Category: Europe

  • Grèce : Des maires refusent d’appliquer l’austérité

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    Unies, la gauche, les travailleurs des collectivités locales et les communautés peuvent résister aux politiques de la Troïka

    Eleni Mitsou, Xekinima (CIO-Grèce)

    Dix-neuf maires et le préfet de la région de l’Attique ont refusé d’appliquer la loi 4250/2014. Cette loi a été créée avec un seul but : licencier des milliers de travailleurs municipaux et du secteur public supplémentaires. Cette nouvelle offensive est destinée à permettre au gouvernement d’atteindre les objectifs budgétaires fixés par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).

    En vertu de cette loi, plus de 30.000 emplois, convertis d’emplois à durée déterminée en emplois à durée indéterminée au cours de ces 20 dernières années, seront réévalués. La majorité de ces travailleurs ont déjà vu leurs contrats aggravés par décret présidentiel en 2004 (durant le précédent gouvernement conservateur de la Nouvelle Démocratie) ainsi qu’en vertu d’une loi de 2000 instaurée par un gouvernement du PASOK (les anciens sociaux-démocrates). Aujourd’hui, la coalition Nouvelle Démocratie / PASOK veut réexaminer les fichiers et annuler des milliers de contrats à durée indéterminée.

    La loi stipule que, chaque année, 15% des travailleurs concernés doivent être réévalués comme ‘‘inadéquats’’, qu’importe si cela est vrai ou non. Elle ne mentionne aucun critère objectif ou méthode d’évaluation, en donnant aux responsables de chaque département la possibilité ‘‘d’évaluer’’ les travailleurs comme cela leur chante. Cela crée le champ libre pour des comportements irresponsables qui transformeront le lieu de travail en une arène romaine, chaque travailleur se battant pour ne pas être licencié et pour que quelqu’un d’autre soit inclus dans les fameux 15%.

    Une campagne de diffamation

    Le gouvernement a lancé une gigantesque campagne de diffamation, avec l’aide des grandes chaînes de télévision et des journaux à leur service. Il a également décidé de saisir la justice contre les cinq premiers maires qui ont refusé de se conformer à ce contrat de réévaluation (les maires de Zografou, de Halandri, de Larisa, de Patra et de Nikaia).

    La fureur avec laquelle ce gouvernement et l’establishment médiatique attaquent les maires et le préfet a soulevé la possibilité de constituer un front uni des conseils municipaux les plus militants. Si cela est correctement développé, et si cela résiste à la pression, le gouvernement ne serait pas capable d’arrêter cette dynamique. Cette possibilité est réelle. La première réunion des conseils de gauche et des forces politiques, dans l’Attique, a été organisée pour créer un organe de coordination inter-conseils pour l’abolition d’une nouvelle taxe. Une mobilisation est également actuellement en cours autour de la question des saisies immobilières.

    Au travers d’une procédure distincte, bien que liée, le gouvernement tente de forcer l’introduction de nouveaux licenciements dans le secteur public avec une procédure d’auto-évaluation. Le syndicat du secteur public (ADEDY) avait annoncé une grève contre cette mesure en mai dernier. Parallèlement, les travailleurs ont refusé de remplir les formulaires d’auto-évaluation et ces derniers ont connu un taux de non-conformité de 98%. Malgré une série de décisions de justice déclarant cette action illégale et le report de la date limite des formulaires à quatre reprises, cette action a jusqu’ici bloqué les plans du gouvernement sur ce thème.

    Les cinq maires qui font face à des poursuites, ainsi que les autres qui subiront le même sort, ne doivent reculer en aucun cas. Ils doivent être prêts à aller en prison pour la défense des emplois des collectivités locales et pour la défense du caractère public des services locaux. Il est évident qu’une telle lutte ne pourra pas seulement compter sur la solidarité de la majorité des travailleurs municipaux, mais il en ira de même avec la plupart des travailleurs et des habitants des communautés locales.

    Les 19 maires et le préfet de l’Attique, au côté des forces de gauche et des militants de tous les conseils, doivent créer un organe de coordination nationale inter-conseils. Si cela se produit, les travailleurs des collectivités locales et des communautés sentiront qu’ils peuvent réapparaître en première ligne du front et se battre non seulement pour leur défense face à leurs problèmes immédiats mais aussi pour mettre sur la table leurs propres revendications. Cela pourrait ouvrir la voie pour balayer les politiques de la troïka et même faire chuter le gouvernement.

  • Pourquoi un gouvernement de gauche doit-il défier le capitalisme?

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    Le gouvernement de gauche est celui qui romprait avec la loi du profit. Il défendrait le choix politique de faire passer les besoins essentiels de la classe des travailleurs avant les profits des grosses fortunes et entamerait une restructuration de la société en suivant des lignes socialistes démocratiques.

    Par Paul Murphy, député irlandais du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL)

    Répudier la dette publique

    Une mesure-clé serait de répudier la dette. L’an prochain, en Irlande, un euro sur cinq collectés par les impôts ne servira qu’à payer l’intérêt de la dette nationale qui est a explosé en raison du sauvetage des banques et l’éclatement de la crise capitaliste. Un arrêt immédiat du paiement de la dette devrait être imposé. Une commission d’audit sur la dette – composée de représentants des travailleurs et d’économistes de gauche – serait créée pour assurer que la dette contractée envers les banquiers et des institutions telles que le Fonds Monétaire International la Banque Centrale Européenne soit répudiée, tandis que les retraités et d’autres dont les besoins sont prouvés soient remboursés.

    Investir dans l’emploi

    Afin d’assurer qu’il y ait suffisamment d’emplois et pour faire face aux problèmes sociaux urgents, un important programme d’investissements publics est nécessaire. Investir 7 millions d’euros dans la construction de logements sociaux publics permettrait par exemple d’ériger 40.000 bâtiments et de créer 70.000 emplois socialement utiles. De similaires initiatives dans l’isolation, les canalisations d’eau, l’énergie renouvelable et d’autres domaines génèreraient d’immédiats bénéfices pour la société et l’économie.

    Le règne des banques et des institutions financières pourrait être brisé en les nationalisant et en les gérant démocratiquement. Il serait ainsi possible de fournir facilement des crédits aux petites entreprises et aux fermiers tout en abaissant les hypothèques à leur juste valeur, à la valeur des logements.

    Défier le règne des 1%

    L’effondrement actuel de l’investissement du secteur privé pourrait être combattu par la collectivisation des secteurs-clés de l’économie (énergie,…) et des ressources naturelles par la propriété publique sous contrôle et gestion des travailleurs. Un tel changement permettrait de démocratiquement élaborer un plan de relance de l’économie sur des bases saines économiquement et écologiquement.

    Ces mesures radicales – qui défient directement le règne des 1 % de la société – ne resteraient pas sans réponse. La classe capitaliste, en Irlande et internationalement, essaierait inévitablement de forcer la chute du gouvernement et d’inverser la vapeur. En dernier recours, un gouvernement de gauche ferait notamment face à des amendes imposées par la Commission européenne, à la menace probable de forcer l’Irlande à sortir de l’euro ou encore à la menace de l’arrêt de tout investissement direct étranger. L’appareil d’Etat existant, la police et le ‘‘gouvernement permanent’’ constitué des Hauts fonctionnaires, ferait également tout pour saboter l’application de ces changements progressistes.

    Une lutte de masse est nécessaire

    Tout gouvernement de gauche ne pourrait dès lors pas rester une simple majorité formelle au Parlement, mais devrait œuvrer au développement de mobilisations de la base de la société, avec de larges mouvements de protestations et des grèves générales.

    Une telle activité de masse de la classe des travailleurs et des jeunes sur leurs lieux de travail et au niveau de collectivités locales pourrait donner un aperçu de la manière dont une société démocratique devrait être développée. Les assemblées de masse que nous avons vu se développer en Grèce qui se sont développées il y a 2 ans dans le cadre de l’importante lutte contre la Troïka sont une illustration de la manière dont les choses pourraient se produire.

    Solidarité internationale

    Un gouvernement de gauche devrait également lancer des appels à la classe des travailleurs à travers l’Europe afin de ne pas autoriser l’imposition de sanctions pour avoir rompu avec l’austérité, mais aussi pour aller de l’avant sur le même chemin.

    L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche en Irlande serait incontestablement une source d’inspiration pour les luttes partout en Europe. Cela poserait les bases pour constituer une fédération volontaire et socialiste d’Etats au sein de l’Europe, en étant que part de la lutte pour la construction d’une Europe socialiste.

  • Espagne : La mort annoncée du régime de “Transition”

    La Catalogne, Podemos et la gauche

    En Espagne, le status quo social et politique existant a toujours été condamné à être balayé par la crise. L’Espagne n’est pas un pays avec un régime politique et des institutions apparemment éternelles et immuables, mais un pays où la révolution et les soulèvements ont régulièrement et répétitivement donné le ton du changement au cours de ces derniers siècles. La constitution espagnole actuelle, l’arrangement territorial, le système de partis politiques est la Monarchie sont des produits de la « transition » des années 1970, un processus de sabotage paniqué pour en finir avec le régime de Franco tout en parant la menace de la révolution. Ce que nous voyons maintenant est le commencement de la décomposition inévitable de ce régime de « transition », souvent appelé le « régime de 78 » (en référence à la constitution de 1978).

    Danny Byrne, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    Sur presque tous les fronts, la crédibilité du « régime de 78 » est en loques. Ses deux principaux partis ont échoué à rassembler plus de 50% de soutien à eux deux, alors que les partis qui appellent à la « rupture » avec le régime (en particulier Podemos) sont en progrès constants. Sa monarchie est en crise, comme le montre l’abdication paniquée de Juan Carlos et son remplacement par Philippe VI. Le peuple catalan réclame un référendum sur l’indépendance, avec une majorité pour la séparation dans les sondages.

    Aucune de ces contradictions fondamentales qui ont toujours été la plaie du capitalisme espagnol n’ont été résolues par la « Transition ». Elles ont été à peine masquées, et sont à nouveau dévoilées sous nos yeux. La crise actuelle offre cependant une nouvelle opportunité à la classe ouvrière et aux opprimés de faire ce qu’ils ont essayé de faire et ont tragiquement échoué à la fois pendant les années 1930 et 1970 : surmonter de façon permanente ces contradictions par un changement révolutionnaire.

    Catalogne: Plébiscite suspendu, puis annulé

    Suite à la courte victoire du « Non » dans le référendum pour l’Indépendance de l’Écosse, les principaux membres du gouvernement du PP ont admis leur soulagement. Les travailleurs et les jeunes ont failli marquer un dangereux précédent, que les Catalans et les Basques seraient plus que prêts à suivre. Rajoy et ses amis – soutenus sans conditions par le PSOE, ex-social-démocrate – se sont rassurés en se disant que les Catalans n’auraient pas la chance de créer une telle agitation. Il ne devait pas être question pour eux de voter. Des millions de Catalans sont descendus en rue pendant 3 ans d’affilée en faveur de l’indépendance, dernièrement le 11 septembre.

