Category: Europe

  • Ukraine: La situation dégénère en un conflit sanglant

    Seule l’action de la classe ouvrière unie peut stopper la catastrophe

    Rob Jones, Moscou. Article publié initialement le 9 mai sur le site socialistworld.net

    Les événements qui prennent actuellement place en Ukraine ont adopté un tour tragique, la situation du pays dégénérant en un conflit violent. L’armée ukrainienne, avec le soutien des puissances occidentales, est entrée en mouvement afin de violemment désarmer les militants essentiellement pro-russes ayant occupé des bâtiments clés tout au long de l’Est de l’Ukraine, en particulier dans la région de Donetsk. Le nombre de morts augmente de façon constante. A Odessa, une ville traditionnellement multinationale de la mer Noire, plus de quarante personnes ont été tuées lorsque le bâtiment syndical dans lequel ils étaient réfugiés a été incendié. Le président Poutine, en un recul apparent, a conseillé aux régions de Donetsk et de Kharkov de ne pas poursuivre sur leur lancée avec le référendum de dimanche, mais ce conseil a été repoussé par les militants locaux.

    La vérité, première victime de la guerre.

    Une propagande de guerre sans limite accompagne ces événements à Odessa et en Ukraine, d’un côté du fait du gouvernement de Kiev et de ses bailleurs de fonds européens et américains, d’autre part du fait des manifestants de l’Est de l’Ukraine et des médias du gouvernement russe. Chaque côté semble surpasser l’autre en cynisme.

    L’enquête initiale de la police ukrainienne concernant la tragédie d’Odessa déclarait que ”les manifestants anti-Maidan ont fait irruption dans le bâtiment du syndicat et se sont barricadés à l’intérieur. Ils ont ensuite commencé à jeter des cocktails Molotov du toit. Certains des dispositifs incendiaires ont touché le bâtiment, ce qui pourrait avoir causé l’incendie qui a finalement tué plus de 40 personnes.” Le journal de langue anglaise Kyiv Post a rapporté ces événements le 3 mai en changeant les “manifestants anti-Maidan” en ”séparatistes pro-russes” et en ajoutant qu’ils avaient “tiré à l’arme à feu sur des citoyens pacifiques”, en retirant de leur description tout terme conditionnel.

    La télévision russe, de son côté, est remplie de rapports à glacer le sang au sujet de la lutte menée en Ukraine contre les fascistes et les ”Banderaists” (terme désignant les collaborateurs nazis ukrainiens durant la deuxième guerre mondiale). Elle décrit la tragédie d’Odessa comme un nouveau “Katyn”, en référence au massacre par le régime stalinien de milliers d’officiers polonais au beau milieu des bois.

    La tragédie d’Odessa

    Des témoins locaux donnent cependant une meilleure idée de ce qui s’est passé. Selon le journaliste d’Odessa Sergiy Dibrov, le conflit a commencé suite à une manifestation de supporters de football qui se trouvaient en ville pour assister à un match entre les “Chernomoretz” d’Odessa et les “Metallist” de Kharkov (Est ukrainien). Ils ont défilé dans la ville en faveur de l’unité ukrainienne en chantant l’hymne national et des chansons anti-Poutine. Une partie du cortège était composée d’un important contingent ”d’escouades d’auto-défense” Euromaidan armés de barres de fer, de boucliers et de casques.

    Tous les rapports conviennent bien que la manifestation a rencontré la résistance de “manifestants anti-Maidan”, un groupe mixte composé d’opposants à ce qu’ils qualifient de “junte fasciste de Kiev” et de partisans de la fédéralisation ou de l’unification avec la Russie. L’échauffourée a commencé avec des lancers de briques, de grenades paralysantes et de cocktails Molotov et il y a ensuite eu des coups de feu, du camp anti-Maidan disent certains, de provocateurs disent d’autres. Une vidéo montre que des coups de feu ont été tirés de l’arrière des lignes de police par quelqu’un armé d’une Kalachnikov. Des témoins rapportent que, à ce stade, les supporters ordinaires, en particulier d’Odessa, avaient quitté la marche pro-Ukraine, ne voulant pas être impliqués dans des combats.

    Une bataille de rue a fait rage quatre heures durant, avec au final quatre morts et plus d’une centaine de blessés. En colère suite aux tirs subis par leurs partisans, environ 2000 membres des ”escouades d’autodéfense Euromaidan”, qui auraient été soutenus par des combattants de “Secteur Droit”, se sont dirigés vers les tentes du camp de protestation. Ce camp, occupé par environ 200 personnes, a été détruit, les tentes ont été incendiées et ses occupants ont été contraints de fuir se réfugier dans le bâtiment syndical à proximité.

    Des cocktails Molotov ont été lancés dans l’entrée de l’immeuble ce qui a donné lieu à de violents incendies. Nombreux parmi ceux qui étaient venus trouver refuge dans le bâtiment ont donc été pris au piège. Il n’était pas possible de sortir par l’entrée principale, mais d’autres issues étaient également bloquées par des voyous d’extrême-droite et de Secteur Droit. En désespoir de cause, beaucoup sont montés sur les rebords de fenêtre pour sauter, parfois pour être tabassés une fois arrivés en bas. La télévision russe a montré des images d’un militant d’extrême-droite essayant de tirer sur des gens alors qu’ils se tenaient sur les rebords des fenêtres.

    L’une des victimes de cette attaque brutale est Aleksei Albu, dirigeant du groupe de gauche “Borotba”. Il explique ce qui s’est passé: “Lorsque nous avons quitté le bâtiment en feu, nous avons été attaqués par une foule de nationalistes. Je pense qu’il y a eu une centaine de victimes. Des gens ont sauté des fenêtres, il y avait de la fumée partout. Ils ont donné des coups de pied à ceux qui gisaient sur le sol. Un de nos militants et moi-même ont été frappés à la tête. (…) Secteur Droit a attaqué le bâtiment du syndicat bien armé et chargé de munitions. Ils étaient bien préparés. Ces combattants néo-nazis ont brutalement traités les défenseurs d’Odessa.”

    Parallèlement, des participants à la manifestation initiale, en voyant les horreurs auxquelles étaient confrontées les personnes prises au piège dans le bâtiment du syndicat, se sont réunis et la petite foule s’est dirigée sur place pour permettre à certains d’entre eux de s’échapper.

    L’opération anti-terreur de Kiev

    Ailleurs dans l’Est de l’Ukraine, la situation s’est gravement détériorée, en particulier dans la région de Donetsk, le centre industriel du pays. Des troupes ukrainiennes tentent de reconquérir les bâtiments gouvernementaux dans pas moins de dix villes occupés par des partisans de la ”République populaire de Donetsk” autoproclamée (RPD).

    Maintenant que la guerre des mots a dégénéré en fusillade, le nombre de décès est en augmentation rapide. Selon certaines sources, au moins trois hélicoptères de l’armée ukrainienne ont été abattus. La télévision russe rapporte que l’armée ukrainienne est souvent réticente à se battre et affirme que dès qu’une intervention contre les civils est nécessaire, l’armée se retire afin que la ”Garde nationale” nouvellement formée intervienne. Dans une large mesure, cette ”Garde nationale” est composée de membres des milices d’extrême-droite des manifestations de la place Maidan. Des rapports font de l’arrivée de soutien extérieur pour les opposants à l’armée ukrainienne à Slavyansk, y compris de Crimée, dorénavant russe.

    Un sondage d’opinion réalisé à Donetsk à la fin mars rapporte que 50% de la population de la ville est favorable au maintien d’une Ukraine unie, mais plus de la moitié d’entre eux pensent que la région devrait tout de même avoir plus d’autonomie concernant les questions économiques et fiscales. Seuls 16% pensent que la région devrait avoir un statut fédéral au sein de l’Ukraine. Le reste est divisé entre ceux qui estiment que la région devrait rejoindre la Russie et ceux pour qui l’Ukraine devrait adhérer à nouveau à une formation similaire à l’ancienne URSS. Bien sûr, tous ces sondages d’opinion doivent être traités avec une grande prudence, en particulier dans le cadre de changements rapides.

    Cela souligne la situation à laquelle fait face l’élite ukrainienne. Il est loin d’être certain que l’Etat ukrainien puisse disposer des forces nécessaires pour restaurer l’ordre à l’Est alors que la population souffre de plus en plus de la crise économique. Actuellement, seule une minorité de la population regarde avec espoir vers la Russie pour résoudre ses problèmes, la plupart des gens ont peur d’une intervention militaire qui ne fera que conduire tout droit à la guerre civile. Mais si le désordre et le chaos continuent de croître et que la tragédie d’Odessa se répète, l’atmosphère pourrait rapidement se développer et changer pour exiger une plus franche séparation de Kiev, le soutien pour une ”aide” russe visant à rétablir la stabilité pourrait augmenter.

    L’atmosphère parmi les mineurs

    Donetsk est au cœur de l’industrie charbonnière ukrainienne, qui emploie encore 500.000 travailleurs. Cette section puissante de la classe ouvrière conserve ses traditions de luttes de la fin des années ’80 et du début des années ’90.

    Des milliers de mineurs dans la région voisine de Lugansk se sont mis en grève pour quelques jours la semaine dernière, autour de la question de leurs salaires. Alors qu’ils gagnent moins de 400 euros par mois, le gouvernement de Kiev a menacé d’imposer plus encore leurs salaires afin de financer la restauration de la zone autour de la place Maidan. Les médias russes et les militants pro-russes affirment que les mineurs sont maintenant fermement de leur côté, mais des groupes de mineurs ont été vus à la fois du côté des séparatistes et parmi les pro-Maidan, mais pas de façon organisée ou de manière massive.

    Les mineurs sont préoccupés par la situation. Nombreux parmi eux désirent une Ukraine unie, mais pensent qu’un référendum est nécessaire pour forcer le gouvernement central à concéder plus de droits et un certain degré d’autonomie, certains soutiennent aussi l’idée d’une fédéralisation. Mais, souvent, ils disent qu’ils sont plus préoccupés par la croissance de l’instabilité dans la région.

    L’annonce de Poutine

    L’Est de l’Ukraine semble être sur le point d’entrer dans une période de conflit total entre rebelles et forces armées du gouvernement de Kiev. Les combattants pro-russes espéraient clairement que le “référendum” de ce week-end à Donetsk verrait l’émergence d’un grand ”oui” en soutien de la République populaire de Donetsk auto-proclamée, ouvrant la voie à un appel au “soutien” de la Russie.

    Dans un changement de ton apparent, Poutine a annoncé mercredi dernier qu’il pensait que le référendum devrait être reporté. Il a en outre déclaré que les troupes russes seraient retirées de la frontière ukrainienne et qu’il approuvera sous conditions l’élection présidentielle de mai en tant qu’étape vers la résolution de la crise.

    Une fois de plus, il semble que Poutine a pris les puissances occidentales par surprise. Mais si elles sont méfiantes face à ses motivations, elles auront du mal à décider d’une troisième série de sanctions ou à facilement rejeter la Russie de toute proposition de solution.

    Les motivations de Poutine sont encore sujettes à question. L’économie russe ressent certainement l’effet des sanctions, qui s’ajoutent à une récession déjà en développement. Les coûts économiques et sociaux d’un approfondissement du conflit tout autant que la perspective d’un conflit militaire tous azimuts inquiètent jusqu’aux plus farouches faucons russes.

    En Russie et en Ukraine, beaucoup considèrent cette annonce de Poutine comme une manœuvre tactique. Bien qu’il ait appelé au report du référendum de dimanche, les militants pro-russes à Donetsk ont déclaré qu’ils le tiendront de toute façon. Mais quel que soit l’issue de cette question, le génie du chaos et du conflit ethnique est déjà sorti de sa bouteille, et il sera difficile de l’y faire rentrer.

    Une alternative de gauche

    La gauche est malheureusement faible en Ukraine. Le principal parti ”de gauche”, le Parti Communiste, a été le principal partenaire de la coalition gouvernementale de l’ancien président aujourd’hui déchu Ianoukovitch. Sa politique étrangère est fermement pro-russe et basée sur la revendication d’une adhésion de l’Ukraine à une l’union douanière avec la Russie et sa politique intérieure a été à la remorque du Parti des Régions de Ianoukovitch.

    Alors que la gauche non-parlementaire recourt à des phrases bien radicales sur la nécessité de combattre le fascisme, elle a rapidement été divisée en deux camps. Les dirigeants du groupe Opposition de Gauche réclament ouvertement que le gouvernement de Kiev soit traité comme un gouvernement légitime basé sur “une authentique révolution qui a attaqué les oligarques”. Ils soutiennent la signature de l’accord de partenariat avec l’Union Européenne, en demandant simplement une “politique d’austérité plus juste.” Ils écartent de la main l’importance de la participation de Secteur Droit et de l’extrême-droite dans le mouvement Maidan.

    Le groupe ”Borotba”, dans le camp anti-Maidan, dit qu’il est opposé à toute intervention russe en Ukraine et utilise une phraséologie et des revendications de gauche radicale. Il dirige cependant toute sa colère contre ce qu’il appelle la “Junte de Kiev” et travaille en étroite collaboration avec des groupes pro-russes. Il explique être contre l’intervention russe, mais il livre sur son site des rapports totalement dénués de critiques d’actions pro-russes. Ainsi, le 5 mai dernier, ils ont publié une vidéo sur leur site intitulée “Deux bataillons de défenseurs de Crimée viennent aider Slavyansk”. Le dirigeant de cette formation militaire clairement bien formée déclare dans la vidéo que ”Notre tâche est de ne faire aucun prisonnier. Personne. Nous sommes ici pour détruire. Nous y allons (à Slavyansk) et nous balayerons tout ce qui se dressera sur notre chemin.”

    La classe des travailleurs doit réagir

    Pour la classe ouvrière à travers l’Ukraine, la seule manière d’éviter la catastrophe imminente est de passer au-delà de la fracture nationale et d’intervenir de façon unifiée par l’organisation de comités anti-guerre et de défense trans-ethniques commun pour mobiliser une opposition de masse contre les nombreuses organisations d’extrême-droite et les fauteurs de guerre de tous côtés. Ces derniers essayent de diviser les travailleurs ukrainiens et de plonger le pays dans la guerre. Il faut lutter contre les fermetures d’usines et de mines, contre l’austérité et pour un niveau de vie décent pour tous. Il faut s’opposer aux mesures d’austérité sévères exigées par l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International mais également s’opposer aux tentatives du capital russe de prendre en main l’industrie du pays à son propre avantage, ce qui ne ferait que conduire à davantage de restructurations et de fermetures. Les mineurs peuvent clairement jouer un rôle central dans ce processus de lutte.

    Un tel combat commun pourrait poser les bases de la construction d’un parti de masse des travailleurs basé sur l’activité de syndicats démocratiques préparés à défendre les droits de tous les travailleurs ukrainiens, quelle que soit leur origine ethnique, et qui insiste pour la garantie des droits démocratiques et nationaux de tous les groupes ethniques du pays (y compris l’élection de dirigeants régionaux, le droit d’utiliser les langues russes et autres, l’augmentation des pouvoirs économiques et politiques pour les régions qui le souhaitent,…)

    Plutôt que d’accepter la situation actuelle, une situation où les élections se tiendront sans aucun candidat ou parti pour représenter les intérêts des travailleurs, il faut se battre pour une assemblée constituante où les travailleurs seraient représentés à travers leurs syndicats, leurs partis politiques et leurs représentants élus sur les lieux de travail et dans les quartiers pour décider de la manière de démocratiquement gouverner l’Ukraine.

    L’écrasante majorité des travailleurs ne veut pas être entraînée plus profondément dans un conflit. Un parti de masse des travailleurs s’opposerait aux tentatives des différentes forces impérialistes et de leurs amis oligarques de diviser l’Ukraine. La richesse du pays et les ressources naturelles doivent être mises sous propriété publique, sous contrôle et gestion démocratique, pour s’assurer que tous les travailleurs d’Ukraine puissent avoir de bonnes pensions, de bonnes conditions de vie, de bons soins de santé et un enseignement gratuit et de qualité, au sein d’une économie socialiste démocratiquement planifiée.

    Au niveau international, le système capitaliste ne s’est toujours pas remis de la pire crise mondiale depuis les années 1930. Les différentes puissances impérialistes – États-Unis, UE ou Russie – se battent entre pour savoir qui contrôlera les ressources de la planète. L’Ukraine s’est maintenant retrouvée au beau milieu de ce combat entre forces impérialistes.

    La classe ouvrière ukrainienne doit agir, créer un véritable parti de la classe des travailleurs capable d’unir toute cette classe autour d’une véritable alternative socialiste contre les forces pro-capitalistes et oligarchiques qui dominent actuellement la politique ukrainienne. Ce parti se battrait pour un gouvernement socialiste démocratique qui permettrait d’instaurer une Ukraine socialiste dans laquelle les droits de toutes les minorités seraient assurés, dans le cadre d’une alliance plus large des Etats socialistes démocratiques.

  • Elections européennes : la gauche radicale en progression ?

    Le 22 mars dernier, un rassemblement monstrueux a pris place à Madrid lorsqu’une véritable marée humaine a déferlé sur la capitale espagnole en une ‘‘marche de la dignité.’’ Entre 1 et 2 millions de participants étaient descendus dans les rues pour le plus grand rassemblement dans le pays depuis la chute de la dictature de Franco. Les manifestants exigeaient ‘‘du pain, du travail et des logements pour tous’’ ainsi que le ‘‘non-paiement de la dette’’ ainsi que la chute du gouvernement et de la troïka.

    Concernant les élections européennes, les médias dominants accordent surtout leur attention à la croissance des populistes de droite et de l’extrême-droite. On ne peut pas dire que les projecteurs se braquent de la même manière sur la gauche radicale, mais sa progression est pourtant visible quasiment partout en Europe. Certains sondages avancent même que le groupe de la Gauche Unitaire Européenne (GUE/NGL) pourra atteindre la taille de la fraction libérale emmenée par Guy Verhofstadt au parlement européen. De 35 sièges actuellement, la GUE pourrait disposer de 50 élus voire plus, notamment sur base de la forte progression de Syriza en Grèce (27% dans les sondages) et d’Izquierda Unida en Espagne (13% dans les sondages). En Italie, la participation autodestructrice à des gouvernements de centre-gauche a laissé un véritable champ de ruine à gauche. Une liste ‘‘Tsipras’’, du nom du dirigeant de Syriza, a toutefois des chances d’emporter un élu et nage entre les 3% à 5% dans les sondages.

    La progression de la gauche radicale, un phénomène que nous commençons également à connaître en Belgique, conduira à d’importantes discussions, notamment au sujet de l’importance de ne pas conclure de coalition avec les partis appliquant l’austérité ou encore concernant la manière dont des élus peuvent aider à construire la résistance de terrain. Cela poussera également de l’avant le débat sur le type de société dont nous avons besoin. Le capitalisme en crise ne laisse guère de marge de manœuvre, seule la construction d’une société socialiste démocratique pourra nous faire sortir du marasme. Mais dans l’ensemble, les forces de gauche en Europe ne semblent pas encore prêtes à mener un tel type de combat.

    Ainsi, le parti de gauche allemand Die Linke a rejeté lors d’un Congrès tenu en février dernier une résolution décrivant l’Union européenne comme ‘‘néolibérale, militariste et une puissance largement antidémocratique’’, ce qu’elle est pourtant bel et bien. Ce Congrès a également ouvert la voie à une éventuelle future coalition gouvernementale avec le SPD. Dans les faits, la plate-forme politique du parti se limite à légèrement réformer l’Union Européenne.

    Il n’existe pourtant pas d’autre voie que d’adopter un programme de claire rupture anticapitaliste et de transformation socialiste de la société pour efficacement construire des forces de gauches capables de conduire les mouvement sociaux à la victoire. Il faut rompre avec la Troïka et le capitalisme. Seuls un gouvernement des travailleurs armé d’un programme socialiste et la lutte internationale pour le socialisme sont de nature à répondre aux besoins de la majorité de la population.

  • Le PSL et Gauches Communes sur les listes du Front de Gauche aux élections consulaires

    Cette année, en parallèle aux élections européennes, prennent place les élections consulaires françaises. A cette occasion, nous avons été invités à construire avec les camarades du Front de Gauche résidents en Belgique une liste de gauche ‘‘l’humain d’abord’’.

    Ce slogan utilisé par le Front de Gauche en France illustre cette nécessité d’une alternative aux partis traditionnels. Ras-le-bol de ces politiciens qui, une fois élus, se distribuent les postes et font de la politique de conciliation ! C’est de la politique au service des entreprises et du patronat. En France, Hollande a été élu sur base d’un dégoût de Sarkozy et de sa politique au service de ses amis richissimes. Le résultat : le PS français gère un système en crise profonde sans en remettre en cause les racines. Il applique donc les politiques d’austérité. La claque reçue aux municipales de mars dernier était un signal. Message reçu ? Pensez-vous… Valls représente cette aile droitière du PS et va alourdir les attaques. Et au lieu de mener une attaque de front contre le système, la logique de faire payer la crise aux travailleurs va être durcie. Le FN avance ? Pas grave le PS au pouvoir va reprendre leur rhétorique raciste. Rappelons-nous l’expulsion de cette écolière en plein excursion scolaire ou la chasse anti-Roms.

    Les conseillers consulaires représentent les Français établis hors de France auprès des ambassades et des consulats et élisent les sénateurs des Français de l’étranger. En 2012, le PSL avait soutenu la candidature de Charlotte Balavoine, candidate du Front de Gauche pour les législatives dans la circonscription du Bénélux. C’est tout naturellement que nous soutenons cette liste à nouveau et présentons deux candidats : Laure Miege et Nicolas Menoux.

    => Page facebook : “L’humain d’abord pour les Français de Belgique”

  • France : Une opposition de gauche combative est nécessaire

    Article écrit sur base de diverses publications de la Gauche révolutionnaire (CIO-France)

    À l’occasion des élections municipales, la claque a été sévère pour Hollande et le PS dans son ensemble. L’abstention, dans un premier temps touchait l’électorat jeune et les quartiers populaires, a progressé jusqu’au record de 38% au second tour. D’une manière générale, plus de la moitié des habitants en droit de voter se sont abstenus ou font partie des non-inscrits… Le dégoût est donc profond, même si l’espoir que les choses s’adouciraient un tout petit peu avec Hollande à la place de Sarkozy était bien vague.

    Face à la déroute, le gouvernement a subi un remaniement ministériel et a vu Valls arriver à sa tête. Ce dernier est le représentant de l’aile droite d’un parti qui n’est pourtant plus marqué à gauche que dans la presse dominante. La première annonce du gouvernement a été consacrée au « pacte de responsabilité », un monstrueux plan d’austérité de 50 milliards d’euros composé d’économies sur le budget de l’État, mais aussi de 30 milliards d’euros d’allègement des cotisations pour le patronat ! Les 40 premières entreprises françaises ont réalisé quelques 48 milliards d’euros de bénéfice en 2013, mais ça, pas question d’y toucher pour Hollande & Co…

    Une victoire pour la droite?

    L’UMP défend les mêmes intérêts patronaux que le PS, avec toutefois des nuances sur le rythme et la manière. Mais alors que ces élections municipales ont pris place deux ans après l’élection de Hollande et tandis que la droite officielle ne dirige réellement aucune assemblée de manière significative (Assemblée nationale, Sénat et Régions sont aux mains du PS, de même que les très grandes villes), le parti de Sarkozy n’a pas vraiment profité d’un vote sanction. Les affaires et le dégoût des politiciens véreux pèsent(les procédures judiciaires se multiplient à l’égard de Sarkozy et sont toujours en cours en ce qui concerne Copé), ainsi que le ras-le-bol vis-à-vis des politiques anti-travailleurs menées par Sarkozy à l’époque et par Hollande aujourd’hui.

    Le FN a particulièrement attiré l’attention des médias. Pourtant, si l’on compare ces élections à celles de 1995 (lorsque le FN avait remporté plusieurs villes), la progression de celui-ci n’est pas si importante. À côté d’une couche d’électeurs attirée par des idées racistes ou réactionnaires, beaucoup se sentent à juste titre délaissés, oubliés, voire trahis par les renoncements successifs de la « gauche ». Au bout de 20 ou 30 ans d’un tel abandon, d’un tel chômage de masse, le score du FN est logique. Ce parti reste un danger mortel pour les travailleurs, mais son apparition et sa persistance ne sont que le produit des trahisons de la « gauche » gouvernementale et du refus des forces à la gauche du PS de s’engager sérieusement dans la construction d’un front uni de résistance et d’opposition de gauche contre le gouvernement et le patronat.

    Quelle opposition de gauche ?

    Les listes à la gauche du PS ne réalisent pas un si mauvais score. Électoralement, le Front de Gauche a montré qu’il était capable d’incarner une opposition pour autant qu’il se présente de manière indépendante du PS. Néanmoins, d’un point de vue général, le Front de Gauche et la gauche de la gauche plus globalement ne sont pas apparus comme une force nationale d’opposition de gauche. Une des questions centrales est d’être ou non en rupture avec le PS et avec ceux qui le soutiennent ou s’y allient. Jean-Luc Mélenchon a eu raison de dire qu’il aurait été préférable que le Front de Gauche – et toutes ses composantes – ait une ligne claire d’opposition au PS et qu’il présente des listes unitaires partout, visant de la sorte le PCF (parti communiste français) aux positions très diverses. Toutefois, dans les combinaisons qu’il propose, il intègre EELV (Europe Écologie – les Verts), formation politique qui peine à exister en dehors du sillage du PS et de sa politique antisociale. Le Front de Gauche ainsi que d’autres forces ont déjà en tête les futures élections européennes. Celles-ci permettront certainement d’adopter une ligne plus claire nationalement, puisqu’il n’y aura pas d’enjeux quant à la participation à des exécutifs. Mais il est crucial que la lutte ne se cantonne pas au cadre électoral. Le 12 avril dernier, une vaste manifestation appelant à une « révolte de gauche » a été organisée à l’initiative de Mélenchon, de Besancenot (NPA) et de la plupart des forces à la gauche du PS. Ce succès doit être un premier pas vers la construction d’une véritable lutte unifiée contre la politique de Hollande et contre le capitalisme. Il nous faut un plan commun d’actions et de grèves pour mettre un coup d’arrêt aux licenciements et aux coupes dans les services publics et qui permette aux délégations syndicales combatives de ne plus être isolées. Pour cela, nous avons besoin d’un programme politique capable de rassembler tous les travailleurs – jeunes, chômeurs, retraités, hommes, femmes, français ou étrangers – qui veulent lutter et s’organiser.

    Une telle opposition large et démocratique pourrait devenir une force déterminante dans les années à venir pour faire avancer les luttes dans le but d’une société réellement débarrassée de l’exploitation et de la misère, une société authentiquement socialiste.

    www.gaucherevolutionnaire.fr

  • L’Italie vers les élections européennes : entre rigueur et instabilité

    La naissance du gouvernement Renzi a renforcé le sentiment de haine et de dégoût vis-à-vis de la politique traditionnelle parmi les travailleurs et les masses populaires italiennes. Il s’agit du troisième gouvernement non-élu consécutif, nommé après consultations entre le président de la république Giorgio Napolitano qui va éteindre ses 88 bougies et l’état-major de la Banque Centrale Européenne.

    Matteo Renzi, le nouveau premier ministre, est un jeune homme qui a construit son succès politique contre la vieille garde social-démocrate du PD (Parti Démocrate) et en s’entourant de personnalités du monde du spectacle et de richissimes entrepreneurs incarnant une ‘‘nouvelle philosophie d’entreprise’’…

    Pour l’establishment politique italien et européen, et dans un cadre de fort discrédit du système politique, Renzi est le bon homme arrivant au bon moment. Les stratèges du capital estiment que l’Italie a besoin de réformes et de stabilité, notamment en relation au semestre de présidence du Conseil Européen qui s’ouvrira en juillet et à l’Exposition universelle qui se tiendra à Milan en 2015. Pour cette raison, Renzi incarne le désir de stabilité de la classe dominante qui navigue à présent dans l’ombre et qui aspire à se doter d’une façade plus propre après les parenthèses ‘techniques’ et les multiples scandales qui se sont abattus sur l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi. Berlusconi a été condamné à quatre ans de réclusion pour fraude fiscale et a été jugé inéligible. Sa peine a été commutée en 4 heures de service social par semaine.

    Renzi qui a plus d’ambition et de soutien que ces prédécesseurs aura plus de marge de manœuvre. Toutefois, la dégradation permanente des conditions de vie de la majorité de la population, les contradictions politiques au sein de sa ‘grande majorité des responsables’ et la forte instabilité politique qui continue a caractériser la situation italienne indiquent que la lune de miel du gouvernement sera de courte durée.

    Lors des dernières élections politiques en février 2013, le mouvement 5 étoiles était parvenu à obtenir le résultat exorbitant de 25% des suffrages exprimés. Ce résultat était révélateur du rejet de la politique dominante, de ses mesures d’austérité, de ses scandales et de ses trahisons.

    Lors de ces dernier mois, le caractère fortement hétérogène de ce mouvement structuré autour du blog de Beppe Grillo, l’incapacité d’exprimer des prises de position unitaires sur les questions les plus diverses et la méthode fortement autoritaire et pyramidale de gérer le mouvement ont conduit à une longue série de scissions individuelles de parlementaires et d’expulsions de dissidents dans les régions. Le Mouvement 5 Etoiles est prisonnier de son caractère de mouvement virtuel, de son absence de programme véritable et de la faiblesse de sa base sociale de référence, ce mouvement va inévitablement se dégonfler cela engendrera une augmentation de la frustration chez une couche d’activistes qui recommenceront à chercher une solution de lutte et d’organisation politique contre les partis de la Troïka. Il est toutefois fort probable que le Mouvement 5 Etoiles obtiendra son dernier triomphe électoral lors des élections européennes à venir. Un bon résultat électoral pour ne pas parler d’une victoire du Mouvement 5 Etoiles risque de fortement affaiblir le gouvernement Renzi et de freiner ses multiples projets de réforme. Conscient des risques de fragmentations au sein de son mouvement, Beppe Grillo a imposé à tous les candidats un ‘accord’ qui les force à verser 250.000 euros au mouvement s’ils trahissent le pacte avec leurs électeurs. De cette façon, Grillo et Casaleggio (le gourou de l’informatique cofondateur et copropriétaire du mouvement) essayent de renforcer leur emprise sur le mouvement contre toute voix dissidente.

    Pour ce qu’il en est des grands parti traditionnel, le Parti Démocrate, le Nouveau Centre Droit et Forza Italia portent des campagnes politiques très similaires qui n’intéressent ou ne passionnent pratiquement personne. La gauche radicale incapable de se présenter sous ses propres symboles souillés par des décennies de petites tactiques et de trahisons ouvertes a choisi de se présenter derrière le visage réconfortant d’Alexis Tsipras, le leader du parti grec de gauche radicale Syriza, pratiquement inconnu en Italie. La liste Tsipras ‘dirigée’ par un comité de six intellectuels, véritables vieux dinosaures de la petite gauche progressiste et de la ‘société civile’ italienne risque d’aboutir à un résultat décevant. Dans cette éventualité, la gauche radicale italienne serait privée de représentant pour la quatrième fois d’affilée lors d’élections importantes, alors qu’elle était encore relativement forte jusqu’il y a peu. Cette perspective risque de mettre un terme à la longue agonie du PRC et d’autres petites forces résiduelles.

    A la veille des élections, la situation politique Italienne reste caractérisée par une forte dose d’incertitudes et par une très forte instabilité politique. A l’heure actuelle, le mouvement ouvrier est saigné par une avalanche de licenciements, de délocalisations et de fermetures de sites de production. Mais il est le grand absent des discussions politiques. L’inévitable reprise du conflit social modifiera cette situation et réinitiera dans la société une discussion autour de la nécessité de construire un nouveau projet politique pour les jeunes et les travailleurs qui puissent prendre l’initiative de lancer une offensive frontale capable de mettre fin aux massacres sociaux que nous subissons actuellement.

  • Un ex-rugbyman professionnel soutient Paul Murphy

    L’ancien joueur international irlandais de rugby à XV Trevor Hogan a décidé d’apporter son soutien à la campagne électorale de Paul Murphy pour l’élection européenne du 25 mai prochain.

    Il s’agit de la première personnalité issue du monde sportif professionnel irlandais à soutenir publiquement notre camarade dans cette campagne très importante pour conserver ce siège de parlementaire européen. Il n’est pas tout à fait surprenant de retrouver Hogan parmi les supporters de Murphy, puisqu’ils se sont tous deux rencontrés en juin 2011 dans la ‘‘Flottille de la Liberté’’ qui transportait de nombreux militants pour les droits palestiniens jusqu’à Gaza afin de tenter de briser le blocage de Gaza par les autorités israéliennes.

    Trevor Hogan : ‘‘Je soutiens pleinement Paul Murphy pour les élections européennes. Ayant appris à connaître Paul dans le cadre de la flottille vers Gaza, j’ai été vraiment impressionné par sa passion et son énergie à lutter contre l’injustice. Il y a très peu de voix qui se lèvent avec tant de force contre l’impérialisme et l’agenda néolibéral du capitalisme cupide et effréné qui commence à dominer dans toute l’Europe. Son intégrité et sa résistance, ainsi que la capacité à exprimer clairement une véritable alternative fondée sur la justice économique et sociale, est quelque chose que je n’oublierai jamais, et c’est quelque chose qui eut un réel impact dans le Parlement européen que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre.’’

    Positionné en deuxième ligne, Trevor Hogan a joué quatre fois pour le compte du XV du Trèfle, l’équipe d’Irlande de rugby à XV, dont un match du Tournoi des Six Nations en 2007. Entre 2002 et 2011, il a joué 109 matchs de ‘Celtic League’ (actuelle ‘Pro12’, compétition professionnelle regroupant des provinces et franchises d’Irlande, d’Ecosse, du Pays de Galles et d’Italie), d’abord pour le compte de la province du Munster (sud-ouest : Cork, Limerick), puis pour la province du Leinster (sud-est : Dublin). Hogan avait mis un terme à sa carrière début 2011, à 31 ans, à cause d’une blessure au genou persistante.

    Retrouvez ici une interview de l’eurodéputé Paul Murphy embarquant à bord de la deuxième ‘‘Flottille de la Liberté’’ pour Gaza.

    Site web de l’eurodéputé Paul Murphy : www.paulmurphymep.eu

  • Paul Murphy dénonce le chantage du FMI en Ukraine

    le député européen Paul Murphy, élu de notre parti-frère irlandais le Socialist Party, a dénoncé dans l’enceinte du parlement européen le chantage opéré par le Fonds Monétaire International et toute l’hypocrisie des puissances occidentales concernant la situation en Ukraine.

  • Conférence antifasciste internationale en Grèce : “No pasaran!”

    Du 11 au 13 avril dernier, quatre mille militants antifascistes issus de toute l’Europe se sont réunis à l’École des Beaux-Arts d’Athènes afin de discuter des expériences tirées de la lutte contre le néofascisme, l’extrême-droite et la crise capitaliste. Si la plupart des participants ont assisté aux concerts, aux productions théâtrales et aux projections de films antifascistes, plus d’un millier de militants ont participé aux meetings et ateliers de discussion.

    Par des correspondants du Comité pour une Internationale Ouvrière

    20 pays différents et 32 organisations antifascistes étaient représentés à cet événement, en plus des 30 organisations d’Athènes et du Pirée. Tous les participants étaient bien entendu venus témoigner de leur solidarité et de leur soutien à la lutte menée contre le racisme, le fascisme et l’austérité en Grèce, mais il était également question de construire une coordination européenne antiraciste et antifasciste. Un sérieux pas en avant.

    Il était frappant de voir à quel point était forte la compréhension qu’il faut absolument lier le combat antifasciste à la lutte anticapitaliste. De manière générale, les débats ont tous révélé le sérieux des participants et les discussions étaient d’un niveau politique élevé. Les rapports livrés par les militants antifascistes issus de pays où l’extrême-droite est particulièrement développée – comme la France, la Hongrie ou l’Ukraine – ont bien entendu retenu une grande attention et ont été de très importantes contributions.

    Des dates de mobilisation internationale

    Les militants de la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière (Xekinima) ont été les premiers à défendre le besoin d’une telle initiative de coordination internationale antifasciste il y a de cela un an environ, à l’occasion d’un festival antiraciste organisé en juin dernier à Athènes. Différentes sections du CIO étaient représentées, et notre camarade le député irlandais Joe Higgins (Socialist Party, CIO-Irlande) était notamment venus en Grèce et était l’un des principaux orateurs au meeting central du samedi, où il a pu compter sur un excellent accueil dans une salle remplie de militants désireux de développer la bataille contre le fascisme et le racisme en Europe.

    Diverses propositions concrètes sont sorties de cet événement, dont l’idée d’organiser une ‘‘Journée européenne d’action et de solidarité’’ antifasciste le samedi 8 ou le dimanche 9 novembre. La date du 9 novembre est une date traditionnellement liée à la lutte antifasciste, en référence à la Nuit de Cristal du 9 novembre 1938 (un pogrom contre les juifs organisé par le régime nazi dans toute l’Allemagne). D’autres suggestions ont été faites pour la tenue d’activités commémoratives en hommage aux militants antifascistes assassinés par des néonazis l’an dernier, Clément Méric en France (le 5 juin) et Pavlos Fyssas en Grèce (le 18 Septembre). Un représentant du mouvement ‘‘Alter Summit’’ a notamment approuvé cette idée d’organiser des journées de protestation communes. Il a également été question de lancer un site internet international.

    Joe Higgins, député irlandais du Comité pour une Internationale Ouvrière, était présent à l’événement, de même que des représentants de plusieurs sections du CIO.

    En Grèce, le mouvement antifasciste a joué un rôle déterminant pour empêcher que les fascistes d’Aube Dorée ne dominent les rues. La lutte du mouvement des travailleurs contre l’austérité a connu un certain ralentissement ces derniers temps, mais le mouvement antifasciste est lui en plein développement. Il s’agit actuellement du principal terrain de la lutte sociale à travers le pays. Des luttes remarquables sont toutefois menées par des travailleurs, à l’instar de l’occupation de l’usine Vio.Me, un combat dont il a souvent été question dans les discussions. Il y a deux ans, ces travailleurs ont refusé la fermeture de leur usine, ils ont pris en charge la production du site et l’ont réorganisée de façon à également respecter l’environnement. Les travailleurs de Vio.Me étaient présents à la conférence antifasciste, et ont notamment tenu un stand d’information et de vente de leurs produits.

    L’exemple des comités antifascistes grecs

    Nikos Kanellis, membre de Xekinima et figure de proue du mouvement antifasciste dans la ville de Volos et dans la région de Magnésie, a expliqué comment les comités antifascistes y avaient été construits, en partant de la mise en place d’un réseau de partis, de groupes et d’individus qui voulaient combattre le fascisme et la politique d’austérité. Les militants n’avaient aucune intention de laisser se répéter la traditionnelle erreur de la gauche grecque : laisser les choses se faire ‘‘spontanément’’, sans le moindre suivi par la suite. Leurs efforts ont visé à construire pas à pas une intervention conséquente et soutenue avec un plan d’activités dans les diverses communautés. C’est ainsi que des festivals et des manifestations ont été organisées, mais aussi tout un travail de solidarité à destination des personnes marginalisées et pauvres, avec collecte et distribution de nourriture pour les familles dans le besoin. Il s’agit d’une manière de bloquer la pénétration d’Aube Dorée dans ces quartiers tout en facilitant l’implication de la population dans la lutte antifasciste. Des actions de blocages ont aussi été mises sur pied pour protéger les rues de la présence fasciste et les militants sont par exemple parvenus à faire dégager les militants d’Aube Dorée lorsqu’ils ont tenté d’ouvrir un bureau dans la ville de Volos. Cet exemple aujourd’hui est connu dans toute la Grèce et sert d’élément inspirant pour tous les militants antifascistes.

    La conférence était sous surveillance de la part des antifascistes afin de prévenir de toute attaque des militants d’Aube Dorée, mais ils ne se sont pas suffisamment sentis en confiance pour attaquer un aussi grand rassemblement. De manière générale toutefois, l’activité d’Aube Dorée continue de représenter un grand danger, tout particulièrement pour les immigrés. Juste avant la tenue de la conférence antifasciste, Aube Dorée avait encore lancé une attaque dans le quartier où a vécu Pavlos Fyssas.

    La nécessité d’un front uni de résistance

    Le gouvernement grec est passé à l’offensive contre Aube Dorée à l’automne, après l’assassinat de Pavlos Fyssas. Mais les militants grecs n’entretiennent aucune illusion quant au rôle du gouvernement Samaras, qui comprend un puissant noyau d’extrême-droite, dans le cadre de la lutte antifasciste. Ce qu’il manque cruellement aujourd’hui, c’est une plus large collaboration entre partis de gauche. Le fait que la gauche refuse de se réunir pour mener ensemble la lutte y compris contre le danger fasciste constitue un gigantesque avantage pour le camp du capital.

    Parmi les orateurs français se trouvait Alain Krivine, qui a parlé des inquiétants développements qui ont pris place en France, dont les manifestations et violences homophobes et la violence envers les femmes et plus particulièrement des musulmanes, en soulignant d’autre part l’absence d’une gauche combative et d’une opposition syndicale contre l’austérité.

    L’un des éléments de discussion amené par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a été la manière dont notre section suédoise (Rätttvisepartiet Socialisterna) s’est préparée à contrer l’extrême-droite, y compris dans des moments plus ‘‘calmes’’, jusqu’à 2013 et l’attaque fasciste à Karrtorp (Stockholm). La Suède a connu par la suite la plus grande mobilisation antifasciste de son histoire, avec 20.000 manifestants à Stockholm et 20.000 manifestants dans une trentaine d’autres villes. En mars dernier, 10.000 personnes ont encore manifesté à Malmö après une tentative de meurtre commise par un fasciste. Aujourd’hui, des activités antiracistes sont organisées toutes les semaines en divers endroits du pays. Un participant danois à la conférence a expliqué que 300 antiracistes étaient partis du Danemark, où les attaques racistes sont en hausse, pour rejoindre la manifestation de Malmö. L’orateur de Sozialistische Alternative (CIO-Allemagne) a quant à lui abordé l’expérience de la lutte contre le nazisme en Allemagne dans l’entre-deux guerres. Des centaines de milliers de travailleurs sociaux-démocrates et communistes étaient prêts à se battre, mais leurs dirigeants ont refusé de mener le combat en commun, une division qui a ouvert la voie à l’accession des nazis au pouvoir. Une discussion a également eu lieu par skype avec une centaine de participants à une réunion antifasciste parallèle organisée à Berlin.

    Un grand partage d’expérience

    Plusieurs organisations représentaient le mouvement antifasciste en Turquie, à Chypre, au Portugal et en Italie de même que dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. En Bulgarie, où le nationalisme est largement développé, les fascistes sont autorisés à patrouiller en rue et à effectuer des contrôles d’identité. Ils dominent totalement les clubs de supporters de foot. En Hongrie, le parti néofasciste Jobbik est passé de 17 à 23 % aux dernières élections, et ils disposent d’une certaines implantation parmi la jeunesse de la classe moyenne et à la campagne. Des représentants ukrainiens de l’organisation Borotba ont organisé un atelier spécial sur la situation en Ukraine.

    Dix ateliers de discussions étaient organisés en marge des sessions plénières. Un des ateliers était consacré à l’Europe-forteresse, à la question des sans-papiers et à la lutte pour la fermeture des horribles camps de réfugiés à travers toute l’Europe et contre les assassinats aux frontières. Un autre a abordé plus spécifiquement l’antifascisme dans le milieu du football, un autre le travail avec les médias. L’atelier consacré à la lutte contre le sexisme, l’homophobie et la transphobie a bénéficié d’une fort large participation et, plus généralement, les discussions ont été nombreuses au sujet des expériences personnelles de harcèlement.

    Lenny Shail de Coventry, représentante de ‘‘Youth Fights For Jobs’’ et militante du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles (section du Comité pour une internationale Ouvrière) a souligné la nécessité de construire un relais politique du combat antifasciste. À Coventry, où il y a eu une tradition d’élus défendant les idées du socialisme et offrant une alternative politique aux travailleurs et aux jeunes en colère contre la politique capitaliste, les groupes fascistes et racistes comme le British National Party (BNP), le National Front (NF) et l’English Defense League (EDL) n’ont jusqu’à présent pas été en mesure de se construire dans la région.

    Conclusion

    La lutte antifasciste sera l’un des thèmes abordés à l’occasion de notre journée “Socialisme 2014” le 3 mai prochain. Un atelier aura notamment pour thème : “Europe : quelle lutte antifasciste ?”, avec Geert Cool (porte-parole de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster) et Mitsos Pantazopoulos, un militant antifasciste grec membre de notre parti) frère Xekinima. Participez vous aussi à cet événement !

    Les militants de Xekinima, qui figuraient parmi les principaux organisateurs de la conférence, se sont déclarés satisfaits des résultats, qui avaient dépassés leurs attentes.

    Les militants antifascistes grecs à l’initiative de la conférence sont parvenus à poser les bases d’un puissant mouvement qui a notamment été en mesure d’organiser des manifestations antifascistes dans une vingtaine de villes et dans 16 endroits différents d’Athènes immédiatement après l’assassinat de Pavlos Fyssas.

    La tenue de cet événement international est de grande importance. L’internationalisme doit faire face au racisme et au fascisme. Les militants de gauche et antifascistes à travers l’Europe seront invités à considérés les propositions que fera le comité de coordination mis en place à cette conférence.

  • Bosnie-Herzégovine. Quel programme défendre dans les mobilisations?

    Plusieurs semaines ont maintenant passé depuis que les manifestations militantes ont éclaté en Bosnie-Herzégovine. Sonja Grusch livre ici le rapport de sa récente visite dans ce pays, en compagnie d’autres partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière, et des discussions qu’ils ont pu avoir avec des manifestants et des activistes de gauche.

    Par Sonja Grusch, Socialist Left Party (CIO- Autriche)

    A Tuzla et à d’autres endroits, on peut voir les bâtiments gouvernementaux incendiés pendant les manifestations lorsque les travailleurs en colère, les jeunes et tous ceux qui se sont soulevés contre l’élite corrompue se sont rassemblés. Des affiches sont apparues, sur lesquelles on pouvait lire : « Mort au nationalisme », « Voleurs » et « Révolution ». Un activiste avec lequel nous avons discuté a expliqué que les manifestations ont été « comme une explosion ».

    La frustration et le pessimisme sont présents dans toutes les discussions. Le taux de chômage varie en fonction des sources. Officiellement, c’est plus de 40%, mais en réalité, c’est beaucoup plus haut, atteignant 70% dans certaines régions. Dans un groupe de sept jeunes que nous avons rencontrés dans une ville à la frontière serbe, un seul avait un travail. Il n’y a pas de lait pour le café, car c’est trop cher. Pour beaucoup de jeunes, la seule perspective d‘un avenir décent est de quitter le pays. Les manifestations qui ont éclaté en février peuvent changer cette manière de voir ainsi que les perspectives de la population.

    A la différence des autres manifestations récentes dans le monde, la classe des travailleurs a joué dès le début un rôle important dans les actions tenues en Bosnie-Herzégovine. Il y a eu un certain nombre de manifestations de travailleurs ces dernières années, principalement contre les effets catastrophiques des privatisations. « Les privatisations criminelles », comme on les décrit souvent, sont un facteur important pour le mouvement de protestation. Stopper les privatisations et revenir sur celles qui ont déjà eu lieu est une des principales revendications défendues.

    Tous le pouvoir aux assemblées ?

    Depuis que les manifestations ont éclaté, des assemblées ont été instituées dans plusieurs villes. Elles se réunissent pour discuter de leurs exigences et de la façon de les formuler. Elles ne ressemblent en rien aux autres assemblées que nous connaissons habituellement, dans les manifestations étudiantes d’Europe occidentale ou du Sud par exemple, où les discussions tendent à durer éternellement sans qu’aucune décision ne soit prise. Celles-ci sont structurées, planifiées, clairement préparées et disposent d’un ordre du jour précis. Tout le monde peut prendre la parole, mais uniquement pour de courtes interventions. A l’assemblée de Tuzla, les décisions ne sont pas prises immédiatement ; les propositions des groupes de travail sont présentées, puis d’autres choses sont discutées et les décisions sont prises uniquement à l’assemblée suivante pour laisser plus de temps pour en discuter dans les groupes de travail. Jusqu’à présent, ces assemblées se sont développées dans plus de 10 villes représentant la plupart des cantons de la Fédération. Les assemblées se coordonnent, se rencontrent et ne vont aux négociations avec les représentants de l’Etat qu’en accord avec les autres assemblées.

    Mais elles ne ressemblent pas pour autant aux soviets qui ont été développés pendant les révolutions russes de 1905 et 1917, des conseils démocratiques de masse constitués de travailleurs et d’opprimés, généralement mis sur pied par des délégués élus, qui constituaient la base sur laquelle la classe des travailleurs, emmenée par le parti Bolchevique, a été capable de prendre le pouvoir. Ce mouvement dispose néanmoins d’un énorme pouvoir, les gouvernements régionaux et locaux s’étant déjà retirés, tels les gouvernements des cantons de Tuzla, Una-Sana, Sarajevo et Zenica-Doboj. Le pouvoir se trouve – ou peut-être s’est trouvé pendant quelques jours – littéralement dans les rues ou dans les assemblées. Il y avait des éléments de double pouvoir qui se développaient, où l’Etat précédent et les autorités régionales n’avaient plus le contrôle complet et où les mouvements dans les rues, ainsi que les assemblées, avaient le potentiel de se développer pour se battre afin d’arracher le pouvoir. Mais comme le mouvement n’a plus fait de pas en avant, la balle est à nouveau revenue dans le camp de la classe dirigeante. Un des organisateurs des assemblées a expliqué qu’ils ne voulaient pas faire le sale boulot des gouvernements en envoyant des gens des assemblées pour diriger l’agenda gouvernemental. Un bon point, vu les gouvernements pro-capitalistes en place, mais aucune stratégie alternative n’a été mise en avant.

    En ce moment, les assemblées discutent et votent bon nombre de revendications – principalement contre la corruption et pour inverser les privatisations. De nouveaux candidats à des postes gouvernementaux sont venus aux assemblées pour se présenter, mais ils sont dans une large mesure choisis par la vieille élite. Bahrija Umihanic, professeur à l’Ecole d’Economie, petit homme d’affaire et candidat au poste de chef exécutif du gouvernement cantonal de Tuzla, est venu à l’assemblée de Tuzla. Il a présenté son « programme » et les gens pouvaient le commenter et lui poser des questions auxquelles il devait répondre. Certains étaient heureux de voir une alternative aux politiciens dont ils savent déjà qu’ils sont corrompus. Mais beaucoup ont eu le sentiment qu’il était juste un autre du même genre, qui ne représente pas leurs intérêts.

    D’autres essaient de faire du lobbying pour leurs amis ou pour eux-mêmes afin d’être mis en avant comme candidat. Nous en avons rencontré un, professeur à l’université technique, qui veut être ministre de l’Energie et présente fièrement ses titres académiques. Il semble que les développements de la situation poussent des individus qui veulent avoir leur part du gâteau de la corruption (suite au processus de l’Accord de Dayton à la fin de la guerre civile, il y a 13 gouvernements régionaux et plus de cent ministres, et donc beaucoup de postes très bien payés). Ceci montre que les assemblées et beaucoup de ceux qui y participent travaillent toujours dans le cadre non seulement de la logique capitaliste, mais aussi de la démocratie bourgeoise formelle. Ils ne mettent pas en avant un concept ou un système alternatif de gouvernance mais visent dans le meilleur des cas à remplir les structures et les gouvernements existants avec de « meilleures personnes ». Ils pourraient donc finir avec une « réforme de l’état » qui réduirait le nombre de gouvernements, ministres et autres fonctions, mais ne changerait pas le système pour autant la nature même du système.

