Category: Europe

  • Ukraine : Les raisons de la crise

    Rob Jones, article tiré de l’édition de mars 2014 Socialism Today

    Ce dossier a été écrit la semaine dernière, avant les plus récents développements de la crise ukrainienne. Ce texte reste toutefois d’actualité est est d’une grande aide pour comprendre le contexte de la situation actuelle.

    L’Ukraine est à nouveau ébranlée par des manifestations de masse. La police anti-émeutes du président Ianoukovitch a violemment pris à partie les manifestants sur la place de l’Indépendance (Maïdan nézalejnosti) de Kiev. À ce jour, 29 personnes ont été tuées, en plus de centaines de blessés graves. En cause : un système politique pourri. Dans un article écrit peu avant ces évènements, Rob Jones analyse les différentes forces à l’œuvre dans la crise ukrainienne.

    Les passions se sont autant déchaînées que l’hiver a été rude en Ukraine. Les manifestants occupent les bâtiments du ministère et de la mairie dans la capitale, Kiev, et un peu partout dans le pays, surtout dans l’Ouest. À l’Est, d’où le président Ianoukovitch tire sa principale base de soutien, les autorités locales ont bloqué leurs propres bureaux avec de grands blocs de béton afin d’éviter toute tentative d’occupation. Les manifestants prennent tout ce qui leur tombe sous la main pour construire des barricades. Dans certains endroits, ce sont des piles de vieux pneus ; dans d’autres, des sacs de sable remplis de neige et de glace.

    Dix ans se sont écoulés depuis le grand mouvement appelé la “révolution orange”, qui avait été organisé contre les fraudes électorales et qui avait contraint Ianoukovitch à laisser le pouvoir à son rival Viktor Youchtchenko. Youchtchenko n’a pu rester au pouvoir que le temps d’un mandat avant d’en être de nouveau chassé par Ianoukovitch aux élections suivantes. Aujourd’hui, la place de l’Indépendance de Kiev (Maïdan nézalejnosti) est à nouveau remplie de milliers de manifestants qui y campent depuis deux mois dans un village de tentes et de barricades, avec le même but de chasser Ianoukovitch. Le mot “Maïdan” fait depuis partie du vocabulaire politique en tant que symbole de contestation, cette fois sous l’appellation “Yevromaïdan” (place de l’Euro).

    Le facteur déclencheur du mouvement a été la décision prise le 21 novembre par le parlement ukrainien de ne finalement pas signer l’“accord d’association” avec l’Union européenne qui aurait dû être signé fin novembre lors d’un sommet européen en Lituanie. Cet accord n’était pas une invitation pour l’Ukraine à rejoindre l’Union européenne – dans le climat économique actuel, l’UE peut sans doute encore se permettre d’intégrer l’un ou l’autre petit pays d’Europe de l’Est (comme la Croatie), mais certainement pas l’Ukraine, qui est à la fois le troisième pays le plus pauvre du continent européen tout en étant le plus grand par sa superficie sur le continent et celui qui a la cinquième plus grande population du continent (Russie exceptée). (Les seuls pays du continent européen à être plus pauvres que l’Ukraine sont la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie, dont les PIB par habitant sont à rapprocher de ceux du Ghana et du Pakistan ; le PIB par habitant de l’Ukraine est d’à peine 5100 €, équivalent à celui de l’Algérie ; à titre d’exemple, le PIB par habitant de la France est de 25 000 € ; celui du Kazakhstan est de 9500 €, celui de la Roumanie, 8900 €). Cet accord d’association avait pour but d’encourager l’Ukraine à adopter les soi-disant “valeurs européennes” de “démocratie“ et de “justice”, et surtout à aller vers un accord de libre-échange entre ce pays et le reste de l’Europe.

    Selon le premier ministre du moment, Mykola Azarov (qui a été viré en janvier dans une tentative de satisfaire les revendications des manifestants), la décision de reporter la signature de l’accord d’association aurait été prise à la suite d’une lettre du FMI qu’il aurait reçue le 29 novembre, dans laquelle le FMI détaillait les conditions pour le remboursement des emprunts effectués pour sauver l’économie du pays en 2008 et 2010. Selon Azarov, « Les termes consistaient en une hausse du prix du gaz et du chauffage pour la population d’environ 40 %, la promesse de geler le salaire minimum de base au niveau actuel, une importante réduction des dépenses budgétaires, la diminution des subsides sur l’énergie, et la suppression graduelle des exemptions de TVA pour l’agriculture et d’autres secteurs ». Il se plaignait donc du fait que, alors que l’UE fait beaucoup de promesses en parlant des avantages futurs pour l’économie du pays, elle n’est jamais là quand on a besoin d’elle aujourd’hui.

    Depuis le début de la crise mondiale, l’Ukraine s’est trouvée dans une situation économique effarante. Entre 2008 et 2009, le PIB est tombé de 15 %, et ne s’est pas relevé depuis. Le chômage officiel est passé de 3 % à 9 % – un chiffre qui sous-estime de beaucoup la situation réelle. La situation désespérée dans laquelle vivent de nombreux Ukrainiens explique pourquoi le mouvement a pris une coloration si pro-européenne, du moins dans ses premiers stades. Beaucoup de personnes, surtout parmi la jeunesse, considèrent l’Union européenne en tant que havre de richesse et de liberté, surtout comparée à l’autre puissance voisine – la Russie. Il suffit de regarder le salaire moyen pour comprendre cela : il est de 250 € par mois en Ukraine (et plus bas dans l’ouest du pays que dans l’est), alors qu’en Pologne, pays européen voisin de l’Ukraine, le salaire moyen est le double.

    Lorsqu’ils ont appris que c’est à cause de la pression russe que la signature de cet accord avec l’UE avait été annulée, les étudiants sont descendus dans les rues de l’ouest du pays. À Lviv, la plus grande ville de l’ouest, les revendications étaient très larges : à côté de ceux qui exigeaient du gouvernement la signature de l’accord, on en voyait d’autres qui tenaient des pancartes demandant la fin du contrôle des entrées et sorties et du couvre-feu dans les résidences universitaires (les portes sont généralement fermées à partir de 22 heures).

    Le tir à la corde Est-Ouest

    La question nationale était déjà bien présente lors de la révolution orange, et continue à jouer un rôle extrêmement important dans le Yevromaïdan. Il y a de fortes divisions entre l’ouest du pays, ukrainophone, et l’est, russophone et beaucoup plus industrialisé. Mais la division linguistique s’est changée en une âpre lutte où tous les coups sont permis, exacerbée par les différentes puissances impérialistes afin de tirer des profits de l’exploitation de l’Ukraine et d’accroitre leur avantage géopolitique. Avant l’éclatement du Yevromaïdan, les puissances occidentales étaient prêtes à faire des concessions au gouvernement ukrainien uniquement parce qu’elles voudraient pouvoir utiliser ce pays en tant qu’“État tampon” afin de restreindre l’influence de la Russie. La Russie veut quant à elle maintenir son influence et utilise l’aide qu’elle fournit au pays afin de renforcer sa position.

    Le président Ianoukovitch est généralement considéré comme étant pro-russe mais, depuis son retour au pouvoir en 2010, s’est montré extrêmement pragmatique dans ses relations entre les différentes puissances. Sa première visite officielle après sa réélection était à Bruxelles, où il a affirmé que l’Ukraine ne remettrait pas en question son affiliation au programme d’extension de l’Otan. Juste après, il s’est rendu à Moscou afin d’y promettre de restaurer les bonnes relations entre l’Ukraine et la Russie. Il a cependant résisté à toutes les tentatives de Vladimir Poutine de faire entrer l’Ukraine dans son “union douanière eurasienne” qui inclut la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan. Jusqu’à sa décision choc fin 2013, Ianoukovitch semblait être fort enthousiaste au sujet de cet accord d’association.

    Au fur et à mesure que la date de signature se rapprochait, la Russie a commencé à imposer de plus en plus de restrictions au commerce. Le volume des échanges entre les deux pays a décru de 11 % en 2012, et encore de 15 % en 2013. Le volume des échanges entre l’Ukraine et l’UE équivaut à peu près à celui avec la Russie, mais vu l’état de l’économie européenne, l’Ukraine n’a pas pu accroitre ses échanges avec l’UE afin de compenser ses pertes avec la Russie. La proposition d’aide européenne, d’un montant de 1,8 milliards d’euros sur dix ans, n’était clairement pas suffisante. De plus, la Russie utilise ses gazoducs à travers l’Ukraine en tant qu’argument supplémentaire.

    Cela semble à présent difficile à croire, mais les premières journées du Yevromaïdan se sont déroulées dans une ambiance véritablement festive. Beaucoup d’étudiants considéraient cela comme un grand pique-nique ; ils disaient ne pas vouloir soutenir l’un ou l’autre parti politique. Lors du grand rassemblement du 24 novembre, les discours des principaux partis d’opposition ont fait l’effet de pétards mouillés. La foule scandait « À bas les bandits » – c’est-à-dire, Ianoukovitch et sa clique. Les quelques nationalistes qui cherchaient à provoquer des divisions en huant les “Moskali” (insulte envers les personnes d’ethnie russe) restaient isolés.

    Tout cela a changé assez rapidement, début décembre, lorsqu’un orateur du parti d’extrême-droite Svoboda (“Liberté”) a demandé qu’un stand installé là par un syndicat indépendant soit enlevé. Cela a été le signal pour une bande de voyous d’extrême-droite d’attaquer les syndicalistes, brisant même les côtes de l’un d’entre eux.

    L’“opposition” politique

    Dès le départ trois personnalités, représentant la coalition des partis d’opposition au parlement, ont été le visage de la contestation. Arseni Yatseniouk représente le parti de l’ancienne première ministre (en prison) Ioulia Tymochenko, autrefois surnommée la “princesse du gaz” lorsqu’elle se faisait une immense fortune en contrôlant la plupart des importations de gaz venant de Russie. Elle était un des principaux dirigeants de la révolution orange ; mais une fois au pouvoir, son gouvernement a suivi une ligne économique basée sur un mélange de pro-européanisme et de néolibéralisme, avec une vague sauce populiste très modérée. Le second leader est Vitaliy Klytchko, champion du monde de boxe, dont le parti Oudar (“Coup”) veut l’intégration à l’Union européenne et est lié au Parti populaire européen, le bloc des chrétiens-démocrates (centre-droite) au parlement européen.