    Les choses sont devenues critiques fin septembre. Plus de 80% des membres du parlement catalan ont voté une loi autorisant l’appel à un plébiscite Catalan (il ne s’agit donc pas d’un référendum contraignant) sur l’indépendance. Le président Catalan, Artur Mas, a ensuite signé un décret y appelant, pour le 9 novembre. Rajoy et son cabinet ont convoqué une réunion d’urgence et, de manière prévisible, ont appelé le Tribunal Constitutionnel à interdire le plébiscite, ce qu’ils ont fait quelques heures plus tard.

    L’interdiction du plébiscite par le gouvernement central n’a surpris personne, et était en fait annoncée des moins à l’avance. La constitution de 1978 a été conçue pour bannir le droit à l’auto-détermination. La question-clé pour ceux qui sont déterminés à exercer le droit de décider (en fait, le droit à l’auto-détermination) est : comment construire un mouvement capable de briser les limites « légales » du régime de 1978 ?

    Aucune confiance pour les partis capitalistes dans la lutte pour l’auto-détermination

    L’action du gouvernement Catalan d’Artur Mas (parti CiU) ces derniers jours a partiellement répondu à cette question, dans le sens qu’il est maintenant très clair que ce parti ne va jamais construire ni diriger un tel mouvement. La capitulation et la résiliation de CiU était aussi inéluctable que l’interdiction du plébiscite par le PP. Socialismo Revolucionario (SR, section-soeur du PSL dans l’Etat espagnol) l’avait expliqué clairement à plusieurs reprise depuis que le projet de plébiscite avait été annoncé.

    Il semblerait que le gouvernement Catalan va maintenant essayer de sauver la face en remplaçant le plébiscite prévu par un plébiscite « officieux » organisé par des volontaires, qui ne sera pas contraignant. Cela est largement perçu comme une trahison.

    CiU (une coalition de 2 partis, dont l’un est ouvertement contre l’indépendance) est le parti traditionnel de la classe des hommes d’affaires nationaliste Catalane. Avant son tournant vers le mouvement pro-indépendance, il était le colleur d’affiches des gouvernements d’austérité en Espagne, et s’est engagé dans de nombreux pactes avec le PP pour soutenir la casse des services publics et des droits sociaux. Faut-il s’étonner qu’un tel parti ne veuille pas aller jusqu’au bout et s’opposer à la légalité du régime de 1978 ? Après tout, ses prédécesseurs faisaient partie de ceux qui ont signé et étaient d’accord avec cette même constitution espagnole qui interdit les référendums.

    ERC (Gauche Républicaine, un parti social-démocrate pro-indépendance) d’un autre côté met en avant une position apparemment plus combative et est maintenant devant CiU dans les sondages. Ils appellent abstraitement à la « désobéissance », et même à la déclaration d’indépendance unilatérale par le gouvernement Catalan. Cependant, ils n’ont pas proposé d’étapes concrètes pour traduire la rhétorique en action. En pratique, ils ne sont pas allés au-delà des propositions timides de CiU d’Artur Mas, dont ils maintiennent le gouvernement minoritaire au pouvoir. ERC n’est pas non plus étranger à l’austérité et sa position pro-indépendance radicale est relativement récente.

    La tendance des partis pro-capitalistes à refuser de lutter contre le capitalisme espagnol n’est pas seulement une question de détermination ou de fibre morale ; elle reflète des contradictions de classe. Le milieu des affaires et les riches Catalans ne voient pas de futur viable au-delà des limites du capitaliste espagnol, dans lequel ils sont intégrés. Seule la classe ouvrière majoritaire – et les couches intermédiaires dévastées de la société Catalane – a intérêt à lutter pour les pleins droits démocratiques et nationaux. Par conséquent, la classe ouvrière doit prendre la direction de la lutte.

    La classe des travailleurs doit prendre la direction du mouvement

    Comme le disait la déclaration de SR suite à l’annulation : « une déclaration d’indépendance de la part du parlement semble très radicale et militante, mais si elle n’est pas accompagnée d’un processus de mobilisation de masse des travailleurs et des pauvres pour la réaliser, elle représenterait seulement de la phraséologie. Dans ce processus, nous avons vu beaucoup de déclarations parlementaires radicales, mais très peu dans la voie d’un réel changement ».

    « Si nous voulons nous opposer au Tribunal Constitutionnel et au PP, nous ne pouvons nous baser que sur notre propre pouvoir, le pouvoir de la classe ouvrière, des 99% mobilisés et organisés. Les organisations ouvrières, les mouvements sociaux, EuiA (Izquierda Unida en Catalogne), le CUP (les nationalistes de gauche), Podemos et les syndicats devraient former un front uni et commencer une campagne de mobilisations – dans la rue et les lieux de travail – pour s’opposer au Tribunal Constitutionnel.

    « l’idée d’un front uni « national » avec les partis de l’austérité capitaliste devrait être immédiatement abandonnée par la gauche. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un front uni des 99%, armés d’une alternative politique, et d’un plan pour lutter pour le mettre en œuvre. L’allié clé des travailleurs Catalans dans cette lutte ne peut pas être le capital catalan, mais les travailleurs du reste de l’État espagnol, unis dans la lutte pour une solution socialiste internationaliste à la misère de la crise capitaliste.

    La seule solution authentique à cette question requiert un mouvement uni des travailleurs et des jeunes de tout l’État espagnol, avec la lutte pour l’auto-détermination et le socialisme imprimée sur sa bannière, au sein d’une lutte internationale pour une nouvelle société.

    Le système des deux partis en crise

    La décomposition du régime de 1978 se reflète aussi dans la crise historique de son système de deux partis. Durant les années de boom économique et de stabilité, le PP et le PSOE ex-social-démocratique ont joui d’un soutien combiné de plus de 80%. Au élections européennes de mai, ils n’ont pas atteint 50% à eux deux. Depuis, les sondages ont même situé leur soutien total à un peu plus de 40%. C’est peut-être la plus inquiétante des crises auxquels le capitalisme fait actuellement face.

    L’alternance de pouvoir de ces deux partis a été un outil-clé pour le maintien de la classe ouvrière sous sa domination politique durant la période historique depuis les années 1970. Peu importe à quel point un de ses partis se faisait haïr, l’autre prenait la relève. Cependant, cette stabilité appartient au passé. Si les élections avaient lieu demain, aucun de ces partis ne serait près de former son propre gouvernement – ils pourraient même devoir gouverner ensemble dans une « grande coalition. C’est en raison de cette nouvelle incertitude et de cette menace à l’hégémonie politique capitaliste que Podemos, le nouveau parti lancé juste avant les élections européennes, représente un tel casse-tête pour la classe ouvrière aujourd’hui.

    D’où vient ’Podemos’?

    L’énorme déconnexion entre les masses et le système biparti s’est d’abord exprimé d’une façon explosive en mai 2011, avec le mouvement « Indignados ». 4 ans plus tard, Podemos a surgi sur scène en tant qu’expression politique de cette déconnexion. Il combine un programme similaire à celui de Gauche Unie (Izquierda Unida) avec une dénonciation virulente de « la casta », la « caste » politique qui domine tous les partis dominants, qui servent tous les mêmes intérêts. Mais comment Podemos a-t-il grandi si rapidement, si on prend en compte l’existence et la croissance jusqu’ici prometteuse d’Izquierda Unida ?

    Avec la nouvelle période ouverte par le mouvement Indignados, les partis de gauche alternatifs, en particulier IU, avaient une opportunité en or de traduire cela en la construction d’une alternative politique révolutionnaire de masse. Le CIO et SR l’ont souligné de nombreuses fois que cela serait possible uniquement sur base d’une « refondation », en rompant avec les pratiques passées qui ont associé Izquierda Unida au régime de 78 aux yeux de millions de gens.

    Cela signifiait ouvrir ses structures, mettre en place la démocratie des Indignados et des mouvements sociaux basée sur les assemblées – qui en réalité reflétait les meilleures traditions du mouvement ouvrier et communiste espagnol. Cela signifiait aussi rompre avec la politique de coalition et défendre un défi de gauche indépendant à l’establishment et au système politiques.

    Tout en n’ayant pas un programme à gauche de Izquierda Unida , Podemos n’a aucun de ses « bagages ». Tout en n’ayant pas germé organiquement du mouvement des Indignados, Podemos parle son langage, et lui a donné une expression politique, qui en elle-même représente un pas en avant par rapport au sentiment « anti-parti » qui a marqué ces manifestations. Il est organisé sur base de « cercles » et « d’assemblées citoyennes », ce qui fait écho aux revendications de plus de participation démocratique directe, présentes dans toutes les luttes les plus importantes ces dernières années en Espagne.

    Débat sur les structures démocratiques

    Cependant, les propositions de la direction de Podemos sur la façon d’organiser ne satisfont pas la revendication de structures réellement démocratiques, et ont provoqué des débats et divergences importantes. 3 des 5 parlementaires de Podemos ont soutenu une proposition alternative à celle de Pablo Iglesias, le principal fondateur et dirigeant de Podemos, sur ses structures. Sa proposition contient l’élection directe du secrétaire général tous les 3 ans, qui nommerait personnellement un exécutif, que l’assemblée ne ferait que ratifier ou approuver automatiquement. Il ne donnerait aucun rôle concret aux « cercles » de Podemos (les sections/assemblées de Podemos) dans les prises de décisions, avec des référendums en ligne comme substitut.

    Cette proposition tient plus de l’approche « de bas en haut » que du discours « par en-bas » qui attire les masses vers Podemos. La clé pour un Podemos « par en-bas » vraiment démocratique est la construction d’une masse de membres actifs, et le rôle des « cercles » démocratiques qui fonctionne comme un contrôle démocratique sur une direction collective élue et révocable.

    Encore plus inquiétant, Iglesias et son cercle dirigeant proposent de bannir les membres d’autres organisations et partis politiques de toute position ou responsabilité dans Podemos. Alors que les membres des partis des patrons ne peuvent pas être autorisés à participer, ceux impliqués dans Podemos qui appartiennent aux partis ou tendances impliquées dans la lutte contre l’austérité et le système biparti doivent avoir le droit démocratique d’organiser et de participer à Podemos, tout en défendant leur propre point de vue.

    « Ni de droite ni de gauche ? » Nécessité d’un programme socialiste révolutionnaire

    L’approche audacieuse de Podemos, « Nous sommes là pour gagner », est aussi une bouffée d’air frais pour ceux qui sont malades du manque d’ambition montré par ces dirigeants d’ Izquierda Unida, dont l’ambition est de servir de partenaires minoritaires aux gouvernements du PSOE. La question est de savoir comment un mouvement peut être construit pour vraiment gagner, changer le gouvernement et le système. C’est la question-clé qui doit être débattue à la fois dans Podemos, Izquierda Unida et partout ailleurs.

    La perspective d’un gouvernement dirigé par Podemos gagne de l’élan dans la société espagnole. Podemos a atteint plus de 20% dans beaucoup de sondages, menaçant à la fois PP et le PSOE. Le soutien total de Podemos, Izquierda Unida et des autres forces de gauche dans les sondages monte jusqu’à 30%. C’est un développement extrêmement important, mettant à portée de la classe ouvrière et des jeunes la perspective d’un gouvernement pour retourner la situation.

    Cependant – de la même façon que pour Syriza en Grève – comme Podemos est monté dans les sondages, il subit une pression inévitable pour « modérer » ses perspectives et sa politique, à laquelle ses dirigeant on malheureusement concédé. Ils ont assuré aux médias que leurs intentions « n’étaient pas de rompre avec le capitalisme » dans le gouvernement, et ont expliqué que ce mouvement « n’est ni de gauche ni de droite ». Le ton auparavant radical des dirigeants sur le paiement de la dette a été aténué, remplacé par un message « responsable », que la dette doit être payée, mais d’abord « auditée et ré-négociée » avec la Troïka. Le récent pillage de l’Argentine par les créditeurs-vautours – plus de 10 ans après sa « restructuration modèle » de la dette – montre les limites de cette politique et ses conséquences désastreuses.

    Le programme de Podemos, avec celui d’ Izquierda Unida et des autres forces de gauche, inclut des revendications et politiques-clé comme l’interdiction des expulsions et la garantie du droit à un revenu, que les socialistes révolutionnaires soutiennent et pour lesquelles ils luttent sans hésitations. Cependant, dans le contexte de la crise actuelle et des recettes d’austérité imposées par l’UE, un gouvernement élu sur un tel programme n’aurait pas de marge de manœuvre pour le mettre en œuvre, dans le carcan d’austérité de la Troïka. Il serait forcé de choisir entre ces politiques et son appartenance à l’euro-zone, et menacé de l’Armageddon, de la fuite des capitaux etc.

    On ne peut répondre à ce chantage que sur base d’une politique socialiste révolutionnaire. La nationalisation sous contrôle démocratique des banques et l’imposition d’un monopole d’État sur le commerce étranger pourrait prévenir la fuite des capitaux et permettre le non-paiement de la dette pour investir des dizaines de milliards dans le financement d’une réelle relance des emplois et des conditions de vie. L’imposition d’un plan de production basé sur la propriété publique démocratique des principales industries pourrait ramener des millions de personnes au travail avec des conditions et un salaire décents. Cela pourrait être un flambeau pour les travailleurs de toute l’Europe – en particulier le Sud et l’Irlande. Ces derniers pourraient entrer en lutte et poser les bases d’une confédération alternative socialiste en Europe.

    La propagation de ces idées révolutionnaires par la gauche, les mouvements sociaux et du mouvement des travailleurs en Espagne est la tâche fondamentale des révolutionnaires aujourd’hui. Socialismo Revolucionario (CIO en Espagne) lutte pour remplir cette tâche, dans IU, Podemos, et au-delà. Un front uni de ces organisations, organisées dans des assemblées sur les lieux de travail et dans les communautés, armées d’un programme socialiste, pourrait ouvrir la voie à une lutte pour un gouvernement des travailleurs. Cela poserait les fondations d’une nouvelle démocratie socialiste qui émergerait des cendres du régime pourri de 78. Si cette voie était adoptée, alors rien ne pourrait arrêter la révolution espagnole.

  • Bruxelles. Action de solidarité avec le mouvement pro-choix en Irlande

    Avortement03Quelque 35 personnes se sont réunies ce mardi 28 octobre devant l’ambassade d’Irlande à Bruxelles en solidarité avec le mouvement pro-choix en Irlande. Un dizaine d’actions semblables ont eu lieu à travers le monde. Le Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise et parti-frère du PSL) réclame un référendum au printemps 2015 afin de retirer l’interdiction de l’avortement de la Constitution irlandaise. La solidarité internationale est importante pour soutenir le mouvement qui se construit en Irlande.

    Une première intervention sur la situation en Irlande a rappelé que l’interdiction de l’avortement tue des femmes. Même dans les pays où il est interdit, des avortements ont lieu. Mais ils sont effectués dans des conditions dangereuses qui mettent la vie des femmes en péril.

    Une deuxième intervention a appelé à rester mobilisés pour défendre nos droits. L’exemple de l’Espagne nous montre que des droits peuvent nous être repris et que seuls des mouvements de masse et la solidarité internationale sont capables de les défendre.

    Une dernière intervention a lié la lutte pour le droit à l’avortement aux luttes contre l’austérité. En Belgique, l’avortement n’est plus interdit, pourtant les femmes n’ont pas encore accès à un vrai choix. Pour qu’un choix soit réel et libre, les femmes ne doivent pas se sentir obligées d’avorter pour des raisons financières ou matérielles. C’est pourquoi il est important pour les militants pro-choix de se mobiliser contre la politique d’austérité mené par le gouvernement Michel.

    • Pour le droit à l’avortement libre et gratuit, dans des centres publics accessibles.
    • Pour la prévention par la gratuité des moyens de contraception et une éducation sexuelle de bonne qualité à l’école.
    • Pour des emplois à temps plein avec de bons salaires pour tous ; des services publics de qualité qui aident les femmes à combiner emploi et famille; des allocations familiales qui couvrent les coûts réels, afin d’éviter que l’avortement ne soit une décision purement financière.

     

    Photos : Boubaker

  • Irlande. Résistance de masse et élection de Paul Murphy au parlement

    Paul02Ce 12 octobre 2014 est une journée qui restera longtemps dans les mémoires en Irlande ! Près de 100.000 manifestants ont défilé à Dublin contre une nouvelle taxe sur l’eau. Le même jour, notre camarade Paul Murphy, membre du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge) et candidat de l’Alliance Anti-Austérité (Anti Austerity Alliance, AAA) a remporté les élections partielles dans la circonscription de Dublin Sud-Ouest. L’appel à une campagne massive de boycott et de non-paiement de la taxe sur l’eau couplée à une résistance active contre cette taxe a donc porté ses fruits. Paul a donc rejoint nos camarades Joe Higgins et Ruth Coppinger au parlement irlandais.

    Eddie McCabe, Socialist Party (CIO-Irlande)

    Il y a un an, la campagne contre la nouvelle taxe sur la propriété immobilière n’a pas été victorieuse. Cela a bien évidemment suscité une certaine démoralisation. Mais cette campagne a tout de même permis de mettre en place l’Alliance Anti-Austérité. L’initiative a été prise par le Socialist Party dans la perspective des élections de mai 2014. Cette initiative a été chaleureusement accueillie de la part de la classe des travailleurs : 14 de ses membres ont été élus aux conseils municipaux.

    Ce résultat constitue un indicateur de l’accroissement de la conscience des masses par rapport au potentiel de résistance contre la politique d’austérité qui dure depuis sept ans maintenant. Ce à quoi nous avons assisté ce 12 octobre était donc l’expression d’une explosion sociale basée sur ce sentiment

    Une victoire en plein territoire Sinn Féin

    Paul01Début octobre, un paquet d’affiches est arrivé au bureau du Sinn Féin de Dublin Sud-Ouest (parti nationaliste irlandais traditionnellement de gauche). Ces affiches avaient pour slogan central celui de la campagne des élections européennes et municipales de mai – ‘‘Faites le changement’’ – où le parti avait connu un succès historique. La circonscription de Dublin Sud-Ouest était le bastion du Sinn Fein : en mai dernier plus de la moitié des électeurs avaient voté pour lui, et ces affiches visaient à donner un dernier coup à leur campagne. Mais une fois sortis pour aller coller leurs affiches, les militants du Sinn Fein sont restés cloués sur place : une mer d’affiches rouge, noir et jaune leur faisait face avec une réponse directe aux affiches qu’ils n’avaient même pas encore commencé à coller : ‘‘Faites le VRAI changement – Votez Paul Murphy’’.

    L’anecdote est illustrative de l’ensemble de la campagne électorale, où l’Alliance Anti-Austérité a systématiquement eu une longueur d’avance. Nous avons assuré que ces élections ne soient pas uniquement concentrées sur la question du prix de l’eau, mais aussi sur la manière dont nous pouvons bloquer l’austérité. Le choix était clair : devons-nous espérer qu’un parti politique comme le Sinn Fein forme un gouvernement capable de revenir sur les mesures antisociales (espoir auparavant placé dans le Parti travailliste, en vain) ou devons-nous plutôt nous organiser dans les quartiers afin de construire un rapport de force et un large mouvement de résistance et de non-paiement si massif que le gouvernement sera contraint d’agir ?

    Au vu de la révolte sociale en développement partout en Irlande, la majorité a fait son choix. Et c’est ainsi que Paul Murphy a été élu au nom de l’AAA.
    Tous les commentateurs politiques étaient certains que le Sinn Fein avait le plus de chances de remporter ce siège, personne n’imaginait que Paul Murphy allait le vaincre. Chez les parieurs, la cote du Sinn Fein était de 1 contre 25 tandis que celle de l’AAA était de 16 contre 1. Il est vrai que les élections européennes de mai dernier avaient donné des résultats époustouflants au Sinn Fein, surtout dans les quartiers populaires de Dublin où le Parti travailliste avait complètement été balayé en conséquence directe ses nombreuses trahisons et promesses rompues.

    Un sondage national réalisé par l’Irish Times deux jours avant les élections montrait le Sinn Féin au coude-à-coude avec le Fine Gael (parti de droite chrétien-démocrate, le plus important parti capitaliste). La tendance observée en mai se poursuivait. Le Sinn Féin était donc extrêmement confiant, à raison d’ailleurs, mais il s’est contenté de cette assurance et a commis plusieurs erreurs.

    Le Sinn Féin n’a pas compté sur l’AAA et la possibilité de convaincre la population de partir en lutte active contre la taxe sur l’eau. Le quotidien Irish Times a écrit que la campagne de l’AAA révélait un ‘‘art maitrisé de la tactique et du timing politique’’. C’est ainsi que l’on a assisté à un véritable séisme politique, ce qui aurait été impossible sans une évaluation correcte de la situation politique au jour le jour et sans la capacité de donner une expression à la colère qui gronde à la base de la société. Il faut à présent continuer à mener la lutte pour un nouveau mouvement de masse qui représente les travailleurs et leurs familles et qui se mette en action contre toutes les mesures d’austérité.

  • L’atterrissage brutal du modèle-PS en France

    En révoquant son gouvernement, le Premier ministre Manuel Valls a fait un grand pas en avant vers la droitisation du PS français. S’il n’a pas fallu attendre cette crise politique interne au PS pour que celui-ci accepte et applique des politiques néolibérales, l’affaire a polarisé un parti socialiste pris de plus en plus dans ses propres contradictions.

    Par Cécile (Bruxelles), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    D’un côté, Valls se fait applaudir lors de l’Université d’été du MEDEF, où il tient résolument un discours pro-patronal. Il dira, notamment, qu’ ‘‘il est d’usage d’opposer la gauche et le monde de l’entreprise. Il faut sortir de ces postures’’(1). De l’autre, Arnaud Montebourg, ex-ministre de l’Economie, mis à la porte par Valls et Hollande, se présente comme le grand critique des politiques d’austérité. Cependant, la politique ‘‘de la demande’’ prônée par Montebourg, dont la réduction d’impôts sur les ménages et sur les entreprises, semble une version revisitée d’un keynésianisme très léger et sans solution à long-terme(2).

    Qui profitera, de l’extrême-droite ou de la vraie gauche, de la faillite du modèle PS incarnée par la côte de popularité, sans précédent, de François Hollande (de 13 à 17% selon les sondages) ? Actuellement, s’il y a bien un parti qui ‘‘profite’’ du manque de solutions proposées par la social-démocratie face à une nouvelle crise du capitalisme, c’est bien le FN. Fort du vide laissé à gauche, le FN, contrairement à ce que la petite bourgeoisie moralisatrice prétend, ne se constitue pas uniquement via la propagation du racisme, du sexisme et d’autres idées réactionnaires. C’est bien en donnant l’impression de s’opposer au capitalisme néolibéral, et en critiquant la globalisation, la financiarisation ou l’immigration, ‘‘piliers du néolibéralisme mondial’’, que le FN grossit son électorat(3). Mais son populisme ne trompe pas : les politiques du FN sont foncièrement anti-travailleurs, anti-syndicales et à la faveur du patronat français. La responsabilité d’une gauche anticapitaliste est dès lors encore plus importante, afin d’enrayer réellement la tâche brune française.

    La situation française, au final, cristallise toutes les contradictions économiques, politiques et sociales du contexte actuel. Faillite du PS ; montée de la droite ; difficultés du Front de Gauche, essoufflé, à s’affirmer comme un vrai relais politique des travailleurs sans réel plan d’actions ;… et montée des inégalités : les entreprises du cac40 ont fait 30 milliards d’euros de dividendes au premier semestre 2014(4), alors que le taux de chômage ne cesse de grimper.

    La continuité des politiques d’austérité par le gouvernement Valls II a pour but de réduire toujours plus les dépenses de l’Etat dans les services publics, engendrant pénuries et privatisations. Mais ce qui caractérise aussi la situation actuelle, est une recrudescence des grèves, des manifestations et de mouvements sociaux s’opposant à la dégradation des conditions de vie, de travail, d’études, etc. Actuellement, les chauffeurs de bus de Montélibus du groupe Kéolis se déclarent en grève jusqu’au mois de décembre, tant que leurs revendications ne sont pas abouties(5). Le PSL et Gauche Révolutionnaire, notre parti-frère en France, soutenons ces actions ! Nous défendons une autre vision de la société que celle promise par les politiques pro-austérité et le diktat de la classe patronale.


    Depuis l’écriture de cet article à destination de notre édition d’octobre, Nicolas Sarkozy a annoncé son retour en tant que candidat à « la présidence de [sa] famille politique » (des élections devant se tenir les 29 novembre et 6 décembre). Face au discrédit de François Hollande et du PS ainsi que de la crise de l’UMP, il s’agit d’une tentative d’avoir un “homme providentiel” pour appliquer le programme de la bourgeoisie.


     

    Notes
    1. http://www.lepoint.fr/economie/discours-de-valls-les-patrons-veulent-plus-qu-une-declaration-d-amour-27-08-2014-1857141_28.php
    2. http://www.gaucherevolutionnaire.fr/?p=1387
    3. http://dissidentvoice.org/2014/05/the-rise-of-the-european-right-reaction-to-the-neoliberal-right/
    4. http://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0203730581279-pres-de-30-milliards-deuros
    5. http://www.gaucherevolutionnaire.fr/?p=1392

  • France : A propos du retour de Sarkozy et de la crise politique

    Gagnant des sénatoriales, l’UMP se cherche un nouveau leader pour faire mieux que le PS pour le MEDEF

    umpBeaucoup de bruit a été fait autour du retour de Sarkozy. Ce n’était vraiment pas une surprise mais l’espace qui lui est laissé montre la crise politique que nous traversons. Avec d’un côté le PS au pouvoir qui atteint un record d’impopularité, la droite n’est pas tellement audible tant son discours est proche de celui du PS.

    Par Matthias, Gauche Révolutionnaire (CIO-France)

    L’UMP gagne sans surprise les sénatoriales (en reprenant 28 sièges) après les municipales qui leur ont donné beaucoup plus de grands électeurs. C’était la même chose sous le quinquennat de Sarkozy avec le PS qui raflait tout par défaut d’une opposition à sa politique. Pourtant ces deux partis continuent la même politique. Le FN profite de son bon score aux municipales également et d’un soutien parmi certains grand électeurs pour arriver à faire élire 2 sénateurs.

    Le FN se présente comme un parti différent du PS et de l’UMP. Il prenait position contre l’utilité du sénat précédemment. Aujourd’hui, ça ne les dérange plus d’avoir des élus sénateurs qui cumulent comme les autres des mandats, prétextant continuer à le faire seulement parce que les autres le font aussi. Y a mieux comme parti anti-système ! Majoritaire au sénat l’UMP pourra ralentir certaines lois de la majorité PS mais certainement pas les lois contre les droits et les acquis des travailleurs et de la population.

    A droite, recherche désespérément une unité !

    La présidence de l’UMP va se jouer entre Bruno le Maire qui a fait une grosse campagne de terrain, Nicolas Sarkozy qui joue sur ses soutiens nombreux et sa notoriété et Hervé Mariton, minoritaire. Qui l’emportera ? Peu importe, cette remise en selle de Sarkozy, coûte que coûte, malgré les affaires de scandales quotidiennes, a plusieurs objectifs : les primaires et la présidence de l’UMP mais surtout se présenter aux gros capitalistes comme une alternative à Hollande.

    C’est le moment de voir la stratégie des différents candidats dans une UMP qui n’est toujours qu’un rassemblement entre différents courants. Sarkozy dans ses déclarations est celui qui a été le plus “light” dans les propositions d’attaques (pour l’instant) avec la retraite à 63 ans, les contrats de 5 ans pour les fonctionnaires, les renégociations des 35h par entreprise (qu’envisage déjà le gouvernement) et une convergence fiscale avec l’Allemagne. Par contre c’est toujours celui qui appuie le plus sur l’idée qu’un homme providentiel peut changer la donne avec la volonté semi-bonapartiste de gouverner qu’on lui connaît. Et une politique raciste proche de celle du FN qu’il avait largement contribué à promouvoir notamment avec le débat sur l’identité nationale en espérant récolter les voix pour les présidentielles. La fonction présidentielle protégeant l’heureux futur élu des tribunaux de justice, cela peut être une motivation pour Sarkozy afin d’échapper aux affaires.

    Fillon veut incarner l’aile plus libérale. Il parle de 110 milliards d’économies sur 5 ans, ce qui est la même chose que le PS qui propose 50 milliards mais en 3 ans, 600 000 suppressions de poste de fonctionnaires, le passage à 39h, la retraite à 65 ans et enfin la dégressivité des allocations chômage pour les travailleurs. Pour la bourgeoisie il prévoit encore une baisse des impôts sur les entreprises la suppression de l’ISF et encore 50 milliards de plus de baisse de “charges” pour les entreprises, financés par une nouvelle augmentation de la TVA. Juppé cherche à incarner davantage le courant gaulliste et reste plus vague mais dévoile déjà sa stratégie qui n’a rien de nouveau. Regrouper la droite et le centre pour gagner la présidentielle. En effet il a parlé d’une nouvelle croissance sur des axes que l’UDI, le Centre et une parti des Verts peuvent partager. Il veut aussi continuer les réformes libérales d’éducation avec la fin du collège unique.

    Quoi qu’il en soit , il est certain que l’ensemble des candidats de l’UMP pour 2017 se distinguent très peu les uns des autres en terme de politique et continueront et intensifieront si possible la politique de Valls et Hollande contre les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et les retraités et les étrangers. Dès maintenant il faut lutter contre ces partis pro capitalistes et leur politique sans attendre 2017.

  • Notre camarade Paul Murphy est élu au parlement irlandais!

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    Paul Murphy, au centre, et Joe Higgins, à gauche.

    Ce week-end, la colère contre l’austérité s’est exprimée dans la rue et dans les urnes.

    Manifestation de ce samedi contre la “Water Charge”, la taxe sur l’eau.

    En Irlande, les actions de protestation contre les mesures austéritaires vont bon train. Ce samedi encore, pas moins de 100.000 personnes ont défilé à Dublin contre une nouvelle taxe sur l’eau particulièrement détestée. Ce n’est pas la première fois qu’il est question de cette Water Charge, une première tentative d’introduire un impôt sur l’eau avait été effectuée dans les années 1990, mais elle fut confrontée à une campagne de boycott massive. Cette campagne bénéficia du soutien actif des militants du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise et parti-frère du PSL). Leur rôle de premier plan dans ce combat avait notamment assuré l’élection de Joe Higgins au Parlement irlandais en 1997.

    Le manifestation d’hier était co-organisée par l’Alliance Anti-Austérité (AAA), un regroupement d’opposition aux politiques d’austérité dans lequel est impliqué le Socialist Party. Cette manifestation nationale, qui a fait suite à de nombreuses actions locales, fut une expression de l’immense colère qui se développe dans la société irlandaise. Il s’agit bien entendu d’un excellent point de départ pour une nouvelle campagne massive de boycott de la Water Charge.

    Cette colère a également trouvé une expression sur le plan politique. Le siège de la circonscription de Dublin Sud-Ouest au Dail, le parlement irlandais, était en jeu et il a été remporté hier par Paul Murphy, notre camarade du Socialist Party, qui se présentait sur la liste de l’Alliance Anti-Austérité. Jusqu’aux dernières élections européennes, Paul était député européen pour le Socialist Party.

    Les partis traditionnels connaissent actuellement une débâcle inédite dans le pays, comme cela avait été illustré aux dernières élections locales et européennes. Ici, Paul a réussi à l’emporter face au candidat du Sinn Fein, un parti qui veut se profiler comme une opposition de gauche au gouvernement mais qui refuse de concrètement organiser l’opposition de la population avec une campagne de masse pour le boycott de la Water Charge, par exemple. Le Sinn Fein se prépare en fait à entrer au gouvernement, comme c’est déjà le cas en Irlande du Nord. La campagne électorale a été dominée par la lutte contre la nouvelle taxe sur l’eau, et le refus du Sinn Fein de soutenir la campagne de boycott a fortement pesé.

    AAA_standLe Sinn Fein a recueilli 30% des votes de premier choix contre 27,2% pour Paul, mais il a dépassé ce candidat avec le report des votes de second choix (le système de vote irlandais permet de voter pour plusieurs candidats par ordre de préférence). Au final, Paul a reçu 9.565 voix contre 8.999 pour le Sinn Fein. Paul rejoint donc nos camarades Joe Higgins et Ruth Coppinger, les élus du Socialist Party au parlement irlandais. Ruth avait été élue en mai sur une liste AAA dans la circonscription de Dublin Ouest.

    Le scrutin de Dublin Sud-Ouest était un peu considéré comme une sorte de référendum concernant la Water Charge. Le résultat est remarquable… Les deux partis qui participent au gouvernement (Fine Gael et parti Travailliste) ont récolté ensemble 17,3% (contre 56% aux élections de 2011). Quant au résultat du Sinn Fein, il s’agit clairement d’une punition alors que cette circonscription est un bastion de la gauche nationaliste. Il y a une semaine, tout le monde supposait que le Sinn Fein allait gagner, mais la dynamique de la résistance contre la taxe sur l’eau en a décide autrement.

    La victoire de Paul Murphy et la manifestation massive contre la Water Charge démontre qu’il est possible de construire une résistance par le bas, d’organiser une implication massive dans la lutte contre l’austérité et d’assurer que cette résistance obtienne des conclusions politiques.


     

    Nous vous invitons également à lire un précédent dossier : “Comment les marxistes peuvent-ils utiliser leurs positions élues pour construire un rapport de force vers un changement réel ?”

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  • [DOSSIER] A propos du référendum écossais sur l’indépendance

    logo_yesMême si le “Non” a gagné, le référendum sur l’indépendance a complètement bouleversé la vie politique au Royaume-Uni. La campagne pour le “Oui” s’est changée en une mobilisation de masse dans les quartiers ouvriers : contre l’austérité et contre la politique bourgeoise corrompue, et pour un avenir positif. Il s’agit d’un point tournant, ce qui soulève d’importantes questions pour les socialistes.

    Analyse par Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party (CIO–Angleterre et Pays de Galles)

    Le référendum pour l’indépendance en Écosse a été remarquable à de nombreux égards : l’énorme politisation et l’intense polarisation de classe, plus le fait que les masses commencent à intervenir de manière active dans la vie politique, surtout du côté des couches les plus opprimées de la classe des travailleurs, qui cherchent maintenant à reprendre son avenir en main, là où la politique était jusqu’ici au Royaume-Uni considérée comme la chasse gardée de l’élite auto-proclamée qui domine ce qu’elle appelle le “débat politique”.

    Vu le déclenchement des passions qu’il a suscité, ce référendum a complètement chamboulé le paysage politique du Royaume-Uni : « Plus rien ne sera comme avant », ont même concédé plusieurs analystes bourgeois. Plus remarquable encore, ce référendum aura également d’importantes conséquences sur la vie politique dans d’autres pays. L’Écosse, ce petit pays (5 millions d’habitants, 80 000 km²) doté d’une importante histoire de résistance ouvrière, fait à présent vaciller l’Europe et le monde dans leurs fondements.

    Les dirigeants mondiaux, de Barack Obama à Xi Jinping en passant par le pape François, se sont réunis pour appeler de tous leurs vœux au rejet de l’indépendance pour l’Écosse. La classe dirigeante britannique qui régnait naguère sur un quart de la population mondiale, a été si terrifiée de cette potentielle atteinte à son prestige et à sa réputation mondiale, qu’elle a déversé des seaux entiers de calomnies et d’injures contre le mouvement indépendantiste. « Le monde entier dit “Non” à l’indépendance de l’Écosse », s’écriait Phillip Stephens dans le Financial Times. Quelques jours avant la date du référendum, le même magazine décrivait bien l’effroi qui régnait parmi les capitalistes : « L’élite dirigeante tremble d’effroi tandis que l’Union vacille […] Offensive majeure des patrons contre le “Oui” […] 90 % des patrons sont contre le “Oui” »

    Surprise, surprise, le Fonds Monétaire International (FMI) a lui aussi été recruté dans ce front anti-indépendance, prophétisant des « risques de récession sur les marchés ». Alan Greenspan, ex-président de la banque centrale américaine – aux affaires au moment de la plus grande catastrophe économique et financière de l’histoire après la crise des années ’30 et que l’on n’avait plus vu depuis un bon moment – est tout à coup réapparu pour dire que « Voter “Oui” serait une grave erreur économique pour l’Écosse et une catastrophe géopolitique pour l’Occident ». Et si l’Écosse avait réellement voté pour l’indépendance, elle aurait été punie : « Les Écossais découvriront le véritable gout de l’austérité », grondait déjà le Financial Times.

    Pourquoi toute cette hystérie de la part des poncifs du capitalisme, toute cette exagération, au vu du peu d’importance que représente somme toute l’Écosse ? L’explication se trouve non pas en Écosse, mais à l’étranger, lorsqu’on voit l’écho formidable qu’ont suscité les évènements écossais parmi les masses d’Europe et du monde entier, lorsque tant de pays sont eux-mêmes confrontés à leurs propres crises nationales. Vu le bouillonnement parmi les masses catalanes échaudées, Mariano Rajoy, Premier ministre espagnol, a tout naturellement perçu l’indépendance de l’Écosse comme un « désastre » qui ne ferait « qu’aggraver la crise économique en Europe et qui mènerait sans doute à la désintégration de l’Union européenne ».

    En réalité, ce que craignent les dirigeants espagnols, c’est la « balkanisation » de l’Espagne (pour reprendre leurs termes), c’est-à-dire l’auto-détermination et l’indépendance du peuple catalan, puis du peuple basque. Le mouvement catalan a été grandement revigoré par le simple fait qu’un référendum se passe en Écosse. « Comment Cameron a-t-il pu se faire piéger comme ça ? », grommèlent les dirigeants bourgeois dans toute l’Europe. En Espagne, les Catalans et autres nationalités réclament à présent leur propre référendum – ce que les gouvernements refusent catégoriquement. Pendant ce temps, en Italie, c’est l’effervescence dans le Haut Adige / Sud-Tyrol, dont la population de langue majoritairement allemande réclame elle aussi le droit à l’auto-détermination, tandis que la Ligue du Nord (parti de droite nationaliste) redouble aussi d’activité en vue d’obtenir l’indépendance pour l’Italie du Nord.

    Les marxistes et la question nationale

    Ces exemples qui illustrent l’impact international de l’intense débat écossais autour de l’indépendance montrent qu’il n’y a en fait pratiquement aucun pays aujourd’hui dont la question nationale ne risque à présent d’exploser à tout moment. Depuis le début de la crise économique mondiale, la question nationale est revenue en force dans des régions ou des pays où cette question semblait avoir pourtant été résolue depuis longtemps.

    Cela signifie que le mouvement syndical, et en particulier pour les militants qui se disent socialistes ou marxistes, ne peut simplement ignorer cette question comme si de rien n’était. Il nous faut nous positionner, mais ce faisant, il est nécessaire d’éviter de tomber dans le piège de l’opportunisme (en se laissant entrainer par le nationalisme capitaliste ou bourgeois), tout en évitant également une approche propagandiste abstraite et vide qui ne nous permettra jamais d’entrer en lien avec le mouvement réel de la classe des travailleurs, et certainement pas avec ses couches les plus opprimées.

    Tout au long des quarante dernières années, les forces du marxisme rassemblées dans le groupe Militant qui est ensuite devenu le Socialist Party (sections du Comité pour une Internationale Ouvrière au Royaume-Uni) ont systématiquement soutenu les aspirations légitimes du peuple écossais dans le cadre de la question nationale. Alors que les dirigeants syndicaux (pas seulement l’aile droite mais aussi la “gauche” du style Neil Kinnock) s’opposaient même au transfert de compétences très limité donné à l’Écosse dans les années ’70, nous avons soutenu cette avancée. Nous n’avons cependant jamais entretenu la moindre illusion dans le fait que l’indépendance serait la “solution finale” à tous les problèmes de la population écossaise.

    En même temps que nous défendons le droit à l’auto-détermination du peuple écossais, nous n’avons jamais appelé à la balkanisation de pays composés de différents groupes ethniques. Il est absurde d’imaginer qu’un pays seul, surtout s’il s’agit d’un petit pays, puisse dans le monde actuel prospérer et résoudre tous ses problèmes en se coupant du reste du monde. Dans ce monde mondialisé, il est impossible de faire cela seul. Les efforts consentis par les capitalistes européens en vue de l’“unité”, consacrés par l’Union européenne, expriment justement cette nécessité pour les forces productives – la science, la technique, l’organisation du travail – d’une organisation à échelle continentale, voire mondiale.

    Mais les capitalistes ne pourront jamais totalement dépasser les limites posées par la propriété privée des moyens de production et par l’existence des États-nations. La seule force capable de réaliser cette unité est la classe des travailleurs, dans le cadre d’une lutte unie pour des États-Unis socialistes d’Europe.

    Par conséquent, tout en luttant pour une Écosse indépendante et socialiste, nos camarades de la section écossaise du CIO appellent à la création d’une confédération socialiste d’Écosse, d’Angleterre, du pays de Galles et de l’Irlande unie, en même temps qu’à une Europe socialiste. Il est arrivé dans le passé que nous nous soyons déclarés contre l’indépendance de l’Écosse en tant que revendication immédiate, surtout en tant que slogan. C’est parce qu’à ce moment, l’indépendance n’avait pas le soutien d’une part assez importante de la population. Dans ce cas, le fait par exemple pour notre section anglaise d’appeler à l’“auto-détermination”, voire à l’indépendance de l’Écosse, c’est-à-dire, à la séparation, aurait pu être interprété par de nombreux travailleurs écossais comme signifiant que nous, travailleurs anglais, qui constituons la majorité, ne désirons plus vivre avec eux, travailleurs écossais, dans le cadre d’un État uni. Cependant, une fois que l’idée d’indépendance s’est emparée des cœurs des masses, gagnant le soutien de la majorité ou du moins, d’une importante minorité, nous étions face à une situation complètement différente.

    La direction du mouvement en Écosse est claire depuis longtemps. L’élection du Parti national écossais (SNP) en tant que parti majoritaire du parlement écossais a été perçu comme une étape importante sur la route vers l’“indépendance”, surtout pour les couches les plus dynamiques des travailleurs qui sont montés au créneau dans le cadre de la campagne pour le référendum. Une part importante de la jeunesse (entre 40 et 50 %) était déjà conquise à l’idée de l’indépendance depuis avant même qu’on ne commence à parler de référendum. La tâche des marxistes est d’apporter un soutien à ce mouvement de manière générale, tout en cherchant à lui donner un contenu socialiste. Nous avons fait cela en soulignant à chaque fois les contradictions (c’est un euphémisme) du SNP qui veut rester dans le cadre du capitalisme, ce qui signifie que la plupart des revendications sociales qui ont poussé les gens à voter “Oui” n’auraient jamais pu être réalisées. Au contraire, le futur de l’Écosse n’aurait été rien d’autre qu’une austérité sauvage, à moins que les travailleurs écossais n’utilisent les pouvoirs conférés par l’indépendance pour rompre avec le capitalisme.

    Les erreurs commises par la gauche

    “Expulsons les conservateurs”

    La campagne pour le “Oui” a été l’occasion rêvée pour contre-carrer les plans du capitalisme britannique faits d’attaques systématiques contre la classe des travailleurs. C’est pourquoi les pancartes pour le “Oui” déclaraient « Chassons les Tories [les conservateurs] du pouvoir, à jamais ». Hélas, l’indépendance n’aurait pas eu en soi ce résultat de manière automatique, vu que l’Écosse aurait alors hérité d’un gouvernement SNP qui se dit contre l’austérité mais qui la mène en pratique, avec des coupes budgétaires et un soutien aux grandes entreprises. Mais le slogan anti-Tory montre bien quels sentiments de classe se trouvaient derrière le vote en faveur de l’indépendance.

    Considérant ceci, nous trouvons incroyable que des militants se réclamant de la gauche, tels que George Galloway, se soient si farouchement opposés à l’indépendance, partageant la même plateforme que les Tories, les libéraux-démocrates, et qu’un Ed Miliband [dirigeant du parti travailliste] en perte rapide de crédibilité. Malgré le rôle héroïque joué par George Galloway dans le passé en opposition à la guerre d’Irak et malgré sa défense continue des idées du socialisme, celui-ci s’est vu hué par une grande partie des lycéens qui étaient venus participer à un débat pour des étudiants de 16 ans. Mais il n’était pas le seul dans ce cas, surtout lorsqu’il s’est mis à déclarer que « Ce serait la fin de l’austérité » et qu’on aurait un « Gouvernement travailliste qui reviendrait aux valeurs de 1945 » d’ici 2015.

    En effet, le Parti communiste britannique (CPB), lié au journal Morning Star, s’est lui aussi retrouvé du mauvais côté de la barrière. Sa position était : « Le vote pour le “Non” au référendum doit constituer un tremplin pour la mobilisation du mouvement des travailleurs dans tout le Royaume-Uni afin de réclamer un changement constitutionnel » (Déclaration sur l’indépendance de l’Écosse, 4 mars 2014). Comment réaliser cette mobilisation tout en s’opposant aux aspirations de la masse des travailleurs écossais, cela reste un mystère. Et quelles étaient les raisons du CPB pour s’opposer au “Oui” ? « Le fait qu’elle soit membre de la zone sterling subordonne l’Écosse à la politique néolibérale actuelle, sans aucun pouvoir pour la modifier, ce qui ôte en même temps toute possibilité d’une action ouvrière unie à travers les différentes nations du Royaume-Uni […] Pire, le fait que l’Écosse serait toujours membre de l’Union européenne forcerait l’Écosse à incorporer dans sa constitution les termes du Traité de stabilité, coordination et gouvernance (TSCG) de 2012 ».

    Mais pourquoi cela découlerait-il de l’indépendance ? Puisque tout de même, dans le cadre d’une Écosse indépendante, les travailleurs auraient surement la possibilité de refuser l’entrée dans l’Union européenne ? Le CPB semble hypnotisé par le fait que l’Écosse fasse partie de la zone sterling, tout comme de l’UE. Mais même sans cela, le fait d’appartenir de l’un ou l’autre de ces blocs n’a tout de même jamais empêché les travailleurs ni du Royaume-Uni, ni de l’Europe, de résister aux patrons et de s’opposer aux lois anti-syndicales et anti-sociales ?

    L’argument sous-entendu ici est que le fait de soutenir l’indépendance de l’Écosse diviserait automatiquement les travailleurs. Pourtant, il est possible de soutenir l’indépendance tout en se battant pour les travailleurs et pour leur unification. C’est ce qu’on fait Karl Marx et Vladimir Lénine il y a déjà plus d’un siècle de cela. D’ailleurs, le mouvement marxiste a toujours été impliqué dans des luttes nationales, depuis l’époque de Marx lui-même. Par exemple, Marx soutenait de manière générale l’idée d’un État uni. Pourtant, Engels et lui ont toujours obstinément appelé à l’indépendance de l’Irlande. Selon Marx, la question d’une fédération libre de la Grande-Bretagne et de l’Irlande ne pourrait se poser dans le cadre d’un débat libre qu’une fois l’indépendance obtenue pour l’Irlande.

    Lénine a approfondi cette approche lorsqu’il enseignait aux travailleurs de Russie à défendre le droit à l’auto-détermination des nations opprimées par le tsarisme. Pour Lénine, ce n’est qu’en défendant le droit à la liberté de ces nations que les travailleurs russes pourraient gagner leur confiance. En leur offrant après indépendance la possibilité de s’unifier à la Russie dans le cadre de républiques socialistes et démocratiques, ses nations ne se retrouveraient donc pas dans l’isolement, mais dans le cadre d’une alliance fraternelle et librement choisie avec les masses de Russie. La validité de cette approche a été brillamment démontrée par le cours de la révolution russe. Les bolchéviks ont reconnu le droit à l’auto-détermination jusqu’à l’indépendance, et s’y sont tenus : c’est ainsi que la Finlande a acquis son indépendance en 1918.

    Les arguments du CPB et d’autres petites organisations de gauche, y compris certains soi-disant “marxistes”, ne font que reprendre les arguments de Rosa Luxemburg, qui s’opposait à l’idée d’auto-détermination prônée par Lénine et les bolchéviks, de même qu’à leur idée de redistribuer la terre aux paysans après leur prise du pouvoir en 1917. Elle considérait ces revendications comme représentant un pas en arrière. Au contraire, les bolchéviks sont parvenus à unifier la classe des travailleurs parce qu’ils s’opposaient au nationalisme bourgeois – tout comme le Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) le fait dans le cadre de la question écossaise.

    Lénine expliquait que, parfois, il est possible de faire un pas en arrière afin de faire deux pas en avant. Lorsque la terre est redistribuée aux paysans, c’est pour pouvoir gagner la confiance des paysans, qui ne pourraient être convaincus de la nécessité d’organiser l’agriculture à grande échelle qu’au cours d’une longue période et seulement avec leur consentement. C’est la même chose en ce qui concerne la question nationale et l’auto-détermination : elle permet aux nations opprimées d’obtenir satisfaction de leurs propres revendications, de faire l’expérience dans la pratique du fait que l’union est nécessaire afin de rassembler les forces productives à une plus grande échelle, ce qui mène à une confédération volontaire.

    Le CIO est la seule organisation qui maintient une position cohérente sur la question nationale, que ce soit au Royaume-Uni ou dans le reste du monde. Le Socialist Workers Party (SWP), par exemple, lorsqu’on parlait du transfert de compétences à l’Écosse dans les années ’70, disait que : « Si un référendum est un jour organisé en Écosse ou au pays de Galles, nous nous abstiendrons. Cela ne signifie pas que nous ne participerons pas au débat […] Notre abstention nous définira par rapport au reste de la gauche qui battra en retraite apeurée par ce nouveau réformisme, tout en nous permettant de ne pas être assimilés au camp nationaliste, britannique, unioniste » (La Question nationale, septembre 1977). Cette politique a pourtant été abandonnée depuis, sans aucune explication.

    Le problème des référendums

    Il est vrai que la forme qu’a revêtu la lutte pour l’indépendance dans ce cas n’a pas été une forme idéale. Les référendums ne sont pas l’arme préférée de la classe des travailleurs et de ses organisations. Les référendums sont par contre souvent utilisés par les dictatures et les régimes non démocratiques afin de renforcer leur position, en présentant à la population un choix simple : “Oui” ou “Non”. Le mouvement ouvrier et notamment les forces socialistes se voient parfois contraints de participer au référendum dans le même camp que des forces bourgeoises ou pro bourgeoisie, allant jusqu’à partager une même plateforme, entrainant le risque politique que ces organisations de gauche ne parviennent pas à faire passer leur message ou leur programme à travers celui des autres forces.

    Les référendums peuvent aussi constituer un piège pour les forces véritablement socialistes si au cours de la campagne ces forces ne se différencient pas clairement du point de vue politique, en termes de perspectives et de programme, de leurs “alliés” nationalistes du jour. Cela ne veut pas dire que nous devons directement attaquer les autres forces qui partagent notre camp pour le référendum. Parfois, il suffit d’expliquer notre point de vue, ce qui est assez pour que les travailleurs comprennent la différence entre nous et les nationalistes. Avec assez d’habileté, notre public, surtout les travailleurs, tirera de lui-même les conclusions politiques qui conviennent. Cependant, dans d’autres occasions, il pourrait s’avérer nécessaire de nous différencier de manière nette en termes de programme et de perspectives par rapport, par exemple, aux nationalistes bourgeois ou petit-bourgeois – comme le SNP – ou au nationalisme de gauche.

    Les forces du CIO, qui ont participé à la campagne du référendum écossais, ne sont pas tombées dans le piège qui consistait à renforcer le SNP. Tout en soutenant énergiquement la campagne pour le “Oui”, le Socialist Party Scotland (SPS, section écossaise du CIO) a pris part à une magnifique campagne indépendante, orientée vers la classe des travailleurs, qui est parvenue à attirer des milliers et des milliers de travailleurs écossais enthousiastes dans le cadre de débats et meetings avec Tommy Sheridan et des figures publiques membres du SPS. Même Rupert Murdoch, le grand patron de la presse et ennemi juré de Tommy, a reconnu cela lors d’une déclaration où il se plaignait que les “gauchos” étaient trop visibles dans la campagne pour le “Oui”.

    socialist-32website-11De plus, notre position a été détaillée en détail dans notre programme pour une Écosse indépendante, ce qui contrastait avec les perspectives fausses des nationalistes qui se contentaient de dépeindre un avenir rose bonbon pour l’Écosse dans le cadre du système capitaliste. Le SNP dans le passé se basait sur l’exemple de nombreux pays capitalistes “nordiques” afin d’étayer sa position : l’Irlande, l’Islande, la Suède, la Norvège,… Pourtant tous ces pays aujourd’hui ne sont plus que le témoignage des conséquences dévastatrices de la crise économique mondiale. Le référendum a indiqué un rejet massif de l’austérité, qu’elle soit imposée par Westminster ou par Edinbourg (c’est-à-dire, qu’elle vienne de l’Angleterre ou de l’Écosse). L’analyse démographique du vote a bien montré que la classe des travailleurs, surtout dans les zones où vivent ses couches les plus miséreuses et les plus opprimées, dans les quartiers ouvriers de Glasgow, de Dundee, dans le West Dunbartonshire et le North Lanarkshire, a massivement voté pour le “Oui” à l’indépendance, de même qu’une immense majorité de 16-17 ans.

    Les manœuvres des Tories

    S’il fallait un jour donner un exemple de ce genre de “nationalisme” qui, selon les mots de Trotsky, reflète « l’épiderme d’un bolchévisme qui n’a pas encore muri », alors ce vote considérable de la classe des travailleurs écossais constitue un cas d’école. Dans les esprits des masses, l’idée de l’“indépendance” était organiquement liée à l’idée d’une indépendance totale vis-à-vis de ceux qui ont imposé dans le passé la capitation (“poll tax”), la taxe du logement, la persécution des handicapés et des malades, etc.

    Ce sentiment est toujours là. Deux semaines avant le référendum, David Cameron, certain de sa défaite à venir, se préparait déjà à la fin de sa carrière politique. Même les autres Tories réclamaient sa tête. Si l’Écosse avait voté pour le “Oui”, Cameron aurait vu son propre parti lui donner un “Non” retentissant ! Mais en cours de route, une campagne de terreur massive est parvenue à rallier la grande majorité de la classe moyenne et des “sans avis” et à les forcer à voter “Non” – grandement aidée en cela par l’intervention cruciale de la direction du Parti travailliste, notamment par Gordon Brown, qui a à cette fin fait usage de tout le capital politique dont il pouvait encore disposer.
    La campagne féroce pour le “Non” a eu un effet au dernier moment. Le journaliste Matthew d’Ancona écrivait dans le Sunday Telegraph : « Le sondage réalisé après le référendum par Lord Ashcroft a révélé que 19 % de ceux qui ont voté pour le “Non” ont pris cette décision il y a moins d’un mois – ce qui montre bien le résultat de la campagne frénétique lancée par le camp unioniste au cours de cette période ».

    Cependant, ce résultat a créé presque autant de problèmes pour la classe dirigeante britannique que l’indépendance aurait pu en causer. Cameron, en vrai joueur comme à son habitude, a annoncé, quelques heures après l’annonce du résultat officiel, qu’il honorerait sa promesse de donner plus de pouvoirs au parlement écossais en termes de taxes et de budget social. Mais il a ajouté que « De nouveaux pouvoirs pour les Écossais doivent être contrebalancés par de nouveaux pouvoirs pour les Anglais ».

    Cela constitue donc une menace pour dire que, si l’Écosse n’est pas d’accord là-dessus, alors elle n’obtiendra pas non plus les nouvelles compétences qu’on lui avait “promises”. Toutefois, ce serait vraiment “jouer avec le feu” en Écosse, comme l’a averti le désormais ex-dirigeant du SNP, Alex Salmond. Cameron n’a en réalité pas le choix que de faire des concessions, s’il ne veut pas se retrouver avec une révolte encore pire que celle qu’il vient de voir au cours du référendum. Sa proposition vise clairement à attiser le nationalisme anglais, au vu des élections nationales qui seront organisées dans quelques mois, avec en plus l’avantage, dans son esprit, de damer le pion au parti Ukip (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, droite nationaliste) et de déstabiliser Miliband et son Parti travailliste.

    Cette proposition ne va sans doute pas se réaliser avant les prochaines élections. Cependant, il est épatant de voir à présent l’ensemble des Tories qui passent à la télévision – que ce soit Cameron, Heseltine, Hague, etc. – réclamer, au nom d’une “plus grande démocratie”, que les 59 députés écossais (dont 41 travaillistes) n’aient plus le droit de voter au parlement sur des affaires “spécifiquement anglaises”.

    Leur raisonnement est que, si Miliband gagne les élections en mai l’an prochain, il ne sera pas capable de mettre en œuvre son programme parce que les députés écossais ne pourront pas voter concernant des enjeux cruciaux – ce débat ne date pas d’hier, il constitue au Royaume-Uni ce qu’on appelle la “question du West Lothian”. Malgré cela, Will Hutton faisait remarquer dans The Observer que : « La commission McKay sur la décentralisation des compétences a noté que depuis 1914, il n’y a eu que deux périodes pendant lesquelles le parti au pouvoir n’avait pas en même temps la majorité au parlement : 1964-1966, et mars-octobre 1974. De plus, selon les recherches du portail citoyen mySociety, sur 5000 votes au parlement depuis 1997, seuls 21 ont vu leur résultat final dépendre des voix des députés écossais ».

    La proposition de décentralisation a été signée non seulement par les cadres tories, mais aussi par Nick Clegg des libéraux-démocrates. Cela inclut “plus de compétences” pour les grandes villes et régions. Le but est clairement de conférer plus de pouvoirs aux maires dictatoriaux et antidémocratiques tels que Boris Johnson, le maire de Londres, afin qu’ils puissent mener leur propre politique antisociale brutale, comme l’offensive contre les guichets de vente de tickets qui est en train de se dérouler en ce moment dans le métro de Londres.

    En réalité, les conseillers communaux n’ont que très peu de pouvoir de contrôle sur les décisions des maires et des échevins. Cette proposition de centralisation a pour objectif évident de permettre à ces seconds couteaux d’organiser leurs propres coupes budgétaires à l’échelle locale. Tout cela fait partie d’un programme général d’attaque sur le niveau de vie de la classe des travailleurs. Nous devons nous y opposer de manière intransigeante avec nos propres contre-propositions émanant du mouvement syndical. Il faut abolir le règne des maires et des collèges échevinaux au niveau local, pour revenir à une véritable démocratie et à des conseillers communaux soumis au contrôle de leurs électeurs.

    Des occasions à saisir

    Cameron est sorti vivant du référendum, mais il s’est quand même pris une belle raclée. Il est temps à présent d’en finir avec l’ensemble de cette bande de Tories et avec tous les politiciens capitalistes qui menacent d’entrainer les travailleurs toujours plus loin dans le gouffre. L’Écosse a démontré que la classe des travailleurs est plus que mure pour une alternative politique conséquente. Les évènements qui ont entouré le référendum, surtout parmi la classe des travailleurs, révèlent le potentiel pour un mouvement du type du “Podemos” espagnol. En Espagne, ce nouveau mouvement radical (dont le nom signifie “On peut”) a surgi de nulle part, et en à peine six semaines, a engrangé 1,2 millions de voix pour les élections européennes. Le même potentiel existe à présent en Écosse si Tommy Sheridan, en alliance avec les marxistes et d’autres forces de gauche ou ouvrières comme les syndicats, surtout les plus radicaux tels que le RMT (syndicat du rail, de la marine et des transports), décide de se lancer et de créer une alternative socialiste radicale capable d’attirer tous les travailleurs et les jeunes qui ont été si inspirés par la campagne pour l’indépendance.

    Malheureusement, au lieu de prendre des mesures énergiques pour la fondation d’un nouveau parti des travailleurs, Tommy dit maintenant : « Je suggère que le mouvement pour “Oui” promeuve à présent l’unité en soutenant le candidat pro-indépendance qui a le plus de chances de remporter les élections générales de mai de l’an prochain. Cela veut dire appeler à voter pour le SNP afin de tenter de déloger autant de partisans du “Non” que possible ».

    Cette déclaration a été faite sans aucune consultation – pour autant que nous en sachions – avec ceux qui ont été ses plus proches collaborateurs et partisans au cours de la campagne retentissante “Espoir contre peur”. C’est notre message socialiste, combiné à un soutien inflexible pour l’indépendance, qui a attiré des milliers de travailleurs qui restent profondément opposés et prudents par rapport au SNP. Tommy nous suggère maintenant d’abandonner les leçons qui ont été tirées de cette campagne. Selon lui, la classe des travailleurs devrait à présent s’aligner derrière le SNP, malgré le fait que ce parti ait appliqué la politique d’austérité et est prêt à poursuivre sur cette ligne, même avant les élections de 2015.

    Si nous acceptions la suggestion de Tommy, cela voudrait dire que des milliers de socialistes se retrouveraient à soutenir un programme d’austérité, en reléguant à nouveau notre programme socialiste à “plus tard”, au nom de l‘“intérêt national”. Qu’est-ce donc que cela, si ce n’est une répétition lamentable de 1918 en Irlande lorsque, après l’indépendance, les nationalistes irlandais ont déclaré que “le socialisme attendra”, et que les dirigeants syndicaux lâches comme Thomas Johnson ont accepté cela ? Les travaillistes irlandais ont alors laissé le champ libre aux nationalistes et au Sinn Fein, avec des conséquences désastreuses pour la classe des travailleurs.

    Tommy dit aussi : « Nous devons insister sur le fait que tous les candidats pro-indépendance aux élections écossaises de 2016 exigent un nouveau référendum en mars 2020 ». Vraiment ! Pourquoi attendre quatre ans avant d’organiser un référendum ? D’ailleurs, au cas où le camp pro-indépendance constituerait la majorité au parlement écossais, pourquoi passer par l’étape du référendum ? Mais dans ce cas, le référendum pourrait être organisé immédiatement et avec un score écrasant pour le “Oui”.

    Mais il nous faut rejeter ces propositions pour d’autres raisons encore. Tommy dit que : « L’union, c’est la force. Il ne faut pas que nos différences puissent affaiblir notre combat ». Mais cela ne peut s’appliquer entre des partis pro-travailleurs et des partis pro-capitalistes comme le SNP, qui vont inévitablement trahir les aspirations de ceux qu’ils auront pu duper en les convaincant de voter pour eux. Si cette alliance était mise en œuvre, elle aurait pour effet de saboter l’indépendance de la classe des travailleurs écossais et leur capacité à résister à l’offensive qui sera lancée sur eux par les capitalistes du monde entier.

    La lutte autour du référendum a démontré ce que peut obtenir une campagne socialiste indépendante. Il nous faut poursuivre sur cette lancée. C’est là la véritable leçon du référendum écossais. L’idée que l’indépendance de l’Écosse est « enterrée jusqu’à la prochaine génération », comme le dit Salmond, est fausse. Le génie est sorti de sa bouteille, la revendication d’une Écosse indépendante et socialiste ne va à présent que gagner en intensité, au fur et à mesure que la crise du capitalisme va s’aggraver, provoquant une révolte de masse.

  • Ecosse : 1.6 million de votes pour le ‘‘Oui’’ sur fond de révolte anti-austérité

    Dans le contexte d’une féroce campagne menée par l’establishment capitaliste britannique, la campagne pour l’indépendance de l’Ecosse a reçu le soutien de plus de 1,6 million de personnes – avec une écrasante majorité de la classe ouvrière – soit 45% des votes exprimés. Le ‘‘Non’’ l’a finalement emporté avec 55%. Selon l’institut de sondage YouGov, le soutien à l’indépendance s’élevait à 24% en janvier 2014, ce qui signifie qu’il a augmenté de 21% en neuf mois à peine, à mesure que des centaines de milliers de travailleurs rejoignaient le camp du ‘‘Oui’’ à la recherche d’un changement fondamental anti-austérité.

    Par Philip Stott, Socialist Party Scotland (CIO-Ecosse)

    Les 10 jours précédant la tenue de ce référendum, la menace d’une victoire du ‘‘Oui’’ était bien réelle, et l’establishment capitaliste a tremblé jusque dans ses fondements. Malgré tout, la combinaison de promesses paniquées pour une plus grande décentralisation des pouvoirs et le déchaînement de la campagne pro-”Non” soutenue par les grandes entreprises, les médias capitalistes et les partis conservateur, travailliste et libéral-démocrate pour sauvegarder leurs intérêts de classe a permis au camp du ”Non” d’obtenir une majorité.

    Mais le fait que tellement de jeunes et de travailleurs aient refusé de se laisser intimider et ont voté ‘‘Oui’’ reflète le désir qui existait parmi les victimes de l’austérité d’utiliser ce référendum comme une arme pour riposter contre l’establishment politique capitaliste.

    La charge d’intimidation destinée aux partisans du ‘‘Oui’’ et orchestrée par le parti travailliste et la presse patronal fut grotesque. Le ‘‘Projet de la Peur’’ (Project Fear, surnom de la campagne pour le ‘‘Non’’) était une réelle campagne d’intimidation qui a accompagné l’austérité sauvage qui, tous les jours, détruit plus encore le quotidien de la classe des travailleurs et des collectivités locales. L’héritage immédiat de cette intervention brutale de la part de la classe capitaliste est une radicalisation de la classe ouvrière écossaise. Cette dernière a pu voir jusqu’où l’élite capitaliste est prête à aller pour défendre ses intérêts.

    Le sentiment présent de façon écrasante parmi les partisans du ‘‘Oui’’ est naturellement la déception, mais aussi la compréhension que la lutte contre l’austérité et pour un nouvel avenir politique pour l’Ecosse doit poursuivre sa voie. L’élan qui a été donné par ce référendum doit maintenant être maintenu et intensifié. Nombreux sont ceux parmi les travailleurs en colère énergisés par cette campagne qui peuvent être gagnés aux idées du socialisme et à celle de la nécessité de la construction d’un nouveau parti de masse de la classe ouvrière en Écosse. Il est crucial que les défenseurs des idées du socialisme et les syndicalistes tournent leur attention vers la création d’une nouvelle force politique de la classe ouvrière.

    Un texte envoyé par un jeune de 22 ans d’East Kilbride au Socialist Party Scotland juste après le résultat du référendum expliquait notamment : ‘‘Je suis déçu du résultat, mais cela m’a aidé à avoir les idées plus claires. Je vous écrit pour demander à rejoindre votre parti. Je suis à 100% derrière le Socialist Party.’’

    Une grande participation

    3,6 millions de personnes ont participé au référendum, soit un taux de participation de 85%, qui a battu tous les records. Le taux de participation dans les quartiers ouvriers est sans précédent. Dans les logements sociaux d’Ecosse, il atteint les 70% et même plus. Il faut comparer à cela le taux de participation aux élections municipales qui est de 25 ou 30%. Des centaines de milliers de travailleurs ont voté ‘‘Oui’’, en considérant ce vote comme une échappatoire à l’austérité brutale et comme une expression de leur opposition à l’élite politique capitaliste. Les bastions ouvriers, dont les plus grandes villes d’Ecosse (Glasgow, Dundee, North Lanarkshire et West Dunbartonshire), ont voté ‘‘Oui’’. Les communautés ouvrières dans les villes et villages à travers le pays ont aussi connu une majorité de ‘‘Oui’’. Mais certains travailleurs ont également voté ‘‘Non’’, beaucoup à contrecœur, face au tsunami de menaces et de chantage lancé par les grandes entreprises et les médias, qui affirmaient que les entreprises iraient s’installer en Angleterre et que les travailleurs seraient perdants avec l’indépendance.

    Les médias ont été massivement hostiles à l’indépendance. Un seul journal écossais, l’édition dominicale du Herald, a soutenu le ‘‘Oui’’. La BBC a provoqué l’indignation et a clairement été considérée comme une arme aux mains des grandes entreprises. L’échec des dirigeants du SNP (Scottish National Party) pour répondre aux attaques, leur manière de souligner leur volonté de réduire les taxes pour les grandes entreprises et leurs déclarations quant à la recherche d’une union monétaire qui aurait piégé l’Ecosse indépendante dans l’austérité ont laissé toute la propagande du ‘‘Projet de la Peur’’ largement sans réponse.

    Le manque de confiance de la direction SNP pour une Ecosse indépendante a constitué un autre facteur clé dans le résultat. Toutes ses propositions reposaient sur la continuation du capitalisme et pas sur la fin de l’austérité. Le manque de confiance d’Alex Salmond et du SNP a continuellement été mis en lumière au cours de la campagne. Un sondage a dévoilé que la plupart des gens estimaient que leur situation économique serait pire sous une Ecosse indépendante dirigée par le SNP.

    Construire un nouveau parti

    Si un parti de masse des travailleurs avait existé, il aurait pu mobiliser beaucoup plus de soutien pour un ‘‘Oui’’ basé sur une claire politique anti-austérité, pour la propriété publique des grands moyens de production, pour l’instauration d’un salaire décent pour tous, etc. Cela aurait signifié de défendre une Ecosse socialiste au service de la population et pas des millionnaires.

    La participation et l’enthousiasme qui ont accompagné la tournée de Tommy Sheridan et la campagne ”L’Espoir contre la peur’’, dans laquelle le Socialist Party Scotland a joué un rôle de premier plan, a souligné ce potentiel. Il est urgent d’œuvrer dès à présent à la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs afin d’offrir une expression politique à la classe ouvrière. Tout retard fait craindre le danger que des occasions soient perdues au bénéfice du SNP, un parti pro-capitaliste. Même le parti travailliste, en dépit de ses nombreuses trahisons, pourrait gagner un certain soutien électoral à court terme aux prochaines élections pour le parlement de Westminster, à Londres, l’an prochain, alors que sera posée la question de la fin du gouvernement conservateur.

    L’exemple de l’Espagne et de la percée de Podemos aux dernières élections européennes, une initiative sortie de nulle part et ayant réussi à gagner des millions de votes, illustre ce qui est possible à réaliser. L’autorité construite à travers la tournée ‘‘L’Espoir contre la peur’’ signifie que Tommy Sheridan – aux côtés de militants véritablement socialistes, de syndicalistes du RMT (syndicat des transports) et d’autres – pourrait aider à lancer un nouveau parti qui pourrait rapidement se construire.

    Tout comme le Socialist Party Scotland l’avait prévu, ce référendum a été utilisé comme une arme par un très grand nombre de travailleurs afin de protester contre l’élite politique et contre l’austérité. Le caractère de classe de ce vote était très marqué.

    Les zones les plus riches de la classe moyenne et les zones rurales ont clairement voté pour le ‘‘Non’’, tout comme une majorité des plus de 55 ans. Le taux de participation a été élevé à travers l’Ecosse, mais ses plus hauts résultats ont été vus dans la classe moyenne et dans les zones rurales, fortement mobilisées pour tenter d’assurer la défaite du ‘‘Oui’’. Ce fut même le cas dans des zones où le SNP a ses bases traditionnelles de soutien.

    Une victoire médiocre

    Le résultat du référendum est finalement une victoire bien fade pour la classe capitaliste et l’élite politique. Il marque le début d’une situation nouvelle et instable pour le capitalisme britannique. Concéder plus de pouvoirs à l’Écosse est désormais chose incontournable. Des exigences similaires vont se développer pour le Pays de Galles et l’Irlande du Nord, tout comme la volonté des formes de décentralisation en Angleterre.

    Le Premier ministre conservateur David Cameron a déclaré quelques heures après le résultat qu’un nouvel accord constitutionnel devait arriver avec ‘‘des députés anglais se prononçant sur des lois anglaises.’’ Comme on a pu l’entendre à la BBC : ‘‘Ce qui a commencé comme un vote sur une Écosse indépendante ou non s’est terminé par une extraordinaire révolution constitutionnelle annoncée aux portes de Downing Street par le Premier ministre.’’

    Mais la question de l’indépendance de l’Ecosse n’est pas ‘‘réglée pour une génération’’ comme l’a pourtant déclaré David Cameron. Un autre référendum sera réclamé. Particulièrement après les élections de 2015, tous les principaux partis, y compris le parti travailliste, poursuivrons l’application de l’austérité.

    Le parti travailliste a perdu la classe ouvrière

    Plus important encore, ce référendum a exposé l’érosion du soutien pour les principaux partis pro-capitalistes, et en particulier le parti travailliste écossais. Les conservateurs et les libéraux-démocrates sont presque une espèce disparue en Ecosse. La base électorale travailliste parmi la classe ouvrière a été ébranlée par l’activité du parti en tant que principal soutien pour le ‘‘Projet de la Peur’’ et de par sa collaboration avec les conservateurs. Comme un travailleur des soins de santé nous l’a dit ; ‘‘Les travaillistes ont sauvé l’Union, mais ils ont perdu la classe ouvrière.’’ Le dirigeant du Parti travailliste en Ecosse, Johann Lamont, a décrit ce vote comme une ‘‘victoire’’. Mais l’ancienne base ouvrière des travaillistes a été décimée et elle ne leur pardonnera pas le rôle qu’ils ont joué.

    Les étroites limites de la direction du SNP ont été exposées au grand jour. Le potentiel pour un nouveau parti de masse des travailleurs en Ecosse a énormément grandit au cours de cette campagne. Des mesures urgentes et concrètes doivent être prises pour capitaliser sur ce point dans les semaines à venir. Il y aura à la fois déception et colère parmi la classe ouvrière à l’issue de ce résultat. Des manifestations sont susceptibles d’avoir lieu dans les prochains jours.

    Le sentiment qu’il faut s’en prendre aux médias, aux grandes entreprises et à l’establishment politique augmentera ne fera que croître. Il n’existe aucune chance que l’énorme radicalisation qui a pris place au cours de ce référendum soit dissipée. Il faut construire sur cette base.

    sp-300x161Le Socialist Party Scotland déclare :

    • Pas un penny de plus pour que l’austérité de Westminster soit instaurée en Écosse par un gouvernement SNP ou travailliste ou encore dans les conseils municipaux SNP. Nous voulons des budgets qui défendent l’emploi et les services publics.
    • Construisons un mouvement de masse de grèves, de manifestations et d’actions de protestation de masse contre l’austérité. Les syndicats doivent lancer une grève coordonnée à travers l’Écosse et la Grande-Bretagne.
    • Pour un nouveau parti de masse des travailleurs pour offrir une alternative combative au 1.6 million de personnes qui ont défié le Projet Peur.
    • Rejoignez le Socialist Party Scotland et luttez pour le socialisme !

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