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  • Le massacre à Gaza vu du Liban

    Comme dans le reste du monde, la colère est grande au Liban parmi les masses face à l’attaque brutale de l’Etat israélien contre Gaza. Beaucoup de gens occupent les rues en protestation et des manifestations prennent place tous les jours contre les massacres israéliens effectués contre les habitants de Gaza.

    CIO-Liban

    La plus grande manifestation était une protestation de masse organisée par le Hezbollah le 29 décembre, à l’appel de son secrétaire général, Hassan Nasrallah, lors d’un discours télévisé. Nasrallah a fait appel aux masses du monde arabe de descendre dans les rues en une action de masse continue.

    Il a dit : « Vos idéologies et croyance vis-à-vis des USA importent peu tant que vous vous accommodez de l’agenda américano-israélien. Vous pouvez même être un musulman, un communiste, un marxiste, un léniniste, ou un maoïste, les USA vous accueilleraient tant que vous leur permettez d’effectuer leur programme. Même le Hamas serait bien accueilli aujourd’hui aux USA pour un accord si le Hamas accepte les politiques des USA et d’Israël. Cette guerre se déroule contre qui que ce soit qui résiste… Je fais appel aux peuples du monde arabe et musulman de prendre les rues pour faire pression sur leurs régimes et au président égyptien d’ouvrir les frontières de Rafah immédiatement ! »

    Nasrallah n’a jamais expliqué ce qu’est l’agenda américano-israélien ou comment il peut être vaincu, mais il a mentionné le fait que les USA souffrent d’une récession économique et que le monde arabe a du pétrole et de l’eau et pourrait forcer les USA et Israël à stopper immédiatement les massacres.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière au Liban a produit le tract ci-dessous en réponse à la conscience existante parmi les masses libanaises et arabes vis-à-vis de l’agenda américano-israélien d’un « nouveau Moyen-Orient » et du rôle des régimes arabes dans cette terreur d’Etat israélienne. La définition du « nouveau Moyen-Orient » a été employée par Rice quand elle a de façon flagrante défendu la guerre de 2006 d’Israël contre le Hezbollah au Liban. Ces attaques féroces avaient tué 1.200 civils et détruit des dizaines de milliers de maisons en 33 jours.


    Un mouvement de masse pour stopper les massacres

    Solidarité avec les masses palestiniennes

    Des actions de masse contre le capitalisme

    Dans un délai de moins de 48 heures, le raciste et brutal gouvernement israélien a effectué des massacres inconnus dans l’histoire récente. Avec plus de 300 tués et plus de 1.400 blessés, des chiffres qui augmentent, cette attaque a enflammé la rue arabe et fait pression sur les régimes arabes qui ont donné le feu vert à cette guerre brutale. Cette guerre est une des attaques organisées contre les gens de la région qui s’opposent aux politiques américano-israéliennes et qui sont contre les marionnettes-dirigeantes du monde arabe.

    Il est plus nécessaire et urgent aujourd’hui que jamais pour les peuples du Moyen-Orient de s’organiser dans des luttes de masse démocratiques et révolutionnaires et dans des syndicats capables de construire des partis des travailleurs et des pauvres. La véritable autodétermination ne peut seulement être obtenue qu’en contestant les classes dirigeantes et le système capitaliste en commençant par les régimes arabes répressifs et corrompus qui servent l’intérêt de la classe capitaliste globale et qui tirent profit de l’appauvrissement et de l’exploitation de leurs propres masses. De tels mouvements sont capables d’unir la force effective de la société – la classe ouvrière – pour s’étendre dans la solidarité parmi les travailleurs et les pauvres à travers les pays de ce monde globalisé; un monde dominé par les multinationales avides qui veulent contrôler les richesses du Moyen-Orient, de l’énergie aux réserves d’eau.

    N’importe quel futur Etat arabe sous la suprématie du néolibéralisme américain aura comme conséquence davantage d’appauvrissement et de répression comme on a pu le voir en Egypte, où environ 6 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (selon des estimations de l’ONU), ou avec les guerres et les sanctions en Palestine, en Irak, au Liban et en Syrie.

    Le capitalisme du marché libre, qui apporte insécurité, destruction et inégalité croissante de par son exploitation des masses, ne peut être combattu que par un mouvement ouvrier de masse et par l’intermédiaire de comités démocratiquement élus par les masses avec le droit d’être armé pour défendre la terre et les services à la population face aux attaques militaires et économiques.

    La seule manière de réaliser une véritable justice permanente pour les Palestiniens et pour les peuples de la région est de renverser le capitalisme et le féodalisme local et, par l’intermédiaire de la transformation socialiste de la société, de mettre les peuples avant les profits pour en finir avec la pauvreté et la guerre et mettre les richesses et les ressources aux mains de la majorité.

    • Résistance de masse pour la libération des Palestiniens et de tous les peuples de la région
    • Mouvement de masse des travailleurs et des pauvres contre le capitalisme
    • Pour un Moyen-Orient socialiste
  • Stop à la guerre à Gaza

    Déclaration traduite de l’hébreu publiée le 30 décembre par le Mouvement Socialiste de Lutte (Tnu`at Maavak Sotzyalisti / Harakat Nidal Eshteraki – CIO – Israël), dans le contexte d’une vague réactionnaire très forte de militarisme et de nationalisme parmi les Juifs israéliens.

    Tnu`at Maavak Sotzyalist (CIO-Israël)

    Version PDF de cette déclaration

    Des centaines de morts, des milliers de blessés et toujours pas de réelle sécurité pour les Israéliens ou les Palestiniens.

    Les centaines de tués de ces derniers jours ne vont pas apporter la paix, mais plus de fureur et de morts. Tnu’at Maavak Sozialisti (Harakat Eshteraki Nidal) s’est toujours opposé aux tirs de roquettes Qassam ainsi qu’aux attentats contre les familles des travailleurs et des pauvres en Israël, dans les territoires palestiniens et dans le Moyen-Orient. L’offensive actuelle n’est nullement une action défensive et n’a pas pour objectif d’apporter la tranquillité aux résidents du sud d’Israël. Comme lors de la deuxième guerre du Liban, à laquelle nous nous sommes également opposés, nous ne parlons pas seulement d’une absence de solution, mais aussi d’une exacerbation des problèmes. Le gouvernement actuel est responsable de l’escalade actuelle et de ses conséquences. Cette offensive ne va pas apporter de solution et démontre une fois de plus que le principal danger pour la sécurité des habitants d’Israël et de la région provient de l’élite dirigeante israélienne.

    Avec plus de 365 Palestiniens tués, 1.600 blessés, et 4 Israéliens, juifs et arabes, tués, c’est la plus grande offensive aérienne de tous les temps dans les territoires palestiniens. Les dix premières heures de l’attaque ont vu des dizaines de milliers de tonnes d’explosifs s’abattre sur Gaza. Le gouvernement et l’armée savaient très bien que les tirs de projectiles – dont peu sont de véritables missiles – augmenteraient en réponse à l’attaque Ils avaient même estimé que le nombre de tirs atteindrait les 100 par jour durant l’opération. Comme c’était à prévoir, l’offensive sème la colère dans toute la région entière et exacerbe la polarisation nationale entre les Juifs et les Arabes.

    Le véritable but de l’offensive n’est pas de ramener le calme, tout comme ce n’était pas le but de l’opération "Hiver chaud" en février 2008 ou lors de la précédente guerre de Gaza (l’opération "Pluie d’été") menée parallèlement à la seconde guerre du Liban. Nous nous étions également opposés à ces attaques qui avaient fait 550 tués. Maintenant comme alors, la guerre n’est que la poursuite de la politique du gouvernement par des moyens militaires. Le but de l’attaque n’est pas de mettre fin aux tirs de projectiles, mais de déstabiliser le gouvernement Hamas de la bande de Gaza, tout en donnant l’impression que le gouvernement fait des efforts pour trouver une solution à ces tirs. Pour l’élite israélienne, les jeux de prestige vis-à-vis du Hamas sont plus importants que la sécurité des résidents du sud d’Israël, qu’ils utilisent comme otages. Tout cela s’effectue sous le couvert de la période électorale en Israël et de la période de transition entre les gouvernements aux USA. Il s’agit aussi d’effacer l’image de défaite qui colle au gouvernement depuis la deuxième guerre du Liban. En même temps, cela démontre la détermination de l’élite à engager une autre confrontation sanglante avec l’Iran et le Hezbollah.

    Une guerre avant les élections est une tactique classique employée par des gouvernements en faillite. Ce gouvernement a été impliqué dans des opérations militaires sanglantes et de grande ampleur. Il lance maintenant une autre opération militaire conçue pour sauver « Kadima » et « `Avodah » de leur effondrement dans les sondages en compromettant la sécurité des habitants de la bande de Gaza, de Sderot, d’Ashkelon, de Netivot, et des autres villes dans la région.

    Le millionnaire ministre de la Sécurité Barak a déjà annoncé qu’il arrêtait sa campagne électorale, ce qui n’est pas étonnant parce qu’il comprend parfaitement que la campagne militaire forge sa propre campagne électorale. Tous les partis de l’establishment profiteront à court terme du prestige de l’initiative militaire, exploitée également pour détourner l’attention de la crise économique mondiale. Aucun des partis de l’establishment, qui soutiennent tous le capitalisme, n’a de solution pour la sécurité d’emploi et les conditions de vie des travailleurs. Ils n’ont pas davantage de solution au conflit israélo-palestinien et aux problèmes qu’il entraine.

    L’opération militaire a reçu comme de coutume un nom cynique – « Plomb durci » qui provient d’une chanson de Hanukah – comme si des éléments de l’élite israélienne ne voyaient dans cette opération pas beaucoup plus qu’un jeu ou une aventure. Cette aventure militaire a déjà exigé un lourd tribut en vies humaines – dès les premières heures, le nombre de morts a dépassé celui des Israéliens tués par tous les projectiles lancés de la bande de Gaza jusqu’à maintenant.

    Malheureusement, cette aventure n’est pas finie, le gouvernement refuse tout cessez-le-feu et n’exclut pas d’ouvrir un autre front contre le Hezbollah au Liban. Des milliers de réservistes ont déjà été mobilisés par des décrets d’urgence. L’offensive va se heurter à des difficultés et ne fera qu’aggraver les problèmes dans le Moyen-Orient. Comme Barak l’a déclaré: "Ce ne sera pas facile, et ce ne sera pas court."

    Le gouvernement a saboté la « trêve »

    Le gouvernement israélien a refusé de renforcer la ‘trêve’ et de la transformer en cessez-le-feu véritable, ce qui aurait au moins amélioré la vie quotidienne des Israéliens et des Palestiniens, sans même parler de toute prise réelle d’une initiative pour en finir avec le conflit israélo-palestinien, ce que le gouvernement est incapable de faire. Bien au contraire, pendant les mois de ‘trêve’, le gouvernement a continué ses actions provocatrices – comme par exemple le 4 novembre, le jour des élections aux USA, où des bombardements aériens ont eu lieu. Comme Barak le dit maintenant, l’opération militaire a été prévue en détail pendant ces mêmes mois. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les opérations militaires ont continué. Le gouvernement a refusé de procéder à un échange complet de prisonniers, ce qui aurait pu aussi rendre le soldat captif Shalit à sa famille.

    Au cours de la période de ‘Trêve’, le siège économique et militaire de la bande de Gaza a continué, avec la collaboration des grandes puissances, de l’Egypte, du Fatah et du reste des régimes de la Ligue Arabe. La plupart protestent maintenant hypocritement contre le massacre. Abbas (Abou-Mazen) et le régime dictatorial de Moubarak en Egypte ont même surpassé les autres quand ils ont donné un appui implicite à l’attaque d’une manière bien plus prononcée que certains des régimes arabes l’avaient fait au début de la deuxième guerre du Liban. La ministre des affaires étrangères, Livni, a été invitée lors d’une visite spéciale au Caire deux jours avant la guerre.

    Cette collaboration a exaspéré les masses arabes au Moyen-Orient. Elle a augmenté la haine des régimes corrompus de la Ligue Arabe qui, comme le régime corrompu d’Israël, n’agissent pas pour servir les travailleurs et les pauvres, mais pour les exploiter et de les réprimer. La colère qui éclate maintenant pourrait précipiter la fin du régime affaibli de Moubarak en Egypte et affaiblir encore plus Abbas qui apparait comme une marionnette du gouvernement israélien. La nouvelle situation fait des pourparlers d’Annapolis une farce encore plus grotesque. Ces négociations de paix avaient été suspendues à cause de la guerre et n’ont jamais été prises au sérieux, que ce soit en Israël, dans les territoires palestiniens ou dans le reste du monde.

    Depuis le retrait des colonies et de l’armée de la bande de Gaza en 2005, l’élite israélienne a continué dans la pratique à dominer le territoire comme si c’était une gigantesque prison. Après la victoire du Hamas aux élections pour le Conseil Législatif Palestinien, l’élite israélienne avait augmenté ses attaques contre les habitants avec le soutien des grandes puissances. Le Hamas avait remporté les élections en raison de la colère qui vit contre les chefs corrompus du Fatah et dans la perspective de l’échec des organisations palestiniennes, qui se sont par le passé qualifiées de socialistes.

    Le Hamas est, naturellement, loin d’être un mouvement socialiste et est également une barrière dans la lutte des masses palestiniennes pour la libération nationale car il ne propose pas de stratégie pour une solution sérieuse aux problèmes qui se posent aux masses palestiniennes. Il est incapable de construire un soutien parmi les travailleurs et les pauvres israéliens à qui il nuit. Néanmoins, le Hamas est renforcé en raison de la corruption et de la trahison du Fatah ainsi que des actions du gouvernement israélien. La majorité des Palestiniens, comme des Israéliens, en a assez des grandes partis politiques existant actuellement et il y a un grand besoin d’une alternative.

    Juste avant la guerre, le gouvernement avait cyniquement pris la crise humanitaire sous sa responsabilité et temporairement ouvert le passage des frontières à l’arrivée de nourriture et de médicaments. Les généraux et les politiciens de tous les partis de l’establishment israéliens justifient la politique de punition collective contre les habitants de la bande de Gaza comme une réponse aux tirs de roquettes contre les habitants israéliens des villes proches de la bande de Gaza. C’est une autojustification hypocrite. Le même gouvernement et les mêmes militaires jouent cyniquement avec les peurs, les soucis et la détresse des résidants du Negev occidental, ils ne proposent qu’une détérioration du problème et un approfondissement du conflit.

    Le prix du conflit est finalement payé par la masse des familles des travailleurs et des pauvres israéliens et palestiniens, et pas par l’élite de décideurs qui tirent profit la plupart du temps du conflit national. Les tirs de roquettes sont juste le symptôme d’une situation dont le responsable en chef est l’élite israélienne, même si les fonctionnaires du ministère des Affaires Etrangères et les journalistes travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour brouiller ce fait. le nombre de victimes de chaque côté témoigne tous les ans du point auquel le conflit pour la terre est loin d’être symétrique.

    Durant des années, la politique gouvernementale avait imposé une occupation et une oppression systématique des masses palestiniennes par des moyens innombrables comprenant des démolitions, la famine et la tuerie. Au cours de ces derniers mois, le gouvernement a choisi de priver les habitants de la bande de Gaza de sorte que la grande majorité d’entre eux souffre de pauvreté extrême et manque de tout pour vivre, de nourriture comme de médicaments et d’électricité. Naturellement, cette situation entraîne l’opposition. Tant que il y aura une oppression nationale, le conflit national et le carnage continueront.

    Le conflit est en dernière instance un problème social

    Il y a des organismes palestiniens religieux de droite, tels que le Hamas, qui essayent de concurrencer Israël dans le massacre de civils, même si c’est à une échelle de beaucoup inférieure à ce dont est capable le gouvernement israélien, afin de donner l’impression qu’ils mènent une lutte contre ces attaques. En réalité, les tirs de roquette sont simplement une méthode de vengeance qui, à cause du désespoir et de la faim, obtient parfois un soutien parmi les Palestiniens. Les tirs de roquettes sont certainement incapables de casser la politique du siège (à la différence de l’évasion de masse de la frontière égyptienne) ou de nuire à l’oppression militaire. Cela nuit simplement à des civils autour des frontières de la bande de Gaza. C’est un cadeau politique fait à l’establishment capitaliste israélien qui emploie traditionnellement le conflit et la question de la sécurité afin d’augmenter son soutien. Le même soutien est chroniquement miné en raison de leurs attaques économiques continuelles sur les travailleurs et les pauvres en Israël ainsi qu’en raison des problèmes sociaux qui en résultent.

    C’est également la raison pour laquelle la propagande de l’establishment fait un effort en créant une séparation artificielle entre les problèmes sociaux et les problèmes de sécurité. Mais le conflit israélo-palestinien est également un problème social brûlant, et on ne doit pas se baser sur ces mêmes partis qui mènent ou soutiennent la guerre économique contre la majorité des Israéliens pour ne s’inquiéter des intérêts de la population que pour les questions de sécurité. Aucun des partis de l’establishment n’a de solution au conflit et aux problèmes qu’il crée.

    C’est également pourquoi les partis de l’establishment sont côte à côte en temps de guerre et ne proposent pas rien comme alternative. Les partis soi-disant en opposition participent à une coalition élargie, juste comme ils le font de façon plus cachée pour les sujets économiques. Ainsi, il était possible de voir Benjamin Netanyahu du Likoud et Haim Oron de Meretz parlant d’une même voix. La presse de l’establishment forme également un chœur pour féliciter l’attaque et souligne son rôle comme chien de garde de l’establishment capitaliste et de ses guerres.

    Meretz, qui se décrit en tant qu’élément du ‘Camp de la paix’, a réclamé une action à Gaza avant même la guerre, comme il avait à l’époque soutenu la deuxième guerre du Liban. Il a même reçu des notes préliminaires du gouvernement au sujet de l’attaque. Afin d’essayer de gagner des voix du Parti Travailliste, Meretz continue à remplir son rôle historique, en soutenant une politique gouvernementale destructive et nocive pour les Juifs et les Arabes.

    Une Alternative Socialiste

    La sécurité des Juifs israéliens ne pourra jamais être réalisée aux dépens de la sécurité des autres populations de la région. Les travailleurs et les pauvres, Juifs comme Palestiniens, partagent les mêmes intérêts et les mêmes aspirations à une réelle sécurité ainsi qu’à une paix durable. Afin d’arrêter les bombardements et toutes les méthodes d’oppression utilisées contre les masses palestiniennes, il faut un large mouvement social sur le terrain pour les combattre et pour mettre en avant une alternative à la guerre permanente et aux bains de sang interminables. Les organisations ouvrières, y compris Histadrut, doivent contribuer à la construction d’un tel mouvement, et cela dans l’intérêt général des travailleurs.