    La troisième figure de proue est Oleh Tiahnybok, du parti “Liberté”, qui a 37 sièges au parlement et contrôle le gouvernement local dans trois régions. Il s’agit d’un parti d’extrême-droite voire, selon certains, néofasciste. Jusqu’en 2004, ce parti utilisait la svastika comme symbole. Tiahnybok lui-même voue une haine virulente envers toute la gauche, et justifie la collaboration de certains Ukrainiens avec Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale comme ayant été nécessaire afin de « nettoyer l’Ukraine des éléments impurs tels que les Moskali, les Allemands et les Juifs ». “Liberté” tente aujourd’hui de modérer son image pour des raisons électorales, mais joue un rôle de plus en plus dangereux dans le Yevromaïdan, aux côtés de groupes encore plus répugnants, tels que l’union de partis et hooligans fascistes “Secteur droite” (Pravyï sektor).

    À la suite du refus de signer l’accord d’association, Ianoukovitch a été forcé de voyager partout dans le monde pour y chercher des fonds. Bien que la Chine ait signé des accords commerciaux d’une valeur totale de 5,6 milliards d’euros, elle est apparue peu encline à apporter une aide directe à l’Ukraine. La Russie a par contre accepté un prêt de 10 milliards d’euro, en plus d’une réduction du prix du gaz naturel de 33 %, bien que cet accord pourrait être fortement remis en question si Ianoukovitch quittait le pouvoir. Tout en aidant l’Ukraine à éviter la faillite sur sa dette dans l’immédiat, l’économie, après trois mois de manifestations permanentes, reste dans un état désespéré.

    Une violence étatique croissante

    Au moment où cet accord avec la Russie a été conclu, la situation avec le Yevromaïdan échappait déjà à tout contrôle. Les forces de l’État, en particulier la police anti-émeutes, ont tenté d’interrompre le mouvement en attaquant la place de l’Indépendance le 30 novembre à 4 heures du matin (sous prétexte de faire de la place pour pouvoir y ériger le grand sapin de Noël), blessant grièvement plusieurs personnes. Le lendemain, des centaines de milliers de manifestants ont débarqué en guise de réponse à cette attaque par la police, et la contestation n’a cessé de croitre tout au fil de la semaine. La nature des revendications a changé. La signature de l’accord d’association européen est passée au second plan, tandis que de plus en plus de gens réclamaient la démission du président et du gouvernement, et des élections anticipées. Divers groupes se sont mis à occuper des bâtiments administratifs. Même la présidence a été assiégée. Les groupes de droite ont commencé à organiser des milices et des groupes de défense.

    L’ampleur renouvelée de la contestation a causé une crise catastrophique au régime. En recourant à la répression, il n’avait fait que provoquer encore plus de colère. Incapable de calmer les manifestants, le gouvernement a voté douze lois le 16 janvier, qui ont été surnommées les “lois dictatoriales”. Ces lois, si elles étaient appliquées, feraient de l’Ukraine un pays aussi répressif que les régimes autoritaires de Russie, du Bélarus et du Kazakhstan. Toute activité “extrémiste” (ce dernier terme n’étant pas défini dans la loi afin de demeurer à la libre interprétation de la police ou des juges) pourrait désormais mener à trois ans de prison ; l’occupation des bureaux administratifs, à cinq ans. Les organisations qui reçoivent de l’argent de l’extérieur seraient à présent considérées comme des “agents étrangers” ; il est interdit de porter des masques, et l’accès à internet a été restreint. La police et les autres agents de l’État reçoivent en outre l’immunité pour tout crime perpétré à l’encontre de manifestants.

    Ces lois ont évidemment mené à une nouvelle vague de contestation redoublée. Non seulement la manifestation du week-end qui a suivi l’adoption de ces lois était forte de 200 000 personnes, mais les manifestants les plus radicaux, principalement d’extrême-droite, ont renforcé leur occupation des sièges gouvernementaux. Un groupe fasciste nommé Assemblée nationale ukrainienne – Autodéfense ukrainienne (Oukrayinska Natsionalna Asamléya – Oukrayinska Narobna Samooborona) appelle même maintenant à prendre les armes contre le gouvernement. Partout des rumeurs circulaient selon lesquelles des tanks marchaient sur la ville. La femme d’un policier a révélé à la presse que la police anti-émeutes avait reçu l’ordre d’évacuer leurs familles. La police anti-émeutes a commencé à utiliser des canons à eau, alors que la température est de -10°C.

    Mais Ianoukovitch a été le premier à céder. Le 24 janvier, il a commencé à laisser entendre que ses lois dictatoriales allaient être amendées. Quatre jours plus tard, le premier ministre Azarov a proposé sa démission, provoquant dans la foulée la chute du gouvernement. Le régime a utilisé la promesse d’annuler les lois dictatoriales si seulement les manifestants voulaient bien tout d’abord quitter les bâtiments occupés. Ianoukovitch a proposé de former un gouvernement de coalition qui comprendrait Yatseniouk et Klytchko. Il ne fait aucun doute que ces deux-là étaient tout à fait prêts à aller s’installer dans leurs fauteuils ministériels, mais sous la pression des éléments plus radicaux, ils ont été contraints de refuser cette offre, déclarant que la seule option possible pour eux est un “gouvernement du Maïdan” après la démission de Ianoukovitch et de nouvelles élections.

    La confusion politique à gauche

    Si des élections étaient organisées aujourd’hui, les partis de Yatseniouk et de Klytchko recevraient un bon nombre de voix. Mais leur volonté de collaborer avec Svoboda (“Liberté”) pourrait bien également amener l’extrême-droite au gouvernement. Les dirigeants de l’opposition bourgeoise se sont pris à leur propre piège. Klytchko en particulier, qui se présente comme un véritable Européen et vit d’ailleurs en Allemagne, a cédé face à la pression de l’extrême-droite. Il commence maintenant tous ses discours sur la place de l’Indépendance avec le slogan fasciste “Gloire à l’Ukraine”, auquel la foule répond “Gloire aux héros”.

    Ces évènements ont mené à un renforcement apparent du soutien pour Svoboda et pour le Secteur droite. Les causes de tout ceci sont cependant en grande partie à chercher du côté de la gauche, en grande partie responsable. Nommément, le plus grand parti de “gauche” dans le pays, le Parti communiste, a 32 sièges au parlement. Mais, qui l’eût cru, dès que les manifestations ont commencé, son groupe parlementaire a déclaré qu’elle cesserait de demander la démission du gouvernement. Le PC a entièrement soutenu les lois dictatoriales, et s’est plaint du fait qu’elles aient été en partie annulées.

    Le PC mène sa politique non en fonction de ce qui servirait au mieux les intérêts de la classe des travailleurs ukrainienne, mais afin de servir les intérêts géopolitiques de la Russie. Tandis que le dirigeant communiste Piotr Simonenko critique l’UE et les États-Unis pour leur scandaleuse intervention directe dans le Maïdan, il dit que l’Ukraine devrait rejoindre l’union douanière russe. Les sections régionales de ce parti ont même tenté d’organiser des manifestations sur ce thème. Cette position, bien sûr, ne fait que renforcer les arguments de l’extrême-droite dans son attaque de la gauche en général, comme quoi elle voudrait abandonner l’indépendance de l’Ukraine afin de satisfaire les intérêts de l’impérialisme russe.

    La gauche “anti-système” – celle qui n’est pas représentée au parlement – ne vaut guère mieux. Il ne fait aucun doute que, depuis le début de la révolution orange, la principale caractéristique du pays a été un conflit entre les intérêts des différentes section de la bourgeoisie ukrainienne. Et cela continue aujourd’hui. Parmi les oligarques, ceux qui sont en faveur de l’Occident sont en général ceux qui possèdent des entreprises dans l’industrie légère et les services, tandis que ceux qui investissent dans l’industrie lourde sont plutôt en faveur de la Russie.
    Cependant, comme cela s’est produit avec certaines sections des forces de sécurité et de l’appareil d’État, il y a des signes qui montrent que certains des oligarques misent sur les deux tableaux. Même l’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, qui a toujours soutenu la présidence Ianoukovitch, a condamné l’usage de la violence contre les manifestants, même s’il est ensuite “repassé” au camp Ianoukovitch. Le troisième homme le plus riche du pays, Dmytro Firtash, dont la plus grande partie de la fortune provient du commerce avec la Russie, serait le principal sponsor du parti Oudar mené par Klytchko. Petro Poroshenko, quatrième fortune ukrainienne, est intervenu sur le podium place de l’Indépendance pour demander que l’accord européen soit signé immédiatement. Ses intérêts sont assez clairs : son usine de chocolats Roshen a été la principale victime des sanctions mises en place par la Russie contre l’Ukraine en 2013.

    Toute une couche de la gauche anti-système tire la conclusion de ceci que l’ensemble de l’expérience du Maïdan n’est que le résultat d’une simple lutte d’intérêts entre oligarques, sans comprendre en profondeur l’ampleur de la colère de tous ceux qui participent, une colère surtout alimentée par le désespoir sur le plan économique et par la haine envers un gouvernement de plus en plus autocratique. Pour les groupes de gauche issus d’une tradition “communiste”, « ce n’est pas notre lutte ». En particulier, ils ne voient pas d’autres facteurs impliqués dans ce mouvement que l’influence de l’extrême-droite. Par exemple, le groupe Borotba (“La Lutte”), qui a pourtant une position correcte sur la plupart des questions, a décidé d’occuper les bureaux de l’administration à Odessa (une ville essentiellement russophone) afin d’empêcher la section locale de Svoboda de s’en emparer. Même si ses actions sont compréhensibles, ce groupe n’a pas offert la moindre alternative par rapport au Maïdan ou à Ianoukovitch, à part quelques phrases d’ordre général. Car pour faire cela, il est nécessaire de toucher à la question nationale.

