Category: Europe

  • Résistance antifasciste massive à Cologne – Reportage-photo

    Hier, une manifestation de l’extrême-droite a connu un fiasco énorme. Le groupuscule Pro Köln avait organisé un congrès anti-islam avec, entre autres, le Vlaams Belang. Mais il y avait tellement de manifestants qu’il n’a pas été possible pour eux de faire quoi que ce soit. Parmi les 30 à 40.000 manifestants se trouvait une délégation de nos campagnes antifascistes Résistance Internationale et Blokbuster. Voici quelques photos.

    Tim, MAS-Bruxelles


    DOSSIER:

    ISLAM & SOCIALISME


    CALENDRIER de nos campagnes:

    • De la colère à l’action organisée: Résistance Internationale!
    • 20 septembre: Manifestation contre un Congrès anti-islam organisé avec la participation du Vlaams Belang
    • 4 octobre: Action contre la conférence du Front National à Molenbeek (BXL)
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Soutenez notre travail, faites un don au MAS/LSP !

    Versez votre don ou un soutien mensuel (par ordre permanent bancaire) sur le compte n° 001-2260393-78 avec la communication « don ».

    Pour toute information supplémentaire, n’hésitez pas à nous contacter : info@socialisme.be ou finances@lsp-mas.be.
    [/box]


    Liens:

  • Résistance antifasciste massive à Cologne – Reportage-photo 2

    Reportage-photo 2

    Conny Dahmen, SAV-Cologne (CIO-Allemagne)


    DOSSIER:

    ISLAM & SOCIALISME


    CALENDRIER de nos campagnes:

    • De la colère à l’action organisée: Résistance Internationale!
    • 20 septembre: Manifestation contre un Congrès anti-islam organisé avec la participation du Vlaams Belang
    • 4 octobre: Action contre la conférence du Front National à Molenbeek (BXL)
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Soutenez notre travail, faites un don au MAS/LSP !

    Versez votre don ou un soutien mensuel (par ordre permanent bancaire) sur le compte n° 001-2260393-78 avec la communication « don ».

    Pour toute information supplémentaire, n’hésitez pas à nous contacter : info@socialisme.be ou finances@lsp-mas.be.
    [/box]


    Liens:

  • Résistance antifasciste massive à Cologne – Reportage-photo 3

    Reportage-photo 3

    Stephan, Mas-Gand


    DOSSIER:

    ISLAM & SOCIALISME


    CALENDRIER de nos campagnes:

    • De la colère à l’action organisée: Résistance Internationale!
    • 20 septembre: Manifestation contre un Congrès anti-islam organisé avec la participation du Vlaams Belang
    • 4 octobre: Action contre la conférence du Front National à Molenbeek (BXL)
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Soutenez notre travail, faites un don au MAS/LSP !

    Versez votre don ou un soutien mensuel (par ordre permanent bancaire) sur le compte n° 001-2260393-78 avec la communication « don ».

    Pour toute information supplémentaire, n’hésitez pas à nous contacter : info@socialisme.be ou finances@lsp-mas.be.
    [/box]


    Liens:

  • Les antifascistes bloquent le Congrès anti-islam

    Cologne : la mobilisation de l’extrême-droite est tombée à l’eau

    Durant le week-end du 19 au 21 septembre, Pro Köln, un groupe néofasciste allemand actif à Cologne, a essayé d’organiser un congrès anti-islam en collaboration avec d’autres partis d’extrême-droite dont le Vlaams Belang. Des militants néofascistes sont venus de toute l’Europe mais les 300 participants n’ont rien pu faire. Les contre-actions massives ont bloqué toutes les activités de Pro Köln.

    Rapport de Benoit, MAS-Gand

    Le congrès raciste voulait commencer ses activités le vendredi soir avec une ballade en bateau durant laquelle Pro Köln avait prévu des arrêts pour aller visiter des quartiers immigrés. Mais aucun débarquement n’a été possible à cause des actions menées par les antifascistes. L’extrême-droite est restée enfermée 5 heures sur son bateau.

    Une délégation de 80 militants de Résistance Internationale et de Blokbuster est partie le vendredi soir vers Cologne à partir de Gand, d’Anvers, de Bruxelles, de Louvain et de Liège. Nous sommes arrivés autour de minuit à l’endroit où nous devions loger à Cologne mais nous avons été arrêtés par la police. Chaque minibus a été fouillé entièrement. Rien n’a été trouvé, mais notre nuit a été raccourcie de quelques heures.

    Cent fois plus d’antifascistes…

    Le point d’orgue du congrès de Pro Köln devait se dérouler le samedi. Ils espéraient une présence de 1.500 personnes et des orateurs internationaux tels que Jean-Marie Le Pen, Filip Dewinter et HC Strache (du FPÖ autrichien). Le Pen s’est décommandé en déclarant que les organisateurs étaient des menteurs et qu’il ne s’était jamais engagé à venir participer au congrès. Strache a annulé en raison des élections en Autriche et le Vlaams Belang n’a pas été en mesure de fournir les 500 participants promis. Au total, selon les médias allemands, il n’y avait que 300 néofascistes.

    Nous avons voulu participer aux barrages non-violents à l’endroit où devait se tenir le congrès. Aux environs de 6h30, nous avons toutefois été stoppés à notre point de départ par la police. Malgré des promesses à répétition selon lesquelles nous allions bientôt partir, cela a duré jusqu’à 10h30.

    Nous avons participé à une action de blocage avec les jeunes de Die Linke et les jeunes des syndicats. Les différents blocages ont assuré que seul un petit groupe de néonazis a pu aller jusqu’au podium… pour le démonter et remballer rapidement leur matériel de propagande. Partout dans la ville il y avait des antifascistes, entre 30 et 40.000, dont beaucoup d’habitants de la région. Environ 20.000 personnes ont participé aux blocages pendant que les autres manifestaient dans la ville. Le Vlaams Belang n’a pas pu aller jusqu’au lieu de rassemblement, Filip Dewinter a été obligé de ce fait de tenir un meeting improvisé à l’aéroport.

    Construire sur ce succès

    Le bilan de ce weekend est excellent. L’extrême-droite a été humiliée. La force de la mobilisation antifasciste est venue de son caractère local et massif.

    Avec notre délégation combative, nous avons voulu expliquer que la lutte contre le racisme doit être liée à la lutte pour une alternative au système capitaliste. Car, aussi longtemps que les partis traditionnels mèneront une politique qui conduit à l’appauvrissement de la population, l’extrême-droite aura des possibilités pour se développer. En Allemagne, le développement électoral de l’extrême-droite a été bloqué par l’essor de Die Linke. Mais si cette nouvelle formation ne réussit pas à offrir une véritable alternative, l’extrême-droite pourra de nouveau progresser. Die Linke a participé aux actions antifascistes mais a été peu visible malgré les 800 membres qu’elle compte à Cologne.

    Notre délégation a montré notre solidarité internationale et a renforcé le travail de notre organisation-sœur (le SAV), aussi bien au sein de Die Linke que vers les couches plus larges. Le SAV va se servir du succès de cette mobilisation pour essayer, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de Die Linke, de transformer le soutien passif pour cette nouvelle formation en un engagement actif dans les mouvements de lutte.


    Mobilisations contre le Congrès anti-Islam:


    CALENDRIER de nos campagnes:

      [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

      Soutenez notre travail, faites un don au MAS/LSP !

      Versez votre don ou un soutien mensuel (par ordre permanent bancaire) sur le compte n° 001-2260393-78 avec la communication « don ».

      Pour toute information supplémentaire, n’hésitez pas à nous contacter : info@socialisme.be ou finances@lsp-mas.be.
      [/box]

    • 4 octobre: Action contre la conférence du Front National à Molenbeek (BXL). RDV à 13h à "Etangs Noirs"
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes


    Liens:

  • 20 ans après le meurtre de trois volontaires de l’IRA par les SAS

    De la répression de l’Etat britannique, du terrorisme et du mouvement ouvrier

    20 ans après le meurtre de trois volontaires de l’IRA par les SAS

    Vingt ans ont maintenant passé depuis le meurtre à Gibraltar de trois membres de l’IRA (Irish Republican Army – Armée Républicaine Irlandaise, groupe paramilitaire indépendantiste) par les SAS (Special Air Service – Service Spécial Aérien, forces d’élite britanniques, notamment utilisées dans la lutte antiterroriste). En Irlande du Nord, ces morts avaient été le détonateur d’une nouvelle explosion de violence, brève mais particulièrement sanglante. Au cours des treize jours qui ont suivit, huit personnes ont perdu la vie et soixante-huit autres ont été blessées à travers toute une série d’attaques impliquant l’armée, l’IRA, et les milices loyalistes.

    Peter Hadden, Socialist Party (CIO-Irlande), Belfast, 7 avril 2008

    C’est surtout de deux de ces incidents que se rappelleront le plus vivement ceux qui ont connu ces événements, même si ce n’est que parce qu’ils ont eu la chance d’être pris en direct par les caméras qui se trouvaient sur place.

    L’un de ces incidents était l’attaque d’un fusilier loyaliste, Micahel Stone, contre la foule rassemblée aux funérailles des victimes de Gibraltar, qui a fait trois morts et de nombreux blessés. Les images diffusées à plusieurs reprises dans les nouvelles du jour montraient Stone fuyant à travers le cimetière Milltown de Belfast-Ouest en direction de l’autoroute M1, tentant de distancer la foule enragée lancée à sa poursuite en les arrosant de tirs de pistolet et de grenades, fournissant par là-même une illustration frappante de la brutale réalité qui était celle des « Troubles » en Irlande du Nord.

    Il y a aussi eu le film réalisé trois jours plus tard sur la Route d’Andersonstown, aux funérailles d’une des victimes de Stone à Milltown. Cette vidéo montrait deux soldats anglais en civil qui avaient brutalement foncé avec leur voiture dans le cortège funèbre et s’étaient fait tirer hors de leurs véhicule par la foule, l’un d’entre eux brandissant un fusil. Peu après cela, ils ont été remis à l’IRA qui les a conduits dans une décharge derrière des magasins du coin avant de les abattre.

    Aujourd’hui, vingt ans plus tard, le Sinn Féin (« Nous-mêmes », le principal parti indépendantiste, lié à l’IRA) est en train de faire de gros efforts pour organiser toute une série de grands événements afin de commémorer les victimes de Gibraltar. Il y a eu des assemblées et un grand meeting public à Belfast-Ouest. Une brochure spéciale de douze pages retraçant l’histoire de Gibraltar et ses conséquences sanglantes a été produit et distribué en porte-à-porte dans les zones catholiques de la ville.

    La controverse publique s’est rapidement développée au sujet de ces commémorations, surtout au sujet de la proposition d’organiser, dans la Longue Gallerie du Parlement à Stormont, une célébration de la vie de Mairéad Farrell – une des trois personnes abattues par les SAS à Gibraltar. Ce débat a, comme il fallait s’y attendre, produit une réaction immédiate de la part du Parti Démocrate Unioniste (DUP), qui a annoncé fort logiquement qu’il allait organiser un événement, au même endroit et au même moment, afin de commémorer le rôle des SAS dans cette affaire. Au final, aucun des partis n’a obtenu l’autorisation de faire quoi que ce soit – un nouveau règlement a été voté en toute hâte pour rendre la location de la Longue Gallerie plus difficile – et le Sinn Féin s’est donc rabattu sur un petit meeting consacré à la vie de Mairéad Farrell dans leurs propres bureaux, à Stormont.

    Réveiller le passé

    Pour le Sinn Féin comme pour le DUP, tout ce battage autour de vieilles rancœurs, aussi sectaire que rituel, a en fait bien plus à voir avec les événements qui se déroulent maintenant qu’avec ce qui s’est passé vingt ans plus tôt. Les partis sectaires d’Irlande du Nord ont toujours suivi cette simple règle : à chaque fois que quelque chose ne va pas, on ressort les vieilles histoires.

