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  • DOSSIER: Enseignement – Trente années de désinvestissement

    Aujourd’hui, c’est la crise: les pertes d’emplois augmentent tous les jours, autant que les attaques contre les salaires de ceux qui travaillent encore. Les années ayant précédé la crise ont l’air d’une époque dorée, mais la situation de villes comme Bruxelles, Anvers et Gand éclaire crûment ces «années dorées». Visiblement, le paiement de la dette dans les années ’80 et ’90 n’a pu être réalisé que combiné à une incroyable négligence de l’infrastructure publique.

    Par Anja Deschoemacker

    Pénuries et divisions

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    Déficits en chiffres

    Bruxelles : du fait du développement démographique à Bruxelles, dans cinq ans, il manquera 15.000 places, 12.000 dans l’enseignement francophone et 3.000 dans l’enseignement néerlandophone. Entre 2008 et 2020, le nombre de jeunes entre 0 et 14 ans à Bruxelles va augmenter d’à peu près 50.000.

    Anvers : un quart des familles ne peuvent pas envoyer leurs enfants dans l’école de leur choix, les écoles ont déjà dû refuser 2.585 enfants. Au cours des deux prochaines décennies, la population des plus jeunes passera de 30.000 à 70.000.

    Gand : la moitié des 113 écoles gantoises sont déjà totalement remplies pour la première année maternelle (45% n’ont plus de places, seules 12% disposent encore de plus de 5 places pour les enfants qui débutent la maternelle).

    PPP: Profits privés et coûts publics

    Dans l’enseignement francophone et néerlandophone, des Partenariats Publics Privés ont été signés pour emprunter 1 milliard d’euros dans les deux cas à destination de l’infrastructure scolaire. Puisque le gouvernement n’a pas suffisamment de moyens, il emprunte au privé qui devient alors responsable du projet, de la construction, du financement et de l’entretien pour une période de 30 ans. Du côté francophone, le milliard emprunté devra à terme être remboursé 2,5 milliards…

    Ce principe n’est pas limité à l’enseignement (urbanisme, facilités sportives, bâtiments administratifs,…). A Bruxelles, un récent exemple a fait la une de la presse, celui de la station d’épuration d’Aquiris. En décembre, l’épuration gérée par la multinationale Veolia a foiré et pendant plus de deux semaines les eaux usées de plus d’un million de Bruxellois ont abouti dans un cours d’eau. Pour cette gestion, le gouvernement bruxellois devra payer 1,2 milliard d’euros en 20 ans pour une station qui aura coûté 360 millions d’euros…
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    Voilà la trame de fond sur laquelle se base la discussion sur le manque de places dans les écoles de plusieurs grandes villes, comme c’est surtout le cas à Bruxelles, Anvers et Gand.

    Aujourd’hui, des milliers de familles connaissent l’incertitude de ne pas savoir si leurs enfants trouveront une place. Pour beaucoup, la solution est de perdre une demi-heure à une heure de plus pour aller déposer ses enfants, et la même chose en fin de journée. Il n’est donc pas étonnant que toutes sortes de mécanismes de division commencent à jouer.

    A Bruxelles, ce sont des tensions communautaires qu’entraîne cette situation, des parents bruxellois néerlandophones déclarent à la presse se sentir poussés hors de Bruxelles. Les politiciens responsables de l’enseignement flamand à Bruxelles et le ministre de l’Enseignement flamand parlent en guise de «solution» d’augmenter dans les écoles néerlandophones le nombre de places prioritaires pour les enfants néerlandophones. Ce n’est aucunement leur problème si la moitié des élèves de Bruxelles n’ont comme langue maternelle ni le néerlandais, ni le français. Le FDF, de son côté, fulmine contre le fait que, selon le nouveau décret de la Ministre de l’Enseignement francophone Simonet, les jeunes de la périphérie ne feraient pas partie des groupes prioritaires pour l’enseignement secondaire francophone à Bruxelles.

    A Anvers et à Gand, le Vlaams Belang et la Lijst Dedecker dénoncent que «notre propre peuple passe en dernier», mais ce ne sont pas les seuls. Le manque de places dans plusieurs écoles serait dû à la priorité accordée aux élèves de milieux défavorisés (avec donc une surreprésentation d’élèves issus des communautés immigrées). L’échevin de l’enseignement à Gand, Rudy Coddens (SP.a) a ainsi dénoncé à propos d’une école: «Cela provient aussi du fait que l’école, qui dans le temps était composée à 70% d’enfants blancs, accueille aujourd’hui surtout des enfants allochtones dans ses classes maternelles. A Gand, on ne peut donner la priorité à des enfants qui ne sont pas pauvres que lorsqu’il y a 57% enfants de milieux pauvres dans l’école en question.»

    D’un manque de place relatif avec des tentes devant les portes des écoles à «bonne réputation» ou dans les quartiers peuplés, on est passé maintenant à un manque de place absolu, surtout dans les grandes villes. Ailleurs, le manque de place relatif continue, et cela tant en Wallonie qu’à Bruxelles et en Flandre. Contre ces campings devant les écoles, les différents mécanismes d’inscription se suivent mais la situation est loin d’être résolue car les gouvernements n’accordent jamais plus de moyens. Ils ne font que fixer de nouvelles règles de priorité qui doivent sans cesse être adaptées afin d’endiguer leurs effets pervers.

    Depuis le début des années ‘80, il y a eu une politique de désinvestissement dans l’infrastructure de l’enseignement. L’ancien ministre de l’Enseignement flamand Luc Van den Bossche explique que c’était «puisque les pierres ne savent pas manifester, on a coupé là». Pour être honnête, il aurait dû dire qu’on a «surtout coupé là», parce qu’on avait aussi fortement sabré dans les conditions de travail du personnel avec des classes sans cesse plus grandes, etc. et cela partout en Belgique. Cette négligence a pour conséquence que le montant des investissements nécessaire au maintien de l’infrastructure existante est énorme.

    Il faut plus de moyens! 7%du PIB pour l’enseignement maintenant!

    Après le nouveau décret sur les inscriptions en communauté Française, Pascal Smet promet des changements dans le décret de l’enseignement flamand. Mais un changement de règles ne signifie pas plus de classes! Il faut simplement plus d’argent, et vite! Il n’en faut d’ailleurs pas seulement pour l’enseignement maternel et primaire – la pénurie d’aujourd’hui au niveau de l’accueil des enfants dans presque toutes les villes de Belgique se répercute à tous les niveaux d’enseignement suivants. La surprise actuelle qu’éprouvent les politiciens par rapport à la situation ne fait que démontrer à quel point ils continuent à négliger ce service essentiel – les enfants qui ne trouvent pas de place aujourd’hui sont nés il y a plusieurs années!

    Depuis des années, on sait très bien qu’il y aura des problèmes croissants dans l’enseignement. La politique d’austérité a conduit à une sélection brutale – selon l’enquête PISA, tant l’enseignement francophone que néerlandophone se trouvent parmi les champions de l’inégalité sociale. Le fait d’avoir des classes trop grandes à presque tous les niveaux de l’enseignement assure que seuls les meilleurs élèves et ceux qui peuvent avoir le plus de soutien des parents ont des chances réelles de pouvoir avoir un enseignement général et un accès aux professions les mieux payées. La pression sur les enfants pour qu’ils réussissent et la pression sur les parents afin de mettre tout en œuvre pour cela – certaines écoles primaires allant même jusqu’à offrir des cours privés payants pour les enfants – augmente tous les jours.

    Beaucoup de mères travaillent alors moins parce que leurs enfants «ont besoin de plus d’accompagnement». Elles payent individuellement le désinvestissement public avec leurs salaires et leurs futures pensions, qui seront revues à la baisse en conséquence.

    Dans le passé, la classe ouvrière s’est durement battue pour imposer l’enseignement à tous. Le patronat a toutefois submergé de tâches cet enseignement pour obtenir des travailleurs «tout faits». En même temps, ce patronat a limité au strict minimum les moyens consacrés à son fonctionnement. Un simple travailleur met la moitié de son salaire brut à disposition de la société (pour l’enseignement, les services publics, la sécurité sociale,…) mais de grosses entreprises payent un impôt sur leurs profits de moins de 10%.

    Si nous ne parvenons pas à changer tout cela par la lutte, la situation dans l’enseignement va continuer à pourrir – tout comme dans les transports publics, le maintien des routes, les services comme les maisons de repos et l’accueil des jeunes,… Pour cette lutte, nous ne pouvons pas compter sur les partis actuellement représentés au Parlement. Il est plus que jamais nécessaire de créer un nouveau parti des travailleurs, qui prenne sur lui de façon résolue la défense des travailleurs et de leurs familles, pour nous et pour nos enfants

  • Europe : Crise de la zone Euro, conflits inter-capitalistes et lutte des classes

    Le Bureau Européen du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO), réuni du 13 au 15 avril, a discuté du potentiel d’explosions sociales, étant donne la crise actuelle, de l’instabilité sociale et politique et des tâches auxquelles font face les marxistes et la classe ouvrière. Nous publions ci-après la résolution émanant de cette réunion qui a rassemblé des représentants d’Autriche, de Belgique, de Chypre, de République Tchèque, de Grande Bretagne, de France, d’Allemagne, de Grèce, d’Islande, d’Irlande (Nord et Sud), d’Italie, de Pologne, du Portugal, de Russie, d’Écosse, de Suède, mais aussi des représentants issus de l’extérieur de l’Europe (du Pakistan et d’Israël).

    Rédigé par le Secrétariat International du CIO

    1. Depuis la réunion du Comité Exécutif International (CEI) en décembre 2009, l’analyse générale du CIO sur la situation mondiale et les évolutions de l’économie mondiale se sont avérées être exactes. Du matériel a été produit concernant la situation générale de l’économie mondiale ; il n’est pas nécessaire d’y revenir en détail dans ce bref communiqué. L’évolution de l’économie mondiale et de la situation politique constituent l’arrière plan de la crise à laquelle font face les classes dirigeantes en Europe, la pire qui a frappé la zone depuis que l’euro a été lancé. L’économie mondiale n’a connu qu’une “relance” très limitée, qui reste faible et fragile. Les énormes plans de relance mis en place en particulier aux USA, en Chine et en Europe ont eu un effet, dans le sens où ils ont pu empêcher un complet effondrement de l’économie mondiale, qui aurait pu se transformer en dépression. Pourtant, les plans de relance ont été limités et n’ont pas résolu la crise sous-jacente.

    2. La “reprise” n’a pas été suivie d’un retour à une croissance solide de “l’économie réelle” et menace de créer les conditions d’une “double chute” de l’économie mondiale. Les derniers chiffres publiés par les économistes renvoient à une augmentation de la “croissance” aux USA et en Europe, mais ne représentent pas une réelle augmentation des capacités de production ni ne ramènent la production au niveau qu’elle avait dans la période précédant le déclenchement de la crise. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) prévoit que le commerce international se développera à hauteur de 9.5% cette année. Mais même si cela se produisait, ce ne serait pas suffisant pour rattraper la chute de 12.2% du commerce international en 2009. La “reprise” qui a suivi les plans de relance dans différents pays s’est basée sur des schémas tels que la prime à la casse ou, par exemple, une réduction de la TVA en Grande Bretagne. Ces mesures n’ont été que temporaires et limitées, elles ne représentaient en aucun cas un retour à une croissance stable et durable. L’investissement continue de stagner ou de baisser. En février, le taux de chômage officiel de la zone Euro était de 10%. La croissance aujourd’hui vient en grande partie du fait que les entreprises reconstituent leurs stocks, et parallèlement à la création de nouvelles “bulles” du fait de l’injection massive de liquidités dans l’économie par l’Etat, particulièrement le secteur financier. La Chine et l’Allemagne ont été capables de renforcer leurs exportations dernièrement, mais la question cruciale à laquelle est confronté le capitalisme mondial est l’absence de demande et de nouveaux marchés. Dans le cas de l’Allemagne, la croissance des exportations a été réalisée au détriment de ses concurrents et sans réelle extension de son marché intérieur. Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’Allemagne pour 2010 de 1.5% à 1.2%, au regard de la faiblesse du secteur financier et du commerce international.

