaza par le gouvernement Netanyahu, l’intervention de la police israélienne autour de la mosquée Al-Aqsa a directement illustré que la violence et le racisme systémique contre les Palestiniens se poursuivront sous d’autres formes.

    Durant 11 jours, des centaines de bâtiments ont été détruits, parmi lesquels figurent l’hôpital al-Rimal (l’unique laboratoire Covid de la bande de Gaza) et l’immeuble qui abritait les bureaux de la chaîne Al-Jeezera et de l’Associated press. Des frappes aériennes ont touché le camp de réfugiés surpeuplé d’al-Shati, tuant une dizaine de personnes. De l’autre côté de la clôture, plus de 12 personnes dont plusieurs Palestiniens d’Israël (lesquels représentent environ 20% de la population) et un travailleur migrant indien, ont été tuées par les tirs de roquettes et de missiles antichars.

    Nous sommes solidaires des millions de travailleurs ordinaires et de pauvres qui subissent la terreur des bombardements et des tirs de roquettes des deux côtés de la barrière. Nous nous opposons à la politique de terreur d’État menée par le gouvernement israélien. Tout en reconnaissant la disproportion totale entre l’agression d’une enclave sous blocus par une des armées les mieux équipées au monde et les tirs de roquette provenant de la bande de Gaza, ces derniers sont utilisés par le gouvernement de Netanyahu pour renforcer la base de soutien pour sa politique belliqueuse.

    L’instabilité politique comme trame de fond

    Suite à la chute du précédent gouvernement en raison de son incapacité à adopter un budget pour l’année 2020, des élections anticipées ont eu lieu le 23 mars en Israël. Il s’agit du quatrième scrutin anticipé consécutif en moins de deux ans. 70% des Israéliens pensent qu’il y aura de nouvelles élections anticipées en 2021. Depuis juin 2020, des manifestations régulières ont pris place pour dénoncer la gestion de la crise Covid et ses conséquences et en visant directement le Premier ministre Benjamin Netanyahou, inculpé pour corruption.

    En réponse à cette instabilité, le gouvernement intérimaire de Netanyahou appuyé par les grands médias a accentué sa campagne réactionnaire visant à alimenter la fracture nationale et stimuler l’esprit de « citadelle assiégée ». Netanyahu s’est ainsi ouvertement allié au parti kahaniste, un parti d’extrême-droite raciste et violent dont les milices ont champ libre pour mener des raids dans les quartiers palestiniens de Jérusalem. La politique de prétendue « Judaïsation » -un nettoyage ethnique larvé- de Jérusalem-Est a été renforcée avec l’expulsion de familles palestiniennes au profit de colons. Les manifestations de Palestiniens sont systématiquement réprimées avec violence.

    La vague réactionnaire suscite une réponse chez les Palestiniens

    Le 13 avril, à l’aide de barrages, la police et l’armée eurent l’arrogance de vouloir empêcher les jeunes Palestiniens de se rassembler à la porte de Damas pour socialiser comme ils le font habituellement. Des manifestations quotidiennes rassemblant des milliers de personnes s’organisèrent pendant plus de 10 jours. Devant la ténacité des manifestants, la police fut finalement contrainte de laisser les manifestants retirer ses barrières.

    Cette victoire a permis d’augmenter la confiance des jeunes Palestiniens. Après la porte de Damas, c’est le quartier de Cheik Jarrah, où 10 familles étaient menacées d’expulsion, qui est devenu le point focal de la résistance à Jérusalem-Est.

    La lutte contre les expulsions dans le quartier y est passée à la vitesse supérieure, se muant en une lutte contre les expulsions de familles palestiniennes pauvres et contre la prise de contrôle du quartier par les colons juifs. Des Palestiniens et Palestiniennes d’Israël et des territoires occupés sont venus manifester, tout en aidant les familles du quartier à organiser les repas de rupture du jeûne. Sous la pression, l’audience de la Cour suprême qui devait statuer sur les expulsions a finalement été ajournée.