    Le manque d’un tel mouvement, un mouvement ouvrier solide, un grand mouvement socialiste composé des travailleurs juifs et arabes, en Israël comme dans les Territoires Palestiniens, fait en sorte que des tas de familles de travailleurs et de pauvres sont victimes d’événements sur lesquels elles n’ont pas le moindre contrôle. Actuellement, la classe ouvrière n’est pas réellement organisée. Si la population était organisée d’une telle manière, la majorité de l’opinion publique juive-israélienne ne serait pas désespérée au point d’accepter les prétendues propositions sécuritaires du gouvernement. Le fait que la majorité les soutient est dû au fait qu’elle n’a pas de réponses à la question : « Qu’est-il possible de faire dès maintenant afin d’améliorer la situation ? » Comme cela a été dit, le gouvernement aurait pu faire beaucoup d’autres choses, mais a finalement choisi l’attaque.

    S’il y avait un mouvement socialiste large et organisé, il aurait été possible de forcer le gouvernement à instaurer un réel cessez-le-feu, à faire cesser le siège et l’oppression de la population palestinienne, et à procéder à un échange complet de prisonniers. Un large mouvement socialiste devrait se mettre en place aussi bien dans les Territoires Palestiniens qu’en Israël, afin d’offrir une véritable alternative aux grands partis politiques existants et de mener une lutte pour cesser les bombardements ainsi que tous les actes d’agression contre les masses palestiniennes de la part du gouvernement israélien.

    En l’absence d’un mouvement socialiste large réunissant les Juifs et les Arabes en Israël et dans les Territoires Palestiniens, d’autres forces politiques qui n’ont rien d’autre à offrir qu’une intensification du conflit vont se renforcer, comme cela s’est déjà produit ces dernières années. Cependant, il y a des mesures urgentes qui peuvent et doivent être prises afin d’établir la base pour la construction d’un tel mouvement. Le mouvement anti-guerre doit être élargi autour de la revendication d’une solution alternative qui procurerait une paix et une sécurité réelles aussi bien aux Palestiniens qu’aux Israéliens. Les manifestations communes des Juifs et des Arabes contre la guerre doivent être renforcées, avec une opposition implacable à toute forme de répression des manifestations ou protestations contre la guerre, avec un soutien au droit à l’autodéfense des manifestants attaqués, et avec une opposition claire aux provocateurs et aux autres forces qui tentent de détourner la lutte contre les résidents eux-mêmes.

    Une autre mesure à prendre en vue de la construction d’un mouvement large est d’organiser une discussion sur l’offensive militaire israélienne et ses conséquences dans toutes les organisations ouvrières, les organisations étudiantes, les communautés de quartier et toutes les formations qui luttent pour un changement social et pour la défense des travailleurs et des pauvres – et cela inclut “City for all of us” à Tel Aviv et l’organisation “Power to the workers”. Il est important que dans ces réunions, une discussion soit tenue entre travailleurs et activistes juifs et arabes, dans le but d’arriver à une analyse commune de la situation actuelle, de trouver des solutions communes , d’organiser l’élargissement des protestations contre la guerre et, dans la mesure du possible, de diffuser une condamnation publique contre la guerre.

    Le groupe "Kol Akher" (L’Autre Voix), qui a été mis sur pied par des dizaines de résidents israéliens et palestiniens du Négev occidental et de la bande de Gaza, montre ce que les résidents peuvent faire, avant même qu’un mouvement social large ne soit établi et même dans le but de construire un tel mouvement. Ce groupe est maintenant en train de mener campagne pour un nouveau cessez-le-feu et contre la guerre, et des centaines de résidents du Sud de l’Israël ont déjà signé leur pétition. Le groupe organise des discussions directes entre Israéliens et Palestiniens, ce qui est particulièrement significatif vu le niveau d’incitation à la haine et à la division alimentées par les canaux d’information officiels.

    Le but des discussions directes est d’arriver à une compréhension des intérêts communs, et de trouver une solution saine. Le groupe des "Combattants pour la Paix" (qui regroupe d’anciens soldats et Palestiniens qui ont pris une part directe dans la lutte contre l’occupation), organise aussi des réunions et des dialogues similaires. Un mouvement socialiste large pourrait faire avancer la discussion à une échelle bien plus large, dans le cadre de comités de paix et de réconciliation, et pourrait ouvrir des discussions formelles sur les questions de sécurité et sur les « questions-clés » du conflit.

    Aussi bien en Israël que dans les Territoires Palestiniens, il y a un besoin urgent de larges partis socialistes pour la classe ouvrière et les pauvres qui pourraient diriger un tel mouvement, comme partie intégrante de la lutte pour renverser le capitalisme en Israël, dans les Territoires Palestiniens et au Moyen-Orient et pour établir un Israël socialiste côte-à-côte avec une Palestine socialiste indépendante, lesquels s’intègreraient dans une fédération démocratique et socialiste de la région.

    Les manifestations contre la guerre subissent une lourde répression

    Beaucoup de manifestations contre la guerre se sont déroulées dans beaucoup de villes en Israël, en Cisjordanie et dans le Moyen-Orient, certaines avec des participations massives. Dans la bande de Gaza, les manifestants sont parvenus à nouveau à ouvrir une brèche dans la frontière avec l’Egypte dans une tentative justifiée de briser le siège, mais ils ont rencontré le tir des gardes frontière égyptiens. Le Comité Suprême Arabe en Israël a déclaré une grève commerciale et une grève semblable a été déclarée en Cisjordanie. Des manifestations en Cisjordanie et à Jérusalem ont été férocement réprimées. Sous le couvert de la guerre, la police et les militaires augmentent leurs moyens de répression : au village Ni lin en Cisjordanie, par exemple, deux manifestants ont été tués par des tirs. A toutes les universités israéliennes, les manifestants ont été dispersés par la police anti-émeute.

    La répression des manifestations est accompagnée d’intensives incitations anti-arabe dans les médias de l’establishment, qui soutiennent la répression et décrivent les manifestations comme des troubles de l’ordre public. L’establishment entier est enrôlé afin de faire taire l’opposition et les protestations. L’extrême-droite relève la tête et avec elle les appels racistes pour attaquer les droits démocratiques des citoyens palestiniens en Israël.

    Dans le contexte de cette atmosphère super-militariste, une pression est également exercée sur les luttes des travailleurs. Le comité des travailleurs à l’Israeli Electric Corporation, par exemple, a suspendu la lutte des travailleurs contre les attaques qui suivent le début de la guerre.

    À Tel Aviv, le samedi soir, des centaines de militants juifs et arabes – comprenant des membres de Tnu’at Maavak Sotzyalisti – ont manifesté devant le ministère de la Sécurité. Nos camarades ont crié des slogans tels que le "Barak : ministre de la Sécurité, vous n’achèterez pas la loi avec du sang", " Juifs et Arabes refusent d’être ennemis", "On fait couler le sang pour le prestige des ministres", "Aucune paix, aucune sécurité, ne démantèlent la loi du Capital", "De l’argent pour l’enseignement et les emplois, pas pour la guerre et l’occupation", "Le gouvernement a créé un désastre à Gaza et à Ashkelon", "À Gaza et à Sderot, les enfants veulent vivre", "Plus de murs et d’abris – dialogues entre résidants", et d’autres encore.

    La conférence Socialisme 2008, organisée par nous un jour avant l’attaque, a été suivie par des dizaines de participants, y compris des résidants du Negev occidental tout comme des dirigeants de premier plan de travailleurs récemment en lutte. Lors de ce meeting, nous avons averti des dangers de la politique sécuritaire des partis gouvernementaux et de l’establishment et avons aussi averti qu’on ne peut pas faire confiance aux partis qui ne fournissent pas de sécurité économique pour fournir sécurité en cas de guerre et de terreur. Les lois du capital n’apporteront pas une vraie paix ou une vraie sécurité. Lors de ce meeting, l’organisation a exprimé sa solidarité avec les familles juives et arabes qui subissent cette situation, à Sderot, à Ashkelon, dans la bande de Gaza et les autres villes à proximité.

    Les journaux rapportent déjà la colère croissante des gens dans le Negev occidental concernant les conditions de vies très basses. De façon comparable à l’atmosphère qui a accompagné la deuxième guerre du Liban, la vague nationaliste diminuera, au fur et à mesure où les gens se rendront compte qu’ils sont trompés. Mais sans un large mouvement socialiste capable de proposer une alternative politique, il y a également des chances que les populistes de droite tels que Lieberman réussissent à exploiter la colère contre l’élite et sortent renforcés. C’est, naturellement, un vrai danger, et c’est une autre raison pour laquelle le besoin de construire un mouvement est un besoin critique.

    Le Mouvement Socialiste de Lutte appelle à:

    • Une fin immédiate aux bombardements ainsi qu’au reste des opérations militaires dans la bande de Gaza, et une pleine compensation financière du gouvernement israélien aux familles des victimes des deux côtés de la barrière
    • Un cessez le feu immédiat et complet qui comprend la fin du siège économique et financier des habitants de la Bande de Gaza et la fin des opérations militaires dans les Territoire Palestiniens, Stop aux tirs de roquette contre les habitants du Sud de l’Israël
    • Continuer les manifestations communes de Juifs et Arabes contre la guerre à Gaza, contre la séparation nationale, contre le conflit et contre l’extrême-droite
    • La fin de la répression policière et militaire du droit de manifester et à la fin des incitations anti-Arabes institutionnalisées, nationalistes et racistes
    • La fin des jeux sur la peur des gens en Israël par l’establishment capitaliste, à la fin de l’instrumentalisation de la vie des habitants à des fins électorales et à la fin du recours aux soldats comme chair à canon.
    • La fin des aventures militaires de l’élite dirigeante et de ses tentatives de cacher les problèmes politiques et sociaux de cette manière
    • Un échange de prisonniers complet qui inclut la libération du soldat Gilad Shalit
    • Un dialogue direct entre habitants israéliens et palestiniens, à un renforcement des liens entre travailleurs et organisations sociales des deux côtés de la division nationale
    • La construction de larges partis socialistes composés des travailleurs, tant en Israël que dans les Territoires Palestiniens, qui puissent mener la lutte pour résoudre les problèmes sociaux, ce qui comprend le conflit israélo-palestinien
    • Retirer l’armée des Territoires Palestiniens et à retirer toutes les mesures d’oppression et d’occupation imposées aux masses palestiniennes comme les checkpoints, le mur de séparation ou les colonies. Non au annexions de terres, des échanges de terres uniquement sur base d’accord complet et démocratique entre travailleurs et pauvres israéliens et palestiniens.
    • Une véritable sécurité et une véritable paix, à la fin du conflit israélo-palestinien et à la fin aux interventions et dictats militaires, politiques et économiques menés par les grandes puissances sur les masses du Moyen Orient et menés par le gouvernement israélien dans les Territoires Palestiniens et les Etats voisins.
    • Une lutte pour un Israël socialiste à côté d’une Palestine socialiste indépendante aux frontières déterminées démocratiquement par des discussions directes entre représentants des habitants et avec des garanties de pleine liberté de mouvement, à une lutte pour que Jérusalem soit la capitale commune des deux Etats socialistes, avec des règles autonomes des deux côtés de la ville.
    • Une lutte unifiée des masses du Moyen-Orient pour de bonnes conditions de vie, pour la paix et pour le socialisme, pour un Moyen-Orient démocratique et socialiste avec des droits garantis pour tous les groupes et minorités.
  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Seconde partie)

    Dans cette partie nous expliquons les racines de la crise économique actuelle. Pourquoi l’Etat Providence, qui a tout de même été un tel succès, n’a plus été tenable? Comment la bourgeoisie a-t-elle changé sa politique économique et a posé les bases des économies de ‘bulles’? Nous concluons cette partie en décrivant les mesures avec lesquelles la bourgeoisie espère pouvoir s’en sortir ainsi que le caractère maniacodépressif qui a également caractérisé la bourgeoisie à l’approche de la grande dépression de 1929. Finalement, nous parcourons la réaction du mouvement des travailleurs sur le plan mondial.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    Les racines de la crise – la valeur du travail

    30. Notre courant a caractérisé la période qui a suivi la crise de ‘73 – ‘75 comme une dépression. Tout le monde n’entend pas la même chose par « dépression » et la signification a en plus changé avec le temps. (1) Nous utilisons la description de Friedrich Engels dans son introduction au Capital: une longue période de stagnation ou de déclin économique caractérisée par un chômage structurellement élevé. Dans son livre Capitalism Unleashed, Andrew Glynn a publié un graphique comprenant les taux de chômage en Europe, au Japon et aux USA entre 1960 et 2004 (2). Aussi bien en Europe qu’au Japon, le taux de chômage entre 1960 et 1975 est resté stable autour de 2%. À partir de ’75, il a quadruplé en Europe pour atteindre 8% au milieu des années ’80 et 10% au milieu des années ’90. Il a diminué par la suite, mais pas au point de retourner au niveau d’avant la crise. En 2007, le chômage européen a atteint provisoirement le point le plus bas de 7,4%. Au Japon, le chômage a grandi constamment à partir de ‘75 pour atteindre 5% en 2000, après quoi il a diminué jusqu’au point le plus bas de 3,8% en 2007 mais en mai 2008, il avait de nouveau augmenté jusqu’à 4,1% (3). Aux USA, le chômage est passé entre ’62 et ’70 de 6% à moins de 4% et a alors augmenté vers presque 10% en 1982. Après une forte diminution jusqu’à moins de 4% début 2000, le taux de chômage s’élève aujourd’hui à 6,1%.(4)

    31. C’est toutefois surtout la diminution du taux de profit et la tendance systématique à la surproduction qui a annoncé la dépression. Sous la pression d’une concurrence sans cesse plus forte, les capitalistes ont été obligés d’installer des machines toujours plus performantes devant être amorties toujours plus rapidement. Les machines, les bâtiments et les matières premières sont appelées capital fixe par Marx parce qu’ils transfèrent leur valeur au produit fini sans ajouter de valeur supplémentaire. Dans le cas des matières premières, ce transfert de valeur est parfois même physiquement perceptible, mais la valeur des bâtiments de l’entreprise et des machines passe de la même manière peu à peu vers le produit fini. Le capitaliste calcule la location qu’il paye pour les lieux d’exploitation et les bâtiments, tout comme il calcule l’amortissement des machines et l’achat des matières premières dans le prix du produit fini.

    32. La valeur des machines et des bâtiments est déterminée, tout comme celle des matières premières, par la moyenne de la quantité de temps de travail socialement nécessaire exigé pour les produire. Si le producteur de matières premières, le propriétaire de l’entreprise et le fournisseur des machines donne un prix plus haut que la valeur moyenne de temps de travail socialement nécessaire pour produire ses marchandises, alors il ne trouve pas d’acquéreur, à moins qu’il ne dispose d’une position de monopole ou qu’il soit arrivé avec ses concurrents à établir un cartel. Mais si, volontairement ou sous la pression d’un grand client, il décide de donner un prix en dessous de la valeur, alors il pourra fermer ses livres de compte après quelque temps ou souffrir de pauvreté. Le prix peut aussi être troublé par un afflux spéculatif de moyens financiers grâce auxquels il dépasse temporairement la valeur réelle. Nous avons ici en fait à faire avec une perturbation, une quantité d’argent qui ne correspond pas à la quantité de marchandises existante et mène inévitablement à un saut inflationniste ou une diminution de la valeur de l’argent.

    33. Dans sa théorie de la plus-value, Marx explique que le secret de l’exploitation capitaliste réside justement dans le fait que le travailleur ne vend pas le résultat de son travail, mais sa capacité à travailler, sa main d’œuvre. Le salaire, le prix payé pour cela par le capitaliste, a été déterminé socialement et concorde avec la valeur de la moyenne de la quantité de main d’œuvre exigée pour entretenir le travailleur et sa famille selon les normes sociales ainsi que pour se reproduire. Avec le terme de salaire, nous voulons bien entendu parler du prix total de la main d’œuvre, le salaire brut, en comptant aussi le salaire perçu sous la forme de contributions sociales et de charges patronales. Pour le capitaliste, il faut organiser les processus de production de telle manière que le travailleur mette à disposition sa force de travail plus longtemps que de besoin pour gagner son salaire. Durant le temps qui reste, le travailleur fournit un travail non-rémunéré ou plus-value. (5) La main d’œuvre est l’unique force de production qui produit plus de valeur que la sienne pour le produit final. C’est pour cela que Marx appelle la main d’œuvre le capital variable. La relation entre la quantité de travail non-rémunéré, ou plus-value, et la quantité de travail payé, ou capital variable, exprime le taux d’exploitation.

    34. Le capitaliste n’est toutefois pas spécialement intéressé par le taux d’exploitation, mais bien par la relation entre son rendement, la plus-value, et son investissement total, capital fixe et variable ensemble. Il n’arrête pas de nous rappeler que nous ne pouvons pas nous imaginer combien il a dû investir avant qu’il n’ait pu lancer la production. Et effectivement, sous la pression de l’irrationnel et non planifié capitalisme de la libre concurrence, le pauvre capitaliste est obligé d’investir une partie toujours plus grande de son capital dans le capital fixe ce qui lui laisse moins pour le capital variable, le capital créateur de valeur. Selon les termes de Marx: la composition organique du capital, la relation entre le capital fixe et le capital variable, se modifie à l’avantage du capital fixe, qui ne crée pas de valeur. Résultat : la quantité de plus-value réalisée par unité de capital investi, ce que Marx appelle le taux de profit, à une tendance continuelle à la baisse (6). En outre, l’immense majorité de la population a, justement parce que le capitalisme est basé sur le travail non-rémunéré, des revenus insuffisants pour consommer toutes les marchandises produites. Les capitalistes sont insuffisamment nombreux pour absorber cette abondance, pour autant qu’ils soient eux-mêmes déjà disposés à consommer les déchets qu’ils produisent pour nous.

    L’essor et la chute de l’Etat-providence

    35. Cela semble paradoxal, mais justement à cause de la force du mouvement ouvrier, cela n’a pas produit de grands problèmes jusqu’au début des années ’70. Pendant l’âge d’or, de 1950 à 1975, les pays capitalistes développés ont connu une croissance annuelle de 4,9%, ce qui est au moins le double de chaque période précédente. On a produit pendant un quart de siècle plus que pendant les trois quarts de siècle précédents. Dans les pays capitalistes développés, entre ’65 et ’73, les salaires réels ont augmenté de 3,5% par an en moyenne, un taux plus élevé que celui de la productivité, qui augmentait annuellement de 3,2%.(7) En dix ans, les salaires en Belgique ont été multipliés par cinq, ce qui correspondait pour les salaires horaires réels à une croissance de 110% entre 1960 et 1970. (8) Pour les 19 pays de l’OCDE, l’allocation moyenne a augmenté de 28% du salaire moyen en 1960 à 35% en 1974 et à 43% en 1979. (9) La politique économique dominante, le keynésianisme qui a conduit à ce qu’on nomme l’Etat-providence, était axée sur la stimulation de la demande, ce qui devait éviter de futures récessions. (10) Les augmentations importantes de salaire, d’allocation et de dépenses publiques, tant pour des services que pour les infrastructures, ont constitué les forces vives pour l’application de nouvelles techniques de production visant à la production de masse.