    Et effectivement, le Sinn Féin comme le DUP s’attendent à ce que les choses n’aillent pas si bien dans le futur proche. Tout au long des dernières décennies, ces deux partis ont représenté les deux pôles extrêmes opposés sur l’échelle de la politique sectaire. Et maintenant, ils participent ensemble au gouvernement. Pour un nombre croissant des partisans de ces deux partis, la relation entre leurs dirigeants et ces ex-ennemis jurés qu’ils injuriaient autrefois publiquement, est devenue bien trop amicale ces derniers temps, et ce sans qu’ils en aient retiré quoi que ce soit de concret.

    L’Exécutif de coalition, mis en place il y a tout juste un an, n’a fait que continuer la politique précédente des Ministres du New Labour : la bonne vieille recette pro-big business, mais avec une petite pincée en plus de népotisme et de corruption.

    Les Ministres Sinn Féin et DUP ne sont visiblement pas très à leur aise lorsque l’on mentionne avec eux des enjeux tels que les privatisations, les coupures budgétaires dans l’éducation, les soins de santé et, bien entendu, la compagnie des eaux. Il est évident qu’ils préfèrent rester en terrain connu, dans le domaine des attaques sectaires qui leur sont bien plus familières. Ces deux partis seraient bien contents de pouvoir se chamailler toute la journée afin de savoir qui l’on doit commémorer, des glorieux martyrs de l’IRA ou des vaillants soldats SAS, sachant que sur cette question ils sont sur leur terrain, avec une base solide parmi la population pour les soutenir. Ils se tournent délibérément vers de telles « problématiques » afin de lancer de la poudre aux yeux des travailleurs pour détourner l’attention de ce qu’ils sont réellement en train de faire au gouvernement. Ces partis sont eux-mêmes bien rôdés en ce qui concerne l’usage de la vieille tactique de l’impérialisme : diviser pour régner.

    Et quand ils se réfèrent au passé, c’est toujours leur version de l’histoire qui est présentée. A tous les coups, c’est une version à une seule facette : l’image tronquée qui apparaît lorsqu’on observe tout à travers le prisme du sectarisme. Ainsi, aucun de ces partis ne peut nous raconter ce qui s’est réellement passé à Gibraltar et après.

    Un récit à une seule facette

    Dans la période qui a directement suivi la tuerie de Gibraltar, le gouvernement Thatcher et ses chefs de la sécurité avait délibérément publié un nuage de mensonges pour tenter de couvrir ce qui s’était réellement passé. La presse britannique a régurgité ce tissu de mensonges de la manière la plus fidèle et non-critique qui soit. Le journal télévisé et la presse racontaient la même histoire : les trois victimes, Sean Savage, Dan McCann et Mairéad Farrell, avaient été tuées par la police de Gibraltar après qu’ils y aient implanté une énorme bombe ; le trio était armé, avait ignoré les avertissements qui leur avaient été donnés et des tirs avaient été échangés jusqu’à la mort des trois terroristes. L’armée était ensuite intervenue pour désamorcer la bombe.

    La brochure commémorative du Sinn Féin réfute correctement cette version de l’histoire dans sa totalité. Au lieu de cela, ils disent que :

    « Toute cette histoire n’est que mensonges. La vérité est que :

    • Les Britanniques ont suivi le moindre mouvement des trois volontaires dès leur traversée de la frontière espagnole avec Gibraltar.
    • Il n’y avait pas de bombe
    • Il n’y a pas eu d’échange de coups de feu
    • Le trio n’était pas armé
    • Ce n’est pas la police de Gibraltar qui est intervenue, mais bel et bien les SAS. »

    La brochure reprend également une déclaration que l’IRA avait faite à l’époque : « les principes militaires du gouvernement britannique incluent l’exécution de volontaires désarmés. »

    Les autres articles dans cette brochure continuent avec le récit des violences qui ont suivi Gibraltar – les tentatives de la RUC (Royal Ulster Constabulary – la police nord-irlandaise, maintenant rebatpisée PSNI – Police Service of Northern Ireland), à peine une semaine plus tard, de détourner de force les corbillards transportant les restes des trois victimes à Belfast-Ouest, de sorte à ce qu’ils ne parviennent pas à la foule qui attendait ; le meurtre, la même nuit, d’un volontaire de l’IRA, Kevin McCracken, tandis qu’il se préparait lui-même à ouvrir le feu sur des soldats dans le quartier de Turf Lodge, où avait vécu Sean Savage ; l’attaque de Michael Stone à Milltown, deux jours plus tard ; et, enfin, l’exécution des deux soldats « sous couverture » qui avaient foncé avec leur voiture dans la procession funéraire de Kevin Brandy, une des victimes de Milltown.

    Toute cette version de la part du Sinn Féin est totalement véridique… mais ne raconte pas tout. Le seul but recherché avec cette publication était de rappeler aux gens dans les bastions du Sinn Féin, tels que Belfast-Ouest, toute la répression qu’ils subissaient aux mains de l’armée, de la RUC et des loyalistes, et ceci afin de renforcer l’autorité vacillante de leur parti, en réaffirmant les sacrifices faits par les républicains dans leur résistance face à l’oppression. Tout élément qui ne rentre pas parfaitement dans ce scénario est tout bonnement ignoré. Ce qui en ressort, est un tableau inachevé, unilatéral, présenté sans aucune tentative d’analyser ce qu’il s’est passé ni d’en tirer quelque leçon.

    « Shoot to kill »

    Ceux qui sont incapables de tirer les leçons du passé, surtout lorsqu’il s’agit d’erreurs passées et d’actions qui n’eurent pas l’effet escompté, sont d’office condamnés par l’Histoire à répéter les mêmes erreurs. Gibraltar et ses conséquences sanglantes ont été une version condensée des « Troubles », riche en leçons. Deux décennies plus tard, il est important que la nouvelle génération, se tenant sur le seuil d’une nouvelle vague d’importants bouleversements sociaux, puisse passer au-dessus de cette version unilatérale de l’Histoire que nous fournit le Sinn Féin – ainsi que les autres forces sectaires – et se basent sur la compréhension la plus complète d’événements aussi importants que celui-ci.

    Avant toute chose, Gibraltar a exposé la nature impitoyable de la classe dirigeante britannique. Gibraltar a arraché le voile démocratique tendu sur l’establishment britannique pour nous donner un aperçu des méthodes que ces gens sont préparés à employer afin de protéger leurs intérêts.

    Pendant les années ‘80, le gouvernement Thatcher a adopté une politique consciente de « tirer pour tuer », utilisant en Irlande du Nord les SAS et des unités de police spécialement entraînées afin d’éliminer systématiquement tous les membres de l’IRA et des autres groupes républicains. Dix mois avant Gibraltar, un petit village du Conté d’Armagh était le témoin d’un exemple cinglant de cette cruauté militaire. Une embuscade tendue par les SAS y extermina une unité de l’IRA qui se préparait à attaquer le commissariat de Loughgall. Huit membres de l’unité furent abattus tandis qu’ils descendaient de leur camionnette pour plonger dans un barrage de tirs de fusils. Un automobiliste de passage, qui avait le malheur de suivre le combi de l’IRA d’un peu trop près, fut lui aussi pris dans le nuage des balles des SAS et tué.

    Ce sont exactement les mêmes méthodes qui ont été mises en œuvre à Gibraltar. Les intentions des trois membres de l’IRA étaient bien connues des polices espagnole et britannique qui, depuis des mois déjà, avaient enregistré leurs moindres faits et gestes. Les services de renseignement de l’Etat savaient également qu’aucune attaque n’avait été planifiée par l’IRA le jour de la fusillade ; leur objectif était la cérémonie du changement de garde devant les bureaux du Gouverneur, deux jours plus tard, le huit mars.

    Le but recherché, en envoyant une unité spéciale des SAS expédiée par avion juste à temps pour l’attaque et rapatriée par avion immédiatement après, n’était pas d’empêcher l’attaque – ce qui aurait pu être fait par la police de Gibraltar ou la police espagnole – et n’était certainement pas non plus d’arrêter qui que ce soit. L’objectif était simplement de s’assurer que Mairéad Farrell, Dan McCann et Sean Savage ne quitteraient pas Gibraltar vivants. Les ordres des SAS furent signés par les plus hauts étages du gouvernement Tory. Thatcher elle-même était parfaitement au courant de toute l’opération, et n’hésita pas à la moindre seconde à mettre de côté toutes les politesses démocratiques.

    Désinformation britannique

    L’histoire, nulle doute concoctée à l’avance, immédiatement diffusée via les médias par le gouvernement Tory était un véritable chef-d’œuvre de désinformation qui n’avait absolument aucun lien avec ce qui s’était réellement passé. C’était une pure invention qui n’aurait pu tenir très longtemps – même Thatcher ne pouvait plus maintenir l’idée qu’une bombe avait été enclenchée puis désamorcée lorsqu’il devint clair qu’il n’y avait aucune bombe dans la voiture que Sean Savage venait de garer avant d’être tué.

    Par conséquent, de nouveaux mensonges sont arrivés pour raccommoder les trous qui commençaient à apparaître dans la première version de l’histoire. Les SAS, dirent-ils, avaient ouvert le feu parce qu’ils « pensaient qu’il y avait une bombe », et parce que leurs trois victimes avaient eu des gestes « menaçants lorsqu’ils furent interpelés », ce qui les avait fait croire qu’ils tentaient d’enclencher la bombe au moyen d’une télécommande.

    D’une manière plutôt inhabituelle pour une force aussi secrète, les membres des SAS ont témoigné lors de l’enquête, cachés derrière des écrans pour garder leur identité secrète tandis qu’ils répondaient aux questions. Un des membres de l’escouade SAS expliqua ainsi qu’il avait vu Sean Savage parquer la voiture, qui, supposait-il, contenait une bombe. Savage rejoignit alors les deux autres membres de l’IRA, et ils se dirigèrent vers la frontière espagnole. Ce membre des SAS affirma qu’il avait alors inspecté la voiture mais n’avait pas pu s’assurer qu’elle ne contenait aucune bombe.

    Mais si la version des SAS avait été véridique et qu’ils s’étaient réellement souciés de savoir si oui ou non il se trouvait dans la voiture une bombe qui aurait pu être enclenchée à distance, la première chose qu’ils auraient dû faire aurait été d’installer des barrages de sécurité autour de la zone contenant la voiture. Rien de tel ne fut entrepris, et aucune explication n’a été donnée pour expliquer cette erreur.

    La seule conclusion qui peut être tirée est que les SAS savaient qu’il n’y avait pas de bombe et, de toutes manières, savaient que les trois membres de l’IRA n’auraient pas utilisé une télécommande pour déclencher un tel attentat. L’usage d’une télécommande aurait effectivement impliqué qu’ils auraient dû rester à Gibraltar pour déclencher l’explosion, sachant fort bien que la frontière aurait été immédiatement fermée, ce qui aurait signifié une capture quasi-certaine.

    Les comptes-rendus donnés par les quelques témoins oculaires de l’évènement ont confirmé ceci. Selon leur témoignage, il n’y eut aucun avertissement, aucun geste menaçant : juste une averse de balles délivrée par les pistolets automatiques des SAS. Un de ces témoins a vu Sean Savage, déjà à terre, avec un des SAS lui tirant des balles dans sa tête à bout portant.

    Les expertises scientifiques et médicales ont confirmé ces témoignages. Les trois corps avaient été touchés à vingt-sept reprises, au niveau du corps, puis de la tête, une exécution conduite de manière extrêmement professionnelle. Sean Savage avait été touché seize fois, dont quatre balles dans la tête. Même le pathologiste d’Etat, le Professeur Alan Watson, a décrit cette attaque comme « un acte de sauvagerie incontrôlée ».

    La seule raison qui faisait que l’Etat pouvait utiliser de telles méthodes en toute impunité, était le fait que la plupart des gens étaient prêts à simplement hausser les épaules tant que les victimes étaient de l’IRA ou d’autres groupes terroristes du même genre. Ce n’est là qu’un des nombreux exemples de situations où les méthodes du terrorisme individuel, tel que pratiqué par l’IRA entre autres, ont joué en dernier recours un rôle réactionnaire.