    Le 7 mai, alors que ces manifestations étaient brutalement réprimées, la police s’est livrée à de nouvelles provocations en tentant d’empêcher des milliers de musulmans de participer aux prières d’une des dernières nuits du ramadan qui rassemblent chaque année des dizaines de milliers fidèles à la mosquée d’al-Aqsa, allant jusqu’à tirer des grenades lacrymogènes dans l’enceinte de la mosquée. À partir de ce moment, les manifestations et les émeutes se sont étendues à d’autres villes : Haïfa, Jaffa, Lydda, Nazareth …

    En parallèle, des manifestations de solidarité entre Arabes et Juifs se sont développées sur les lieux de travail et dans les écoles. À Tibériade, les chauffeurs de la compagnie Superbus ont arrêté les bus et les chauffeurs juifs ont accompagné les chauffeurs arabes à leur domicile dans un véhicule privé. Au collège Bezalel, une grève de protestation des étudiants palestiniens a été accueillie par une déclaration de solidarité des professeurs. Le syndicat des travailleurs sociaux a déclaré qu’il “représente tous les travailleurs sociaux en Israël, de toutes les nationalités et religions, et d’une variété de visions du monde. Ce syndicat lutte, agit et appelle à la paix et à la fin de la violence.”

    Dans l’ère qui suit le départ de l’administration Trump et de la crise politique en Israël, une nouvelle génération de Palestiniens perd la peur, ose de plus en plus affronter l’establishment israélien. Fondamentalement, il s’agit d’un premier soulèvement pour se libérer de l’oppression nationale et de la dépossession, de la détresse et de la pauvreté. Il porte une expression idéologique générale du nationalisme palestinien, malheureusement sans cibles politiques claires ni organisations majeures.

    Les manœuvres militaires préservent le statu quo

    Lorsque le Hamas et le Jihad islamique ont décidé de prendre l’initiative et sont intervenus avec des tirs de roquettes « en solidarité » avec le mouvement et contre la répression, le gouvernement de droite israélien s’en est emparé pour reprendre le contrôle des événements par la force militaire. Si la brutalité de l’attaque menée par le régime de Netanyahou souligne la nécessité de soutenir le droit des Palestiniens à protester, à s’organiser et à se défendre y compris par la lutte armée, ces tirs aveugles de roquettes sur la population civile ne défendent en rien les Palestiniens et sont simplement utilisés de manière cynique pour justifier le bain de sang dont le régime de Netanyahou est responsable.

    La crise politique et la faiblesse de Netanyahu, qui lutte pour sa survie politique, jouent un rôle clé dans la dynamique de l’escalade militaire. Les manœuvres militaires du régime de Netanyahou n’ont pas pour but de protéger la population israélienne. Affirmer le contraire relève soit de la naïveté, soit de l’escroquerie. Ces manœuvres militaires ont pour but de préserver le statu quo capitaliste d’occupation, de siège, de colonies, de discrimination nationale, de “diviser pour régner” et de pauvreté.

    L’unité des travailleurs et l’action politique comme outils de libération

    Le déclenchement des opérations militaires israéliennes n’a pas mis fin aux protestations. Outre la manifestation de plus de 10.000 personnes dans la ville de Sakhnin, l’exemple le plus frappant est bien entendu la grève générale des Palestiniens du 18 mai. Malgré les appels de parlementaires d’extrême-droite à traiter les grévistes comme des terroristes et à les licencier, la grève fut largement suivie. Des rues habituellement bondées ont été vidées de leurs passants à cause de la fermeture des magasins. Des centaines de transporteurs routiers se sont mis en grève1. Selon l’Association de la construction d’Israël, seuls 150 de 65.000 ouvriers du bâtiment arabes se sont rendus au travail, causant une perte de 40 millions de dollars. La riposte ne s’est pas fait attendre, des centaines de grévistes ayant déjà reçu des SMS de licenciement de leur employeur.

    Les événements exposent la fausse propagande de paix qui a accompagné les accords de normalisation menés par Netanyahu et Trump avec certains oligarques arabes. Ces actions représentent une nouvelle phase dans le soulèvement des Palestiniens. Elles montrent la voie pour construire un rapport de force capable de défaire la droite et l’extrême droite. Dans certaines villes, des comités d’action ont été organisés au cours du mouvement de protestations. Ceux-ci peuvent servir comme base pour organiser l’organisation des manifestations et des grèves et la protection des communautés, mais aussi servir de base à la croissance d’une nouvelle direction politique indépendante et non sectaire qui puisse offrir une alternative à l’impasse stratégique du Hamas et du Fatah, avec une stratégie de libération nationale et d’émancipation sociale comme partie d’un changement socialiste dans la région.