    Pas de stratégie pour la prochaine phase de la lutte

    Les assemblées ont leurs forces et leurs faiblesses. Le principal problème est qu’elles n’ont aucune stratégie quant à ce qu’il convient de faire ensuite. Tant que le mouvement est fort et que la mobilisation se poursuit dans les rues ou sur les lieux de travail, la classe dirigeante doit en tenir compte et même faire quelques concessions. Mais dès le mouvement se réduira de lui-même à force de discuter et de mettre en avant des revendications sans avoir la capacité de faire pression sur l’élite dirigeante pour y répondre, alors les assemblées pourront devenir un frein pour le mouvement. La composition sociale de celles-ci a déjà changé. Les assemblées ne sont pas des corps délégués de représentants élus des lieux de travail et des quartiers, ils sont ouverts à n’importe qui. Elles sont dominées par des gens âgés de plus de 35 ans, on trouve à peine quelques jeunes participants. Et bien qu’il y ait des gens de la classe des travailleurs et des représentants syndicaux, le plus grand groupe représenté semble être celui des académiciens. Ils sont consciemment orientés vers la classe ouvrière et viennent d’un milieu de gauche, mais la classe ouvrière en elle-même n’est pas la force dominante des assemblées.

    La Gauche est également présente, mais masquée. Les organisations politiques ne font pas officiellement partie des assemblées ; l’idée est de garder les partis établis en dehors. Mais ils y sont de toute façon, ils restent juste cachés. Et beaucoup des participants sont membres de plusieurs groupes de Gauche. Quand nous avons pris la parole pour apporter nos salutations de la part du Comité pour une Internationale Ouvrière et que nous avons sorti notre matériel politique, nous étions un peu inquiets qu’une atmosphère anti-organisations puisse constituer un problème. Mais rien de tout cela n’est arrivé. Nous étions les bienvenus ; presque tout le monde a pris nos brochures et nos tracts, et nos prises de parole ont pu compter sur un écho très positif. Malgré la forte atmosphère anti-parti, cette ouverture a illustré la soif de solidarité internationale et des idées du socialisme, ainsi que la compréhension que tous les partis ne sont pas identiques. Il se pourrait qu’en n’intervenant pas ouvertement, les forces de Gauche ne parviennent pas à construire des forces organisées pour la prochaine vague de la lutte.

    Seuls deux jeunes hommes ont critiqué nos brochures appelant à un socialisme démocratique. Mais ils étaient de toute évidence d’un milieu d’extrême droite ou nationaliste et n’ont en fait parlé de manière positive que des forces néo-fascistes actives en Ukraine. Mais certains de leurs points ont toutefois su faire mouche et ils ne sont pas isolés dans les critiques portées sur la direction adoptée par le mouvement. Les assemblées et les forces politiques qui les dirigent (même s’il n’y a officiellement pas de dirigeants), choquées par les confrontations violentes, ont mis l’accent sur les assemblées plutôt que sur les mobilisations en rue. Ils ne semblent avoir aucune idée de la stratégie adéquate pour intensifier la lutte et réagir si la classe dominante et ses représentants politiques ne répondent pas positivement aux revendications des assemblées.

    Nous n’avons pas vu non plus de signes évidents de campagne politique de masse ; nous n’avons pas vu de brochures, ni d’invitations à des meetings, ni de journaux d’organisations politiques. Les seules affiches visibles à Tuzla sont celles de l’extrême droite nationaliste. Le manque de ressources ne peut expliquer le manque de matériel politique. Les représentants des organisations de Gauche que nous avons rencontrés ont tous pris part au mouvement, mais sans offrir les capacités de leurs organisations comme instrument destiné à diffuser et élargir le mouvement ou pour discuter plus en profondeur des idées à défendre. Cette façon de s’incliner devant l’atmosphère anti-parti et de n’avoir aucune confiance en soi pour expliquer pourquoi une organisation socialiste est nécessaire pour renverser le capitalisme est une manière bien trop prudente d’intervenir, cela reflète l’absence de toute tradition de campagne socialiste au cours de ces dernières dizaines d’années. L’expérience politique de la Yougoslavie et ensuite de la nouvelle Bosnie-Herzégovine capitaliste n’ont pas aidé à développer ces traditions.

    Ceci a pour effet négatif qu’aucune force organisée n’intervient dans le mouvement. Aucune nouvelle étape n’est planifiée et la question de la lutte pour le pouvoir n’est pas discutée. Ceci donne la possibilité à la classe dirigeante d’attendre et d’observer ce qui arrive et d’espérer que le mouvement s’essouffle et s’arrête de lui-même. Ceci n’arrivera pas à court terme, vu l’importance des problèmes sociaux et de la colère contre l’élite corrompue.

    Si des résultats réels ne sont pas acquis – c’est-à-dire un changement allant plus loin que des mesures purement formelles – alors il pourrait y avoir une nouvelle vague de protestations. L’extrême droite et les forces nationalistes se préparent déjà à saisir leur chance dans pareille situation. Les réactionnaires tentent d’intervenir dans les assemblées de façon très consciente et ils seront en mesure d’obtenir un certain soutien, particulièrement de la part des jeunes, si les participants au mouvement constatent qu’aucun réel résultat n’arrive et qu’il n’existe pas d’alternative crédible à Gauche.

    Le prochain chapitre

    Il est clair que le mouvement n’est pas encore fini. Il s’est calmé, certes, mais peut encore exploser à n’importe quel instant puisque les causes du déclenchement initial des protestations sont toujours bien présentes. Mais les forces de la Gauche et les activistes de la classe ouvrière doivent intervenir de manière organisée et développer des propositions qui vont plus loin que de simples revendications. Ils doivent s’occuper des espoirs – ou plutôt des illusions – de l’UE. La Bosnie-Herzégovine veut devenir membre de l’UE – elle a signé un pacte de libre échange – et veut également rejoindre l’Organisation Mondiale du Commerce. Les gens attendent des investissements de la part de l’Union Européenne, et de là une augmentation du niveau de vie. Mais les 20 dernières années d’intervention européenne ont illustré que les capitalistes européens ne considèrent la Bosnie que comme destination pour vendre leurs biens et, dans certains cas, pour être utilisée comme main d’œuvre bon marché. Dans la plupart des entreprises privatisées, aucun investissement n’est survenu, elles ont même la plupart du temps été fermées afin d’éliminer la concurrence. Près de 90% du secteur bancaire est aux mains de banques étrangères. En quoi tout cela pourrait-il bien changer avec une intégration formelle dans l’UE, tout particulièrement au vu de la situation économique difficile dans laquelle se trouvent aujourd’hui les pays de l’Union?

    Les forces de Gauche qui interviennent dans le mouvement de protestation doivent soulever ces problèmes et expliquer quelles sont les politiques de l’UE dans le reste de l’Europe, particulièrement en Grèce, en Espagne et au Portugal. Elles doivent leur faire comprendre que le capitalisme n’a pas d’avenir à offrir au peuple de Bosnie-Herzégovine. Les forces de Gauche doivent mettre en avant un programme d’action qui peut aider à obtenir la réalisation des exigences du mouvement et des assemblées. Cela inclut un programme et une stratégie qui peuvent aider à convaincre également la classe ouvrière et les jeunes de la République serbe de Bosnie (Republika Sprska). Jusque maintenant, il n’y a pas eu de manifestations de masse là-bas. Bien que la situation sociale y soit pire, les forces nationalistes bloquent toutes les tentatives d’organiser des manifestations. Les activistes qui ont essayé d’organiser des manifestations sur des bases similaires à celles de Bosnie-Herzégovine ont été harcelés et menacés.

    Une bonne prochaine étape pourrait être un appel à une journée d’action pour toute la Fédération, avec un appel lancé au peuple de la République serbe de Bosnie. Des grèves sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités pourraient faire partie de la mobilisation, mais le haut taux de chômage doit être pris en considération. Ainsi, ces grèves devraient se concentrer sur les grandes sociétés et être combinées à l’organisation de piquets de grève volants. Une telle journée de grève et d’action pourrait être soutenue à un niveau international avec des piquets et des manifestations dans les villes où vit la diaspora de Bosnie-Herzégovine (qui suit avec enthousiasme ce qui est en train de se produire là-bas) mais aussi devant les sociétés et les banques responsables du pillage du pays. Les entreprises qui n’ont pas payé leurs travailleurs depuis des mois devraient être reprises en main par les travailleurs, première étape vers le contrôle de l’économie, en cherchant à nouer des liens avec les lieux de travail similaires dans d’autres pays, tout spécialement dans les Balkans.

    Internationalisme

    Etant donné la petite taille de la Bosnie-Herzégovine, disposer d’une vision internationaliste est encore plus important. Le besoin d’un lien avec la lutte la classe des travailleurs de toute l’Europe est un point crucial. La diaspora bosniaque suit les événements avec un grand intérêt et fait déjà partie de cette internationalisation. La solidarité doit se développer sur une claire position de classe, en relation avec les syndicats, les représentants syndicaux et les militants de la classe des travailleurs. Mais ce n’est pas qu’une question de solidarité internationale. Les problèmes auxquels font face les gens de la classe des travailleurs dans le monde entier sont, à la base, liés au capitalisme et à ses crises, et les discussions à propos des alternatives et du combat pour y parvenir ont également lieu de manière internationale. Une leçon du passé est que, bien que le renversement du système capitaliste – la racine de la corruption, de l’exploitation et de la pauvreté – soit possible à un niveau national, pour s’assurer un changement de société fondamental et durable, la transformation socialiste a besoin d’avoir lieu à un niveau international, en commençant avec la destruction de l’emprise capitaliste sur l’économie mondiale.

    Il est nécessaire d’ouvrir le débat concernant la manière de diriger l’économie et la nécessité d’une alternative socialiste, y compris en abordant les expériences de la Yougoslavie et de l’ère de Tito, mais aussi de ce qui s’est passé depuis. La sympathie est encore très vive pour Tito, sa photo est brandie partout et beaucoup de références positives sont faites dans le mouvement à propos de son règne. Mais il faut sincèrement discuter de l’échec du modèle yougoslave et du modèle de gouvernement bureaucratique vertical qui étouffe l’économie. C’est là qu’a commencé le chemin conduisant à la restauration du capitalisme et au développement des tensions nationalistes exploitées par les différentes factions de l’élite au pouvoir, les nouveaux capitalistes et les puissances capitalistes étrangères. Il faut reconnaître que ce processus n’a pas commencé juste après la mort de Tito : il a puisé ses racines au sein du modèle yougoslave de « socialisme » dénué de démocratie réelle des travailleurs, comme c’était d’ailleurs le cas dans les états d’Europe de l’Est. Un facteur clé dans l’écroulement du « modèle yougoslave », après l’échec de ses tentatives de créer le « socialisme dans un seul pays », a été l’ouverture au capitalisme qui a conduit aux crises économiques des années ’80, lorsque les salaires réels ont chuté d’un quart sur fond de chômage de masse. Tout ceci doit faire partie du processus de discussion qui est en train d’éclore.

    Les traditions antifascistes et anticapitalistes sont encore relativement fortes en Bosnie-Herzégovine. Les expériences de la guerre civile désastreuse des années ‘90 ont fait prendre conscience à la classe des travailleurs des dangers du nationalisme réactionnaire et des divisions ethniques et religieuses. Cela ne veut pas signifie toutefois pas que le nationalisme et les divisions nationalistes ne pourraient pas faire leur retour si le mouvement ne n’arrache pas la victoire et que les forces de l’aile droite parviennent à exploiter la situation. Mais les traditions antifascistes et anticapitalistes sont des bases sur lesquelles les nouvelles forces de Gauche peuvent se construire dans le cadre de la lutte pour un avenir socialiste démocratique pour la Bosnie-Herzégovine, ainsi que pour l’ensemble des Balkans, pour une fédération socialiste démocratique libre et égalitaire.

  • “Notre travail, c’est déjà une lutte au quotidien, on était prête à résister!”

     Débat sur la lutte des travailleuses grecques du secteur du nettoyage organisé par Syriza-Belgique

    Par Marisa et Maud (Bruxelles)

    Ce 5 avril 2014, au lendemain de l’euro-manifestation, Syriza-Belgique organisait à Bruxelles un débat autour de l’action entreprises par les travailleuses grecques du secteur du nettoyage mises en disponibilité par le Ministère des Finances, une lutte menée avec détermination depuis huit longs mois pour récupérer leur emploi. Ces travailleuses sont organisées en un comité d’actions spontané, elles sont peu voire pas du tout soutenues par le syndicat et assurent une présence quotidienne devant la caisse d’impôts d’Athènes pour y réclamer l’emploi dont l’État grec les a privées pour servir les diktats de la Troïka.

    En effet, l’Europe impose à la Grèce de licencier un certain pourcentage de travailleurs du secteur public à titre d’ « assainissement ». Ce cas précis illustre bien toutes les contradictions du système capitaliste. En vue de satisfaire les exigences d’austérité au niveau des services publics, les travailleuses en place sont mises en disponibilité et seront officiellement licenciées au mois de mai pour être remplacées par des travailleuses du secteur privé, certes moins bien payées qu’elles mais, au final, l’opération coûtera plus cher à la communauté à cause de l’interférence d’une entreprise de sous-traitance et aussi, dans une moindre mesure, du fait que les travailleuses licenciées n’ont, à présent, plus les moyens de payer leurs impôts.

    Les travailleuses en poste au service de nettoyage du Ministère des Finances semblaient la cible toute trouvée. Ce service était, en effet, composé exclusivement de femmes, toutes âgées de plus de 50 ans et dont on pouvait imaginer qu’elles n’opposeraient aucune résistance à leur licenciement. Grave erreur ! Malgré la violente répression dont la police a fait preuve face à leurs actions, blessant certaines d’entre elles, elles sont plus que jamais déterminées à poursuivre la lutte. Elles souhaitent servir d’exemple à leurs concitoyens qui sont tous dans une situation qu’on pourrait qualifier de guerre économique ou de mort à petit feu. Le taux de chômage en Grèce atteint les 27%, pour les femmes, c’est du 62.8%. Le nombre de suicides a d’ailleurs explosé : on en dénombre 7.000 depuis le début de la crise, l’équivalent de la disparition d’une petite ville.

    Le combat exemplaire de ce groupe de femmes de ménage est maintenant connu dans tout le pays et elles ont réussi à fédérer autour d’elles des travailleurs d’autres secteurs – qu’ils soient déjà licenciés ou encore en service – comme, par exemple, le personnel de garderie au sein des écoles, des professeurs mais aussi des syndicalistes du métal qui ont mené une grève de huit mois et elles reçoivent beaucoup de soutien d’une manière générale. La lutte des travailleurs de la télévision publique qui continuent à émettre sur internet leur sert de motivation aussi.

    C’est à la fin du mois d’août 2013, à l’annonce de leur licenciement, que le comité d’actions s’est spontanément constitué, lors d’une assemblée après un appel aux volontaires.

    C’est donc les travailleuses elles-mêmes, avec le soutien de la campagne « Solidarity for All » (www.solidarity4all.gr) qui, depuis septembre 2013, organisent des actions de protestation quotidiennes devant le Ministère des Finances à Athènes pour revendiquer leur droit au travail, à la sécurité sociale et à leurs pensions. Tout ce dont elles ont été privées au nom de l’austérité.
    Au cours du débat avec la salle, l’énorme exode de la jeunesse que connaît le pays actuellement a été mis, à plusieurs reprises, en parallèle avec l’immigration massive de la population grecque dans les années 1950. Plusieurs personnes ont pu témoigner de la misère et de la forme d’esclavage dans lesquelles se trouvaient les travailleurs grecs immigrés à cette époque. Il a aussi été souligné que la fuite des jeunes Grecs à l’étranger fait l’affaire de l’establishment puisqu’étant hors du pays, ils sont privés de leur droit du vote alors qu’ils pourraient constituer une menace à la réélection des politiciens en place. Plusieurs participants espéraient que les jeunes tirent les leçons enseignées par l’Histoire et témoignaient d’une forme de désillusion de la jeunesse à ce stade face au manque de perspectives et à l’énorme répression des mobilisations. Cependant, elles rappelaient aussi que la jeunesse a mené plusieurs combats importants auparavant contre les privatisations dans l’enseignement et pourraient très vite se remobiliser.

    Il a été aussi mis en avant comment la profondeur de la crise et l’austérité sauvage ont polarisé la société grecque. Un des résultats a été la montée d’Aube Dorée, responsable d’attaques brutales contre immigrants et activistes de gauche et encore troisième force politique du pays. Les travailleuses à la tribune regrettaient le sort de Mamadou Ba, présent dans l’assemblée, et lui ont réaffirmé leur solidarité. Il s’agit de ce jeune militant antifasciste immigré guinéen contraint de quitter la Grèce après avoir subi une terrible attaque d’Aube Dorée. Cela montre la nécessité urgente d’élargir le mouvement antifasciste jusqu’à présent mené par des organisations comme Xekinima (section grecque du CIO), quelques composantes de Syriza et Antarsya, organisations antiracistes et d’autres activistes non-organisés.

    Il a été rappelé à plusieurs reprises que la Grèce sert de laboratoire à l’Europe et que des recettes identiques sont utilisées dans d’autres pays pour casser les mouvements de contestation et se constituer une réserve de main-d’œuvre très bon marché. Qu’il est important d’en prendre conscience et de résister ensemble par-delà les frontières contre une Europe dont les travailleurs ne veulent pas et dont ils sont les victimes.

    L’une des travailleuses en lutte a conclu la rencontre en rappelant qu’il sera important de se souvenir de quelle Europe nous souhaitons au moment de voter le 25 mai prochain, qu’un gouvernement qui applique l’austérité n’est pas acceptable et qu’il faut que la Grèce, berceau de la démocratie, fasse tout pour la faire revenir cette démocratie qui aujourd’hui, n’est plus là !

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