    Terrorisme individuel

    Le terrorisme individuel, tel que les récents phénomènes de terrorisme de masse pratiqués par des groupes comme Al Qaeda, désoriente la classe ouvrière et est source de confusion. En tentant d’affaiblir le pouvoir de l’Etat, il ne fait à chaque fois que produire l’effet inverse : il fournit à l’Etat une excuse afin d’instaurer toute une batterie de mesures répressives qui, dans d’autres circonstances, ne seraient pas passées sans une résistance généralisée.

    Plus que cela, l’exécution de membres de l’IRA, désarmés, en plein jour dans les rues, le blocage des aéroports avec des véhicules blindés, et d’autres mesures du même acabit, toutes mises en œuvre sous le prétexte de « menace terroriste », permettent à la classe dirigeante de préparer psychologiquement la population à l’éventualité d’une généralisation de telles mesures dans le futur.

    Les lois et les méthodes répressives, quel que soit le contexte dans lequel elles sont d’abord introduites, sont toujours, en dernier recours, une arme qui sera conservée dans le futur, afin d’être utilisée contre la classe ouvrière, et en particulier contre tous ceux qui se battent pour un avenir socialiste. C’est une des raisons qui explique pourquoi les socialistes ont à la fois une responsabilité et un intérêt dans l’organisation d’une opposition rigoureuse face à toute forme de répression – sans pour autant adopter le point de vue des dirigeants sociaux-démocrates d’Irlande du Nord qui préféraient ignorer ou, pire encore, soutenir les mesures répressives introduites par les différents gouvernements britanniques depuis le commencement des Troubles.

    Pendant des décennies, l’Irlande du Nord a été utilisée par la classe dirigeante britannique comme un laboratoire à ciel ouvert dans lequel elle pouvait perfectionner ses méthodes de surveillance et de contrôle de foule, en vue de les utiliser contre la classe ouvrière britannique. En 1984 et 85, les mineurs britanniques ont d’ailleurs pu goûter aux méthodes de police militaire qui avaient d’abord été affûtées jusqu’à la perfection dans les rues de Belfast et de Derry.

    Contre-productif

    C’est le terrorisme individuel qui crée un climat dans lequel une telle répression peut être employée. Tout récit de la tuerie de Gibraltar qui ne ferait que discuter du rôle de l’Etat, sans aborder le moins du monde la question de ce qu’était allée y faire l’unité de l’IRA, est par conséquent déformée et unilatérale. Ce n’est qu’une fois qu’on a rempli les trous dans l’histoire que l’ensemble du tableau émerge, ce qui, en plus de démontrer la brutalité de l’Etat, nous montre aussi la futilité et, du point de vue de la classe ouvrière, la nature totalement contre-productive de la campagne de l’IRA.

    La brochure commémorative du Sinn Féin dit que les trois volontaires étaient « en service », mais sans nous fournir le moindre mot d’explication quant à la nature de leur mission. On peut effectivement affirmer, comme le fait cette brochure, qu’il n’y avait « pas de bombe », mais cela revient à s’interrompre à la moitié de la phrase. Pour que cette affirmation soit totalement véridique, il faudrait dire qu’il n’y avait « pas de bombe à Gibraltar ». Mais, cependant, sur la côte espagnole, juste à côté, dans la station balnéaire de Marbella, se trouvait une deuxième voiture remplie de 63kg de plastic accompagnés d’une minuterie, à l’horloge programmée pour 11h20, mais qui n’avait pas encore été activée.

    Il est évident que la cible intentionnelle était la cérémonie du changement de garde qui devait se produire deux jours plus tard. L’automobile garée par Sean Savage à Gibraltar avait été parquée là afin de réserver un emplacement de parking et, si le plan s’était déroulé comme prévu, aurait été remplacée, peu avant la cérémonie – qui devait prendre fin à 11h20 – par la voiture contenant la bombe.

    Il n’y aurait eu aucun avertissement. Si tout s’était déroulé selon le plan établi, les trois membres de l’IRA se seraient déjà trouvés en Espagne au moment de l’explosion, sans avoir la moindre idée du nombre de gens qui auraient pu se trouver à proximité de la voiture.

    La conséquence la plus probable aurait été un carnage horrible, qui aurait tué ou mutilé, sans aucune distinction, les membres de la fanfare militaire, mais aussi les passants et les spectateurs (hommes, femmes et enfants). Cet acte aurait été un désastre pour la propagande du mouvement républicain. Les images des civils morts ou blessés auraient été utilisées pour justifier une grande campagne anti-IRA, pas seulement en Irlande du Nord et en Grande-Bretagne, mais à travers toute l’Europe. Nous pouvons être certains que, si les trois volontaires de l’IRA avaient pu rentrer en Irlande comme si de rien n’était, nous n’aurions droit aujourd’hui à aucune brochure commémorative, aucun défilé ni meeting.

    Le bombardement d’Enniskillen

    Quatre mois avant Gibraltar, le huit novembre 1987, l’IRA avait mit en œuvre une opération qui, si l’on parle de ses objectifs immédiats, a été un succès total. Une bombe explosa à l’endroit prévu, tuant onze personnes et en blessant soixante-trois autres, gravement pour plusieurs d’entre elles. Une de ces personnes est décédée après treize jours de coma. Ceux qui avaient organisé cet attentat ont pu s’échapper sans problème. A ce jour, ils n’ont toujours pas été arrêtés.

    Lors de cet incident, appelé par la suite « l’atrocité de l’Armistice », une bombe, placée près du cénotaphe d’Enniskillen, avait été programmée pour exploser au moment où la foule se rassemblait pour commémorer les victimes de la guerre. Pour ceux qui avaient placé cette bombe, cette opération fut une grande réussite ; mais pour qui que ce soit d’autre, Enniskillen fut un désastre, pas seulement pour les familles qui en ont souffert, mais aussi un désastre pour le mouvement républicain, ouvrant même des divisions au sein de l’IRA. Sans aucune surprise, le vingtième anniversaire de l’atrocité d’Enniskillen, en novembre dernier, est passé sans que le Sinn Féin n’organise quoi que ce soit.

    Enniskillen, tout comme Gibraltar, a montré comment, après presque deux décennies de lutte armée, l’IRA considérait toute chose comme sens dessus-dessous : un « succès » à la Enniskillen signifiait une défaite et une perte de soutien, tandis qu’un échec à la Gibraltar devenait une réussite. La « lutte armée » était dans l’impasse.

    Même des événements inhabituels comme l’incident d’Andersonstown, lorsque les deux caporaux de l’armée ont foncé avec leur voiture dans le cortège funèbre de Kevin Brady, une des victimes de Milltown, ont montré comment, dans la plupart des cas, les actions de l’IRA étaient devenues contre-productives. Avec le souvenir de ce qui s’était passé à Milltown bien présent dans l’esprit de tous, les personnes présentes aux funérailles étaient déjà sur leurs gardes. Lorsque la voiture des deux soldats est passée devant la procession, a tourné dans une ruelle adjacente (pour se rendre compte que c’était un cul-de-sac…) et est revenue à toute vitesse en marche arrière en plein milieu du cortège, tout le monde a naturellement supposé que c’était une nouvelle attaque. Ils ont donc agi en conséquence. Leur suspicion a été confirmée lorsque l’un des soldats a sorti son pistolet pour tirer en l’air en guise d’avertissement. Rapidement débordés et désarmés, les soldats ont été arrachés de leur véhicule.

    S’ils avaient été emmenés, interrogés puis relâchés, toute l’attention des médias en Irlande et en Grande-Bretagne se serait penchée sur la question de savoir ce que ces soldats faisaient là et aurait vérifié la véracité de l’explication fournie par l’armée : qu’ils s’étaient trompés de rue et s’étaient retrouvés à Andersonstown par accident.

    Que s’est-il passé à Andersonstown ?

    A moins que les soldats britanniques, comme le prétendit l’IRA, se trouvaient là en mission secrète ? Et est-ce que Milltown, trois jours auparavant, n’avait pas été le résultat d’une opération similaire ? N’y avait-il pas eu un accord entre l’armée et les loyalistes afin de cibler les dirigeants républicains ? Ce ne sont là que quelques-unes des questions auxquelles les caporaux auraient été confrontés, et leurs réponses auraient permis de lever un peu le voile au sujet de la sale guerre que l’Etat était en train de mener en coulisses.

    A quoi jouaient donc ces soldats, en ce jour de funérailles ? Cela n’a jamais été réellement expliqué, et certainement pas par l’armée. Nous ne connaîtrons sans doute jamais la vérité, parce que l’IRA est vite intervenue, et que quelques minutes après avoir trouvé leur carte de militaire sur eux, l’IRA a conduit les deux soldats dans une décharge pour les exécuter.

    Cette « exécution » a en fait octroyé un énorme bénéfice à l’armée britannique. Toute l’attention a été dirigée non pas sur la raison de la présence des deux soldats au cortège, ni sur les causes de la bourde qui les a fait détecter et arrêter par la foule, mais elle se focalisa au contraire fermement sur la brutalité de l’IRA, qui avait exécuté des prisonniers alors que ceux-ci n’étaient pas seulement désarmés, mais avaient également été battus jusqu’à en perdre conscience.

    Dans une déclaration de l’époque, l’IRA, de manière incroyable, a tenté de s’affirmer sur le plan moral en se distanciant des coups que les caporaux avaient reçus. Mais ce qu’ils ont offert n’était qu’une succincte « justification » de leurs actes qui, loin d’être rassurante, était effrayante tant elle rappelait l’approche clinique des SAS dans leur fonctionnement. Leur déclaration se terminait par : « Malgré ce qu’en disent les médias, nous sommes satisfaits du fait qu’à aucun moment, nos Volontaires n’ont physiquement attaqué les soldats. Une fois leur identité confirmée, ils furent immédiatement exécutés ».

    La campagne de l’IRA s’essouffle

    A ce stade, la campagne militaire de l’IRA avait déjà bien perdu de sa vigueur. Pendant les années ‘80, l’IRA avait reçu quatre grosses cargaisons d’armes et d’explosifs en provenance de Libye – donc le plastic qui fut retrouvé à Malaga. L’IRA était armée jusqu’aux dents avec tout un arsenal d’armes qui troqué par la suite en échange d’avantages politiques. Mais, bien avant que l’IRA ne décide de rendre « hors d’usage » ces stocks d’armes, elle n’avait déjà plus du tout la possibilité de les utiliser.

    Sur le plan militaire, l’IRA était contenue. L’idée qui était fournie aux Volontaires de l’IRA au début des années ‘80 était que les armes libyennes leur permettraient de mener une offensive majeure ; mais cette idée n’a jamais été mise en pratique, et n’aurait d’ailleurs jamais pu l’être. Toute escalade de la violence aurait signifié une plus grande exposition et un plus grand risque. A ce stade, l’armée britannique avait à la fois les moyens militaires et les services de renseignement appropriés pour contrer toute action que l’IRA aurait pu entreprendre. La « grosse poussée » (« big push ») de l’IRA s’est terminée avant d’avoir pu commencer – dans le champ de tir des SAS à Loughgall.

    Au moment de Girbaltar, la direction de l’IRA n’était que trop bien consciente que leur campagne militaire ne pourrait jamais parvenir à vaincre l’Etat britannique. Le discours qu’ils employaient dans les années ’70, qui parlait d’un « retrait imminent des troupes britanniques » avait été abandonné depuis belle lurette. La direction républicaine s’était déjà repliée sur une stratégie politique ; de plus en plus d’efforts étaient investis dans la construction de leur aile politique, le Sinn Féin, et par là-même, bon gré mal gré, ils se voyaient contraints de donner moins d’importance à la lutte armée.

    Mécontentement au sein de l’IRA

    Au sein de l’IRA, les membres commençaient à soupçonner les dirigeants de s’être « attendris » au sujet de la « lutte armée », et étaient mécontents de l’attention grandissante portée à la politique. Dan McCann était un de ceux qui participaient à l’opposition à la direction d’Adams sur ce sujet. Il avait quitté l’IRA pendant un certain temps, et n’avait été persuadé de rejoindre à nouveau que quelque temps avant sa mission infortunée à Gibraltar.