  • Les dockers de Gênes, Livourne et Naples s’opposent au transfert d’armes vers Israël

    Alternative Socialiste Internationale (ASI), convaincue que la classe ouvrière est la seule force de la société capable d’arrêter les guerres, les massacres et l’oppression, exprime sa solidarité avec les dockers en lutte contre le transfert d’armes vers Israël.

    Par Giuliano Brunetto Resistenze Internazionali, section italienne d’ASI

    Le 14 mai, les travailleurs du Collectif autonome des travailleurs portuaires (CALP), les membres du syndicat de base Usb et l’association internationale Weapon Watch ont appris que des “balles de haute précision” destinées au port israélien d’Ashdod avaient été chargées sur le navire “Asiatic Island”.

    Le porte-conteneurs “Asiatic Island”, battant pavillon de Singapour et venant du port de Marseille, avait quitté le port de Haïfa en Israël le 6 mai à destination de Livourne. L’”Asiatic Island” est un navire collecteur, c’est-à-dire, dans le jargon maritime, un navire relativement petit, faisant partie du service régulier de ZIM, la compagnie maritime publique israélienne.

    CALP et Weapon Watch ont découvert que le chargement de matériel de guerre avait été effectué sans que le navire n’accoste au port, comme l’exigent les règles de sécurité internationales en matière de chargement de marchandises dangereuses ou explosives.

    Les travailleurs du CALP avaient déjà participé à des actions de solidarité internationaliste ces derniers mois, en organisant des grèves et des blocages contre le chargement d’un navire saoudien chargé d’armements lourds destinés à être utilisés dans la guerre au Yémen. Pour cette raison, plusieurs d’entre eux ont fait l’objet d’une enquête du parquet et sont mis en examen par les autorités italiennes.

    Dès qu’ils ont appris la nouvelle de l’arrivée de l’Asiatic Island, les dockers du CALP ont immédiatement alerté leurs collègues du port de Livourne, où le navire devait être ravitaillé. Les collègues de Livourne, délégués syndicaux de l’Usb, dont certains sont membres de l’organisation anticapitaliste Potere al Popolo, ont diffusé la nouvelle dans la ville et ont rapidement alerté l’autorité portuaire et la capitainerie, demandant des contrôles urgents à bord du navire.

    Manifestant un fort sentiment internationaliste de solidarité contre la guerre, ils ont déclaré une journée de grève en solidarité avec la population palestinienne et pour exiger l’arrêt immédiat des bombardements sur Gaza et la fin de l’expropriation des maisons dans les territoires occupés. Dans un communiqué intitulé “Le port de Livourne n’est pas complice du massacre de la population palestinienne”, ils ont signalé qu’ils ne voulaient pas être complices du massacre perpétré dans les territoires occupés en Palestine. Après Livourne, le navire a fait route vers le port de Naples.

    À Naples également, où le navire s’est dirigé le 15 mai, les dockers ont clairement manifesté leur solidarité avec la cause palestinienne. Les membres du syndicat SI Cobas se sont fermement prononcés “contre le rassemblement d’armes qui servent à alimenter les guerres et les profits contre le peuple palestinien qui subit depuis des années une répression impitoyable de la part d’Israël”, déclarant que “nos mains ne seront pas tachées de sang pour vos guerres”.

    Ces initiatives des dockers, qui ont eu lieu en même temps que les grandes mobilisations qui ont traversé le pays de Rome à Milan, de Naples à Turin en solidarité avec le peuple palestinien, ont eu un important retentissement international.

    En Afrique du Sud, le syndicat SATAWU a organisé une action de protestation contre le chargement de marchandises à destination d’Israël le 21 mai, en se référant explicitement au communiqué rédigé par les travailleurs du port de Livourne. Dans le port d’Oakland, aux États-Unis, des activistes et des militants anti-guerre se mobilisent pour empêcher le chargement d’un autre navire ZIM qui doit accoster dans les prochains jours.

    Les initiatives des dockers italiens représentent une continuation des meilleures traditions de la classe ouvrière, elles vont dans la bonne direction et doivent donc être soutenues de manière décisive par toutes les forces de la gauche politique, des syndicats et des associations en Italie et dans le monde.

