Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Action de solidaritĂ© avec les enseignants-stagiaires au Maroc

    Nous Ă©tions une trentaine de militants progressistes marocains et du PSL Ă  participer ce samedi Ă  une action de sensibilisation en solidaritĂ© avec les enseignants-stagiaires au Maroc. (Voir notre prĂ©cĂ©dent article – ainsi qu’en arabe sur le site de nos camarades tunisiens). Nous avons aussi Ă©tĂ© rejoints par quelques militants kurdes.

    Nous sommes Ă©videmment encore loin des mobilisations que la gauche marocaine pouvait mettre en place dans les annĂ©es ’70-’80. C’est le reflet d’un recul de conscience politique qui a frappĂ© toute la population – qu’elle soit marocaine, belge ou autre – depuis les annĂ©es ‘90 Ă  la suite de la chute du Mur de Berlin et du virage Ă  droite de la social-dĂ©mocratie et de toute la gauche rĂ©formiste que cela a entrainĂ©. Nous n’avons pas voulu nous limiter aux militants convaincus et simplement faire une action devant l’ambassade du Maroc oĂč devant un autre lieu symbolique en rapport au rĂ©gime marocain.

    Au-delĂ  de la solidaritĂ© avec les enseignants-stagiaires, nous avons voulu contribuer par cette action au rassemblement de ce qui reste de la gauche marocaine Ă  Bruxelles. Au Maroc comme en Belgique, c’est la politique nĂ©olibĂ©rale en faveur des multinationales qui dĂ©truit nos conquĂȘtes sociales et plonge la population dans la pauvretĂ©. Si la gauche n’offre pas d’issue sous la forme de luttes collectives, ce seront des populistes de toutes sortes qui rempliront le vide. Dans la communautĂ© marocaine, malheureusement, des intĂ©gristes ont profitĂ© de l’absence de la gauche dans les quartiers pour entrainer nos jeunes dans des aventures catastrophiques.

    C’est dans ce cadre que nous avons choisi la Place Anneessens comme lieu d’action. Nous avons surtout voulu toucher la population locale afin de la conscientiser Ă  partir de la lutte des enseignants-stagiaires, mais aussi concernant le fait que le rĂ©gime vient d’augmenter l’ñge de la retraite et de supprimer les subventions pour les produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ© comme la farine, le sucre, le gaz et le carburant. Cette derniĂšre mesure pĂšsera aussi sur la communautĂ© Ă  l’étranger qui devra probablement aider les familles sur place Ă  supporter cette augmentation du coĂ»t de la vie.

    Nous voulons ensuite reconquĂ©rir nos quartiers en offrant ensemble – avec les travailleurs et les autres exploitĂ©s en Belgique – une rĂ©ponse collective face aux manques de moyens dans l’enseignement, contre le chĂŽmage, contre l’insalubritĂ© dans les quartiers et contre toutes les tentatives de nous diviser dans le but d’assurer le rĂšgne de l’élite dominante.

    Photos : PPICS

    Solidarité avec les enseignants stagiaires en Maroc // Photos de PPICS

  • Stop Ă  la rĂ©pression au Maroc

    maroc_repressionLa rĂ©pression qui s’est abattu au Maroc envers les enseignants et les stagiaires a provoquĂ© un vent d’indignation Ă  travers le pays et auprĂšs de la communautĂ© marocaine rĂ©sidant Ă  l’étranger.

    De quoi s’agit-il ?

    Lors de sa sĂ©ance du 7 janvier, le gouvernement ultra-libĂ©ral de droite conservatrice, comme en Belgique, vient de dĂ©cider de changer unilatĂ©ralement le statut des enseignants stagiaires qui Ă©taient rĂ©munĂ©rĂ©s comme salariĂ©s Ă  la hauteur de 2500 Dirhams. Selon la proposition, ils deviendront des Ă©tudiants qui percevront une bourse Ă  la hauteur de 1200 Dh ce qui vaut Ă  +/- 100€ (moins que le loyer d’une habitation insalubre dans une grande ville).

    Pire encore, pas loin de 9.500 enseignants stagiaires sont concernĂ©s cette annĂ©e-ci, dont seulement 7.000 seront engagĂ©s, les autres seront redirigĂ©s vers le secteur public, oĂč il y a dĂ©jĂ  une pĂ©nurie d’emplois et, au Maroc, l’allocation de chĂŽmage n’existe pas.

    C’est une cassure de contrat, car auparavant, ceux qui rĂ©ussissaient l’examen d’entrĂ©e avaient un poste garanti Ă  la fin de leurs Ă©tudes, cette attaque cadre dans la politique antisociale propre Ă  ce gouvernement de droite conservatrice.

    Le 12 janvier, des dizaines de milliers de travailleurs et de pensionnĂ©s ont manifestĂ© contre une autre mesure qui vise Ă  repousser l’ñge de retraite Ă  63 ans. ParallĂšlement, le gouvernement rĂ©prime toute tentative de rĂ©sistance. Le 7 janvier, 20.000 enseignants stagiaires et sympathisants ont manifestĂ© aux quatre coins du pays, mais les manifestants ont vite Ă©tĂ© confrontĂ©s aux matraques de la police. A Marrakech, 30 blessĂ©s ont Ă©tĂ© signalĂ©s, Ă  Casablanca 40 et Ă  Inezgane (Agadir) 60, deux d’entre eux le sont gravement.

    Cela a suscitĂ© une vague d’indignation gĂ©nĂ©rale sur le plan national y compris au sein du gouvernement mĂȘme, ce qui illustre que c’est le rĂ©gime qui dĂ©cide sans tenir compte des institutions fantoches que sont le parlement et le gouvernement. Depuis les mouvements du 20 fĂ©vrier 2011, rien n’a fondamentalement changĂ© au Maroc, que ce soit par rapport au droit d’expression ou de libertĂ© individuelle et culturelle en passant par les libertĂ©s syndicales et sociales, puisque ce n’est pas dans l’intĂ©rĂȘt du rĂ©gime de les mettre en pratique. Plus de 300 prisonniers politiques, majoritairement des jeunes et des Ă©tudiants, ont Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ©s depuis 2011 sous de fausses accusations de droit commun. Les mouvements sociaux sont criminalisĂ©s.

    La culture et la langue Amazighs (BerbĂšres) sont mis de cĂŽtĂ© malgrĂ© sa constitutionnalisation en 2011, une grande rĂ©gression dans l’enseignement est constatĂ©, les lois organiques qui doivent intĂ©grer cette langue Ă  la vie active n’ont toujours pas Ă©tĂ© votĂ©es.

    Nous revendiquons une rĂ©elle enquĂȘte sur les Ă©vĂšnements, impliquant les syndicats, la coordination nationale des enseignants stagiaires, les associations des droits humains pour faire la clartĂ© sur les Ă©vĂšnements et condamner les responsables. Nous exigeons la libĂ©ration des dĂ©tenus politiques, la restitution des subsides des produits de nĂ©cessitĂ© (gaz, carburant, farine, sucre,
 ), le retrait du dĂ©cret sur les enseignants stagiaires et les retraitĂ©s, un salaire minimum correspondant aux besoins rĂ©elles et la chute du systĂšme ultra libĂ©ral. Nous appelons Ă  la constitution de comitĂ©s populaires et Ă  leur regroupement sur le plan national en vue de la tenue d’une assemblĂ©e constituante populaire et dĂ©mocratique qui placerait l’économie dans les mains du peuple et non dans celles d’une Ă©lite mi-capitaliste, mi-fĂ©odale.

  • Moyen-Orient : Les bombardements n'arrĂȘteront pas l'État islamique

    syrie_bombardementPour l’unitĂ© des travailleurs contre la guerre, le terrorisme et le racisme

    En Grande-Bretagne, le chancelier George Osborne (parti conservateur) a dĂ©clarĂ© Ă  la tĂ©lĂ©vision nationale que si le parlement britannique n’autorise pas le bombardement de l’Etat Islamique (EI) en Syrie, il s’agira d’une « victoire publicitaire » pour EI. Ainsi, l’intensification du massacre en Syrie est prĂ©sentĂ© comme la seule option. Mais puisque nous savons que les missiles britanniques n’apporteront rien de nouveau par rapport Ă  la pluie de bombardements Ă©tats-uniens, russes et français, pourquoi donc une telle ferveur de la part de MM. Osborne, Cameron et compagnie ?

    Éditorial de l’hebdomadaire The Socialist, Socialit Party (section du ComitĂ© pour une Internationale OuvriĂšre en Angleterre et au pays de Galles)

    La rĂ©ponse se trouve dans le commentaire de M. Osborne, pour qui un refus du parlement d’avaliser la volontĂ© du gouvernement de partir bombarder la Syrie enverrait « un message terrible quant au rĂŽle du Royaume-Uni dans le monde ». C’est-Ă -dire, qu’il s’agirait d’une perte de prestige pour la classe dirigeante britannique sur le plan international.

    La classe dirigeante britannique exploite aussi la peur du public sur le plan national : il faut que nous donnions l’impression de dĂ©fendre la population contre le terrorisme. AprĂšs les attaques de Paris, sans avoir la moindre vĂ©ritable rĂ©ponse sur la maniĂšre dont on pourrait Ă©viter des attentats similaires sur le sol britannique, la mission du gouvernement est de bluffer le peuple en dĂ©clenchant une tempĂȘte en Syrie. « Le Royaume-Uni n’a jamais Ă©tĂ© un pays qui reste sur le cĂŽtĂ© et qui laisse Ă  d’autres le soin de le dĂ©fendre », dixit M. Osborne.

    Le gouvernement veut aussi contrer tout effet nĂ©gatif que les attaques de Paris pourraient avoir sur l’Ă©conomie britannique : Ă  la suite de ces attaques, on a vu une chute du nombre de personnes dans les rues commerciales et autour des attractions touristiques.

    Pour protĂ©ger les intĂ©rĂȘts des grands patrons et relever leur niveau de « confiance », le gouvernement tente donc de crĂ©er une illusion de sĂ©curitĂ© en dĂ©clarant une nouvelle offensive, en plus d’allouer de nouveaux fonds Ă  des mesures de « sĂ©curitĂ© ».

    Avec un tel contexte et une telle propagande, avancĂ©e Ă  grands sons de trompette dans tous les mĂ©dias, affirmant que la seule maniĂšre de garantir la sĂ©curitĂ© du pays est d’aller bombarder EI, il n’est pas Ă©tonnant de constater que 71 % des Britanniques soutiennent l’idĂ©e de cette intervention, contre 67 % en juillet. Une courte majoritĂ© de la population est mĂȘme en faveur de l’envoi de troupes au sol.

    Cependant, le mĂȘme sondage a aussi montrĂ© que 64 % de la population du Royaume-Uni sont persuadĂ©s que le pays serait plus sĂ»r si le gouvernement Blair n’Ă©tait pas parti en guerre contre l’Iraq et l’Afghanistan. De mĂȘme, il est certain qu’une nouvelle intervention britannique en Syrie aujourd’hui ne fera que rendre plus probable le fait que le Royaume-Uni soit ciblĂ© par des attaques terroristes au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.

    Mary Dejevsky, Ă©crivant dans le journal The Guardian, rappelait Ă  ses lecteurs que juste avant les attaques de Paris, le comitĂ© restreint des Affaires Ă©trangĂšres britannique avait publiĂ© un rapport s’opposant Ă  toute intervention militaire en Syrie. « Les arguments avancĂ©s alors ont acquis encore plus de force aujourd’hui. Bombarder la Syrie va accroitre le risque d’attentats terroristes dans notre pays, affirmer cela n’est pas une question de couardise ».