    En public, la direction républicaine devait maintenir un discours affirmant que la victoire serait au final obtenue par les moyens militaires, mais en combinaison de moyens politiques. Ce n’était là qu’un message prononcé à contrecœur. Le langage déterminé des années ‘70, parlant d’un « retrait imminent des troupes britanniques », sonnait faux par rapport aux nouvelles circonstances, et avait depuis longtemps été abandonné.

    Lorsque Martin McGuinness, le Chef du Personnel de l’IRA, a pris la parole à l’anniversaire du massacre de Loughgall, il parlait toujours d’une défaite des forces britanniques par des moyens « militaires » et « politiques ». Mais les tombes au-dessus desquelles il se tenait, celles de l’unité de l’IRA oblitérée par les SAS, renvoyait un message somme toute différent. McGuinness ajouta ceci : « Mais en disant cela, je ne veux pas dire que l’IRA a la capacité de chasser chaque soldat britannique de Derry, Armagh, Down ou où que ce soit d’autre. Mais ils ont toujours la possibilité d’écœurer les forces d’occupation britanniques. » Mais il aurait été plus juste de reconnaître que, à ce stade, que l’IRA n’avait même plus la possibilité d’irriter l’armée britannique, sans même parler de « l’écœurer ».

    « Ulstérisation »

    La nature changeante du conflit a eu un autre aspect malvenu pour les républicains. La politique britannique, pendant quelque temps, avait consisté en une « ulstérisation » des forces de sécurité, semblable à la politique de « les Irakiens aux commandes » poursuivie par les Etats-Unis en Irak, mais en bien plus fructueux. La plupart de l’activité militaire du front en Irlande du Nord avait donc été confiée à des locaux, en grande majorité des protestants, regroupés dans le Régiment de Défense de l’Ulster (Ulster Defence Regiment – UDR).

    A cause de cette ulstérisation et, en général, de leur avantage militaire, le nombre de soldats britanniques tués en Irlande du Nord était retombé à un niveau qui aurait eu bien du mal à ne fût-ce qu’inquiéter l’état-major. Les pertes de l’armée britannique s’élevaient à neuf hommes en 1984, deux en 1985 et quatre en 1986. Ceci, ajouté à la baisse du bilan général depuis la fin des Troubles, signifiait que les objectifs des britanniques, définis lors d’une conférence de presse en 1971 par Reginald Maudling, Secrétaire de l’Intérieur Tory, et qui consistaient à réduire le taux de violence à un « niveau acceptable », avaient dans l’ensemble été accomplis.

    Pour les républicains, l’effet indésiré de l’ulstérisation était que c’étaient maintenant des membres de l’UDR, en plus de ceux de la RUC, qui se trouvaient en tête de la liste de l’IRA. Ce facteur accrut inévitablement le caractère sectaire de la campagne de l’IRA.

    En fait, la campagne avait été sectaire dans les faits, mais aussi parfois dans l’intention, dès son commencement. Par exemple, parmi la première vague d’attentats au début des années ‘70, il y avait des attaques sans avertissement sur des pubs protestants dans des quartiers ouvriers. Pourtant, la grande majorité des jeunes qui, à l’époque, accouraient à l’IRA la rejoignaient parce qu’ils voyaient la lutte comme une lutte contre l’Etat, et ne voulaient pas se retrouver mêlés à un conflit sectaire.

    La politique d’ulstérisation a signifié que, à partir des années ‘80, au lieu de tuer des soldats « trangers » britanniques, c’était surtout des soldats irlandais protestants qui se retrouvaient visés. Beaucoup d’entre eux étaient des volontaires à mi-temps qui se faisaient tuer en-dehors du service, souvent pendant qu’ils étaient au boulot ou sur le chemin du boulot. Quel qu’en ait été l’objectif, aux yeux de la majorité des protestants, on avait là affaire à des attaques sectaires. Dans les zones rurales, où beaucoup de victimes étaient des fermiers locaux, ces attaques furent perçues comme une preuve que l’IRA menait une campagne génocidaire, afin de chasser les protestants de leurs terres.

    Les protestants pris pour cibles

    Il y eut deux morts, après Gibraltar, qui n’ont pas été mentionnés dans la brochure commémorative du Sinn Féin. Dans un des cas, c’était parce qu’il s’agissait d’une affaire que les républicains préféreraient ne pas voir refaire surface.

    Le 18 mars, la veille de l’exécution des deux caporaux britanniques à Andersonstown, Gillian Johnston, une jeune protestante âgée de 21 ans, était assise avec son fiancé dans sa voiture, dans le petit village de Belleek, dans le Conté de Fermanagh, lorsque l’IRA a ouvert le feu sur eux. Elle fut tuée et son fiancé blessé. L’IRA a alors immédiatement publié une déclaration disant que ce meurtre était une erreur et que la cible était son frère, supposé être membre de l’UDR. La famille a très vite contredit cette affirmation, signalant qu’il n’y avait personne chez eux qui faisait partie de l’UDR.

    Pour la communauté protestante locale, c’était là une nouvelle preuve des doubles mesures employées par les républicains. L’IRA condamnait le gouvernement britannique pour ses mensonges et sa tentative d’étouffer l’affaire de Gibraltar. Mais leur propre réaction après ce meurtre a pourtant été de diffuser une déclaration qui était tout aussi mensongère.

    L’IRA condamnait les « lois martiales » qui permettaient aux SAS d’exécuter des « volontaires désarmés » à Gibraltar. Mais leur propre justification de la mort de Gillian Johnston était qu’ils cherchaient à tuer un membre de l’UDR qui, selon toute probabilité, aurait été désarmé lui aussi. Plus que ça, les trois personnes tuées à Gibralatar étaient « en service », ce qui n’aurait pas été le cas de la cible de Belleek.

    Une guerre d’usure sectaire

    Les Troubles, au milieu des années ‘80, n’étaient de plus en plus rien d’autre qu’une petite guéguerre sectaire, une guerre d’usure, dans laquelle le conflit entre les républicains et l’Etat était de plus en plus reléguée à l’arrière-plan. La contribution des milices loyalistes, dont la tâche principale consistait à effectuer des tueries sectaires perpétrées au hasard, au bilan des morts augmentait de plus en plus. Au début des années ‘90, leur action commençait à dépasser celle des républicains ; ils en arrivaient au point de se vanter du fait que plus de personnes perdaient la vie par leur action que par celle des républicains…

    Dans les jours qui ont suivit Gibraltar, on a eu droit à un exemple typique de ceci : c’est là la deuxième victime qui n’est pas mentionnée dans le matériel du Sinn Féin. Le 15 mars, le jour même où les corps des trois « martyrs » de l’IRA étaient rapatriés à Belfast, la veille de l’attaque de Michael Stone à Milltown, un jeune employé de magasin catholique a été par balle à Belfast Sud. Charles McGrillen, âgé de 25 ans, fut abattu par les Combattants pour la Liberté de l’Ulster (UFF – Ulster Freedom Fighters), un autre nom de l’Association pour la Défense de l’Ulster (UDA – Ulster Defence Association), à la succursale de Dunnes Stores où il travaillait.

    Sa mort met en lumière une autre facette des Troubles qui est systématiquement laissée de côté par tous les commentateurs ou historiens, sans même parler des propagandistes sectaires – l’importance du mouvement ouvrier. Charles McGrillen était militant syndical et délégué T&GWU (Transport and General Workers Union – Syndicat Général des Transports et des Travailleurs). Son assassinat n’était pas seulement une attaque contre les catholiques, mais aussi une attaque contre les syndicalistes et leur capacité à s’organiser sans danger.

    Il faut une réponse des syndicats

    Cette attaque demandait une réponse de la part des syndicats, dans leur ensemble. Mais à la place, les dirigeants syndicaux, y compris ceux de la T&GWU, le syndicat auquel avait appartenu Charles McGrillen, préférèrent s’asseoir sur leurs mains et maintenir un silence indigné. Cette réaction est typique du rôle – ou de l’absence de rôle – des dirigeants syndicaux tout au long des Troubles.

    La paralysie du sommet des syndicats signifiait que les membres à la base se sentaient incapables de faire quoi que ce soit face aux forces sectaires qui paraissaient invincibles. Pourtant, l’immense pouvoir détenu par la classe ouvrière avait été démontré à travers toute l’Irlande du Nord, à peine vingt-quatre heures avant la mort de Charkes McGrillen.

    Alors que les corps des victimes de Gibraltar étaient en route pour Belfast, des dizaines de milliers de travailleurs, catholiques comme protestants, s’étaient rassemblés à l’Hôtel de Ville de Belfast et devant d’autres institutions un peu partout dans le Nord, afin de protester contre les attaques du gouvernement sur les services des soins de santé. Même sans un appel clair de la part des dirigeants syndicaux à aller vers une action de grève, cette manifestation s’est dans les faits transformée en une grève générale partielle, avec plusieurs entreprises contraintes de fermer tandis que leur main d’œuvre quittait le lieu de travail pour rejoindre les travailleurs de la santé et des autres services publics à la manifestation. A Belfast, les ouvriers des chantiers navals ont défilé hors de l’usine Harland and Wolff, rencontrant en chemin les travailleurs du port de Belfast Est. Ils ont marché ensemble sur l’Hôtel de Ville. Les employés de l’Hôpital Royal Victoria et d’autres lieux de travail de Belfast Ouest les ont rejoints en cours de route. Il en était ainsi à travers toute la ville.

    Unité de la classe ouvrière

    On ne trouve aucune mention de cette manifestation dans aucune chronique des Troubles écrite par qui que ce soit. Pourtant, même lors de cette période de soulèvements de masse, de funérailles gigantesques et de défilés de milliers de personnes dans les rues, la plus grande de toutes les manifestations a bel et bien été celle-là, cet exemple éclatant d’unité de classe.

    C’était une puissante démonstration du pouvoir de la classe ouvrière mais, lorsqu’il s’agit de combattre le sectarisme ou de résister à la répression de l’Etat, l’absence de direction donnée par les responsables syndicaux a fait en sorte que ce pouvoir restait surtout un pouvoir latent.

    Les délégués et les militants de base, et surtout les membres de Militant (le prédécesseur du Socialist Party, notre section irlandaise), commençaient à organiser des grèves et des manifestations contre les tueries, mais la pression exercée sur les dirigeants syndicaux était encore trop faible que pour les forcer à appeler aux grèves et aux rassemblements de masse qui, à peine quelques années plus tard, amèneraient des dizaines de milliers de personnes dans les rues revendiquant le retrait des milices paramilitaires et qui seraient une des principales raisons à leur faire abandonner leurs campagnes.

    Du point de vue de la classe ouvrière, la véritable histoire des Troubles jusqu’alors avait été celle d’innombrables occasions perdues qui se sont transformées en défaites, toutes dues au total manque de réponse de la part des dirigeants syndicaux face aux grands événements qui allaient chambouler toute l’histoire d’Irlande du Nord. Après Gibraltar, ils ont encore laissé passer une autre occasion de se confronter aux forces sectaires.

    Ils n’avaient rien à dire au sujet des meurtres perpétrés par le gouvernement Thatcher à Gibraltar. Leur silence a donné le champ libre au Sinn Féin et au mouvement républicain pour puiser dans la colère qui soufflait sur les communautés catholiques afin de s’assurer que l’opposition à ces morts demeurait unilatérale, confinée à leur communauté.

    Car s’il est une chose dont on ne peut accuser le mouvement républicain, c’est d’inertie. Ils ont répondu de manière rapide et énergique à la nouvelle de la mort de leurs trois camarades à Gibraltar. Ils s’en sont servi pour mobiliser leur base et en ont tiré autant de capital politique que possible.

    Responsabilité des dirigeants syndicaux

    Comparons ceci avec une direction syndicale capable de faire sortir dans les rues des dizaines de milliers de personnes pour protester contre les coupes budgétaires dans les soins de santé, mais qui, un jour plus tard, n’ont absolument rien fait lorsqu’un de ses propres militants s’est fait tuer par la section Belfast Sud de l’UDA, une force notoirement meurtrière et sectaire. S’ils avaient répondu avec même seulement un dixième de l’énergie et de l’initiative dont les républicains avaient fait preuve pour promouvoir leur propre cause, ils auraient pu, par exemple, faire fermer les supermarchés et organiser une manifestation massive de pure colère ouvrière, le jour des funérailles de Charles McGrillen.