    Alternative Socialiste Internationale, convaincue que la classe ouvrière est la seule force de la société capable d’arrêter les guerres, les massacres et l’oppression, exprime sa proximité et sa solidarité avec les dockers qui ont une fois de plus démontré la force potentielle des travailleurs s’ils sont organisés et en contact les uns avec les autres.

    Nous continuerons à soutenir les initiatives internationalistes des courageux dockers italiens qui montrent la voie pour construire une véritable solidarité contre la barbarie que le capitalisme produit partout dans le monde.

  • Manifestation antiguerre à Bruxelles : Aucune paix sans lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et le capitalisme!

    Alors que le conflit israélo-palestinien continue de s’intensifier, plusieurs manifestations ont été organisées à travers le monde contre la guerre et en soutien au peuple palestinien. A Bruxelles également, plusieurs milliers de personnes se sont réunies près de la gare centrale. Le PSL/LSP est intervenu dans cette importante mobilisation, notamment à l’aide d’un tract basé sur une déclaration de Lutte Socialiste, section d’Alternative Socialiste Internationale en Palestine et Israël.

    Photos d’Els, Marina et Nico

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    Photos de David

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  • STOP à la guerre ! Pas de paix possible sans lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et le capitalisme


    73 ans après la Nakba – lorsque les forces israéliennes ont occupé 78% de la Palestine historique et que 750.000 Palestiniens ont été contraints à l’exil – les provocations de l’extrême droite israélienne, des colons et de la police ont conduit à la plus grave escalade militaire du conflit depuis 2014. Cette guerre doit être stoppée. Nous ne pouvons compter sur aucune des forces impérialistes mondiales ou régionales. La paix ne peut être obtenue que par une lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et la domination capitaliste.

    Sur base d’une déclaration de Lutte Socialiste, section d’Alternative Socialiste Internationale en Palestine et Israël

    Nous sommes solidaires des millions de travailleurs ordinaires et de pauvres qui subissent la terreur des bombardements et des tirs de roquettes des deux côtés de la barrière. Le nombre de morts dans la bande de Gaza est passé à 83, dont au moins 14 enfants. Des bâtiments entiers sont rasés. Comme si la destruction, la détresse, la pauvreté et la pandémie, sous l’agression incessante du gouvernement capitaliste de droite en Israël, ne suffisaient pas. Six personnes, dont deux citoyens arabes palestiniens du village “non reconnu” de Dahmash, ont été tuées de l’autre côté de la clôture par des roquettes et des missiles antichars.

    Le régime de Netanyahou, le principal responsable, a joué un rôle clé en alimentant la fracture nationale, qui éclate également dans les rues avec des éléments de guerre civile. Elle a culminé à Lod, où un manifestant palestinien a été abattu, mais de graves affrontements ont lieu dans de nombreuses autres localités. Les gangs kahanistes d’extrême droite sont laissés libres par la police de faire des raids dans les villes afin de mener un pogrom le soir.

    Cependant, la vague de réaction commence à susciter une réponse. Il y a la révolte généralisée et continue de la jeunesse palestinienne contre la politique de “judaïsation”, le nettoyage ethnique rampant, à Sheikh Jarrah et à Jérusalem-Est, contre l’introduction de forces armées dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa et contre l’occupation, même sous une forte répression policière. Des manifestations de solidarité entre Arabes et Juifs se sont développées sur les lieux de travail et dans les écoles. À Tibériade, les chauffeurs de la compagnie Superbus ont arrêté les bus et les chauffeurs juifs ont accompagné les chauffeurs arabes à leur domicile dans un véhicule privé. Au collège Bezalel, une grève de protestation des étudiants palestiniens a été accueillie par une déclaration de solidarité des professeurs. Le syndicat des travailleurs sociaux a déclaré qu’il “représente tous les travailleurs sociaux en Israël, de toutes les nationalités et religions, et d’une variété de visions du monde. Ce syndicat lutte, agit et appelle à la paix et à la fin de la violence.”