    36. Ces facteurs mêmes qui avaient tant stimulé la croissance et avaient permis que le capitalisme semblait se dépasser lui-même, tôt ou tard, devaient précisément entrer en conflit avec les limites du capitalisme, devaient se renverser en leur contraire dialectique et devaient freiner chaque développement suivant. (11) Or, la bourgeoisie ne pouvait pas se convertir à tort et à travers à une autre politique économique, partiellement par crainte de la réaction du mouvement ouvrier, partiellement parce qu’elle ne n’en était pas encore sortie elle-même. Pendant 6 ans elle a cherché une alternative adéquate mais entre-temps, la politique économique keynésienne a continué, ainsi que les problèmes que celle-là apportait, comme la stagflation, la combinaison d’un ralentissement de croissance économique et d’une inflation galopante et des dettes publiques en hausse.

    La lutte pour le redressement du bénéfice – les monétaristes reprennent les affaires

    37. Paul Volcker, le président de la Federal Reserve américaine entre août ’79 et août ’87, disait après coup que ‘l’acte individuel le plus important du gouvernement dans la lutte contre l’inflation, a été la défaite de la grève des aiguilleurs du ciel’.(12) Cela a permis au président des Etats-Unis de l’époque de créer les conditions pour la conversion d’une économie de la demande vers une économie de l’offre. Désormais, on ne lutterait plus contre les récessions en stimulant la demande, le pouvoir d’achat, mais en stimulant les producteurs à travers des réductions d’impôts. Reagan était disciple de la « courbe de Laffer » qui estime que la perte des rentrées suite à la réduction d’impôts est amplement compensée par les rentrées supplémentaires qui font suite à la stimulation économique. A la vérité, sous le règne de Reagan, la dette publique des Etats-Unis a augmenté de 700 à 3.000 milliards $. (13) Ce que la grève des aiguilleurs du ciel a été pour les Etats-Unis, la grève des mineurs de mars ’84 à mars ’85 l’a été pour la Grande-Bretagne et d’une certaine manière pour toute l’Europe; si Reagan était devenu champion de la bourgeoisie des Etats-Unis, la dame de fer Thatcher l’était pour la bourgeoisie européenne.

    38. Reagan et Thatcher étaient tous les deux adeptes du monétarisme. Entre ’79 et ’82 le gouvernement Thatcher a augmenté le taux d’intérêt réel de -3% à +4%. (14) Ce ne sont pas seulement les emprunts qui sont devenus plus chers, mais en plus la livre britannique est devenue beaucoup plus coûteuse, ce qui constituait un désavantage pour l’exportation. Le chômage a sauté de 5% en ’79 à 11% en ’83. Le président de la Fed, Volcker, aujourd’hui considéré comme celui qui a refoulé la stagflation, a copié cette politique et a poussé l’intérêt réel entre ’79 et ’83 d’un intérêt légèrement négatif à +5%. Le chômage a grimpé de 5% en ’79 à 10% en ’82, mais en même temps l’inflation a diminué de 13% en ’80 à 3% en ’83. En bref : on avait enfin découvert la méthode et rassemblé la volonté politique pour répercuter la crise sur les travailleurs et leurs familles. Bientôt, la politique monétariste allait devenir la politique économique dominante dans tous les pays capitalistes développés.

    39. Reagan, Thatcher, Volcker et d’autres personnages-clés de l’application et de la capacité à faire accepter des recettes monétaristes n’avaient sûrement eux-mêmes pas prévu jusqu’où leur politique mènerait. Ils avaient lancé une attaque contre les acquis des travailleurs. Le chômage massif avait créé une armée de travailleurs de réserve qui allait bientôt être utilisée pour faire pression sur les salaires et les conditions de travail. La législation du travail devait être assouplie ou supprimée. C’est ce qu’on a appellé la libéralisation, officiellement ‘la libération du travail des limitations nuisibles’ nous dirions plutôt ‘la liberté d’exploiter la main-d’œuvre’. L’intervention de l’Etat était considéré comme indésirable et le “laissez-faire” économique devait finalement conduire à un effet trickle-down (effet de ruissellement) de sorte que, selon eux, les plus pauvres puisse en profiter également. Entre-temps, les services publics ont été assainis ou, dit plus joliment, « responsabilisés ». Ils sont devenus des entreprises autonomes au lieu de services. On les a ainsi préparé aux privatisation, autre caractéristique du néolibéralisme.

    40. Par l’intermédiaire de l’introduction de la flexibilité, on a diminué le travail nécessaire, le travail nécessaire à payer l’achat de main d’œuvre (les charges salariales), et on a renforcé la plus-value ou la quantité de travail non payée. La flexibilisation des contrats de travail, l’introduction du travail à temps partiel, des contrats temporaires ainsi que du travail intérimaire et étudiant ont fait en sorte que les pics de production étaient fournis de façon flexible et que le capitaliste n’était plus obligé de maintenir un certain nombre de travailleurs excédentaires pendant les moments non productifs. L’introduction du travail en équipe et des systèmes continus ont offert la possibilité que les machines soient utilisées à 100% durant leur “cycle de vie”. La surélévation du rythme de travail, soit en accélérant les machines, soit en appliquant des “techniques de management” qui éliminent des moments perdus, comme les pauses pipi, ont fait partie du processus de production de même que l’organisation de la concurrence entre filiales d’une même entreprise pour s’emparer des commandes suivantes. Toutes ces mesures visaient au rétablissement du taux de profit, la quantité de profit par quantité de capital investi.

    La lutte pour le rétablissement du taux de profit – le secteur financier se gonfle

    41. La chute du stalinisme et l’arrivée soudaine et massive de main d’œuvre disponible pour l’exploitation a énormément renforcé le néolibéralisme. La menace de la délocalisation pour arracher des conditions plus favorables pour les patrons existait déjà auparavant, mais cela a largement été renforcé avec la proximité de l’Europe de l’Est d’abord, le développement des pays émergents ensuite, et la possibilité des transferts de données via l’internet. Le secteur financier, surtout, a profité de ces nouveaux développements. Les méthodes de production modernes exigent une recherche toujours plus spécialisée et plus chère, des investissements toujours plus importants qui doivent être amortis sur des durées toujours plus courtes. Cela nécessite la mobilisation d’importants capitaux qui ne rapportent pas toujours immédiatement. Avec la technologie de pointe en matières financières, on a réussi à mobiliser des quantités toujours plus grandes de capital, souvent aussi celui qui était auparavant « endormi ». Ainsi, on est de plus en plus passé, pour les régimes de pensions, à des systèmes de répartition, avec lesquels les employés actuels payent les retraites des retraités actuels, vers des systèmes de capitalisation, avec lequel un capital est constitué, duquel la retraite sera payée. (15) Morgan Stanley estime que les caisses de retraite, le deuxième pilier fiscalement favorisé chez nous, gèrent un actif d’environ 20.000 milliards $.

    42. Le secteur financier a connu un élargissement phénoménal, surtout aux Etats-Unis. En 1982, les sociétés financières fournissaient moins de 5% du total des bénéfices des société après impôts ; en 2007, c’était déjà 41%. Leur part dans la valeur ajoutée a augmenté également, mais beaucoup moins vite, de 8% à 16%. Cela signifie que les marges de bénéfice dans le secteur financier étaient proportionnellement plus fortes que dans le reste de l’économie. (16) Comment est-ce possible? La cause fondamentale a été l’affaiblissement du taux de profit dans la production réelle. De plus en plus de détenteurs de capitaux ont préféré les investissements spéculatifs aux investissements coûteux dans la production réelle. La croissance des investissements est sans cesse retombée dans tous les pays capitalistes développés depuis la fin des ans ’60. Cette chute n’est que partiellement compensée, pour moins de la moitié, par ce qu’on nomme les économies émergentes. (17)

    43. La rentabilité des sociétés non-financières s’est stabilisée ou a baissé dans tous les pays capitalistes développés. (18) A partir du milieu des années ’80, elle a toutefois connu un rétablissement progressif, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela n’était toutefois pas basé, comme dans les années ’60, sur une forte progression de la productivité. (19) Au contraire, c’était principalement une conséquence d’économies brutales, de fortes réductions d’impôt pour les sociétés et d’une plus grande contribution qu’ordinaire de la consommation des particuliers à la croissance, sur base de l’argent bon marché. Aux Etats-Unis, le taux de profit après impôts s’est rétabli jusqu’au niveau des années ’60, mais ce n’était presque uniquement que suite aux cadeaux fiscaux donnés aux entreprises. Cela ne s’est pas accompagné, à l’exception d’une relance éphémère à la fin des années ’90, d’une progression des investissements. (20) Au contraire, les énormes profits, conséquence de l’augmentation du taux d’exploitation et d’un transfert des moyens collectifs vers les entreprises, n’ont pas été utilisés de façon productive, mais surtout spéculative.

    Economie de « bulles »

    44. La globalisation a conduit à la suppression de toute restriction sur la liberté de circulation de l’argent. La vitesse de cette circulation a fortement augmenté avec la technologie. Le capitalisme n’a déjà depuis longtemps plus rien à voir avec le calvinisme. L’idée de reporter la consommation d’aujourd’hui pour investir les moyens économisés afin d’augmenter la production future, et donc de pouvoir ainsi consommer plus à l’avenir, était déjà à l’époque de Marx, considérée comme un pur produit de l’imagination. Marx a décrit comment au sein du capitalisme ce n’est plus la production de marchandises qui est le but du processus de production – pour pouvoir consommer plus – mais bien l’accumulation de capital. (21) Les marchandises n’ont plus constitué l’objectif final de la production mais seulement un moyen de rassembler du capital. La bourgeoisie, dans sa cupidité, a de temps en temps été tellement loin que l’accumulation future était mise en danger. Ainsi, Friedrich Engels a décrit comment la bourgeoisie anglaise a risqué d’épuiser les générations futures en envoyant des enfants de moins de 10 ans dans les usines et les mines.(22) L’excellent film sur Pieter Daens basé sur le livre de L.P. Boon nous montre que la bourgeoisie belge au début du siècle précédent vivait un délire semblable. La globalisation financière a un élément de déprédation similaire. La santé des sociétés, de secteurs entiers, de collectivités entières ainsi que de leur entourage doivent céder à la réalisation de profits à court terme.

    45. Les fonds d’investissement, les caisses de retraite, les sociétés d’investissement, les sociétés d’assurance, les fonds d’Etat, les fortunes privées etc. sont continuellement à la recherche de rendements élevés. Ils se sont d’abord jetés sur les pays émergeants asiatiques, où des produits bon marché sont fabriqués à faibles salaires pour l’exportation vers l’occident. Les populations agricoles ont été expulsées de leur terre et des unités de production ultramodernes ont été implantées dans des villages guères développés. Cela s’est accompagné d’un boom immobilier, généralement financé avec des emprunts dont le remboursement ne poserait aucun problème compte tenu des bénéfices futurs. Au moment où la production s’est heurtée aux frontières du marché, les économies et leurs monnaies se sont écroulées comme des châteaux de cartes. Les autorités ont dû intervenir et la population a payé la facture. Beaucoup de pays ont vu chuter leur monnaie, dont la Malaisie, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Mexique, le Brésil, la Russie et d’autres encore.

    46. L’afflux de capitaux s’est alors redirigé vers les « valeurs sûres » d’Europe et des Etats-Unis. Cela a entraîné la « passion dotcom », la mode des actions dans les technologies de l’information et de la communication. Des entreprises qui n’avaient jamais réalisé de bénéfices ont vu leurs actions grimper à des valeurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité. Le phénomène « asset-inflation », inflation de l’actif financier, s’est produit. Les comptabilités ont été embellies pour garder les actionnaires à bord, il suffit de penser aux scandales autour d’Enron, mais aussi de Lernout et Hauspie en Belgique. A ce moment-là déjà, l’exigence de plus de contrôle avait été stimulée. Mais la surveillance n’a toutefois pas pu empêcher l’éclatement de cette bulle en 2001. En accord avec la politique du gouvernement américain, la Federal Reserve a donc décidé de créer une nouvelle bulle en ouvrant plus franchement les vannes de manière à pousser la crise en avant. Le gouvernement a construit son « twin déficit » pour arriver à un déficit record sur la balance de paiement américaine de -805 milliards $ ou de 6,5% du PIB en 2005 et d’un déficit budgétaire qui a atteint en 2004, 4,7% du PIB. En même temps, la Fed a laissé diminuer les taux d’intérêt de 6,5% au début de 2001 jusqu’à 1,75% fin 2001 et 1% au milieu de 2003 jusqu’à la mi-2004. L’ex président de la Fed, Greenspan, avait reçu le surnom de « serial bubble blower » (faiseur de bulles en série) suite à cela.

    47. Dans le texte de 2006, nous avons cité le FMI. Celui-ci citait comme raison de la croissance de l’époque «une coïncidence exceptionnelle… qui tenait en place l’économie mondiale ces dernières années.» Qu’était donc cette coïncidence ? «Principalement l’approvisionnement en argent bon marché. D’où ? Du gouvernement et de la Federal Reserve, mais cela n’aurait pas suffit. En outre, les budgets et les déficits commerciaux doivent être financés aussi quelque-part. La diminution des investissements a conduit à un surplus d’épargne auprès des entreprises qui a exercé une pression à la baisse sur le taux d’intérêt à long terme. En conséquence, et aussi avec l’effet que cela avait sur les prix des maisons et le patrimoine de famille, la consommation a augmenté.» Ecrivait-on en 2006. En bref : il s’agissait des énormes profits des entreprises qui n’étaient plus réinvestis dans la production, mais au contraire offerts comme emprunts bon marché. Les emprunts bon marché ont stimulé la demande des habitations et ont par conséquent fait monter les prix de maison.(23) Cela a à son tour eu l’effet d’augmenter énormément les secondes hypothèques ou hypothèques de crédit, des emprunts basés sur l’augmentation de la valeur des habitations, ce qui était une pratique courante, surtout aux USA.

    48. C’était un moyen parmi d’innombrables autres d’inciter les travailleurs américains et leurs familles à dépenser non seulement leur salaire présent, mais aussi celui à venir. Et au plus les choses semblent aller bien, au plus une tendance à la prise de risque se développe. Ainsi des personnes « insolvables » ont commencé à obtenir des emprunts. Des emprunts de consommateur, mais aussi des hypothèques « NINJA », des hypothèques accordées aux personnes sans revenu, sans travail et sans actif (No Income, No Job, no Assets). Les emprunts « subprime » ont aussi souvent été utilisés, des emprunts avec un faible taux d’intérêt qui normalement augmente fortement après 2 ou 3 ans, dans l’hypothèse qu’entre-temps, grâce à l’augmentation de la valeur de la maison, il est possible de refinancer l’hypothèque originale avec un autre prêt aux conditions plus favorables. Le risque, pensait-on, peut être reparti en divisant l’emprunt en morceaux emballés dans des actifs, tellement qu’il ne reste presque aucun risque.

    49. Quotidiennement ont été inventés des nouveaux instruments financiers toujours plus complexes, mais qui étaient en même temps une réflexion de la croyance naïve que la fête gratuite ne s’arrêterait jamais. Il n’y a pas que les consommateurs privés qui ont été stimulés pour acheter à crédit, cela a constitué une pratique généralisée des gouvernements pour financer les travaux publics avec les emprunts obligataires qui ont souvent été assurés par les « rehausseurs de crédit » ou des « monolines ». Les fonds de levier et d’autres ont fait des incorporations qui ont été financées avec de l’argent prêté pour plus de la moitié, le « Leveraged buyout » (rachat par levier) (24). Résultat : la consommation du gouvernement et des familles aux USA a été stimulée tout le temps, non pas sur base de revenus réels, mais sur base d’un niveau de dettes historiquement élevé. Les Etats-Unis importent un tiers de plus qu’ils ne produisent.

    Le socialisme pour les riches

    50. On ne peut pas continuer à faires des dettes, tôt ou tard quelqu’un doit payer la facture. Nous avons toujours été convaincus que si les Etats-Unis glissaient en récession, ils allaient entrainer le reste du monde. Des illusions telles que le “découplage”, l’idée que les divers blocs commerciaux seraient devenus des entités autonomes immunisées, ou du moins capables de résister, aux chocs dans les autres blocs commerciaux ont toujours été par nous considérés comme des fantasmes. Les Etats-Unis représentent 25% du produit mondial, trois fois celui du Japon qui est la deuxième économie sur le plan mondial, quatre fois celui de l’Allemagne, la troisième économie mondiale et la plus grande de l’UE-27. De plus, les Etats-Unis agissent depuis des années comme des “acheteurs de dernier recours” pour le reste du monde, le marché qui rachète tout ce que l’on ne peut pas vendre ailleurs. La consommation privée y représente pas moins de 72% du PIB et les autorités et les particuliers empilent les dettes. En 2007, les foyers aux Etats-Unis avaient en moyenne seulement 449$ d’épargne, un quart de celle de 2000 et une dette de 121.650$, presque le double de celle de 2000.

    51. Cette situation ne pouvait pas durer. Les Etats-Unis devaient freiner les dépenses, mais de telle manière que la consommation ne retombe pas complètement. Dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif », écrit en janvier 2008 pour nos Congrès de Districts, nous avons déclaré « Un exercice difficile mais dangereux ».(25) Entre juillet 2004 et juillet 2006, la Federal Reserve (Fed) a augmenté les taux d’intérêt 17 fois consécutivement de 1% à 5,25%, ce tarif a été retenu alors pendant un an.(26) La Fed a ainsi voulu combattre l’inflation sous-jacente, une conséquence de la stimulation systématique de l’économie avec l’émission d’obligations en dollars. L’idée que les banques centrales étrangères allaient vendre leur réserve en dollar, provoquerait une fuite hors du dollar et qu’un scénario comparable à celui des économies émergeantes asiatiques pourrait se produire mais alors aux Etats-Unis était une menace insupportable. Si le dollar perdait toute sa valeur, cela n’entrainerait pas seulement les Etats-Unis, mais toute l’économie mondiale dans une grande dépression. Eliminer ce scénario était une priorité absolue.