    Et, s’ils l’avaient fait, ils auraient été capables, mais aussi forcés, d’organiser une manifestation de même envergure trois jours plus tard, lorsque l’IRA a assassiné Gillian Johnson. La classe ouvrière aurait pu émerger renforcée de tous ces troubles, ayant porté un grand coup aux forces sectaires des deux camps. Mais au lieu de ça, les dirigeants syndicaux ont gâché cette occasion qui leur était offerte, et le mouvement républicain a été, et est toujours, capable de tirer profit d’événements qui, lorsqu’on les analyse correctement, révélaient la faillite de leurs méthodes.

    Ce qui s’est passé après Gibraltar, c’était cela la véritable histoire des Troubles jusque là ; une longue litanie d’occasions manquées à cause de l’attitude d’autruche adoptée par la direction syndicale. Vingt ans plus tôt, le mouvement ouvrier aurait pu diriger l’Histoire dans une toute autre direction s’il s’était placé à la tête de la campagne pour les droits civiques, s’était courageusement opposé à la réaction oppressante de l’Etat unioniste et avait lié cette lutte à celle pour des emplois, des logements décents, des salaires adéquats et des services publics pour tous les travailleurs, catholiques comme protestants. S’il avait fait cela, le mouvement ouvrier aurait offert une organisation plus accueillante et une meilleure méthode de lutte pour la génération de jeunes catholiques qui, poussés par la colère et la frustration, se sont alignés derrière l’IRA.

    Au lieu de cela, la direction syndicale a choisi de rester en-dehors de tous ces enjeux, se contentant d’appeler au calme, ce qui, dans les faits, consistait plus en un soutien tacite aux sections « modérées » ou « réformistes » du gouvernement. Et c’est sans mentionner le Parti Travailliste d’Irlande du Nord, vacillant, alors qu’il avait eu le potentiel pendant les années ‘60 de se développer en une force politique de masse, mais qui avait rapidement adopté une position sectaire pro-unioniste. En conséquence de cela, il a totalement été désintégré.

    Les conséquences de la faillite des dirigeants sociaux-démocrates

    La conséquence de tout ceci a été que la couche la plus radicalisée des jeunes ouvriers catholiques a été perdue au profit du républicanisme. La plupart se sont tournés vers l’IRA Provisoire (une scission de l’IRA « officielle »), malgré sa direction extrêmement sectaire et très à droite, en croyant erronément que ses méthodes apparemment plus militantes étaient la meilleure manière de résister et de faire avancer la lutte pour une Irlande socialiste. De son côté, afin de temporairement satisfaire la nouvelle génération de jeunes recrues, les vieux dirigeants républicains ont du tenter d’aromatiser leur nationalisme de droite avec une rhétorique populiste de gauche, y compris, de temps à autre, des références au socialisme.

    Mais leur véritable message n’était jamais rien de plus qu’une version réchauffée de la vieille idée qui empoisonne la politique irlandaise depuis la Guerre d’Indépendance, l’idée que « le Travail doit attendre ». D’abord, tous les nationalistes, de gauche comme de droite, patrons et employés, fermiers et ouvriers agricoles, doivent s’unir pour mettre un terme à la séparation et pour réunifier le pays ; ensuite seulement, la lutte pour le socialisme pourra-t-elle commencer. Mais puisqu’il n’y a jamais eu la possibilité de passer outre la résistance protestante, et en particulier la résistance de la classe ouvrière protestante, à l’idée d’une Irlande capitaliste unifiée, le socialisme est resté un idéal pour un futur que l’on n’atteindrait jamais. Ceux qui ont rejoint l’IRA ont non seulement signé pour une campagne militaire vouée à l’échec mais aussi pour une idéologie politique qui, au fond, n’était rien de plus que le même vieux nationalisme de droite, sous un emballage différemment.

    Au moins, l’ancienne direction de droite, basée dans le Sud pendant les années ‘60 et ‘70 rendait parfois un hommage à l’objectif socialiste. Mais on ne peut certainement pas en dire autant des dirigeants d’aujourd’hui. La vitesse à laquelle la direction républicaine actuelle a viré à droite aurait laissé bouche bée même la vieille garde. Tout comme leurs frères d’idéologie à la tête du « New Labour », Adams (Gerry Adams, président du Sinn Féin) et sa bande ne se soucient même plus de ne fût-ce que mentionner le socialisme de temps en temps, soucieux qu’ils sont d’éviter tout propos qui pourrait diminuer leurs chances de se faire accepter comme partie prenante de l’establishment politique.

    Le Sinn Féin passe au capitalisme

    Ils adoptent maintenant le marché et le capitalisme de manière ouverte, enthousiaste, énergique. Ils nous l’ont encore rappelé via leur brochure commémorative. Sur la première page du journal qui accompagnait la brochure, à côté d’une photo de Gerry Adams, il y a un article qui reprend un discours que le sieur a donné à une réunion d’entrepreneurs à Belfast-Ouest, le 14 février : « Je veux être bien clair sur le fait que le Sinn Féin n’est pas anti-business. Nous sommes pro-business. Le Sinn Féin veut voir les affaires de tout le monde prospérer. Nous voulons voir des investissements dans des zones telles que Belfast-Ouest, qui ont été délibérément négligées pendant si longtemps. » Voilà le Sinn Féin relooké, version 2008. On est bien, bien loin de l’image de lutte qu’ils ne peuvent maintenant plus se donner qu’en rappelant aux gens la manière dont les choses tournaient il y a une vingtaine d’années.

    Avant qu’ils aient proposé d’organiser une célébration de la vie de Mairéad Farrell dans la Longue Gallerie à Stromont, il y a une question que le Sinn Féin aurait du se poser. Non pas la question de savoir si leurs amis de coalition du DUP se seraient sentis offensés par cette idée. Non, la vraie question qu’il aurait fallu se poser était celle-ci : Mairéad Farrell aurait-elle souhaité que sa vie fût célébrée dans cette salle ? Ou, posée différemment : aurait-elle considéré la présence des Ministres Sinn Féin dans une institution de droite de l’Irlande du Nord, aux côtés de leurs ex-ennemis jurés du DUP, valait la peine de tous ces sacrifices, de la prison, de la grève de la faim, de Gibraltar ?

    Le commentaire qu’a fait Mairéad Farrell lorsqu’elle a été libérée de la prison pour femmes d’Armagh en 1986 suggère qu’elle aurait répondu par la négative. Décrivant ce que la lutte signifiait pour elle, elle a déclaré: « Je suis socialiste, définitivement, et je suis républicaine. Je crois en une Irlande unie : une Irlande unie et socialiste, définitivement socialiste. Le capitalisme ne fournit aucune solution du tout pour notre peuple, et je pense que c’est là le principal intérêt des Brit’s en Irlande. »

    Bien entendu, Mairéad Farrell, si elle avait vécu, aurait pu elle aussi suivre le virage à droite effectué par Adams et le reste de la direction actuelle du Sinn Féin. Mais nous ne sommes pas en droit de supposer quoi que ce soit – elle est morte, détentrice d’une vision bien différente de celle adoptée de nos jours par Adams et compagnie – et n’ils n’ont pas ce droit non plus.

    Vingt ans plus tard, la véritable leçon de tout ce qui s’est passé à Gibraltar et après, est qu’il est nécessaire de construire une alternative socialiste combative face au sectarisme et au capitalisme, de sorte que les énergies de la nouvelle génération ne soient pas gâchées par des idées et des méthodes qui sont d’avance vouées à la défaite.

  • Grèce : Syriza change la donne !

    Ecole d’Eté du CIO-2008

    La situation politique en Grèce a profondément changé suite à l’émergence du phénomène Syriza, que nos camarades grecs ont rejoint il y a peu. Voici leur présentation de la situation lors de l’école d’été du CIO.

    Syriza est une coalition de 11 partis et organisations de gauche (divers groupes trotskistes ou maoistes, des scissions du parti social-démocrate Pasok ou du parti communiste KKE, des altermondialistes et beaucoup d’inorganisés) que nous avons rejoint il y a deux mois. Syriza est en formation, mais il y a déjà une bataille entre l’aile droite qui est organisée et l’aile gauche qui ne l’est pas encore.

    Les élections de septembre 2007 étaient leur première participation et Syriza avait obtenu 5%. En un an, le soutien de Syriza a été presque multiplié par trois pour arriver à 13%, voir 19% dans les sondages, soit un million de personnes. Cela illustre le potentiel et le vide qui existe à gauche et cela a modifié le rapport des forces dans le pays. Des couches larges dans la société considèrent Syriza comme une alternative au gouvernement, ce qui surprend les anticapitalistes de Syriza, qui craignent de devoir répondre au changement dans la société et n’y sont pas préparés. Syriza a cassé la tradition de vote misérables pour l’extrême-gauche, c’est aujourd’hui le seul parti de gauche dont le soutien augmente.

    Le Pasok est dans une crise dont il n’arrive pas à sortir. Les masses savent qu’elles n’ont rien à attendre d’une organisation qui ne fait rien pour se distinguer de la politique du gouvernement malgré le fait qu’elle est dans l’opposition. Des dizaines de scandales de corruption ont impliqué des membres du Pasok.

    La classe capitaliste est très inquiète. Le gouvernement de droite n’a plus qu’un siège de majorité et le Pasok n’est pas une alternative fiable. Le parti communiste KKE et Syriza ont ensemble dans les sondages jusqu’à 25% des voix. Des milliers d’articles parlent de l’émergence du phénomène Syriza, qui représente un véritable casse-tête électoral.

    La situation sociale a elle aussi beaucoup changé en un an. Le mouvement étudiant a réussi à attirer les lycéens et les professeurs aux cours de manifestations et d’occupations. Au cours d’une lutte de deux mois, le mouvement a réussi à obtenir des concessions sur la question de la gratuité de l’enseignement. Mais le gouvernement a quand même introduit le capital privé dans l’enseignement après la grève et les collèges privés sont légalisés. Les étudiants organisent maintenant la riposte pour empêcher l’application de ces lois et personnes ne sait jusqu’où cela peut aller.

    La Grèce a connu trois grèves générales avec 3 millions de grévistes au point culminant. Des dizaines de professions ont aussi été en grève entre celles-ci: les dockers, les journalistes, les avocats, les éboueurs, les électriciens… La réforme des pensions a mené à une lutte qui a fait partir le ministre responsable. Le nombre de travailleurs impliqués montrait que la volonté de lutter était présente, mais les directions syndicales n’ont pas été à la hauteur et ne voulaient pas aller jusqu’au bout. La conscience de classe se développe vraiment dans une telle situation.

    L’an dernier, le gouvernement n’a rien fait pour aider les victimes des incendies de forêts et de multiples scandales de corruption ont touché les partis. L’inflation est aussi très grande dans un pays où ¼ de la population vit sous le seuil officiel de pauvreté.

    Mais ces conditions objectives ne suffisent pas à expliquer la formation de Syriza. De nouveaux éléments ont permis cela, notamment l’attitude sectaire et arrogante du KKE qui a laissé le champ libre à une formation possédant une attitude ouverte. Ensuite il y a l’échec de la gauche anti-capitaliste, qui représente au moins 30 organisations différentes et qui joue pourtant un rôle dirigeant dans les protestations, notamment étudiantes. Syrisa a opéré un tournant à gauche en critiquant vertement les partis traditionnels et en faisant référence au socialisme ainsi qu’à d’autres termes de gauche, mais sans toutefois d’explication, ni de soutien aux luttes sociales et syndicales. Synaspismos, qui fait partie de Syriza, a connu aussi un tournant à gauche qui a commencé il y a trois ans avec l’élection de leur nouveau dirigeant.

    Les conditions objectives et subjectives vont continuer à se conjuguer pour nous fournir assez d’adrénaline politique pour mettre en avant l’alternative socialiste au capitalisme.