    Le gouvernement de transition de la droite capitaliste de Netanyahou refuse avec véhémence un cessez-le-feu et annonce une “expansion de l’opération” dans la bande de Gaza – une expansion délibérée du cycle du bain de sang. La crise politique et la faiblesse de Netanyahu, qui lutte pour sa survie politique, jouent un rôle clé dans la dynamique de l’escalade. Mais les racines de l’effusion de sang sont plus profondes et résident dans une politique systématique de défense du statu quo capitaliste d’occupation, de siège, de colonies, de discrimination nationale, de “diviser pour régner” et de pauvreté. La guerre est la continuation de cette politique par d’autres moyens.

    Les événements exposent la fausse propagande de paix qui a accompagné les accords de normalisation menés par Netanyahu et Trump avec certains oligarques arabes. L’ampleur des tirs de roquettes nous rappelle aussi le mensonge de la ” dissuasion “. Ceux-ci ne peuvent pas arrêter la révolte qui couve contre les démolitions de maisons – avec un nouveau record en pleine pandémie ! – le déplacement de familles palestiniennes à Jérusalem-Est, les opérations de police musclées, les provocations nationalistes et l’escalade de la guerre de religion autour de la mosquée al-Aqsa, ainsi que le piétinement des droits nationaux palestiniens et des droits des travailleurs et des pauvres en général. C’est dans ce contexte que se sont développées les protestations, les émeutes et les confrontations.

    Celles-ci ont forcé la police à mettre fin à la provocation des postes de contrôle à la porte de Naplouse, ont conduit à l’interdiction du passage de la “parade du drapeau” d’extrême droite à la porte et à l’ajournement par la Cour suprême d’une audience explosive sur une pétition contre le déplacement de familles palestiniennes à Sheikh Jarrah. Dans l’ère qui suit le départ de l’administration Trump et de la crise politique en Israël, une nouvelle génération de Palestiniens perd la peur, ose de plus en plus affronter l’establishment israélien. Fondamentalement, il s’agit d’un premier soulèvement pour se libérer de l’oppression nationale et de la dépossession, de la détresse et de la pauvreté. Il porte une expression idéologique générale du nationalisme palestinien, malheureusement sans cibles politiques claires ni organisations majeures. Lorsque le Hamas et le Jihad islamique ont décidé de prendre l’initiative et sont intervenus par des tirs de roquettes aveugles, le gouvernement de droite israélien s’en est emparé pour reprendre le contrôle des événements par la force militaire.

    Combien de temps l’escalade peut-elle durer ? Le pouvoir de Netanyahu subit des pressions au niveau mondial, régional et local pour contenir l’incendie. Mais la décision de détruite des bâtiments, est un acte de terrorisme d’État, et le refus d’un cessez-le-feu pourraient également prolonger la crise de quelques jours à quelques semaines. Le facteur le plus important qui peut pousser à un cessez-le-feu est le développement des manifestations dans les rues – des Palestiniens, des Israéliens, et des protestations internationales. Dès le début du mois de mai, par exemple, une manifestation de solidarité avec les habitants de Sheikh Jarrah a été organisée à Amman, et maintenant des veillées de protestation sont organisées dans le monde entier. Les craintes des puissances capitalistes mondiales et des régimes de la région d’un événement roulant qui minerait davantage la stabilité et provoquerait une indignation et des troubles de masse, ont déjà suscité des messages de condamnation, qui sont des leviers importants pour faire pression.

    Ces circonstances soulignent l’importance de construire une lutte sur le terrain, de faire pression et de marquer une sortie de crise. Le fait que les dirigeants du “bloc du changement” alternatif en Israël se rangent maintenant du côté de Netanyahu, est un signe d’avertissement de l’impasse que représentera un autre gouvernement capitaliste alternatif de droite dirigé par Bennett. Le volontariat opportuniste du Labour et du Meretz pour servir d’outil à la formation d’un tel gouvernement sème de dangereuses illusions et ouvre la voie à de nouvelles crises encore plus graves. Quelle est l’alternative ? S’opposer, et non soutenir, un gouvernement de droite capitaliste dirigé par Netanyahu, Bennett ou tout autre visage. Et lutter pour une alternative à la politique capitaliste nationale – pour un véritable plan de changement socialiste.