    Les interventions Ă©trangĂšres par des États occidentaux augmentent aussi le risque d’attaques sur des cibles occidentales dans d’autres pays, comme ça a Ă©tĂ© le cas avec l’attaque sur l’hĂŽtel Radisson Blu de Bamako au Mali. Cette atrocitĂ© n’est Ă©videmment pas non plus sans lien avec l’histoire d’interventions impĂ©rialistes de la France au Mali et ailleurs en Afrique.

    La futilité des bombardements

    De toutes façons, mĂȘme si bombarder EI peut l’affaiblir, cela ne peut jamais l’anĂ©antir totalement. La coalition dirigĂ©e par les États-Unis a dĂ©jĂ  accompli plus de 8000 raids contre EI en Ă  peine un an ; pourtant EI contrĂŽle toujours le mĂȘme territoire qu’avant.

    MĂȘme une invasion au sol ne pourra dĂ©truire EI totalement, comme le montre l’exemple des talibans en Afghanistan. Comme cela s’est dĂ©jĂ  produit dans le passĂ©, des forces telles que EI peuvent se changer en une nouvelle organisation djihadiste. Et les forces au sol se retrouveront rapidement embourbĂ©es pendant de longues annĂ©es sans aucun succĂšs, comme on le voit Ă  nouveau avec ce qui se passe en Iraq et en Afghanistan – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle aucune des puissances impĂ©rialistes ne propose d’envoyer des troupes au sol en Syrie Ă  prĂ©sent.

    Lors des raids aĂ©riens, les bombes touchent aussi inĂ©vitablement la population civile. Parmi les villes les plus touchĂ©es, on compte Raqqa, une ville de 350 000 habitants que l’EI cherche Ă  empĂȘcher de fuir. Le dĂ©sastre qui frappe la vie de ces personnes ne va faire que s’ajouter encore Ă  la colĂšre parmi les sunnites dans tout le Moyen-Orient contre les puissances interventionnistes, ce qui va permettre aux organisations djihadistes de recruter encore plus de recrues.

    De plus, vaincre EI sur le plan militaire ne revient absolument pas Ă  le vaincre sur le plan idĂ©ologique et Ă  ĂŽter son pouvoir d’attraction aux yeux de ses militants. Au contraire, toute une sĂ©rie de jeunes musulmans du monde entier ont Ă  prĂ©sent l’impression que c’est lĂ  que se trouve le front de la rĂ©sistance contre les puissances impĂ©rialistes, que l’EI n’est qu’une « victime » de leurs machinations.

    De nombreux jeunes qui se sont rendus en Syrie pour rejoindre EI ont Ă©tĂ© motivĂ©s non seulement par son idĂ©ologie, mais aussi parce qu’ils perçoivent cette organisation comme la plus sĂ©rieuse dans le combat contre la dictature du rĂ©gime Assad, contre la terreur et la destruction.

    Le bombardement d’EI, comme les attaques sur les droits civiques en Occident – qui touchent particuliĂšrement les musulmans d’Occident –, vont accroitre le sentiment de colĂšre et d’aliĂ©nation de la jeunesse musulmane, ce qui fait qu’une partie de cette jeunesse va inĂ©vitablement se sentir attirĂ©e par EI et ses nombreux clones.

    L’hypocrisie impĂ©rialiste

    Les puissances capitalistes qui interviennent contre EI ne parviennent pas Ă  parler d’une mĂȘme voix. Par exemple, l’ancien Premier ministre français de droite, Dominique de Villepin, s’est opposĂ© aux bombardements en disant : « Nous donnons ainsi une lĂ©gitimitĂ© Ă  leur affirmation selon laquelle nous sommes en guerre 
 Nous ne devons pas tomber dans ce piĂšge d’intensification du conflit ».

    NĂ©anmoins, l’hypocrisie des gouvernements occidentaux ne connait aucune limite. Le groupe EI est lui-mĂȘme un produit de la brutalitĂ© militaire qui a Ă©tĂ© infligĂ©e aux sunnites pendant l’invasion de l’Iraq dirigĂ©e par les États-Unis et l’occupation qui a suivi.

    Les amis de l’impĂ©rialisme occidental au Moyen-Orient incluent les Ă©lites autocratiques des monarchies du Golfe, ainsi que le rĂ©gime turc. Tous ces « amis » sont cependant trĂšs impliquĂ©s dans leur soutien aux milices sunnites en Syrie et en Iraq afin de contrer l’influence des chiites, soutenus par l’Iran.

    Les atrocitĂ©s rĂ©guliĂšrement commises au Moyen-Orient par nombre de ces milices et forces sectaires, chiites ou sunnites, ne reçoivent que peu d’attention de la part des puissances occidentales. Mais lorsque des djihadistes commettent des actes terroristes sur le sol occidental ou contre les Occidentaux partout dans le monde, tout d’un coup cela devient pour eux tout autre chose.

    Alors que les musulmans du Moyen-Orient souffrent grandement entre les mains de EI et des autres forces rĂ©actionnaires, les musulmans d’Occident ne sont pas en reste. Les accusations constantes Ă  l’encontre de la communautĂ© musulmane dans les mĂ©dias de droite ont suscitĂ© une hausse de 300 % des attaques commises au Royaume-Uni contre les musulmans britanniques Ă  la suite des attentats de Paris. La plupart des cibles de ses attaques Ă©taient des femmes.

    Les droits démocratiques attaqués en Occident

    De plus, les musulmans et les réfugiés sont parmi les personnes les plus touchées par les mesures de « sécurité » renforcées qui ont été imposées en réaction aux attentats terroristes.

    En France, le prĂ©sident Hollande a de nouveau volĂ© le discours de la droite avec son extension de l’Ă©tat d’urgence Ă  au moins trois mois. L’Ă©tat d’urgence signifie des mesures de rĂ©pression qui donnent des pouvoirs accrus Ă  l’armĂ©e dans les lieux publics, autorise la police Ă  perquisitionner des logements sans mandat, ainsi que de bloquer l’internet et les rĂ©seaux sociaux.

    Mais le plus grave est l’interdiction de tout rassemblement public, y compris les deux manifestations contre le changement climatique et les meetings Ă©lectoraux Ă  l’occasion des Ă©lections rĂ©gionales de dĂ©cembre.

    Selon les derniers sondages rĂ©alisĂ©s en France, une majoritĂ© des gens soutiendrait ces mesures. Mais les questions sont posĂ©es de façon biaisĂ©e, en demandant par exemple aux gens s’ils sont d’accord de soutenir « des mesures qui limitent la libertĂ© des individus afin de garantir la libertĂ© de tous ».

    En Belgique aussi, toute une sĂ©rie de mesures « d’urgence » ont Ă©tĂ© annoncĂ©es, y compris l’emprisonnement automatique de djihadistes prĂ©sumĂ©s rentrĂ©s d’Iraq ou de Syrie, et le fichage de personnes soupçonnĂ©es d’adhĂ©rer Ă  « l’islam radical ». Bruxelles a Ă©tĂ© fermĂ©e pendant plusieurs jours : toutes les Ă©coles, universitĂ©s, centres commerciaux et mĂȘme le mĂ©tro ont Ă©tĂ© fermĂ©s afin de laisser libre cours Ă  des « opĂ©rations » policiĂšres.

    De nouveaux contrĂŽles sont imposĂ©s aux frontiĂšres des 26 pays de la zone Schengen. Cela ne va certainement pas bloquer les terroristes, mais ça va retarder toutes les autres personnes dĂ©sireuses d’entrer, avec de nouveau un ciblage des musulmans et une situation encore plus catastrophique pour les rĂ©fugiĂ©s qui tentent de fuir la guerre.

    Au Royaume-Uni, des milliards de livres sterling supplĂ©mentaires sont Ă  prĂ©sent donnĂ©s Ă  l’armĂ©e et aux services de renseignement, tandis qu’on parle de dĂ©ployer l’armĂ©e dans les rues. Tout cela se fera, encore une fois, aux dĂ©pens des services publics et de la dĂ©mocratie.

    Il est bien comprĂ©hensible que la population soutienne les mesures destinĂ©es Ă  lutter contre le terrorisme. Le problĂšme est qu’aucune des mesures annoncĂ©es pour le moment ne changeront quoi que ce soit. Par contre, les droits dĂ©mocratiques vont ĂȘtre revus Ă  la baisse, et toute cette prĂ©sence policiĂšre et militaire sera utilisĂ©e contre les luttes des travailleurs Ă  des fins Ă©conomiques ou politiques.

    Le police de nos pays a dĂ©jĂ  assez d’autoritĂ© pour pouvoir arrĂȘter n’importe quelle personne suspecte de crime. MĂȘme le Times, journal de droite, prĂ©venait que « le problĂšme fondamental qui ressort des attentats de Paris n’est pas tellement le manque de pouvoirs confĂ©rĂ©s Ă  la police que l’Ă©chec et la nĂ©gligence des institutions Ă  voir un danger qui a pourtant Ă©tĂ© annoncĂ© depuis longtemps », tout en avertissant du danger de ces mesures qui vont « Ă©roder les libertĂ©s ».

    Corbyn et le Parti travailliste

    Jeremy Corbyn, le nouveau prĂ©sident du Parti travailliste britannique, Ă©lu par la base en opposition aux dirigeants du parti, se dit opposĂ© au bombardement de la Syrie. Mais une critique que l’on doit lui formuler est qu’il a dit que ce qui le chiffonnait Ă©tait l’idĂ©e d’une intervention militaire qui se dĂ©roulerait « sans le soutien des Nations-Unies ».

    Auparavant, lorsqu’on parlait d’attaquer l’Iraq ou Assad en Syrie, les politiciens antiguerre pouvaient se cacher derriĂšre les Nations-Unies, en sachant que la Russie et la Chine appliqueraient leur vĂ©to Ă  toute demande d’intervention.

    Mais voilĂ  que EI a abattu un avion russe et tuĂ© un otage chinois. Du coup, l’attitude de ces deux gouvernements s’est modifiĂ©e. C’est comme ça que le conseil de sĂ©curitĂ© des Nations-Unies a soutenu Ă  l’unanimitĂ© la rĂ©solution française appelant Ă  mettre en place « tous les moyens nĂ©cessaires » pour faire cesser les attaques terroristes, ce qui est pris pour un accord tacite pour les dĂ©putĂ©s britanniques dĂ©sireux d’aller bombarder la Syrie.

    Les Nations-Unies ne sont pas un organe indĂ©pendant chargĂ© d’arbitrer les disputes entre nations. Cette agence est avant tout dominĂ©e par les grandes puissances, elle n’agit que dans leurs intĂ©rĂȘts. AprĂšs tout, la guerre de CorĂ©e (1952-53), par laquelle les États-Unis ont volĂ© au secours du rĂ©gime capitaliste de CorĂ©e menacĂ© par une rĂ©volution « communiste » au nord, a Ă©tĂ© combattue sous le drapeau des Nations-Unies. Les sanctions cruelles contre l’Iraq dans les annĂ©es ‘1990, qui ont causĂ© 500 000 dĂ©cĂšs dans ce pays, ont elles aussi Ă©tĂ© adoptĂ©es par les Nations-Unies.

    Mais Corbyn, Ă©branlĂ© par des menaces de dĂ©missions de la part de la direction de son parti, a fait fausse route en permettant Ă  ses dĂ©putĂ©s de voter comme ils l’entendaient sur la question de l’intervention en Syrie, au lieu de donner des consignes de vote strictes en faveur du « Non ». La libertĂ© de vote va certainement permettre au Premier ministre Cameron d’obtenir l’assentiment de la majoritĂ© du parlement.