    3. Les quelques “exceptions” qui existent pour le capitalisme, comme la Chine, le Brésil et l’Inde dans une moindre mesure, peuvent toujours être frappés tardivement par la crise et se retrouver plongés en récession. La Chine, qui connait une bulle immobilière, pourrait voir une contraction de son économie, qui pourrait par ailleurs provoquer une explosion sociale que le régime ferait tout pour éviter. Même si l’économie mondiale peut retourner vers une période de croissance totale, ce qui sera inévitable à un certain stade, il est important de souligner que ce ne sera pas suffisant pour apporter une solution aux conséquences de la crise, aux privations et aux désastres sociaux auxquels est confrontée la masse de la population mondiale, ni à ses conséquences politiques.

    4. Jusqu’à présent, la conjoncture n’est donc pas une “reprise” au sens propre, mais plus largement une “reprise avec chômage” ; dans laquelle le chômage de masse persiste même en cas de croissance limitée. A l’échelle internationale, les classes dirigeantes cherchent toujours plus à détériorer les conditions de vie et de travail ainsi que les salaires. Ces trente dernières années, nous avons pu observer une phase de dépression sous-jacente, comme nous l’avons expliqué dans les derniers articles et documents publiés par le CIO. Cette tendance a toutefois été masquée par la croissance de la consommation basée sur une extension massive du crédit et sur toute une série de bulles spéculatives qui ont toutes explosé.

    5. Chaque crise du capitalisme contient en elle-même une période de croissance et de reprise partielle, qui conduira à un certain stade à une nouvelle crise, récession ou stagnation. Nous avons connu une série de crises en résultant, une tendance qui se développe toujours. Le déclenchement de la crise, il y a trois ans, représentait un gigantesque coup porté à l’idéologie capitaliste. Ceci a forcé les classes dirigeantes à répondre par une série de mesures de type “capitalisme d’État”, où l’État était obligé d’intervenir sur le marché pour le soutenir et le sauver. C’est une situation entièrement différente de celle qui existait après la seconde guerre mondiale, où l’on observait un développement de “l’économie mixte”. La bourgeoisie acceptait alors qu’une assez grande partie (bien que minoritaire) de l’économie soit sous contrôle d’un État interventionniste, accompagnée par la mise en place de réformes sociales radicales. Aujourd’hui, au contraire, les politiques interventionnistes et de nationalisation ont un caractère à court terme, et sont rapidement suivies de privatisations – accompagnées de contre-réformes et d’attaques brutales contre les conditions de vie et de travail.

    La crise de la zone Euro

    6. Jusqu’à maintenant, l’évolution la plus significative en Europe a été le drame qui a suivi l’explosion de la dette grecque. Les répercussions se sont senties à l’échelle internationale et elle a déclenché une crise majeure dans la zone Euro et l’Union Européenne. Cette crise a révélé les antagonismes nationaux conséquents qui existent entre la Grèce, l’Allemagne, la France ainsi que les autres puissances de l’UE.

    7. Cela a aussi révélé la faiblesse relative de l’euro et a remis en question sa viabilité future. L’incertitude que cela a provoqué représente un réel recul des classes dirigeantes européennes. L’Allemagne, afin de défendre ses intérêts nationaux, a refusé de renflouer la Grèce. La ligne de conduite très stricte adoptée par Angela Merkel reflète la peur de l’impérialisme allemand d’un sauvetage de la Grèce qui créerait un précédent au moment ou des crises se déchaînent notamment en Espagne et au Portugal. En faisant preuve d’une nouvelle vigueur menaçante, Merkel a déclaré que les pays qui plongeraient dans la crise pourraient se retrouver jetés en dehors de la zone Euro, ce qui reflète également la profonde crise des classes dirigeantes européennes. Par ailleurs, autoriser la Grèce à ne pas assurer sa dette pourrait déclencher non seulement une crise politique majeure, mais aussi une nouvelle tempête financière

    8. La réaction des autres puissances européennes (particulièrement la France) et le conflit qui s’est développé entre elles ont transformé la crise grecque en crise européenne, avec une immense pression exercée sur l’Allemagne afin qu’elle change de position. La décision d’inclure le FMI dans le sauvetage de la Grèce représente un coup au prestige des bourgeoisies de la zone Euro et de la BCE. Une des idées à la base de la création de cette dernière était la volonté d’établir un contre pouvoir face à l’impérialisme US et au FMI. Ces récentes évolutions, toutefois, sont bien loin des jours paisibles du triomphe du capitalisme européen au lancement de l’euro, quand existaient alors de fortes attentes quant à une croissance économique, un Euro fort et un chemin stable et harmonieux vers une plus grande intégration européenne. Certains ont même défendu que ce processus aboutirait à une disparition des antagonismes nationaux en Europe et à la fin des État bourgeois nationaux dans l’Union Européenne.

    9. Nous nous sommes opposés à ces illusions, qui, comme le CIO l’avait anticipé, se sont révélées totalement fausses, avec une augmentation des tensions interétatiques pendant la crise. Cela a dévoilé les obstacles à une réelle intégration européenne et une incapacité à dépasser les limites de l’État-nation et les intérêts nationaux des classes dirigeantes de chaque pays. Le degré d’intégration capitaliste à l’UE a probablement atteint ses limites pour cette période, avec un processus qui stagne voire se renverse.

    10. La crise de l’Euro ne veut pas simplement dire qu’il sera abandonné par les classes dirigeantes. Dans la crise à venir, il est plus probable que certains pays s’en retirent, suite à la forte pression que la monnaie exerce sur les gouvernements nationaux. La force des antagonismes nationaux, provoquée par l’insistance de l’Allemagne à défendre ses propres intérêts, s’est reflétée dans la référence faite au rôle de l’impérialisme allemand en Grèce pendant la seconde guerre mondiale. Cela a été repris par Sarkozy qui, selon Le Monde, disait à un ami que “[l’impérialisme allemand] n’avait pas changé.” Le conflit entre les intérêts français et allemands représente clairement un changement par rapport à la dernière période, où la France et l’Allemagne tendaient à agir en tant qu’alliés, au moins concernant l’UE. Parallèlement, cela laisse l’impérialisme français dans une situation précaire. La France souhaite éviter de devoir s’allier à l’impérialisme britannique ou US. Le capitalisme allemand a été en capacité d’exploiter les taux d’intérêts à son avantage, et a finalement pu obliger une France réticente à accepter qu’il impose sa position. L’Allemagne, malgré la croissance de ses exportations, est le moteur de la croissance européenne. Mais face à la crise, elle essaie de “rationner” le reste de l’Europe et exige la mise en place de plans d’austérité drastiques, en particulier de la part des économies européennes les plus faibles.

    11. Une campagne nationaliste féroce a été menée par la classe dirigeante allemande contre le peuple grec. De son côté, la classe dirigeante grecque a également essayé de stimuler le nationalisme en Grèce. Comme nous l’avions expliqué, cela indique qu’un sentiment nationaliste peut se développer et être encouragé par les classes dirigeantes européennes alors que la crise se développe. Il est important que nous contre-attaquions en menant la lutte pour l’unité des travailleurs. Les sections du CIO en Europe devraient entreprendre une campagne pour renforcer l’idée de la nécessité d’une lutte unifiée de tous les travailleurs contre les coupes et les attaques. A ce stade il est peut-être prématuré d’appeler à une grève générale de 24 heures dans toute l’Europe; mais l’idée d’une mobilisation européenne contre les coupes et les attaques sur les conditions de vie est quelque chose que nous devrions défendre énergiquement.

    12. La crise a été aussi dévastatrice pour l’Europe de l’Est et l’Europe centrale. Les espoirs soulevés par la restauration du capitalisme ne se sont pas matérialisés pour les masses. La chute désastreuse des économies dans des pays comme la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie est comparable avec la période de grande dépression des années 1930. La Hongrie se débrouille un peu mieux actuellement. Même si la Pologne semble être l’exception, l’accumulation croissante de la dette publique, qui menace d’atteindre les 55% du PIB l’année prochaine, probablement pour grimper rapidement à 60%, sera l’occasion pour la classe dirigeante de procéder à des coupes et des attaques contre la classe ouvrière. Cela doit être pris en compte au regard de la catastrophe en Russie. Le chômage est probablement plus élevé qu’en 1994, quand la production s’est effondrée suite à la chute de l’URSS. Le régime commence à être divisé et une éruption sociale représente une perspective sérieuse dans une période relativement courte.

    13. L’émergence d’antagonismes nationaux en Europe alors que la crise se développe peut également se manifester dans la résurgence de la question nationale et des tensions dans des pays comme la Belgique et l’Espagne. En Irlande du Nord, l’impossibilité de résoudre la question nationale sous le capitalisme se reflète par une augmentation des conflits sectaires entre les différentes communautés, malgré la poursuite du “processus de paix” au sommet. Comme la crise a frappé l’Espagne très durement, la vague de luttes de la classe ouvrière s’est rapidement développée, parallèlement à une augmentation du sentiment régional et national en particulier, surtout au Pays Basque et en Catalogne. 40% des dépenses de l’État sont directement administrées par les régions et provinces. Ceci peut aussi devenir un point de discorde important et conduire à des conflits avec le gouvernement national. Le CIO doit défendre les droits nationaux des différents peuples en Espagne tout en se battant pour une confédération socialiste et l’unité de classe dans tout l’État espagnol.

    Le dénigrement des travailleurs grecs ; les “PIGS” et “STUPIID”

    14. La menace d’un défaut de paiement sur la Grèce rappelle en un sens la situation de l’Amérique Latine des années ‘80 – y compris la revendication de l’annulation de la dette mise en avant par la section grecque du CIO! Aussi importante et significative que soit la crise grecque, ce n’est encore qu’une anticipation de ce qu’il se passera au Portugal et surtout en Espagne. Avec un taux de chômage de près de 20% – approchant les 40% dans la jeunesse, la question d’une révolte au moins aussi forte qu’en Grèce se pose en Espagne. Les effets et la profondeur de la crise aux échelles internationale et européenne ne sont pas uniformes. Globalement, une dépression a été évitée pour le moment. Mais l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Grèce ont été dévastés par la profondeur de la crise et montrent des éléments de dépression comparables aux années 1930. L’économie de la République d’Irlande continue de se contracter. Ces pays, sous l’acronyme désobligeant de “PIGS”, sont maintenant élargis et compris dans les “STUPIIDS” (Espagne, Turquie, Grande Bretagne, Portugal, Irlande, Islande et Dubaï)!