  • Lutte des classes en Europe et nouvelles formations de gauche:

    Ecole d’Eté du CIO – 2008

    Nous sommes dans une période clé, dans une nouvelle phase de crise économique latente. Une série de crises vont se succéder avec des effets sociaux importants. L’orientation de ces effets ainsi que la manière dont cette crise va affecter la conscience des travailleurs dépendront en grande partie de l’existence de nouveaux partis des travailleurs. Les évènements ne vont pas se développer unilatéralement, des développements auront lieu vers la gauche, mais nous assisterons aussi au développement de forces de droite.

    Si la crise a bien commencé aux USA, elle a eu des répercussions rapides en Europe. Beaucoup de banques européennes ont été touchées et les espoirs que l’industrie européenne serait épargnée ont été balayés ces derniers mois. La récente chute de la production industrielle est la plus forte depuis 16 années. C’est la fin du « boom sans joie » de ces dernières années qui a signifié emploi précaire et intensification du taux d’exploitation pour les travailleurs. Malgré les dents de Sarkozy, la production industrielle s’effondre aussi en France, le chômage a doublé au Portugal au cours de la dernière période, 300.000 postes ont été supprimés en Espagne et même les pays scandinaves connaissent des problèmes, le Danemark est ainsi officiellement en récession.

    Economiquement, les bourgeois sont tellement inquiets des conséquences politiques de la crise qu’ils n’osent pas encore recourir au terme de récession. Ce n’est pas la première fois que nous assistons à cela. En 1978 le président américain Jimmy Carter demandait d’utiliser le mot « banane » au lieu de celui de récession ! On est un peu dans la même situation aujourd’hui pendant que la crise a des répercussions jusqu’en Islande.

    Les effets de cette crise peuvent être des banqueroutes de banques, d’entreprises, mais aussi de pays entiers. A terme, les répercussions sur la conscience de la classe ouvrière seront énormes, même si ce processus n’est pas linéaire. Différentes couches vont se réveiller à différents moments avec des réactions différentes. Mais on peut avoir une indication de ce qui va arriver avec le dernier congrès du PRC en Italie, sauvé de l’effondrement par le choc profond pour de larges couches de la classe ouvrière qu’a constitué l’arrivée au pouvoir de Berlusconi. Cela a conduit à des développements vers la gauche dans la société et la montée de la gauche du PRC exprime la montée de la haine éprouvée parmi les travailleurs. Même des représentant capitalistes ont dû faire écho à la montée de la colère contre le monde de la finance. Sarkozy a par exemple qualifié les financiers de « racailles » et les a dénoncé.

    La colère basique contre les riches et les privilégiés a conduit à la défaite du Traité de Lisbonne en Irlande, une victoire de David contre Goliath qui illustre la crise d’autorité des dirigeants bourgeois européens. En Grande-Bretagne, Gordon Brown est totalement discrédité et Sarkozy lui aussi a un taux de popularité très bas, le plus faible pour un président français lors de son premier mandat. On pourrait encore parler de Zapatero en Espagne ou de Bertie Ahern en Irlande. La popularité des politiciens chute partout, il n’y a que Merkel qui garde un certain soutien. Mais cela va changer très vite sous l’impact de la crise en Allemagne. Il y a une grande volatilité politique, un gouvernement peut en quelques mois devenir très impopulaire après quelques mesures illustrant sa véritable politique.

    L’arrogance des bourgeois semble sans limite. Il y a ainsi un appel à revoter en Irlande pour le Traité de Lisbonne. Ce vote a révélé l’opposition de classe contre le projet néolibéral européen. Notre organisation en Irlande, le Socialist Party, a joué un rôle significatif dans la campagne pour le NON, ce qui souligne ce que nous pouvons faire en Irlande et ce que peut faire une petite organisation dans un certain contexte. Avec de bonnes méthodes et un bon programme, même une petite organisation peut jouer un grand rôle. En Grande-Bretagne, nous n’avons pas plus d’une centaine de membres dans le syndicat PCS, mais nous jouons un rôle dirigeant pour un syndicat de 350.000 membres ! En Belgique aussi, nous avons pu très bien intervenir dans le mouvement pour le pouvoir d’achat qui se développe et nous avons réussi une petite percée dans le mouvement syndical. Cela illustre la force de nos idées et de nos méthodes.

    Cette crise n’est pas seulement économique et sociale, mais aussi politique. Après la chute du mur, les capitalistes européens ont espéré pouvoir se réorganiser afin de faire face à la concurrence. Nous avions déclaré à ce moment là qu’il s’agissait d’une utopie en raison des disparités entre les différents capitalismes nationaux. Si l’euro fête maintenant ses dix ans, on ne sait pas s’il arrivera à fêter ses 20 ans car, la crise s’approfondissant, cela risque notamment de pousser l’Italie à sortir de l’euro, qui avait précédemment habituellement recourt à la dévaluation de sa monnaie pour doper les exportations.

    Nous allons vers une crise profonde et généralisée de l’économie européenne. Il ne s’agit pas d’une répétition de 1929, mais pour des millions de travailleurs, ce sera ressenti comme tel (des salaires qui ne permettent pas de tenir le coup tout le mois, des emprunts qui servent de plus en plus à satisfaire des besoins de base,…) L’idée que les enfants d’aujourd’hui vivront plus mal que leurs parents conduit à une colère latente de la population. Cette crise va aussi accroître la concurrence entre les pays capitalistes. Quand une contraction du marché arrive, les capitalises luttent avec acharnement entre eux avec des risques de guerre. Mais une intensification de la lutte des classe prend également place.

    En France, la reine Marie Antoinette avait jadis déclaré face aux revendications populaires que si le peuple n’avait pas de pain, il devait manger de la brioche. Cette arrogance est présente aujourd’hui aussi et peut conduire aux mêmes effets. Plusieurs pays ont connu des explosions de colère face à l’augmentation des prix de l’énergie (en Espagne, en Grande-Bretagne,…).

    Il est important, dans un tel contexte, de réagir avec rapidité et de mettre en avant des revendications immédiates et transitoires (comme la question des (re)nationalisations) et, lorsqu’on le peut, de prendre des initiatives organisationnelles sur l’énergie, comme nous l’avons déjà fait sur la Poll Tax (en Grande-Bretagne) et sur les Water Charges (en Irlande).

    Des attaques massives sont en vue, comme en Allemagne où des licenciements massifs ont été annoncés chez Siemens. L’important est de savoir analyser correctement la situation et en tirer des conclusions. Nous devons nous pencher non seulement sur l’expérience de la Russie en 1917, mais aussi sur le cas de l’Allemagne en 1918-1923.

    Les attaques de Sarkozy contre les 35 heures n’auraient jamais pu réussir sans collaboration passive des partis de gauche et des syndicats. Cependant, malgré la trahison des directions syndicales, les travailleurs français vont tout de même résister. Il y aura des réactions. En Belgique, nous avons eu la vague de grève spontanée la plus importante depuis les années ’70, ce qui a forcé les directions syndicales à organiser une semaine d’action à laquelle entre 80.000 et 100.000 personnes ont participé. La question nationale est un facteur compliquant, même si la Belgique n’est pas proche d’une scission. Toutefois, cela peut devenir une réalité plus tard et cette ombre pèsera sur plusieurs pays avec l’approfondissement de la crise.

    L’Italie connaît sans doute la situation économique la plus grave. Les dirigeants européens craignent que Berlusconi réveille la classe ouvrière, mais espèrent qu’il va réussir à la mettre au pas. L’Italie connaît la situation la plus difficile pour l’instant, aucun espace n’existe pour un compromis social et de grandes attaques sont en vue, notamment contre les sans-papiers. Les bourgeois tentent désespérément de trouver des boucs émissaires, ce qu’illustre la campagne contre les gitans à Rome.

    Nous avons toujours affirmé que, au vu de l’évolution des ex partis ouvriers, si la classe ouvrière ne remplissait pas le vide politique, l’extrême-droite allait occuper l’espace et faire une percée. Cette remontée de l’extrême-droite a eu lieu en Autriche, en Belgique et aussi en Grande-Bretagne, où le BNP a obtenu un parlementaire. Renvoyer les immigrés dans leur pays d’origine est un mythe. Aucune possibilité n’existe de réabsorber ces immigrés dans leur pays, notamment en Europe de l’Est. Mais si le retour est impossible, l’intégration est en recul et nous assistons même aux tous petits débuts de bidonvilles aux abords de villes d’Italie, d’Espagne ou de Grèce.

    Ces couches de travailleurs immigrés sont de nouvelles possibilités pour notre travail. A titre d’exemple, les travailleurs d’Europe de l’Est en Grande-Bretagne montraient avant une hostilité par rapport à notre journal et à l’idée du socialisme, mais l’accueil est bien meilleur aujourd’hui.

    La Grèce a connu 3 grèves générales. Si ce n’est pas une situation pré-révolutionnaire qui se développe actuellement, des éléments pré-révolutionnaires prennent toutefois place, et on voit resurgir les vieilles traditions révolutionnaires de la classe ouvrière grecque. Nos camarades font un travail excellent et viennent de rejoindre la formation Syriza, qui est en plein développement.

    Cette question des nouveaux partis des travailleurs est une question cruciale dans la discussion d’aujourd’hui. Le pronostic du Comité pour une Internationale Ouvrière a été vérifié : suite à la chute de l’URSS, au recul de la conscience et à la bourgeoisification de la social-démocratie, la classe ouvrière devra passer par la reconstruction de partis larges. Il y a là un parallèle à faire avec la situation qu’a connu Marx après la disparition du chartisme (le 1er mouvement ouvrier organisé de la classe ouvrière de Grande-Bretagne). Il avait alors déclaré : «Nous représentons le futur du mouvement dans le mouvement présent.»

    Ces nouveaux partis des travailleurs ne sont pas la panacée, mais ils permettent le débat dans la classe ouvrière. Les formations larges ont pour l’instant la faiblesse d’être avant tout des coalitions électorales et leurs directions ne cherchent pas à construire la formation dans le mouvement ouvrier. A nous d’intervenir dans ce processus pour le faire évoluer. Même dans le cas du PSoL au Brésil, pourtant fondé essentiellement par des groupes trotskistes, il y a eu dès le départ une opposition entre les électoralistes et nos camarades. Le PSoL constitue une masse gigantesque d’expérience. Cela a été un grand apprentissage sur la manière de parler aux jeunes et aux travailleurs le langage qu’ils comprennent afin de défendre nos idées et le socialisme.

    Très vite arrive dans les nouvelles formations le débat sur les coalitions avec des forces bourgeoises. Nous sommes contre, mais on est loin d’avoir fait le tour de la question en disant cela. La question centrale est l’unité de la classe ouvrière et se pose alors la question de gouvernement de gauche. En Italie, le PRC a participé au gouvernement de Prodi et en Grèce le Pasok veut entraîner Syriza au gouvernement. Nous sommes contre les coalitions avec les partis bourgeois, mais pour les coalitions avec les partis ouvriers y compris, sous certaines conditions, à participation marxiste.

    Dans les années ’30, Mao a été confronté à une forte pression pour aller en coalition avec le kuomintang et il a répondu en posant des conditions qu’il ne pouvait pas accepter, c’est-à-dire en revendiquant que le gouvernement allait procéder à l’expropriation des propriétaires terriens et à la redistribution des terres. Dans ce cas, il s’agissait pour Mao d’obliger le parti nationaliste à refuser de collaborer avec le Parti Communiste. Mais des exemples de participation existent, notamment en Allemagne au début des années ’20.

    En Italie, le PRC a été sauvé lors de son dernier congrès en tant que formation des travailleurs. Malgré une hétérogénéité très forte, cela a représenté une victoire. Le congrès a décidé de garder le symbole de la faucille et du marteau ainsi que de continuer en tant que formation indépendante. Il ne reste aujourd’hui que les braises du grand PRC, mais elles pourraient très vite être réactivées par un mouvement social. La question vitale est de comment construire un courant de gauche pour relancer le PRC. Il faut y développer une véritable force trotskiste. Les mandelistes ne l’ont pas fait et ont sombré dans l’opportunisme (en faisant alliance avec Bertinotti, le dirigeant de l’aile droite du PRC), ce qui a nourrit des positions ultra-gauches à l’opposé (Progetto Comunista). Mais il reste des groupes qui ont gardé une orientation correcte, comme Contra Corrente. Nos camarades du CIO en Italie de Lotta vont essayer de construire notre courant tout en développant la gauche la plus large possible au sein du PRC.