    Corbyn veut maintenir « l’unitĂ© du parti » coute que coute, plutĂŽt que de mener une lutte dĂ©cisive pour retransformer le Parti travaillistes en une force de gauche combative, conformĂ©ment au mandat qui leur a Ă©tĂ© donnĂ© par les membres. Mais au lieu de ça, ils se laissent mener en bateau par les dĂ©putĂ©s de droite.

    La droite au sein du parti va tout faire pour chasser Corbyn et le contraindre Ă  l’erreur. S’il veut conserver le soutien qui lui a permis d’accĂ©der Ă  cette position de dirigeant et l’utiliser pour avancer, Corbyn doit rester ferme et se servir de ce soutien pour renforcer sa position et faire progresser le processus de reconstruction d’une force prolĂ©tarienne de masse.

    Car si l’idĂ©ologie islamiste de droite est capable aujourd’hui d’attirer Ă  elle tellement de jeunes dans ce contexte de crise profonde de la sociĂ©tĂ© capitaliste, c’est uniquement en raison de l’absence de partis de masse dĂ©mocratiques basĂ©s sur l’unitĂ© des travailleurs et sur la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts du prolĂ©tariat.

    Ce n’est qu’en construisant un tel parti qu’on pourra obtenir la solution pour supprimer les causes fondamentales du terrorisme et de la guerre, en mettant clairement en avant une alternative socialiste au capitalisme agonisant.

  • Pourquoi 11 millions de Syriens se sont enfuis

    syriaLa stratĂ©gie occidentale d’interventions au Moyen Orient a complĂštement Ă©chouĂ©

    AprĂšs plus de quatre ans de guerre civile sanglante en Syrie, la fin des souffrances n’est toujours pas Ă  l’horizon. Un quart de million de personnes sont mortes et onze million d’autres ont fui. Ce conflit sectaire risque d’entraĂźner le reste de la rĂ©gion dans une spirale de violence.

    Article tirĂ© de l’Ă©dition de novembre de Lutte Socialiste

    La crise des rĂ©fugiĂ©s entraine un nouveau dĂ©bat concernant une Ă©ventuelle intervention militaire dans le pays. Wouter Beke (CD&V) estime que cela doit ĂȘtre considĂ©rĂ©. Mais cela ne mettra pas un terme au cauchemar vĂ©cu par la population syrienne. Des nouvelles interventions militaires augmenteront inĂ©vitablement le nombre de morts et celui des rĂ©fugiĂ©s. L’instabilitĂ© croissante en Turquie (voir ci-dessous) peut elle aussi conduire Ă  un nouvel afflux de rĂ©fugiĂ©s, ce pays comprenant jusqu’ici 2,2 millions de rĂ©fugiĂ©s syriens.

    Les interventions militaires aggravent la situation

    Les interventions dĂ©sastreuses en Irak, en Afghanistan et en Lybie de mĂȘme que l’opinion publique anti-guerre en Europe ont assurĂ© que la Belgique n’ait pas encore Ă©tĂ© impliquĂ©e dans la guerre en Syrie. La crise des rĂ©fugiĂ©s est cyniquement utilisĂ©e pour tourner cette situation, ce qui ne servirait qu’à soutenir l’impĂ©rialisme amĂ©ricain en Syrie et Irak.

    Mais, comme le journaliste Patrick Cockburn le faisait remarquer dans The Independent (3 octobre): “La campagne menĂ©e par les Etats-Unis contre l’Etat Islamique n’a pas fonctionnĂ©. Les militants islamistes n’ont pas disparu suite aux attaques aĂ©riennes. Dans les territoires de Syrie et du Kurdistan irakien, ils rĂ©sistent ou gagnent encore du terrain. Il y a quelque chose de bizarre avec tout ce dĂ©bat concernant le soutien Ă  la campagne aĂ©rienne en Syrie : personne ne semble remarquer que cela a totalement Ă©chouĂ©.’’

    Les attaques aĂ©riennes en Irak et en Syrie, qui durent depuis plus d’un an, ont coĂ»tĂ© 2,7 milliards de dollars et ont entrainĂ© des centaines de morts. L’Etat Islamique (Daesh) contrĂŽle toujours au moins la moitiĂ© de la Syrie et un tiers de l’Irak. Ainsi, la ville irakienne de Ramadi est encore tombĂ©e entre ses mains en mai dernier. Le mois prĂ©cĂ©dent, 165 attaques aĂ©riennes avaient frappĂ© les positions de Daesh autour de cette ville. Cinq mois plus tard, la ville est toujours en sa possession.

    Le gouvernement irakien dominĂ© par les chiites essaye de reconquĂ©rir la ville en faisant appel aux milices chiites. Mais Ramadi est principalement sunnite et la population craint des actes de reprĂ©sailles sectaires Ă  grande Ă©chelle si la ville tombe aux mains du gouvernement. Quand la ville de Tikrit a Ă©tĂ© reprise Ă  Daesh par des milices chiites, des exĂ©cutions massives de sunnites ont eu lieu sous la fausse accusation d’ĂȘtre des membres de Daesh. Des milliers d’habitants se sont enfuis.
    L’impĂ©rialisme a conduit au cauchemar dans cette rĂ©gion. AprĂšs des dĂ©cennies d’interventions militaires, de politique de diviser-pour-mieux-rĂ©gner, de soutien aux dictatures et de flirt avec les forces djihadistes, l’Irak et la Syrie sont en ruines. Cela renforce le repli religieux sectaire et la guerre civile. Cela confirme aussi ce que nous avions dĂ©fendu lors de l’invasion de l’Irak en 2003, Ă  savoir que cette guerre ne pouvait pas conduire Ă  autre chose qu’aux conflits rĂ©gionaux et aux troubles sectaires.

    La nécessité de la lutte de masse

    En 2011, le soulĂšvement qui a pris place a commencĂ© comme une vĂ©ritable rĂ©volte contre la dictature d’Assad. Mais les choses ont changĂ© suite Ă  l’intervention de forces rĂ©actionnaires Ă©trangĂšres qui voulaient Ă  tout prix mettre un terme Ă  la vague rĂ©volutionnaire qui dĂ©ferlait sur la rĂ©gion: les rĂ©gimes dictatoriaux d’Arabie saoudite et du Qatar de mĂȘme que les puissances impĂ©rialistes. Daesh est l’une des terribles consĂ©quences de ce processus.

    Les tentatives de dĂ©velopper une ArmĂ©e Syrienne Libre pro-occidentale ont Ă©chouĂ©. Les livraisons d’armes ont directement alimentĂ© Daesh. En rĂ©alitĂ©, les États-Unis n’ont pas de partenaire fiable en Syrie. Le rĂŽle agressif de Daesh a rendu nĂ©cessaire aux Etats-Unis de faire quelque chose. Mais comme le fait remarquer le journaliste Patrick Cockburn : ‘‘les Etats-Unis ne bombardent pas l’Etat Islamique dans les zones de Syrie oĂč le groupe djihadiste combat l’armĂ©e syrienne.’’ (The Independent, 30 septembre).
    L’impĂ©rialisme amĂ©ricain reste la plus grande puissance au monde, mais son Ă©toile pĂąlit. En voulant ĂȘtre le gendarme du monde, il est allĂ© droit dans le mur comme l’illustre le cas syrien. Cela a donnĂ© au prĂ©sident russe Vladimir Poutine la confiance suffisante pour intervenir et soutenir Assad.

    L’impĂ©rialisme amĂ©ricain est ainsi pris entre les rĂ©gimes sunnites qui financent les combattants opposĂ©s Ă  Assad et l’Iran chiite, qui a envoyĂ© 15.000 soldats soutenir Assad, dĂ©sormais aux cĂŽtĂ©s de la Russie.
    Cela ne signifie toutefois pas que Daesh ne peut ĂȘtre vaincu. Les faiblesses sous-jacentes au groupe djihadiste ont Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©es par les victoires militaires remportĂ©es par les troupes majoritairement kurdes YPG et YPJ au nord de la Syrie. Les combattants kurdes ont dĂ©montrĂ© que lier le conflit militaire Ă  un appel Ă  la libĂ©ration nationale et au changement social peut arracher des victoires. Ces succĂšs sont cependant largement basĂ©s sur une guĂ©rilla hĂ©roĂŻque plutĂŽt que sur la mobilisation dĂ©mocratique des masses par-delĂ  les frontiĂšres ethniques ou religieuses. Cela peut comporter certains risques, comme semblent l’indiquer des allĂ©gations d’Amnesty International et de Patrick Cockburn selon lesquelles il y aurait eu des cas d’expulsion de non-Kurdes de divers territoires. Le YPG dĂ©ment ces accusations mais, sans rompre avec le capitalisme et l’impĂ©rialisme, les divisions ethniques et religieuses sectaires menaceront toujours de réémerger.

    L’unitĂ© des travailleurs et des pauvres est nĂ©cessaire en Irak et en Syrie. Les peuples kurde et autres ne peuvent compter que sur leur propre auto-organisation pour mettre fin Ă  ce cauchemar. Des comitĂ©s unitaires d’auto-dĂ©fense seront cruciaux pour protĂ©ger les minoritĂ©s et peuvent Ă©galement reprĂ©senter un important levier pour construire un mouvement de lutte pour le socialisme. Une opposition consĂ©quente Ă  toutes les forces impĂ©rialistes, aux rĂ©gimes rĂ©actionnaires locaux et aux escadrons de la mort sectaires ainsi que la dĂ©fense du droit Ă  l’autodĂ©termination de toutes les communautĂ©s, un mouvement pourrait bĂ©nĂ©ficier d’un Ă©cho de masse parmi les travailleurs de la rĂ©gion et du reste du monde. D’autre part, les organisations de gauche dans le reste du monde doivent lutter contre les interventions impĂ©rialistes au Moyen-Orient.

  • Kurdistan : Les dirigeants du PYD appellent Ă  un partenariat avec le rĂ©gime de Bachar al-Assad.

    PYD_rojavaN’accordons aucune confiance aux dictateurs et aux puissances occidentales!

    La campagne aĂ©rienne massive menĂ©e par le rĂ©gime turc d’Erdogan contre les bases du PKK kurde et les rĂ©actions subsĂ©quentes du PYD (le parti de l’union dĂ©mocratique), organisation-soeur du PKK au nord de la Syrie, a entrainĂ© d’importantes questions en relation avec la stratĂ©gie rĂ©volutionnaire, d’une maniĂšre plus prĂ©cise que jamais.

    Par Serge Jordan, Comité pour une Internationale OuvriÚre (CIO)

    Depuis l’Ă©tĂ© 2012, le PYD contrĂŽle plusieurs rĂ©gions Ă  majoritĂ© kurde du nord de la Syrie, suite au retrait des troupes syriennes de ces endroits. Le rĂ©gime de Bachar al-Assad avait ainsi procĂ©dĂ© afin de concentrer ses forces armĂ©es sur l’avance des groupes armĂ©es sunnites dans d’autres parties du pays, permettant ainsi au PYD de remplir le vide.

    Ce changement de pouvoir au bĂ©nĂ©fice du PYD, une force politique rĂ©ceptive au sort des masses kurdes, et le contrĂŽle du parti sur ce qui est Ă  prĂ©sent connu comme le territoire des cantons Rojava, a initiĂ© une vague d’enthousiasme au sein de la population kurde, tant en Syrie qu’internationalement. Il s’agissait d’un dĂ©veloppement bienvenu pour la majoritĂ© des Kurdes qui ont souffert sous le joug de la dictature d’Assad des annĂ©es durant et qui se sont vus refuser des droits parmi les plus basiques, comme de ne pas pouvoir utiliser leur propre langue en public, par exemple.

    Depuis lors, les unitĂ©s armĂ©es du PYD (le YPG et le YPJ) ont suscitĂ© l’admiration de millions de de personnes grĂące Ă  leur bravoure incontestĂ©e au combat contre les actions rĂ©actionnaires de Daesh, l’Etat Islamique, et grĂące Ă  leurs bataillons de femmes combattantes. Leur tentative dĂ©clarĂ©e de construire un systĂšme alternatif de gouvernance, basĂ© sur l’harmonie entre diverses religions et communautĂ©s ethniques, en plein milieu d’une zone de guerre sectaire a Ă©galement eu un impact galvanisant sur beaucoup de jeunes et d’activistes kurdes et de gauche Ă  travers le monde entier.

    Cependant, depuis le dĂ©but, une zone grise existant concernant l’attitude que prendrait le PYD face au rĂ©gime d’Assad. Il faut souligner que, durant environ deux dĂ©cennies Ă  partir de sa crĂ©ation en 1978, l’Ă©quivalent du PYD en Turquie, le PKK, a profitĂ© d’une coopĂ©ration avec le rĂ©gime d’Assad et recevait mĂȘme des fonds de sa part avant que ce rĂ©gime ne se retourne finalement contre le PKK. La nature exacte de la relation entre le PYD et le rĂ©gime d’Assad est restĂ©e nĂ©buleuse ces derniĂšres annĂ©es, mais il est clair que le PYD a prĂ©fĂ©rĂ© Ă©viter toute confrontation avec l’armĂ©e syrienne.

    Dans certaines partie de Rojava, comme par exemple Ă  Qamishli et Hassakah (deux des villes les plus importantes de la zone), alors que le rĂ©gime d’Assad a retirĂ© la plus importante partie de son personnel de sĂ©curitĂ©, ce dernier a continuĂ© de payer les services gouvernementaux, en assurant les salaires des employĂ©s d’Etat, en procurant des fonds Ă  l’administration locale et en faisant fonctionner les bureaux administratifs locaux. Le programme scolaire est restĂ© le mĂȘme que sous le rĂ©gime d’Assad, les Ă©tudiants suivant le cursus approuvĂ© par le parti Baas anciennement au pouvoir.

    Au mĂȘme moment, au fur et Ă  mesure de la croissance de l’Etat Islamique, une collaboration militaire a Ă©tĂ© Ă©tablie l’an dernier entre le PYD et l’impĂ©rialisme amĂ©ricain. Sans faire de de l’aide militaire en soi une question de principe, particuliĂšrement dans le contexte des tueries perpĂ©trĂ©es par les fanatiques de l’Etat Islamique, le CIO (ComitĂ© pour une Internationale OuvriĂšre) a averti des dangers politiques qui se cachent derriĂšre une telle collaboration. Parmi eux se trouve tout spĂ©cialement la perception que cela peut entrainer parmi les millions de personnes au Moyen Orient qui ont souffert, et souffrent toujours, des interventions sanglantes de l’impĂ©rialisme amĂ©ricain.

    « Aucune illusion ne devrait ĂȘtre créée dans le rĂŽle de l’impĂ©rialisme occidental, dont les actions ne vont faire qu’empirer les divisions religieuses sectaires (…) L’Histoire du peuple kurde a dĂ©montrĂ© que les puissances impĂ©rialistes et les Ă©lites capitalistes ne sont pas amies de la lutte du peuple kurde pour une libĂ©ration nationale. » (socialistworld.net, ‘Kurdistan : the battle for KobanĂȘ – 02/10/2014).

    De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, nous avons averti des dangers d’une stratĂ©gie basĂ©e sur la recherche de la « bienveillance » des puissances capitalistes au lieu de rechercher le soutien de la classe des travailleurs par-delĂ  les frontiĂšres, sur base d’un appel clair pour un programme socialiste, basĂ© sur une mobilisation d’indĂ©pendance de classe contre ces puissances.

    Il n’est pas possible de simultanĂ©ment essayer de concrĂ©tiser la solidaritĂ© multi-ethnique et l’Ă©mancipation sociale et de coopĂ©rer avec des forces qui exacerbent la guerre sectaire dans la rĂ©gion et qui, au travers de leurs actes, conduisent les Arabes sunnites aux mains de l’Etat Islamique.

    Nous avons aussi soulignĂ© que la « bienveillance » de l’impĂ©rialisme occidental et du rĂ©gime d’Assad envers le PYD Ă©tait le produit de circonstances plus que de n’importe quoi d’autre : Rojava a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un rapport de forces prĂ©caire parce que les Ă©lites rĂ©gionales et occidentales avaient un poisson plus gros Ă  pĂȘcher : l’Etat Islamique.

    Cependant, au cours de ces deux derniĂšres semaines, d’importants changements ont pris place, qui peuvent potentiellement altĂ©rer cet Ă©quilibre prĂ©caire. Les États Unis ont dĂ©cidĂ© de fermer les yeux face Ă  l’escalade des interventions militaires de l’armĂ©e turque contre les bases du PKK en Turquie et dans le nord de l’Irak. Ce silence amĂ©ricain a Ă©tĂ© achetĂ© par Erdogan, qui a offert de permettre aux forces amĂ©ricaines d’utiliser les bases aĂ©riennes turques pour bombarder les bases de l’Etat Islamique.

    Cette derniĂšre manƓuvre dĂ©montre, une fois de plus, que l’impĂ©rialisme amĂ©ricain utilise le sort et le combat des Kurdes comme des pions et qu’il est prĂȘt Ă  les poignarder dans le dos Ă  la premiĂšre opportunitĂ©. Exhibant son hypocrisie nausĂ©euse, le gouvernement amĂ©ricain a unilatĂ©ralement appelĂ© le PKK Ă  « arrĂȘter la violence » en Turquie, en justifiant comme de « l’autodĂ©fense » les raids intensifs de l’armĂ©e de l’air turque contre les cibles du PKK. De nombreux civils sont dĂ©jĂ  morts.

    C’est dans ce contexte que durant la derniĂšre semaine, plusieurs officiels du PYD basĂ©s en Syrie ont affirmĂ© que le gouvernement d’Assad pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un collaborateur. Un dirigeant du PYD, Salih Muslim, a mĂȘme dĂ©clarĂ© que « sous de bonnes conditions » le YPG, « peut rejoindre l’armĂ©e syrienne ». Idriss Nassa, autre dirigeant expĂ©rimentĂ© du PYD Ă  KobanĂȘ, a affirmĂ© que son parti pouvait s’allier avec le rĂ©gime d’Assad, « s’il se dĂ©voue Ă  un avenir dĂ©mocratique ».

    En prĂ©vision du fait que ses relations avec les AmĂ©ricains pourraient ĂȘtre mises Ă  rude Ă©preuve Ă  la suite des rĂ©cents Ă©vĂ©nements en Turquie, la direction du PYD tente provisoirement de se rĂ©orienter vers Assad, dĂ©sespĂ©rĂ©e, semble-t-il, de ne pas vouloir parier sur un seul cheval.

    La lutte du peuple de Rojava doit sĂ©curiser le soutien populaire dont il a un besoin critique, au-delĂ  des divisions sectaires et des frontiĂšres de Rojava. Dans cette optique, l’approche de la direction du PYD est une stratĂ©gie vouĂ©e Ă  l’Ă©chec. Ces appels en direction d’Assad ne passeront pas bien auprĂšs des millions de personnes qui souffrent sous les bombes d’Assad ou qui sont torturĂ©s par les milices shabiha (milices en tenue civile aux ordres du parti Baas). Au sein de la communautĂ© kurde elle-mĂȘme, nombreux sont ceux qui n’ont pas oubliĂ© que le rĂ©gime d’Assad a, avant la guerre, violemment opprimĂ© les Kurdes et a niĂ© leur identitĂ© pendant des dĂ©cennies en Syrie.

    Le socialiste amĂ©ricain John Reed, a dĂ©clarĂ© un jour que « quiconque prend les promesses de l’Oncle Sam comme vĂ©ritĂ© les payera en sang et en larmes». Les Kurdes l’ont appris de la maniĂšre forte, Ă  de nombreuses reprises. Ces propos de John Reed au sujet de « l’Oncle Sam » valent Ă©galement pour les rĂ©gimes sectaires et autoritaires pro-capitalistes tels que celui d’Assad. Si Assad remporte la victoire, il ne fait aucun doute qu’il retournera sa brutalitĂ© contre les Kurdes. Que feront alors les dirigeants du PYD ?

    Ce ne serait pas faux en soi d’essayer d’exploiter les divisions entre les diffĂ©rentes forces dirigeantes afin de renforcer la lutte des masses. Mais qu’importe la tactique, elle doit ĂȘtre subordonnĂ©e Ă  une stratĂ©gie claire, avec l’objectif conscient d’exposer les ennemis pour ce qu’ils sont Ă  chaque Ă©tape, sans se nourrir d’illusions quant Ă  leurs intentions. Les socialistes dĂ©fendent la mobilisation indĂ©pendante des travailleurs comme premier facteur de changement. Malheureusement, les dirigeants du PYD ont une approche totalement diffĂ©rente de la politique.

    Ils ont une politique Ă  court terme basĂ©e sur le fait de balancer entre les diffĂ©rentes puissances capitalistes, qui toutes ont dĂ©jĂ  dĂ©montrĂ© leur dĂ©dain pour les masses kurdes. Ceci reprĂ©sente une erreur majeure et un obstacle objectif afin de construire une solidaritĂ© non-sectaire entre les populations exploitĂ©es en dehors de Rojava, que ce soit de par le rĂ©gime d’Assad ou bien des forces de l’air AmĂ©ricaines. Ceci risque d’exacerber les tensions sectaires dans la rĂ©gion.

    Seule une stratégie qui a comme but un programme consistant pour une unité de la classe des travailleurs et pour des droits démocratiques pour tous les peuples de la région, sans la moindre confiance envers les puissances impérialistes et les dictateurs de la région, représente une issue face à la catastrophe actuelle.

  • Egypte : poursuite de la contre-rĂ©volution et rĂ©sistance des travailleurs

    SissiLes condamnations Ă  mort prononcĂ©es contre l’ancien prĂ©sident Ă©gyptien Mohammed Morsi ainsi que contre plus d’une centaine d’autres membres des FrĂšres musulmans ont fait la une dans le monde entier. La rĂ©pression gĂ©nĂ©ralisĂ©e contre toute opposition au rĂ©gime du prĂ©sident Abdel Fattah al-Sissi a par contre Ă©tĂ© moins relatĂ©e dans les mĂ©dias dominants.

    Par David Johnson, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale OuvriÚre en Angleterre et au Pays de Galles)

    Depuis mai 2014, environ 40.000 personnes ont été arrĂȘtĂ©es et poursuivies durant les 10 premiers mois du rĂ©gime d’al-Sissi. Les arrestations ont continuĂ© depuis lors, la majorité d’entre elles concernant des partisans des FrĂšres musulmans. Mais beaucoup d’autres purgent maintenant également de longues peines de prison, y compris des militants de premier plan associĂ©s au soulĂšvement de 2011 contre l’ancien prĂ©sident Hosni Moubarak. Beaucoup de journalistes ont aussi étĂ© emprisonnĂ©s.