    Une autre section de la gauche anti-système considère que Ianoukovitch est un fasciste. Pour elle, tout refus de lutter, puisque cela est impossible sans collaborer avec les forces d’extrême-droite, mènera à la victoire du régime fasciste, ce qui signifie qu’il serait dès lors impossible de former la moindre organisation indépendante telle que des syndicats ou des partis politiques indépendants. Son intervention dans le mouvement n’a pas non plus cherché à proposer une alternative, et elle se retrouve donc à suivre les dirigeants de l’opposition pro-capitalistes.

    Le soutien pour l’extrême-droite

    Bien que le soutien pour les groupes d’extrême-droite semble s’être accru au cours de ce mouvement, il ne bénéficie pas d’une base stable. Svoboda n’est parvenue à remporter des succès qu’en cachant sa véritable nature aux yeux des masses. Il n’y a pas si longtemps encore, Svoboda critiquait tout discours visant à favoriser l’intégration à l’Europe en tant que « acceptance du cosmopolitanisme, de l’empire néolibéral qui mènera à la perte totale d’identité nationale avec la légalisation du mariage homosexuel et l’intégration d’immigrés venus d’Afrique et d’Asie dans une société multiculturelle ». Trois jours à peine après le début du Yevromaïdan, la section de Lviv de Svoboda organisait une marche au flambeau avec des drapeaux suprématistes blancs en solidarité avec l’Aube dorée grecque. Mais tellement de gens étaient dégoutés par de telles positions, que Svoboda a dû temporiser la plupart de ces interventions. Le Secteur droite, par contre, ne cache pas sa position. Pour lui, l’Union européenne est « une structure anti-chrétienne, anti-nationale, dont le vrai visage est celui de défilés gays et d’émeutes ethniques, avec la légalisation des drogues et de la prostitution, des mariages homos, l’effondrement de la moralité et un véritable déclin spirituel ».

    Certains parmi les manifestants qui suivent les nationalistes disent qu’ils le font non pas parce qu’ils soutiennent les idées des nationalistes, mais parce que ce sont eux qui organisent le mouvement. Un tel soutien n’est pas fait pour durer. D’ailleurs, selon au moins trois sondages d’opinion effectués en janvier, le soutien envers Svoboda a drastiquement chuté depuis les dernières élections. Malheureusement, la simple présence de l’extrême-droite donne de plus au régime une arme de propagande très puissante qu’il utilise dans l’est du pays, où pour une vaste majorité de la population, l’idéologie fasciste est toujours associée aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale.

    La grande faiblesse du mouvement actuel, qui était d’ailleurs tout aussi présente lors de la révolution orange, est le manque d’une alternative claire de gauche et pro-travailleurs, capable de donner au mouvement un véritable caractère révolutionnaire. Depuis qu’il a commencé en novembre, nombre de ses participants ont exprimé leur opposition à l’ensemble des partis politiques existant. Ce n’est que dans pareil vide que l’extrême-droite est capable de se tailler la position qu’elle occupe à présent. Si une véritable force de gauche avait existé et était intervenue de manière décisive dans ces évènements, les choses en auraient été tout autrement.

    Le rôle du mouvement des travailleurs

    Cette nécessité d’une alternative de gauche est démontrée par la crise économique qui se prolonge. L’Ukraine est déjà en récession depuis 18 mois et, bien que la banque centrale ukrainienne ait mis en place un plan de soutien de la monnaie nationale (la hryvnia) pour un montant de 1,4 milliards d’euros en janvier, son cours a quand même chuté de 10 % en novembre. Pour les économistes, le pays se trouve face au risque imminent d’un nouveau défaut de paiement. Ni l’alliance avec l’Union européenne, ni rejoindre l’union douanière russe ne pourront sortir l’Ukraine de l’abysse.

    Il est clair que le gros de la lutte devrait concerner les salaires et les conditions de travail. On voit Ianoukovitch faire le tour du monde à la recherche d’un prêt de 10 milliards d’euros pour sauver l’économie, alors que son ami Akhmetov possède déjà cette somme sur son compte en banque. L’industrie et les banques ukrainiennes doivent être nationalisées afin que les ressources du pays puissent être utilisées dans l’intérêt de tous ses citoyens et non pour les profits de quelques oligarques. Si elle faisait cela, l’Ukraine n’aurait plus à se tourner sans arrêt vers l’UE ou vers la Russie pour mendier leur aide. Il faut construire de véritables syndicats, capables de mener la lutte pour des conditions de vie décentes pour tous.

    Le mouvement ouvrier doit se placer à la tête de la lutte pour les droits démocratiques. Le mouvement actuel a raison d’exiger la démission de Ianoukovitch et d’appeler à de nouvelles élections. Mais tout ce que cela signifierait aujourd’hui serait le retour d’un nouveau gouvernement de coalition avec les mêmes partis qui étaient au pouvoir après la “révolution” orange, en plus de l’extrême-droite de la Svoboda. Il est donc absolument nécessaire que la classe ouvrière s’organise afin de construire son propre parti des travailleurs de masse, un véritable organe indépendant capable de défendre les intérêts de tous les travailleurs dans le pays et de se battre pour le pouvoir politique. Le parlement actuel est dominé par des politiciens qui ne représentent que les intérêts des oligarques. C’est au mouvement ouvrier à diriger la lutte pour aller vers une assemblée constituante à laquelle participeront des représentants des travailleurs, des étudiants, des chômeurs et des pensionnés d’Ukraine, afin d’ensemble décider de quel type de gouvernement ils ont besoin.

    Plus important encore, la gauche et le mouvement des travailleurs doit adopter une position claire et sans équivoque sur la question nationale. La division du pays selon des lignes nationales ne bénéficie qu’aux oligarques, aux puissances impérialistes et aux multinationales. Des conditions de travail et des salaires décents, des droits démocratiques et un gouvernement des travailleurs ne peuvent devenir une réalité que si la classe ouvrière est unie dans la lutte.

    Il est donc essentiel que la classe ouvrière rejette tous ces politiciens qui veulent vendre le pays à la Russie ou à l’Europe, ou qui voudraient établir un régime basé sur la domination d’une nationalité sur une autre. Un mouvement des travailleurs uni doit accorder tout son soutien au développement de la langue et de la culture ukrainiennes, tout en défendant les droits de ceux qui parlent russe. Tout en soutenant le droit à l’auto-détermination, la gauche doit insister sur la nécessité d’une lutte unie de l’ensemble de la classe des travailleurs ukrainiens.

    La population ukrainienne est confrontée à de nombreux problèmes, auxquels les politiciens tels que Yanoukovitch, Klytchko, etc. n’ont pas la moindre solution ; et ce n’est pas le fait de rejoindre la Russie ou l’Europe qui changera quoi que ce soit non plus. L’éventuelle victoire de l’extrême-droite rassemblée autour de Svoboda ou de Secteur droite ne fera que mener l’Ukraine vers les journées sombres des conflits ethniques et de la dictature réactionnaire. La seule issue est la lutte pour l’établissement d’un puissant mouvement uni de tous les travailleurs, associé à un parti des travailleurs de masse, capable de s’emparer du pouvoir. Il faut mettre en place une société socialiste, basée sur la propriété nationalisée de l’industrie, des banques et des ressources naturelles, dans le cadre de la planification démocratique par les travailleurs ; une Ukraine unie, indépendante et socialiste, dans le cadre d’une confédération plus large d’État socialistes.

  • Des jeux olympiques marqués par l’homophobie et l’exploitation

    Par Stéphane P. (Bruxelles)

    Ce vendredi 8 février ont commencé les Jeux-Olympiques d’hiver de Sotchi en Russie. Le gouvernement Poutine y aura dépensé plus de 50 milliards de dollars, ce qui en fait les Jeux les plus chers de toute l’histoire. Sur le même temps, dans un contexte de crise économique et sociale, le gouvernement russe fait des économies dans les services publics de santé, où les salaires sont très bas et où sévit une pénurie de personnel et même d’ambulances !

    Votées en juin 2013, les lois homophobes interdisant ‘‘toute propagande homosexuelle parmi les jeunes’’ ont suscité une vive indignation parmi de nombreuses organisations de défenses des droits des LGBTQI(1) à travers le monde, certaines appelant au boycott des Jeux de Sotchi. Des élus européens se sont eux aussi montrés inquiets et ‘‘demandent’’ par ailleurs à la Russie d’abroger la loi. Mais le gouvernement Poutine se moque de toutes ces critiques et les députés russes se préparent déjà à débattre dès février d’une nouvelle loi anti-gay qui retirera leurs droits parentaux aux homosexuels en raison de leur orientation.

    Boycott des uns, inquiétudes et demandes des autres
    Au sujet de cette question du boycott, un membre du parti-frère du PSL en Russie nous expliquait en septembre dernier à l’occasion d’une interview accordée à ce journal : ‘‘(…) je pense qu’un boycott ne nous aidera pas à lutter contre l’homophobie. Nous nous opposons également aux Jeux olympiques pour des raisons différentes, parce que cela est aussi synonyme de corruption, de gaspillage d’argent public et de destruction de l’environnement. Il serait plus efficace d’organiser des actions de protestation et de solidarité durant la tenue des Jeux (…)’’

    L’Union Européenne et Coca-Cola mènent une même politique hypocrite ! D’un côté, cette fameuse boisson gazeuse qui sponsorise les JO a récemment dévoilé une campagne de pub ‘‘gay-friendly’’ tout en se taisant dans toutes les langues sur les lois discriminatoires russes. Quant à l’Union Européenne, ses dirigeants donnent des leçons de morale à Poutine alors qu’ils mettent en place et votent des politiques tout aussi réactionnaires et antisociales, comme l’illustre la loi anti-avortement récemment passée en Espagne ou encore le fait que près de 30% des Grecs sont actuellement sans aucune couverture sociale.

    Tant à l’Est qu’à l’Ouest, les classes dirigeantes servent les mêmes recettes de répression et d’austérité aux travailleurs et à leurs familles tout en déroulant le tapis rouge aux multinationales, comme c’est le cas à Sotchi. Les LGBTQI en Russie et partout ailleurs doivent comprendre que c’est en allant chercher l’unité avec les autres couches de la population, surtout les travailleurs en lutte, que l’on pourra réellement peser de toute notre force contre ce même rouleau compresseur antidémocratique et antisocial.

    (1) Lesbiennes , Gays , Bisexuels , Transgenres, Queers, Intersexes. Pour plus d’informations sur les personnes transgenres et intersexes, rendez-vous sur le site web de l’association ‘‘Genres Pluriels’’.

  • Espagne 2014. Une reprise ? Pour qui ?

    Que l’année 2014 soit celle de la grève générale politique !

    Voici ci-dessous une version légèrement adaptée de l’éditorial de l’édition de février du journal La Brecha, publication de nos camarades de Socialismo Revolucionario, la section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol. Si cet article traite de la situation qui prévaut dans l’État espagnol, les leçons tirées des évènements économiques, politiques et sociaux de l’année 2013 sont extrêmement riches pour les travailleurs et les jeunes de toute l’Europe, dans le cadre de leur lutte contre l’austérité.

    Pour l’État espagnol, l’année 2013 a représenté une aggravation des principaux processus mis en branle par la crise capitaliste qui a explosé il y a 5 ans de cela. Le naufrage de l’économie a continué à jeter des millions de personnes dans une extrême pauvreté au cours d’une année à nouveau marquée par des licenciements massifs, des attaques contre les salaires et des expulsions de logements. La profonde crise politique du système se poursuit avec un gouvernement en permanence dans les cordes. La crise de légitimité des institutions capitalistes et de l’Etat lui-même a connu de nouveaux épisodes, en particulier autour de la question nationale en Catalogne.

    Mais nous avons également assisté à d’importantes avancées réalisées dans le processus parallèle clé qui se développe également et qui constitue une source d’inspiration dans ces moments de crise économique et sociale. Il s’agit du processus de l’activité de la classe ouvrière et de la résistance sociale, ce qui représente en soi les premières ”pousses vertes” de la lutte pour une société nouvelle. Dans l’ensemble, 2014 nous offre la promesse de puissants événements et de grandes opportunités. Tous ces processus vont se poursuivre et s’approfondir.

    L’année 2014, une année de reprise ? Pour qui ?

    Tout au long de l’année 2014, nous allons assister à la constante tentative de la classe dirigeante, avec la collaboration active du gouvernement et des médias dominants, ”d’élever l’atmosphère générale” dans la société. Il s’agit essentiellement d’une tentative visant à diluer la colère des masses et de la résistance en nous assurant que la reprise économique a commencé et que des temps meilleurs sont à venir. Ils promettent d’ailleurs que cette année, l’économie va croitre de… 0,6% !

    Pour les marxistes et pour la classe des travailleurs, la question clé est de savoir quel sera le caractère de cette croissance. Cela va-t-il changer le cours de la crise ? Cela va-t-il provoquer une hausse de notre niveau de vie ? Si les réponses à ces questions sont négatives, nous sommes en droit de légitimement nous demander : quelle valeur peut donc bien avoir ce qu’on qualifie de croissance à nos yeux ?

    Tout d’abord, nous devons expliquer que pour atténuer la brutalité de la crise – un chômage de masse qui couvre plus d’un quart de la main-d’œuvre – presque tous les économistes (même capitalistes) conviennent que la croissance doit être supérieure à 2% au moins. Aucun économiste sérieux ne prédit un tel niveau de croissance pour cette année ou celles à venir. La quantité infime d’emplois en cours de création nous donne un aperçu du type de reprise que le capitalisme espagnol nous réserve : l’extinction des contrats à durée indéterminée et des bonnes conditions de travail. Les patrons profitent de la crise pour réaliser une contre-révolution sur le marché du travail et pour imposer un nouveau modèle basé sur la précarité et des conditions de vie misérables.

    Ensuite, cette situation cauchemardesque est combinée avec toute une vague d’attaques contre nos conquêtes sociales et nos droits démocratiques, la classe dirigeante tirant également parti de la crise pour éliminer les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, comme le droit de manifester et de faire grève, ou encore de librement décider de son propre corps et de sa maternité. Cette réalité – qui comprend également la destruction de l’État-providence et des services publics – dévoile la base dont ils ont besoin pour leur prétendue ”reprise” : une destruction constante de notre niveau de vie pour finalement imposer en Espagne et au continent des normes issues du “tiers monde”.

    Pour une année 2014 combative avec une lutte constante et généralisée ! Pour une grève générale politique !

    Le prix du plus grand obstacle au développement de la lutte en 2013 doit être accordé aux dirigeants des principaux syndicats. Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises dans les pages de La Brecha, ils ont joué un rôle-clé dans le maintien en place du gouvernement, malgré les crises profondes dans lesquelles il est empêtré.

    Mais malgré ce rôle de frein qu’ils ont joué, nous avons pu voir tout au long de l’année 2013 que les travailleurs ont continué leur lutte et l’ont intensifiée, en recourant à des méthodes de plus en plus militantes. 2013 a été l’année de la grève illimitée, à partir du secteur de l’éducation dans la région des Baléares jusqu’à la grève héroïque de plus de 100 jours de l’usine Panrico. Ces exemples se distinguent très nettement de la politique que les dirigeants syndicaux continuent à défendre, faite de grèves purement symboliques et insuffisantes d’une journée, sans intensification de la lutte et sans la moindre continuité, ce qu’exige pourtant la situation actuelle.

    Ce fut encore l’année de victoires importantes, en particulier celle des nettoyeurs de rue de Madrid [qui sont parvenus à repousser les menaces de licenciement et de réduction de leurs salaires de 40% grâce à l’action de la grève illimitée, NDLR] qui ont ainsi montré la voie que doit prendre l’ensemble des travailleurs. Une fois de plus cependant, le rôle de frein joué par les dirigeants syndicaux a empêché pareils exemples de militantisme d’obtenir une expression généralisée au niveau de l’État.

    Le récent mouvement de lutte qui s’est développé dans le quartier de Gamonal, à Burgos [où des mobilisations de masse répétées ont attiré l’attention à l’échelle nationale et ont paralysé un important projet spéculatif, NDLR] est un autre exemple de la façon dont la lutte peut obtenir des résultats pour peu qu’elle soit menée de façon déterminée et militante et qu’elle soit basée sur un soutien de masse.

    Dans la perspective des nouvelles attaques auxquelles les travailleurs, les jeunes et les pauvres auront à faire face en 2014 – notamment avec les contre-réformes sur les retraites et sur le droit à l’avortement – il est essentiel que ce militantisme soit exprimé à une échelle toujours plus grande. Il est urgent de mettre sur table la question d’une action généralisée, et en particulier de l’unification de la force et des luttes de la classe des travailleurs au sein d’une nouvelle grève générale.

    Cependant, il est tout aussi essentiel que les grèves générales qui seront nécessaires en 2014 se différencient fondamentalement de celles établies sous le modèle des dirigeants syndicaux en 2012, c’est-à-dire uniquement organisées sous une pression insupportable de la base, de façon symbolique et isolée, seulement suivies de longues périodes de démobilisation.

    Nous avons besoin d’une nouvelle grève générale capable d’unir les luttes et d’élever l’atmosphère de combativité et la confiance de la classe ouvrière au sens large. Nous n’avons pas besoin d’une simple grève de protestation, il nous faut une grève générale avec des revendications et des objectifs capables d’unifier les luttes de la classe ouvrière autour de la lutte pour une solution générale aux problèmes qui les provoquent, en commençant par assurer la chute du gouvernement et en initiant la lutte pour une alternative politique favorable aux travailleurs.

    Pour l’unité de la classe des travailleurs dans leur lutte pour la liberté de tous les peuples nationaux

    En ce qui concerne la question nationale, nous assistons à un nouveau tournant, en particulier en Catalogne (bien que cette question devienne de plus en plus importante également au pays basque).

    D’une part, le PP (et le parti social-démocrate PSOE avant lui) ne se lassent pas de parler de“l’unité indiscutable de la patrie”, mais ce politiciens semblent perdre leur ferveur patriotique dès lors qu’il s’agit de s’agenouiller devant les exigences de la troïka. D’autre part, en Catalogne, les partis CiU et ERC prétendent défendre la cause de la lutte pour l’autodétermination et les intérêts du ”peuple”, mais ils n’ont aucun problème à saigner le ”peuple” avec leur politique d’austérité. Ils ont promis la tenue d’un référendum concernant l’indépendance catalane, mais ont admis n’avoir aucune stratégie (ni même de volonté) pour répondre à l’inévitable interdiction de celui-ci par le gouvernement du PP, avec le soutien du PSOE.

    La seule force sociale capable de lutter de manière conséquente pour les droits de tous les peuples de la nation afin qu’ils puissent décider de leur propre avenir, c’est la classe des travailleurs. Il s’agit de la seule classe capable de libérer la Catalogne, et la société espagnole, de la misère de la crise du capitalisme. C’est dans la lutte de classe contre les gouvernements soumis au marché, unis au niveau de l’État et au niveau international, que la base d’une véritable solution à la question nationale pourra être trouvée, ce pour quoi le système capitaliste a maintes fois démontré son incapacité.

    Cette solution est celle de la lutte pour une confédération libre et volontaire des peuples ibériques, construite sur le ciment du droit universel à l’autodétermination, y compris le droit à l’indépendance. Une telle lutte ne peut être gagnée qu’en menant le combat pour société socialiste, fondée sur la propriété publique démocratique des richesses et des secteurs-clés de l’économie .

    Ceci souligne la nécessité de forger et de renforcer l’unité de la classe des travailleurs et de ses organisations, en commençant par un front uni de la gauche, du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, dans la lutte pour faire tomber le PP et disposer enfin d’un gouvernement des travailleurs.

  • Suspension partielle des négociations pour le traité de libre-échange transatlantique

    Luttons pour une suspension totale !

    Depuis le 8 juillet 2013, l’Union européenne et les États-Unis sont engagés dans des négociations visant à conclure un ‘‘Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement’’ (PTCI), terminologie derrière laquelle se trouve un vaste projet d’accord de libre échange également appelé Grand marché transatlantique. L’élaboration de cette arme de destruction massive de nos conquêtes sociales, des normes environnementales,… vient d’être temporairement suspendue.

    Par Paul Murphy, député européen du Socialist party (CIO-Irlande)

    Photo ci-contre : Prise de parole de Paul Murphy lors d’une action de protestation contre le traité transatlantique tenue à Bruxelles.

    La veille du troisième round de négociations pour parvenir à un accord de libre-échange UE-États-Unis (Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement – PTCI), le Commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a annoncé une suspension partielle de ces négociations afin de permettre la tenue de consultations publiques.

    Cette annonce de suspension des négociations pendant trois mois pour organiser des consultations publiques est une victoire partielle importante pour les syndicats, les organisations environnementales et les députés de gauche qui ont toujours critiqué la Commission européenne pour son silence dans la tenue de ces négociations commerciales, une approche visant à protéger les intérêts des grandes multinationales des deux côtés de l’Atlantique.

    Durant l’été 2012, une campagne publique a mis fin à l’ACTA, un accord extrêmement controversée (Accord commercial anti-contrefaçon) qui avait soulevé des inquiétudes similaires au sujet de la non-transparence des négociations. Ce fut un coup dur pour la Commission, et cette dernière essaie visiblement d’éviter une nouvelle défaite d’ampleur en accordant plus d’attention aux préoccupations du public.

    Mais la suspension des négociations ne change en rien leur caractère. La Commission européenne désire toujours parvenir à un accord basé sur de solides mécanismes de protection des grandes entreprises au détriment du reste. Cette suspension n’est qu’une tentative de calmer les choses. Il s’agit d’une concession partielle destinée à sauver l’accord sur le long terme.

    Opposants et détracteurs de cet accord doivent utiliser les trois mois à venir pour poursuivre leur campagne contre le traité transatlantique et dénoncé ce pour quoi il est prévu. Le Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États accorderait ainsi le droit aux grandes entreprises de poursuivre les gouvernements pour perte de profits. Cela représente une remise en cause directe de la démocratie, à seule fin de remplir les poches des grandes entreprises. A titre d’exemple, le géant du tabac Philip Morris utilise un arrangement similaire pour poursuivre l’État australien contre une mesure visant les paquets de cigarettes.

    Ce programme dans la droite ligne de l’agenda des grandes entreprises doit être combattu et vaincu.

  • Angleterre : Des étudiants chassent le Secrétaire d’État à l’Éducation

    Rowan Atkinson, chez nous, est surtout connu pour son rôle légendaire de Mr Bean. Sa carrière ne se limite toutefois pas à ce personnage désopilant. A côté de l’Inspecteur Fowler, un autre de ses grands succès est hélas moins connu dans le monde francophone, celui de la Vipère Noire (Blackadder), série qui a précédé le personnage de Mr Bean. Pour le secrétaire d’Etat, ce fameux et hilarant personnage d’Edmund Blackadder serait à proscrire… car il nuit à la mémoire de la ‘‘noble cause’’ de la première guerre mondiale !

    Basé sur un article de Chris Moore, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Cette série qui a marqué les années ‘83 à ‘89 raconte l’histoire d’Edmund Blackadder et de son domestique Baldrick à travers les âges, de 1485 à 1917. Chaque saison suit ces deux anti-héros dans une époque différente où ils sont les descendants des personnages de la saison précédente. Et il est entre autres question de la première guerre mondiale, autour du capitaine Edmund Blackadder et du soldat Baldrick. A leur côté se trouve notamment le lieutenant George, joué par l’acteur Hugh Laurie qui connaîtra plus tard une renommée mondiale sous les traits du docteur House.

    Pour Michael Gove, cette série est une arme aux mains des ‘‘historiens de gauche’’ qui l’utilisent comme propagande dans leurs leçons sur la Grande Guerre. C’est que cette dangereuse bande de comiques-révolutionnaires dénigre le patriotisme et le courage britanniques, dépeignent la grande boucherie mondiale comme une ‘‘pagaille illégitime’’ alors qu’il s’agissait en fait d’une ‘‘noble cause’’. Des propos pareils, on n’a pas fini d’en entendre à l’occasion des commémorations des 100 ans du début de la guerre… Mais il faut reconnaître que la série ne présente vraiment pas l’impérialisme britannique de la manière qui sied à la classe dominante. Le capitaine Blackadder explique ainsi notamment qu’il a participé à diverses campagnes en Afrique avant la première guerre mondiale à un moment où ‘‘le prérequis pour toute bataille était que l’ennemi ne porte d’arme à feu en aucune circonstance’’. C’est dire s’il était préparé à partir diriger les troupes sur le front… L’absurdité de la Grande Guerre est passée à un humour acide de cet acabit tout au long des épisodes.

    En ayant tenu de tels propos, après coup, le secrétaire d’Etat a probablement dû regretté d’avoir précisément décidé de visiter une école bien particulière, celle d’un étudiant qui a connu une certaine notoriété en jouant le rôle… du Capitaine Darling, le rival de Blackadder ! Et plus d’une heure durant, les élèves de Marling ont chassé le politicien conservateur dans les locaux de l’école. Bien entendu, il n’était pas question que de cette histoire – qui n’est somme toute qu’une illustration de ce qui se cache dans le crâne du triste personnage – c’est la politique du gouvernement concernant l’enseignement qui était la cible de la colère des élèves. C’est ce qu’a illustré l’une d’entre eux, Janneke Bax-Pratt, qui a précisé : ‘‘L’enseignement ne devrait pas être élitiste, il devrait être accessible à tout le monde, c’est pour ça que je proteste.’’

    C’est ainsi que des centaines d’élèves ont attendu de pied ferme l’un des membres les plus méprisés du cabinet de coalition au pouvoir, qui regroupe les Libéraux-démocrates et les Conservateurs. Le secrétaire d’Etat a même dû se réfugier dans une salle de classe avec quelques officiels et le député conservateur local, tandis que les élèves encerclaient le bâtiment en scandant ‘‘Gove dégage !’’.

    Quelques enseignants ont bien tenté de repousser les étudiants lorsqu’ils parvenaient trop près de Gove, mais ils n’ont su résister à la vague de jeunes déterminés à faire entendre la voix de leur colère. D’autres membres du corps enseignants ont adopté une autre approche, bien plus sympathique envers les élèves… Plusieurs parmi eux ont approuvé la proposition du Socialist Party (parti-frère du PSL en Angleterre et au Pays de Galles) de soutenir leurs étudiants et de construire des liens au travers de cette action de protestation en vue des prochaines actions que les enseignants devront eux-mêmes mener contre les futures attaques qui frapperont les conditions de travail et de salaire des enseignants.

    Janneke a parlé au nom de nombreuses personnes en disant : ‘‘Gove est pathétique et lâche; il devrait avoir le courage de venir et de parler aux élèves.’’ Will, un autre élève, a ajouté : ‘‘pourquoi Gove ne coupe-t-il pas dans son salaire à la place de s’en prendre à notre enseignement et à notre avenir ?’’

    La politique du gouvernement vise à promouvoir un enseignement élitiste qui se limitera à apprendre aux élèves à régurgiter la matière. Du point de vue de ces gens-là, pourquoi donc dépenser de l’énergie et de l’argent pour un enseignement de qualité pour tous alors qu’il n’y a de toute façon pas d’emploi décent pour tous les diplômés ? Finalement, jamais dans toute sa carrière Rowan Atkinson n’aura réussi à atteindre le degré d’absurdité de cette société…

  • La reforme de l’avortement en Espagne est un crime contre la liberté, la santé et la vie des femmes

    Pour un avortement libre, public et gratuit

    Le 20 décembre dernier, le gouvernement espagnol a donné son feu vert à une nouvelle loi sur l’avortement qui se trouve parmi les plus restrictives d’Europe. Le ministre de la Justice Alberto Ruiz-Gallardón a fait reculer l’Espagne de 30 ans, avec un système encore plus restrictif que celui en vigueur entre 1985 et 2010.

    Par Marisa (Bruxelles)

    Le ministre nous a montré la vraie idéologie qu’anime sa réforme avec des déclarations comme ”la liberté de la maternité est aux femmes, ce qui les rend véritablement femmes.” Il s’agit d’une idéologie rétrograde et sexiste, qui ne valorise les femmes que pour leur maternité. Pour lui, les femmes ne sont pas assez mûres pour prendre des décisions concernant leur propre corps et, pour cette raison, l’Etat se présente comme juge de ces décisions. En réalité, la restriction du droit à l’avortement n’impliquera que la mise en place d’avortements de première classe, ceux pratiqués à l’étranger, à côté d’avortements clandestins de deuxième ou troisième classe, avec les conséquences fatales que cela peut entraîner.

    Bureaucratie et intimidation

    La nouvelle loi élimine le droit des femmes de décider librement de poursuivre leur grossesse ou avorter au cours des 14 premières semaines. De ce système, connu sous le nom de loi de délais, on va vers un autre dans lequel l’avortement est seulement autorisé dans deux cas : viol (jusqu’à 12 semaines de grossesse) ou ”risque grave pour la vie ou la santé physique ou mentale de l’enceinte” (jusqu’à 22 semaines). Il faut tenir compte du fait que plus de 90% des avortements actuels en Espagne sont des avortement non désirés, qui ne tombent pas sous cette nouvelle loi.

    Dans le cas de viol, les femmes doivent présenter une dénonciation préalable et, dans le cas de risque pour la santé, elles ont besoin de deux avis médicaux différents pour prouver que leur santé est réellement en danger. Ceux-ci devront être signés par deux professionnels de la santé spécialisés dans la pathologie alléguée. Des peines de prison attendent les médecins qui pratiqueraient l’avortement autrement. Cette loi protège aussi l’objection de conscience, c’est à dire qu’elle donne plus de facilités aux médecins et au personnel qui refuseraient de pratiquer un avortement pour des raisons morales.

    La réforme pénalise l’avortement pour cause d’anomalie fœtale et ne peut être justifié que dans le cas où l’anomalie est ”incompatible avec la vie du fœtus” ou si cela représente un risque psychique pour la femme. Pour prouver que ces deux conditions sont présentent, il faut disposer de deux rapports médicaux, l’un sur la santé de la femme et l’autre sur celle du fœtus. Une femme ne peut alléguer un dommage psychique que jusqu’à la 22ème semaine de grossesse seulement. Ce modèle n’offre aucune couverture pour des anomalies fœtales soit-disant ”compatibles avec la vie” mais extrêmement graves et incurables ou encore qui ont été diagnostiquées tardivement.

    Encore plus humiliant, les mineures doivent obtenir le consentement de leurs parents pour avorter. Si les parents ou tuteurs ne donnent pas d’autorisation, une juge aura la décision finale. Il faut rappeler qu’on parle encore de cas très restreints, de viols ou de risques graves pour la santé. En plus, les femmes qui remplissent toutes les conditions doivent être confrontées à toute une série d’arguments sur le droit à la vie du non-né pour les faire changer d’opinion avant de subir un avortement. La loi ne précise pas qui sera responsable de délivrer ces informations. Les organisations de femmes ont déjà prévenu que cette tâche pourrait être accordée à des organisations privées, religieuses ou anti-avortement.

    Hypocrisie et droit à la vie

    Le nouveau projet de loi est entièrement dans la ligne du reste des ”réformes” ou restrictions des droits que le gouvernement Rajoy a réalisé depuis son arrivée au pouvoir. L’introduction de frais pour avoir accès à des droits fondamentaux tels que les services de santé et la justice ou à des médicaments, par exemple.

    Depuis le mois d’août dernier, le financement des contraceptifs de dernière génération a été retiré, et un nombre croissant de contraceptifs doivent être payés, ce qui rend leur accès plus difficile pour les femmes ayant des difficultés économiques. De la même façon, le gouvernement a montré son hypocrisie en utilisant la défense du droit à la vie des personnes handicapées comme argument favorable à la nouvelle restriction dans des cas de malformation du fœtus. Cependant, ils n’ont aucune objection de conscience pour appliquer des coupes budgétaires dans la Loi de Promotion de l’Autonomie et de Prise en Charge des Personnes en Situation en Dépendance.

    Ces coupes, selon des rapports récents, entraînent qu’un bénéficiaire est laissé sans surveillance toutes les 10 minutes et qu’un emploi lié à la dépendance est perdu chaque demi-heure. La plupart des travailleurs du secteur sont des femmes. Même si le nombre de bénéficiaires diminue chaque année – des nombreux bénéficiaires meurent (la plupart sont des personnes âgées) – la liste d’attente continue de s’allonger parce que les services ne sont pas remplacés.

    En outre, la crise touche particulièrement les femmes dans la mesure où elles ont largement repris en main des tâches lâchées par les autorités à cause de la politique d’austérité. Les femmes ont tendance à prendre soin des personnes dépendantes dans la famille en attendant que l’aide économique ou l’assistance sociale arrivent. Ces genres de soins sont, dans la plus part de cas, incompatibles avec un emploi. Entre-temps, certains secteurs continuent à faire de grands profits malgré la crise, notamment les services de santé privés et une partie des services publics privatisés pour enrichir quelques-uns.

    Une question de genre et de classe

    Jusqu’à 1985, l’avortement était complétement interdit en Espagne. Ce n’est que pendant la deuxième République entre 1936 et 1938, en pleine guerre civile, que l’avortement a été permis en Catalogne. En 1985, la première loi sur l’interruption de grossesse, introduite par le gouvernement ”socialiste”, a dépénalisé l’avortement dans trois cas uniquement: risque pour la santé de la femme, viol (jusqu’à 12 semaines de grossesse) et malformation du fœtus (jusqu’à 22 semaines). Le gouvernement Zapatero a approuvé en 2010 une nouvelle loi permettant d’avorter librement dans les 14 premières semaines, jusqu’à 22 semaines en cas de risque pour la santé ou d’anomalies fœtales et à tout moment si le fœtus a une anomalie incompatible avec la vie.

    Le PSOE (parti social-démocrate espagnol) a essayé de convertir la question de l’avortement dans une simple question de genre et a promis que s’il retournait au pouvoir, on en reviendrait à une loi de délais. On ne peut néanmoins pas attendre les prochaines élections pour abolir cette loi, ni faire confiance au ”moindre mal” social-démocrate. Le gouvernement de Zapatero avait coupé 15.000 millions d’euros des budgets des services publics. Pendant l’année 2012, les coups dans le secteur des soins étaient de 13% du budget et de 21% dans l’éducation. Comme nous l’avons déjà vu, ces coupes affectent les femmes de façon double: d’un côté, les femmes reprennent la surcharge de travail et, de l’autre, il y a une grande perte des postes de travail dans ces secteurs, lesquels sont très féminisés.

    Dans le passé, quelques revendications féministes ont été acquises, mais la situation actuelle montre que le fond de la question n’a pas été résolu. Nous ne pouvons pas permettre une attaque idéologique pareille contre les femmes. Mais nous ne pouvons pas non plus permettre que les femmes doivent avorter pour des raisons financières ou parce que réussir à concilier vie professionnelle et maternité dépasse leurs forces. Pour avoir un vrai choix, nous avons besoin:

    • d’un avortement libre, gratuit, public et sans risque;
    • d’un accès gratuit aux contraceptifs à travers d’un système de soins de santé public;
    • d’une liberté complète pour les femmes de décider de comment et quand avoir un enfant, si elles veulent en avoir;
    • d’une lutte soutenue contre les partis et les groupes qui plaident pour la fin de l’avortement, avec les organisations syndicales;
    • de la fin de toutes le coupes budgétaires dans la Santé, l’Education, la loi de Dépendance, le Chômage, l’Accueil d’Enfants;
    • d’un investissement massif dans tous les services qui permettent de concilier vie privée et vie professionnelle;
    • d’allocations familiales couvrant les coûts réels d’une naissance et de l’éducation d’un enfant;
    • de revenus stables et suffisants pour mener une vie digne;
    • de la nationalisation des banques et de secteurs clé de l’économie, comme ceux de l’énergie et du transport, pour ainsi disposer des ressources nécessaire pour les investissements dont nous avons besoin.
  • Le phénomène Dieudonné

    La France, et par ricochet tout une partie du paysage audiovisuel francophone, a vu augmenter une polémique autour de Dieudonné. Cet humoriste passé par la politique, est devenu un commentateur particulier et fortement controversé de la vie politique française. Le phénomène Dieudonné ne laisse personne indifférent : spectacles interdits, multiples procès intentés contre lui pour ses propos tenus lors de sketchs qui n’en sont plus vraiment,… Dieudonné a été même quasi propulsé au rang ”d’ennemi public numéro 1” par Manuel Valls, le ministre Français de l’intérieur.

    Par Alain (Namur)

    Dieudonné polarise les opinions. Cela force tout le monde à se positionner pour ou contre lui. De Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière en passant par Bernard Henry lévy, François Pirette, Nicolas Anelka et Tony Parker. Au-delà de ces personnalités, il y a une couche de jeunes principalement issus de l’immigration, habitants des quartiers populaires ou non, et aussi une couche de travailleurs qui apprécient sa posture ”anti-système”. Mais, au-delà de la posture, que signifie réellement le phénomène Dieudonné?

    Un phénomène qui n’est pas nouveau

    Ce n’est pas la première fois qu’un artiste polarise autant l’opinion ou défraie la chronique dans l’histoire de France. Les artistes ne sont pas isolés du reste de la société, ils ont grandi et ont été éduqués dans celle-ci. De plus, ils ont un rôle particulier dans la division du travail qu’a établi le capitalisme. Afin d’assurer leur besoins, ils doivent s’assurer que leur art trouve un public qui a les moyens de se le procurer. D’une manière ou d’une autre, l’artiste reflète une image de ce qu’est la société dans ses rapports de classes.

    Un des plus grands écrivains de langue française du 20ème siècle fut aussi sujet à controverse. Louis Ferdinand Céline fut à son époque aussi un des sujets de polémique du paysage intellectuel français de l’époque. Malraux a écrit de lui : ”si c’est sans doute un pauvre type, c’est certainement un grand écrivain.”

    Toute proportion gardée, le parallèle est en effet intéressant avec Dieudonné. Céline fut l’auteur du désormais célèbre et magnifique ”Voyage au bout de la nuit”. Ce livre a été célébré par toute la critique. Le style de Céline a plusieurs particularités, mais une des principales d’entre elles est d’utiliser le langage populaire au contraire de ses contemporains qui écrivaient dans un français académique. Le point de controverse sur Céline porte sur le fait qu’il était connu pour être un antisémite notoire ainsi qu’un misanthrope.

    Son attitude lors de l’occupation allemande a été sujette à caution et il a été accusé de collaborationnisme. Il a aussi mis en œuvre son immense talent pour écrire les ordures antisémites que sont ”Bagatelles pour un massacre” en 1937 et ”L’école des cadavres” en 1938. Il se décrivait lui-même comme ”l’ennemi numéro 1 des juifs”. Léon Trotsky disait de lui en 1933 : ”Louis-Ferdinand Céline est entré dans la grande littérature comme d’autres pénètrent dans leur propre maison. Homme mûr, muni de la vaste provision d’observations du médecin et de l’artiste, avec une souveraine indifférence à l’égard de l’académisme, avec un sens exceptionnel de la vie et de la langue, Céline a écrit un livre qui demeurera, même s’il en écrit d’autres et qui soient au niveau de celui-ci. Voyage au bout de la Nuit, roman du pessimisme, a été dicté par l’effroi devant la vie et par la lassitude qu’elle occasionne plus que par la révolte. Une révolte active est liée à l’espoir. Dans le livre de Céline, il n’y a pas d’espoir.”

    Dieudonné est à l’image de Céline un personnage rempli de talent. Beaucoup de critiques le décrivent comme étant l’humoriste le plus doué de sa génération. Il a toujours décrit dans ses premiers spectacles, avec Elie Semoun, le quotidien des jeunes de cité dans les quartiers populaires. Par ce biais, il a touché à la politique et à son commentaire. Si l’on compare l’évolution de l’humour de Dieudonné depuis le début de sa carrière dans la année ’90 jusqu’à aujourd’hui, on ne peut que faire le parallèle évident avec la dégradation de la situation économique et sociale en France. Celle-ci est d’autant plus sévère dans les quartiers populaires français (ZUP) qui subissent plus fortement le démantèlement de l’état-providence aux niveaux des écoles, des logements sociaux, de l’infrastructure de loisir et de transport,… Depuis les années ’80, le chômage et l’exclusion sociale frappent massivement les jeunes de cités : la fermeture de l’usine Renault à Boulogne-Billancourt (Boulbi) est ainsi l’illustration que la racine des problèmes se trouve bien dans le système économique.

    L’artiste comme reflet de la société

    On peut lancer les pires insultes contre l’humour néfaste de Dieudonné ou le boycotter comme le veut une partie de l’establishment français, cela ne répondra pas aux causes qui poussent les gens à admirer sa posture de ”rebelle antisystème”. L’intervention de la France en Centrafrique est sa 40e opération militaire sur le continent africain. Après avoir soutenu les dirigeants contre qui elle prétend lutter, la bourgeoisie française est très mal placée pour donner des leçons de morale à Dieudonné.

    La plupart des jeunes qui admirent le soi-disant anti-impérialisme de Dieudonné n’ont pas encore rencontré dans leur quartier des anti-impérialistes véritables, ceux qui considèrent que l’ennemi de notre ennemi n’est nécessairement pas notre ami. Est seulement notre ami celui qui se bas pour les intérêts de la classe des travailleurs, contre ceux de la classe de ceux qui possèdent les leviers de l’économie. Ils apprécient donc l’ersatz que constitue Dieudonné en matière d’anti-impérialisme. L’establishment dirigeant dispose bien de ses propres pions qui commettent des atrocités, pourquoi donc, pensent beaucoup de ses partisans, critiquer Dieudonné qui défend Bachar en Syrie, a défendu Ahmadinejad en Iran ou, mais dans un autre registre, Chavez au Venezuela ? C’est le signe que la conscience de classe et la compréhension des méthodes de luttes efficaces contre le système capitaliste dans ces couches de la population sont à reconstruire.

    Dieudonné met en scène les nombreuses erreurs qui résident dans la conscience de ces couches sociales : que ce soit les théories du complot ou les théories négationnistes qui confirment une perte d’autorité des institutions de la bourgeoisie, que ce soit l’antisémitisme diffus qui est, entre autres, lié à l’impasse sur la question Palestinienne.

    Dieudonné donne corps à un ensemble de pensées et d’analyses qui ont remplacé l’analyse de classe dans les consciences. Le danger est que, sans une théorie juste, l’erreur pratique n’est jamais loin. Ainsi, à la mort du jeune antifasciste Clément Méric, Dieudonné a cru bon de défendre l’assassin Esteban Morillo et son groupe de néofascistes liés à Serge Ayoub et ses Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR). Cela devrait alerter les anciens des quartiers, car c’est justement aux Ayoub (qui fut plus connu sous le nom de batskin) qu’ils avaient à faire dans la rue.

    Dieudonné, un artiste qui ne défend pas notre classe et nos intérêts

    Dieudonné n’est pas de notre classe sociale, c’est un business man qui joue au prolétaire ‘victime’ du système. Avant les années 1980 et sa politique néolibérale (qui se base sur le chômage de masse pour détricoter le rapport de force des travailleurs notamment en faisant une pression à la baisse sur les salaires), le peuplement des quartiers populaires était composé d’immigrés qui travaillaient dans des usines où le travail était souvent rude : en tant que manutentionnaire, mineur, opérateur de production, femme de ménage ou encore docker. L’immigration en France était – et est toujours – pour sa plus grande part constituée de prolétaires. Des femmes et des hommes durs à la tâche ont contribué à créer les richesses dont se gavent en premier lieu les capitalistes français.

    Dieudonné, lui, ne connait pas le dur labeur du prolo, il donne ses représentations à guichets fermés au prix de 40 euros la place. Certains opéras soi-disant réservés aux bourgeois sont meilleurs marchés. Il a construit un ”système Dieudonné” où il est sa propre marque. Le scandale lui sert de campagne marketing. Il serait intéressant de connaitre son patrimoine pour voir si ces fins de mois sont aussi difficiles que ça…

    Il réussit à se faire passer pour un antisystème parce que ceux qui devaient combattre le système ont arrêté de le combattre. Les organisations des travailleurs ont abandonné le combat contre le capitalisme et ce faisant, ils ont aussi abandonné l’encadrement idéologique et social de la classe ouvrière. Les bureaucraties syndicales et les partis de gauche, en premier lieu le PS et le parti communiste, ont abandonné depuis longtemps ceux qui étaient le plus loin des lieux de travail avec des délégations organisés, avant d’abandonner de plus en plus l’ensemble de la classe. Cela permet à tout un tas d’organisation réactionnaire de tout bord de proliférer dans les quartiers populaires. George Marchais, secrétaire général du PCF, parlait déjà à son époque (en 1981) de ”préférence nationale”! Il est dès lors difficile pour les jeunes issus de l’immigration de considérer ce type de parti comme le leur.

    Enfin, Dieudonné sépare plus qu’il n’unit la classe. Il s’est prononcé contre le mariage pour tous et a une conception totalement conservatrice de la famille et des valeurs morales. Cette dernière est un des instruments idéologiques qu’utilise la bourgeoisie pour nous asservir. La famille classique permet au capitaliste, entre autres, de ne pas avoir à payer pour la socialisation du travail domestique. Il se présente comme un militant pour la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, mais il a la même morale que les anciens esclavagistes et colonisateurs.

    Dieudonné, comme artiste, n’est pas la cause mais le symptôme. Pour lutter contre les causes qui réussissent à engendrer un tel phénomène, seul un programme qui défend les intérêts des travailleurs et de leurs familles sera efficace. Ce programme, pour réellement s’attaquer aux causes, doit s’en prendre au capitalisme en France et partout dans le monde.

    La construction d’un nouvel outil de discussion collective des travailleurs, des jeunes et des allocataires sociaux est nécessaire pour que toute la classe écarte les fausses solutions et s’unisse de plus en plus massivement contre son seul adversaire: les 1% au sommet de cette société.

    Pour terminer, Trotsky avait dit à propos de Céline : ”Céline, tel qu’il est, procède de la réalité française et du roman français. Il n’a pas à en rougir. Le génie français a trouvé dans le roman une expression inégalée. Parlant de Rabelais, lui aussi médecin, une magnifique dynastie de maîtres de la prose épique s’est ramifiée durant quatre siècles, depuis le rire énorme de la joie de vivre jusqu’au désespoir et à la désolation, depuis l’aube éclatante jusqu’au bout de la nuit. Céline n’écrira plus d’autre livre où éclatent une telle aversion du mensonge et une telle méfiance de la vérité. Cette dissonance doit se résoudre. Ou l’artiste s’accommodera des ténèbres, ou il verra l’aurore.”Dieudonné a résolument choisi les ténèbres. Les prochaines luttes du prolétariat français, qui a de grandes traditions révolutionnaires, veilleront à ce qu’il y reste.


    Note : Un prochain article abordera plus en profondeur la question du sionisme et de l’antisémitisme.

  • Encore quelques photos du blocage du sommet européen

    La politique d’austérité européenne est une véritable catastrophe pour la population, avec à la clé une multitude de drames sociaux. Afin de protester contre cette logique qui ne sert que les intérêts de l’élite dirigeante, une alliance inédite de syndicalistes, de militants politiques, d’agriculteurs,… a vu le jour en dénonçant plus particulièrement le TSCG (le traité d’austérité) et le Traité transatlantique (un accord de libre échange Union Européenne-USA). Ce jeudi 19 décembre, cette ‘‘Alliance D19-20’’ (en référence aux 19 et 20 décembre, dates d’un sommet européen) a mené plusieurs actions de blocage à Bruxelles, avec des piquets installés à plusieurs carrefours de la capitale européenne et belge. On était loin des traditionnelles ballades à Bruxelles… Cette journée ne fut évidemment qu’un premier pas, bien plus devra être fait pour effectivement parvenir à bloquer un sommet européen ainsi que pour mettre un terme à la politique antisociale européenne.

    Par Coralie (Liège)

  • Le cadeau de Noël des dirigeants européens à l'industrie de l'armement

    Les dirigeants européens se sont réunis fin de la semaine dernière pour une réunion du Conseil. Tout comme de nombreuses familles se réunissent à Noël et offrent des cadeaux à leurs proches, il en va de même avec les dirigeants européens. Malheureusement, leurs proches ne comprennent pas les travailleurs et leurs familles, qui souffrent depuis déjà des années des politiques d’austérité, mais bien les marchands d’armes et autres grandes entreprises.

    Par Paul Murphy, député européen du Socialist party (CIO-Irlande)

    Ils nous disent qu’il n’y a pas de moyens pour les soins de santé, l’enseignement et les projets environnementaux mais, au même moment, nous assistons à un transfert massif de moyens publics vers l’industrie de l’armement. Cette réunion européenne avait pour objectif de disposer de plus d’intégration militaire, de plus d’aventures militaires et de plus de moyens pour l’armée. Il s’agissait d’une nouvelle étape dans le processus de militarisation de l’Europe.

    Dans le cadre de ce sommet européen, Enda Kenny (premier ministre irlandais) et David Cameron (premier ministre britannique), ont visité plusieurs tombes et monuments commémoratifs de la Première Guerre mondiale en Flandre. La Première Guerre mondiale a été l’une des périodes les plus barbares et les plus horribles de l’histoire du capitalisme européen. Des centaines de milliers de jeunes gens ont été massacrés pour satisfaire la cupidité et la soif de prestige des grandes puissances impérialistes. Au lieu de tirer les leçons de la futilité de la guerre capitaliste, Kenny et Cameron se sont ensuite rendus à Bruxelles et, avec une grossière hypocrisie, ont approuvé d’augmenter les dépenses militaires. Il s’agit d’une véritable pour les centaines de milliers de jeunes qui ont été inutilement abattus durant cette guerre.

    Le Pacte de Compétitivité se trouvait également à l’ordre du jour de ce sommet. Il s’agit d’une nouvelle mesure antidémocratique qui arrive ironiquement moins d’une semaine après que l’Irlande ait officiellement quitté le programme de la Troïka. La pièce maîtresse de ce pacte seront les ”arrangements contractuels” entre les États membres et la Commission européenne et / ou du Conseil pour accepter des ”réformes structurelles”. Comme réduire les droits à la pension ou lancer des attaques contre les droits des travailleurs.

    Ce pacte est conçu pour être une autre façon de subvertir la démocratie, en verrouillant les États dans des accords qui ne peuvent pas être modifiés par un changement de gouvernement. Le ”pacte de compétitivité” représente une autre étape importante vers l’imposition d’une “troïka pour tous” en Europe tout en se moquant des revendications concernant la restauration de la souveraineté des gouvernements. Honteusement, aucun autre député irlandais en dehors de moi-même n’a voté contre cet ordre du jour au Parlement européen la semaine dernière.

  • Suède. Riposte de masse contre la violence néonazie

    Dimanche dernier a eu lieu à Kärrtorp (au sud de Stockholm) la plus grande manifestation antiraciste de l’histoire de Suède. 20.000 personnes se sont rassemblées, suite à l’attaque d’une manifestation par des néonazis armés.

    Par Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Durant tout le mois de novembre, une organisation néonazie violente (Le Mouvement de la Résistance Suédoise, SMR) avait augmenté son taux d’activité dans la région. Des croix gammées ont été peintes partout, plusieurs immigrés ont été agressés et le groupe a été observé en train de s’entraîner sur le terrain de sport local.

    La section locale de Rättvisepartiet Socialisterna (RS, section du Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO, en Suède) a discuté de la nécessité d’une campagne antifasciste impliquant la population locale et la jeunesse autant que faire ce peut. D’autres également étaient désireux de mener campagne, et un réseau antifasciste a été constitué, avec un appel à manifester le dimanche 15 décembre. 800 personnes sont venues, une réponse locale assez massive face aux néonazis. Mais ces derniers sont intervenus dans ce rassemblement non-violent. 40 d’entre eux sont arrivés en courant à la manière des militaires, lançant des bouteilles, de puissants pétards, des bâtons et des pierres au sein de la manifestation antifasciste, où se trouvaient notamment des parents avec leurs poussettes!

    Après une minute de chaos, le service d’ordre et les manifestants ont constitué des chaînes humaines pour défendre la manifestation. Après une autre minute, les manifestants ont commencé à avancer vers les néonazis qui ont dû faire marche arrière. Les néonazis ont reçu quelques coups alors qu’ils étaient repoussés le long des rues, pour finalement s’enfuir à travers bois.

    Ce fut une victoire spectaculaire. La police a fait l’objet de critique extrêmement vives pour avoir négligé de défendre les manifestants et pour avoir plus tard protégé les néonazis de la colère des manifestants. Une mère qui venait de sauver ses enfants a demandé à l’un des officiers de police pourquoi ils n’avaient pas arrêté les néonazis. ”Vous n’êtes pas beaucoup mieux qu’eux”, a-t-il répondu.

    La police et certains médias ont d’abord tenté de présenter les événements comme une émeute et une confrontation entre deux groupes. Il a fallu quelques jours de pression et de critiques pour que la police admette détenir des informations concernant une attaque et dise enfin que l’ensemble des 26 personnes arrêtées étaient des néonazis.

    Le réseau antifasciste a su capter une large attention en déposant plainte contre la police pour son rôle de protection de criminels néonazis. ”Au lieu d’arrêter les coupables de violations flagrantes, la police les a défendus”, a ainsi déclaré aux médias le porte-parole du réseau Ammar Khorshed, par ailleurs également membre de la section locale de Rättvisepartiet Socialisterna. Ce dernier a été interviewé à la télévision nationale et dans les journaux tous les jours de la semaine suivante.

    la date du 22 décembre a ensuite été choisie pour une nouvelle manifestation antifasciste. L’écho a immédiatement été très large. 15.000 ont indiqué sur Facebook leur intention d’être présent. Les activités locales de campagne ont illustré que tout le monde connaissait l’organisation de cette manifestation. Une section locale des Etudiants contre le racisme a également été formée.

    Une véritable vague d’antiracisme et d’antifascisme a déferlé sur le pays. Des manifestations ont été organisées dans près de 25 villes et villages. 3000 personnes ont ainsi manifesté à Göteborg, 2000 à Umeå, 1000 à Malmö et ainsi de suite.

    La manifestation de Kärrtorp est devenue la plus grande manifestation contre le racisme et le fascisme jamais organisée en Suède. Et soudainement, tous les partis représentés au Parlement, à l’exception du parti raciste des Démocrates Suédois, ont dit qu’ils allaient eux aussi participer à la mobilisation, y compris les dirigeants de la social-démocratie, le Parti de Gauche, et le Président du Parlement.

    Le réseau antifasciste a toutefois résisté à cette pression et a évité de mettre ces “célébrités” politiques sur la liste des orateurs. Ceux qui ont pu prendre la parole ont été des activistes locaux, des militants qui ont effectivement réalisé tout le travail de campagne sur le terrain. Un certain nombre d’artistes, tous bien connus pour leurs positions antiracistes et critiques contre le système, se sont portés volontaires et ont pu prendre la parole.

    Le dimanche 22, les manifestants sont arrivés par milliers en métro, en bus, à pied, pour constituer un cortège massif qui a souligné le soutien extrêmement fort dont dispose la lutte contre le racisme ainsi qu’exprimé la colère contre l’attaque néonazie. De nombreux participants ont également salué le fait que la campagne ait été menée de la base et sur le terrain.

    Sur la place, des milliers de personnes ont d’abord écouté les percussions de Riot Samba, Sambomban et Yakumbe. Ensuite, la marche s’est ébranlée vers le terrain de sport. ”Nous sommes maintenant sur le terrain de football où ont été découvertes des activités néonazies. Des marches militaires ont été organisées, avec des saluts nazis, ici, sur ce terrain de football. Maintenant, nous le reprenons à nouveau. Et nous le reprenons à jamais, nous écraserons le nazisme”, a déclaré un responsable sous les applaudissements.

    Le premier orateur était Peter Myllykoski, membre de Rättvisepartiet Socialisterna et responsable du service d’ordre de la manifestation. ”Les néonazis nous ont attaqués – une attaque armée et planifiée. C’est nous – tous les manifestants – qui, collectivement, ont chassé ensemble les néonazis. C’était une grande victoire, non ?”, a-t-il demandé à la foule, recevant des applaudissements massifs et un ”oui” retentissant. Il a également critiqué la police pour son comportement du dimanche précédent : “Vous savez probablement que nous avons déposé plainte contre la police. Ils ont sous-estimé la menace, ils n’ont pas réussi à agir et, finalement, ont même protégé les néonazis. Maintenant, nous voulons des réponses de la police et des tribunaux : les néonazis vont-ils être punis ? Que 23 des 26 arrêtés aient été relâchés n’est pas un bon signal. Ni d’ailleurs le fait qu’ils sont accusés d’émeute alors qu’ils y a tentative d’assassinat.”

    L’orateur suivant était Lena Ezelius, dirigeante de la section locale de Kommunal (syndicat des travailleurs communaux). Elle a expliqué comment le racisme tente d’instrumentaliser l’injustice sociale pour s’en prendre aux immigrés: ”Ce n’est pas la faute des immigrés si la pauvreté des enfants et les différences entre classes sont de plus en plus fortes en Suède. Ce n’est pas les immigrés qui sont à la base du fait que les entreprises suédoises exploitent une main-d’œuvre étrangère dans de très mauvaises conditions. Ce n’est pas les immigrés qui ont diminué les budgets pour l’enseignement et le soins aux personnes âgées alors que l’argent de nos impôts va dans les poches des patrons.”

    Plusieurs autres intervenants – militants politiques, artistes, activistes locaux – ont également pris la parole. Le discours de Petri Myllykoski’s disait encore au sujet de la manifestation : “Kärrtorp a appris que l’antiracisme vient d’en bas, des gens ordinaires. De nombreuses personnes ont ressenti la nécessité de s’organiser eux-mêmes, localement et à travers tout le pays, contre le fascisme et le racisme. Stopper le racisme et le fascisme nécessite une lutte commune contre toutes les injustices et contre toutes les tentatives de nous diviser.”

    Durant cette manifestation, nous avons vendu 400 exemplaires de notre journal hebdomadaire ”Offensiv” et obtenus 25 abonnements. Pourtant, la plupart des membres de Rättvisepartiet Socialisterna étaient mobilisés dans le service d’ordre de la manifestation. De nombreux participants ont également fait part de leur intérêt pour en savoir plus sur nos activités, en comprenant que c’était notre section locale qui avait été à la base de la campagne antifasciste à Kärrtorp et que le rôle de notre organisation avait été crucial pour construire le réseau antifasciste à la base de cette manifestation massive. D’un autre côté, une journaliste de droite a écrit qu’elle avait quitté la manifestation “attristée et apeurée” à cause de l’atmosphère de gauche radicale présente.

    Les manifestations qui se sont déroulées dans tout le pays illustrent le potentiel présent pour le lancement d’un nouveau mouvement antiraciste contre le parti raciste des Démocrates Suédois et contre les groupes néonazis de même que contre les politiques néolibérales qui offrent au racisme un terreau pour se développer.

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