    Conséquences sociales et politiques

    15. Pour le CIO et ses sections, les conséquences sociales et politiques et leurs effets sur la lutte des classes sont les questions décisives qui se posent lors de cette crise. Les questions des perspectives et des tâches n’ont jamais été aussi liées l’une à l’autre. L’impact de la crise sur la lutte des classes ne s’est pas encore entièrement fait ressentir. Pourtant, d’importants mouvements de masse ont explosé dans différents pays européens, particulièrement en Grèce, en Espagne et au Portugal. Dans d’autres pays, les luttes de la classe ouvrière auraient pu aller beaucoup plus loin sans le rôle de capitulation des directions syndicales en général, qui ont tendu à représenter les intérêts et la pression des patrons plutôt que de défendre la classe ouvrière. Ceci doit être ajouté à la question cruciale du niveau de conscience politique actuellement bas dans la classe ouvrière, hérité de la dernière période ; en prenant aussi en compte l’absence d’une force combative se battant pour une alternative socialiste à une échelle de masse. La faillite des directions ouvrières traditionnelles pour offrir une telle alternative a empêché le développement d’une conscience politique parmi la jeunesse et les travailleurs. Ces faiblesses signifient que la crise aura un caractère complexe et étalé dans le temps. Pourtant, des explosions sociales massives ont déjà eu lieu dans certains pays et vont se développer à travers l’Europe. Les mouvements qui ont déjà eu lieu ne sont qu’une anticipation de ce qu’il reste à venir. Des luttes industrielles et politiques se dérouleront, qui pourront permettre une croissance quantitative rapide des différentes sections du CIO ainsi que de leur influence, pour autant que nous intervenions avec les bons slogans, les bonnes tactiques et une explication générale de notre propagande socialiste. Ce ne sera pourtant pas un processus linéaire ni automatique. Le rythme de la lutte et le développement de la conscience politique seront variables d’un pays à l’autre.

    16. En plus de cette crise économique et sociale, il ne faut pas oublier la crise environnementale et le réchauffement climatique. La déclaration adoptée au CEI reste toujours autant valable. Les conséquences du réchauffement doivent être prises en compte dans nos perspectives économiques et politiques. Cela devient un souci croissant parmi la classe ouvrière alors que de plus en plus de travailleurs et de pauvres en ressentent les conséquences, même en Europe. Les mouvements en Espagne (Andalousie) concernant l’approvisionnement en eau en sont un exemple. Une frange de la bourgeoisie a mis en avant la perspective de nouvelles “éco-industries” comme solution à la crise. Cela dit, il est hautement improbable que cela puisse offrir une sortie de crise à court terme, ou de nouveaux marchés pour la bourgeoisie.

    Les luttes ouvrières et les syndicats

    17. Malgré les contradictions dans la conscience politique qui existent dans de larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, ce serait une erreur de sous-estimer l’amertume sous-sous-jacente et la colère qui sont déjà présentes. En général, cela n’est pas représenté par les directions officielles des syndicats ou dans leurs structures.

    18. Il y a déjà eu des mouvements ouvriers significatifs dans de nombreux pays en réponse à la crise et aux attaques contre la classe ouvrière. En règle générale, ils ont eu un caractère défensif. En Irlande, au premier semestre de 2009, d’importantes grèves et mouvements de protestation des travailleurs se sont développés. En Grèce, les grèves du secteur public et trois grèves générales massives montrent comment la classe ouvrière a été poussée à la lutte par des attaques si brutales. Au Portugal, les grèves du public et la menace d’une grève générale illustrent à quel point la situation des travailleurs est désespérée. Les énormes manifestations en Espagne et la masse de travailleurs qui soutenaient la revendication d’une grève générale ont terrifié non seulement la classe dirigeante espagnole mais aussi celles du reste de l’Europe. Même si la Turquie n’est pas entièrement située en Europe d’un point de vue géographique, du point de vue social et politique, elle devient de plus en plus intégrée aux discussions sur l’Europe. La formidable grève à TEKEL représente un changement crucial dans la situation.

    19. L’Espagne, avec une plus grande économie et une classe ouvrière plus grande que la Grèce, peut se retrouver au centre de la crise européenne dans la prochaine période. La peur d’une telle explosion a forcé le gouvernement à retirer certaines de ses propositions concernant le recul de l’âge du départ à la retraite qui avaient provoqué l’outrage parmi les masses. Des éléments de situation prérévolutionnaire étaient présents au point culminant du mouvement en Grèce. La faillite de la direction traditionnelle du mouvement ouvrier pour offrir une alternative, le faible niveau de conscience politique et d’auto-organisation ont représenté les principaux obstacles. Pourtant, les masses sont plus radicalisées et plus à gauche que leur direction. Des explosions sociales telles que celles que nous avons vues en Grèce peuvent éclater dans une série de pays européens et pourraient aller encore plus loin qu’en Grèce à ce stade, particulièrement en Europe du sud. Les événements en Grèce ont montré des éléments de situation prérévolutionnaire qui peuvent également se développer dans une série de pays européens dans les prochains mois et années Cette nouvelle période sera plus complexe et longue précisément à cause de l’absence d’organisations ouvrières de masse.

    20. En Grande Bretagne, après les luttes de l’année dernière a Lindsey, Linamar, Vestas, chez les postiers…, 2010 a vu une série de grèves nationales des travailleurs de British Airways, des fonctionnaires du gouvernement et probablement des cheminots, qui montrent qu’une nouvelle situation se développe. La France a également été témoin de la grève nationale du 23 mars. En Belgique, des grèves initiées par la base ont aussi eu lieu.

    21. Ces mouvements, entre autres, ont eu lieu malgré les directions syndicales qui ont été terrifiées par la crise et ont cherché à jouer un rôle d’”arbitres” plutôt que de défenseurs de la classe ouvrière. En France, en Allemagne, en Italie, en Irlande, en Espagne et en Suède, plutôt que de combattre le gouvernement, elles ont cherché à rétablir un “dialogue social” et des “contrats sociaux” et ont évité d’appeler à des journées d’action nationales. Ils se sont exprimés en faveur de coupes salariales pour sauver l’emploi et ont joué les “arbitres” entre les patrons et la classe ouvrière. Quand les directions syndicales ont appelé à des journées de mobilisation, c’était généralement une manière de faire relâcher la pression plutôt que de chercher à conduire une vraie lutte. La combativité de certains travailleurs a été reflétée en Irlande avec les 83% de travailleurs du CPSU (syndicat d’employés gouvernementaux) votant pour entrer en mouvement. Un vote similaire s’est aussi produit chez les travailleurs de British Airways.

    La grève générale

    22. En Italie, malgré une vague d’opposition croissante à Berlusconi, démontrée par les manifestations massives à Rome et à Milan, la CGIL (Confédération Générale Italienne du Travail) n’était préparée qu’à appeler à une grève générale de 4 heures. Comme nous l’avons déjà soulevé, la question de la grève générale est présente de manière objective à travers l’Europe. Nous devons nous assurer que cette question est bien présente dans notre propagande et, si c’est approprié, la mettre en avant comme l’un de nos principaux slogans. Dans des pays comme la Grèce, où une série de grèves générales a été annoncée mais n’a pas été appelée avec un programme d’action clair et une alternative politique, nous devons aller plus loin avec la revendication d’une grève générale de 24 ou 48 heures. Si cela ne force pas le gouvernement à reculer, la question d’actions plus décisives et de plus longue durée pourra être posée – y compris une grève illimitée

    23. La grève générale, sous une forme ou une autre, est une question importante qui se pose objectivement à la classe ouvrière et au CIO dans la plupart des pays d’Europe. C’est une partie de notre programme. A différents moments, selon la situation concrète, nous devons la mettre en avant comme notre principal slogan et principal axe de propagande. Pourtant, c’est plus complexe maintenant que dans le passé, à cause du caractère des directions syndicales et du plus faible niveau de conscience dans la classe ouvrière. Les grèves générales ou les grèves générales partielles qui ont eu lieu dernièrement ont eu un rôle protestataire comparable aux grèves générales de protestation qui ont eu lieu avant la première guerre mondiale dans certains pays européens. Une grève générale illimitée posera inévitablement la question du pouvoir. Mais à ce stade, la conscience politique de la classe ouvrière est en décalage par rapport aux tâches qui lui incombent. Des actions supplémentaires, peut être sur une période plus longue que 24 ou 48 heures, et l’élection de comités d’action, constituent aussi une question dont nous devons nous saisir là où c’est opportun. C’est ce qu’ont fait les camarades grecs, en reliant cette question à la nécessité pour la classe ouvrière de revendiquer que Syriza et le KKE se battent vraiment contre la crise ainsi que pour le socialisme et la démocratie ouvrière.

    24. Les propositions concrètes et spécifiques que nous faisons quand nous intervenons dans les luttes ouvrières – comment les organiser, quelles actions devraient être entreprises – sont particulièrement importantes dans cette période a cause du manque d’expérience de lutte de la nouvelle génération de travailleurs. Des propositions d’actions et d’initiatives faites en temps opportun peuvent énormément augmenter notre influence et notre réputation ainsi que nous distinguer d’autres groupes opportunistes et d’ultra gauche.

    25. La question de l’équilibre entre notre intervention dans les structures syndicales officielles et nos propositions, là où c’est opportun, pour la formation de comités officieux d’action démocratiquement élus, est particulièrement importante, et a été renforcée par la période de crise. La baisse du nombre de syndiqués en Europe, particulièrement chez les jeunes, et le rôle des bureaucraties syndicales lui donnent une importance de premier ordre. Le nombre croissant de jeunes qui ont un travail en CDD ou intérim sans contrat stable est aussi une question qu’il nous faut traiter.

    26. Les mouvements ouvriers qui ont eu lieu ne représentent pourtant que la première réaction face à l’impact de la crise. Il y a également eu différentes phases dans le développement de la conscience politique et des perspectives pour les travailleurs. Dans un premier temps, il y a eu une certaine radicalisation, suivie d’une explosion de colère et d’un sentiment anti-banquiers et anti-riches dans certains pays – comme la Grèce pendant un temps et l’Irlande – ainsi qu’un certain choc voire un effet paralysant au regard de la profondeur de la crise. “Que pouvons-nous faire sinon accepter de nous serrer la ceinture ? ” En d’autres termes, il y a eu un espoir que la crise et ses conséquences ne seraient qu’un problème à court terme ; suivi d’une certaine attente que les plans de relance résoudraient le problème et que “la vie retournerait a la normale”.

    27. En Irlande, la lâcheté des directions syndicales a aggravé le problème de la conscience politique et de la confiance de la classe ouvrière. Après plus de vingt ans de croissance économique, la classe ouvrière fait face à un tsunami économique. Une acceptation amère, réticente, que les coupes sont “inévitables”, qu’il n’y a “pas d’alternative” face a un tel effondrement économique, et l’absence d’une alternative de masse a jusqu’à pressent empêché qu’un mouvement de masse se développe à partir de la base. Bien sûr, nous cherchons à contrer cela, mais notre voix est pour l’instant trop limitée pour changer les perspectives à une échelle de masse. Pourtant, cela peut rapidement changer et ouvrir la voie a une énorme explosion sociale.

    28. Il est important de comprendre ces différents états d’esprit pour adapter notre propagande, nos analyses et nos perspectives. Mais il est tout aussi important de comprendre qu’une telle ambiance d’acceptation réticente est temporaire et peut changer très rapidement et de maniéré très radicale. Parfois, un tel changement peut être occasionné par une attaque relativement mineure, suivie d’une série de mesures plus dures.

    Absence d’une alternative socialiste forte et conséquences

    29. L’absence d’une puissante alternative socialiste clairement définie et d’une telle conscience est le principal obstacle qui existe à la mobilisation des masses pour un tournant socialiste dans la situation actuelle. La bourgeoisie peut s’estimer heureuse qu’à ce stade elle n’ait même pas encore été confrontée a une puissante force réformiste de gauche ou même centriste enracinée dans la classe ouvrière, comme il a pu exister dans le passé. Le manque d’une alternative socialiste de masse se reflète dans un fort taux d’abstention aux élections dans toute une série de pays en Europe.

    30. Actuellement, il n’y a guère de gouvernement qui soit considéré comme stable en Europe. L’instabilité de la situation peut notamment se refléter dans les accrochages entre les ministres de la CDU, la CSU et la FDP dans le gouvernement Merkel. En Italie, la résurgence de l’opposition a Berlusconi et la chute de son taux d’approbation en sont d’autres preuves ; même si la perspective de la chute du centre-droit aux élections régionales ne s’est pas réalisée. La classe dirigeante italienne est visiblement inquiète à propos de Berlusconi. L’existence d’une puissante force de gauche dans la plupart des pays aurait tout simplement balayé les partis au pouvoir ou les gouvernements en place. Face à cela, la situation a été marquée par l’émergence du “moindre mal” dans beaucoup de pays européens. Comme nous l’avions souligné dans le document issu du CEI, cela s’est reflété en Grèce pendant un temps avec la réélection du PASOK. Les élections régionales en France l’ont aussi montré avec une croissance proportionnelle des votes pour le Parti Socialiste, ainsi qu’en Irlande avec une croissance du Labour Party dans les sondages. Même en Grande Bretagne, après trente ans de gouvernement New Labour, la peur d’un gouvernement Tory (conservateur) aura pour conséquence que Brown pourrait obtenir un meilleur résultat que ce qui était probable quelques mois plus tôt. Cela pourrait même résulter dans un gouvernement a minorité New Labour, avec la possibilité de “coalition” officieuse avec les Libéraux à un certain stade. Un gouvernement à minorité Tory reste également possible, mais la situation sociale pour le moins explosive pourrait rendre un gouvernement peu viable a long terme voire à moyen terme.

    31. Des augmentations proportionnelles dans les votes pour les partis traditionnels de la classe ouvrière ne se font toutefois pas sur les mêmes bases que dans le passé. Ces partis ont un ancrage social plus faible, tout comme les attentes que les travailleurs y placent. Les partis qui ont connu une croissance électorale n’ont pas connu une progression active de leur nombre de membres parmi la classe ouvrière. Un élément frappant de la période actuelle est la volatilité ambiante. Il peut y avoir des changements très rapides ; la croissance du soutien électoral pour un parti peut très vite s’évaporer et se transformer en opposition acerbe contre lui.

    32. Cela a été prouvé de façon claire en Islande après l’élection de l’Alliance Sociale-démocrate-Gauche-Verts. En l’espace de quelques mois, les espoirs et les illusions qui résidaient en ce gouvernement (le premier gouvernement social-démocrate de l’histoire islandaise) ont été brisés. La proposition du gouvernement d’accepter les termes de remboursement exigés par le gouvernement britannique a fait face à une intense opposition. Même le Président a été obligé de prendre cela en compte et a refusé de signer l’accord adopté par le Parlement, ce qui a ouvert la voie au référendum refusant l’accord a hauteur de 93%.

    Les nouveaux partis ou alliances de gauche

    33. Globalement, il est toujours vrai que là ou ils existent, les nouveaux partis ou alliances de gauche ont failli à remplir le vide politique ; leur avenir est précaire et incertain. Face à une crise historique du capitalisme, ils ont en règle générale évolué constamment vers la droite et l’effondrement idéologique a continué. C’est indubitablement une des raisons pour lesquelles ces nouvelles formations ne se sont pas développées dans la dernière période. En France et en Grèce, le NPA et SYRIZA ont reculé dans les sondages au fur et à mesure que la crise se développait. Les derniers résultats électoraux du NPA (2.5%) et du Parti Socialiste hollandais sont en fort contraste avec notre formidable victoire électorale en Irlande lors de l’élection de Joe Higgins au Parlement européen.

    34. En Allemagne, Die Linke, malgré un pas à gauche en parole avec son récent “Projet de Programme”, a continue de stagner dans les sondages autour de 11%. Pourtant, selon les derniers sondages, le parti pourrait réussir à entrer pour la première fois dans le plus grand parlement régional (Rhénanie du Nord-Westphalie). Ceci sera vu comme un succès. A ce stade, les nouvelles formations n’ont pas attiré de larges couches de travailleurs. Die Linke représente la faillite à offrir une alternative socialiste claire et conséquente face a la crise, ainsi qu’une incapacité de la direction à combiner travail électoral et intervention dans les luttes des travailleurs et de la jeunesse. Cela reflète aussi partiellement un sentiment “anti-parti” de la part de beaucoup de travailleurs et de jeunes, qui pour l’instant ne voient pas pourquoi ils devraient s’impliquer dans les activités d’un parti et en devenir membre.

    35. Cela changera à un certain stade, lorsque les travailleurs, à travers leurs propres expériences de luttes, la continuation de la crise et avec l’aide des marxistes, et particulièrement ceux du CIO, concluront qu’il n’y a pas d’autre alternative que de construire leur propre outil politique. C’est un processus qui n’est ni facile ni linéaire. Il sera probablement nécessaire qu’une série de nouvelles luttes ait lieu pour qu’une telle force voie le jour en Europe, qui comprenne une participation active et conséquente des travailleurs. Il reste incertain de savoir si les forces qui existent se développeront en ce sens ou si de nouvelles organisations vont émerger. Pourtant, il reste important que nous continuions à participer à ces organisations qui existent et que nous essayions d’avoir une influence sur leur processus de développement, à l’instar de ce que nous faisons dans SYRIZA en Grèce. L’émergence de différents regroupements de gauche dans SYRIZA représentent d’importants pas en avant et peuvent influencer la manière dont cette formation et un parti socialiste de masse de la classe ouvrière grecque se développent. Nous devons être prêts à voir de nombreux retournements dans ces évolutions et nous devons nous préparer à y ajuster rapidement nos tactiques.

    36. Il serait faux de sous-estimer l’impact que nous pouvons avoir dans de tels processus, comme on a pu le voir dans SYRIZA ou le P-Sol. La plateforme que notre section en Angleterre et Pays de Galles construit avec le RMT dans la TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition) est d’une grande importance, notamment du fait qu’elle résulte de l’intervention effective de la section dans des luttes ouvrières.

    37. La formation de nouveaux partis n’est pas une fin en soi, mais un levier pour préserver et améliorer les droits et les conditions de vie de la classe ouvrière. Même une fois qu’ils sont construits comme des partis puissants impliquant de larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, comme le montre l’expérience du PRC en Italie, si de puissantes forces marxistes n’aident pas à orienter leur développement, les éléments réformistes ou centristes de ces partis peuvent saper leur potentiel ou même les détruire avec de mauvaises méthodes et un programme faux. Là où de telles choses se produisent, la déception qui s’ensuit peut rendre la construction d’une nouvelle force encore plus complexe. La preuve en est faite en Italie, ou la “Fédération de Gauche” (un bloc rassemblant le PRC, PDCI (communistes italiens) et d’autres groupes de gauche) n’a obtenu qu’à peine 3% aux élections régionales. La faillite du PRC et l’inefficacité du Parti Démocrate ont ouvert la voie à l’émergence de mouvements tels que celui du “Peuple Violet”. Des évolutions représentant une confusion et une atonie similaires peuvent émerger dans d’autres pays si de puissants partis socialistes de la classe ouvrière ne sont pas construits.

    38. Alors que la formation de nouveaux partis larges de travailleurs est une tâche importante pour la classe ouvrière et pour nous-mêmes, l’absence de telles formations n’est pas un obstacle à la construction et au renforcement de nos propres sections. Alors qu’une couche plus large de la classe ouvrière serait attirée dans de nouveaux partis, une couche importante de travailleurs et de jeunes peut aussi être attirée directement dans nos rangs si nous y travaillons correctement.

    39. Une des questions qui a émergé dans Die Linke, SYRIZA, le PRC, le P-Sol et le NPA est celle des coalitions et alliances avec les anciens partis sociaux-démocrates. C’est une question importante pour la classe ouvrière et pour nos sections. Nous devons nous impliquer dans ces débats là où ils émergent, en y défendant une position de principe, en oppositions aux coalitions capitalistes, tout en expliquant adroitement nos idées et en prenant en compte les illusions qui peuvent exister dans de telles coalitions. Dans le passé, cette question était plus clairement comprise par les militants de gauche qu’elle ne l’est aujourd’hui ; c’est une autre manifestation du recul de la conscience depuis les années 1990 après la chute des États staliniens.

    L’extrême droite et le racisme

    40. L’absence d’une alternative de gauche a eu pour conséquence la croissance de l’extrême droite dans certains pays. Il s’agit d’une question cruciale pour la classe ouvrière et le CIO. Le renouveau de la croissance du FPÖ en Autriche, la possibilité d’un vote fort pour le BNP en Grande Bretagne aux prochaines élections, les récents résultats électoraux de Le Pen aux régionales en France (en moyenne 17% dans les régions ou le FN se pressentait), la croissance de l’extrême droite en Hollande et en Hongrie et celle de la Ligue du Nord aux élections italiennes illustrent le danger qui existe. La montée de l’extrême droite reflète le vide existant et l’impact qu’a la crise se manifestent de façon négative et réactionnaire dans la résurgence du racisme et d’idées anti-immigrés ou islamophobes parmi certaines couches de la population. L’extrême droite et les forces de droite en général ont toujours utilisé une rhétorique populiste de droite comme moyen de gagner un soutien électoral. Nous devons nous situer en première ligne des activités antiracistes et particulièrement dans notre travail jeune. Nous devons également développer un programme et des revendications sur cette question pour combattre le racisme et lutter pour l’unité de classe de telle manière à ce que nous puissions engager le dialogue avec toutes les couches de la classe ouvrière.

    La jeunesse radicalisée

    41. Nous devons aussi nous assurer qu’en nous adressant aux différentes sections de la classe ouvrière nous prenons en compte l’évolution de l’ambiance parmi une couche significative de la jeunesse dans différents pays européens. Avec les attaques contre l’éducation et la croissance rapide du chômage (selon l’OCDE, 21% des jeunes travailleurs sont au chômage dans la zone Euro), une situation explosive se développe Les mouvements pour l’éducation en Allemagne, en Autriche et en Espagne sont aussi les premières manifestations de luttes qui peuvent se développer dans une majorité de pays européens ou sur une base paneuropéenne. Les attaques émergeant du processus de Bologne ont des conséquences dévastatrices sur l’éducation et peuvent provoquer des mouvements encore plus gros que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Il est important que nous soulevions la nécessité de ces luttes et de leur amplification pour tourner les jeunes vers la classe ouvrière, ainsi que la nécessité d’une lutte commune des travailleurs et des jeunes, scolarisés ou non. Souvent, les jeunes sont en première ligne et leurs mobilisations représentent les premiers pas de luttes encore plus puissantes de la classe ouvrière, qui leur sont fréquemment conséquentes. Elle reste très importante pour nous. Une couche significative de jeunes sont entièrement opposés aux partis existants, et dans certains pays à tout l’establishment et au système en général. Beaucoup se retrouvent constamment en lutte avec la police et l’appareil d’État, et certains sont de plus en plus aliénés par la société.

    42. Une couche a été attirée par les organisations et idées anarchistes. Nous devons nous assurer de trouver une voie vers le meilleur de cette jeunesse et aussi de refléter l’amertume et la colère qu’ils ressentent contre le système. Tout en faisant attention de ne pas tomber dans l’ultra-gauchisme, notre approche envers la jeunesse ne doit pas être trop timide. Le degré d’aliénation de certains jeunes s’est déjà reflété en Grèce avec l’émergence de groupuscules terroristes. Cette réaction négative, avec toutes les conséquences qu’elle comporte, peut aussi se développer dans d’autres pays, y compris dans le nord de l’Europe.

    43. La nouvelle situation en Europe est favorable et nous apporte des possibilités d’intervention et de croissance en nombre de membres aussi bien qu’en influence. Cela ouvre la perspective d’un renforcement de nos organisations, à partir desquelles des partis marxistes plus conséquents peuvent être construits, autour du CIO.

    Le Secrétariat International

  • La leçon de football d’Abbas Bayat

    Dans une émission de « Studio 1 » sur la RTBF, Abbas Bayat, président du Sporting Charleroi, nous a donné une bonne leçon de football. Non content d’avoir traité de « clown » le chroniqueur de l’émission Stéphane Pauwels après que celui-ci ait dressé le bilan sportif peu reluisant du club depuis l’arrivée des Bayat à sa tête il y a 10 ans, l’homme d’affaires s’en est allé d’une petite explication de la manière dont un club de football, et toute entreprise privée en général, doit être géré. S’en est suivi une vague de protestations de la part, surtout, des supporters, pour lesquels ces dernières déclarations de Bayat sont celles de trop.

    Par Stéphane Delcros

    Le businessman, également propriétaire de plusieurs marques de boissons, était déjà très critiqué par les supporters pour sa manière de prendre seul des décisions dans des domaines où il n’excelle certainement pas. Et Bayat de clarifier tout cela en direct lors de l’émission: « quelqu’un qui est président, le boss, il peut dire à n’importe qui ce qu’il doit faire en tant qu’employé. (…) La démocratie n’existe pas dans les sociétés privées! » Il dira encore, concernant l’entraineur Tommy Craig, resté muet à l’interview d’après-match alors que Bayat venait de l’engueuler pendant le match: « C’est moi qui signe les chèques en fin de mois. Et quand j’ai envie de dire quelque chose à mes employés, j’en ai le droit, non? » Rien à redire. Et il n’a pourtant pas fondamentalement tort: c’est effectivement comme ça que fonctionnent les entreprises privées. Et les clubs de football – et de sport en général – obéissent également à cette règle: qui amène l’argent prend les décisions. Abbas Bayat le fait certes un peu plus brutalement que d’autres, mais c’est en dernière instance ce qu’il se passe dans tous les clubs professionnels, de même que dans certains amateurs.

    Dans une interview au magazine Guido en 2004, le président expliquait sa manière de fonctionner dans le monde des entreprises : « Nous sommes à l’affût des entreprises qui ne sont pas très bien dirigées ou qui ont trop peu de capitaux. Nous les développons, nous augmentons leur chiffre d’affaires, nous les rendons rentables, pour ensuite les revendre. Nous ne sommes pas une énorme multinationale, nous n’avons pas besoin d’un retour direct sur nos investissements. Acheter bon marché, revendre plus cher. Nous avons fait l’acquisition de Looza avec un chiffre d’affaires de 500 millions d’anciens francs belges. Lors de la vente, cinq années plus tard, le chiffre d’affaires s’élevait à 3 milliards de francs. »

    Les récentes déclarations en ont fait évidemment bondir plus d’un. Les supporters, tout d’abord, qui en ont marre de l’arrogance et de l’attitude dictatoriale du président du sporting. « Abbas Bayat, casse-toi! » criaient des supporters en manif avant le match suivant l’émission de Studio 1. Il faut dire que le grand argentier des Zèbres avait parlé d’eux comme étant « une poignée de fous furieux » qui ne représentent « que 5% » de la totalité des supporters. Cette poignée de supporters en colère était pourtant quasi majoritaire – et avait probablement le soutien d’une bonne partie du public restant – au match précédent à brandir des pancartes contre Bayat, dans un stade tristement presque vide.

    Le capitalisme pervertit le football

    Le monde du football est de plus en plus soumis aux lois du marché. Mais cette évolution est inhérente au système capitaliste. L’immense popularité de ce sport attire les investisseurs désireux d’augmenter leurs profits – et/ou leur notoriété – en mettant temporairement à disposition une partie de leur capital selon leurs conditions, avec les conséquences que l’on connait beaucoup trop : course à l’achat de joueurs étrangers freinant le développement de joueurs locaux ; course à l’achat de stars pour parfois assurer des recettes en marketing plus que des résultats sportifs ; cotation en bourse des grands clubs, l’objectif principal devenant la fructification de la valeur de l’action ; trafic de jeunes joueurs étrangers laissés sur le trottoir s’ils ne répondent finalement pas aux attentes ;… et, bien sûr, faillites de clubs, comme le récent épisode de l’Excelsior Mouscron, qui ne tient évidemment nullement compte ni des joueurs, ni des employés, ni des supporters.

    On ne peut pas laisser quelques capitalistes décider de l’avenir des clubs de football belges, ni quelques milliardaires décider de l’avenir du football mondial. Abbas Bayat devrait-il avoir les pleins pouvoirs chez les Zèbres sous prétexte qu’il a sauvé le club de la faillite en le reprenant il y a 10 ans? Pas question! Tout comme il est nécessaire que les travailleurs ne laissent plus les rennes des entreprises à des actionnaires et managers soucieux de faire du profit, il est plus que temps de donner le contrôle de la gestion des clubs sportifs aux joueurs, employés, supporters et habitants des quartiers des stades !

  • 130 étudiants envahissent leur Conseil Facultaire à l’ULB. L’enseignement n’est pas une marchandise !

    Ce 22 avril, une centaine d’étudiants de Philo & Lettres ont envahi leur Conseil Facultaire pour protester contre la réforme des cours à l’ULB – impliquant notamment la suppression de 400 cours sur 1100. Les étudiants se sont immiscés dans la réunion du conseil pour demander des comptes à leurs représentants. Face aux demandes étudiantes quant au retrait de cette réforme, le doyen de la fac s’est essentiellement justifié au moyen d’arguments administratifs (discours légaliste, la faculté est surencadrée académiquement, les programme des cours sont trop compliqués pour les étudiants, les nouveaux programmes sont déjà imprimés).

    par Pablo V.(Bruxelles)

    Les étudiants ont vivement réagi, certain racontant leur parcours personnel, d’autres remettant en cause les fondements même de la réforme. Ainsi, des étudiantes ont expliqué qu’elles devaient partir à Namur à cause du programme, tout comme d’autres dont les sections disparaissaient ou qui n’ont pas de programme de transition. Un chercheur en sociologie de l’UCL a expliqué les réformes similaires qui ont cours là-bas et des militants d’Etudiants de gauche Actifs (EGA) ont rappelé le contexte de marchandisation de Bologne et de rationalisation qui a cours en Europe. Cette énième réforme ne tombe en effet pas du ciel. Il y a quelques mois, le recteur de l’ULB avait d’ailleurs annoncé en trombes que sur les 5.000 cours dispensés à l’ULB, la moitié devrait disparaître à terme, car jugés non-rentables. Au nom de la rentabilité, il est prêt à supprimer, sans vergogne, pas moins de 2500 cours.

    Une Assemblée Générale est d’ores et déjà organisée jeudi prochain à midi. Les Etudiants de Gauche Actifs mobilisent déjà pour inviter la communauté universitaire à participer au débat, à s’informer sur la réforme en cours, et à prendre position. EGA s’oppose aux suppressions de cours et réclame le retrait de la réforme. Mais plus largement, en réclamant un refinancement public de l’enseignement (les fameux 7% du PIB), nous revendiquons par là un enseignement gratuit, de qualité et accessible à tous.

  • La crise? Pas pour tout le monde…

    Chez les banques, le champagne recommence à couler à flots!

    Vous vous souvenez? Plus de vingt milliards d’euros avaient été nécessaires pour renflouer les banques dans notre pays. Et maintenant? Elles vont bien, merci. Mais cela ne nous regarde plus.

    Par Geert Cool

    Pour BNP-Paribas, l’occasion de racheter Fortis à bon prix était bien belle et fort prometteuse. A juste titre! En 2009, avec 5,832 milliards d’euros de profit dont 708 millions de l’ancienne Fortis, BNP-Paribas a doublé ses profits comparé à 2008. Où est passé cet argent? Dans les dividendes des actionnaires. Dexia aussi a fait des profits (pour 1,01 milliard d’euros) mais là aussi, c’est à destination des actionnaires.

    Les hauts-dirigeants aussi se portent mieux. A Wall Street, les bonus ont augmenté de 17% en 2009. Cette année-là, le secteur financier américain a enregistré 55 milliards de profits. Les trois grandes banques d’investissement Goldman Sachs, JP Morgan Chase et Morgan Stanley ont augmenté leurs primes de 31%.

    Pas mal d’économies ont été réalisées sur le dos du personnel et de la qualité du service en 2009, suite au début de la crise en 2008. En 2009, 2.900 emplois ont été perdus dans le secteur financier en Belgique (4% du secteur). Et si on trouvait encore 7.000 bureaux de banque, il n’en restait que 4316 en 2009. D’autre part, selon Test-Achats, les coûts d’un simple compte courant ont été augmentés de 21% entre 2007 et 2009 uniquement. Maintenant, la formation d’un “espace de payement européen” s’accompagne de l’unification des prix des services bancaires européens: payer plus pour moins de services. On nous avait dit que la crise allait changer les choses, qu’une période insouciante était derrière nous. Mais les 500 personnes les plus riches au monde ont vu leur patrimoine s’accroître de 50% en 2009. Pour les banques, les actionnaires et les riches, on peut à nouveau faire péter le bouchon de champagne. La collectivité a payé pour rafistoler le système, la collectivité pourra encore le faire.

    Nous devons nationaliser l’intégralité du secteur financier et le placer sous contrôle de la collectivité. Les institutions financières et bancaires deviendraient ainsi une seule grande institution publique sous contrôle démocratique. Tout cet argent pourrait enfin servir aux besoins véritables de la population.

  • DOSSIER : Le cauchemar d’être femme au Congo

    L’histoire du Congo est turbulente et son actualité ne présente aucune stabilité. En ce moment, selon l’association Human Rights Watch, le Congo est le pire endroit au monde pour les femmes.

    Par Tina (Louvain)

    C’est le système qui en est la cause

    Dès le début de l’introduction du capitalisme, les énormes richesses naturelles de la région ont constitué une source permanente de conflits. Les impérialistes ont tout fait pour s’assurer le contrôle des nombreux gisements dont le Congo est riche. Au sein du système capitaliste, seuls les profits sont pris en compte et tout le reste – comme la qualité de vie de la population – est sacrifié afin de garantir l’enrichissement d’un petit groupe.

    Pour garantir l’exploitation de la population, les gens sont montés les uns contre les autres sur tous les terrains possibles: origine, sexe,… C’est le principe du diviser-pour-mieux-régner et, effectivement, l’exploitation prend des formes des plus épouvantables là où les gens sont les plus ligués les uns contre les autres. La division assure qu’aucun rapport de forces ne soit construit contre la classe dominante. De cela, la situation au Congo – où la faillite du capitalisme est douloureusement claire – en est un cas d’école.

    En leur temps, pour pouvoir exploiter la population, les autorités belges – en tant qu’impérialistes et représentants des intérêts du capital – ont monté les différents groupes ethniques les uns contre les autres, sous couvert d’éducation et de ‘‘civilisation’’ de la population locale. Les tensions ethniques ont au contraire tout à voir avec la manière artificielle dont les communautés tribales ont été divisées en différents Etats, l’impérialisme remettant en général le pouvoir aux mains d’un groupe minoritaire dans la population. C’est par exemple le cas de la minorité Tutsi au Rwanda, ce qui au final a conduit au génocide de 1994.

    Mais hommes et femmes ont également été ligués les uns contre les autres en donnant aux hommes certains droits sur leurs femmes. Le ‘‘code familial’’, par exemple, instituait la règle selon laquelle les femmes devaient obtenir la permission de leur mari pour toutes sortes de choses. La législation du travail a bel et bien été réformée pour que les femmes ne doivent plus aujourd’hui demander l’autorisation de leur mari pour aller travailler mais, selon ce code familial, il est encore toujours prévu qu’une entreprise qui engage une femme à l’insu de son mari doit licencier celle-ci et verser l’indemnisation à son mari. Les femmes sont donc complètement dépendantes de leur mari pour leur subsistance.

    Les conflits – qui remontent tous déjà à l’indépendance du Congo en 1960 – créent une nouvelle division: les hommes abandonnent leur famille pour participer aux conflits (pour bon nombre, par nécessité, la seule alternative étant le chômage) et les viols de femmes sont utilisés comme une arme de guerre. Les femmes violées sont répudiées par leur mari. Tout cela a pour conséquence que les véritables ennemis – les puissances étrangères, les impérialistes et les multinationales – peuvent continuer leur travail de pillage des richesses du Congo sans être inquiétées le moins du monde.

    L’horrible histoire du Congo

    C’est au 15e siècle qu’a commencé le commerce entre l’Afrique centrale et l’Europe, principalement le commerce d’esclaves, qui a ‘‘exporté’’ un grand pourcentage de la population. Cela a marqué le début de la régression et de la pauvreté pour le Congo. Lorsqu’au 19e siècle les Européens ont pour la première fois été explorer par eux-mêmes l’intérieur des terres africaines, les impérialistes tels que le Roi des Belges Léopold II ont procédé au partage de l’Afrique en 1885, lors de la Conférence de Berlin (à laquelle étaient présents 14 pays européens et les Etats-Unis). Lors de ce partage arbitraire de l’Afrique en colonies, il n’a absolument pas été tenu compte des zones tribales préexistantes.

    Le Congo est ainsi devenu propriété personnelle du Roi Léopold II, qui a pu devenir scandaleusement riche sur base du caoutchouc et d’autres richesses naturelles convoitées. On estime que près de 5 millions de Congolais ont péri entre 1885 et 1908 – dans l’extraction du caoutchouc et d’autres matières premières – des suites de maltraitance, de l’exploitation et des maladies. Sous la pression internationale, le Parlement belge a dû reprendre la colonie au Roi Léopold II en 1908. La situation s’est bien très légèrement améliorée, mais n’était de toute façon plus viable à long terme. La population s’est révoltée et a forcé l’indépendance du Congo en 1960. Toutefois, les commandants à la tête de l’armée congolaise étaient toujours belges.

    On commémore en ce moment un peu partout le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Congo. Mais il n’y a aucune raison de se réjouir. Avant 1960, c’était l’impérialisme qui déterminait ce qui se passait au Congo et, après 1960, cela n’a pas changé. Ce ne sera que lorsque le Congo se sera libéré des puissances impérialistes et que les Congolais se seront eux-mêmes appropriés les richesses du pays par la nationalisation des secteurs-clé de l’économie que le pays sera véritablement indépendant.

    C’est l’anti-impérialiste de gauche Lumumba qui est devenu le premier Premier Ministre du Congo. Les autorités coloniales belges et les autres puissances impérialistes occidentales, particulièrement les Etats-Unis, voyaient d’un mauvais œil ce qu’ils considéraient comme une menace. Ils craignaient que Lumumba ne cherche à se rapprocher de l’Union Soviétique. Lumumba a donc été assassiné, dans des circonstances qui n’ont toujours pas clairement été élucidées, ce qui a permis l’arrivée au pouvoir de Mobutu en 1965 via un coup d’Etat et avec l’aide de la CIA. En pleine guerre froide, Mobutu a ainsi établit au Congo la dictature que les puissances impérialistes occidentales ont pu utiliser dans le cadre de la lutte contre le ‘communisme’ dans toute l’Afrique centrale. Ce coup d’Etat a marqué le début d’une guerre civile continuelle, toujours en cours aujourd’hui, qui a eu notamment pour conséquence le niveau de vie misérable que connaît la population congolaise, et les congolaises en particulier.

    La dictature de Mobutu au ‘Zaïre’ – avec son régime de parti unique – a pris fin avec la prise de pouvoir de Laurent-Désiré Kabila en 1997, mais cela n’a hélas signifié aucune amélioration pour la population congolaise. Cet évènement a surtout été l’expression du fait qu’avec la Chute du Mur de Berlin, une dictature n’était plus nécessaire aux yeux des puissances occidentales, puisque la menace d’une alliance avec l’Union Soviétique avait complètement disparu. Du coup, plus rien ne se dressait sur la route de l’impérialisme qui s’est même mis à prôner une forme de démocratie (ambigüe) – et pas seulement au Congo.

    L’espoir qu’un changement puisse se produire avec la prise de pouvoir par Kabila a vite dû être abandonnée. Bien que le Congo soit une des régions les plus riches au monde, pas la moindre de ces richesses ne revient au peuple, qui travaille pourtant très dur afin de les extraire. Cela fait déjà des décennies que les multinationales réussissent à poursuivre l’exploitation des richesses du Congo avec le soutien des régimes installés et soutenues par elles.

    Avec des mesures socialistes, comme la planification démocratique de l’économie afin de développer le pays et la nationalisation des secteurs-clé de l’économie et des mines, la population congolaise pourrait enfin profiter d’une vie stable et de qualité. Ce n’est qu’ainsi que pourront être satisfaits les besoins de la population tels que la paix, de bons soins de santé, un logement, un travail décent,…

    En guise d’éducation politique, Kabila senior avait été formé à l’école de la théorie stalinienne des ‘deux stades’. Selon cette théorie, les pays sous-développés doivent d’abord devenir des pays capitalistes bien développés avant même d’envisager leur transition vers le socialisme. C’est pourquoi Laurent-Désiré Kabila a entamé des négociations avec les investisseurs capitalistes et qu’il a commencé à mener une politique de plus en plus dans la ligne de celle de Mobutu.

    Sans rupture claire avec le capitalisme, il n’est pas possible pour un pays tel que le Congo de se développer autrement que comme une colonie. Dans le cadre du capitalisme, ce sont les intérêts des multinationales qui priment, et ces mêmes multinationales continueront à investir dans des armées rebelles et à soutenir des seigneurs de guerre pour leur permettre l’accès aux précieuses ressources naturelles du pays. Seule une rupture immédiate avec le capitalisme et l’instauration d’une société socialiste au service de la majorité de la population pourra assurer la véritable indépendance du pays ainsi que l’autodétermination des Congolais.

    La désillusion de la population congolaise par rapport à Kabila senior a finalement ouvert la possibilité de le mettre de côté, avec le soutien du Rwanda et de l’Ouganda, en 1998. Cela a constitué le début d’une guerre civile sanglante au cours de laquelle près de 7 millions de victimes sont tombées (surtout dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu). Ici aussi, il était question des richesses naturelles congolaises. Ainsi, plusieurs multinationales ont soutenu différents seigneurs de guerre afin de représenter leurs intérêts. Sur le plan national, l’espérance de vie est passée à 45,8 ans et, au Nord-Kivu, à 43,7 ans. 73% de la population congolaise vit dans la pauvreté. En 2008, plus d’un million de Congolais étaient au chômage. Le Nord-Kivu a en outre été touché par des phénomènes tels que l’utilisation massive d’enfants-soldats et la violence sexuelle. Les Nations-Unies estimaient le nombre de viols à 350 par mois. Selon les sources locales, ce chiffre s’élevait cependant à plus de 800 viols en avril 2008.

    La situation des femmes au Congo

    Parce que beaucoup d’hommes sont impliqués dans ces conflits armés, ont perdu la vie ou se sont enfuis, ce sont les femmes qui, au Congo, forment la base du tissu social. Par leur travail, elles font tourner l’ensemble de la société. Et c’est justement le Congo qui, selon Human Rights Watch, est le pire endroit au monde pour les femmes. Elles sont massivement touchées par les viols, la violence, l’analphabétisme et la misère.

    Selon l’expert en droits de l’homme Yakin Erturk, les atrocités actuelles au Congo vont bien au-delà des viols. Les femmes subissent l’esclavage et sont victimes de viols collectifs, d’incestes forcés (souvent en présence de membres de la famille et de la communauté), de meurtres et de cannibalisme. Marie-Noël Cikuru – fondatrice de l’organisation d’aide aux femmes Vision d’Espoir – explique que le viol au Kivu n’est pas une forme de violence ordinaire des hommes contre les femmes, mais est une arme stratégique afin de détruire le tissu social existant.

    Il y a des villages dans lesquels presque chaque femme a été violée. Les blessures physiques sévères, les cauchemars, les troubles psychosomatiques,… ont pour conséquence qu’énormément de femmes ne peuvent ou ne veulent plus travailler. Souvent, elles sont mises au ban de la communauté et n’ont pas accès à des soins de santé. Pourtant, les coupables ne sont jamais ou rarement punis. Soit les femmes n’osent pas s’adresser a la justice, soit la procédure prend tellement de temps qu’elles abandonnent. Et, évidemment, la condamnation des coupables n’est pas une garantie en soi. Pour éviter que de pareils actes ne se reproduisent à l’avenir, il faut éliminer les causes de ces atrocités.

    L’alternative

    Il est impossible de surmonter cet état d’urgence dans le cadre de ce système – qui en est lui-même responsable. Marie-Noël Cikuru tente avec Vision d’Espoir d’offrir une aide aux femmes des régions montagneuses. Médecins Sans Frontières organise aussi de telles initiatives. C’est évidemment une bonne chose, mais peu de gens sont touchés et il s’agit plus d’une lutte contre les symptômes que d’une solution fondamentale.

    Déjà en 2000, Anne-Marie Mpundu, coordinatrice de la commission électorale indépendante congolaise a Bruxelles, et Marie Bapu, experte en genres pour le programme de développement des Nations Unies (UNDP), avaient déjà placés leurs espoirs dans la résolution 1325 des Nations-Unies au sujet du rôle des femmes, de la guerre et de la paix. Diverses conférences et actions ont été organisées autour de ce thème. Pourtant, cela n’a entraîné aucun changement fondamental. Depuis que le résultat de ses recherches ont été soumis au Conseil pour les Droits de l’Homme en 2007, Yakin Erturk n’a, elle non plus, rien pu changer de fondamental à la situation des femmes au Congo.

    La seule manière de ramener la stabilité au Congo est de rompre avec un système où la soif de profits prime sur les gens et sur leur environnement. Dans une société socialiste, il ne serait pas question de l’occupation de régions, mais de droit à l’autodétermination pour chacun. En outre, chacun devrait avoir accès à l’enseignement, à un logement, aux soins de santé, à un travail décent, à des transports gratuits et décents,… Les horreurs qui se produisent aujourd’hui au Congo seraient impossibles dans une telle société.

    Il faut des organisations ouvrières démocratiques qui surmontent les divisions ethniques et de genre. Les travailleurs, les paysans et les pauvres doivent lutter ensemble contre la maltraitance par les rebelles, par les clans, par les troupes du gouvernement et par les forces étrangères. Seules des mesures socialistes telles que la collectivisation de l’extraction des ressources afin de mettre les richesses à la disposition de l’ensemble de la société peuvent offrir une issue au cauchemar capitaliste qui prend des formes de plus en plus grave au Congo.

    Comme nous l’avons déjà écrit dans l’article La nouvelle alliance pro-impérialiste entre Kabila et Kagamé scellée avec le sang congolais :

    ‘‘Ces guerres et ces exactions sont le résultat de luttes inter-impérialistes. La seule manière de mettre fin à cette situation est de rompre définitivement avec l’impérialisme et le capitalisme. La MONUC, bras armé de l’impérialisme, hors du Congo! Pour un Congo libéré de l’impérialisme et la possibilité pour les congolais diriger leur pays en toute indépendance; indépendance qui passe par la réappropriation des secteurs-clés de l’économie par le peuple congolais! Cette lutte, seules les masses pauvres des villes et des campagnes peuvent la mener. Pour la création d’organisations ouvrière et des masses pauvres des villes et des campagnes. Pour un Congo socialiste dans une Fédération socialiste des Etats d’Afrique centrale incluant le Rwanda et l’Ouganda, seul gage d’une véritable paix juste et durable dans la région!»

    Tant que nous demeurons dans le cadre du capitalisme, aucune amélioration ne pourra être obtenue concernant la situation des femmes. Ni au Congo, ni ailleurs.


    Témoignages

    Yakin Erturk, expert de l’ONU pour les droits de l’homme: «Les atrocités perpétrées par ces groupes armés sont d’une brutalité inimaginable et elles vont bien au-delà du viol […] Les femmes sont violées par des groupes violents, souvent en présence de leurs familles et de la communauté. Dans de nombreux cas, les hommes de la famille, sous la menace d’armes à feu, sont forcés de violer leurs propres filles, mères ou sœurs».

    Selon Yakin Erturk, les femmes sont souvent abattues après avoir été violées, ou leurs organes sexuels sont mutilés au couteau. Les femmes qui ont survécu à des mois d’esclavage racontent que leurs tortionnaires les forçaient à manger leurs excréments ou la chair de leurs proches assassinés.

    Il affirme encore qu’en 2007, 4.500 cas de violence sexuelle ont été enregistrés dans la région, mais que le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé.

    L’hôpital Panzi à Bukavu, près de la frontière rwandaise, reçoit chaque année 3.500 femmes souffrant de fistules et d’autres problèmes génitaux dus aux sévices subis, déclarait Erturk, qui a cité l’exemple d’une fille de 10 ans qui a dû subir une opération d’urgence parce qu’un bâton avait été enfoncé dans son vagin.

    Marie-Noël Cikuru, du centre d’aide Olame, est responsable de la campagne pour les droits des femmes à Bukavu, capitale provinciale. Elle raconte: «Au Kivu, les viols ne sont pas un acte de violence ordinaire des hommes contre les femmes, mais se produisent de manière systématique et intentionnelle, ils sont une véritable arme stratégique. Il y a des villages dans lesquels on ne peut trouver aucune femme qui n’ait été violée. Mais pour nous, la femme est le moteur de la famille. Pouvez-vous vous imaginer ce que cela provoque ? Des centaines d’individus avec des lésions physiques graves, des cauchemars et des troubles psychosomatiques, qui sont exclues, qui ne peuvent plus travailler ? Cela signifie que l’ensemble du tissu social se désagrège.»

  • Le retour de BHV

    Pas de solution définitive sans garantie de droits démocratiques pour tous

    Difficile d’échapper aux discussions sur BHV, même si cela passe totalement au-dessus de la tête de la plupart des gens. Pareil pour le compromis que Dehaene va essayer de sortir de son chapeau. Mais ce dernier est présenté par les médias comme la dernière chance, parce que ‘‘si même Jean-Luc ne sait pas le faire…’’

    par Anja Deschoemacker

    Dehaene est présenté comme l’ultime “homme d’Etat”, comme c’était le cas pour Van Rompuy, aujourd’hui président de l’UE. Après quelques années de querelles communautaires interminables, de chaos et de blocages, ce type de politiciens peut sembler être un soulagement. Mais ce sont précisément ceux qui ont fait des compromis pourris sur compromis pourris, chacun posant les bases de nouvelles discriminations et de nouvelles divisions. Il n’en ira pas autrement aujourd’hui.

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    Ce jeudi, l’Open VLD est sorti du gouvernement et a demandé d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi scindant BHV. A destination de l’édition de mai de Lutte Socialiste, Anja Deschoemacker avait rédigé un article concernant le dossier de BHV. Nous le publions aujourd’hui.
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    Trouver une ‘‘solution’’ est impossible dans le système actuel. La très complexe division du pouvoir entre néerlandophones et francophones n’a pas mis fin à la division, elle l’a juste institutionnalisée. Les partis bourgeois ont depuis toujours instrumentalisé cette division pour diminuer les dépenses sociales, les réformes d’Etat étant presque toujours accompagnées d’austérité.

    Donc, quand la presse affirme que la proposition sur laquelle travaille Dehaene est une ‘‘grande’’ réforme d’Etat avec adaptation de la loi de financement, cela ne doit en aucun cas nous rassurer. Cette réforme d’Etat sera surtout concentrée sur le démantèlement des restes de l’Etat-providence qu’avait imposées des décennies de lutte du mouvement ouvrier. Comme le dit Herman Van Rompuy; les citoyens doivent s’attendre à ‘‘beaucoup de mesures impopulaires’’…

    Nous avons déjà dit et répété qu’aucune solution ne peut reposer sur une pratique antidémocratique et discriminatoire. Nous avons d’ailleurs traité cette question en profondeur dans notre document ‘‘La question nationale en Belgique – une réponse des travailleurs est nécessaire’’ (également disponible en commande à la rédaction). Comment imaginer résoudre une discrimination en la remplaçant par une autre? Nous luttons pour le droit de chacun à travailler et bénéficier de services publics dans sa propre langue. Les législations linguistiques ne peuvent être synonymes d’exclusion. Les chômeurs francophones ne peuvent pas être individuellement pénalisés parce qu’ils ne parlent pas le néerlandais à cause du manque chronique de moyens dans l’enseignement francophone. Apprendre une langue devient maintenant presque impossible avec des classes trop peuplées, trop peu d’enseignants et trop peu de moyens.

    Le responsable de cette situation, c’est le patronat et ses exigences continuelles de transferts de moyens de la collectivité vers le privé: nationalisation des coûts, privatisation des profits. C’est ce mécanisme – inévitable sous le capitalisme et plus encore en temps de crise – qui entraîne la pénurie de moyens qui sanctionne les droits démocratiques tels que celui de bénéficier de services publics ainsi que d’avoir un emploi dans sa propre langue.

    La ‘‘solution’’ de Dehaene ne sera qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Les problèmes et les frustrations vont continuer à pulluler. Les travailleurs et leurs familles ne peuvent pas compter sur Dehaene, encore moins sur les durs à cuire communautaires des deux côtés de la frontière linguistique.

    La seule force capable de s’en prendre à la base du problème, le manque de moyens, c’est la classe des travailleurs. Mais pour ce faire, elle a besoin d’un parti indépendant du patronat, avec un programme qui lutte pour le droit de chacun d’avoir un bon emploi, quelles que soit sa langue ou son origine nationale.

  • Volcans, chaos et nécessité du socialisme

    Et non, nous ne saurons pas contrôler l’éruption des volcans sous le socialisme. Cependant, nous pourrons nous assurer que les effets de pareils évènements ne conduisent pas à la situation chaotique à laquelle nous assistons actuellement en conséquence de l’éruption d’un volcan en Islande.

    Sonja Grusch, Autriche

    Passagère d’un avion et bloquée à Londres, il ne m’a été possible de rentrer chez moi que par mes propres moyens, sans aucune aide de “ma” compagnie. Une chose était très claire à mes yeux: les privatisations et la “compétition” sous le capitalisme mènent à des situations catastrophiques auxquelles des dizaines de milliers de personnes, sinon des centaines de milliers, doivent faire face à travers l’Europe et ailleurs.

    Aucun plan d’aide international

    Comme le système de transport est divisé en systèmes nationaux et même en différentes compagnies, aucun plan d’aide internationale n’a été établi pour aider les passagers. Dans les faits, l’écrasante majorité des gens n’ont pas reçu d’informations de leur compagnie, qu’ils avaient payé bien cher pour avoir leurs tickets. Les gens n’avaient qu’à chercher par eux-mêmes un endroit où dormir et ce qu’il convenait de faire par la suite.

    Dans un système de transports nationalisé, orienté vers les besoins de la population, la situation auraient été prise en main bien plus vite et bien mieux. Les gens auraient été informés de chaque développement et des possibilités alternatives de voyage et de logement. Ils auraient été pris à l’aéroport et emmenés à l’hôtel rapidement. Il aurait aussi été possible d’assurer une liste de priorités pour ceux qui devaient vraiment rentrer le plus vite possible. Mais dans le système capitaliste actuel, ce sont ceux qui se débrouillent plus vite et mieux que les autres, et particulièrement ceux qui ont de l’argent, qui ont trouvé des solutions, les autres étant juste laissés de côté.

    Avec une planification internationale orientée vers les nécessités de la population, et non vers les profits, trains, bus et ferries pourraient être coordonnés bien mieux qu’ils ne le sont actuellement. Des wagons supplémentaires auraient pu être assurés pour que tous les passagers trouvent de la place. Des bus auraient pu conduire les gens dont les vols avaient été annulés dans des endroits où loger jusqu’à leur prochain départ. Une planification internationale pourrait assurer que les besoins arrivent devant les profits. Cela voudrait dire que les passagers et les produits de premières nécessités seraient transportés avant les marchandises non-essentielles. Un système de transport nationalisé signifierait qu’il n’y aurait pas de compagnies privées augmentant subitement les prix pour faire plus de profits et que les passagers seraient pris en charge sans coût supplémentaire.

    Maintenant, dans cette crise, les passagers ont totalement été livrés à leur sort, sans savoir où aller et comment payer leur logement, les trains et le reste.

    L’argent est un gros problème pour beaucoup de monde. Les compagnies aériennes et les assurances feront tout leur possible pour faire porter la charge des coûts supplémentaires sur le dos des passagers.

    Certaines compagnies aériennes ont déjà déclaré qu’elles auront de sérieux problèmes financiers à cause de cette éruption volcanique et qu’il sera nécessaire pour elles de recevoir un soutien des Etats. C’est un autre truc des compagnies capitalistes pour instrumentaliser la situation à leurs seuls bénéfices. La crise des compagnies aériennes n’est pas due à l’éruption, même si elle augmente leurs soucis. Les compagnies aériennes souffrent de la crise économique générale.

    Pour les travailleurs, il n’est pas seulement question d’argent à débourser en plus. La crise des transports aériens va conduire à une nouvelle vague d’attaques sur les salaries et les conditions de travail du personnel aérien ainsi qu’à une augmentation des prix dans la période à venir. Cela ne doit pas être accepté, les syndicats doivent combattre ces attaques.

    Cette situation chaotique doit être prise en main par les syndicats et les militants réellement socialistes partout en Europe. Il faut demander l’arrêt des privatisations, mais pas seulement. Il faut défendre la nécessité de nationaliser les transports et d’élaborer un plan international de transport. Nous avons besoin d’une autre société, une société socialiste où les besoins de la population sont centraux.

  • Seule paie la résistance! Meeting ce samedi 24 avril à 19h au week-end Socialisme 2010

    C’est le weekend prochain que se déroulera l’évènement annuel de discussion et de formation public "Socialisme 2010". Au cours de ces deux journées, le meeting central du samedi soir est particulièrement attendu, avec des orateurs de Belgique et de l’étranger. Nous allons donner la parole à Levi Sollie, délégué FGTB à Bayer/Lanxess ainsi qu’à des orateurs venus de Grèce et d’Angleterre. Enfin, Stephane Delcros, de la direction nationale du PSL, fera une conclusion du meeting.

    Avec:

    • Levi Sollie (délégué FGTB-Bayer)
    • Greg Maughan (responsable du travail syndical du Socialist Party – Angleterre et pays de Galles)
    • Dimitris Pantazopoulos (membre de la commission syndicale de Syriza – Grèce)
    • Stéphane Delcros (Bureau Exécutif du PSL)

    En Belgique

    Fin de l’an dernier, la direction du géant de la chimie Bayer a tenté d’allonger le temps de travail jusqu’à 35h25 par semaine, de geler les salaires pendant 4 ans et de passer de 5 équipes à 4. Les délégations syndicales ne voulaient pas une minute de travail en plus et pas un centime de moins. Pourtant, dans beaucoup d’autres entreprises, on rêverait d’avoir une semaine de 35 heures ou des salaires équivalents à ceux pratiqués dans la chimie, qui sont parmi les meilleurs. Mais travailler plus longtemps détruirait des emplois et, malgré des salaires convenables, le site réalise chaque année de belles recettes.

    La direction de Bayer avait reçu le soutien du patronat de la chimie, de la presse et du gouvernement flamand. “Assainir ou fermer” titrait d’ailleur la Gazet van Antwerpen pendant que les patrons et le gouvernement flamand sortaient des déclarations concernant l’attitude ‘‘irresponsable’’ des syndicats.

    Sur le lieu de travail, les délégations syndicales ont minutieusement expliqué la proposition du patron. Ils ont pu compter sur un soutien quasi total, y compris de la part des collègues allemands. Dans les autres entreprises de la chimie, le dossier était suivi de près car on savait que les mesures passées à Bayer leur tomberaient également dessus. Une déclaration commune a donc été publiée, qui explique qu’aucun syndicat de la chimie d’Anvers ne signerait un accord comprenant l’allongement du temps de travail ou une réduction des salaires.

    Finalement, la direction a bien dû réaliser qu’une confrontation pourrait durer longtemps et que le résultat pourrait bien être en sa défaveur. Elle a donc retiré son plan et promis un nouveau dans lequel les salaires et le temps de travail resteraient intacts. Levi Sollie, qui prendra la parole lors de ce meeting à Socialisme 2010, était un acteur-clé de ce conflit.

    Avant cela, les syndicats ouvriers d’Agfa, à Mortsel (Anvers) avaient arraché un résultat similaire et, un peu après Bayer, le plan d’assainissement prévu à InBev a été balayé par une résistance acharnée. Plus récemment, à Techspace Aero (Herstal, en région liégeoise), les ouvriers ont notamment obtenu un prolongement de la convention sur les prépensions et le recrutement de jeunes avec un contrat à durée indéterminée. L’appel à un huissier contre le piquet n’a pas pu changer la donne, comme les travailleurs serraient les rangs.

    A la chocolaterie Godiva, à Koekelberg, le conflit a pris une envergure similaire, avec un lock-out patronal, jusqu’au moment où les politiciens s’en sont mêlés. La prépension à 52 ans avec 80% du salaire a été accordée, mais l’emballage sera dorénavant sous-traité et 75 emplois vont disparaître. Le projet d’accord à Opel prévoit des primes de départ qui peuvent atteindre les 144.000 euros brut. De tels plans sont évidemment préférables à un départ les mains vides mais, lorsque les patrons et les politiciens élaborent un plan social, ce sont toujours les travailleurs qui le payent, directement où à travers leurs cotisations sociales.

    En Angleterre

    Dans les pays voisins aussi, nous constatons une augmentation du nombre de conflits combatifs comme, en Angleterre, à Lindsey Oil Refinary, Visteon, Linamar et Vestas. Mais de plus en plus, on parle également d’entreprises qui ont un impact national comme British Airways et des services publics tels que la Royal Post. C’est particulièrement important car on ne peut gagner entreprise par entreprise, mais seulement par l’extension et la généralisation de la lutte. Une grève des services publics à un effet national palpable, plus encore que dans le privé.

    En Angleterre, les syndicats sont toujours la première source de financement du New Labour, la parti travailliste qui est l’équivalent local du PS de Di Rupo. Mais treize années de majorité absolue n’ont pas suffit pour retirer les lois antisyndicales de Thatcher. Le New Labour au pouvoir n’a pas fait de l’Angleterre une exception pour la politique néolibérale, que du contraire, ce pays en a même été le précurseur.

    Le lien entretenu avec les syndicats a été surtout été utilisé pour étouffer les luttes. Des délégations combatives et des centrales syndicales dont le syndicat des transports, le RMT, remettent de plus en plus en question les fonds accordés pour soutenir les travaillistes. Aux prochaines élections, il y aura d’ailleurs une coalition de syndicalistes et de socialistes qui présente une trentaine de candidats, indépendamment du New Labour. Sur le plan électoral, ils ne s’attendent pas à une percée comme beaucoup d’électeurs choisiront finalement le New Labour pour éviter une majorité des conservateurs. Mais qu’importe la composition du prochain gouvernement (Labour, conservateurs ou une combinaison d’un des deux avec les libéraux-démocrates), il imposera un plan d’assainissements drastique.

    La coalition de syndicalistes et de socialistes veut se préparer à cette situation en profitant de cette participation électorale. A Socialisme 2010, Greg Maughan, responsable syndical du Socialist Party (notre parti-frère en Angleterre et Pays de Galles), parlera de la remonté des luttes et de l’initiative des syndicalistes et des socialistes.

    En Grèce

    Ceux qui pensent que la crise du capitalisme serait l’opportunité que la social-démocratie utiliserait pour appliquer un virage à gauche n’a qu’à observer ce qui se passe pour l’instant en Grèce. Depuis que George Papandreou, le dirigeant du PASOK (Mouvement Panhéllenique Socialiste, équivalent local du PS), tente de ramener le déficit budgétaire de la Grèce à 8%, sous les auspices du Conseil Européen et du Fonds Monétaire International, trois grèves générales ont eu lieu en réaction.

    Avant cela déjà, en Grèce, un nouveau parti de fauche a été crée sur base du mécontentement ressenti face à la politique de droite du PASOK : Syriza. Cette nouvelle formation est une coalition d’anciens membres du PASOK, d’eurocommunistes, de maoïstes, d’écologistes, de trotskistes, etc. Chaque groupe a le droit de préserver son identité propre et les décisions sont prises de façon consensuelle. L’existence d’un tel parti n’augmente pas seulement la pression sur la sociale démocratie, mais est également un stimulant pour la lutte. Dimitris Pantazopoulos est membre de la commission syndicale de Syriza, il expliquera comment et avec quel programme Syriza intervient dans la lutte contre le plan d’assainissements drastiques du premier ministre Papandreou.

    Comme tous les nouveaux partis de gauche, Syriza aussi connait des succès mitigés, dépendant du fait d’être vu comme parti de lutte ou simplement comme la tantième machine électorale prête à rentrer en coalition dès que l’occasion sera présente.

    Pour la lutte, la solidarité et le socialisme !

    Finalement, Stéphane Delcros, du Bureau Exécutif du PSL, abordera plus largement que les délégations syndicales doivent organiser la résistance contre les tentatives de faire payer la crise aux travailleurs, mais qu’elles ont une main liée au dos sans parti des travailleurs indépendant de la bourgeoisie. Il parlera également du rôle du PSL dans ce processus et de la double nécessité de construire un parti large et de construire en même temps un parti de lutte socialiste et marxiste. Stéphane lancera aussi un appel de soutien au PSL.

  • Vers une nouvelle offensive contre nos pensions ?

    En ce moment, l’une des principales discussions est sans nul doute le débat sur l’avenir de nos pensions. Les pensions légales belges sont actuellement parmi les plus basses d’Europe, mais cela n’empêche pas les partis traditionnels et les médias de dire que les pensions ne seront plus payables sans réforme sérieuse. Un plus petit nombre de travailleurs devant payer pour un groupe plus important de pensionnés, nous devons donc travailler plus longtemps. Presque tous les partis traditionnels se rangent derrière ce raisonnement.

    par Karel (Bruges), article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste

    Cette propagande vise à progressivement mettre un terme au régime des pensions. En 2005, Gilbert De Swert (du Service d’Etude de la CSC) avait écrit un livre remarquable appelé «50 mensonges sur la fin de carrière» dans lequel il disait notamment que s’il y a plus de personnes âgées, il y a également moins de jeunes. «La plupart des ‘experts’ ne voient que le coût du vieillissement, ignorant l’économie provenant du moindre rajeunissement. Peu d’experts combinent addition et soustraction.» Mais lui, oui: «En 1970, un actif (20-60 ans) correspondait exactement à un non-actif: 62 jeunes et 32 seniors pour 100 actifs. En 2030, ce rapport serait peu différent: 100 actifs pour 43 jeunes et 62 seniors. Où le problème du vieillissement se pose-t-il encore?»

    Le CD&V sonne la charge contre nos pensions

    En mars, Yves Leterme a lancé un ballon d’essai avec sa proposition destinée à indéfiniment permettre de gagner un revenu supplémentaire après la pension. Les sociaux-chrétiens flamands du CD&V ont proposé d’abolir l’âge de la pension et de le remplacer par un système équivalent à 45 années de travail l’obtention d’une pension complète. Dans l’écrasante majorité des cas, cela signifie soit une augmentation de l’âge de la pension, soit une diminution des allocations de pension. Du côté des libéraux flamands, il est question de supprimer la prépension, de limiter les allocations de chômage dans le temps et de décourager les travailleurs à prendre un crédit-temps (en ne le comptant plus dans le calcul du droit à la pension). Le PS et le SP.a proposent eux de diminuer les charges salariales dans l’espoir de garder plus de gens plus longtemps au travail, en échange d’un financement alternatif de la sécurité sociale sous la forme, notamment, d’un impôt sur les fortunes et d’une «taxation verte». Les libéraux flamands, indignés, ont fait valoir qu’ils étaient bien entendu partisans des diminutions de charges, mais opposés à une augmentation des impôts, même si la somme obtenue serait largement utilisée pour faire baisser les charges.

    Les pensions sont payables

    En Belgique, comme ailleurs en Europe, ces deux dernières décennies ont été marquées par des assainissements – sous la pression du patronat – sur le salaire brut (ou le salaire différé) des travailleurs. Et maintenant, nous devons une fois de plus payer la facture en travaillant plus longtemps! Sans les milliards annuels de cadeaux au patronat sous forme de diminutions de charges, jamais il n’y aurait eu de problème avec les pensions.

    La discussion ne porte pas sur le payement des pensions. La question fondamentale concerne la manière d’utiliser et de répartir dans la société la richesse produite par les travailleurs. Cette richesse doit-elle être utilisée pour financer la sécurité sociale et pour avoir des pensions légales d’un bon niveau? Ou doit-elle être réservée à l’augmentation des dividendes des actionnaires?

    Enfin, notons l’hypocrisie particulièrement crasse du patronat qui d’un côté répète sans cesse que nous devons travailler plus longtemps tout en licenciant à tour de bras de l’autre, souvent dans le seul but de maximaliser les profits à court terme.

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