    Les tribunaux ont interdit le Mouvement de jeunesse du 6 Avril ainsi que les «ultras» de football, des supporters qui ont derriĂšre eux une sĂ©rieuse expĂ©rience d’opposition au rĂ©gime de Moubarak et à ceux qui ont suivi son Ă©viction. Des militants ont étĂ© empĂȘchĂ©s de voyager Ă  l’Ă©tranger tandis que d’autres ont étĂ© arrĂȘtĂ©s pour possession de livres non autorisĂ©s, comme un recueil de poĂšmes de Shaima al-Sabbagh, un militant tuĂ© par la police lors d’une manifestation de janvier dernier.

    La loi de protestation 107/2013 restreint sĂ©vĂšrement la libertĂ© de rĂ©union et d’expression. Plus de 400 journalistes ont Ă©tĂ© licenciĂ©s depuis le dĂ©but de cette annĂ©e, nombre d’entre eux l’ayant Ă©té sans la moindre explication et sans doute en raison de leurs reportages critiques. Une Association de journalistes a rĂ©cemment Ă©tĂ© mise sur pied et a organisĂ© une manifestation.

    Les prisonniers s’entassent dans les postes de police, dont les capacitĂ©s sont utilisĂ©es à 400%. Les prisons sont pleines Ă  160-200%. La torture est à nouveau largement utilisĂ©e, comme cela était le cas sous la dictature de Moubarak. En fĂ©vrier, un avocat de 27 ans, Karim Hamdi, est mort dans un poste de police deux jours aprĂšs y avoir Ă©tĂ© traĂźnĂ© à partir de son domicile. Des photos de son cadavre meurtri ont causĂ© une telle vague d’indignation que deux policiers ont dĂ» ĂȘtre mis à pied. Les femmes ont quant Ă  elles souffert d’un gigantesque accroissement du harcĂšlement sexuel dans les lieux publics ainsi que dans les postes de police si elles veulent porter plainte.

    Le droit de s’organiser au sein d’un syndicat et le droit de grĂšve ont tous deux Ă©té balayĂ©s. La Cour Administrative SuprĂȘme a statué le 28 avril pour criminaliser les grĂšves et pĂ©naliser les travailleurs du secteur public en grĂšve. Trois fonctionnaires ont Ă©tĂ© contraints à prendre leur retraite anticipĂ©e et 14 autres se sont vus interdire de recevoir une promotion pour une durĂ©e de deux ans aprĂšs le dĂ©clenchement de la grĂšve. Le tribunal a ajouté qu’en vertu de la charia, les grĂšves qui touchent les bĂ©nĂ©ficiaires des services publics ne sont pas autorisĂ©es.

    A la place de s’efforcer Ă  dĂ©velopper un mouvement de rĂ©sistance massif en dĂ©fense des droits des travailleurs, la FĂ©dĂ©ration Ă©gyptienne des syndicats(ETUF) a dĂ©claré (le premier mai) «les travailleurs d’Egypte rejettent la grĂšve et confirment leur attachement au dialogue social avec les propriĂ©taires d’entreprise et le gouvernement en tant que mĂ©canisme destinĂ© à rĂ©aliser la justice sociale et la stabilitĂ©.» Beaucoup de dirigeants de l’ETUF sont des reliques de l’ancien rĂ©gime de Moubarak. Les conditions ont étĂ© difficiles pour les nouveaux syndicats indĂ©pendants qui ont surgi aprĂšs la rĂ©volution de 2011.

    De nouvelles grĂšves

    Pourtant, les luttes des travailleurs se sont poursuivies en dĂ©pit de ces difficultĂ©s, bien qu’à un niveau moindre qu’aprĂšs la chute de Moubarak. Une grĂšve de trois semaines a commencĂ© dĂ©but avril dans la compagnie de gaz contrĂŽlĂ©e par l’Etat aprĂšs que cette derniĂšre ait annoncé son intention de rĂ©duire les salaires de 20%. La grĂšve a entraĂźnĂ© la fermeture de nombreux sites de la sociĂ©té et a causé une «grave» perte de profit. Des sit-in ont eu lieu devant le siĂšge de la sociĂ©té à Giza et, le 26 avril, des grĂ©vistes sont entrĂ©s dans le bĂątiment et ont tentĂ© d’atteindre les bureaux de la direction. Un grĂ©viste a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et inculpĂ© d’«appartenance Ă  une organisation interdite». Il a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© sous caution aprĂšs que sa famille ait payé 500 livres Ă©gyptiennes (environ 60 euros).

    Toujours en avril, les travailleurs de l’entreprise de ciment Tourah ont entamĂ© une grĂšve qui a duré un mois et demi. Les 1.100 travailleurs n’ont acceptĂ© de revenir que lorsque la sociĂ©té a accepté de payer la prime annuelle qu’elle dĂ©sirait supprimer. Un travailleur de l’usine de ciment Al-Arish, appartenantĂ  l’armĂ©e, a Ă©tĂ© griĂšvement blessé le 2 juin. Ses collĂšgues l’ont emmené à la clinique de l’usine, mais il n’a reçu aucun traitement. Certains ont ensuite protestĂ© devant les bureaux de la direction. Un vĂ©hicule blindé a fait irruption dans l’usine tirant des coups de feu, tuant un travailleur et blessant trois autres. Les travailleurs se sont ensuite mis en grĂšve. «Nous avons pensé que l’armĂ©e interviendrait à nos cĂŽtĂ©s, mais ils ont tirĂ© sur les travailleurs»a dĂ©clarĂ© un ouvrier au Daily News Egypt. «Plus de 1000 travailleurs sont surchargĂ©s de travail et vivent dans des conditions difficiles.»

    Les avocats du pays ont fait la grĂšve le 6 juin aprĂšs qu’un officier supĂ©rieur de la police ait agressé un avocat de 25 ans d’expĂ©rience, qui a dĂ» ensuite se rendre Ă  l’hĂŽpital.

    La peur de l’Etat Islamique instrumentalisĂ©e par le rĂ©gime

    MĂȘme si les sondages semblent encore montrer un soutien de 80% à al-Sissi, l’expĂ©rience concrĂšte des travailleurs va inĂ©vitablement saper ce pourcentage. La peur grandissante de l’Etat Islamique et de la situation rencontrĂ©e en Syrie, en Irak, au YĂ©men et en Libye joue beaucoup dans ce taux de soutien. En Libye, l’Etat Islamique a dĂ©capitĂ© des travailleurs Ă©gyptiens. Au nord du SinaĂŻ, les confrontations sont croissantes entre les forces de sĂ©curité et les combattants islamistes de la province du SinaĂŻ, qui ont changé d’allĂ©geance d’Al-QaĂŻda à l’Etat Islamique.

    Al-Sissi considĂšre les FrĂšres musulmans comme une organisation terroriste et selon lui tous les travailleurs et les jeunes qui protestent sont membres des FrĂšres musulmans. Il utilise la menace de la violence islamiste pour notamment s’assurer le soutien des chrĂ©tiens coptes d’Egypte, qui ont pu voir quel traitement les chrĂ©tiens de Syrie et d’Irak avaient subi aux mains de l’Etat Islamique.

    Une des consĂ©quences de la rĂ©pression à laquelle font face les FrĂšres musulmans est le fossé croissant entre sa direction plus ĂągĂ©e et certains membres plus jeunes. La direction actuelle espĂšre pouvoir survivre en gardant la tĂȘte baissĂ©e et en Ă©vitant toute confrontation directe avec le rĂ©gime, comme cela Ă©tait sa stratĂ©gie Ă  l’époque de Moubarak. Certains militants plus jeunes sont par contre attirĂ©s par l’action armĂ©e en considĂ©rant l’impact de l’Etat Islamique Ă  travers le Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    L’hypocrisie impĂ©rialiste

    Un visiteur qui ne contribuera pas Ă  rĂ©soudre ces problĂšmes est le nouveau dirigeant du Conseil europĂ©en pour la tolĂ©rance et la rĂ©conciliation : Tony Blair! Il est arrivĂ© au Caire le 8 juin dernier pour une visite de deux jours. L’invasion impĂ©rialiste de l’Irak qu’il a lancĂ©e en compagnie de l’ancien prĂ©sident amĂ©ricain George W. Bush en 2003 a, avec le bombardement de la Libye de l’OTAN en 2011, massivement contribuĂ© aux problĂšmes de la rĂ©gion.

    Les soulĂšvements de masse de la rĂ©gion qui ont commencĂ© en Tunisie et en Egypte en 2011 et ont vu le renversement des dictateurs Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte, Ă©taient de magnifiques exemples de la puissance de la classe des travailleurs et de la jeunesse. Mais au lieu que ces mouvements de masse des travailleurs ne remplacent les dictateurs par des droits dĂ©mocratiques et sociaux complets – le socialisme dĂ©mocratique – les travailleurs ont manquĂ© de partis politiques aux racines assez fortes et au programme d’action clair. Par consĂ©quent, ce sont d’autres forces qui ont remportĂ© la direction de ce qui est appelĂ© le «printemps arabe».

    Hypocritement, les puissances impĂ©rialistes occidentales qui ont renversĂ© Saddam Hussein et bombardĂ© le rĂ©gime de Kadhafi au nom de la «dĂ©mocratie» sont maintenant presque silencieux Ă  propos de la contre-rĂ©volution d’Al-Sisi. Ce dernier a encore vu le tapis rouge ĂȘtre dĂ©ployĂ© Ă  ses pieds lors d’une visite en Allemagne. Le Big business cherche Ă  stimuler son commerce et ses profits sans ĂȘtre encombrĂ© de travailleurs Ă©gyptiens disposant de droits et se battant pour des salaires et des conditions de travail dĂ©cents. Al-Sissi est Ă©galement considĂ©rĂ© comme un alliĂ© fiable contre la menace reprĂ©sentĂ©e par l’Etat Islamique (Daesh).

    MalgrĂ© la situation contre-rĂ©volutionnaire actuelle, la classe des travailleurs et la jeunesse d’Egypte n’ont pas oubliĂ© leur expĂ©rience acquise lors du renversement du rĂ©gime haĂŻ de Moubarak. DigĂ©rer les leçons de 2011 aidera Ă  clarifier la voie Ă  suivre, en particulier le fait d’avoir laissĂ© la machine d’Etat capitaliste en grande partie intacte et sous le contrĂŽle d’anciens membres de son rĂ©gime. La puissante classe ouvriĂšre Ă©gyptienne va retrouver la combativitĂ© vue au cours de l’annĂ©e qui a suivi, cela pourra donner une direction dans la lutte pour le socialisme dĂ©mocratique dans la rĂ©gion.

  • Tunisie: attaque terroriste Ă  El Kantaoui – Pour un mouvement de masse contre la pauvretĂ© et la terreur !

    attentat_tunisieAl-Badil al-Ichtiraki (Alternative Socialiste, CIO en Tunisie) condamne fermement l’attaque terroriste barbare de Sousse, qui, au dernier dĂ©compte, a conduit Ă  la mort de 39 personnes innocentes. Il s’agit de la pire attaque terroriste que la Tunisie ait jamais connue, et la deuxiĂšme attaque terroriste majeure ciblant des touristes en moins de quatre mois. Les victimes de cette attaque, au-delĂ  des touristes massacrĂ©s pendant leurs vacances et la douleur insupportable occasionnĂ©s Ă  leurs familles et amis, seront aussi les nombreux Tunisiens qui dĂ©pendent de l’industrie touristique comme gagne-pain quotidien.

    DĂ©claration d’Al-Badil al-Ishtiraki (Alternative Socialiste, ComitĂ© pour une Internationale OuvriĂšre – Tunisie)

    Des milliers de touristes ont dĂ©jĂ  quittĂ© le pays ou sont en attente de le faire. Daesh, qui a revendiquĂ© l’attaque, peut bien dĂ©noncer les « infidĂšles »; en rĂ©alitĂ©, d’innombrables familles musulmanes pauvres vont payer le prix fort de leurs actions rĂ©pugnantes. HorrifiĂ©s par l’assaut, des travailleurs de l’hĂŽtel et d’autres personnes locales ont hĂ©roĂŻquement formĂ© une barricade humaine pour protĂ©ger autant de touristes qu’ils le pouvaient.

    Seifeddine Rezgui Yacoubi, l’homme qui a perpĂ©trĂ© cette attaque, a utilisĂ© une kalachnikov pour tuer 39 personnes en 17 minutes. Cela prĂ©suppose qu’il a Ă©tĂ© entraĂźnĂ© pour utiliser son arme – comme le sont un nombre croissant de Tunisiens, entraĂźnĂ©s et armĂ©s via les terrains de guerre en Syrie, en Irak et en Libye voisine, cette derniĂšre Ă©tant devenue, depuis l’intervention militaire de l’OTAN, une plaque tournante pour le trafic de toutes sortes par de nombreux groupes djihadistes armĂ©s.

    Depuis l’opĂ©ration terroriste au musĂ©e du Bardo en mars dernier, les conditions qui ont conduit Ă  ce genre d’horreurs sont restĂ©s inchangĂ©es. “Rezgui” s’était vu lui-mĂȘme niĂ© le droit d’ĂȘtre logĂ© dans les dortoirs universitaires de Kairouan, poussĂ© Ă  vivre dans un quartier oĂč de nombreux salafistes opĂšrent et endoctrinent les jeunes. Le chĂŽmage de masse, la marginalisation sociale et politique, le manque d’infrastructures de base dans de nombreux quartiers, le manque d’accĂšs Ă  une Ă©ducation dĂ©cente et d’investissement public dans les moyens d’expression culturelle et artistique, tout cela a créé un profond sentiment d’aliĂ©nation parmi des centaines de milliers de jeunes tunisiens, dont les prĂ©dicateurs radicaux et les rĂ©seaux salafistes, aidĂ©s par l’inondations d’argent provenant de riches donateurs du Golfe, profitent pour mettre en Ɠuvre leurs entreprises ignobles.

    AprĂšs ce nouveau carnage Ă  Sousse, les terroristes nous feraient presque oublier qu’il y a quatre ans, c’était l’appareil d’Etat lui-mĂȘme qui « tirait pour tuer » en Tunisie, massacrant des centaines de personnes afin de protĂ©ger les intĂ©rĂȘts de la clique de voleurs au pouvoir. Bien que quelques haut bonnets soient tombĂ©s, l’Ă©pine dorsale et la fonction de cet État sont fondamentalement restĂ©s les mĂȘmes (ce qui peut se voir par exemple par le nombre de dĂ©cĂšs sous la torture policiĂšre ces derniers mois), et le parti au pouvoir Nidaa Tounes s’inscrit dans la lignĂ©e politique directe de ceux qui ont nous exploitĂ©s et opprimĂ©s pendant tant d’annĂ©es. C’est pourquoi nous ne pouvons pas faire confiance en cet Etat et en ce gouvernement pour faire face au danger terroriste. Tout ce Ă  quoi ils sont intĂ©ressĂ©s, c’est Ă  intensifier la rĂ©pression et Ă  criminaliser les libertĂ©s que nous avons arrachĂ©es de haute lutte – une “solution” qui est vouĂ©e Ă  l’Ă©chec, car elle ne traite pas les causes profondes du problĂšme. Bien au contraire, les politiques nĂ©olibĂ©rales du gouvernement et sa collaboration avec des pays impĂ©rialistes qui alimentent les guerres au Moyen-Orient et vendent des armes aux thĂ©ocraties sunnites, ne feront qu’empirer les choses.

    L’heure est à la mobilisation de masse!

    La meilleure façon d’honorer toutes les victimes de la terreur, qu’elle soit celle des djihadistes, mais aussi les centaines de victimes de la terreur d’État qui rĂ©clament toujours justice, est de poursuivre la lutte pour un vĂ©ritable changement rĂ©volutionnaire, et pour le dĂ©veloppement d’une voix politique de masse reprĂ©sentant les travailleurs et les jeunes. Sans cela, le peuple tunisien sera pris entre les feux d’une poignĂ©e de criminels assassins et une autre.

    Les mouvements sociaux et syndicaux ont rĂ©vĂ©lĂ© Ă  plusieurs reprises la possibilitĂ© d’attirer des milliers de jeunes dans la lutte collective, pour l’emploi et l’exigence d’une vie digne. Beaucoup de jeunes qui sont aujourd’hui les proies d’extrĂ©mistes religieux s’étaient battus pour lutter contre le rĂ©gime de Ben Ali, et pour un avenir meilleur. Cette derniĂšre lutte est le type de mouvement rĂ©volutionnaire de masse que nous devons reconstruire d’urgence, afin de redonner de l’espoir Ă  la jeune gĂ©nĂ©ration et arracher nos jeunes des griffes des terroristes et des gangs de trafiquants.

    Si la gauche ne fournit pas de rĂ©ponses claires sur la façon de changer la sociĂ©tĂ© et n’offre pas un canal pour l’action politique radicale de masse ; si elle déçoit ceux qui mettent leurs espoirs en elle, les « Takfiris » vont combler le vide en exploitant le dĂ©sespoir, le dĂ©tournant en des actions individuelles et destructrices, dont les victimes seront principalement des travailleurs et des pauvres, tunisiens et Ă©trangers.

    Par consĂ©quent, nous appelons tous les syndicats, la gauche et la jeunesse rĂ©volutionnaire Ă  ne pas ĂȘtre induits en erreur par la propagande de la classe dirigeante et des mĂ©dias, qui cherchent Ă  crĂ©er un climat d’intimidation, ordonnant aux gens de se ranger derriĂšre le gouvernement et exigeant une «pause» dans les revendications sociales. C’est exactement la route vers plus de la misĂšre, et vers une multiplication du type de violence qu’on a vu vendredi. Au lieu de cela, nous appelons la masse du peuple tunisien, les syndicalistes de l’UGTT, les partis de gauche et les organisations sociales, Ă  envahir les rues pour dire non Ă  la terreur et Ă  l’extrĂ©misme religieux, mais aussi pour renouveler la lutte sur le terrain pour rĂ©clamer des emplois et une vie dĂ©cente pour tous et toutes, ainsi que pour dĂ©fendre nos droits dĂ©mocratiques face aux menaces de tout bord.

    Non au terrorisme, non au capitalisme, non Ă  l’impĂ©rialisme – pour une alternative socialiste contre la guerre, la pauvretĂ© et la terreur !

  • [PHOTO] Rassemblement de solidaritĂ© avec la rĂ©sistance de KobanĂ©

    Hier, un rassemblement a eu lieu place du Luxembourg à Bruxelles à l'initiative de la communauté kurde contre la barbarie de l'Etat Islamique (Daesh), responsable d'attentats commis ce vendredi en France, en Tunisie, au Koweït et, la veille, à Kobané, dans le Kurdistan syrien. AprÚs une longue bataille, Daesh avait été repoussé de Kobané par la résistance des combattants kurdes, l'attaque de ce jeudi était une représaille. A Bruxelles, les manifestants ont exprémié leur rejet de la barbarie de Daesh ainsi que leur soutien à la résistance de Kobané. Le PSL était également présent. Le reportage-photos ci-dessous est de PPICS.

  • Irak/Syrie. L'Etat Islamique Ă  Ramadi et Palmyra. Comment stopper les milices sectaires?

    ramadi-300x177Quelques jours aprĂšs que l’État islamique (EI) ait capturĂ© Ramadi, la capitale de la province d’Anbar en Irak, la ville syrienne de Palmyre a aussi Ă©tĂ© conquise par les djihadistes sunnites. Dans les deux pays, l’offensive de l’EI a Ă  nouveau provoquĂ© un affaiblissement de l’armĂ©e, un afflux de rĂ©fugiĂ©s nationaux et a renforcĂ© les positions de l’EI.

    Article de Niall Mulholland

    Selon le rĂ©gime de Bagdad et le gouvernement des États-Unis en Irak l’EI Ă©tait censĂ© ĂȘtre dans une position dĂ©fensive. Il y a quelques mois, l’EI avait Ă©tĂ© dĂ©fait par une combinaison de rĂ©sistance kurde et des frappes aĂ©riennes US menĂ©es autour de KobanĂ© dans le nord de la Syrie et avait Ă©galement Ă©tĂ© expulsĂ© de Tikrit dans le centre de l’Irak. L’EI avait cĂ©dĂ© environ 20.000 kilomĂštres carrĂ© de territoire dans le nord de l’Irak.
    Les bombardements des forces occidentales a affaiblit l’EI mais cela ne constitue pas une alternative aux forces armĂ©es terrestres en Irak qui sont complĂštement inefficaces et corrompues. Comme lors de la chute dramatique de la ville de Mossoul l’annĂ©e passĂ©e, les soldats irakiens ont de nouveau fuit dĂšs l’assaut de l’EI sur Ramadi. Ils ont laissĂ© derriĂšre eux artillerie et munitions. L’EI a ensuite attaquer la ville d’Husaibah prĂšs de Ramadi. La politique des États-Unis de reconstruire l’armĂ©e irakienne pendant qu’il la soutient par les frappes aĂ©riennes, est en train d’échouer. De mĂȘme que le projet de faire entrer les tribus sunnites en rĂ©sistance contre l’EI.

    Les « troupes d’élite» syriennes qui restent fidĂšles au prĂ©sident Bachar al-Assad devaient dĂ©fendre les grandes exploitations pĂ©troliĂšres au nord de Palmyre. Mais Ă  peine le combat commencĂ©, elles se sont rendues. Encore une fois, d’importants stocks de munitions sont tombĂ©s aux mains de l’EI. Celui-ci contrĂŽlerait dĂ©sormais plus de 50% du territoire syrien.

    Les victoires de l’EI sont moins dues Ă  sa force propre qu’à la faiblesse de l’Etat en Syrie et en Irak. Le rĂ©gime d’Assad a pratiquĂ© une politique de discrimination brutale de la majoritĂ© sunnite depuis des annĂ©es. Et le rĂ©gime dominĂ© par les chiites Ă  Bagdad est craint et haĂŻ par la minoritĂ© sunnite du pays.

    La chute de Ramadi et celle de Palmyre sont au sommet d’une longue liste de catastrophes humanitaires dans les deux pays. Plus de 25.000 personnes ont fui Ramadi, un tiers des 200 000 habitants de Palmyre ont fui la ville. Ceux qui restent sont confrontĂ©s Ă  la barbarie de l’EI. On a pu ainsi voir sur les mĂ©dias sociaux les nombreux corps de ceux qui ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s dans la rue. Le patrimoine mondial reconnu par l’UNESCO Ă  Palmyre est menacĂ©. Il y a quelques mois, l’EI a dĂ©truit des sites antiques en Irak.

    Le gouvernement irakien est maintenant dĂ©pendant des milices chiites pour contrecarrer l’EI, reprendre Ramadi et le reste de la province Ă  majoritĂ© sunnite d’Anbar. Cela va accroĂźtre les tensions sectaires et les atrocitĂ©s. Human Rights Watch a signalĂ© que les milices chiites et les troupes irakiennes se sont rendues coupables de crimes de guerre, de pillage, de torture et d’exĂ©cutions arbitraires de sunnites alors qu’ils entraient dans la ville d’Amerli que l’EI a repris en septembre. Les mĂ©thodes barbares de l’EI sont fermement condamnĂ©es par les gouvernements occidentaux, mais les actes tout aussi barbares des alliĂ©s chiites des États-Unis en Irak sont Ă  peine Ă©voquĂ©s. Dans les cercles dirigeants des États-Unis, il y a un dĂ©bat sur la façon dont l’EI doit ĂȘtre abordĂ©e. Il y a environ 5.000 soldats amĂ©ricains en Irak en tant que «conseillers spĂ©ciaux». A Washington, certains rĂ©clament une forte augmentation des contingents de troupes au sol. Mais Obama est dĂ©favorable Ă  une plus grande implication des États-Unis dans une guerre terrestre prolongĂ©e, sanglante et coĂ»teuse en Irak. D’autant qu’il n’y a aucune garantie de succĂšs.

    En Syrie, les Etats-Unis ont soutenu les soi-disant rebelles «modĂ©rĂ©s» avec des frappes aĂ©riennes Ă  la fois contre l’EI et le rĂ©gime d’Assad. Ils ont dĂ©pensĂ© environ 500 millions de dollars pour former les rebelles. Compte tenu de l’inefficacitĂ© de la plupart des rebelles anti-Assad, une grande partie de cette aide amĂ©ricaine est en rĂ©alitĂ© tombĂ©e dans la poche de la branche locale d’Al-QaĂŻda, Al Nusra.

    Contradictions des politiques occidentales

    Les Ă©normes contradictions et l’hypocrisie des politiques occidentales et amĂ©ricaines dans la rĂ©gion sont le rĂ©sultat de plus de dix ans d’agressions impĂ©rialistes, de guerres illĂ©gales, d’occupations sanglantes et de bombardements de l’armĂ©e. Et ce, de la Libye Ă  la Syrie. On estime que plus d’un million de personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es Ă  la suite des actions menĂ©es par les États-Unis et d’autres puissances occidentales. La poursuite d’objectifs gĂ©ostratĂ©giques, notamment l’accĂšs au pĂ©trole et les bĂ©nĂ©fices associĂ©s pour les grandes entreprises, sont au cƓur de la politique occidentale dans la rĂ©gion. La vie des populations dans la rĂ©gion est totalement soumise Ă  ces objectifs.

    La politique amĂ©ricaine dans la rĂ©gion depuis des annĂ©es a Ă©tĂ© de «diviser pour rĂ©gner», en opposant les sunnites contre les chiites. Cela a créé des monstres de Frankenstein, comme l’EI. Les forces djihadistes sunnites Ă©taient initialement partie de l’insurrection sunnite contre le rĂ©gime chiite soutenue par les AmĂ©ricains en Irak. AprĂšs le soi-disant “rĂ©veil” sunnite, une rĂ©volte des tribus sunnites contre le gouvernement local d’Al QuaĂŻda. plusieurs djihadistes sont partis en Syrie, oĂč ils ont jouĂ© un rĂŽle dans la guerre civile en dĂ©veloppement. Certaines de ces forces ont formĂ© l’Etat islamique d’Irak et de Syrie en gagnant rapidement du terrain dans l’opposition Ă  Assad, y compris grĂące aux armes et au soutien des Etats rĂ©actionnaires du Golfe (qui sont des alliĂ©s des États-Unis).

    Le succĂšs dans la lutte contre Assad et contre des forces djihadistes concurrentes a permis Ă  l’EI de retourner en Irak oĂč il a trouvĂ© un soutien dans les rĂ©gions sunnites accablĂ©es par des annĂ©es de rĂ©pression de l’Etat et de persĂ©cutions de la part du rĂ©gime de Bagdad Ă  majoritĂ© chiite.

    La spirale sanglante montre que sur la base du capitalisme et sous la domination des élites réactionnaires et des forces sectaires de plus en plus de conflits et de catastrophes humanitaires éclatent dans la région. Seule la population active de la région, relié au reste du mouvement ouvrier à travers le monde, peut trouver un moyen de sortir de ce cauchemar.

    Le potentiel pour cette alternative est apparu au cours du «printemps arabe», quand les dictateurs ont Ă©tĂ© renversĂ©s par des mouvements de masse des travailleurs et des pauvres en Tunisie et en Egypte. Mais ces mouvements rĂ©agissant contre des dĂ©cennies de dictature n’avaient pas de direction ferme venant du mouvement ouvrier, une direction qui aurait pu mobiliser les masses et les organiser non seulement contre les dictatures, mais aussi contre le capitalisme. Le mouvement a laissĂ© place Ă  la contre-rĂ©volution qui pourrait Ă  nouveau prendre le dessus avec le soutien des puissances occidentales. Cela a abouti au retour d’un rĂ©gime militaire en Egypte et en Libye. En Syrie, le mouvement de masse a Ă©tĂ© dĂ©tournĂ© sur base de divisions sectaires ou rĂ©actionnaires ou de diffĂ©rents entre tribus.

    Insurrection

    La population active dans la rĂ©gion finira par revenir Ă  la lutte de masse contre les dictateurs et toutes les forces sectaires. La haine profonde des sunnites contre le rĂ©gime de Bagdad leur fait tolĂ©rer le rĂšgne de l’EI jusqu’à un certain point. Ils espĂšrent que cela peut conduire Ă  la fin des persĂ©cutions de la part des chiites et que cela peut apporter un certain degrĂ© de «stabilité» et « d’ordre ». La vie quotidienne sous la barbarie du fondamentalisme sunnite finira par provoquer une opposition Ă  l’EI. Le journaliste irlandais Patrick Cockburn a rĂ©cemment publiĂ© un rapport sur la situation terrible dans laquelle les sunnites vivent en Irak dans la rĂ©gion contrĂŽlĂ©e par l’EI. Les filles sont forcĂ©es de se plier Ă  des “mariages djihadistes”, la musique et la danse sont interdites, de mĂȘme que le fait de manger des oiseaux.

    Les travailleurs et les pauvres en Irak et en Syrie ne peuvent compter que sur l’auto-organisation afin de mettre un terme Ă  la guerre et Ă  la misĂšre sociale. Seul un mouvement ouvrier uni et indĂ©pendant peut organiser l’auto-dĂ©fense de toutes les communautĂ©s et minoritĂ©s. Avec un programme socialiste, un tel mouvement peut trouver un soutien au niveau rĂ©gional et international dans la lutte contre les rĂ©gimes pourris et pour mettre fin Ă  l’impĂ©rialisme, Ă  toutes les politiques et milices rĂ©actionnaires et sectaires. Cela pourrait former la base d’une rĂ©organisation socialiste dĂ©mocratique de la sociĂ©tĂ©.

  • PrĂ©accord sur le nuclĂ©aire iranien, reflet d'un Moyen-Orient en pleine transformation

    AprĂšs la dĂ©sastreuse occupation de l’Irak, l’administration Obama cherche un nouvel Ă©quilibre entre les diffĂ©rentes puissances de la sous-rĂ©gion.

    Le prĂ©accord nuclĂ©aire dĂ©fini au mois d’avril dernier entre l’Iran et les puissances mondiales du groupe « P5+1 » marquera, s’il est mis en Ɠuvre, un point tournant dans les relations entre les pays occidentaux et les pays du Moyen-Orient, ainsi qu’entre ces pays dans la rĂ©gion. MĂȘme si l’on pourra peut-ĂȘtre observer un report de la ratification finale de cet «accord politique», le fait seul que ces nĂ©gociations se soient tenues est le signe qu’un rĂ©alignement des forces est en train de s’opĂ©rer dans la rĂ©gion.

    Par Robert Bechert, secrétariat international du Comité pour une Internationale OuvriÚre

    Les dĂ©sastreuses consĂ©quences de l’invasion de l’Irak

    Cette tentative d’accord est essentiellement le rĂ©sultat de l’Ă©volution de l’Ă©quilibre entre puissances au niveau mondial et de l’invasion de l’Irak menĂ©e par les États-Unis et la Grande-Bretagne en 2003, dont les consĂ©quences se font amĂšrement sentir.

    Tandis que la position des États-Unis au niveau mondial s’est affaiblie face Ă  la croissance Ă©conomique de la Chine et Ă  son influence grandissante au niveau international, le bilan dĂ©sastreux de l’invasion de l’Irak a contribuĂ© Ă  mettre un terme Ă  la brĂšve pĂ©riode des annĂ©es ’90 au cours de laquelle les États-Unis dominaient la scĂšne internationale. Cette invasion a Ă©tĂ© dĂ©sastreuse non seulement pour des millions d’Irakiens, mais aussi pour les architectes de cette guerre. Les limites de la puissance des États-Unis et le dĂ©clin prononcĂ© des forces britanniques se sont rĂ©vĂ©lĂ©s au grand jour, une fois qu’a Ă©tĂ© perçue l’Ă©chec des espoirs de ces États, qui visaient Ă  Ă©tablir un nouvel ordre au Moyen-Orient en Ă©liminant ou en neutralisant les forces qui leur Ă©taient hostiles.

    Pour le peuple irakien, l’invasion de 2003 s’est traduite par d’énormes prĂ©judices, une augmentation des souffrances et de nouveaux conflits ; mais pour les instigateurs et les partisans de la grande aventure de Bush et Blair, il s’est agi d’une dĂ©faite stratĂ©gique qui s’est soldĂ©e par un Ă©norme gaspillage de ressources. Non seulement l’invasion irakienne a dĂ©stabilisĂ© l’ensemble de la sous-rĂ©gion, mais elle a Ă©galement renforcĂ© la puissance rĂ©gionale de l’Iran, Ă  l’inverse de ce que Washington souhaitait. Au final, cette invasion a constituĂ© un Ă©norme pas en arriĂšre pour les puissances occidentales qui, aprĂšs le renversement du Shah en 1979, avaient sous Reagan et Thatcher tentĂ© d’isoler l’Iran en soutenant Saddam Hussein durant la guerre initiĂ©e par ce dernier entre l’Iran et l’Irak de 1980 Ă  1989.

    Dans un article qui critique vivement cet accord, mais qui n’offre aucune rĂ©elle alternative, les anciens secrĂ©taires d’État, MM. Kissinger et Shultz, regrettent le fait que <i>«Les nĂ©gociations entamĂ©es il y a 12 ans pour empĂȘcher l’Iran de dĂ©velopper un arsenal nuclĂ©aire aboutissent finalement Ă  un accord qui lui offre cette mĂȘme possibilitĂ© ; bien que cet arsenal ne sera pas Ă  sa capacitĂ© maximale dans les 10 premiĂšres annĂ©es»</i> (Wall Street Journal, 9 avril 2015). Ce compromis avec l’Iran n’est pas ce que Washington et Londres envisageaient en 2003.

    Bilan du «Printemps arabe»

    Les rĂ©volutions de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont tout d’abord portĂ© un rude coup aux puissances occidentales lorsque certains de leurs hommes forts, notamment le prĂ©sident Ă©gyptien Moubarak, se sont fait renverser du pouvoir. Ces puissances ont sĂ©rieusement craint que les rĂ©volutions se rĂ©pandent Ă  d’autres pays et qu’elles ne s’arrĂȘtent pas Ă  une simple Ă©limination des autocrates et des dictateurs, mais qu’elles se transforment en de rĂ©elles rĂ©volutions sociales.