    En Allemagne se sont déroulés des développements cruciaux pour notre Internationale. A Berlin, nous sommes intervenus dans le WASG, puis dans le BASG à cause de l’existence du gouvernement SPD/PDS menant une politique néolibérale. Die Linke, la fusion entre le PDS et le WASG, a rapidement pris de l’ampleur, ce qui a conduit à une chute des sociaux-démocrates du SPD et à une crise en son sein avec la montée d’une opposition interne. Jusqu’à présent, nos camarades travaillaient ne fonctionnaient pas au sein de Die Linke à Berlin, où nous étions dans le BASG. Cette tactique est aujourd’hui révolue car il y a le danger de passer à côté de batailles importantes dans DL. Mais le travail que nous avons fourni à l’intérieur du WASG et du BASG nous a permis d’obtenir une reconnaissance nationale. Les camarades doivent unifier leur tactique pour ne plus intervenir que dans Die Linke, en se concentrant sur la jeunesse et SOLID, la nouvelle organisation de jeunes de Die Linke. Mais la simple bannière de Siriza ou de DL ne suffit pas à impliquer des jeunes au delà du soutien passif. Il faut les encourager à passer à la construction de ces organisations.

    En Grande-Bretagne, Gordon Brown continue d’attaquer les travailleurs et de maintenir des lois qui datent de la période de Thatcher. Il avait été un peu mis sous pression pour retirer certaines réglementations antisyndicales mais a refusé, de la même manière que les libéraux du début du 20e siècle avaient repris les politiques des conservateurs de la fin du 19e. Nous mettons quant à nous pression sur les dirigeants syndicaux de gauche (du syndicat RMT ou encore du PCS) pour qu’ils prennent l’initiative d’un appel pour un nouveau parti des travailleurs. Cela ne sert à rien de lancer une nouvelle formation si le terrain n’est pas suffisamment bien préparé. En Irlande, par exemple, le Socialist Workers Party a lancé un appel pour un nouveau parti des travailleurs dans le but d’utiliser le prestige de notre camarade Joe Higgins. Mais un bloc avec le SWP est une impasse.

    En Grèce, nos camarades ont pris le temps d’analyser la situation pour rejoindre Syrisa et en Ecosse, à cause de la débâcle du SSP, nos camarades ont eu la bonne attitude de sauver les meubles avec Solidarity. De nouvelles possibilités s’ouvrent aujourd’hui en Ecosse qui ne sont pas sans similitudes avec le PRC en Italie. En Belgique, le CAP a fait son temps et nos camarades se recentrent sur le développement du MAS/LSP tandis que le PTB marche en direction du SP des Pays-Bas. Mais la question d’un nouveau parti des travailleurs reviendra sur l’agenda politique.

    La France est un pays clé en Europe, longtemps vu comme un baromètre de ce qui se passe au niveau européen. L’initiative de la LCR pour un nouveau parti anticapitaliste, après beaucoup d’hésitations, est importante. Il y a là une base qui peut éventuellement aboutir à un semi parti de masse, notamment sur base de la popularité d’Olivier Besancenot. Avec de l’audace, il y a l’occasion de ne pas faire que rassembler des forces de gauche, mais d’aller dans le sens d’une véritable force capable de gagner des milliers de personnes. Mais la LCR craint de ne pas pouvoir garder les choses sous contrôle, ce qui conduit à des hésitations. Selon nous, même si c’est pour devenir une minorité de la nouvelle formation, le jeu en vaut la chandelle. La direction de la LCR ne veut pas autoriser l’expression de courants et les journaux, ce qui est à droite du PRC et du PSoL sur cette question. Après la chute du stalinisme, appliquer de telle méthodes est impossible.

    Toutes les sections du CIO vont passer par des expérience similaires. Les développements peuvent se produire très vite. Il y a là un parallèle historique avec l’Allemagne de l’après 14-18, quand l’USPD est devenu un parti de masse pour former ensuite le KPD. Mais nous ne sommes pas dans une période de révolution et de contre-révolution, le processus est plus étalé aujourd’hui et il est possible de travailler de façon plus posée. Même si des directions de nouvelles formations imposent des coalitions, nous ne quitterons pas nécessairement de suite celles-ci. La question clé sera la réaction des travailleurs.

    Le capitalisme est en crise, ce qui n’est pas encore perçu par la majorité de la classe ouvrière, mais de plus en plus de jeunes et de travailleurs le comprennent. Mais ce système d’exploitation n’ira pas se jeter tout seul dans les poubelles de l’histoire. Le développement d’une base marxiste fait une différence essentielle dans des partis souvent flous. C’est une des leçons de Rosa Luxembourg, l’un des 5 grands marxistes avec Marx, Engels, Lénine et Trotsky. Mais elle a commis des erreurs dans la construction des forces marxistes dans le SPD, l’opposition à la bureaucratie était présente dans ses idées, mais elle avait une approche semi-spontanéiste. Nous devons apprendre de Rosa Luxembourg, mais aussi améliorer ce qui a été fait par le passé.

    L’avenir nous promet de grandes opportunités. C’est une nouvelle phase qu’il nous faut aborder avec confiance. Le 21e siècle n’est pas seulement celui du socialisme, mais aussi celui du marxisme et du trotskisme. Au sein du CIO, c’est cet avenir que nous préparons.


    Liens:

  • Le projet néolibéral européen ne trouve pas de majorité en Irlande

    UNION EUROPEENNE

    En 2005, le projet de Constitution européenne a été rejeté par référendum en France en aux Pays-Bas. Malgré une énorme campagne médiatique, l’élite politique et économique s’était heurtée aux travailleurs et aux jeunes qui n’acceptaient plus la politique néolibérale. La Constitution a ensuite été remaniée pour devenir le « Traité de Lisbonne ». Pour éviter tout désaveu, aucun référendum n’était prévu, sauf dans le petit pays d’Irlande… KEVIN MC LOUGHIN, du Socialist Party (CIO-Irlande) explique pourquoi le Traité de Lisbonne n’est pas passé.

    Avec plus d’électeurs que d’habitude pour un référendum (53,1%), une claire majorité de 53,4% a rejeté le Traité. Pour l’establishment politique et économique en Irlande et dans le reste de l’Europe, cela a été un grand choc.

    Le gouvernement, mais aussi la plupart des partis de l’opposition, les fédérations patronales et la majeure partie de la direction syndicale, les églises, les médias et presque chaque autre pan de l’establishment avait appelé à voter OUI. Sans pourtant réussier à convaincre une majorité d’Irlandais. L’élite européenne a déclaré qu’elle ne comptait pas se laisser freiner par «une petite minorité» d’un petit pays. Mais si un vote avait été organisé sur ce Traité dans tous les pays, cela aurait au contraire démontré que l’élite dominante qui décide de la vie des millions d’européens constitue elle-même une petite minorité.

    Le Socialist Party (parti frère du MAS/LSP en Irlande) a joué un rôle important dans la campagne pour le NON. Joe Higgins, élu du Socialist Party au parlement jusqu’en 2007, a porté la contradiction dans les débats contre les représentants de l’establishment favorables au Traité. Le quotidien irlandais Evening Herald a cité dix raisons pour lesquelles le Traité de Lisbonne a été rejeté par les Irlandais : l’une d’entre elles est Joe Higgins !

    Nous nous opposons au Traité parce qu’il est dans la droite ligne de la politique européenne de privatisations et d’attaques contre des services publics importants comme les soins de santé et l’enseignement. En plus, ce Traité signifie une attaque contre les salaires et les conditions de travail.

    La Ministre de la Santé Mary Harney s’est plainte à la radio du fait que le Socialist Party mettait partout en garde contre une privatisation des soins de santé. D’autres aussi, et parmi eux des dirigeants syndicaux, ont dit que l’on apeurait la population avec de faux arguments. Mais, après des années de politique européenne néolibérale, tout cela n’a pas fait grande impression. Dans les quartiers ouvriers, une grande majorité des habitants se sont opposés au Traité.

    Des groupes de droite et des forces néolibérales ont également essayé de se mettre en avant dans la campagne pour le NON. Ces groupes ont beaucoup de moyens et ont reçu beaucoup d’attention des médias, partiellement pour effrayer les travailleurs et leurs familles. Mais cela aussi a échoué.

    Quand toutes les cartes sont jouées, il ne reste plus beaucoup de possibilités. Plusieurs partis ont proposé de réorganiser un référendum. C’est une possibilité, mais que fera l’establishment en cas de nouvelle défaite ?

    Le Socialist Party va continuer à construire une résistance active contre la politique néolibérale sur les lieux de travail, dans les quartiers, les écoles et les universités. Le résultat du référendum irlandais est une illustration du fossé entre les travailleurs et l’establishment. Cela démontre la nécessité d’un instrument politique propre aux travailleurs. Nous avons mené une campagne dynamique et avons joué un rôle important dans cette victoire cruciale. Cela n’a été possible que parce que nous avons une alternative clairement socialiste face au capitalisme néolibéral.


    Liens:

  • Portugal: Les travailleurs passent à l’action

    Agitation sociale dans les pays affectés par la crise économique

    Nous avons assisté ces derniers temps à une dégradation rapide des conditions sociales, économiques et politiques. L’économie portugaise est faible et périphérique en Europe. Ce n’est guère surprenant que la crise globale aggrave rapidement tous ses indicateurs économiques. Cela souligne de manière décisive et brutale les effets des politiques néolibérales imposées à la classe ouvrière par les gouvernements de Barroso, Santana et Sócrates.

    José David Gregório, de ’’Socialismo Revolucionário’’ (CIO-Portugal), publié le 17 juin sur www.mundosocialista.net.

    Le Portugal a vu s’agrandir l’écart entre riches et pauvres, le plus grand des pays européens. Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté ou risque de subir ce sort. Pourtant, la moitié de ces pauvres ont un travail rémunéré. Ainsi, l’accroissement des prix de la nourriture et des combustibles a provoqué une croissance du malaise social. L’absence de relai politique pour faire entendre la vraie voix de la classe des travailleurs évite que ne se développe une période prérévolutionnaire.

    Les partis traditionnels capitalistes sont entrés en crise profonde. Le parti conservateur populaire (PP) perd sa base sociale et le ’’libéral’’ parti social démocrate (PSD) est en constante agitation. Ce parti a choisi comme nouveau leader l’ancien ministre des fiances du PSD, Manuela Ferreira Leite, un des faucons du néolibéralisme. Son prédécesseur avait tenu le coup 6 mois. Pourtant, les commentateurs du capitalisme ne prévoient aucun changement dans les opportunités qui s’offrent au PSD pour construire une alternative face au gouvernement du Parti Socialiste conduit par le Premier Ministre José Sócrates.

    Entre temps, les pêcheurs sont en train de protester contre l’augmentation des prix du pétrole. Les blocus ont paralysé le pays. Les chauffeurs de poids lourds sont en grèves et se sont unis avec les conducteurs de fourgonnettes et de voitures commerciales. Le gouvernement est tenté de mobiliser la police contre les blocus.

    Le recours à la police pourrait forcer les leaders syndicaux à appeler à l’action. Il y a également une grève à la Poste et une grève des cheminots. Le mouvement social grandit.

    Dans une rencontre organisée la semaine passée par le Bloc de Gauche, un leader historique du parti socialiste, Manuel Alegre a fait un discours encourageant. Il s’était désaffilié de la direction du parti socialiste et a participé aux élections présidentielles de 2006 contre le candidat officiel du PS, Mário Soares. Il avait obtenu 1.138.297 votes pour finir deuxième, juste après le candidat de la droite. Il a déclaré avec énergie ’’Contre le capitalisme et à nouveau pour le socialisme’’, mais il n’a pas pu mettre en avant un programme pouvant résoudre effectivement les problèmes de la classe ouvrière.