    52. La saturation du marché immobilier et l’augmentation des taux d’intérêt ont finalement mené à des problèmes de paiement pour les nouveaux propriétaires. Nous avons déjà largement expliqué dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif » les aspects techniques de la crise des hypothèques à grands risques et de son extension vers d’autres secteurs. Il n’est pas nécessaire de répéter tout cela. Nous voulons juste accentuer que les problèmes de paiement dans le secteur d’hypothèques à grand risques a été l’étincelle dans la poudrière, mais que les problèmes auraient tout autant pu se produire ailleurs. Du moment que la croissance poussée par les crédits avait atteint ses limites, tous les facteurs qui avaient contribué à cette croissance se transformaient dans leur contrepartie dialectique et devenaient des facteurs qui aidaient à approfondir la crise. L’icône de l’investissement Warren Buffet a récemment commencé à appeler la série interminable de nouveaux instruments d’innovation financière des armes de destruction massives financières. L’emballage de risque de paiement via la titrisation s’appelle dorénavant des bombes financières à sous-munitions. Au lieu de garantir la fiabilité des obligations, les rehausseurs de crédit entrainent avec la perte de leur crédibilité des millions d’obligations. On a été témoin d’un credit-crunch, un manque de moyens liquides, parce que les banques n’osaient plus accorder des prêts.

    53. Les autorités ne pouvaient faire autrement que de rouvrir les vannes à argent : en août 2007 en mettant à disposition des centaines de milliards de crédit bons marché, en septembre en baissant le taux auquel la Fed met à disposition des institutions privées des prêts journaliers, le taux d’escompte, et finalement à la mi septembre en réduisant contre son gré le tarif fédéral, c’est-à-dire celui que les banques privées se chargent entre-elles pour des prêts journaliers. Le 10 aout 2007, De Tijd écrivait encore dans son édito : «Les problèmes de divers banques illustrent qu’il ne faut pas sous-estimer les conséquences de la crise hypothécaire américaine (…) Mais les fondements économiques restent forts, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, le marché de l’emploi fort stimule le pouvoir d’achat des familles et la consommation. Beaucoup d’entreprises tournent à font et font des profits élevés. De plus, l’Europe est moins vulnérable pour les cabrioles de l’économie américaine.» Avec ceci, De Tijd était encore nuancé, d’autres journaux moins sérieux décrivaient la crise des hypothèques à grands risques comme une simple bagatelle. En bref, la majorité des commentateurs bourgeois n’avaient pas la moindre idée de ce qui était en train de se produire.

    54. Depuis avril 2008, le taux d’intérêt de la Fed se retrouve de nouveau à seulement 2%, largement en dessous de l’inflation de 3% prévue pour cette année. (26) Nous avons donc de nouveau à faire avec un taux d’intérêt réel fortement négatif. De plus, le gouvernement américain a lancé un paquet de stimulation, de fait un remboursement des taxes, à valeur de 160 milliards de dollar pour stimuler la consommation. Les autorités japonaises ont du utiliser une mesure comparable fin aout 2008. Entretemps la Fed a du intervenir pour cofinancer la reprise de la banque d’affaire en difficulté Bear Stearns par JP Morgan. (27) Un mois plus tôt, le gouvernement du Labour britannique avait été obligé de nationaliser la banque Northern Rock parce qu’on ne trouvait pas de candidat de reprise. Northern Rock est un des plus grands émetteur d’hypothèques du RU, c’est en même temps une banque d’épargne, un assureur et une société de prêt. Le gouvernement avait repoussé systématiquement sa décision depuis septembre 2007 afin d’éviter de créer l’impression d’un retour au Old Labour.

    55. La nationalisation a signifié que la dette totale de la Northern Rock, estimée en livres sterling, s’est ajoutée à la dette publique. Celle-ci a augmenté de 37,7% du PIB à 45% ! D’ici 2011, il est prévu de réduire d’un tiers les 6.000 emplois de la Northern Rock. En aout 2008, La Roskilde Bank a été nationalisée, la première nationalisation d’une banque au Danemark depuis 1993. Il ne s’agit évidemment pas de nationalisations de la manière dont nous les envisageons, au contraire, des banques sont assainies avec l’argent de la collectivité afin de revendre les parties rentables plus tard au secteur privé. Certains critiques appellent cela à juste titre le « socialisme pour les riches ».

    Tentative d’exporter la crise

    56. Nous sommes toujours partis de l’idée que si une récession se produisait aux Etats-Unis, ils essaieraient de l’exporter vers le reste du monde. C’est exactement ce qui s’est passé et ce qui semblait réussir initiallement. Cela s’est fait de diverses manières, parfois comme effet secondaire « innocent », parfois comme conséquence d’une politique consciente. Un de ces effets secondaires « innocents » a été le fait que les investisseurs fuiaient le marché immobilier vers des investissements plus sûrs, le marché des matières premières. Il y a donc eu en conséquence une forte augmentation du prix des matières premières ce qui a assuré à son tour un éparpillement de la crise à tous les coins du monde. Evidemment, les croissances de la Chine, de l’Inde et de quelques autres pays ont stimulés la demande, tant pour le pétrole et le gaz que pour la nourriture et d’autres matières premières. Il est vrai aussi que, surtout dans le secteur pétrolier et encore plus dans la production de nourriture, on a trop peu investit pendant des années. De plus en plus de produits alimentaires sont utilisés pour la production de biocarburants.

    57. Mais ceci n’explique que partiellement pourquoi le prix du pétrole a doublé entre 2003 et 2006. Dans cette même période, la demande a connu une croissance de 7 millions de barils par jour. C’est encore moins une explication sur le fait que le prix du pétrole a de nouveau doublé, alors que la demande n’a cru « que » de 2,5 millions de barils par jour. L’élément qui a tellement fait accélérer l’augmentation des prix, qui a provoqué une forte inflection de la courbe, qui a transformé une croissance quantitative en une explosion qualitative du prix, a été le fait que de plus en plus de grandes institutions financières, de fonds de pensions, de fonds d’investissement, etc. se sont présentés sur le marché des contrats à termes pour les matières premières. Ils y ont « investi » des capitaux qui ont poussé les prix des matières premières à crever le plafond. Les matières premières semblent bien en route pour devenir la prochaine bulle, maintenant que celles de l’immobilier et du marché d’action se dégonflent. (28) La spéculation n’est certainement pas le seul facteur qui explique la montée des prix des matières premières. C’est plutôt le facteur qui manquait encore afin d’amener une série de données quantitatives au point où cela a conduit à un changement qualitatif et a fait pencher la balance. Un autre facteur « innocent » qui a fait que la crise a été exportée au reste du monde a été le fait que partout dans le monde des banques avaient investi dans des hypothèques à grand risque, ce qui fait qu’ils ont déjà perdu 500 milliards $ d’investissements.

    58. La chute contrôlée, si pas mise en scène, du dollar était un essai conscient d’exporter la crise. C’était une bénédiction pour l’économie américaine et une malédiction pour le reste du monde. Le dollar faible, qui était lors du deuxième trimestre 2008, 11,6% meilleur marché que lors deuxième trimestre 2007 en comparaison avec les monnaies des six partenaires commerciaux les plus importants, a assuré une forte croissance de l’exportation américaine. Dans le deuxième trimestre, l’exportation était de 2,4% du PIB. Sans l’exportation, l’économie américaine n’aurait pas connu une croissance sur base annuelle de 1,9% mais un rétrécissement de -0,5%. Des 13 multinationales de la bourse du Dow Jones, le chiffre d’affaire sur le marché domestique au deuxième trimestre de 2008 a connu une baisse moyenne de -2,5%, alors que le chiffre d’affaire dans le reste du monde a connu une croissance moyenne de 15% Dans ce même trimestre, on est arrivé au constat effrayant que la zone euro (15 pays) a connu son premier rétrécissement, de -0,2%, depuis sa création. Les économies de l’Allemagne, de la France et de l’Italie ont toutes connues un recul. Les économies néerlandaise et espagnole y ont tout juste échappé. (29) La deuxième économie d’Europe, celle du RU, aurait connu une croissance de 0%, et reculerait selon l’OCDE tant au troisième qu’au quatrième trimestre de -0,3 et -0,4%. Le Japon a connu une forte baisse de -0,6%. Voilà pour le « découplage ».

    59. Celui qui pensait pouvoir conclure que les Etats-Unis sortiraient du ravin économique et – illusion sous-entendue – sortiraient en même temps le reste du monde des sables-mouvants peut l’oublier. Il est vrai que les prix du pétrole et d’autres prix de matières premières ont reculé plus fortement qu’attendu. On dit que c’est à cause de la peur d’une récession et de la baisse de la demande qui l’accompagnerait. Le fait que les spéculateurs des matières premières ont vu la « bonne nouvelle » issue de l’économie américaine pour encaisser plus de gains est au moins aussi important. Ceci a encore été stimulé par le fait que le gouvernement américain avait laissé entendre qu’il n’allait pas délaisser les sociétés géantes en prêt hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae. S’il s’avère que l’économie américaine fonctionne quand même de manière plus mauvaise, la baisse des prix des matières premières peut être inversée dès que les investisseurs reprennent la fuite vers les contrats à termes des matières premières. Indépendamment de tout ça, l’ouverture des robinets financiers a assuré qu’à terme le dollar doit perdre encore beaucoup de valeur et que par conséquent l’inflation ne va pas s’évaporer tout de suite. Mais entretemps, le dollar a gagné en attractivité, non pas à cause de la force de l’économie américaine, mais à cause de la faiblesse du reste du monde et surtout les garanties de l’autorité la plus forte sur le plan mondial.

    La bourgeoisie est maniacodépressive

    60. En septembre, les autorités ont été obligées d’appliquer la plus grande nationalisation de l’histoire avec la prise en « conservatorship » (la mise en dépôt) de Freddie et Fannie. Les deux peuvent compter sur une ligne de crédit de chacun 100 milliards de dollar. Cela a mené à des réactions euphoriques sur les bourses : le gouvernement américain était prêt à se porter garant. Apparemment, on n’avait pas compris la gravité de la situation. L’autorité américaine ne peut se permettre ce type d’intervention de manière illimitée. Une chaine de faillite dans les secteurs financier serait même pour elle intenable. A peine quelques jours plus tard, on y était. La demande d’un accord juridique par Lehman Brothers afin de se protéger de ses créanciers a provoqué la panique. C’est une des plus anciennes entreprises de Wall Street, la troisième banque d’affaire du pays. L’action a chuté de 60$ en mai 2007 vers 3,45$ au moment de cette demande. Parallèlement, la plus grande banque d’affaire du monde, Merill Lynch, a été reprise par la Bank Of America afin d’éviter un scénario semblable à celui de Lehman Brothers. Par ailleurs, American International Group (AIG), le plus grand assureur américain en termes d’actifs, a demandé un crédit de 40 milliards de dollar à la Fed. AIG a été repris et recevait une ligne de crédit de 85 milliards de dollars.

    61. La prétention que la Chine et plus particulièrement des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) allaient pouvoir reprendre le rôle moteur de l’économie mondiale, a été écartée. La Chine a un PIB de presque la taille de celui de l’Allemagne, mais la consommation privée n’y représente pas 60%, seulement 30% du PIB. Ensemble avec l’Inde, la consommation y est de plus ou moins 1.600 milliards de dollars, presque autant qu’en France. De plus, la croissance chinoise s’explique principalement par le fait que la Chine est un peu la salle des machines du reste du monde. La Chine sera donc touchée par le rétrécissement hors de proportion de ses marchés d’exportation. Depuis octobre 2007, les actions à la bourse de Shanghai ont perdu deux tiers de leurs valeurs, le marché immobilier est en rétrécissement et la croissance de l’importation a fortement diminué, un signe que l’économie s’affaiblit. De plus, la Chine est de plus en plus confrontée à la compétition des pays voisins où les salaires sont encore plus bas. Ainsi, Adidas a décidé de se retirer à cause des salaires trop élevés.

    62. Trotsky explique dans son «Histoire de la Révolution russe» que le matérialisme ne nie pas l’existence de conscience, de sentiments, et d’état d’esprit, mais les expliquent justement. Les mois précédents, nous avons vu changer de plus en plus vite l’état d’esprit d’économistes bourgeois, de politiciens et de journalistes, passant de l’euphorie à des crises de paniques. En psychologie, on a un terme pour cela : la maniacodépression. Il y a des précédents historiques, comme la situation de 1926 jusqu’au grand Crash de 1929. Dans une interview pour la chaine télévisée américaine ABC, Greenspan a expliqué les causes de cet état d’esprit : «Nous devons admettre qu’il s’agit ici d’un évènement qui ne se produit que une fois toutes les 50 années ou probablement même qu’une fois par siècle, il n’y a pas de doute que je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Ce n’est pas encore fini et ça va durer encore quelques temps.»

    63. Chaque intervention de la Fed ou d’autres banques nationales provoque un sursaut sur les marchés. Les interventions se suivent à un rythme de plus en plus élevé et deviennent de plus en plus audacieuses. A chaque fois que les autorités prennent l’initiative de mettre hors jeu des managers et des actionnaires, c’est la fête. La confiance des capitalistes dans leur propre système a complètement disparu. Ils vont mendier chez les autorités pour les sauver aux frais de la collectivité. C’est de cette manière que la nouvelle époque s’annonce. Mais nous ne sommes qu’au début de la crise, aux prémices d’un tremblement de terre annoncé. Au fur et à mesure que la crise financière s’étendra vers l’économie réelle, l’impact de la crise se fera sentir. Trotsky a fixé l’attention sur le fait que ce ne sont ni la croissance ni le recul de l’économie qui stimule la lutte des classes, mais plutôt le passage d’une situation à l’autre. Nous sortons d’une période où l’avidité des directeurs d’entreprises et des actionnaires a même dû être critiquée par des commentateurs bourgeois ; la bourgeoisie a perdu sa confiance dans sa capacité à gérer le système ; la petite-bourgeoisie et les groupes moyens sont ruinés par la crise ; et la classe ouvrière exigera sa part du gâteau.

    L’accélération de la lutte des classes va encore s’intensifier

    64. Nous constatons déjà une résistance croissante de la part de la classe ouvrière. Lorsque nous avons expliqué en 2001 que le mouvement antimondialiste n’était que le précurseur d’un mécontentement plus profond de la classe ouvrière, le frémissement du feuillage avant l’orage, nombreux étaient ceux qui étaient en désaccord. Selon certains, le mouvement antimondialisation était une affaire petite-bourgeoise à laquelle ils refusaient de participer. “Ce qui est nécessaire, c’est un mouvement communiste et pas un mouvement antimondialisation” expliquait Kris Merckx – une assertion qui a depuis lors été absurdement inversée. D’autres considéraient l’anti-mondialisme comme une alternative plus progressiste au mouvement ouvrier, ne voyants pas le lien entre les jeunes antimondialistes et les ouvriers “conservateurs”. Ils nous reprochaient une vue bornée, ne saisissants eux-mêmes la diversité de la classe ouvrière.

    65. Depuis lors, il n’y a plus un continent qui n’a pas été marqué par la lutte des classes. Au premier rang, l’Amérique Latine, où les recettes néolibérales ont été appliquées de la manière la plus brutale. Dans l’histoire, la lutte des classes a été voilée plus d’une fois par des conflits religieux, nationalistes ou ethniques puisqu’en exploitant ces heurts, la classe dominante assurait sa domination. En Amérique Latine, l’émancipation de la population indigène a accompagné la lutte des classes. Sous la pression des masses, des dirigeants populistes ont été élus et poussés à gauche au Venezuela, en Bolivie, à l’Equateur, au Nicaragua et au Paraguay.

    66. Mais l’énergie des masses n’est pas illimitée. Si les masses ne s’organisent pas à reprendre l’initiative au lieu de se limiter à faire pression et si les dirigeants populistes ne rompent pas avec le capitalisme, la réaction reconstituera ses forces. Nous avons déjà reçus les premiers avertissements, par exemple le rejet de la nouvelle constitution de Chavez, mais pour l’instant la réaction est trop faible pour reprendre l’initiative. Ailleurs, des personnalités ont étés élues avec une image de gauche puisque c’était la seule possibilité pour la bourgeoisie d’assurer ses intérêts, comme au Brésil, au Chili et en Argentine. Justement dans ces pays, nous avons vu comment des travailleurs ont construit et testé des nouvelles formations telles que le PSOL et Conlutas au Brésil. En Colombie, le gouvernement réactionnaire gagne du soutien populaire grâce à la tactique criminelle des FARC. Ainsi, le pays est la tête de pont de l’impérialisme américain.

    67. Partout dans le monde, les travailleurs et leurs familles paient le prix des défaites de leur classe. Cela est le plus prononcé au Moyen-Orient, où la lutte des classes a souvent été écrasée sous les conflits armés de l’impérialisme et des diverses milices religieuses réactionnaires. Mais même là où les conflits ont été les plus sanglants, nous constatons que entre deux flambées de conflits militaires, la classe se relève à chaque fois du moment que les partis en lutte sont épuisés. Nous l’avons vu au Liban, à Gaza, et même en Irak. L’Egypte a connu ces dernières années une vague de grève après l’autre et même dans les postes avancés de l’impérialisme dans la région, en Israël et en Turquie, on a vu systématiquement des flambées de lutte des classes contre les élites dirigeantes affaiblies.

    68. En Afrique, la classe paie les demi-défaites et les demi-victoires avec de la pauvreté extrême, la guerre civile, les conflits ethniques et les pogroms contre les immigrés, ceci en Afrique du sud qui fut dans le passé le théâtre d’un mouvement héroïque contre l’apartheid. L’Asie aussi a connu ses émeutes ethniques et ses pogroms, ses conflits religieux, sa corruption et ses conflits frontaliers. Mais en Asie également, la classe commence à s’organiser, dans beaucoup de cas dans une forme élémentaire, parfois seulement à travers des forums sur internet, parfois au niveau de l’entreprise, parfois dans des syndicats et de plus en plus aussi sur le plan politique.

    69. Le mouvement antimondialisation avait déjà démontré que l’autorité du néolibéralisme était fortement minée chez une minorité importante principalement de jeunes. L’énorme fossé entre riches et pauvres, entre nations riches et pauvres et à l’intérieur de ces nations, en était à la base. C’était justement le recul de ce fossé dans la période d’après guerre qui était l’argument principal contre la possibilité de répétition de la dépression.(30). 1% des américains les plus riches avait, avant le crash de 1929, 15 à maximum 19% du revenu total, après le crash et surtout dans la période d’après-guerre, cela est descendu jusqu’au point le plus bas de 7,5% au début des années 70. Mais depuis, cela a remonté pour atteindre dans la deuxième partie des années ‘90 à nouveau 15% et 18% en 2006. (31) Même des économistes bourgeois renommés ont avertit pour le danger que ceci minerait la légitimité du marché libre. L’appel au « changement » est devenu de plus en plus fort.

    70. C’est sur cela que le candidat présidentiel du parti démocrate Obama a basé sa campagne. Un capitalisme sans les exagérations qui étaient tellement frappantes pendant la période l’administration Bush. Mais Obama risque d’être rattrapé par les évènements. Des promesses vagues pouvaient stimuler les états d’esprit tant que l’appel au changement avait pour but d’éviter un danger menaçant. Du moment que la crise des hypothèques à grands risques a frappé, que 2,5 millions de propriétaires ont été dépossédés de leurs maisons et que 600.000 américains ont perdu leur emplois, la nécessité de changement vague s’est transformée en un besoin de mesures concrètes. En septembre 2008, la perte d’emploi s’est encore fortement accélérée, ce qui fait que dans les premiers 9 mois de 2008, 750.000 emplois ont déjà été perdus.

    71. Cela peu sembler contradictoire, mais la politique de confrontation de Sarah Palin (32) y répond mieux que les promesses vagues d’Obama. En ironisant sur le soi-disant idéalisme d’Obama – «qu’est-ce qu’il fera après avoir arrêté les mers et avoir sauvé la terre ?» – et le fait qu’il regarde de haut les travailleurs – dont il ne comprend pas la volonté de porter des armes -, elle a de nouveau donné de l’espoir aux républicains. Mais si demain elle est confrontée aux 27.000 grévistes de Boeing, qui savent très bien que le carnet de commande est plein et que l’entreprise a fait un profit de 13 milliards de dollars l’an passé, il faudra plus qu’un peu de bon sens et de double morale venant d’une petit ville provinciale d’Alaska.

    72. En Europe aussi, la radicalisation d’une avant-garde de syndicalistes, bloqués par le manque de volonté de leurs dirigeants syndicaux de généraliser leur lutte sur le plan national, s’exprime souvent par un détour politique. Le PRC en Italie, l’IU en Espagne, le Bloc de gauche au Portugal, depuis peu aussi Syriza en Grèce, et bientôt la LCR en France l’expriment. Cela ne manque pas de combativité aux travailleurs allemands, pensons à la grève des conducteurs de train pour une augmentation salariale, mais à une direction qui est prête à confronter le patronat. Ensemble avec les attaques brutales dans le cadre de l’Agenda 2010 sous le SPD qui est descendu dans les sondages à 28% et n’est mathématiquement plus capable de former une majorité rouge-verte, ceci explique le nouveau phénomène Die Linke qui obtient entretemps 10% dans les sondages. L’existence de Die Linke a stimulé la combativité, la confiance et la conscience politique des travailleurs allemands.

    73. Aux Pays-Bas, les travailleurs font un détour comparable vers le Socialistische Partij. Pendant la manif européenne contre la directive Bolkestein au printemps 2005, nous avons vendus beaucoup de journaux à des néerlandais uniquement parce qu’il y avait « socialistisch » dans le titre. Hélas, le soutien pour le SP néerlandais reste principalement passif, surtout aussi parce que le parti fait tout pour que cela reste ainsi. Partout en Europe, la lutte des classes est enflammée. Parfois par des grèves radicales dans un secteur tel que les conducteurs de train en Allemagne ou les infirmiers en Finlande. Parfois par des grèves générales comme en Grèce, parfois par des manifestations massives. Dans ce processus, les travailleurs cherchent de manière alternée des solutions sur le plan syndical et, s’ils sont bloqués sur ce terrain là, sur le plan politique.

    74. La distribution inégale des richesses était encore supportable tant qu’il y avait de la croissance dans l’économie et qu’une partie des travailleurs pouvait se consoler avec l’illusion, qu’un jour ce serait leur tour. Mais avec le début de la crise, sachant que les patrons se sont bien remplis les poches, et se sont envolés avec les profits des dernières années, beaucoup de travailleurs ne sont pas prêt à payer la crise annoncée. Cela explique la lutte sociale croissante et la croissance des formations de gauche. Cela s’exprimera à travers une révolte dans les syndicats existants et le remplacement de la bureaucratie pourrie par de nouveaux dirigeants qui seront très vite testés dans la pratique. Là où cette voie est coupée, de nouvelles formations seront formées, avec des hauts et des bas. La recherche du moindre mal, souvent caractéristique de ces dernières années, fera place à la recherche de réponses qui peuvent signifier des avancées réelles. La discussion sur les perspectives, le programme, la stratégie et la tactique, gagnera en importance.


    (1) La définition standard d’une « récession » est aujourd’hui qu’il faut deux trimestres ou plus de croissance économique négative. Cette définition ne prend pas en considération un paquet de facteurs. Pour l’économie mondiale on prend aussi par exemple la croissance de la population et on parle alors d’une récession sous les 2% de croissance. En outre, il est difficile de déterminer le début d’une récession sur base des données trimestrielles. Le « National Bureau of Economic Research » (NBER) défini une récession comme « la période dans laquelle l’activité économique a atteint son pic et commence à diminuer jusqu’au moment où l’activité atteint son point le plus bas. Si l’activité augmente de nouveau, on parle d’une période d’expansion. ». Au sujet de la définition de la « dépression », il existe aussi d’innombrables interprétations. Avant la seconde guerre mondiale, chaque ralentissement économique était appelé une « dépression ». Le terme « récession » a été introduit pour distinguer les plus petits tassements économiques de « la grande dépression » des années ‘30. Avec le terme de dépression, on parle donc d’une période de tassement économique qui dure longtemps et est plus profonde qu’une récession. Techniquement, on parle aujourd’hui d’une dépression si la croissance est négative de 10% et d’une grande dépression si celle-ci s’élève à -25%. Entre novembre ‘73 et mars ’75, le PIB des USA avait chuté de 4,9%. Voir aussi: http://economics.about.com/cs/businesscycles/a/depressions_2.htm

    (2) Capitalism Unleashed Fig. 2.1 page 26

    (3) http://www.imf.org/external/datamapper/index.php

    (4) Le Soir 6 septembre 2008

    (5) Comme Marx l’a expliqué, la bourgeoisie améliore sans cesse sa façon de cacher l’exploitation, de lui donner un caractère anonyme. Essayez de trouver qui a combien de parts d’une société en mains… Pour calculer le taux d’exploitation, nous devons décompter du résultat net d’une entreprise les amortissements (du moins si les capitalistes n’accélèrent pas l’amortissement des machines), les subsides, le prix des matières premières, la location des bâtiments et des terrains ainsi que les coûts salariaux totaux, et partager le résultat par les coûts salariaux. Le taux d’exploitation est encore le mieux approché par le relation entre les frais de personnel et la valeur ajoutée (la valeur des marchandises et des services produits diminue avec la valeur des marchandises et des services utilisés dans le processus de production – donc non pas les salaires payés au « facteur de production » travail). Le site du gouvernement fédéral en donne un aperçu, malheureusement uniquement pour la période ’99- ’04. Pour calculer le taux d’exploitation, on doit retirer de la valeur ajoutée les frais de personnel (pour obtenir la plus-value ou le travail non-rémunéré) et diviser le résultat par le coût des salaires ou travail rémunéré. Pour l’industrie totale, pour 626.000 travailleurs, cela donne une moyenne de taux d’exploitation de 63,4% c.-à-d. que pour chaque centaine d’euros de travail rémunéré, il y a 63,4 euros de travail non-rémunéré. Dans le textile, il s’agit de 45% et dans le chimie, où se trouvent les meilleurs salaires, 105%. Dans l’Horeca, où la productivité est un peu plus basse, mais les salaires aussi, le taux d’exploitation s’élève à 72% des salaires. http://www.statbel.fgov.be/figures/d422_nl.asp

    (6) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248 – 251 et Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 136 – 146

    (7) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248.

    (8) Els Witte, Yan Craeybeckx & Alain Meynen, Politieke Geschiedenis van België, 2005, p. 335.

    (9) Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 4

    (10) Dans le Militant, n°7, de février 1996, nous avons publié un dossier sur l’Etat-Providence en Belgique sous le titre «Essors et chute de l’Etat-Providence ».

    (11) A cette époque, certain pensaient que le capitalisme avait surmonté ses contradictions internes fondamentales, la propriété privée des moyens de production et l’existance d’Etats-Nations. Ernest Mandel parlait de capitalisme tardif et considérait le mouvement ouvrier comme étant « bourgeoisifié ». Dans l’internationale dont il était le principal dirigeant, une discussion enragée a duré 10 ans entre ceux qui s’orientaient vers la guerilla et ceux qui plaidaient pour la construction de partis révolutionnaires classiques. Ils ont même été jusqu’au point de plaider pour la guerilla urbaine en occident, ce qui a donné l’occasion au PCF en 1968 de les qualifier de « gauchistes » et de les isoler. Déjà au début des années ’60, lorsque Mandel commençait à peine à formuler sa théorie du capitalisme tardif, Ted Grant lui a répondu au nom de notre courant avec la brochure Will there be a slump?

    (12) Le 3 août 1981, le syndicat des aiguilleurs du ciel des Etats-Unis a déclaré une grève pour de meilleures conditions de travail et pour la semaine de travail de 32 heures. Ainsi, le syndicat était en infraction vis-à-vis d’une loi de 1956 qui détermine que les syndicats dans les services publics n’ont pas de droit de grève. Cette loi n’avait généralement pas été appliquée. Le président nouvellement élu (4 novembre 1980) Ronald Reagan a déclaré que cette grève constituait une menace pour la sécurrité nationale et a ordonné la reprise du travail. Reagan savait que des remplaçants étaient formés en secret et a posé un ultimatum de reprise de travail de 48h. Le 5 août, 11.345 aiguilleurs du ciel ont été directement licenciés et exclus des emplois publics pour une période de trois ans (période par la suite raccourcie). Ils ont d’abord été remplacés par des non-grevistes, des contremaitres, des cadres des aéroports et dans certains cas par des aiguilleurs de petites localités et des militaires, en attendant la fin de la formation des remplaçants. Le 22 octobre, la reconnaissance du syndicat a touché à sa fin.

    (13) Lou Cannon, Michael Beschloss, Ronald Reagan: The presidential portfolio: history illustrated from the collection of the Ronald Reagan library and museum, p.128.

    (14) Le taux d’intérêt détermine le prix auquel l’argent est mis à disposition. Ici, le taux d’intérêt directeur, le tarif que les banques s’octroient entre elles pour des prêts quotidiens.

    (15) Contrairement au système de pension basé sur la capitalisation, les systèmes de répartition sont insensibles aux fluctuations des marchés financiers. Ils sous-entendent également un plus grand degré de solidarité que les systèmes de capitalisation individuels. Après la grande dépression et la deuxième guerre mondiale, les systèmes de répartitions ont par conséquent connu un essor. Ils étaient considérés commes des acquis de la lutte des classes. En Belgique, après la guerre, un système de pension mixte a été introduit avec la loi du 28 décembre 1944. La partie du financement par la répartition est devenue de plus en plus importante. Dans le système de pesnsion des ouvriers, le système de pension par capitalisation a été aboli à partir du premier janvier 1954. Pour les employés, cela s’est fait graduellement à partir de 1957 et définitivement le premier janvier 1968. Voir : www.vrouwenraad.be/dossier/2006/genderwetswigzer/soc_zek_werkn.pdf; Dans des pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Islande, les provisions de pension sur base de capitalisation représentent plus de 130% du PIB de ces pays. La Grande-Bretagne et l’Irlande se trouvent dans une moyenne de 50 à 100% du PIB. En Allemagne, en France, en Belgique et dans la plupart des pays de l’Europe du sud et de l’est, ils représentent moins de 20% puisque les systèmes de répartitions jouenent encore un rôle plus important. The Nederlandse Bank, kwartaalbericht, juni 2008.

    (16) Financial Times, 5 février 2008, Why is it so hard to keep the financial sector caged?

    (17) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.86

    (18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.136, 141, 146

    (19) Voir p.19, mais pour une vue plus générale, Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.14

    (20) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.134

    (21) K. Marx, Salaire, Prix et profit.

    (22) F.Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre.

    (23) Le 18 mars, le New York Times s’est demandé si les prix des maisons aux USA allaient suivre le même chemin qu’au Japon entre 1984 et 1999.

    (24) Le Monde, 23 juin 2008, Les fonds d’investissement en quête de moralité. « Leveraged buyout » est la méthode de reprise d’une entreprise avec un minimum de capital propre. La reprise est basée principalement sur des emprunts. Les actifs ou les propriétés de l’entreprise concernée sont utilisés comme caution. Plus tard, l’emprunt devra être repayé par l’entreprise. Généralement, l’entreprise est fortement réorganisée et partitionnée, après quoi des parties sont revendues afin de repayer les emprunts et les obligations tout en gardant un profit après l’opération.

    (25) Ce texte est publié intégralement sur marxisme.net dans “documents internes”, mais malheureusement uniquement en néerlandais pour le moment.

    (26) La Libre a publié un graphique dans son édition du 23 janvier 2008

    (27) Bear Stearns était l’une des plus grandes banques d’affaires sur le plan mondial. La banque avait été créée à New York en 1923. A la fin de 2006, elle employait 13.500 personnes.

    (28) A travers des contrats à termes, des acheteurs s’engagent à acheter une quantité de matières première à un prix fixe à un moment déterminé, pendant que le producteur de matières premières accepte de livrer à ce prix au même moment. Ainsi, le producteur se protège-t-il contre de trop grands changements de prix, pendant que l’acheteur sur le marché des contrats à termes espère qu’au moment où l’achat s’applique le prix sera plus élevé. Les investissements par des spéculateurs dans les matières premières auraient connu une croissance de 13 milliards de dollar en 2003 à 260 milliards de dollars en 2008. MO*, septembre 2008, Over geldhonger en lege magen.

    (29) De Tijd, 16 août 2008, Europa op het randje van recessië.

    (30) JK Galbraith, 1954, The Great Crash 1929.

    (31) The economist, 24 juillet 2008, Workingman’s blues

    (32) Sarah Palin est la candidate vice-présidente républicaine, la colistière de McCain.

  • Stop au massacre à Gaza

    La lutte de masse est la seule issue

    Le gouvernement Israélien est empêtré dans une succession de scandale et d’échec, et plus récemment dans les effets de la crise mondiale du capitalisme. Maintenant, il essaye d’éviter leur probable défaite aux prochaines élections de février en orchestrant un carnage préparé depuis longtemps.

    Abu Abas, Mubarak et les dirigeants de Ligue Arabe condamnent le massacre. Mais ils ont été les complice d’Israël dans le blocus mis en place depuis 16 mois qui a affamé le million et demi d’habitants de Gaza.

    Ces régimes accomplissent volontairement les exigences de l’impérialisme. Le régime autoritaire de Mubarak en Egypte a collaboré à l’emprisonnement des Palestiniens en empêchant la libre circulation des marchandises et des personnes à la frontière entre l’Egypte et Gaza. Mubarak a même rencontré la veille de l’attaque israélienne le ministre des affaires étrangères israéliennes, Livni. Bush (ainsi qu’Obama) a refusé de contraindre Israël à cesser immédiatement le carnage.

    Bush emploie une même brutalité dans l’occupation américaine de l’Irak et de l’Afghanistan. Tandis qu’en Europe on peut entendre de faibles appels au cessez-le-feu, la Maison Blanche ne critique nullement le massacre de masse israélien et condamne unanimement le Hamas. Bush condamne les tirs de roquettes du Hamas sur des villes israéliennes tout en soutenant le blocus israélien/égyptien de Gaza.

    Les tirs de roquettes du Hamas ne peuvent mettre fin à l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. La classe dirigeante israélienne ne s’inquiète pas des travailleurs habitant les villes entourant Gaza, mais exploite leur situation difficile pour justifier la guerre. L’utilisation de roquettes par les dirigeants du Hamas sert à masquer l’absence d’une véritable stratégie pour libérer les masses palestinienne du siège israélien. Le gouvernement israélien ne défend pas les véritables intérêts des israéliens ordinaires mais au contraire, il exploite leurs peurs.

    Chaque acquis obtenu dans l’histoire de la lutte palestinienne a été le résultat de la mobilisation active des masses. Tragiquement pour les Palestiniens, ni le Hamas, ni le Fatah, ni les régimes arabes n’ont une stratégie pour défendre les masses et pour arrêter le massacre de l’Etat israélien.

    • Pour l’arrêt immédiat des attaques israéliennes et du siège de Gaza.
    • Pour des manifestations et des protestations de masse contre la guerre, dans le Moyen-Orient et partout dans le Monde.
    • Aucune solution ne peut venir des puissances impérialistes et de leurs institutions internationales. Les masses palestiniennes ne peuvent compter que sur leur propre lutte et faire appel au soutien des masses laborieuses partout dans le monde, plus particulièrement dans le Moyen-Orient et ce y compris en Israël.
    • Pour l’organisation et l’autodéfense des masses. Pour des actions de masse commune des Palestiniens et des Egyptiens pour briser le siège de Gaza.
    • Pour des luttes unies des travailleurs et des pauvres pour renverser les régimes capitalistes en Israël et dans les pays arabes. Pour des gouvernements des travailleurs et des masses pauvres au Moyen-Orient qui peuvent mettre fin au cycle de violence et résoudre les problèmes des gens.
    • Pour une Palestine socialiste et un Israël socialiste dans une fédération socialiste du Moyen-Orient.

    Plus d’infos sur www.socialisme.be et www.socialistworld.net

  • Irak : Un lancer « au nom » des pauvres et des opprimés de toute la région

    Le monde arabe connaît en ce moment des actions de solidarité avec Mountazar Al Zaïdi, sur base de manifestations à travers tout une série de pays. Avec une chaussure, le journaliste Al Zaïdi a réalisé le rêve de toute une série de personnes dans la région et dans le monde qui sont opposés à la politique américaine au Moyen-Orient violant les droits de l’homme et qui a conduit à la destruction de l’Irak au point que certains Irakiens ressentent une certaine nostalgie du temps où ils vivaient sous la dictature brutale de Saddam Hussein.

    Tamer Mahdi – CIO-Liban, article publié le 18 décembre

    L’action de ce journaliste n’est guère surprenante, étant donné la révélation au monde entier des mensonges de Georges W. Bush au sujet de l’invasion, de l’occupation, et de la soi-disant «liberté et démocratie» dont bénéficient maintenant le peuple irakien. La réaction du gouvernement irakien vis-à-vis de Zaïdi – l’emprisonnement et, apparemment, la torture – laisse pourtant plus entendre que ce qui se passe maintenant en Irak est loin de cette «liberté et démocratie». Selon certaines sources, Zaïdi souffre maintenant de fractures et de blessures très gravement infectées. On a même demandé à sa famille d’attendre une semaine avant de le ramener à la maison, pour ne pas le voir dans cette horrible condition, de sorte à éviter des éruptions de colère dans le tribunal où il sera jugé.

    On rapporte également que Zaïdi est un « activiste communiste révolutionnaire », qui a aussi milité contre le régime de Saddam Hussein.

    La manière dont Zaïdi a souhaité bon vent à George W. Bush pendant sa dernière visite en Irak était bien le moindre que méritaient ce dirigeant cruel et son administration pourrie, après avoir mené pendant des décennies le monde dans la guerre et l’appauvrissement, après avoir soutenu des rois arabes et des régimes corrompus qui leur permettent de garder le contrôle sur le pétrole et d’autres richesses. Au vu du soutien de l’administration Bush vis-à-vis du régime israélien, il n’est guère surprenant que les habitants de la Bande de Gaza, malgré le siège meurtrier dont ils sont les victimes, manifestent en solidarité avec Zaïdi.

    Le soutien et la solidarité que nous avons vue lors des derniers jours pourraient facilement s’intensifier, avec une généralisation de l’activité. Les socialistes et la gauche de tout le Moyen-Orient doivent accroître l’envergure de leurs actions, et non seulement s’engager dans des manifestations de solidarité, mais également contribuer à l’édification d’un mouvement contre la guerre et pour l’unité des masses, contre ce système capitaliste meurtrier.

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Première partie)

    Dans cette première partie du texte, nous expliquons l’effet de la chute du stalinisme et de quelle manière cela a permis au capitalisme international d’augmenter l’exploitation d’une manière considérée comme inimaginable jusque là. La mondialisation n’a pas rendu le monde plus sûr, mais a au contraire augmenté l’insécurité. La capitulation des dirigeants du mouvement ouvrier a été la raison fondamentale qui a permis au capitalisme d’avancer autant dans la mondialisation. Cela s’est accompagné d’innombrables illusions ; nombreux étaient ceux qui étaient incapables d’estimer correctement ces développements. En définitive, ce n’est pas la forme, mais le contenu concret qui est décisif.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    Ce qui précédait… une bénédiction pour le capital international

    1. Le précédent texte de congrès du MAS-LSP intitulé «la montée de la lutte des classes menace les équilibres fragiles» a été écrit à l’automne de 2006, lorsque l’économie mondiale connaissait encore une croissance de 5%, le chiffre le plus élevé depuis 1980 (1). Bien que ce fût principalement dû aux pays émergents (qui avaient une croissance de +7,8%), la croissance était de 3% dans les pays capitalistes(2) développés (3). Un chiffre qui ne sera plus atteignable d’ici 2011, selon le FMI. Le premier sous-titre de notre document de 2006 s’intitulait donc «Economie mondiale – une croissance dynamique grâce à l’augmentation du taux d’exploitation» (4).

    2. Nous y expliquions quelle bénédiction la chute du stalinisme a signifié pour le capital international. Ce doublement de fait de la main-d’œuvre disponible a créé les conditions pour le rétablissement du taux de profit (5) et cela pour la première fois depuis le début de la crise des années ‘70. Nous avons toujours décrit la chute du stalinisme, une caricature monstrueuse du socialisme, comme une défaite pour les travailleurs et leurs familles. Cela a ouvert la voie à la mise en place du capitalisme-gangster dans l’ex-Union Soviétique, à des conflits nationaux, à la guerre et la guerre civile, à l’arrivée au pouvoir de régimes bonapartistes (6) et de régimes ouvertement dictatoriaux, à d’anciens bureaucrates qui se sont transformés en oligarques capitalistes, à l’anéantissement des services sociaux sur les plans de l’éducation, du logement, des transports en communs et de la médecine.

    3. Entre 1989 et la crise du rouble en 1998, l’économie russe s’est rétrécie de pas moins de 40% ! En 1998, le prix moyen pour un baril de pétrole était encore de 12 dollars ; le 11 juillet 2008, le prix avait atteint un record – provisoire – de 148 dollars, et aujourd’hui ce prix fluctue autour de 100 dollars. C’est aussi le plus important pour expliquer la croissance moyenne de 6% depuis ‘98. Mais «ce n’est que dans les dernières années que l’output économique s’est rétabli à son niveau de 1989» écrit Stefan Wagstyl dans le Financial Times (7). «Des millions de gens vivent dans la pauvreté. En termes de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen est retombé à 14.700 dollars. À côté de la pauvreté, la Russie fait face à des grands déficits dans le domaine de l’enseignement et des services de santé. Malgré la politique de diversification, la Russie reste dépendante du pétrole et du gaz qui représentent 20% de l’output économique et 60% de l’exportation» (8)

    4. La restauration du capitalisme en Europe de l’Est a lancé une «course vers le bas» en matière d’impôt des sociétés (9). La Slovaquie a initié le processus avec un taux de 19%, suivi de la Roumanie avec 16% et récemment de la Bulgarie avec 10%. Ainsi, la Bulgarie rattrape l’Irlande qui, depuis 2003, applique un taux de 12,5%. Pas moins de huit pays de l’UE ont diminué leurs taux d’impôt des sociétés l’année passée (en 2007) et sept pays cette année-ci. En moyenne, l’impôt des sociétés au sein des 27 pays de l’UE est de 23,2%, moins que la moyenne de l’OCDE (26,9%), de l’Amérique latine (26,2%) et de l’Asie-Océan Pacifique (28,4%). Il y a dix ans, la moyenne était encore de 35,3% ! Cela signifie moins de revenus pour les gouvernements et des ‘effets de retour’ incertains, car une fois qu’un autre pays diminue les taux plus encore vers le bas ; l’effet d’aspiration risque de disparaître. La France et l’Allemagne, surtout, reprochent aux nouveaux pays membres de se servir des subsides de la vieille Europe pour diminuer leurs impôts des sociétés afin d’attirer les entreprises venant justement des pays de la vieille Europe (10).

    5. Pas de miracle donc quand le journaliste Chris Dusauchoit déclare lui-même ‘avoir été totalement bouleversé sur le plan émotionnel’ après sa visite dans un orphelinat à Mogilino en Bulgarie.(11) Afin de compenser la perte de revenus, de nombreux pays ont augmenté les impôts indirects, les taux de TVA, qui sont de 19,49% en moyenne dans les 27 pays membres de l’UE et déjà beaucoup plus élevés qu’en Amérique Latine (14,2%) et qu’en Asie-Océanie (11,14%). Des pays baltes, l’idée d’une taxe unique, un taux unique indépendant du revenu, est arrivée chez nous. Le premier pays à l’appliquer a été l’Estonie avec un taux de 24% en 1994. Entretemps, elle existe dans presque tous les pays de l’Europe de l’Est. La Lituanie et la Lettonie utilisent un taux de 15% et l’Estonie a dû réviser le sien vers 21% et veut aller vers 18% d’ici 2011.

    6. Mais dans le texte de 2006, nous avons avant tout parlé des pays émergents d’Asie du Sud-est. Le danger que ces régimes ne marchent pas au pas, passent à des nationalisations ou encore passent dans le camp ‘communiste’, a largement disparu avec la chute du stalinisme. L’occasion était là de toucher à des réserves de main-d’œuvre bon marché, d’abord prudemment chez les ‘tigres asiatiques’, puis dans les pays émergents et enfin en Inde et en Chine. Pendant dix ans, entre ‘88 et ‘98, les investissements dans les «économies industrialisées asiatiques» ont crû sur base annuelle de 10,5% du PIB. Il semblait que nous en étions revenus au précédent changement de siècle, à la période d’or de l’impérialisme, de l’exportation du capital vers des pays à bas salaires, sans le développement d’un marché intérieur important.

    7. Les données qui suivent sur le revenu annuel moyen nous disent peu sur la répartition des richesses, mais nous fournissent néanmoins une indication de l’effet décevant de cette croissance sur le développement du marché intérieur. Même en termes de parité de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen du Vietnam est à peine de 2.575 dollars, de 3.569 dollars pour l’Indonésie, de 7.809 dollars pour la Thaïlande, de 13.210 dollars pour la Malaisie, de 2.784 dollars pour l’Inde et de 5.478 dollars (12) pour la Chine. Malgré 25 ans de chiffres de croissance ininterrompus de 10% par an, la Chine est encore loin du revenu par habitant des USA, lequel est de 45.963 dollars en termes de parité de pouvoir d’achat ! Sans vouloir sous-estimer la croissance spectaculaire de l’économie chinoise, surnommée également la salle de machine de l’économie mondiale, le pays reste le 131e en termes de PIB par habitant sur le plan mondial. Liu Whingzi, directeur des statistiques de la Banque Centrale Chinoise, nuance – un peu trop, il est vrai – l’excédent des recettes commerciales. «C’est une donnée statistique… Nous produisons ici les produits, mais la part du lion des profits retourne en Europe ou aux USA.» (13)

    La globalisation militaire rend le monde moins sûr

    8. Après la chute du stalinisme, nous avons accentué que la «colle commune» avait disparu. Cette ‘colle’ tenait ensemble les puissances impérialistes depuis des décennies. Le monde bipolaire a cédé place à un monde unipolaire. L’impérialisme américain pouvait enfin surmonter le traumatisme datant de la débâcle au Viêt-Nam (1957-1975). Ce changement de cap avait eu lieu en 1991 déjà, avec la première guerre du Golfe sous Bush-père. La doctrine Monroe de non-ingérence – ou plutôt de non-intervention ouverte – a été échangée pour une politique de ‘containment’ dans un accord de coopération internationale, c’est-à-dire « l’isolement » de potentiels criminels, sous le drapeau de l’ONU. Le président démocrate Clinton y a contribué avec les bombardements de la Serbie par l’OTAN en 1999 et a utilisé pour la première fois le terme de ‘regime change’. Les attentats du 11 septembre ont aidé à préparer l’opinion publique pour une doctrine militaire néoconservatrice de guerres unilatérales et préventives sous Georges W Bush.

    9. La boucle est bouclée : si la globalisation est entre autres un régime qui enlève chaque obstacle entravant la liberté de mouvement du capital, alors la doctrine militaire de guerres préventives et unilatérales n’est rien d’autre que la globalisation sur le plan militaire. C’est-à-dire ôter chaque restriction de la liberté de mouvement pour la machine militaire qui doit protéger ce capital… La réduction des factures d’énergie des entreprises américaines a été la raison principale, bien mal cachée, de l’intervention en Irak. Mais au lieu de fournir du nouvel oxygène pour les entreprises américaines sous la forme de pétrole bon marché, le prix d’un baril de pétrole a augmenté de 24,4 dollars en 2001 pour un nouveau record temporaire de 147,27 dollars le 11 juillet 2008. (14) Pour l’autre objectif de la guerre, notamment une vague de démocratisation dans le Moyen-Orient, où les dictatures cèderaient la place à des régimes élus mais avant tout pro-occidentaux, la réalité n’est pas non plus allée dans ce sens. Il existe l’effet inhibiteur du progrès, le phénomène dialectique où le fait d’avoir un avantage mène à trop de témérité et mine la stimulation pour s’améliorer avec en conséquence le fait d’être finalement rattrapé. L’impérialisme américain n’a pas été le premier dans l’histoire à surestimer ses propres forces.

    10. Les marxistes appellent cette fameuse loi la loi du développement inégal et combiné. Cette approche est plus complète. Ici, le phénomène n’est pas seulement regardé du point de vue de celui qui a un avantage, mais aussi de ceux qui essayent de rattraper l’avantage. Les aventures impérialistes ont transformé le monde en une poudrière de conflits potentiels. Une série de nouveaux acteurs, en particulier la Chine et la Russie, mais aussi quelques superpuissances régionales, surtout là où l’impérialisme voulait rétablir l’ordre, à savoir l’axe Palestine-Irak-Iran-Afghanistan, revendiquent leur place. Nous pensons en particulier à l’intervention de la Turquie en Irak du Nord, d’Israël au Liban, de la Russie en Géorgie, mais aussi au renforcement de la position sur le plan régional ou continental de l’Iran et du Brésil, aux intérêts commerciaux croissants en Afrique et aux dépenses militaires croissantes de la Chine ou encore au conflit sous-jacent entre l’Inde et le Pakistan. Nous ne pouvons pas nous laisser piéger par la propagande occidentale ou par la ‘neutralité’. Nous ne pouvons pas non plus nous laisser piéger par ceux qui reconnaissent dans l’ennemi de leur ennemi un ami potentiel, indépendamment du caractère réactionnaire de cet ami. Notre position, en revanche, prend comme point de départ l’unité de la classe ouvrière comme condition dans la lutte contre l’impérialisme.

    11. Bien que les USA demeurent la puissance impérialiste dominante, l’évolution d’un monde unipolaire vers un monde multipolaire est une tendance incontestable. Cela semble contradictoire avec l’évolution récente en Irak, où le nombre d’attentats semble diminuer. Cela n’est nullement dû au ‘surge’, à l’envoi des 25 mille soldats supplémentaires depuis le début de 2007, mais plutôt au succès de la milice ‘awakening’ sunnite, financée, armée et entraînée par les USA. Ces milices sont souvent constituées de révoltés qui avaient combattu les troupes américaines mais qui, à cause des brutalités d’Al Quaida, sont devenus des alliés temporaires des USA. Le gouvernement irakien et les observateurs internationaux ne sont pas du tout certains de ce que vont faire ces milices lorsqu’elles auront rétabli l’ordre dans leurs communautés. Il y a évidemment des énormes différences entre la milice awakening et d’autres en Irak, le Hezbollah au Liban et les Talibans en Afghanistan. En tout cas, ce développement, ainsi que l’offensive des Talibans en Afghanistan, sept ans après leur défaite ‘définitive’, confirment en premier lieu que le modèle du Hezbollah, basé sur le soutien parmi les masses ou d’au moins une partie d’entre elles, l’emporte de plus en plus sur le modèle Al Qaeda, basé sur le volontarisme de petits groupes issus de l’extérieur.

    12. L’annonce qu’en février 2009, 8.000 soldats américains seront retirés d’Irak, devrait sans doute illustrer que la politique en Irak commence à porter ses fruits. Mais cette annonce n’advient sûrement pas de bon cœur car l’opération est planifiée après et non pendant de la présidence de Bush. Celui-ci considérerait un retrait comme une atteinte à son prestige. Malgré toutes les déclarations, l’Irak est en ruines. La puissance centrale est particulièrement affaiblie, les régions disposent chacune d’au minimum une armée et, sans les USA, le pays tomberait sans doute en pièces et déstabiliserait à son tour la région entière. Au sein de l’establishment, des voix s’élèvent pour laisser tomber l’aventure irakienne au plus vite, pour chercher une issue à tout prix et se concentrer sur un seul conflit. Pour le candidat présidentiel Obama, cela doit être l’Afghanistan, une opération visant en bref à limiter les dégâts. McCain, le candidat républicain, vit encore dans l’illusion qu’il pourra remporter des victoires dans les deux guerres en même temps.

    13. Indépendamment de quel candidat présidentiel l’emporte, les conditions objectives mettront inévitablement des conflits militaires à l’agenda. L’effet de dissuasion des USA est ébranlé, sa domination militaire sera de plus en plus contestée. Il sera toujours plus difficile de se présenter comme le policier du monde, au contraire, l’opposition croîtra de jour en jour, y compris au sein des USA. Les conflits militaires se feront encore dans un premier temps par substitution, mais le danger de confrontations directes, également entre superpuissances, augmente tout de même. Avec d’abord la reconnaissance du Kosovo puis sa réaction face à l’invasion russe en Géorgie ainsi qu’à la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Russie, l’UE a montré sa difficulté à arriver à une position commune. Cela deviendra encore plus difficile avec la multiplication des conflits. La menace d’une guerre nucléaire à échelle régionale, bien qu’elle ne soit encore qu’une perspective lointaine, gonfle à vue d’œil. Les mouvements massifs dans le monde entier contre l’invasion de l’Irak en 2003 ont, d’autre part, fait apercevoir quelles réactions massives un tel scénario engendrerait.

    Les dirigeants ouvriers capitulent – la droite populiste avance

    14. La chute du stalinisme a conduit au désespoir idéologique parmi un tas de militants ouvriers et à la capitulation ouverte des dirigeants syndicaux et politiques du mouvement ouvrier face au marché « libre ». Cela a permis aux attaques systématiques de la bourgeoisie d’être réalisées sans réponse pendant tout une période. Cela explique pourquoi chaque débat politique, chaque prise de vue dans la presse était une attaque à sens unique contre les acquis des travailleurs et de leurs familles. Cela explique le phénomène de croissance électorale des formations d’extrême-droite ou de la droite populiste. L’emprise des dirigeants sur les appareils syndicaux explique pourquoi la confiance dans la lutte collective et la discussion démocratique a cédé la place à la recherche de dirigeants forts, de boucs-émissaires et de solutions illusoires passives. C’est pourquoi les campagnes antiraciste sous forme de manifestations pour la tolérance qui évitaient la problématique sociale afin de pas nuire à l’unité du mouvement n’ont eu aucun ou presque aucun effet.

    15. Le danger de l’extrême-droite n’a certainement pas disparu. L’élection de Gianni Alemanno, dirigeant de l’Alleanza Nazionale (AN) et ancien dirigeant de l’organisation de jeunesse du parti néofasciste Movimento Sociale Italiano (MSI), en avril de cette année-ci comme bourgmestre de Rome, est un des nombreux exemples qui nous le rappellent. Le rétablissement du FPÖ renouvelé et les victoires électorales du BNP en sont d’autres. Les succès électoraux de l’extrême-droite ces vingt dernières années n’ont jamais été une expression de soutien actif à un programme fasciste. Le fascisme n’était pas devant nous, et la société n’était pas non plus en train de se ‘fasciser’, quoi que cela puisse bien vouloir dire. C’était bien l’expression de la perte d’autorité des instruments politiques bourgeois classiques comme la conséquence de l’embourgeoisification totale des anciens ‘partis ouvriers bourgeois’, le nom que Lénine donnait à la social-démocratie.

    16. La base du succès de l’extrême-droite était le populisme. La crise économique et l’appauvrissement qui l’accompagne élargiront encore cette base. Le racisme et le nationalisme seront utilisés davantage encore par les populistes d’extrême-droite et de droite. Malgré cela, la situation n’est plus identique aux années ‘90. L’extrême-droite connaissait alors également des succès électoraux. Pensons au FN en France et, dans une nettement moindre mesure, en Belgique, aux Republikaner et au DVU en Allemagne, au MSI en Italie et puis à l’Alleanza Nazionale et la Lega Nord, au parti de Blocher en Suisse, au FPÖ en Autriche, au Parti populaire danois, au Parti du Progrès Norvégien, à la Liste Pim Fortuyn aux Pays-Bas et, bien-sûr, au Vlaams Blok, devenu Vlaams Belang. Aujourd’hui, tout cela n’a pas disparu, mais il y a depuis lors face à eux aussi une gauche beaucoup plus développée dans certains pays.

    17. Au début des années ‘90, il y a eu la formation du PRC en Italie et de l’IU en Espagne, puis du Bloc de Gauche au Portugal. Le SP néerlandais était déjà en train de progresser et, au Danemark, l’Alliance Rouge-Verte initiait son redressement. En France, LO puis la LCR ont connu également leurs premiers succès tandis qu’en Ecosse, le SSP réalisait une percée. Mais l’ordre du jour d’alors, même en Italie, était dominé par la percée électorale de la droite populiste et de l’extrême-droite. Aujourd’hui, surtout en Allemagne, mais aussi aux Pays-Bas et en France, c’est avant tout les percées électorales de la gauche qui attirent l’attention. Cela est dû en partie à une certaine accoutumance en ce qui concerne les résultats de la droite populiste, mais cela reflète principalement une renaissance de la lutte des classes, un phénomène qui deviendra plus fort encore dans les années à venir.

    Les dirigeants ouvriers capitulent – les illusions augmentent

    18. La trahison des dirigeants ouvriers est la raison fondamentale qui explique pourquoi la bourgeoisie a réussi son processus de mondialisation dans une telle mesure. Il s’agit principalement d’un régime politique fait de libéralisations, de privatisations et de flexibilité pour rayer les limitations pour les mouvements de capitaux. Le monde a été changé en un gigantesque casino. Les progrès scientifiques et techniques, internet entre autres, ont sans nul doute contribué à ce processus de globalisation. Les progrès techniques et scientifiques exigent une division internationale du travail sans cesse plus forte. Pendant l’époque de globalisation, cela s’est concrétisé par la formation de blocs commerciaux et même par la création d’une monnaie européenne, ce que nous avons longtemps jugé impossible sur base capitaliste.

    19. Il n’y a aucun doute que la chute du stalinisme a constitué une défaite pour le mouvement ouvrier et une occasion pour la bourgeoisie de pouvoir augmenter le taux d’exploitation. Pourtant, nous étions en désaccord avec ceux qui voulaient faire pencher la balance trop loin dans l’autre sens. Cela n’a certainement pas été la fin de l’histoire comme Fukuyama, un philosophe américain qui a eu son heure de gloire, le prétendait. Cela n’a pas davantage été un revers comparable à ceux encouru avant et pendant la seconde guerre mondiale. Cette position a conduit à une polémique avec le PTB stalinien (15). A cette défaite n’a pas non plus succédé une période de croissance comparable à celle des années dorées ’50 – ’73, comme certains l’ont prétendu. Dans la période ’60 – ’73, la croissance annuelle de la productivité en Europe était de plus de 5%, de plus de 6% au Japon et d’un peu plus de 2,5% aux USA (16). Entre 1995 et 2007, elle n’a été que de 1,4% dans la « vieille Europe » (des 15), de 1,8% au Japon et de 2,1% aux Etats-Unis (17). Ce ralentissement de la croissance de la productivité a été principalement à l’origine de la diminution des investissements. Dans la période ’73 – 90′, ils ont en Europe et au Japon chuté d’un tiers par rapport au niveau de ‘60-‘73. (18)

    20. La chute du stalinisme a offert à la bourgeoisie la chance de transférer, au moyen de cadeaux fiscaux et de privatisations mais aussi par le biais de l’augmentation du taux d’exploitation, les ressources collectives vers les entreprises, ce qui avait déjà été utilisé lors du début de la politique néolibérale en 1980. Ainsi, la part des salaires dans la composition du PIB a été fortement rabotée : de 69,9% en 1975 jusqu’à 57,8% en 2006 dans la zone euro (19) et beaucoup plus fortement dans les nouveaux États membres. Aux USA, c’est moins spectaculaire mais c’est tout de même une diminution de 65,9% en 1970 à 60,9% en 2005. Au Japon, de 76% en 1975 à 60% en 2006.

    21. Alors que les salaires réels en « unités efficientes » (20) – ce qui signifie le salaire par unité produite – dans la période ‘60 – ’80 ont encore augmenté dans les plupart des pays européens, ils ont diminués partout dans la période ’81 – ’06. Là où ils avaient déjà diminué dans la première période, ils ont diminué encore plus rapidement dans la seconde période. Pourtant, la partie des forces de travail hautement qualifiées, dont on s’attendrait à ce que les salaires soient plus élevés, a partout augmenté. En outre, dans tous pays capitalistes développés, la part des salaires des travailleurs peu qualifiés dans la part totale des salaires du PIB n’a cessé de diminuer et ce dès 1980. La part des salaires des travailleurs hautement qualifiés a augmenté partout. Le groupe situé entre les deux dans la zone euro et au Japon représente à chaque fois presque 60% de la part des salaires dans le PIB. Aux Etats-Unis, la part de ce groupe a diminué jusqu’à atteindre seulement 48% pendant que les travailleurs hautement qualifiés ont empoché une grande partie de la somme totale des salaires. Ceci explique pourquoi la part du salaire dans le PIB aux Etats Unis a diminué beaucoup moins qu’au Japon et dans la zone euro. (21)

    Estimer les développements dans leurs relations exactes – la globalisation et l’Etat national

    22. C’est toujours un exercice d’équilibre que d’estimer les nouveaux développements dans de justes proportions, de reconnaitre à temps une tendance et l’importance de celle-ci, sans se laisser endormir par un phénomène conjoncturel que l’on surestime systématiquement. Marx a un jour affirmé que l’esclavage a libéré l’homme. Cela ne fait pas de lui un défenseur de l’esclavage, et certainement pas au cours du 19e siècle, à ce moment-là l’esclavage avait déjà cessé de « libérer l’homme ». Avec cette déclaration, il voulait juste mettre en lumière le rôle historique de l’esclavage dans le développement de l’homme au niveau du savoir. Marx et Engels ont accordé – de manière très critique – leur « soutien » à Bismarck (22), mais uniquement pour l’unification de l’Allemagne. Ils ont été aussi en désaccord avec Lasalle (23) qui pensait dans son enthousiasme pouvoir obtenir le suffrage universel avec des négociations avec Bismarck et son gouvernement.

    23. Lénine a reconnu la domination du capital financier à l’époque du précédent changement de siècle et a décrit l’impérialisme comme le stade ultime du capitalisme. Il a aussi entretenu une forte polémique contre Kautsky (24) qui a cru que les Etats nationaux allaient être naturellement dépassés en donnant naissance à un hyper impérialisme. Nous avons reconnu le processus de globalisation, mais avons été totalement en désaccord avec ceux qui ont prétendu que les Etats nationaux étaient devenus étrangers à cette question ou avaient au moins perdu tellement qu’on ne pouvait rien faire au niveau des Etats pris individuellement, mais uniquement dans le cadre de grands blocs commerciaux. Les politiciens bourgeois ont abusé de cette opinion erronée pour faire porter la responsabilité de leur politique de casse sociale néolibérale à de « plus hautes instances ».

    24. Cette idée a toutefois atteint ses limites en mai et juin 2005 en France puis aux Pays-Bas quand une large majorité de la population s’est prononcée contre la proposition de Constitution Européenne. La bourgeoisie est depuis devenue plus prudente pour utiliser l’Europe comme argument afin de faire accepter les mesures de démolition sociale. Cela n’a toutefois pas pu empêcher que la version simplifiée de la Constitution, le traité de Lisbonne, soit refusée le 12 juin 2008 par une majorité d’Irlandais, les seuls en Europe à avoir pu se prononcer par référendum. Dans la presse bourgeoise, on a expliqué la chose comme si 4 millions d’Irlandais avaient pris en otage 500 millions d’Européens. La prudence avec laquelle les politiciens européens ont parlé du référendum fait toutefois supposer qu’eux aussi se rendent compte que les Irlandais qui ont voté « non » ont exprimé l’avis des 500 millions d’européens qui n’ont pas pu se prononcer.

    25. Les politiciens bourgeois ne sont pas les seuls qui ont régulièrement fait appel au parapluie des blocs commerciaux. Au sein des syndicats européens, l’argument selon lequel on ne peut réaliser quelque chose que si cela arrive au niveau européen a été utilisé plusieurs fois pour arrêter la lutte et/ou avoir de faibles revendications. La confédération européenne des syndicats organise chaque année une manifestation, la dernière datant du 5 avril 2008 à Ljubljana, pour plus de salaire, plus de pouvoir d’achat et plus d’égalité. Cette même CES a toutefois appelé en 2004, là où la population pouvait se prononcer par référendum, à voter oui pour le projet néolibéral de la Constitution européenne, «ce serait un tremplin pour une Europe plus sociale». Depuis lors, la CES est elle aussi devenue plus prudente, mais aucun appel n’est venu contre le traité de Lisbonne, au contraire. Les conseils d’entreprises européens, là où ils existent, sont le plus souvent un prolongement du management européen. Dans le meilleur des cas, on décide de partager les effets des restructurations entre différentes implantations (comme avec la déclaration de solidarité européenne pour General Motors en décembre 2005), dans le plus mauvais, on passe la patate chaude aux fédérations d’autres pays (comme avec les attaques des syndicats de VW-Forest contre IG-Metall en 2006 (25)). 26. Avec des dirigeants politiques et syndicaux pareils, la lutte est devenue une entreprise risquée à l’époque actuelle de globalisation, surtout dans les filiales et/ou sociétés dépendantes de multinationales. De plus, les intellectuels de gauche ont affirmé, peut être sincèrement mais en le surestimant, le dogme selon lequel l’Etat individuel était devenu hors de propos, que des revendications telles que la «nationalisation sous contrôle d’ouvrier» ou «l’ouverture des livres de compte» étaient devenues futiles et qu’il fallait les troquer contre «la reconversion» et/ou le contrôle par la création d’une Europe «sociale». En général, cette perspective sans issue a conduit la gauche, y compris la gauche radicale, à la capitulation en matière de programme.

    27. Pas seulement la gauche, mais aussi les nationalistes bourgeois se sont laissé entraîner par la perspective d’un capitalisme sans cesse globalisant. Ceci s’est exprimé par l’illusion entretenue dans l’évaporation des Etats nationaux et leur remplacement par une imaginaire Europe des régions. Nous avons au contraire défendu que le processus de globalisation se heurterait inévitablement à un certain moment à ses limites. En d’autres termes, nous avons dit que le processus objectif du besoin croissant d’une division internationale du travail entrerait en conflit avec les entraves archaïques du capitalisme, à savoir l’existence de l’Etat national et de la propriété privée des moyens de production, et que le capitalisme serait incapable de les surpasser à moyen ou long terme. Cela ne signifie pas que le processus entier se dirige dans la direction contraire, mais bien que la tendance vers la globalisation va laisser place à un protectionnisme grandissant et à la décomposition des alliances existantes. L’échec des négociations de Doha de l’Organisation Mondiale du Commerce et la réunion de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni afin de former une réponse commune à la crise financière tout en excluant les autres Etats-membres européens en sont des illustrations.

    Idéologie, contenu et forme

    28. Nous avons précisé plus tôt que la chute du stalinisme est allée de paire avec la capitulation ouverte des dirigeants politiques et syndicaux du mouvement ouvrier envers le néo-libéralisme. C’est ce qui a assuré que les attaques de la bourgeoisie soient restées pendant un temps sans réponse. La bourgeoisie a proclamé la fin des idéologies, c’est-à-dire la pensée unique néolibérale. Désormais, il était sensé ne plus y avoir de capitaliste ou de travailleur, uniquement des citoyens pour lesquels Guy Verhofstadt a d’ailleurs écrit trois manifestes. Les médias ne venaient plus qu’avec un seul type d’histoire, une attaque à sens unique contre les acquis du mouvement ouvrier. Le contenu a peu à peu laissé place à la forme, à la présentation. La presse a fait ou défait des politiciens sans plus aucune formation idéologique, mais avec une attention aiguë pour la communication avec laquelle le contenu a été de plus en plus subordonné « à la perception » et les spin-doctors, les faiseurs d’opinion, sont devenus plus importants que le programme.

    29. Certains en ont déduit que la presse était devenue un quatrième pouvoir, à côté de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. D’autres voient dans les fonctionnaires et les lobbyistes respectivement les 5ème et 6ème pouvoirs. Nous ne nions bien entendu pas l’impact des mass media, ni l’influence conservatrice de la fonction ou des lobbys influents. Ils font partie de l’arsenal d’instruments dont dispose la bourgeoisie pour soutenir ses intérêts dans la lutte des classes. Ils reflètent indirectement les relations de force entre les classes et donc, bien entendu, également l’absence d’un instrument politique du mouvement ouvrier. Au fur et à mesure que la lutte des classes augmente, la recherche de réponses, le besoin de contenu et l’aspiration à des organes de presse propres aux travailleurs sera plus forte. La naissance des médias « indépendants » en a été dans un certain sens une première expression, bien qu’encore pénétrée d’illusions. Les médias bourgeois ne peuvent faire autrement que de refléter ce développement. La demande de clarification idéologique fera encore augmenter l’intérêt pour une presse révolutionnaire au contenu étayé.


    (1) Depuis, le chiffre de croissance de 2004, 5,2% dans notre texte de 2006, a été révisé vers 4,9%.

    (2) L’Australie, la Belgique, le Canada, Chypre, le Danemark, l’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, Hong-Kong, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, la Corée, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Autriche, le Portugal, Singapour, la Slovénie, l’Espagne, Taïwan, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Suède et la Suisse.

    (3) Tous les chiffres de croissance de World Economic outlook d’avril 2008, le produit réel brut : http://www.imf.org/external/datamapper/index.php

    (4) Par taux d’exploitation, les marxistes entendent le rapport entre la plus-value ou le travail non-rémunéré (les résultats de l’entreprise moins le capital fixe utilisé pendant la production pour louer les bâtiments, acheter les matières premières et l’amortissement des machines) et le capital variable ; les salaires bruts y compris les charges patronales et le travail rémunéré que produit le travailleur.

    (5) C’est-à-dire le montant de profit par montant de capital investi.

    (6) Le bonapartisme se réfère au régime de Napoléon Bonaparte Ier, après son coup d’Etat de novembre 1799. Ce sont des régimes basés sur la répression qui se maintiennent eux-mêmes en dressant les différentes couches de la population l’une contre l’autre.

    (7) En 1989, le PIB en parité de pouvoir d’achat Geary Khamis – standard de comparaison international basé sur le dollar américain de 1990 – en Russie était de 1.186 milliards $-GK (160 milliards $-GK en Belgique cette même année). En 1998, cela avait reculé à 661 milliards $-GK (pour 197 milliards $-GK en Belgique). En 2007, le PIB en Russie a obtenu de nouveau pour la première fois uhn résultat net supérieur à celui de 1989, 1208 milliards $-GK (242 milliards $-GK en Belgique). Voir : The Conference Board & Groningen Growth and Development Center – total economy database.

    (8) De Tijd, le 16 août 2008, Le talon d’Achille de la Russie forte;

    (9)Voir aussi paragraphe 16 dans ‘la montée de la lutte des classes menace les équilibres fragiles’

    (10) Tous les chiffres sur la fiscalité – De Tijd, vendredi 4 juillet et mardi 9 septembre 2008.

    (11) De Standaard, 19 janvier 2008, Reportage over Bulgaars wezen onthutst

    (12) Toutes les données: http://www.economist.com/countries/ Le revenu exprimé en termes de parité du pouvoir d’achat ou ‘purchasing power parity’ (PPP) ; Jusqu’il y a vingt ans, seuls les chiffres du revenu par rapport aux changes officiels. Le taux de change est largement déterminé par les prix des marchandises et des services échangés sur le marché mondial. La population dans les pays pauvres ne peut souvent même pas se permettre ces marchandises et ces services et consomment des biens et des services qui sont produits à bas coûts sur place. Selon les économistes bourgeois, les couts de la vie ici sont inférieurs à ceux des pays développés. En bref : le revenu exprimé face aux changes officiels surestime selon eux la richesse dans les pays riches et la sous-estime dans les pays pauvres. Afin de rectifier cette ‘injustice’, on se sert de nos jours de plus en plus des chiffres s’exprimant en termes de parité de pouvoir d’achat. Cette méthode alternative pour comparer le pouvoir d’achat de deux pays est inutile s’il s’agit d’une comparaison de l’influence sur le marché mondial. En termes de taux d’échange, le revenu annuel moyen au Viêt-Nam est de 823 $, en Indonésie 1.845 $, en Thaïlande 3.697 $, en Malaisie 6.872 $, en Inde 1.030 $, en Chine 2.453 $ et aux USA 45.963 dollars. En Azerbaïdjan, ce taux s’élève à 3.407 dollars.

    (13) De Tijd, le 10 mai 2008, Nous ne sommes pas des bouilleurs de dispute. Nous stabilisons le système financier.

    (14) Pour un sommaire du développement des prix du pétrole: http://en.wikipedia.org/wiki/Oil_price

    (15) Voir http://www.lsp-mas.be/marxisme/indypvda.html – paragraphe 4

    (16) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, fig. 1.7 p.14

    (17) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre, Total Economy Database, summary statistics www.ggdc.net

    (18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed – p. 13

    (19) European Commission, Employment in Europe report, 2007, chapter 5 p 240

    (20) Lors du calcul des salaires réels, contrairement aux salaires nominaux, il est tenu compte de la perte d’argent due à l’inflation. En « les unités efficientes», cela signifie qu’il a été tenu compte de la productivité, c’est-à-dire de la valeur (d’échange) produite par travailleur par heure. Il s’agit simplement du salaire réel par unité de production.

    (21) En Belgique, aux Pays-Bas et en France, le salaire réel par unité de production dans la période ‘60 – ‘80 a augmenté annuellement respectivement de 0,11%, de 0,82% et de 0,39%. Dans la période ‘81 – ‘06 il a toutefois diminué annuellement de respectivement -0,40%, -1,39% et -0,66%. Aux Etats-Unis et au Japon, les salaires réels par unité de production ont diminué de -0,38% et -0,04% dans la première période et de -0,51% et -0,47% dans la seconde. Voir le même document qu’à la note de bas de page 18, p. 244 – 246.

    (22) En référence à Otto von Bismarck qui, en 18971, après la guerre franco-allemande, a unifié les Etats allemands dans l’empire allemand. Comme chancelier, il a pris l’initiative de la loi anti-socialiste qui interdisait les réunions et les publications du Parti Socialiste Ouvrier (SAP).

    (23) Ferdinant Lasalle était le fondateur du Allgemeiner Deutscher Arbeitervereim – ADAV – en 1863 qui a fusionné lors du Congrès de Goth avec les Eisenachers, les partisans de Marx. Dans Critique sur le programme de Gotha, Marx se prononce fortement contre cette fusion sans principe.

    (24) Karl Kautsky, ancien secrétaire d’Engels, utilisait le marxisme comme un dogme. Il a reproché à Lénine, Trotsky et aux Bolchevicks d’avoir appliqué une révolution dans un pays qui n’était pas encore assez mûr. Il a défendu en 1914 la politique du SPD quand ce dernier a voté les crédits de guerre au Reichstag. Il a été à la base de la création du USPD (le SPD indépendant), mais a rejoint ensuite à nouveau le SPD quand la base du USPD a décidé contre sa direction de rejoindre l’Internationale Communiste. Il a été répondu tant par Lénine dans Le renégat Kautsky, que par Trotsky dans Terrorisme et communisme et par Rosa Luxembourg dans La révolution russe.

    (25) En décembre 2005, les responsables syndicaux de GM Anvers, Bochum, St-Ellesmereport, Gliwice, Trolhättan, les soi-disant usines-delta où l’astra a été construite, ont fait une déclaration de solidarité européenne. « Nous ne nous laissons pas monter les uns contre les autres par le président d’Opel. Nous n’accepterons pas les fermetures d’usine ou une distribution inégale de la production entre les sites. Qui menace une usine obtiendra une réponse commune de tous les pays… » Le programme de restructuration entre-temps négocié a été le plus lourd depuis la seconde guerre mondiale. « Nous n’accepterons pas de diminution future d’emploi ou de fermetures d’usines où que ce soit en Europe », selon leur déclaration de presse.

  • 2008 – Une année historique

    De nouvelles opportunités s’ouvrent pour la lutte socialiste et la construction du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière désire exprimer ses meilleurs vœux de Nouvel An aux membres de ses sections et groupes dans le monde entier, ainsi qu’à ses sympathisants et à ses lecteurs. L’année 2008 fut une année extraordinaire, aussi mémorable – bien que d’une manière différente – que 1968, ‘l’année des révolutions’, dont nous avons commémoré le quarantième anniversaire au cours des douze derniers mois, de même que le quatre-vingt-dixième anniversaire de la révolution allemande.

    socialistworld.net

    On se souviendra de cette année comme étant celle qui a marqué pour les marxistes de la plupart des pays la fin du marasme politique. Avec l’effondrement des économies planifiées, abruties par une bureaucratie étouffante, en URSS et en Europe de l’Est il y a deux décennies et le triomphe apparent du capitalisme, les travailleurs du monde entier se virent dire qu’il n’y avait aucune alternative à ce système. La plupart des dirigeants des syndicats et des partis colportèrent le mensonge que la coopération avec les patrons était la seule voie à suivre, plutôt que la lutte contre eux.

    Malgré les avertissements des marxistes, dont les idées étaient perçues comme ‘dépassées’, le capitalisme semblait promettre une croissance sans fin. Cette croissance était basée sur des niveaux jamais vus de dettes personnelles et publiques, accompagnées d’un côté par la guerre, la guerre civile et une pauvreté de masse, de l’autre par une richesse obscène et la corruption. Le fossé entre riches et pauvres, à la fois au niveau national et international, doit avoir largement surpassé le fossé déjà effarant qui avait été décrit par Marx et Engels, il y a 150 ans. La dégradation et la destruction du système écologique planétaire, perpétrée par les deux mastodontes du capitalisme et du stalinisme, approche d’un point de non-retour.

    Maintenant, avec la cohue suscitée par l’effondrement tragique des principales institutions financières et des marchés immobiliers, suivie d’un repli de l’économie réelle, on entend de plus en plus l’acceptation de la part des analystes capitalistes que Marx avait raison, et on remarque un regain d’intérêt pour ses idées. Les ouvrages socialistes regagnent en popularité, au fur et à mesure que les banquiers et les politiciens capitalistes s’attirent le courroux des travailleurs et des jeunes.

    Des socialistes authentiques

    Si les nationalisations et le keynésianisme reviennent à la mode, en tant que seule manière de ‘sauver’ le capitalisme, alors la tâche des socialistes et des communistes tels que ceux qui sont membres du CIO est d’élaborer des revendications en faveur de mesures socialistes authentiques. Les groupes et sections du CIO ont milité énergétiquement en faveur de nationalisation qui soient effectuées entièrement dans l’intérêt des travailleurs : non aux secrets d’affaires, non aux licenciements, non aux coupes salariales, pour le partage du travail et la mise en place d’un système de comités élus de représentants ouvriers aux niveaux locaux et nationaux, afin de contrôler de gérer l’économie et la société.

    Alors que des centaines de milliers de travailleurs de l’automobile sont licenciés et que des millions de gens doivent faire face aux deux fléaux que sont le chômage et la perte de son foyer, c’est le combat contre le système lui-même qui doit être mis à l’ordre du jour. Les membres du CIO partout dans le monde sont impliqués dans des campagnes afin de construire de véritables partis ouvriers massifs de lutte. Le CIO lui-même a fait la preuve qu’il était un outil précieux afin de tirer les expériences des nouveaux partis que nous avons vu se développer en Europe et en Amérique latine, ce qui a été illustré par des discussions animées, rapportées sur notre site socialistworld.net, lors de la réunion du Comité Exécutif International du CIO en novembre 2008.

    Jusqu’à la fin de cette année, les membres du CIO se sont investis dans les événements tumultueux en Grèce et en France, où les jeunes des écoles et des universités représentent les prémices de la lutte de masse à venir. En Italie aussi, la colère des travailleurs face aux perspectives pour 2009 approche de l’ébullition. Des explosions de lutte des classes sont inévitables. Leur timing, étendue et devenir ne sont pas prévisibles, mais ceux parmi nous qui visent à donner le maximum de leur temps et de leur effort au développement de ces luttes doivent s’y préparer !

    Une courte période de repos est bienvenue pendant les congés du Nouvel An, là où c’est possible. Mais comme l’ont démontré de récents articles parus sur notre site international, dans certains pays – tels que le Pakistan, le Kazakhstan, l’Inde, le Sri Lanka ou encore le Nigeria – il n’y a aucune trêve dans les batailles politiques et économiques quotidiennes.

    Au fur et à mesure que s’intensifie la lutte des classes, de plus en plus d’énergie et de dévouement sera requis et de plus en plus de forces seront recrutées à la cause de la révolution socialiste. Les journaux et sites du CIO, qui commencent déjà à gagner en popularité au fur et à mesure que la récession se fait amère, exigent des ressources humaines et financières qui doivent être trouvées (des dons de Nouvel An peuvent être envoyés au CIO via notre site web international).

    Espoirs et attentes

    Les événements dramatiques qui se sont passés lors des élections américaines ont aussi marqué un point tournant. La victoire d’Obama a suscité des espoirs et des attentes chez des millions d’Américains ainsi que chez de nombreuses personnes parmi les laissés-pour-compte et les exploités du monde entier. Les travailleurs espèrent que la nouvelle administration apportera un changement – vis-à-vis de l’Iraq, de Cuba ou même du Moyen-Orient. Mais il est clair que le nouveau cabinet Obama ne représente pas une rupture par rapport au règne du big business. La guerre en Afghanistan va se poursuivre et malheureusement, sous le capitalisme, toutes les réformes et les mesures de « protection » qu’Obama pourra mettre en œuvre ne garantiront pas un avenir sûr pour la classe salariée américaine, qui reste potentiellement la plus puissante du monde, et encore moins pour les masses du monde entier en général. La population laborieuse de Chine découvre aussi, à prix fort, que le capitalisme n’est pas la solution, au vu du ralentissement de leur économie que rien pourtant ne semblait pouvoir entraver.

    Des explosions immenses sont imminentes dans le monde entier ; des vagues révolutionnaires peuvent se développer rapidement dans toute une série de pays. La tâche de membres du CIO est de comprendre, expliquer, organiser et agir en conjonction avec les désirs et besoins de la classe salariée et des pauvres. Rien n’est automatique. Mais, après les vingt dernières rudes années, l’heure est venue pour les idées du socialisme de prendre chair, et pour construire de nouveaux mouvements et partis de lutte de masse.

    Le moral des sections et groupes du CIO, de même qu’au centre du CIO à Londres, révèle une confiance et un enthousiasme accrus. Nos idées et nos méthodes sont correctes. Nos nombres vont se multiplier à la chaleur des événements. Nous remercions tous ceux qui nous ont apporté leur aide – petite ou grande – au cours des dernières années, et attendons avec impatience les défis de 2009. Nous appelons bien entendu tous nos lecteurs à nous rejoindre dans la lutte pour un monde socialiste.

    En raison des congés, l’activité sur nos sites va être quelque peu réduite. Elle reprendra dès début 2009, notamment avec une analyse de Peter Taaffe (Secrétaire Général du Socialist Party (CIO- Angleterre et Pays de Galles) quant aux événements de l’année passée et aux perspectives pour le mouvement ouvrier en 2009.

  • [video] Interview de Weizman (Afrique du Sud)

    A la réunion du Comité Exécutif Internationale du Comité pour une Internationale Ouvrière, nous avons fait une interview de Weizman, de notre organisation en Afrique du Sud Democratic Socialist Movement. Nous avons avec lui abordé la situation dans ce pays et entre autres la scission survenue dans l’ANC.

  • Violence physique contre des piquets de grève

    Samedi 8 novembre, j’ai pris part à un piquet de grève devant le Carrefour de Sint-Pieters-Leeuw en tant que militant de la CGSP-enseignement. Le piquet était composé de militants de l’implantation elle-même et d’autres sièges, ainsi que de quelques militants extérieurs qui venaient témoigner de leur solidarité. Avant cette action, les travailleurs de Carrefour avaient reçu des appels téléphoniques menaçants qui les sommaient de venir travailler s’ils ne voulaient pas mettre en péril leur avenir chez Carrefour. C’est surtout auprès des travailleurs temporaires que cela avait eu de l’effet ; la solidarité syndicale était donc la bienvenue pour s’opposer à cette espèce de guerre psychologique menée par la direction.

    Par Tim, militant de la CGSP-Enseignement

    Mais malgré les coups de fil de menace de la direction, seuls 12 membres du personnel (sur 112) se sont présentés pour travailler. L’ouverture du magasin était surtout symbolique : la direction voulait montrer qu’elle était prête à recourir, si besoin était, à la violence pour casser la grève.

    Vers 8h, un huissier a essayé de communiquer une décision judiciaire aux syndicalistes. Ses tentatives ont été accueillies par des sifflements et le chant de L’Internationale ; l’huissier décida alors de tenter une autre approche. Le directeur du magasin et l’huissier se sont dirigés droit vers le piquet. Le directeur surtout s’est mis à pousser, frapper et donner des coups de pieds pour se frayer un passage ou, au moins, provoquer une échauffourée. Les travailleurs en grève sont restés disciplinés, n’ont pas réagi à ces provocations mais sont restés là où ils étaient.

    L’huissier a ensuite appelé le commissaire et donné l’ordre de m’arrêter immédiatement, ainsi qu’un autre militant. Deux policiers enthousiastes se sont précipités sur nous et nous ont brutalement éloignés du piquet, en nous traînant par terre. Malgré le fait que nous n’avions utilisé aucune violence physique ou verbale, un des agents s’est amusé à me tordre le bras le plus fort possible, jusqu’à ce que je ressente la douleur dans tout mon corps. Ils nous ont poussés dans un combi de police et emmenés vers le bureau de police local.

    Nous sommes restés en cellule pendant quatre heures et, à aucun moment, il ne nous a été dit pourquoi, précisément, nous avions été arrêtés.

    Par après, nous avons été reconduits au parking du Carrefour où l’huissier de justice a pris nos identités et nous a signifié une interdiction d’encore participer à des actions envers Carrefour, sous peine d’amendes de 1000 euros par violation.

  • Défendons notre droit de grève!

    Ces derniers mois, le droit de grève a été fortement remis en cause dans notre pays. Plusieurs actions chez Carrefour ont eu à faire face aux menaces d’huissiers et même à la violence physique de policiers, le tout destiné à briser les piquets. Dans d’autres conflits aussi, le droit de grève a été attaqué. Et les libéraux flamands ont déposé une proposition de loi pour miner le droit de grève dans le secteur public (via un service minimal dans les aéroports, à la SNCB ou dans les prisons). Bientôt, on ne pourra plus faire grève que si personne ne le remarque…

    Par Geert Cool

    D’où vient le droit de grève?

    C’est par la lutte que le droit de grève a été arraché. Lors des débuts du capitalisme industriel, tout a été fait pour interdire l’organisation des travailleurs. La bourgeoisie arrivant au pouvoir considérait la liberté d’entreprise comme centrale et refusait aux travailleurs le droit de s’organiser.

    Ainsi, en France, la loi Le Chapelier de 1791 affirmait que tout regroupement de travailleurs était interdit parce que cela s’opposait « au libre exercice de l’industrie et du travail ». C’est exactement le raisonnement qui est repris aujourd’hui par la direction de Carrefour lorsqu’elle demande une interdiction pour « des actes qui empêchent l’employeur de se servir de l’entrée de l’entreprise (qui) sont des faits établis qui portent atteinte au droit de la liberté d’entreprise ».

    La loi Le Chapelier de 1791 est allée de pair avec le décret D’Allarde la même année (l’ensemble fut introduit chez nous par les Français en 1795) qui définissait la liberté d’entreprise. La direction de Carrefour s’est basée sur le décret D’Allarde pour imposer les astreintes contre les grévistes. En d’autres termes, nous ne remontons pas au 19e siècle, mais bien au 18e !

    Un siècle plus tard, la loi Le Chapelier a été reformulée pour devenir l’article 310 du code pénal, qui interdisait les attroupements devant une entreprise. Cet article a été supprimé en 1921 sous la pression du mouvement ouvrier qui luttait depuis des années des actions pour exiger le suffrage universel et le droit de s’organiser librement. Les mouvements à la fin de la Première Guerre mondiale ont connu leur apogée avec la Révolution russe de 1917 et avec la révolution manquée en Allemagne en 1918. La bourgeoisie a ressenti une grande frayeur devant la force du mouvement ouvrier organisé et a dû faire des concessions.

    Arraché par la lutte des travailleurs, le droit de grève a été reconnu plusieurs fois juridiquement, notamment dans la Charte sociale européenne. Les piquets de grève et les barrages routiers font partie de ce droit de grève et du droit de s’organiser, ce qui a été confirmé en Belgique par différents tribunaux (entre autres par la Cour de Cassation en 1997 et par la Cour d’Appel à Anvers en 2004).

    Le Comité européen des Droits sociaux a rendu il y a quelques années un jugement dans un rapport sur la Belgique dans lequel il est stipulé que les piquets de grève pacifiques font partie du droit garanti à l’action collective. Les astreintes contre les piquets de grève sont donc inacceptables. La Cour européenne de Justice, qui n’est pas connue pour ses sympathies socialistes, a déclaré que la liberté de manifester (ce qui comprend les barrages routiers) ne peut être limitée qu’exceptionnellement (Schmidberger, arrêté du 02.08.2003).

    Une réponse à l’argumentation juridique

    Lors de différentes actions du personnel de Carrefour et de leurs sympathisants, des requêtes unilatérales ont été signifiées aux militants. Une intervention judiciaire générale préventive a été réclamée (et obtenue), ce qui a été contesté notamment par le professeur Gilbert Demez de l’UCL, qui parle d’un dépassement du cadre du pouvoir judiciaire.

    Nous avons examiné la base de telles requêtes unilatérales et avons trouvé trois arguments défendant son contenu : le droit de propriété, la liberté d’entreprendre et le droit au travail.

    Le droit des travailleurs à s’organiser sur le lieu de travail est attaqué car il irait à l’encontre du « droit de propriété » du patron. Pourtant, les piquets de grève ne revendiquent pas encore la propriété de l’entreprise ! Non, les piquets de grève doivent partir pour laisser entrer les non-grévistes – qui sont souvent des intérimaires qui ne sont pas certains de pouvoir continuer à travailler ensuite dans l’entreprise, surtout s’ils ont fait grève. Apparemment, le patronat considère que la main d’œuvre intérimaire est également sa propriété.

    Le deuxième argument de Carrefour est le droit au travail et au salaire des employés qui ne font pas grève. La direction se base pour cela sur l’article 23 de la Constitution dans lequel on peut lire que chacun a le droit de mener « une vie décente » et a pour cela le droit « au travail et au libre choix du travail professionnel dans le cadre d’une politique générale d’emploi qui vise, entre autres, à garantir un niveau d’emploi aussi haut et stable possible, le droit à des conditions de travail et de salaire raisonnables, aussi bien que le droit d’information, de concertation et de négociations collectives ».

    Les négociations collectives ainsi que le droit à des emplois décents avec de bonnes conditions de salaire se trouvent donc bien dans la Constitution. Ce n’est pas un hasard si les libéraux veulent changer cet article de la Constitution en faveur du principe de la « liberté d’entreprendre. Mais différents juges n’ont pas eu besoin d’une modification de la Constitution pour suivre la direction de Carrefour dans son application de la « liberté d’entreprendre ».

    En résumé, la base juridique est donc formée par un principe général datant de 1791 et une interprétation fortement unilatérale de l’article 23 de la Constitution.

    Les avocats de Carrefour ont demandé (et obtenu) une décision judiciaire dans laquelle « la mission du pouvoir public » est précisée. Celle-ci explique qu’ « il est donc utile de préciser sa mission (celle du pouvoir public) et de lui ordonner de donner suite aux ordres que l’huissier de Justice lui donne, si nécessaire en utilisant la contrainte physique pour assurer l’entrée pacifique des bâtiments ». C’est donc en fin de compte le patronat qui décide des missions de la police.

    Comment défendre le droit de grève ?

    Les arguments juridiques en défense du droit de grève ont été arrachés par les luttes des travailleurs. Pourtant, la base juridique pour les patrons briseurs de grève a beau être limitée, ce sont ceux-ci qui obtiennent le plus souvent raison auprès des juges. Il y a heureusement des exceptions, comme ce juge malinois qui a expliqué que le droit de grève est un droit fondamental. Mais la plupart des juges appuient le patronat et lui donnent les moyens de pouvoir recourir aux huissiers et à la police, un peu à la manière d’une milice privée.

    L’utilisation des astreintes lors des grèves déjà conduit à des protestations à plusieurs reprises. En 2002, une pétition syndicale a obtenu 80.000 signatures et patrons et syndicats ont fini par conclure un « gentlemen’s agreement », c’est-à-dire une convention non contraignante. Le patronat y promettait d’éviter de recourir aux interventions judiciaires lors de grèves. De cet accord, il ne reste plus rien.

    Pour la défense du droit de grève, nous ne pouvons pas compter sur la justice, le patronat ou les politiciens traditionnels. Chaque pas légal fait en défense du droit de grève doit être évidemment soutenu mais nous allons surtout devoir construire un rapport de forces au moyen pour empêcher, dans la pratique, les patrons de recourir à des requêtes unilatérales. C’est de cette manière que le droit de grève a été obtenu et c’est comme cela qu’il va devoir être défendu.

    Il est évidemment important de convaincre tous les travailleurs de l’entreprise de participer à la grève : s’il n’y a plus de non-grévistes, les huissiers devront se mettre eux-mêmes aux caisses de Carrefour ! Mais, à côté de cela, la force du nombre est importante : notifier une contrainte à 50 ou 100 personnes est encore faisable pour un huissier. Mais que faire s’il y a 1.000 militants ou plus au piquet ? Après les précédents des dernières semaines, d’autres attaques viendront. Pour conserver notre droit de mener des actions collectives, nous devons réagir sans faiblir.

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