    Cette occasion en or pour la classe des travailleurs et les pauvres de mettre fin Ă  l’oppression et au capitalisme une bonne fois pour toutes n’a pas Ă©tĂ© saisie. Mais, mĂȘme si cette premiĂšre vague rĂ©volutionnaire a chavirĂ©, la contre-rĂ©volution qui a suivi n’a pas Ă©tĂ© capable de restaurer l’ancienne position de l’impĂ©rialisme. En rĂ©alitĂ©, l’impĂ©rialisme a perdu de son influence directe, car la contre-rĂ©volution a dĂ©clenchĂ© des forces centrifuges (cĂ d. Ă  tendance sĂ©cessionniste) qui se fondent sur des clivages ethniques, tribaux et religieux. Cette Ă©volution, que l’on a pu observer trĂšs clairement avec le dĂ©chirement de la Libye et de la Syrie, a créé encore plus de misĂšre et d’instabilitĂ© dans la rĂ©gion. Dans ce contexte, l’avancĂ©e explosive de l’Etat Islamique (EI) et d’autres groupes fondamentalistes n’a fait qu’approfondir la morositĂ© de l’impĂ©rialisme.

    Les grandes puissances impĂ©rialistes, devant la faiblesse de leurs alliĂ©s arabes traditionnels et craignant la rapide avancĂ©e de EI, se sont vues contraintes de chercher de nouveaux alliĂ©s partout oĂč c’Ă©tait possible, ce qui explique le soutien apportĂ© par l’Occident aux dirigeants de la zone autonome kurde en Irak. En Irak, un arrangement officieux a Ă©tĂ© conclu entre les forces Ă©tasuniennes et iraniennes afin de soutenir le gouvernement irakien Ă  dominante chiite dans le cadre de sa lutte contre EI.

    C’est alors que, dans les coulisses, les tentatives d’obtenir un rapprochement avec l’Iran se sont multipliĂ©es ; ces efforts ont dĂ©sormais franchi une nouvelle Ă©tape avec la dĂ©finition de cet accord.

    En ce moment, les puissances mondiales (et surtout les forces impĂ©rialistes occidentales) ont besoin de l’aide du rĂ©gime iranien pour combattre la menace que fait peser EI et autres fondamentalistes sunnites sur l’Irak et sur la Syrie. Mais cette stratĂ©gie risque de mettre Ă  mal les relations des puissances occidentales avec les dirigeants de l’Arabie saoudite et des États du Golfe, dont la majoritĂ© soutient et finance diffĂ©rents fondamentalistes sunnites. Ces dirigeants majoritairement autocratiques et fĂ©odaux sont des rivaux directs de l’Iran et craignent que ce pays, qui joue dĂ©sormais un rĂŽle dĂ©cisif en Irak, n’utilise les populations chiites dans des pays comme le BahreĂŻn et l’Arabie saoudite pour Ă©tendre son influence. C’est l’une des raisons pour lesquelles les États-Unis dĂ©fendent Ă  l’Iran de s’impliquer dans la guerre civile au YĂ©men.

    En mĂȘme temps, certains stratĂšges occidentaux sont plus prudents par rapport Ă  l’Iran. À leurs yeux, cet accord n’est pas suffisant pour affaiblir le programme nuclĂ©aire iranien. Kissinger et Schultz avouent l’affaiblissement de la position occidentale, lorsqu’ils Ă©crivent qu’avec l’Ă©volution du programme nuclĂ©aire iranien, « la menace de guerre limite Ă  prĂ©sent l’Occident plus que l’Iran ». Cependant, Ă  certains Ă©gards, Obama suit aujourd’hui une stratĂ©gie semblable Ă  celle suivie par le mĂȘme Kissinger lorsque celui-ci prĂ©parait l’accord de 1972 entre la Chine et les États-Unis.

    Bien que les puissances mondiales soient en concurrence sur toute une sĂ©rie de thĂšme tels que la domination du Pacifique ou l’Ukraine, chacune avait ses propres raisons de parvenir Ă  cet accord entre le groupe P5 + 1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume Uni et Allemagne) et l’Iran. MĂȘme si certains alliĂ©s de l’Occident au Moyen-Orient – en particulier les rĂ©gimes israĂ©lien et saoudien – y sont opposĂ©s, car ils craignent de perdre grandement dans ce nouvel Ă©quilibrage des forces. En ce qui concerne l’Arabie saoudite par exemple, elle s’inquiĂšte du fait que la hausse de l’influence iranienne pourrait encourager la contestation de la part de sa minoritĂ© chiite. IsraĂ«l quant Ă  lui craint de perdre de son influence auprĂšs des puissances occidentales.

    L’administration Obama balance entre les diffĂ©rentes puissances

    L’administration Obama elle-mĂȘme joue un jeu d’Ă©quilibriste entre les diffĂ©rentes puissances sous-rĂ©gionales. Au cours de la mĂȘme semaine oĂč l’accord avec l’Iran a Ă©tĂ© dĂ©fini, les États-Unis ont repris leur aide annuelle de 1,3 milliards de dollars Ă  l’Égypte (740 milliards de francs CFA), ont assurĂ© l’Arabie saoudite de leur soutien envers ses raids aĂ©riens sur le YĂ©men, et ont donnĂ© leur accord Ă  la crĂ©ation d’une future force militaire panarabe sunnite.

    Pendant ce temps, aux États-Unis eux-mĂȘmes, les RĂ©publicains ont entamĂ©, de concert avec le Premier ministre Netanyahu, une campagne d’opposition Ă  l’accord iranien, pour des raisons Ă  la fois Ă©lectorales et politiques. Ils espĂšrent exploiter ce qui reste d’hostilitĂ© Ă  l’Iran parmi la population amĂ©ricaine, en ravivant le souvenir du personnel diplomatique amĂ©ricain qui avait Ă©tĂ© retenu en otage pendant 444 jours en 1979-81 ainsi que les craintes qui pĂšsent (particuliĂšrement parmi les couches fondamentalistes juives et chrĂ©tiennes aux États-Unis) sur l’avenir de l’État d’IsraĂ«l.

    Des divisions existent aussi au sein du rĂ©gime iranien. En Iran, nous voyons une situation oĂč se mĂȘlent la soif de changement, l’instabilitĂ© au niveau sous-rĂ©gional, les sanctions Ă©conomiques, et maintenant la chute du prix du pĂ©trole ; ce qui donne une majoritĂ© Ă  ceux qui soutiennent un accord sur le nuclĂ©aire.

    Mais les palabres continuent au sein du rĂ©gime. En ce moment, le «Guide suprĂȘme» iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, parait soutenir les tentatives du prĂ©sident Hassan Rouhani d’obtenir un accord. Mais les Ă©lĂ©ments sceptiques, plus critiques, rassemblĂ©s autour de la faction religieuse conservatrice, n’ont pas encore abandonnĂ© leur bataille contre les centralistes, surtout au vu des Ă©lections qui arrivent en fĂ©vrier prochain tant pour le parlement que pour l’AssemblĂ©e des experts. On a Ă©tĂ© surpris de voir un de ces conservateurs se faire rĂ©cemment Ă©lire en tant que prĂ©sident de l’AssemblĂ©e des experts, une institution dont le rĂŽle est, entre autres, de nommer le Guide suprĂȘme. À quel point s’agit-il d’une manƓuvre de la part du rĂ©gime dans le cadre des nĂ©gociations en vue d’un accord ? Ce n’est pas clair.

    Ce qui est clair par contre, c’est que le rĂ©gime voit qu’il y a une aspiration de plus en plus grande au changement dans la sociĂ©tĂ©, surtout parmi la jeunesse, accompagnĂ©e d’une remise en question croissante de la caste religieuse au pouvoir depuis 1979. Les divisions et le malaise du rĂ©gime sont visibles par sa politique faite d’un mĂ©lange de rĂ©pression continue et de petites concessions. D’ailleurs, l’annonce du prĂ©accord a Ă©tĂ© accueilli par des manifestations de joie spontanĂ©es dans les rues du pays entier. Les gens chantaient, applaudissaient et dansaient. Beaucoup brandissaient des portraits du prĂ©sident Rouhani. La popularitĂ© de ce prĂ©accord fait que le rĂ©gime ne peut rejeter en bloc sa signature, sans quoi il risque de provoquer une contestation populaire d’un niveau potentiellement supĂ©rieur au mouvement de masse qui s’est dĂ©veloppĂ© aprĂšs les Ă©lections prĂ©sidentielles de 2009.

    Cela, parce que la perspective d’un accord qui permettrait de mettre un terme aux sanctions internationales qui pĂšsent sur l’Iran depuis des dĂ©cennies alimente les espoirs de changement, surtout dans le contexte de la chute du cours du pĂ©trole qui a fortement affectĂ© l’Ă©conomie et le niveau de vie dans le pays.

    MĂȘme si l’inflation est retombĂ©e rĂ©cemment de 40 % Ă  16 %, le prĂ©sident du syndicat official soutenu par l’État a avouĂ© que 70 % des Iraniens vivent sous le seuil de pauvretĂ©. Le ministre du Travail a mentionnĂ© le fait que 12 millions de gens souffrent de « pauvretĂ© alimentaire » dans son pays. La pression sur le niveau de vie a maintenant provoquĂ© une contestation de la part des travailleurs. Depuis le mois de mars, on voit des grĂšves des travailleurs de l’automobile et des marches « silencieuses » de dizaines de milliers d’enseignants.

    Un marché potentiel

    La population iranienne se chiffre Ă  80 millions de personnes ; il s’agit de plus de la 18e plus grande Ă©conomie mondiale. L’Iran n’est donc pas seulement une puissance rĂ©gionale, mais aussi un marchĂ© potentiel. De nombreuses entreprises Ă©trangĂšres se prĂ©parent activement Ă  dĂ©barquer dans le pays sitĂŽt que les sanctions seront levĂ©es. Le New York Times citait l’annĂ©e passĂ©e le directeur d’une compagnie pĂ©troliĂšre pour qui « AprĂšs l’accord, nous allons connaitre un boom incroyable ». Quelques semaines aprĂšs la signature de ce prĂ©accord, un groupe d’investisseurs et d’hommes d’affaires amĂ©ricains a tenu une rencontre publique Ă  TĂ©hĂ©ran – le tout premier Ă©vĂ©nement de ce genre depuis la rĂ©volution de 1979.

    MĂȘme si l’accord est signĂ©, les sanctions ne vont ĂȘtre levĂ©es que graduellement. De plus, malgrĂ© les fortes attentes de la part de la population, vu la situation de crise Ă©conomique au niveau mondial, il n’y a que peu de chances que la levĂ©e des sanctions mĂšne Ă  une croissance durable et partagĂ©e en Iran.

    Mais le changement pourrait donner une plus grande confiance Ă  la classe des travailleurs iranienne pour lutter pour ses revendications. Ceci pourrait reprĂ©senter un tournant crucial. Avec l’Égypte et la Turquie, l’Iran compte une des classes des travailleurs la plus importante du Moyen-Orient. L’Iran est un pays relativement dĂ©veloppĂ©. Tout comme en Turquie, 70 % de sa population vit dans les villes. Le rĂ©veil des traditions de lutte de la classe des travailleurs iranienne aurait un impact extrĂȘmement important au niveau de toute la sous-rĂ©gion, qui pourrait donner un bon exemple de lutte de masse. Si cette lutte Ă©tait accompagnĂ©e d’idĂ©es socialistes, cela pourrait ĂȘtre un bon pas en avant dans le cadre de la lutte contre la pauvretĂ© et la violence qui caractĂ©rise le Moyen-Orient sous le rĂšgne des fĂ©odaux, des sectaires religieux et du capitalisme.

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