    Nous devons tous travailler pour multiplier les exemples d’expressions de solidarité entre Arabes et Juifs sur le lieu de travail, dans les syndicats et dans les écoles, ainsi que les déclarations sans équivoque de condamnation de la guerre et des politiques du gouvernement capitaliste. Dans les assemblées, y compris virtuelles, il est possible de discuter des mesures de protestation, y compris des délégations pour renforcer les manifestations contre la guerre. Parmi les Palestiniens des territoires et des endroits où des manifestations fréquentes ont déjà lieu, des deux côtés de la barrière, cela pourrait être l’occasion de promouvoir la création de comités d’action, qui s’efforceront de diriger une organisation démocratique pour étendre la lutte. C’est la réponse à l’escalade. C’est la façon de construire une lutte contre un régime dangereux, une élite corrompue et tout un système qui a une fois de plus conduit des millions de personnes dans une grave crise sanglante.

    • Stop à la guerre ! Stop au siège de Gaza !
    • Mobilisons pour des manifestations contre les attaques militaires et contre l’occupation.
    • Solidarité avec la lutte des résidents de Sheikh Jarah. Stop à la criminalisation de la construction de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est. Stop aux démolitions des maisons palestiniennes et stop aux constructions de colonies.
    • STOP au siège des forces armées israéliennes sur le complexe d’Al Aqsa. Pas de guerre de religion !
    • Pas de paix sans lutte contre l’occupation, la pauvreté, l’inégalité, contre les élites corrompues et pour les soins de santé, les moyens de subsistance et le bien-être pour tous.
    • Seules la paix et l’égalité apporteront la sécurité personnelle pour tous – stop à toutes les attaques et punitions collectives contre les 2 millions de résidents de Gaza.
    • Le droit à l’autodétermination des Palestiniens ne doit plus être nié. Pour une Palestine socialiste indépendante avec sa capitale à Jérusalem-Est, pour un changement socialiste en Israël et dans toute la région !
    Affiches du Mouvement de lutte socialiste en arabe et en hébreu : “Arrêtez la guerre. Pas de paix sans lutte contre l’occupation, la pauvreté et le capitalisme”.
  • Jérusalem à nouveau en feu: que se passe-t-il vraiment à Jérusalem-Est et à Sheikh Jarrah?

    Vendredi soir, après la prière du ramadan, la police a fait irruption dans la mosquée al-Aqsa. Elle y a tiré des grenades assourdissantes et des balles en caoutchouc sur des centaines de Palestiniens. Les manifestations se sont poursuivies en parallèle dans la nuit à Cheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est, ainsi qu’à la porte de Damas. Les personnes prenant part à la contestation ont fait face à une répression extrême de la part de l’État. 205 Palestiniens et Palestiniennes ont été blessé·es, la plupart à al-Aqsa. 45 des personnes blessées ont subi des blessures à la tête causées par les balles en caoutchouc et deux ont été grièvement blessées. Du côté de la police, on compte 18 blessés (légers pour la plupart). On n’avait pas vu une telle violence à Jérusalem-Est depuis 2017.

    Résumé d’un article de Lutte Socialiste (section d’ASI en Israël et Palestine), initialement publié le 8 mai

    La police a tenté d’empêcher des milliers de musulmans et musulmanes de participer aux prières de la Nuit du Destin (l’une des dernières nuits du ramadan), qui rassemblent chaque année 200 000 fidèles à al-Aqsa. Plus tôt dans la semaine, Tsahal avait abattu un Palestinien de 16 ans lors d’une manifestation. Le même jour, on a déploré le décès d’un Israélien de 19 ans qui s’était fait tirer dessus par un Palestinien. Une heure avant le début des émeutes à al-Aqsa, une grenade assourdissante tirée par un soldat israélien a explosé à proximité d’une petite fille. Ce ne sont là que quelques exemples de la dernière série de provocations nationalistes de la part de l’État israélien.

    Tranchant avec l’approche adoptée ces dernières années, la police et l’armée ont eu l’arrogance de vouloir empêcher les jeunes Palestiniens et Palestiniennes de se rassembler à la porte de Damas. La police a tenté d’empêcher l’accès à la zone par la force, en recourant à des clôtures, des barrages, des arrestations, des autopompes, des grenades assourdissantes et en faisant appel à la police montée. Mais la détermination des manifestants et manifestantes a contraint la police à les laisser entrer. Cela illustre de nouveau l’intensification de la répression à Jérusalem-Est, dans le contexte d’un ramadan particulièrement difficile, du fait de la crise sanitaire et de l’aggravation de la pauvreté et du chômage causées par la Covid dans les territoires occupés, particulièrement à Jérusalem-Est.

    Une fois les barricades de la porte de Damas abattues par les manifestants et manifestantes, le quartier de Cheikh Jarrah est devenu le point focal de la résistance à Jérusalem-Est. Mohammed Abou Houmous, militant palestinien bien connu, a expliqué lors d’une manifestation dans la région que « la victoire [à la porte de Damas] a donné le pouvoir aux jeunes, qui ont vu qu’ils et elles pouvaient obtenir des résultats ; maintenant, ils et elles iront partout où l’occupation est présente, comme ici. »

    Les manifestations de Cheikh Jarrah sont passées à la vitesse supérieure, se muant en une lutte contre les expulsions de familles palestiniennes pauvres et contre la prise de contrôle du quartier par les colons juifs. Des Palestiniens et Palestiniennes de tout le pays sont venu·es manifester, tout en aidant les familles du quartier à organiser les repas de rupture du jeûne. En guise de réponse, la police a intensifié la répression. Les fêtes et les manifestations ont été interrompues par la force, ce qui s’est presque toujours terminé par des blessures. Mardi, on a fait état d’une arrestation rappelant celle de George Floyd : un policier qui appuyait sa jambe sur le cou d’un manifestant, qui criait qu’il ne pouvait pas respirer. La violence policière s’est accompagnée de provocations de la part de l’extrême droite ; au même moment, la maire adjointe de Jérusalem exprimait son souhait qu’Abou Houmous reçoive une balle dans la tête.

    Itamar Ben Gvir, un député israélien d’extrême droite nouvellement élu, a installé une tente à Cheikh Jarrah, en face des maisons des familles menacées d’expulsion, affirmant qu’il s’agit de son nouveau « bureau parlementaire ». Ses partisans ont attaqué des Palestiniens pendant le repas de rupture du jeûne, et la voiture d’un colon a été incendiée, ce à quoi les colons ont riposté par des tirs sur les Palestiniens. Bien entendu, Ben Gvir n’a pas été le moins du monde inquiété par les forces de l’ordre, contrairement aux députés et députées venu·es dans le quartier en solidarité aux familles, qui ont été violemment arrêté·es.

    Les manifestations à Jérusalem-Est font suite à l’annulation des élections au Parlement palestinien. Sous la dictature de l’occupation en Cisjordanie, on a vu émerger la sous-dictature de l’Autorité nationale palestinienne. Les dernières élections ont eu lieu il y a 15 ans ; depuis, elles sont systématiquement reportées. 51 % de la population palestinienne considère l’Autorité comme un fardeau plutôt qu’un atout. Afin de maintenir l’occupation de la ville, le gouvernement Netanyahou a décidé de ne pas permettre aux citoyens et citoyennes de Jérusalem-Est de participer aux élections pour l’Autorité palestinienne.

    Lundi, l’État d’Israël célèbrera l’anniversaire de l’occupation de Jérusalem-Est. L’extrême droite organise une marche provocatrice qui traversera le quartier musulman de la vieille ville, la Marche des drapeaux, évènement annuel toujours accompagné du slogan « Mort aux Arabes » et de violentes tentatives d’agression. Des contremanifestations sont en train d’être organisées. En même temps, la Cour suprême israélienne devait examiner l’appel par les familles du Cheikh Jarrah contre leur ordre d’expulsion. À la demande du procureur général, ce procès a été reporté.

    Après la récente manifestation, un grand nombre de jeunes Palestiniens et Palestiniennes estiment que la lutte peut permettre d’obtenir des victoires contre le régime d’occupation. Pour barrer la voie à l’extrême droite, et pour empêcher les expulsions à Cheikh Jarrah, la lutte doit être élargie et organisée à une échelle de masse. Des comités d’action démocratiques pourraient être mis en place pour assurer l’autodéfense des Palestiniens et des Palestiniennes et pour appeler à la solidarité des travailleurs, des travailleuses et des jeunes israéliens et israéliennes, afin de mener une lutte commune pour le bien-être, le logement et l’emploi, et contre les discriminations ; pour la fin de l’occupation ; et pour l’autodétermination et une paix réelle, fondée sur l’égalité et sur la transformation socialiste de la société.

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