Category: Europe

  • Municipales, pour le PS, la claque s’est transformée en déroute

    Le second tour est venu confirmer les premiers éléments d’analyse que pouvait donner le premier. L’abstention a encore progressé, établissant un nouveau record, 38%, après les 36,5% du 1er tour (et 4% de bulletins blancs et nuls). Elle a d’abord touché l’électorat jeune et les quartiers populaires. Le rejet de la politique de Hollande se reflète dans ce constat. Alors qu’il avait été élu avec au moins le vague espoir que les choses s’adouciraient un peu, il n’en a rien été. Et si l’on excepte des villes comme Paris, Nantes ou Lille et quelques autres, plus la ville a représenté un enjeu pour le gouvernement Hollande plus la défaite a été cinglante. Le Ps réussit même la prouesse de perdre Limoges, ville pourtant dirigée par un maire « socialiste » depuis 1912 sans discontinuer !

    Par la Gauche Révolutionnaire (CIO-France)

    L’UMP a du coup pu occuper l’espace mais sans recevoir un réel vote d’adhésion massif. Néanmoins, elle gagne des villes majoritairement à gauche comme Toulouse, et reprend ses villes traditionnelles comme Caen. En tout, 10 villes de plus de 100 000 habitants sont passées à droite, qui en dirige désormais 22 (contre 19 pour le PS , 1 pour les écologistes , 1 pour le pcf et 2 pour le centre). Dans les grandes agglomérations, les « métropoles », la droite risque d’être majoritaire : Lyon, Paris, Marseille… Et pour les villes moyennes, c’est tout aussi lourd, 155 villes de plus de 9 000 habitants ont basculé à droite. Mais le pourcentage total reste de 46% environ contre 45% en 2008, c’est bien évidemment la chute du PS qui permet à la droite de « prendre » des villes.

    L’UMP ne présente pas une politique différente de celle de Hollande. Ce qu’il a manqué, c’est une vraie force d’opposition dotée d’une implantation locale qui aurait permis à de nombreux électeurs d’avoir un autre choix que l’abstention pour marquer leur mécontentement voire leur rejet de la politique de Hollande.

    Le FN confirme sans s’envoler

    Le Front National a donc confirmé ses scores du 1er tour, gagnant 11 villes de taille modeste. Finalement, c’est sa victoire dès le premier tour à Hénin Beaumont, cœur du bassin minier, et à la mairie du 7ème secteur de Marseille. Dans ces endroits très populaires, frappés par le chômage de masse et la désindustrialisation, le FN a avant tout fait campagne sur un programme très social et en essayant d’incarner une opposition virulente au gouvernement PS-EELV. Enfin, l’aventurier Engelmann (il a d’abord été candidat à l’extrême gauche quand celle-ci faisait de bons scores avant de se tourner vers le FN quand celui-ci a ré-émergé) devient maire de Hayange, dans le bassin sidérurgiste de Lorraine, au moment même où la loi qui devait contrer les liquidations de sites industriels comme celui d’Arcelor Mittal, était repoussée par le Conseil constitutionnel sans provoquer beaucoup d’émotion dans les rangs du PS. Un peu comme si Hollande se satisfaisait de ce que chacune des mesures un tout petit peu à gauche qu’il avait formulé dans sa campagne présidentielle soit retoquée par une instance ou une autre (il en a été de même pour la pseudo imposition exceptionnelle des ménages les plus riches). Le FN n’a donc eu qu’à capitaliser le mécontentement social sans pour autant effectuer une percée gigantesque. Dans beaucoup de villes, une partie de ses électeurs s’est reportée sur le candidat de droite au second tour, et dans la plupart il progresse très peu entre les deux tours. En fait, son électorat s’est mobilisé dès le premier tour.

    Un potentiel pour le Front de Gauche ?

    C’est encore plus difficile de savoir ce que recoupent les résultats des listes à gauche du PS au second tour. Car le Front de gauche s’est présenté certaines fois sans une partie de ses composantes, notamment le PCF, d’autres fois avec EELV pourtant partie prenante de la politique de Hollande, et enfin parfois avec le NPA. Il est certes difficile de plaquer sur un scrutin municipal qui a été aussi bas politiquement (jusque dans le nom des listes bien souvent), mais il est clair que le FdG, notamment rassemblé avec toutes ses composantes et indépendamment du PS, avait fait de bons scores au 1er tour (sans pour autant retrouver ceux du PCF d’antan) bien que se présentant de manière autonome dans un nombre limité de villes. Au second tour, il est encore plus difficile d’avoir une vision uniforme. De fait, c’est l’érosion du PCF qui continue mais sur un rythme très lent et pas de manière inéluctable et continue. Si, de manière assez incroyable, la ville de Bobigny, située dans la banlieue rouge de Paris, passe à droite (tout un symbole), le FdG et le PCF conservent une implantation locale et ancrée dans les quartiers populaires. Le problème, c’est qu’à de rares exceptions, le PCF est incapable de reprendre une mairie qu’il a perdu, et que pour de nombreuses mairies qu’il dirige, c’est souvent au moyen d’une alliance avec le PS…

    Le 2nd tour est donc moins riche d’enseignements que le premier, notamment sur ce potentiel réel qui existe pour un Front de Gauche réellement indépendant du PS, tourné vers la masse des travailleurs, des chômeurs, des habitants des quartiers populaires, des jeunes… c’est avant tout en analysant les résultats du 1er tour que d’importantes leçons politiques peuvent être tirées.

  • Élections municipales françaises : un scrutin sanction

    Par la Gauche Révolutionnaire (CIO-France)

    La baffe a été sévère pour le PS. La politique du gouvernement a été largement sanctionnée que ce soit par une abstention record ou par un vote de défiance. L’UMP en retire un certain score et le FN, qui effectue un retour à ses meilleurs scores des années 90, plus encore. Mais ils s’en sortent surtout par rejet du PS et de ses alliés et non sur la valeur de leur programme, leur politique n’étant absolument pas différente sur le fond de celle du PS et Europe Ecologie – Les Verts (EELV). Ils récupèrent ainsi le fait d’être présenté comme «l’opposition» par absence d’une véritable opposition de gauche. Là où une liste organisait un début de rassemblement d’opposition de gauche au gouvernement et d’alternative à la politique du PS, qu’elle avait une audience, les scores ont été bons. C’est le cas de nombreuses listes du Front de Gauche en commun parfois avec le NPA. situé à un moment particulier, entre les affaires politico-judiciaires et les nombreux mauvais coups aux travailleurs et à la population donnés par le gouvernement Hollande-Ayrault, ce scrutin confirme d’une certaine manière le rejet important des politiciens et la forte nécessité d’une véritable alternative à la gauche du PS et d’EELV.

    Énorme recul de la gauche gouvernementale

    La « gauche de gouvernement » a fortement reculé entre les premiers tours des élections municipales de 2008 et 2014. Elle perd quasiment dix points, passant de 44,63% à 36,41%. Et même là ou par le passé (en 2001 notamment) elle arrivait à compenser un mauvais score national par des réussites symboliques, notamment dans les grandes villes, c’est complètement raté. Les résultats sont bien moins bons que prévus pour Hidalgo à Paris par exemple, à Marseille c’est un échec complet. Le PS perd 20% à Nantes (ville du 1er ministre), à Rouen (ville de la ministre des Sports) sans que le fait qu’EELV fasse une liste à part au 1er tour (pour fusionner au second) ne compense ce recul. En Guadeloupe, la liste du ministre de l’Outre Mer, V. Lurel connaît une vraie déroute, n’étant même pas qualifiée pour le second tour sur la commune de Vieux Habitants. A Lille, Martine Aubry perd 12% par rapport à 2008. Au delà des personnalités du PS identifiables avec le gouvernement, il y a des éléments locaux qui peuvent entrer en jeu, accentuant souvent le recul comme c’est le cas à Grenoble, Nancy ou Avignon, etc. Dans les villes moyennes et les banlieues ouvrières, le tassement du PS est tout aussi important.

    A Marseille, où le PS challengeait le maire actuel (Jean-Claude Gaudin), le PS il n’est que 3ème et ce ne sont pas seulement les querelles et les nombreuses affaires locales qui expliquent cela. Deux ans de politique d’austérité, de cadeaux aux plus riches, de refus de soutenir les travailleurs (le PS subit un net recul à Hayange, Florange, ou Forbach en Lorraine, où le candidat Hollande avait promis qu’il n’y aurait pas de fermeture du site d’Arcelor Mittal avant de décider de ne pas empêcher celle-ci), d’augmentation des impôts et des taxes pour les travailleurs et les classes moyennes, et le résultat est là. Si la gauche gouvernementale a massivement reculé entre les élections de 2008 et 2014, c’est à cause de la politique du PS et de ses alliés. Seule quelques villes (Grenoble où EELV prend une posture d’opposition et bénéficie du soutien du Front de gauche) font exception. Ainsi, quand on compte à part du « total gauche » les listes « d’union de la gauche » (PS, EELV et parfois PCF) et celles présentées par le PS seul ont chuté de plus de dix points, passant de 36,25% à 25,69%.

    La droite, un regain par défaut

    A droite, l’UMP arrive en tête en termes de chiffres sur le total. Bien que ne présentant pas une politique différente de celle du PS (ou le PS continuant la politique de l’UMP de Sarkozy, ça marche dans les deux sens) ce scrutin la favorise du fait qu’il se situe deux ans après l’élection de Hollande et alors que la droite ne dirige réellement aucune assemblée de manière significative : Assemblée nationale, Sénat et Régions sont aux mains du PS de même que les très grandes villes. Là où elle dirige la ville (Bordeaux, Marseille, etc.) c’est bien souvent en mettant de côté son étiquette UMP et en jouant la carte du « maire de terroir ». Ainsi, des villes qui votent majoritairement à gauche comme Bordeaux réélisent une fois de plus Juppé dès le premier tour. Mais ce succès ne va pas plus loin. La droite a ciblé les villes moyennes et son électorat classique s’est mobilisé. Mais il n’y a eu aucun enthousiasme pour l’UMP et sa politique. L’UMP ne profite pas vraiment de ce vote sanction. Les affaires et le dégoût des politiciens véreux (les procédures judiciaires se multiplient pour Sarkozy et elles sont toujours en cours pour Copé) pèsent, ainsi de la même manière que le ras-le-bol des mêmes politiques anti-ouvrières menées par Sarkozy et aujourd’hui Hollande. Bien souvent cependant, la droite n’évite pas un 2ème tour, même à Nice. Mais elle l’emporte dès le 1er tour dans une ville très ouvrière et longtemps bastion communiste comme Le Havre…

    Il n’est pas impossible que l’électorat du PS qui ne s’est pas déplacé au premier tour pour montrer sa mauvaise humeur, se mobilise un peu plus pour le second ne serait-ce que pour conserver certaines villes « à gauche » ou pour contrer le score du FN.

    FN : Regardons-y de plus près !

    Le FN arrive en tête dans 17 villes de plus de 10 000 habitants (sur 947 qui ont cette taille), et fait plus de 25% des voix dans 50 villes de plus de 1000 habitants (sur plus de 6000). Ses gros scores sont dans la basse vallée de la Seine, lourdement frappée les fermetures d’usine et le chômage de masse persistant : Le Havre, Elbeuf et PetitQuevilly en banlieue de Rouen, Hayange, Forbach en Lorraine… Il a également des scores assez importants dans les zones parfois semi rurales touchées de plein fouet par la crise et le déclin industriel (région de Saint-Etienne, Picardie, Alsace) où souvent la poignée d’entreprises qui existait avant soit a disparu soit n’emploie plus grand monde. Enfin, il confirme son implantation électorale dans le Sud (Gard, Var, Bouches du Rhône) et dans le Nord pas de Calais. C’est à dire dans des villes qui ont été des villes ouvrières socialistes ou communistes comme Hénin-Beaumont dans le Pas de Calais ou Brignoles dans le Var, Istres dans les Bouches du Rhône. A côté de cela, des villes qui ont depuis longtemps un électorat très à droite comme Fréjus ou Saint Gilles ont confirmé à ce scrutin une tendance qui existe depuis des années (ainsi, Saint Gilles où le candidat du FN, le très «people» avocat Gilbert Collard, est en tête, a été la première ville à avoir un maire FN en 1989).

    Le FN récolte les voix des gens qui ne voient plus d’autre choix, partout où la politique du PS depuis 20 ans a été celle de renoncements et de trahisons, de justifications des plans de licenciements. A côté d’une couche d’électeur certainement attirée par des idées racistes ou réactionnaire, il y a une grande majorité qui se sent à juste titre délaissée, oubliée voire trahie par les renoncements successifs de la « gauche ». Et au bout de 20 ou 30 ans d’un tel abandon, d’un tel chômage de masse, le score du FN est logique. D’autant que le FN n’a pas hésité à parier sur le long terme après son creux d’après 2002. A cette époque, d’une part les luttes sociales se multipliaient, d’autre part le score de Le Pen qualifié au second tour de la présidentielle montrait avant tout l’incapacité du FN à aller plus loin. Sarkozy reprenant certaines thématiques du FN a pu capter une partie de l’électorat, chose que l’UMP a moins pu faire cette fois-ci.

    Et quand on compare le nombre de voix fait par le FN à cette élection et celui de 1995 où le FN avait remporté plusieurs villes, la « progression du FN » n’est pas si importante. D’une part, le FN avait eu énormément de mal à présenter des listes aux municipales de 2008 dans de nombreuses villes, d’autre part, en 2001 ou 2008, des listes à gauche du PS recueillaient les suffrages du mécontentement social. Ainsi, en Seine-Maritime à Elbeuf ou au PetitQuevilly, le FN dépasse largement les 30% mais c’est parce qu’il est le seul en face du PS et de ses alliés, dans ces deux villes où aux scrutins précédent, il y avait des listes à gauche du PS qui avaient d’ailleurs obtenu des élus. Le FN n’a d’ailleurs pas vraiment de militants sur ces villes mais sa persistance à se présenter aux élections et le virage prétendument « social » du discours de Marine Le Pen leur a permis d’engranger un certain succès.
    Néanmoins, comme le montre le cas de Marseille ou celui d’Avignon, le FN réussi à capter à la fois un mécontentement social, qu’une force d’opposition de gauche pourrait relayer, et un vote réactionnaire plus « classique ». Béziers, Perpignan, ou Agen symbolisent plus des villes où les classes moyennes traditionnelles (petits patrons, artisan etc.) ne votent plus pour la droite classique mais pour le FN qui représente à leurs yeux la nouvelle droite.

    Comme nous l’écrivions dans l’Égalité, le FN reste un danger mortel pour les travailleurs. Mais son apparition et sa persistance n’est que le produit des trahisons de la « gauche » de gouvernement dont il n’y a plus rien à attendre aujourd’hui et du fait que les forces à la gauche du PS refusent de s’engager sérieusement dans la construction d’une opposition de gauche au gouvernement et au patronat. Les rares fois où il a pris une mairie, cela a été pour mener une politique antisociale (fermeture de centre sociaux, suppressions des aides aux associations sociales). Mais ayant subi de telles politiques par l’ensemble des gouvernements depuis 30 ans, une partie des électeurs laisse exprimer sa colère en votant pour le FN tandis qu’une majorité s’abstient.

    L’abstention a principalement touché les travailleurs, les chômeurs et les jeunes et semble t-il l’électorat traditionnel de gauche. Le malaise est clairement visible parmi les couches populaires. Le désaveu est grandissant. D’une manière générale, plus de moitié des habitants en droit de voter se sont abstenus ou font partie des non-inscrits soit environ 5 millions de personnes !

    Où en est l’opposition de gauche au gouvernement ?

    De fait, malgré la focalisation des médias sur le phénomène FN, les listes à gauche du PS ne font pas un si mauvais score. Les bons résultats du Front de Gauche malgré les dissensions en sont une bonne expression. D’après le parti de Gauche, les listes du FdG en indépendance par rapport au PS (donc parfois avec le NPA et parfois avec… EELV) font une moyenne de 11 % environ. Dans certaines banlieues ouvrières, les liste du type FdG/NPA (avec ou sans le PCF selon les cas) font effectivement des scores assez corrects, parfois à plus de 12%. C’est le cas dans la banlieue de Rouen, en Charente, dans la banlieue de Bordeaux, de Nantes, à Avignon, Chambéry, en Bretagne…

    Mais il y a aussi de nombreux endroits où le score est resté habituel pour une force de la « gauche de la gauche », entre 1 et 3 %. Idem pour les cas où LO (ou le NPA) se présentaient de manière classique. Ils n’ont rassemblé que leur noyau dur électoral, loin des scores qu’ils ont pu connaître en 2008 (pour le NPA) ou en 2001 pour LO. Le refus d’aller au delà des succès électoraux a certainement pesé, de même que l’incapacité du NPA (en fait de la LCR qui a lancé le NPA) à se construire de manière large et ouverte explique la désaffection des électeurs tout autant que la difficulté de la période économique et sociale actuelle qui voit de nombreuses luttes avoir du mal à triompher.

    De fait, plus le FdG a été en alternative au gouvernement plus les scores sont bons dans la plupart des cas. C’est en anticipation de cela que nous écrivions dans l’Égalité : «Notre choix de vote plus précis reposera sur le type de programme défendu par les listes, leur dynamique et leur volonté de défendre les travailleurs et la population et leur impact. Même si nous ne pensons pas que les élections peuvent à elle seules changer fondamentalement la donne politique, nous sommes en faveur de listes qui pourraient être un appui, en partie par leur audience, dans le débat sur la nécessité d’une opposition de gauche au gouvernement et au PS et EELV. »

    Pourtant, la déroute du PS n’a pas profité à la gauche de la gauche. Comme nous le défendions il aurait fallu des listes front de gauche et plus largement de gauche non gouvernementale sans ambiguïté vis-à-vis du PS partout en France.

    Il était indispensable dans ces élections de tenter de construire une alternative crédible, visible et audible au PS et à EELV. Nous partageons le point de vue de JL Mélenchon quand il dit qu’il aurait été préférable que le Front de Gauche et toutes ses composantes aient une ligne claire d’opposition au PS et présente des listes unitaires partout. Il est clair que de telles listes auraient permis que s’exprime au moins partiellement un début d’opposition de gauche au gouvernement Hollande-Ayrault.

    Mélenchon en disant cela vise le PCF qui a adopté des positions très diverses, soit pour cause de réalités politiques locales, soit pour garantir ses positions d’élus comme à Grenoble ou à Paris. Mais ce que ne dit pas Mélenchon, c’est que dans les combinaisons qu’il propose, il intègre les listes avec EELV, ce qui a été le cas dans 90 villes. Or EELV n’est pas un partenaire inconscient du gouvernement. Ou alors demain on devrait croire Montebourg s’il dit qu’il a fait ce qu’il a pu pour empêcher les fermetures d’usine et autres fables pour enfants.

    Difficile de savoir si la liste de Grenoble a un pied dans l’opposition ou un pied dans la gauche gouvernementale. Même si ce sont parfois des cas locaux, cela montre le chemin qui reste à faire pour clarifier réellement, en tentant néanmoins de la construire, ce que veut dire « construire une opposition de gauche ». Car tout ceci ne rend pas la politique du Parti de Mélenchon, le PG, claire, et renvoie cette idée d’opposition à une série de combinaison électorales.

    Le FdG, et d’autres forces, ont certainement déjà en tête les futures élections européennes. Celles-ci permettront certainement une ligne plus claire nationalement puisqu’il n’y aura pas d’enjeux quant à la participation à des exécutifs. Pour autant, c’est dans 3 mois. D’ici là, le Pacte de responsabilité d’Hollande va commencer à être dévoilé, avec de nombreuses nouvelles attaques contre les services publics, les salaires, la protection sociale et avec de nombreux nouveaux cadeaux aux riches et aux patrons. Sans le dire, Hollande fait la même politique que Sarkozy, qui consiste à faire payer aux travailleurs la crise du capitalisme. En 2013, les profits des entreprises du CAC 40 se sont montés à 48 milliards d’euros, et le pacte de responsabilité de Hollande vise à générer 50 milliards d’euros d’économie en prenant dans la poche des travailleurs et de leurs familles… Il va donc continuer sa politique. Certains ont peut être cru qu’en votant FN il faisait une protestation suffisamment tapageuse contre la politique du PS et la dureté de la situation économique et sociale. Il n’en est évidemment rien, le FN ne défend absolument pas la fin de l’exploitation capitaliste, ni le maintien des services publics, et ses propositions protectionnistes ou les mesures discriminatoires qu’il propose contre certains travailleurs étrangers ne fait que masquer la vraie responsabilité des capitalistes et de leur système économique injuste. Rempli d’aventuriers à la recherche d’une carrière de politicien, quand ils n’en ont pas déjà une de bouffon, le FN n’est pas un parti « anti-système » mais un parti qui entend profiter de la crise pour se faire élire.

    D’autres se sont abstenus, certains parmi eux vont néanmoins aller voter PS au second tour pour empêcher la droite d’être trop triomphale. On peut le comprendre. Mais quand bien même il y aurait un remaniement ministériel après cela, la politique a déjà été décidée entre Hollande et le président du Medef – Pierre Gattaz. D’ailleurs, Hollande s’est empressé de dire qu’il avait entendu le message mais que cela ne remettait pas en cause le Pacte de responsabilité ! De qui se moque-t-on ?! Ce seront de nouvelles attaques contre les travailleurs et la population.

    Les bons scores de certaines listes à gauche du PS montrent qu’il y a une vraie possibilité et la situation montre qu’il y a une urgente nécessité à la construction d’une opposition de gauche à Hollande et à tous ces partis pro capitalistes. Une telle opposition large et démocratique, rassemblant tous les travailleurs, les jeunes, les chômeurs, les retraités, homme ou femme, français ou étranger, qui veulent lutter contre les politiques au service des banquiers, des grands patrons et des groupes d’actionnaires, peut se discuter et avancer dès maintenant.

    Le 12 avril une vaste manifestation appelant à une «révolte de gauche» est organisée à l’initiative de Mélenchon, Besancenot et de la plupart des forces à gauche du PS. Nous pouvons faire de celle-ci un premier pas pour la construction d’une véritable lutte contre la politique de Hollande et contre le capitalisme, tous ensembles, il est temps d’exprimer notre révolte !

  • Après le référendum de Crimée

    Le référendum du 16 mars dernier en Crimée s’est soldé par un vote à une écrasante majorité en faveur de l’annexion à la Russie. Selon le résultat officiellement proclamé, 96,77 % des votants se seraient prononcés pour l’intégration à la Russie, avec un taux de participation ‘‘officiel’’ de 83,1 %. Des dizaines de milliers de personnes ont fait la fête à Simferopol, la capitale de la Crimée.

    Par Niall Mulholland

    Le 17 mars, le parlement régional a déclaré l’indépendance de la république de Crimée. Le président russe Poutine et les dirigeants criméens ont ensuite signé un accord formalisant l’incorporation de cette région à la Russie. Le parlement de Crimée a décidé que l’ensemble des actifs de l’État ukrainien se trouvant sur la péninsule seront nationalisés, et que les unités militaires ukrainiennes se trouvant sur le territoire criméen seront “démobilisées”.

    Le référendum a été dénoncé par les dirigeants occidentaux comme “illégitime et illégal”. Ils ont condamné Poutine pour provocation de divisions ethniques. L’UE et les États-Unis ont décidé de quelques sanctions complètement inoffensives (interdictions de visa, gels de compte en banque) à l’encontre de quelques dirigeants russes et criméens, en menaçant d’aller plus loin. Mais la plupart des États européens craignent que des sanctions trop hâtives à l’encontre de la Russie n’aggravent encore plus l’état de l’économie européenne.

    Les États-Unis et les puissances européennes se déclarent outragés par rapport à l’intervention russe en Crimée alors qu’eux-mêmes ne sont pas vite gênés de faire pareil. Violant leurs propres lois internationales, les puissances
    impérialistes occidentales ont envahi et occupé l’Irak et l’Afghanistan ‘‘afin d’organiser des élections’’ dans ces pays (et la Libye, le Mali, la Centrafrique,…). Les puissances occidentales ont elles aussi organisé un référendum très contesté pour l’indépendance du Kosovo en 1999, après des mois de bombardement de la Serbie.

    Il ne fait aucun doute que le référendum en Crimée n’a pas été organisé dans des conditions qui permettent un
    réel débat démocratique. Le parlement de Crimée, en tant que province à majorité russophone, a voté la sécession d’avec l’Ukraine et le rattachement à la Russie. Le référendum a été organisé seulement par après, dans le but de faire valider par la population une décision en réalité déjà prise, en ne donnant que deux options : l’intégration à la Russie, ou une autonomie accrue. Tous les médias pro-Ukrainiens ont été fermés et, pendant des semaines, les médias d’État n’ont plus fait que balancer de la propagande nationaliste pro-russe. Les populations minoritaires de Crimée (Tatars et ukrainophones, qui constituent 40 % de la population) se sont plaintes de l’ambiance d’intimidation, et la plupart ont boycotté le référendum (ce qui permet de douter de la participation ‘‘officielle’’ au référendum). Malgré tout cela, il est clair que le vote pour l’adhésion à la Russie a été immensément populaire parmi la majorité des Criméens. C’est en très grande partie dû au caractère réactionnaire du nouveau régime de Kiev et à la manière dont il est arrivé au pouvoir.

    Des mois de manifestations

    Le mouvement de masse contre Ianoukovitch était surtout alimenté par des années de stagnation économique et de misère croissante, en plus d’une profonde colère contre le régime autoritaire et corrompu et contre ses sponsors milliardaires.

    Cette révolte comportait de nombreux aspects de révolution ; elle a rapidement révélé au grand jour l’absence de tout soutien parmi la population pour le régime pourri de Ianoukovitch. La brutalité avec laquelle le mouvement a été réprimé par les gendarmes sur la place de l’Indépendance (Maïdan Nezalejnosti) a provoqué le dégout de larges couches de la population, et le régime a fini par s’effondrer.

    Cependant, en l’absence d’organisations de masse des travailleurs capables de suivre une ligne d’action indépendante de la bourgeoisie, ce sont des politiciens réactionnaires de l’opposition, y compris des ultra-nationalistes ukrainiens et l’extrême-droite, qui ont fini par dominer le mouvement de contestation. Les membres de Svoboda (“Liberté”), un parti antisémite, et du Pravy Sektor (“Secteur droit”), une organisation fasciste, ont joué le rôle de brigades de choc sur le terrain à Kiev et ailleurs. Ils ont attaqué physiquement tout syndicaliste ou militant de gauche qui cherchait à rejoindre le mouvement.

    La rhétorique anti-russe du nouveau régime de Kiev et l’implication de l’extrême-droite, dont certains membres ont reçu des postes ministériels très importants, a provoqué la frayeur des Ukrainiens d’ethnie russe, qui vivent
    surtout dans l’est (le Donbass) et dans le sud du pays (Crimée, etc.). Une des premières décisions du parlement ukrainien a été de faire perdre à la langue russe son statut de seconde langue officielle du pays. Il a également décidé d’interdire le Parti “communiste”, dans les faits un parti bourgeois pro-russe. Alors que la Crimée est déjà une des régions les plus pauvres d’Ukraine (l’Ukraine étant elle-même le plus pauvre pays d’Europe après la Moldavie), de nombreux Criméens craignaient que le nouveau régime de Kiev ne décide de signer les accords financiers avec l’Union européenne et avec le FMI, ce qui engendrerait une politique d’austérité très dure, et donc une nouvelle baisse du niveau de vie pour la population.

    Mais le résultat de ce référendum n’apportera pas la paix, la stabilité et la prospérité pour le peuple de Crimée. L’intégration de la Crimée à l’économie russe, qui n’est pas loin de la crise, n’apportera pas la moindre amélioration de son niveau de vie.

    Si le régime autoritaire de Poutine a décidé d’intervenir en Crimée, ce n’est pas pour la population, mais uniquement dans le but de défendre ses propres intérêts géostratégiques (tout en administrant au passage une nouvelle dose énorme de nationalisme à la population russe). La péninsule est devenue le point focal des tensions croissantes entre la Russie et Kiev et ses soutiens occidentaux – dont le but est d’étendre l’influence de leur puissance impérialiste jusqu’aux frontières russes.

    Toute cette situation a mené à une dangereuse escalade militaire. Washington a déjà entamé des exercices militaires en Pologne, en Lituanie et dans la mer Noire. Les deux camps disent ne pas vouloir aller jusqu’à la guerre, mais l’aggravation des tensions pourrait tout de même mener à des conflits “localisés”.

    La démagogie des politiciens

    Les travailleurs d’Ukraine payeront le prix fort pour toute escalade de la crise. Plusieurs personnes ont été tuées le week-end du référendum lors de bagarres entre manifestants et miliciens pro-ukrainiens et pro-russes à Donetsk
    et à Kharkiv, deux villes à forte présence russophone. De telles bagarres pourraient faire boule de neige et mener à de nouveaux appels au référendum dans d’autres régions à majorité russophone, à des tentatives de sécession et potentiellement à un repartage sanglant du pays sur base de nettoyages ethniques en série.

    Seule la classe ouvrière unie et organisée selon une ligne internationaliste et indépendante des politiciens bourgeois, peut contrer de manière décisive le nationalisme réactionnaire et mettre un terme à l’intervention des grandes
    puissances capitalistes.

    Les politiciens nationalistes démagogues à Kiev, Simferopol et Moscou pourraient bénéficier d’un soutien populaire tant qu’ils instrumentalisent à leur propre compte les craintes de la population  mais leur politique néolibérale et leur nationalisme ne permettront pas d’améliorer le niveau de vie du peuple ni de mettre un terme à la corruption et à l’oppression. Déjà nombre de ceux qui s’étaient opposés à Ianoukovitch se plaignent du fait que c’est une nouvelle bande qui s’est emparée du pouvoir et qui a donné les postes de gouverneurs à leurs amis milliardaires.

    Comme l’a montré la récente révolte des travailleurs et des jeunes en Bosnie, de nouvelles vagues de protestation contre la situation sociale et économique et contre les politiciens corrompus sont inévitables, mais elles requièrent
    une expression politique organisée afin d’apporter à la classe ouvrière une alternative socialiste.

  • Contrer le grand marché transatlantique : pourquoi et comment ?

    Ce 26 mars se déroulera à Bruxelles le sommet Union européenne-États-Unis. Si les récents développements de la situation en Ukraine occuperont le devant de la scène, il sera également discuté de l’état d’avancement des négociations visant à obtenir un accord de libre échange entre l’Union Européenne et les États-Unis (Trans Atlantic Trade et Investment Partnership, TTIP). Une fois cet accord conclu, la nouvelle zone de libre-échange serait la plus grande au monde.

    La Commission européenne ne participe à ces négociations que dans les intérêts des grandes entreprises et l’agenda patronal vise à l’instauration de mesures néolibérales radicales qui ne manqueront pas d’avoir des conséquences néfastes sur la vie de la population. Dans une récente interview accordée à notre journal Lutte Socialiste, Luc Hollands du MIG (Milk Interest Group, une association de producteurs de lait) nous expliquait : “Le traité transatlantique par exemple, va permettre une arrivée massive de produit OGM ou hormonés. Nos produits de qualité ne parviendront pas à s’en sortir, le monde entier devra alors accepter de vivre comme le veulent les grandes entreprises américaines. Et comme l’austérité touche le pouvoir d’achat des gens, ils sont obligés de se tourner vers des produits moins chers, par pure nécessité, vers des produits qui ne respectent pas les normes de santé et environnementales. Nous, on sera coulés, et les gens s’en retrouveront lésés au niveau de la qualité de leur alimentation et de leur santé.” Ce sont nos conditions de travail, notre santé et notre environnement qui sont en ligne de mire.

    Le 25 mars une réunion d’information aura lieu au Parlement européen, à l’initiative de Jean-Luc Mélenchon et du Parti de Gauche. Cette journée sera introduite par Paul Murphy, eurodéputé du Socialist Party irlandais (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL).

    Si vous êtes intéressés, inscrivez-vous via ce lien (les inscriptions sont obligatoires).

    PROGRAMME DE LA JOURNÉE

    Mardi 25 mars, 14h-17h  – Parlement européen- PHS – P3C050

    Introduction – Paul Murphy, député européen GUE/NGL

    Panel 1 : Les enjeux et les mobilisations autour du Grand Marché Transatlantique (GMT)
    14h-15h

    – Enjeux environnementaux et sanitaires. Tour d’horizon : Natacha CINGOTTI, Friends of the Earth Europe

    – Pourquoi nous ne voulons pas de poulets lavés au chlore. Les menaces sur le secteur européen de la volaille. Un exemple concret : Paul-Henri LAVA, Association de l’Aviculture, de l’Industrie et du Commerce de Volailles dans les Pays de l’Union Europeenne (a.v.e.c)

    – GMT ou comment éviter de répondre à la crise. Menaces sur l’emploi, et mensonges sur le retour de la prospérité, Bruno PONCELET, CEPAG-FGTB Wallonne

    Débat avec la salle

    Panel 2 : Les politiques, relai de l’action de la société civile
    15h-16h30

    – Etat de la mobilisation citoyenne et nécessité des relais politiques: Pia EBERHARDT, Corporate Europe Observatory (CEO)

    – Le GMT nous concerne tous. Un enjeu à placer au coeur des élections européennes : Paul MURPHY, Député européen, Socialist Party, Irlande, membre de la commission du commerce international

    Débat avec la salle

    Conclusion – Jean-Luc MELENCHON, Député européen et co-secrétaire du Parti de Gauche
    16h30- 17h

  • Suède. Nouvelles manifestations de masse contre la violence nazie

    Rattvisepartiet Socialisterma (CIO-Suède)

    De nouvelles mobilisations antifascistes ont encore eu lieu ce week-end, notamment à Göteborg (5.000 personnes) et à Malmö (10.000 personnes). Nos camarades de Rättvisepartiet Socialisterna (parti-frère du PSL en Suède) ont participé à ces mobilisations, et ont notamment eu un orateur à la tribune lors de la manifestation de Göteborg.

    Alors qu’ils rentraient chez eux après une manifestation à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes le 8 mars dernier à Malmö (dans le sud du pays), des militants ont brutalement été tabassés et poignardés par un groupe de néo-nazis. L’un des manifestants, Showan, est hospitalisé dans un état critique suite à ses blessures. Le lendemain, des milliers de personnes sont sorties en rue dans plusieurs villes de Suède afin de protester contre la violence nazie. D’autres manifestations ont suivi et davantage sont encore prévues.

    La violence nazie est en sérieuse augmentation en Suède. Cette fois-ci, les 3 personnes arrêtées pour tentative de meurtre sont membres du Parti des Suédois (SvP). En décembre dernier, un groupe de 30 membres du mouvement concurrent Mouvement de Résistance de Suède (Smr) a violemment attaqué une manifestation anti-raciste à Kärrtorp, au Sud de Stockholm (voir notre article à ce sujet).

    La réaction des masses fut la plus grande manifestation antiraciste qui ait jamais eu lieu en Suède, avec au moins 20.000 participant le 22 décembre. Au total, 43.000 personnes ont participé aux manifestations antifascistes et antiracistes qui se sont tenues dans 37 villes du pays le mois suivant.

    Ces deux attaques étaient politiquement motivées contre ceux que les néo-nazis considèrent comme leurs principaux ennemis – les antiracistes, les socialistes anticapitalistes, les féministes.

    La vague antiraciste de décembre

    La force de la vague antiraciste de décembre a surpris presque tout le monde. Dans la plupart des endroits, il s’agissait de manifestations organisées par la base, ce qui a également exprimé l’insatisfaction générale ressentie contre la direction prise par la société et en opposition à la politique dominante. Cela a causé une crise parmi les néonazis eux-mêmes, le SvP critiquant le Smr pour l’attaque. Quelques défections s’en sont suivies.

    Ces événements ont également ébranlé les médias dominants et les politiciens de droite. Après la manifestation de masse du 22 décembre, un journaliste de premier plan du journal Expressen s’en est ainsi pris à la manif concernant ses discours et artistes – clairement marqués à gauche – et a notamment souligné la présence d’un membre de Rättvisepartiet Socialisterna (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Suède et parti-frère du PSL) en tant qu’orateur et représentant de la plateforme organisatrice de la manifestation.

    L’establishment craint comme la peste le développement de tout mouvement indépendant contrôlé par la base. Pour l’élite dominante, c’est à la police de contrer le nazisme et le racisme, à personne d’autre. Parallèlement, elle saute sur toutes les occasions qui se présentent pour placer sur un pied d’égalité l’extrémisme de droite (ils évitent en général le terme « nazis ») et « l’extrémisme de gauche », alors que les néonazis suédois ont assassiné pas moins de 30 personnes en Suède depuis le milieu des années 1980 !

    Suite à l’attaque de décembre, la pression de la base avait repoussé les tentatives visant à accuser « les deux camps ». Après la récente tentative de meurtre à Malmö, cependant, les médias et la police ont à nouveau décrit les attaques comme des « troubles » et de la « violence politique » entre militants de gauche et de droite, même si les faits démontrent clairement que les néonazis étaient à la recherche de victimes à attaquer. Le quotidien « Dagens Nyheter » a écrit dans un éditorial : « la violence politique dans une démocratie est toujours un tort. La ligne de démarcation n’est pas entre la droite et la gauche mais entre ceux qui prônent la violence et ceux qui veulent changer la société par des moyens démocratiques ». Cet éditorial réduit la violence nazie à « de la violence politique.»

    Les politiciens établis condamnent les mobilisations antiracistes, mais ils ne peuvent pas suggérer d’alternative. Comme le remarque l’auteure et journaliste de gauche Asa Linderborg : « Si la gauche n’organise pas de manifestations, qui va le faire ? »

    Après la tentative de meurtre à Malmö, des manifestations ont immédiatement été organisées. A Malmö, 2000 personnes sont sorties en rue le lendemain et un nombre équivalent à Stockholm. Il était aussi clair que plus de personnes entreraient en action et plus ils verraient un lien évident entre la politique de droite néo-libérale et la montée de la violence nazie.

    L’approche socialiste bénéficie d’un bon écho

    Les réactions ont été vives suite à la prise de parole d’Ammar Khorshed – de Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède) – lors de la manifestation tenue à Stockholm le 9 mars. Son discours avait abordé la façon dont les politiques de droite et l’impérialisme sont directement responsables de la montée du racisme et du néofascisme en Suède et en Europe. « Les nazis ne sont pas nombreux, mais l’attaque de la nuit dernière à Malmö, l’attaque à Kärrtorp et d’autres exemples suggèrent qu’ils se sentent plus forts et passent de plus en plus du discours à l’action. Malheureusement, le racisme se renforce : criminalisation et stigmatisation des réfugiés par le gouvernement, agitation raciste des Démocrates Suédois contre les musulmans et immigrés, actes de violence et meurtres par les nazis organisés, etc.

    « Les néonazis n’agissent pas dans le vide. La politique néo-libérale du gouvernement approfondit les inégalités dans la société, ouvrant les portes aux Démocrates Suédois. Et les succès électoraux des Démocrates Suédois ouvrent les portes aux nazis pour passer aux attaques physiques.

    « Il y a une forte connexion internationale », continue-t-il. « Les nazis s’inspirent aussi d’autres pays d’Europe. Ce n’est pas une coïncidence si la Grèce, le pays où les politiques de la droite détruit le plus les vies des gens, est aussi le pays où le parti néonazi Aube Dorée obtient environ 10% des suffrages.

    « En Ukraine, le parti d’extrême-droite Svoboda fait partie du nouveau gouvernement ukrainien, soutenu par Carl Bildt [l’ancien ministre des affaires étrangères suédois, NDT], l’UE et les USA. Svoboda est le parti-frère de du Parti des Suèdois, une organisation néonazie à laquelle appartiennent les responsables de l’attaque de la nuit dernière. »

    L’un des agresseurs, Andreas Carlsson du SvP, revenait d’une visite en Ukraine. Il s’y est inspiré de la façon dont les néonazis ont gagné du terrain dans la rue, jusqu’à entrer dans le gouvernement ukrainien. Ces leçons ont été mises en pratique à Malmö.

    Les mobilisations antiracistes et la volonté d’agir de dizaines de milliers de personnes montrent que la montée du racisme et du fascisme n’est pas inévitable. Ce qu’il faut maintenant, c’est un mouvement qui continue et organise dans les écoles, les lieux de travail et les quartiers, liant la lutte directe antifasciste au combat contre la politique de droite et pour des conditions de vie décentes pour tous.

    L’organisation antifasciste et antiraciste lancée par Rattvisepartiet Socialisterma « Etudiants contre le racisme » a pu obtenir une attention considérable pour sa manifestation de 200 jeunes à Stockholm devant une école où des croix gammées et les slogans nazis ont été tagués. A Eskilstuna, des étudiants ont empêché l’organisation raciste Démocrates Suédois d’entrer dans une école.

    Les syndicats ont exprimé leur solidarité avec les manifestants gravement blessés après l’attaque de Malmö. Ceux qui connaissent Showan affirment que ce n’est nullement une coïncidence si les néonazis l’ont attaqué lorsqu’ils l’ont vu. Il avait auparavant été mis au pilori sur un site internet néonazi en raison de son engagement antiraciste. Showan est connu pour avoir lancé les « supporters de foot contre l’homophobie » parmi les supporters de Malmö. Il est toujours à l’hôpital, son état s’est stabilisé et il montre des signes de rétablissement.

    Ce weekend, de nouvelles grandes manifestations contre le racisme étaient prévues dans tout le pays.

  • Hommage : Bob Crow, intransigeant défenseur des intérêts de la classe des travailleurs

    Déclaration du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Le Socialist Party a été choqué et profondément attristé par la nouvelle du décès de Bob Crow, secrétaire général du syndicat des chemins de fer et des transports maritimes (RMT). Les réactions qui ont suivi la publication de cette triste nouvelle ont une fois de plus confirmé l’impact majeur qu’il a pu avoir en tant que dirigeant syndical. Il fut sans aucun doute l’un des plus connus d’entre eux en raison de son attitude ferme et conséquente dans la défense de ses affiliés.

    Nos pensées vont à sa famille, et nous envoyons également tous nos vœux de solidarité au syndicat RMT.

    Bob Crow fut un infatigable combattant de la classe ouvrière, et il s’était également fait le champion de nombreuses causes importantes. La presse de droite a tenté de le dépeindre comme un «dinosaure» et un «baron syndical», mais les travailleurs le considéraient comme un héros en raison de la peur qu’a éprouvé le patronat en raison de son activité. Sous sa direction, d’abord comme secrétaire général adjoint, puis comme secrétaire général, le RMT a démontré à plusieurs reprises que les patrons peuvent être poussés à la défaite.

    Le plus récent exemple fut la grève de février dernier organisée par le RMT dans les métros londoniens. Cette lutte fut un phare pour les travailleurs frappés par l’austérité du gouvernement des Conservateurs et des Libéraux. Rien n’a été négligé pour nuire au syndicat et ridiculiser Bob, mais le soutien populaire a prouvé qu’une attitude ferme et déterminée de défense de l’emploi et des droits des travailleurs pouvait jouir d’un grand soutien.

    Le RMT a mené bataille contre le maire de Londres, le conservateur Boris Johnson. Même la presse capitaliste a reconnu que le syndicat a forcé un élu totalement arrogant et intransigeant à arriver contre son gré à la table de négociation. Cette bataille doit maintenant se poursuivre jusqu’à la victoire du RMT afin de repousser les fermetures de guichets et préserver l’emploi.

    L’approche de Bob quant à la construction de la résistance s’est reflétée dans l’implication du RMT dans la construction du NSSN (National Shop Stewards Network, réseau de national de délégués syndicaux), un réseau visant à donner aux syndicalistes un organisme de lutte contre toutes les attaques des gouvernements pro-capitalistes. Sous sa direction, le RMT fut un défenseur infatigable et presque incomparable des droits syndicaux aux côtés de syndicats tels que le PCS (services publics) et du syndicat des gardiens de prison POA.

    La question de la représentation politique

    En plus d’être un dirigeant sur le plan syndical, Bob Crow, a donné un soutien sans relâche à la lutte pour la construction d’un relai politique pour la classe ouvrière. Le RMT a joué un rôle de premier plan dans des initiatives telles que le TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition) et «No2EU – Yes to worker’s rights», d’importantes étapes dans la voie d’un nouveau parti large des travailleurs.

    Les membres du Socialist Party ont travaillé à ses côtés au sein du RMT, du TUSC et dans le réseau NSSN, en particulier autour de la campagne pour que la fédération syndicale TUC appelle à une grève générale de 24 heures contre l’austérité. En raison de son rôle dans toutes ces initiatives et de bien plus encore, son décès représente une perte énorme.

    Bob Crow a toujours défendu le socialisme en tant que nécessaire alternative au système capitaliste pourri. Le Socialist Party a souvent partagé tribune avec lui, et il a notamment été orateur à plusieurs reprises lors de l’évènement annuel du Socialist Paty, le week-end “socialisme”. C’était encore le cas en novembre dernier. Il a pu compter sur de nombreuses ovations nourries en raison de son attitude combative.

    Son décès est un coup dur pour les membres du RMT, parmi lesquels son intransigeance dans la défense des intérêts des travailleurs lui avait valu un grand respect. Quand il sera question d’élire un nouveau dirigeant, nous ne pouvons qu’espérer que son remplaçant honore sa mémoire par sa combativité et sa volonté de lutter pour le socialisme et la solidarité internationale, à l’instar de l’activité de Bob.

    La mort de Bob Crow est un choc pour la classe ouvrière entière. Si les directions syndicales étaient composées de combattants du type de Bob ou encore de Mark Serwotka et de la direction socialiste de gauche au sein du PCS, la lutte contre l’austérité et le gouvernement Conservateurs-Libéraux serait bien plus avancée.

    A l’occasion de sa mort, Bob Crow nous a rappelé aussi la classe ouvrière britannique peut encore produire des combattants de haut vol. Il nous manquera énormément, mais nous continuerons à nous battre.

  • Les dockers remportent d’importantes victoires au Portugal et au Chili

    Longue vie à l’internationalisme de la classe ouvrière ! Un exemple pour les autres secteurs. 

    Danny Byrne, CWI

    Dans un contexte où les partons et les gouvernements infligent aux travailleurs du monde entier leur agenda de « choc et effroi », attaque antisociale après attaque antisociale, toute victoire considérable obtenue par le mouvement ouvrier international doit être criée sur tous les toits. C’est le cas des dockers qui, ces dernières semaines, ont remporté d’importantes victoires dans des conflits-clé au Portugal et au Chili. Ils en sont revenus aux méthodes militantes testées et éprouvées par le mouvement ouvrier : une lutte conséquente et durable avec l’organisation de la solidarité internationale au-delà des frontières,  notamment avec des gréves de solidarité.

    Portugal: victoire éclatante après 2 ans de lutte

    Ces exemples montrent que malgré le rôle pernicieux des directions syndicales de droite dans la plupart des pays, qui agissent comme un véritable frein pour la lutte, la classe ouvrière peut encore effectuer des pas en avant quand elle est organisée sur base de méthodes militantes. Ils montrent aussi comment, malgré la domination du syndicalisme de négociation et de conciliation et de la quasi-passivité des dirigeants syndicaux devant les attaques patronales, les fières traditions militantes de notre classes ne se sont pas du tout éteintes.

    Au Portugal, les travailleurs et les jeunes ont fait face à l’austérité de la Troïka depuis des années et ont courageusement résisté, y compris au cours de quatre grèves générales. Cependant, la direction du mouvement syndical au niveau national a échoué à unir ces luttes dans un plan d’action militant durable pour vaincre les attaques de la Troïka et du gouvernement, permettant aux mobilisations d’une journée isolées de se perdre dans de longues périodes de démobilisation.

    Les dockers, en rompant avec cette approche et en s’engageant dans un combat militant de deux ans, ont présenté une voie alternative à l’ensemble du mouvement : celle de l’action durable et déterminée qui peut obtenir des résultats. Ils faisaient face à un plan destiné à transformer le port de Lisbonne en un repaire du travail précaire, dans le cadre du programme de privatisations imposé par la Troïka et appliqué par le gouvernement. Les patrons avaient établi une compagnie de recrutement parallèle chargée d’employer du personnel sur des bases précaires avec une un tiers de salaire en moins, afin de mettre un terme aux conditions de travail décentes dans le port.

    La riposte des travailleurs a été faite de deux années de grève militante et de « grève du zèle ». Ils ont héroïquement fait face à la répression, 47 travailleurs ont été licenciés en raison de leur rôle dans la grève. Leur victoire a été éclatante. Non seulement ils ont obtenu la ré-embauche des 47 camarades licenciés, mais aussi la fin des contrats précaires et un nouvel accord de négociation collective qui va inclure les travailleurs initialement embauchés comme précaires. Cette victoire lance une clé à molette dans les projets de la classe capitaliste visant à rendre de plus en plus précaires les conditions de travail de toute la classe ouvrière portugaise.

    Ce conflit a été exemplaire en termes de militantisme mais aussi de par la démocratie ouvrière instaurée par le syndicat, les décisions importantes étant discutées et décidées dans des assemblées générales de travailleurs. Comme le commente Francisco Raposo, militant de la CGTP et membre de Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Portugal) : « Cette lutte était vraiment une percée dans la lutte des classes au Portugal. Le syndicat des dockers n’est pas affilié à la CGTP, la principale centrale syndicale. Cependant les méthodes et le militantisme des dockers provoquent une réaction dans certaines couches de la CGTP. »

    Chili : La grève des dockers locaux s’étend et obtient des victoires nationales

    Au Chili en janvier, quand les dockers de Mejillones se sont mis en grève seuls pour des revendications salariales et contre les pratiques anti-syndicales (leur deuxième grève en un an) certains ont condamné cette lutte à l’isolement et à l’échec. Cependant, quand la police a attaqué le camp des grévistes qui abritait aussi leurs femmes et enfants, blessant un travailleur, le vent a tourné.

    Cette grève était également importante parce qu’elle défiait non seulement le patronat portuaire, mais aussi le Code du Travail draconien du pays, hérité de la dictature de Pinochet. Sous ces lois, les patrons refusent de négocier collectivement avec les travailleurs, insistant pour diviser ceux qui ont des contrats fixes et les travailleurs temporaires (qui représentent 80% des dockers).

    Les travailleurs ont refusé cette imposition anti-démocratique et ont intensifié leur action. Les travailleurs de 9 ports de tout le pays ont rejoint la grève, amenant leurs propres revendications (contre la répression anti-syndicale et le non-paiement des salaires dans la plupart des cas). A nouveau, cela est très significatif puisque ce même Code du Travail de Pinochet interdit les grèves de solidarité !

    Après un mois de grève, les dockers ont obtenu au niveau national la grande majorité de leurs revendications, dont le droit de négocier collectivement. Werken Rojo, le nouveau journal de Socialismo Revolucionario (section du CIO au Chili) explique : « ce conflit aura de grandes implications sur toute la classe ouvrière du Chili. Tout d’abord, il montre que l’action déterminée, la solidarité, qui suppriment la camisole de force du Code du Travail, peuvent permettre aux travailleurs de gagner ».

    Leur victoire, comme celle des dockers portugais, reflète aussi le grand pouvoir économique dont jouissent les dockers (mais aussi les travailleurs de beaucoup d’autres secteurs) étant donné le « tournant vers l’exportation » du capitalisme dans beaucoup de pays, en particulier ceux du Sud de l’Europe. Au Chili, la presse capitaliste a fait état de pertes de plusieurs millions de dollars pour les compagnies exportatrices en raison de la grève, en particulier en ce qui concerne l’export de marchandises périssables.

    Longue vie à la solidarité internationale en action !

    De plus, ces deux victoires montrent un autre élément, crucial pour le mouvement ouvrier mondial – celui de l’action de solidarité internationale. Deux journées d’action internationale ont été organisées en soutien aux dockers portugais ; la dernière a compté des actions de solidarité et des grèves en Suède, en France, aux USA et dans d’autres pays. Au Chili, en même temps que de se propager à tout le pays, la lutte des dockers a reçu un soutient actif crucial des dockers de toute l’Amérique Latine et au-delà, avec des ports argentins bloquant les marchandises chiliennes et des menaces d’actions de ce type dans des ports européens et états-uniens dans les jours précédant la victoire.

    Le CIO a souvent souligné la nécessité pour le mouvement ouvrier mondial de coordonner l’action au-delà des frontières, en mobilisant le pouvoir international de la classe ouvrière dans une économie mondiale de plus en plus interconnectée. Ce besoin est particulièrement criant en Europe, où la Troika et les gouvernements capitalistes infligent une offensive de misère coordonnée aux travailleurs sur tout le continent, en particulier dans le Sud, ce qui pose la nécessité d’une résistance coordonnée internationalement, y compris par des grèves internationales. Nous appelons le mouvement syndical mondial à suivre le brillant exemple des dockers portugais et chiliens qui ont montré que ces méthodes donnent des résultats.

  • Tensions grandissantes entre les puissances occidentales et Moscou

    Au moins 6.000 soldats russes ont pris position dans la péninsule de Crimée, officiellement république autonome de l’Ukraine. Le régime russe affirme que cette mesure a été prise à la demande du gouvernement de Crimée, désireux que la Russie intervienne pour défendre les droits des citoyens russes. Le Kremlin a explicitement indiqué qu’il envisageait d’envoyer des troupes dans d’autres régions d’Ukraine si les droits de l’ethnie russe étaient «lésés», même si Vladimir Poutine a déclaré que pareille mesure ne serait prise qu’en ‘‘dernier recours’’.

    Le régime de Poutine s’est vu servir sur un plateau le prétexte pour son intervention : la décision hautement provocatrice du nouveau gouvernement de Kiev de diminuer les droits linguistiques de la population russe et d’autres minorités. Le parti d’extrême-droite antisémite Svoboda dispose de quatre postes ministériels au sein du nouveau gouvernement de Kiev, dont celui de vice-premier ministre. Un co-fondateur de Svoboda dirige également le Conseil national de sécurité et un de ses adjoints est à la tête du mouvement paramilitaire et fasciste Secteur Droit. Le ministère de l’Intérieur a affirmé que la milice instaurée par Secteur Droit allait être intégrée dans les forces de police. La Douma russe s’est précipitée pour décréter une nouvelle loi permettant de délivrer des passeports russes à tout membre de l’ethnie russe en Ukraine. Une loi a également été adoptée pour autoriser qu’une région d’un autre pays soit annexée à la Russie pour autant que le gouvernement de ce pays soit considéré comme ‘‘instable’’.

    Ces mouvements militaires russes surviennent après l’éviction du président ukrainien Ianoukovitch et l’arrivée au pouvoir d’un régime pro-occidental. L’ingérence irresponsable des puissances occidentales en Ukraine et la riposte de la Russie ont créé la plus grave crise militaire en Europe depuis la guerre russo-géorgienne en 2008. Ces dernières semaines, un mouvement de masse s’est développé contre le régime corrompu et autoritaire de Ianoukovitch et des oligarques. Ce mouvement avait les traits d’une révolution, et la force des masses a conduit à la désintégration du régime de Ianoukovitch et de l’appareil d’Etat. Mais en l’absence d’organisations représentant les intérêts de la classe des travailleurs, le vide politique a été occupé par des politiciens réactionnaires de l’opposition, des nationalistes ukrainiens radicaux et par le parti d’extrême-droite Svoboda ainsi que par le groupe Secteur Droit, ce qui a suscité de profondes craintes au sein de l’ethnie russe.

    L’hypocrisie US

    Avec une hypocrisie à peine masquée, le Secrétaire d’État américain John Kerry a condamné ‘‘la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine’’. Mais lorsque leurs intérêts impérialistes sont en jeu, les États-Unis n’hésitent pas à intervenir militairement et à violer des territoires ‘‘souverains’’. La superpuissance US a ainsi envahi et occupé l’Irak et l’Afghanistan, interventions au coût humain désastreux. Les puissances occidentales hurlent de rage au sujet de la prise de contrôle de la Crimée par les forces russes, mais les forces de l’OTAN ont occupé le Kosovo après avoir armé et soutenu militairement l’Armée de libération du Kosovo dans son conflit avec le régime serbe en 1999.

    Face à des mouvements de troupes russes en Crimée, l’impérialisme occidental s’est trouvé militairement paralysé et divisé quant aux mesures à adopter. Les gouvernements européens résistent à la prise de sanctions graves. De nombreux pays européens comptent beaucoup sur le commerce avec la Russie (l’Allemagne reçoit par exemple 40% de son gaz et de son pétrole à partir de la Russie) et ils sont réticents à prendre des mesures qui aggraveraient les problèmes économique de l’Union Européenne. Une photographie d’un document secret détaillant les délibérations des autorités britanniques a révélé une proposition visant à ‘‘ne pas soutenir, pour l’instant, des sanctions commerciales (…) ou à fermer le centre financier de Londres aux Russes.’’

    Le nouveau gouvernement de Kiev a déjà de graves problèmes à gérer qui auront une grande incidence, et pas uniquement concernant les droits des russophones, mais concernant ceux de l’entièreté des travailleurs en Ukraine. L’économie est au bord du gouffre et le gouvernement a annoncé d’importantes réductions des dépenses de l’État. Toute aide financière de l’ouest s’accompagne invariablement de sévères exigences en termes d’application de l’austérité.

    Afin de mobiliser un soutien à son intervention militaire, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes russes, dont l’une forte de 20.000 à 30.000 personnes à Moscou. Le régime de Poutine instrumentalise les inquiétudes des Russes et promeut un patriotisme très cru alimenté par les sentiments anti-occidentaux qui vivent parmi la population. De nombreux Russes sont, bien entendu, véritablement préoccupés par le sort de l’ethnie russe en Ukraine étant donné le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime ukrainien. Mais l’intervention militaire russe n’est pas motivée par le souci du bien-être des travailleurs russophones, de même que les manœuvres cyniques des puissances occidentales ne visent en rien à aider la classe des travailleurs de langue ukrainienne. Le Kremlin est gravement préoccupé par l’arrivée d’un régime pro-Otan et pro-occidental à Kiev, aux frontières occidentales de la Russie. Cela menace les intérêts géostratégiques et économiques vitaux de l’impérialisme russe.

    L’intervention de Poutine en Crimée est à considérer dans le cadre des tentatives visant à restaurer le pouvoir et l’influence de l’élite russe qui, après l’effondrement de l’ancienne Union soviétique, s’est transformé en élite capitaliste. En réponse, l’Union européenne et les États-Unis menacent de prendre des sanctions économiques. Le régime ukrainien soutenu par l’Occident a quant à lui ordonné la mobilisation générale pour contrer l’intervention. Les travailleurs d’Ukraine auront cher à payer pour toute escalade du conflit.

    Conflits ethniques et nationaux

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) appelle à mettre fin à toute ingérence impérialiste et à toute intervention militaire en Ukraine. Ces forces réactionnaires menacent de pousser la crise jusqu’à la guerre, avec la terrible perspective de conflits ethniques et nationaux similaires ceux qui ont démembré la Yougoslavie dans le sang au cours des années 1990. Le CIO appelle à la constitution de comités anti-guerre en Russie et en Ukraine, y compris en Crimée. Des comités au fonctionnement démocratique peuvent organiser la défense inter-ethnique de n’importe quel groupe de la population menacé par l’extrême-droite ou le chauvinisme russe.

    Ce dimanche 3 mars, des protestations anti-guerre ont eu lieu en Russie, mais de nombreux manifestants ont été arrêtés, dont des camarades de la section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière (photo)

    Il y a une semaine, un sondage d’opinion indiquait que 73% de la population russe était opposée à une intervention russe. Ce dimanche 3 mars, des manifestations anti-guerre ont eu lieu, mais des centaines de personnes ont été arrêtés par la police, y compris des membres du CIO. Tout comme cela avait été le cas en Ossétie du Sud avant la guerre avec la Géorgie, le régime russe a intensifié sa campagne pour la ‘‘défense’’ de l’ethnie russe en Ukraine. Cette rhétorique va très probablement pouvoir profiter d’un soutien temporaire en Russie tandis que la répression s’abattra sur les voix d’opposition.

    Des dizaines de milliers de manifestants pro-russes ont défilé le week-end dernier dans la ville portuaire de Sébastopol, base de la flotte russe en mer Noire, ainsi qu’ailleurs en Crimée et ailleurs et à l’Est de l’Ukraine, notamment à Donetsk. Des groupes ‘‘d’autodéfense’’ apparemment soutenus par Moscou ont été instaurés et ils ont saisi les offices gouvernementaux. Les dirigeants locaux et régionaux ont été rapidement remplacés par d’autres, pro-russes. Un référendum sur la sécession de la Crimée est en préparation. La mobilisation de jusqu’à 130.000 troupes russes à la frontière avec l’Ukraine a rapidement suivi.

    En l’absence d’un mouvement indépendant des travailleurs, le danger est réel que de nouvelles manifestations de masse à travers l’Ukraine adoptent de plus en plus un caractère ethnique.

    Même si nombreux sont les travailleurs à l’Est du pays à craindre la politique du nouveau régime de Kiev et notamment la participation de l’extrême-droite, l’inquiétude est également grande face à l’intervention russe en Crimée et face au risque de guerre en Ukraine et dans la région. Beaucoup de villes de l’Est ont connu des mobilisations restreintes mais néanmoins importantes contre l’escalade du conflit. Les autorités russes affirment que les russophones fuient la région vers la Russie et que plus de 140.000 personnes ont déjà demandé asile en Russie.

    La Crimée doit pouvoir si elle le désire faire usage de son droit à l’auto-détermination. Cette région a longtemps été un pion dans le jeu d’intrigues des élites dirigeantes des grandes puissances. En 1944, Staline a expulsé par la force la population tatare de la péninsule. En 1954, le dirigeant soviétique Khrouchtchev a remis la Crimée et ses habitants à l’Ukraine, sans qu’aucune consultation ne soit organisée. Les peuples de l’ex-Union soviétique n’ont pas non plus été consultés quand leurs dirigeants régionaux ont décidé de prendre le pouvoir au début des années 1990 au sein de nouvelles républiques.

    Le CIO soutient le droit du peuple de Crimée de décider librement de son avenir, sans aucune coercition, que ce soit vers une autonomie accrue ou carrément jusqu’à l’indépendance. Une assemblée constituante démocratiquement organisée, représentant toutes les couches de la classe ouvrière, permettrait d’assurer qu’un référendum sur l’avenir de la Crimée soit supervisé par des comités démocratiquement élus de travailleurs. Les droits de 300.000 Tatars de la région et de toutes les autres minorités doivent également être pleinement garantis, y compris concernant leur langue et leur religion. Tout cela est impossible en restant au sein du système capitaliste avec sa pauvreté, son chômage et son exploitation, de même qu’en raison de la logique des élites concurrentes de ‘‘diviser pour régner’’. Seul un gouvernement des travailleurs pourra remplacer ce système capitaliste pourri par une société garante des intérêts des masses, y compris en termes de droits des nationalités et de protection des minorités, dans le cadre d’une fédération socialiste des Etats de la région.

    Ce qui se déroule actuellement sous nos yeux ne conduira à aucune réelle autodétermination. La Crimée deviendra simplement un protectorat russe, à l’instar de l’Ossétie du Sud, ou, pire encore, une région occupée sous la poigne d’autorités dictatoriales, comme c’est le cas en Tchétchénie avec le gouvernement Kadyrov. L’expérience du Kosovo et de l’Ossétie du Sud illustrent que l’impérialisme, qu’il soit russe ou occidental, est incapable d’assurer la sécurité économique ou l’unité entre les différents groupes ethniques.

    Il existe sans aucun doute une profonde atmosphère d’opposition au nouveau régime de Kiev parmi les Russes ethniques de Crimée. Mais le référendum proposé par le gouvernement pro-russe de Crimée, soutenu par les forces armées russes, ne prendra pas place dans une atmosphère de débat réellement libre, sans considération pour les autres groupes ethniques de Crimée, comme les 300.000 Tatars.

    Les travailleurs ont bien plus en commun que de choses qui les séparent

    La pauvreté, le chômage, l’exploitation et la dévaluation de la monnaie affectent tous les travailleurs. Les élites dirigeantes des deux pays sont prêtes à instrumentaliser les différences ethniques pour empêcher les travailleurs de s’unir au sein d’une lutte commune. Il semble maintenant qu’elles sont préparées à aller jusqu’à la guerre pour défendre leurs intérêts. Les travailleurs et les jeunes doivent s’unir à travers l’Ukraine pour riposter contre les attaques économiques et sociales qui vont arriver de la part du nouveau gouvernement. Cette lutte ne sera couronnée de succès que si la classe ouvrière est unie contre les oligarques et leurs amis d’extrême-droite actuellement dans le gouvernement de Kiev.

    La question clé aujourd’hui est celle de la construction d’un parti de masse des travailleurs armé d’un programme socialiste et internationaliste et visant à la mise sous propriété publique des secteurs-clés de l’économie et des richesse des oligarques et hauts fonctionnaires, afin de garantir à chacun un bon niveau de vie, de bonnes pensions, des soins de santé, un enseignement de qualité et un logement, dans le cadre d’une économie socialiste démocratiquement planifiée.

  • Ukraine : Ianukovich destitué

    Par Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    Les derniers développements en Ukraine ont vu la chute spectaculaire du président Viktor Ianoukovitch ainsi que son départ de Kiev. En novembre dernier, le mécontentement massif contre la misère ainsi que la brutalité et la corruption du régime ont été à la base d’une révolte à Kiev et dans de nombreuses autres régions d’Ukraine. Mais en l’absence de toute alternative de la part de la classe des travailleurs, des forces réactionnaires bénéficiant du soutien de l’impérialisme occidental ont réussi à dominer le mouvement de protestation. Un nouveau régime pro-occidental est en cours de consolidation, sur fond de dangereux approfondissement des tensions ethniques parmi une population forte de 46 millions de personnes.

    A la suite d’affrontements sanglants entre manifestants et policiers dans le centre de Kiev entre le 18 et le 21 février – durant lesquels plus de 80 personnes ont trouvé la mort, des centaines d’autres étant blessées – les dirigeants d’Allemagne, de France et de Pologne ont négocié un accord avec le régime en ruine de Ianoukovitch. Cet accord de médiation de l’Union Européenne envisageait la constitution d’un gouvernement «d’unité nationale», la tenue d’élections présidentielles et législatives et le rétablissement de la constitution de 2004, qui aurait privé la présidence de certains pouvoirs essentiels.

    Mais l’accord s’est rapidement effondré quand l’opposition de droite, qui comprend des ultra-nationalistes et des éléments fascistes, est passée à l’offensive. Le parlement a destitué Ianoukovitch et a nommé les dirigeants du parti de la Patrie Arsen Avakov et Oleksandr Turchynov respectivement ministre de l’Intérieur et président de la Rada (le parlement). Turchynov, proche allié de l’ancienne première ministre Ioulia Tymochenko libéré de prison le 22 février, est également président par intérim. Turchynov tente de constituer un nouveau gouvernement de coalition tandis que de nouvelles élections présidentielles auraient lieu le 25 mai. Des mandats d’arrêt ont été délivrés pour Ianoukovitch et d’autres anciens ministres.

    Même les députés du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch ont voté pour ces mesures, une tentative désespérée pour tenter de se distancer de l’ancien régime. Le leader parlementaire du Parti des régions a condamné le président déchu pour avoir lancé “des ordres criminels”. De puissants oligarques jusqu’ici proches de Ianoukovitch et favorables à l’alliance avec la Russie ont de manière très opportuniste opéré un virage à 180°.

    Réaction furieuse du Kremlin

    Le Kremlin a réagi avec fureur à ces évènements et a dénoncé un “coup d’État” soutenu par l’Occident réalisé par des «extrémistes armés et par des pogromes». La destitution de Ianoukovitch représente un sérieux revers pour le régime de Poutine, pour qui l’Ukraine est un pays à l’importance stratégique vitale.

    Le Kremlin a fait de grands efforts pour politiquement et économiquement assurer de mettre son proche voisin dans sa poche. En novembre dernier encore, Moscou a conclu un accord commercial de 15 milliards de dollars après que Ianoukovitch ait rejeté un accord de partenariat avec l’Union Européenne. La lutte entre grandes puissances impérialistes pour disposer de la plus grande influence en Ukraine n’a fait que s’accroître, ce territoire étant également géostratégiquement important pour les États-Unis et pour l’OTAN.

    Le rejet de cet accord avec l’Union Européenne a suscité protestations et opposition, ainsi que des manifestations place Maidan, au centre de Kiev. Ces mobilisations étaient au départ essentiellement composées de personnes issues de la classe moyenne et d’étudiants. Nombreux sont ceux qui entretiennent l’illusion qu’une collaboration plus étroite avec l’Union Européenne conduirait à une plus grande prospérité ainsi qu’à l’obtention de droits démocratiques. Mais l’accord de partenariat de l’Union européenne de novembre dernier prévoyait un sévère plan d’austérité sous les diktats du FMI, et Ianoukovitch avait craint que cela ne conduise à une explosion de colère.

    La brutalité de la police à l’encontre des manifestants a assuré qu’un plus grand nombre de personnes descende dans les rues de Kiev et de Lviv ainsi que dans toute la partie occidentale et de langue ukrainienne du pays. Le ressentiment suite au refus de l’accord avec l’Union Européenne s’est très vite transformé en une colère de masse contre la pauvreté, la stagnation économique ainsi que la corruption et l’incompétence du régime autoritaire de Ianoukovitch. Alors que les travailleurs et leurs familles sont de plus en plus pauvres, Ianoukovitch et sa clique se sont spectaculairement enrichis. Les manifestations anti-régime ont d’ailleurs touché jusqu’aux bases politiques de Ianoukovich dans la partie industrialisée et principalement russophone d’Ukraine.

    Très rapidement, il est apparu que ce régime corrompu bénéficiait de très peu de soutien populaire, ce qui fut notamment illustré lorsque les manifestants ont ouvert les portes de la résidence principale de Ianoukovitch, exposant ainsi son style de vie opulent au grand jour. Remarquons à ce titre que les médias occidentaux ont délibérément choisi de ne pas réserver un traitement similaire pour la richesse tout aussi obscène des oligarques et politiciens pro-occidentaux.

    Mais en l’absence de fortes organisations de la classe des travailleurs, il n’a pas été possible que cette opposition de masse devienne un mouvement unifiant toute la classe des travailleurs ukrainienne contre tous les clivages ethniques, religieux et linguistiques. Si nombreux travailleurs se sont rendus dans les rues à titre individuel, la révolte contre le régime et le règne des oligarques n’a pas été dirigée par une classe ouvrière agissant en tant que classe pour soi. La majorité de la classe ouvrière est opposée tant à l’ancien régime qu’aux oligarques, mais les travailleurs sont largement restés passifs. La classe ouvrière n’a pas laissé son empreinte sur les évènements de façon indépendante et organisée.

    Les forces réactionnaires

    Cela a laissé aux forces réactionnaires l’opportunité d’occuper le vide dès le début, avec le soutien des puissances occidentales, afin de cyniquement exploiter l’exaspération des masses. L’opposition de droite et pro-capitaliste, comme l’ancien champion de boxe poids lourd Vitali Klitschko et Arseniy Yatseniuk, lié au Parti de la Patrie, ont pris les devants en se liant étroitement aux ultra-nationalistes, à l’extrême-droite et aux groupes néo-fascistes. Au cours de ces trois derniers mois, le parti antisémite Svoboda et l’organisation d’extrême-droite Secteur Droite ont joué un rôle clé dans l’organisation des combats de rue et l’occupation des bâtiments du gouvernement.

    Le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime et les craintes qu’il engendre peuvent être illustrés par l’appel lancé par le rabbin Moshe Reuven Azman pour que les Juifs fuient Kiev. Le nouveau ministre de l’Intérieur a déclaré que les «forces d’autodéfense» de la place Maidan seront incorporées aux nouvelles structures du régime. Les chefs du parti Svoboda s’attendent à occuper un poste dans ce nouveau régime.

    La décision provocatrice de diminuer le statut de la langue russe a conduit à divers appels à la sécession dans le sud et l’est de l’Ukraine, russophones. Des milliers de personnes ont protesté à Sébastopol, en Crimée, une base navale cruciale pour la flotte russe de la Mer Noire, en agitant des drapeaux russes. Ils ont voté pour mettre en place une “administration parallèle” et pour organiser des “escadrons de défense civile”.

    Au cours de ce week-end, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale des États-Unis, a averti Vladimir Poutine que ce serait une “grave erreur” pour la Russie d’intervenir militairement. Le chef du commandement militaire de l’OTAN en Europe a eu des entretiens avec l’état-major russe le 24 février afin de tenter d’apaiser les tensions avec la Russie. Moscou a encouragé les dirigeants régionaux d’Ukraine orientale pour qu’ils s’opposent à Kiev et qu’ils s’orientent vers une plus grande «autonomie». Reste encore à voir dans quelle mesure ce processus pourra aller loin, mais si d’importantes régions décidaient d’aller jusqu’à la sécession, le régime de Poutine, blessé, pourrait alors faire monter les enchères et intervenir militairement. Les oligarques concurrents et l’ingérence agressive de l’impérialisme occidental et russe ont dangereusement poussé l’Ukraine dans la voie d’un processus désordonné de désintégration, si pas carrément vers la partition sanglante du pays.

    L’Ukraine fait face à la banqueroute

    Poutine conserve une puissante influence économique sur Kiev. Plus de la moitié des exportations ukrainiennes sont à destination de la Russie et la Russie assure l’approvisionnement de l’Ukraine en gaz. Moscou pourrait causer de réelles difficultés aux Ukrainiens en révoquant la réduction de 30% des prix du gaz.

    Ni l’Union Européenne, avec le soutien des États-Unis, ni Moscou et ses oligarques n’agissent pour les intérêts des travailleurs en Ukraine. Que ce soit Ianoukovitch ou le nouveau régime pro-occidental au pouvoir à Kiev, ces gens n’agissent que pour la défense des intérêts des super-riches, y compris avec l’application d’une politique d’austérité contre les masses ukrainiennes.
    La Russie a annoncé qu’elle gelait son aide économique de 15 milliards de dollars tandis que les dirigeants occidentaux parlent de mettre sur pied un “plan de sauvetage” destiné à sauver le pays de la faillite. Le nouveau régime de Kiev dit avoir besoin de 35 milliards de dollars en deux ans pour empêcher l’économie d’aller droit dans l’abîme. La croissance économique a été nulle en 2013 et la monnaie, la hryvnia, a perdu plus de 8% de sa valeur en trois mois à peine. Le Financial Times a rapporté que les USA et l’Union Européenne avait explicitement exigé que cette aide s’accompagne de réformes économiques. Jack Lew, le secrétaire d’État américain au Trésor, a de son côté souligné la nécessité de réformes suivant les lignes des plans de lu FMI, c’est-à-dire synonymes d’austérité et de privatisation.

    Une caractéristique frappante de ces dernières semaines fut que malgré la fracture ethnique, les travailleurs ont exprimé leur forte opposition à l’ensemble de l’élite politique ainsi qu’à leurs bailleurs de fonds oligarques. Ils veulent mettre un terme au régime de la mafia des oligarques et aspirent à une société différente, avec des droits démocratiques et de bonnes conditions de vie.
    La dirigeante de l’opposition Julia Timochenko a été “reçu poliment mais en aucun cas avec ravissement”, selon un journaliste du quotidien britannique The Guardian, lorsqu’elle s’est adressée à la foule place Maidan après à sa sortie de l’hôpital de la prison de Kharkiv. Beaucoup d’Ukrainiens se souviennent que Timochenko, héroïne de la «Révolution orange» de 2004, est ensuite devenue Première ministre au sein d’un gouvernement corrompu qui a lancé des attaques contre les conditions de vie déjà pauvres de la population.

    Le nouveau régime entrera en collision avec la classe des travailleurs

    Les nouveaux dirigeants capitalistes pro-occidentaux espèrent disposer d’une lune de miel avec les masses mais, tôt ou tard, ils entreront en collision avec les intérêts de la classe ouvrière ukrainienne.

    La crise de ces derniers mois révèle l’urgente nécessité pour les travailleurs de construire leurs propres organisations de classe, y compris par l’intermédiaire de syndicats réellement indépendants. A ce jour, cela s’avère être un processus très long et difficile. Ce n’est pas surprenant étant donné les conséquences de décennies de règne du stalinisme, qui ne permettait aucune véritable auto-organisation de la classe ouvrière, de l’effondrement de l’ex-URSS et de la «thérapie de choc» de restauration du capitalisme. La conscience politique des masses est confuse et marquée par la désorientation.

    Pourtant, les travailleurs tirent d’importantes leçons des évènements. Ils sont passés par la très décevante «Révolution orange» et par le règne de Ianoukovitch. Maintenant, ils goûteront les fruits amers de Turchynov, Klitschko, Yatseniuk et les autres politiciens capitalistes pro-occidentaux.
    De plus en plus de sections de la classe des travailleurs se rendront compte que la seule façon d’avancer est de construire un parti de masse des travailleurs multiethnique et indépendant du capital, qui rejette le nationalisme réactionnaire, l’oligarchie et toute ingérence impérialiste. Un parti authentiquement socialiste disposant du soutien des masses et unifiant tous les travailleurs à travers l’Ukraine ferait campagne pour un gouvernement des travailleurs afin de prendre en mains l’énorme richesse des oligarques et de nationaliser les grandes banques et grandes entreprises, dans le cadre d’un d’une économie démocratiquement planifiée, afin de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population. Une telle lutte saurait trouver un écho parmi les travailleurs de toute l’Europe et de Russie.

  • Bosnie : Mobilisations de masse contre la pauvreté et un gouvernement corrompu

    Une révolte de masse qui illustre le potentiel de la classe des travailleurs pour surmonter les divisions ethniques

    Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    Une révolte des travailleurs, des étudiants, des chômeurs et des vétérans de la guerre balaye la Boosnie-Herzégovine, dans des manifestations contre les conditions économiques et sociales désastreuses et les divisions ethniques institutionnalisées.

    Les manifestations ont commencé dans la ville de Tuzla, au Nord, et se sont rapidement étendues à la capitale, Sarajevo, ainsi qu’à d’autres villes. Ces mouvements de masse témoignent de la capacité de la classe des travailleurs à se remettre des revers les plus graves et à reprendre la voie de la lutte collective pour un changement social.

    Depuis plusieurs semaines, les travailleurs licenciés de Tuzla, autrefois industrielles, manifestent après la privatisation d’une série de compagnie d’État qui ont été dépouillées de leurs biens et laissées courir à la faillite. Les manifestations ont grossi à mesure que les travailleurs mis à pied ont été rejoints par les jeunes et les chômeurs. En riposte, le gouvernement de Tuzla a envoyé la police anti-émeutes, ce qui a causé des affrontements violents. Cela n’a fait que provoquer plus encore les manifestants de Tuzla, qui ont tenu une manifestation plus grande le 4 février, appelant à la démission du gouvernement local, à la nationalisation des entreprises privatisées et au paiement des pensions. Le 7 février, des dizaines de milliers de personnes ont marché en direction des bâtiments officiels, qui ont été brûlés.

    Même si, jusqu’ici, les manifestations ont surtout été concentrées dans les régions bosniaques (musulmanes), les manifestations se sont étendues à plus de 30 villes de la fédération. A Srajevo, la police a utilisé des balles de caoutchouc et des gaz lacrymogènes contre les manifestants, qui avaient notamment mis le feu aux bâtiments présidentiels. Les Croates comme les Bosniaques ont manifesté à Mostar, une ville associée à certains des combats les plus durs dans la guerre civile des années 1990.

    Ce soulèvement a stupéfié l’élite dominante locale ainsi que l’establishment européen. Les gouvernements des cantons de Tuzla, Sarajevo, Una-Sana et Zenica-Doboj ont été poussés à la démission. Si la colère visait particulièrement les privatisations en massives qui ont conduit à une importante désindustrialisation dans un pays devenu dépendant de l’importation des biens et des services, les manifestants ont également crié leur opposition à l’ensemble de l’élite politique et au gouvernement corrompu.

    Des structures gouvernementales corrompues

    Le système gouvernemental de la Fédération de Bosnie-Herzégovine provient des accords de Dayton en 1995, après 3 ans de guerre et de ‘‘nettoyage ethnique’’ dans les quelles 100.000 personnes ont été tuées.

    Cette guerre de 1992-1995 était la dernière étape de la violente dislocation de la Yougoslavie et de la restauration du capitalisme. Au cours des années ayant suivi la seconde guerre mondiale, la Yougoslavie a connu un important développement économique ainsi qu’une grande augmentation du niveau de vie, même si cela s’est produit dans le cadre d’un système de type stalinien où la bureaucratie dominante parasitait l’économie étatisée. Pour mieux parvenir à leurs fins, les puissances occidentales (et plus particulièrement l’impérialisme allemand) ont aidé à provoquer la guerre civile entre Croates, Serbes et Bosniaques (Musulmans) et, avec Moscou, ont soutenu des factions rivales de l’élite afin de faire main basse sur les richesses et le pouvoir.

    Comme les armées belligérantes se sont battues jusqu’à aboutir à un statu quo, les USA et l’OTAN sont intervenus pour imposer les accords de Dayton, divisant la Bosnie en ‘‘entités’’ de la fédération de Bosnie-Herzégovine (majoritairement habitée par les Bosniaques musulmans et les Bosniaques croates), la République Srpska (république Serbe) et le District de Br?ko, qui appartenait formellement aux deux entités. Chaque entité est divisée en cantons. Les 10 cantons ont chacun un premier ministre et un conseil des ministres. Mais ce système complexe de gouvernement n’est pas synonyme de démocratie réelle. Le Haut Représentant de l’UE, en ce moment Vladimir Inzko, est investi de pouvoirs dictatoriaux, comme le pouvoir de révoquer des hauts fonctionnaires et d’imposer ses décisions au gouvernement. Le pays est de facto un protectorat néocolonial de l’Occident, ce qui a été illustré quand Inzko a menacé les manifestants d’une intervention militaire de l’Union Européenne.

    Politique ‘‘ethno-centrique’’

    La structure complexe du partage des pouvoirs en Bosnie est aussi une légitimation et une institutionnalisation d’une politique basée sur les ethnies. Les différentes possibilités ‘‘de véto ethnique’’ permettent aux politiciens nationalistes de paralyser le gouvernement fédéral sur nombre de questions. Aucune reconnaissance officielle n’est donnée aux électeurs qui veulent des politiques inter-ethniques socialistes basées sur la classe des travailleurs. Mais l’aspiration à une alternative à la politique de droite ‘‘ethno-centrique’’ peut être constatée au travers de nombreux slogans. ‘‘J’ai faim dans les 3 langues’’, pouvait-on ainsi lire sur une des banderoles.

    L’appareil dirigeant boursoufflé, bureaucratique, autoritaire, corrompu et inefficace est la cible de la haine des manifestants. L’élite politique de tous les partis est détestée pour avoir siphonné des milliards de dollars qui devaient servir de ‘‘fonds d’assistance’’ et de capital d’investissement. Les élites politiques de droite montent cyniquement les divers groupes ethniques les uns contre les autres, mais ils s’accordent parfaitement sur l’imposition d’attaques néo-libérales contre la population, une condition de l’entrée de la Bosnie dans l’Union Européenne. Après cinq ans de coupes budgétaires, les salaires des travailleurs du secteur public ont été diminués, les budgets ont été gelés et la dette publique n’a cessé de gonfler. Plus de 60% des moins de 24 ans sont au chômage. De plus en plus de Bosniaques voient clairement les visées néolibérales des principaux partis nationalistes et ethniques.

    Le président de la république serbe, Milorad Dodik, joue sur la carte ethnique afin de prévenir toute révolte. Pour lui, les manifestations étaient un complot des Croates de Bosnie contre les Serbes. Mais des manifestations ont tout de même eu lieu dans les villes Serbes, comme Babja Luka, Brcko et Prijedor. Même l’association des vétérans serbes de Bosnie s’en est prise aux déclarations de Dodik en accusant le pouvoir de ‘‘tenter par tous les moyens nécessaires de préserver un État basé sur le crime, la corruption, le népotisme, et un système d’éducation horrible dont les conséquences se sont déjà fait sentir.’’

    La solidarité de classe basique inter-ethnique en Bosnie et dans les Balkans peut être vue dans divers slogans et revendications des manifestants. Des centaines de personnes ont participé à la manifestation de Zagreb, capitale de la Croatie, où une bannière disait : ‘‘Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !’’ Le 7 février, la ‘‘Déclaration des Travailleurs et des Citoyens du Canton de Tuzla’’ a mis en avant des revendications radicales qui constituent un rejet explicite de l’économie de marché. Elle appelle notamment à une assurance-santé garantie, à l’annulation des programmes de privatisations, au retour des usines sous contrôle des autorités publiques et à l’imposition d’un salaire équivalent à celui d’un travailleur pour les représentants du gouvernement.

    Limites

    Des manifestants ont organisé des réunions ou des assemblées dans toute la Bosnie, le Plenum de Tuzla nommant même des représentants au gouvernement local. Pourtant, le caractère largement spontané de la révolte et le grave manque d’organisation et de direction politique indépendante de la classe des travailleurs limitent sérieusement le mouvement à ce stade. Cela se voit dans d’autres revendications mises en avant par les manifestants de Tuzla, comme l’appel à ‘‘l’instauration d’un gouvernement technique composé d’experts apolitiques.’’ Cela peut paraître constituer un bon moyen de se débarrasser des politiciens corrompus et égoïstes, mais comme l’ont montré récemment les gouvernements techniques d’Italie et de Grève, ce ne sont pas des arbitres neutres, mais des outils aux mains du grand patronat. Un gouvernement ‘‘non-politique et technique’’ en Bosnie serait sous d’énormes pressions des forces de la droite nationaliste ainsi que des intérêts du Grand Capital européen.

    Suite au manque de réelle démocratie sous l’ancien régime yougoslave, aux horreurs des guerres et à la restauration capitaliste, il faut s’attendre à ce que le mouvement des travailleurs soit actuellement très faible. Cependant, les travailleurs, les étudiants et les sans-emplois n’ont d’autre choix que de s’appuyer sur leur propre auto-organisation pour construire des assemblées et des conseils de lutte de masse capable de décider démocratiquement (localement, régionalement et nationalement) des prochaines étapes à franchir pour atteindre leurs buts.

    Une action unie des travailleurs

    Les meilleures armes pour les travailleurs de Bosnie et de toute la région sont les grèves, et surtout la grève générale. Une action coordonnée de la classe des travailleurs est nécessaire pour unir tous les travailleurs et se débarrasser du poison nationaliste que les élites dirigeantes vont sûrement lâcher pour défendre leurs intérêts. Un appel de classe conséquent en direction des policiers du rang peut aider à neutraliser l’oppression d’État.

    Seul le mouvement des travailleurs est apte à défendre les revendications les plus progressistes mises en avant à Tuzla, Sarajevo et ailleurs dans le cadre de la lutte pour la fin immédiate des politiques d’austérité du FMI, l’expulsion du Haut Représentant de l’UE et pour la fin de toute intervention impérialiste. La construction d’un parti de masse des travailleurs reposant sur une politique socialiste pourrait offrir une véritable alternative à toute la gamme des partis nationalistes et des gangsters capitalistes locaux.

    A la place de structures gouvernementales corrompues et divisées sur des bases ethniques, un mouvement indépendant des travailleurs lutterait pour une authentique assemblée constituante révolutionnaire ainsi que pour un gouvernement de la majorité des travailleurs. Il faut placer les industries privatisées sous propriété publique démocratique, au sein d’une économie planifiée sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs, cela encouragerait énormément les travailleurs de tous les Balkans à suivre cet exemple.

    Sur cette base, les travailleurs de toutes origines ethniques et nationales pourraient démocratiquement et pacifiquement décider de leur avenir commun, au sein d’une fédération libre, égale et socialiste des Balkans.

    [divider]

    Bosnie : Nouvelle révolte des travailleurs et des chômeurs (article publié le 10 février)

    “Je pense que c’est un vrai printemps bosniaque… Nous n’avons rien à perdre…”

    J. Hird, Socialismo Revolucionario (CWI in Spain)

    La colère bouillonne contre la situation économique désastreuse, la corruption politique, le chômage de masse et la pauvreté en Bosnie-Herzegovine. En 3 jours de lutte accélérée des travailleurs et des jeunes, le gouvernement a été ébranlé dans ses fondations.

    Jour 1 – Mercredi 5 février

    Les travailleurs mis à pied de l’usine chimique DITA, privatisée puis fermée, dans le Nord de la Bosnie, et de 3 autres entreprises ont manifesté. Ils accusaient le gouvernement de rester les bras croisés devant l’effondrement de plusieurs entreprises d’Etat après leur privatisation.

    « Les élections ne changeront rien et seuls les actions comme celle-ci, et même plus radicales, peuvent forcer nos politiciens à reculer », dit un manifestant.

    Les fans de football ont rejoint les travailleurs, ainsi que les chômeurs. Des pierres ont été jetées et des pneus brûlés. Au moins 20 personnes ont été blessées et plus de 20 emprisonnés.

    Jour 2 – jeudi 6 février

    Les travailleurs ont continué à manifester à Tuzla. Une bataille féroce a eu lieu et 130 personnes, dont 104 policiers, ont été blessées.

    Des gaz lacrymogènes ont été utilisés contre les milliers de personnes qui essayaient d’attaquer les bâtiments gouvernementaux de la ville.

    Mais Tuzla n’était que l’étincelle qui a mis le feu au profond mécontentement dans toute la Bosnie. Des manifestations de solidarité ont eu lieu dans la capitale Sarajevo et les villes de Zenica, Bihac et Mostar.

    Le premiers ministre Nermin Niksic a tenu une réunion sur la sécurité et a blâmé les “hooligans” pour les troubles.

    En réalité, ce sont les travailleurs qui montraient la voie. Les manifestants étaient d’abord surtout des travailleurs licenciés quand leurs entreprises d’Etat ont été vendues et ont fait faillite sous leurs propriétaires privés. Plus tard, des milliers de chômeurs et de jeunes les ont rejoints. La Bosnie a un taux de chômage de 44% et une personne sur 5 vit sous le seuil de pauvreté. Même ceux qui ont un travail gagnent entre 250 et 450€ par mois. Beaucoup de travailleurs de DITA n’avaient pas été payés depuis plus de 2 ans !

    « C’est notre gouvernement qui a vendu les biens de l’Etat pour des cacahouètes et a laissé le peuple sans pensions, travail ou assurance-santé », dit Hana Obradovic, 24 ans, chômeuse diplômée de Sarajevo.

    Le gouvernement a ordonné la fermeture des écoles ce vendredi.

    Jour 3 Vendredi 7 février

    Le vendredi, les manifestations s’étaient étendues dans plus de 30 villes bosniaques et la colère contre les politiciens aussi. Les manifestants ont mis les feu aux bâtiments gouvernementaux de Sarajevo. 145 personnes ont été blessées dans la capitales, dont 93 policiers.

    La police a utilisé des balles de caoutchouc et des gaz lacrymogène pour disperser les manifestants qui s’attaquaient au bureau présidentiels, qui a été incendié.

    Dans l’ancien bassin minier de Zenica, des milliers de personnes ont manifesté et 50 ont été blessés. Facebook a été utilisé pour organiser la manifestation. Les gens scandaient : « Voleurs ! » et « Révolution ! »

    Saib Kopic, l’un des représentants des travailleurs, a dit qu’ils étaient « la réponse du peuple » à l’échec du gouvernement à faire face au déclin économique en cours.

    « C’est un cri de rage, de faim et de désespoir envers le futur, qui s’est accumulé depuis des années depuis le conflit, et qui explose maintenant », selon l’éditorial du journal local Dnevni Avaz.

    A Mostar, plusieurs milliers de manifestants ont pris d’assaut deux bâtiments gouvernementaux et ont aussi mis le feu à l’Hôtel de Ville. La police n’est pas intervenue.

    Un jeune manifestant à Bihac résume le dédain des Bosniaques pour la classe politiques corrompue et leur népotisme : « pourquoi il n’y a jamais de sexe dans les institutions gouvernementales en Bosnie ? Parce qu’ils sont tous de la même famille ! »

    A Tuzla, une pancarte artisanale résume : « je ne travaille pas. Je suis venu détruire le gouvernement ».

    Vendredi, ils ont finalement brûlé les édifices gouvernementaux de Tuzla. Des témoins nous ont rapporté que les policiers anti-émeutes avaient enlevé leurs casques et leurs vêtements de protection et laissé les manifestants faire ce qu’ils étaient venu faire. Plus tard, la police a été applaudie et a serré les mains des manifestants.

    « Je pense que c’est un vrai printemps bosniaque. Nous n’avons rien à perdre. Nous serons de plus en plus nombreux dans les rues, il y a environ 550 000 chômeurs en Bosnie », dit Almir Arnaut, un économiste au chômage et militant à Tuzla.

    A Zenica et à Tuzla, les politiciens en charge des privatisations ont été forcés à démissionner par les manifestants.

    Pourquoi maintenant ? Et dans quelle direction ?

    Les travailleurs bosniaques ont enduré 20 ans de misère depuis la guerre civile. 20 ans de chômage de masse. Le partage du pouvoir sur une base ethnique a permis aux politiciens corrompus de s’enrichir dans le pays le plus pauvre d’Europe. Les travailleurs étaient réticents à entrer en lutte par peur de provoquer de nouvelles tensions ethniques. Mais il y a des limites. Les privatisations et fermetures ont fait déborder le vase.

    Il y a une nostalgie de l’unité de classe en Bosnie, qui se reflète dans les pancartes et sur facbook. Une pancarte disait « Lève-toi Tito ! Regarde ce que font tes pionniers ! » (Les « pioniri » étaient les jeunes communistes à l’époque de Tito.)

    Une photo fait le tour de facebook, sur laquelle Tito regarde sa montre et est écrit : « il est temps de revenir ».

    Il est compréhensible qu’il y ait une certaine nostalgie de Tito même parmi la jeunesse. Les parents parlent à leurs enfant de l’époque où tout le monde avait un travail, une maison et un avenir, malgré le régime stalinien dictatorial, à un seul parti, qui dominait l’économie planifiée Yougoslave.
    Le capitalisme est né en Bosnie d’une guerre civile ethnique et n’a offert rien d’autre à la classe ouvrière Bosniaque que la pauvreté, les politiciens corrompus et la menace de futurs conflits ethniques.

    Ce ne sont que les premiers jours du soulèvement bosniaque mais les travailleurs et les jeunes s’efforcent de renforcer l’unité. Ils sont unis dans leur mépris absolu et leur haine du gouvernement corrompu et ceux qui s’accrochent à eux. Aucun parti politique ne représente la classe ouvrière de Bosnie en ce moment.

    Il est significatif qu’à Banja Luka, la capitale de la moitié Serbe de la Bosnie, environ 300 militants et citoyens aient participé à une marche pacifique pour appeler à l’unité de toutes les ethnies Bosniaques.

    « Nous sommes tous citoyens de Bosnie et nous avons tous les mêmes vies difficiles ici », disaient-ils.

    Les activistes demandent aussi :

    •L’abolition des cantons
    •Que les parlementaires renoncent à 50% de leur salaire
    •La démission du directeur de PIOH (le département gouvernemental des pensions et de la sécurité sociale)
    •Une augmentation des pensions à 1000 BAM (500€)
    •Du travail et des indemnités pour les chômeurs
    •L’abolition du travail illégal et du marché noir

    Les manifestants ont aussi appelé à la re-nationalisation des entreprises privatisées, à une limite des salaires des hauts fonctionnaires, contre le népotisme, et au droit à la vie et à l’éducation. Il y a aussi des déclarations de la police et des vétérans de l’armée.

    Les travailleurs et les socialistes du monde entier saluent les travailleurs et les jeunes Bosniaques dans leur lutte contre la privatisation et la corruption et pour une vie meilleure. Cette lutte ne peut payer qu’avec la perspective d’une rupture avec le capitalisme et une lutte pour une politique socialiste basée su la démocratie ouvrière.

    SOLIDARNOST I REVOLUJICA!

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