    Jeudi passé, le 5 juin, la Confédération Générale des Travailleurs Portugais (CGTP), la plus grande fédération syndicale du Portugal, a organisé une manifestation nationale contre les nouvelles lois du travail du secteur public et privé. Ces deux dernières années, les manifestations nationales ont accueilli 120.000, 150.000 et 200.000 travailleurs. La dernière, le jour de la ratification par le Portugal du Traité de Lisbonne, 200.000 personnes sont descendues dans les rue de Lisbonne.

    Malheureusement, il n’y a pas de véritable appel pour une grève générale, préparée par des comités d’entreprises et une mobilisation massive. Au lieu de cela, on convoque des manifestations locales pour la fin juin. Quand la situation sera chaude ! Nous avons besoin d’un programme combatif pour organiser une lutte réelle contre ce gouvernent qui permet un système brutal où chaque jour augmente l’exploitation et la pauvreté. Dans le conseil syndical ouvrier de Lisbonne, nous sommes en train de faire un appel à une action générale et à une vraie lutte.

    Dans certains aspects, on peut sentir dans les rues et les centres des travailleurs du Portugal l’esprit de la grande grève générale (française) de mai ‘68 ainsi que certains aspects du mars portugais de 1974, le jour qui a précédé la révolution qui renversa Caetano. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’un programme socialiste et d’une classe ouvrière combative, d’une voix politique démocratique pour les travailleurs et la jeunesse. C’est cela l’objectif que veut promouvoir ’’Socialismo Revolucionario’’.


    Lien:

  • Interview de Joe Higgins sur le NON irlandais

    Interview de Joe Higgins sur le NON irlandais

    Joe Higgins, porte-parole du Socialist Party (CIO-Irlande) et l’un des représentants du "non" au Traité de Lisbonne, était présent ces jeudi et vendredi à Bruxelles afin de protester contre la volonté des chefs d’Etats et de gouvernement d’éviter de prendre en compte le "non" irlandais au Traité. Il nous a également rendu visite, au secrétariat national du Mouvement pour une Alternative Socialiste, afin de discuter avec quelques-uns de nos membres du référendum et de la campagne du Socialist Party en Irlande. Nous ne pouvions le laisser partir sans une interview…

    Interview par Giuliano et Stéphane

    Socialisme.be : Tout d’abord, pourquoi un référendum en Irlande et pas dans les autres pays de l’Union européenne ?

    Joe Higgins : "Un référendum a eu lieu en Irlande et pas ailleurs, non pas parce que l’Irlande est un pays particulièrement démocratique, mais bien parce que les autorités politiques sont obligées de l’organiser pour tout changement de la Constitution. Dans les années ‘80, la Cour suprême a imposé la participation de la population pour toute modification constitutionnelle par voie de référendum."

    Socialisme.be : Que reproche-t-on au Traité de Lisbonne ?

    Joe Higgins : Premièrement, Le document fait 250 pages et il est extrêmement difficile à lire. Il est très difficile d’isoler les mesures d’austérité qui sont bien cachées dans le texte. Par ailleurs, le Traité prévoit l’annulation du droit de veto existant à l’heure actuelle sur les décisions en matière économique. Avec ce nouveau traité, une décision de commercialisation des domaines de la santé, de l’éducation, des services sociaux, et du culturel et de l’audiovisuel pourrait être approuvée au niveau européen malgré la décision contraire d’un Etat membre qui ne bénéficierait plus de son droit de veto. Si ce Traité entrait en vigueur, même si on arrivait à changer le gouvernement, celui-ci ne pourrait pas s’opposer à une décision comme celle de la libéralisation d’un service.

    Deuxièmement, ce Traité plaide pour un développement de l’industrie militaire ainsi que pour un changement radical de la politique étrangère de l’Union européenne. Celle-ci pourrait donc se montrer sur la scène internationale comme un gros bloc capitaliste capable d’intervenir pour défendre ses intérêts économiques, pour la lutte pour les matières premières par exemple. Le Traité prévoit l’instauration d’une force armée européenne sous un commandement unifié. La campagne était donc aussi une campagne contre l’impérialisme. Il est certain qu’on ne peut arriver à une paix généralisée avec le modèle militaire qui vient d’être rejeté par le peuple irlandais. Cette question était surtout importante pour beaucoup de jeunes et aussi de femmes pendant la campagne.

    Troisièmement, le Traité européen comprend la Charte des droits fondamentaux. Le Labour Party et les bureaucraties syndicales en Irlande ont mis en avant la nécessité d’adopter ce Traité car la Charte donnerait de nouveaux droits aux travailleurs européens. Mais il n’en est rien. Les travailleurs européens sont mis en concurrence entre eux et leurs conditions de vie et de salaires sont modelés sur ceux des travailleurs issus des pays où ils sont les moins élevés. Sur demande de certaines entreprises "victimes" de piquets de grève, la Cour européenne de justice (CJE) a plusieurs fois pris position contre les travailleurs s’opposants aux pressions patronales pour, notamment, des diminutions de salaire de ce type. Selon la CJE, les syndicats n’avaient pas le droit de militer contre ces entreprises. Donc, si la Charte prévoit des droits sociaux pour les travailleurs, elle prévoit aussi et surtout beaucoup de dispositions favorables au "big business". La CJE a d’ores et déjà choisi son camp. C’était également une question très importante pendant notre campagne.

    Socialisme.be : La complexité du texte a-t-elle favorisé la victoire du "non"?

    Joe Higgins : Cela a joué un rôle, mais pas le plus important. Le camp du "oui" explique sa défaite essentiellement par la complexité du texte que la majorité des irlandais n’a pas dû bien comprendre… C’est vrai qu’un texte compliqué écrit par des technocrates n’encourage pas à être approuvé par de nombreuses personnes. Mais cette analyse réduit le sentiment général présent en Irlande ; c’est le fondement même, la base du texte qui a stimulé le rejet.

    Le gouvernement et le camp du "oui" en général ont d’ailleurs stimulé la confusion en évitant de parler du contenu même du texte. Les sujets réels qui y sont abordés ont été déserté par la classe politique au profit de slogans tels que : "C’est dans notre intérêt" (Progressive Democrats) ou "Fier d’être irlandais. Oui à l’Europe" (Labour Party).

    Socialisme.be : Le début de la crise économique a-t-il influencé le vote?

    Joe Higgins : C’est clair que le début de la crise a dû peser sur le choix de beaucoup de travailleurs. Comme dans de plus en plus de pays européens, la valeur des maisons est en train de chuter, et 5.000 emplois ont été supprimés ces derniers mois dans le domaine de la construction. Mais, d’un autre côté, la conscience générale n’en est pas encore à des luttes militantes aujourd’hui.

    Socialisme.be : L’Irlande a été le premier pays européen à ouvrir ses frontières aux travailleurs immigrés ; la droite s’est-elle servie de ce thème dans la campagne?

    Joe Higgins : Ce n’était pas évident dans la campagne. Les organisations soutenant le "non" n’ont pas mis en avant cette question de l’immigration pour refuser le Traité. Mais certains disent que cela a eu une certaine influence sur la campagne. La campagne que le Socialist Party a menée n’a en tout cas laissé aucun espace pour ce type de thèmes. Nous avons mené une campagne vers la classe ouvrière, et la plupart des gens savent que les travailleurs immigrés sont utilisés notamment pour mettre une pression à la baisse sur les salaires en vigueur et que c’est l’élite et non les immigrés qui en sont responsables.

    Socialisme.be : Quelles sont les forces qui ont mené campagne pour le "oui" au Traité?

    Joe Higgins : Le camp du "oui" était mené par le gouvernement, composé du Fianna Fail, des Progressive Democrats, et du Green Party, bien que celui-ci soit divisé entre les deux camps, ainsi que par une partie de l’opposition : notamment le Labour Party et le Fine Gael. Les directions syndicales, l’Eglise catholique, très importante en Irlande, et, bien sûr, le "big business" étaient également dans la campagne pour le « oui ».

    Donc, d’un côté, on a la classe politique : sur les 166 députés, 160 ont soutenu le Traité. De l’autre, on a la population qui a dit "non" à 53,4%…

    Socialisme.be : Et quelles étaient justement les forces qui s’opposaient au Traité?

    Joe Higgins : Les deux plus grosses organisations politiques qui ont mené campagne pour le "non" sont le Sinn Féin et le Socialist Party. Par ailleurs, une nouvelle formation politique de droite, Libertas, créée il y a quelques mois, a également soutenu le "non" au référendum. Son fondateur est un millionnaire, voire milliardaire, qui s’est enrichi dans le processus de démantèlement de l’économie planifiée de certains Etats de l’Est de l’Europe, notamment l’Albanie. Libertas défend le faible taux de taxation imposé aux entreprises en Irlande, actuellement de 12,5%. Un des ses principaux arguments de campagne consistait à dire que, avec le Traité, ce serait impossible pour l’Irlande de garder un taux de taxation aussi bas. Mais le Traité n’intervient en aucun cas dans ce domaine.

    Socialisme.be : Le camp du "non" était-il uni dans la campagne?

    Joe Higgins : Même si une coupole rassemblait les différentes organisations s’opposant au Traité ("Campaign against the EU constitution"), chaque composante de ce camp a mené campagne de son côté, avec son propre matériel et ses propres arguments. Libertas a ainsi dépensé la modique somme d’un million d’euros. Le profil de cette organisation dans la campagne était donc extrêmement fort, très visible. Le Sinn Féin, avec ses députés, bénéficiait également d’une tribune très importante. Mais en Irlande, la loi oblige aux médias de donner le même temps de parole aux deux camps, ce qui a permis à notre organisation d’apparaitre publiquement assez souvent.

    Ainsi, quatre porte-paroles du "non" se sont dégagés dans la campagne : un représentant de Libertas, un eurodéputé du Sinn Féin, un représentant du Green Party et moi-même. J’ai ainsi pu profiler le Socialist Party dans de nombreux débats à la télévision et à la radio avec des ministres et des partisans du "oui".

    Socialisme.be : Comment les membres dans les sections locales du Socialist Party se sont-elles impliquées dans la campagne?

    Joe Higgins : Notre campagne a surtout été menée dans les grandes villes où nous sommes le plus présent : Dublin, Cork, Limerick et Galway. Nous avons organisé de nombreux meetings dans ces villes qui ont rassemblé plusieurs centaines de personnes. Nous avons également fait de nombreux stands de rue avec des pancartes, des tracts et notre journal, dans lesquels toute notre argumentation contre le Traité était développée. Nous avons également été invités dans des meetings publics, notamment sur différentes universités.

    C’était une très très bonne campagne, et le résultat est important pour notre organisation. Nous avons évidemment pu faire des contacts, dont une vingtaine sont très intéressés pour rejoindre le Socialist Party.

    Socialisme.be : Que va-t-il se passer maintenant?

    Joe Higgins : Il est clair que la bureaucratie de l’Union européenne n’accepte pas la décision du peuple irlandais. Ils sont en train de chercher, à moitié cachés, une manière de contourner le résultat qui est une claque pour toute l’élite européenne. Ils vont peut-être essayer de modifier quelques points du texte actuel, mais pas les fondements, seulement la décoration. Avec éventuellement l’idée de resoumettre le texte à un référendum, par exemple début 2009. Il est possible que la bureaucratie européenne tente "d’acheter" Libertas, en changeant l’un ou l’autre point contesté par celui-ci, afin d’essayer "d’assurer" une majorité favorable au Traité.

    Socialisme.be : Selon toi, quelle va être la réaction de la population si un nouveau référendum est organisé?

    Joe Higgins : Une proportion importante de la population irlandaise va être très en colère. Le gouvernement aura encore plus de mal à faire changer d’avis cette catégorie de gens. Mais il essayera de jouer avec ceux qui pourraient baisser les bras, et cela pourrait pencher en faveur du "oui".

    Mais il faut regarder le contexte : nous sommes en période de crise économique en Irlande. Par endroits, les travailleurs commencent à entrer en lutte, et si ces luttes prennent de l’ampleur pendant le référendum, cela pourrait être très difficile pour le gouvernement irlandais…

    Socialisme.be : Le Socialist Party va-t-il se présenter aux élections européennes dans un an?

    Joe Higgins : Bien sûr, et ce sera l’occasion pour nos membres de continuer à mener cette campagne et de construire notre organisation.


    Liens:

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop