Category: Afrique

  • [INTERVIEW] Grève générale au Nigéria : des millions de manifestants dans les rues

    La première grève générale de 2012 a eu lieu dans un pays africain. Le gouvernement nigérian avait décidé de totalement abolir les subsides publics pour le carburant. Le Nigeria est un important producteur de pétrole, mais ne possède aucune raffinerie. Le carburant doit donc être importé. Or, le carburant est non seulement important pour le transport, mais aussi pour les générateurs d’électricité.

    Interview de Segun Sango, par Michael B (Gand)

    La grève a commencé le lundi 9 janvier, et a été suspendue le 16 par les directions syndicales. Mais le 18 janvier, des centaines de milliers de manifestants défilaient encore dans les rues. A Lagos, la plus grande ville du pays, 500.000 personnes s’étaient réunies, tandis que la banlieue de Lagos vivait aussi au rythme des manifestations. Des millions de personnes ont cessé le travail et ont montré l’énorme puissance du mouvement ouvrier organisé. Parallèlement, les tensions ethniques et religieuses ont été reléguées à l’arrière-plan. Le régime a répondu par la répression, tuant 20 manifestants.

    Malheureusement, les directions syndicales n’ont pas utilisé le potentiel pour mettre en avant une alternative à la politique néolibérale du président Goodluck Jonathan et de la clique au pouvoir. Ils ont rallié un mauvais accord qui comprend la non-reconduction de la subvention sur le carburant, mais le prix a été réduit à environ 50 centimes d’euros le litre (contre 30 centimes avant l’abolition de la subvention).

    Nous avons parlé de cette grève avec Segun Sango, secrétaire général du Democratic Socialist Movement (DSM), notre parti-frère au Nigeria.

    D’où provient cette explosion de colère?

    ‘‘Ces mesures ont été présentées comme une hausse de prix normale, une adaptation aux prix du marché. Mais c’est le gouvernement qui est responsable de l’explosion du prix. L’essence doit être importée, puisque le pays n’a pas de raffinerie. Il y a des installations, mais elles ne sont pas utilisées. Le pétrole brut quitte donc le pays à bas prix et revient après raffinage à prix élevés. Tout ceci n’est possible que parce que toute la production du pétrole est aux mains des entreprises privés.

    ‘‘La population est fortement dépendante de l’essence. Les installations d’électricité sont insuffisantes et parfois inexistantes. Toute la société dépend du carburant, rien ne fonctionne sans générateurs. Si le prix de l’essence triple, les prix du transport, de l’éclairage, de la cuisine, des services,… triplent également. C’est une attaque gigantesque.

    ‘‘Cette goutte, une sérieuse goutte, a fait déborder le vase en s’ajoutant aux attaques précédentes. Il y a par exemple encore un grand mécontentement concernant le salaire minimum légal de 18.000 Nairas (environ 90 euros) qui n’est en pratique pas appliqué.’’

    La grève a réussi à arracher des concessions au gouvernement. Mais était-il possible de faire plus ?

    ‘‘Pendant la grève, le gouvernement était dos au mur. Rien ne fonctionnait plus. Le secteur public était paralysé, mais les petits commerçants et les magasins étaient aussi en grève. La grève est une arme énorme pour la population, elle clarifie le fait que les travailleurs ont le pouvoir économique entre leurs mains.

    ‘‘Le mouvement ouvrier pouvait obtenir plus. Au lieu de renforcer la lutte en mettant sur pied des comités de grève démocratiques dans les quartiers et sur les lieux de travail, la direction syndicale a mené des négociations secrètes avec le gouvernement pour limiter la hausse du prix du pétrole à 97N (50 centimes d’euros), ce qui était présenté comme une victoire. Avant le premier janvier, le prix n’était que de 65N (30 centimes) par litre. Le caractère massif de la grève et des actions montrait qu’il était possible d’obtenir plus. Après la suspension de la grève, la colère et la déception régnaient.’’

    Comment le DSM intervient-il dans ce mouvement ?

    ‘‘Nous avons toujours soutenu l’idée d’actions de masse. Mais il est très clair que nous devons lier cela à une direction courageuse et audacieuse qui met en avant une alternative à la logique néolibérale. Les positions de la direction syndicale ont maintenant conduit à la déception et à la démoralisation. Cela peut avoir un certain effet mais, en même temps, les actions ont démontré l’énorme colère existant parmi la population. Cette colère n’a pas disparu.

    ‘‘Une nouvelle confrontation avec l’élite capitaliste est inévitable. Nous défendons la nécessité de coordonner et d’organiser la lutte avec des syndicats combatifs, un parti des travailleurs et une alternative à la politique néolibérale qui assure que 1% de la population au Nigéria contrôle plus de 80% des richesses. Le secteur pétrolier doit être nationalisé sous le contrôle de la population, et il faut développer les raffineries.’’

    Que pouvons-nous faire en Belgique pour renforcer cette lutte ?

    ‘‘Les travailleurs et les pauvres doivent s’organiser sur le plan international afin de renforcer la lutte dans leur propre pays. L’exploitation de la population en Nigéria n’est pas une donnée isolée, elle est en partie déterminée par des institutions comme le FMI et la Banque Mondiale. De nombreuses mesures sont imposées par les puissances impérialistes. Le Nigéria est un pays très riche, mais les richesses naturelles sont aux mains d’une infime minorité.’’

  • Nigéria : Un mécontentement toujours très large après la suspension de la grève

    La lutte a pu repousser un peu le président Jonathan, mais aurait pu obtenir bien plus avec une direction plus résolue – Nous condamnons la répression des forces policières et militaires

    Ce lundi 16 janvier, le Nigeria Labour Congress et le Trade Union Congress, les deux grandes fédérations syndicales du pays, ont appelé à la fin de la grève générale qui a paralysé le Nigéria toute une semaine durant. La colère était proprement gigantesque après la suppression des subsides des autorités sur l’essence, ce qui a directement eu pour conséquence une inflation formidable de nombreux biens de première nécessité. Le gouvernement s’est retrouvé isolé toute la durée de la grève et, si les syndicats avaient pu offrir une véritable direction à la lutte, cette dernière n’aurait pas seulement fait baisser les prix, mais aurait pu poser les bases d’une transformation complète du pays. Maintenant, le danger existe que le bien maigre résultat obtenu conduise à une désillusion temporaire.

    Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    L’appel à en finir avec cette grève est venu quelques heures seulement après que les dirigeants syndicaux aient suspendu les actions de rue et les protestations de masse. Cette suspension des piquets, des protestations et des meetings a été suivie par l’annonce de la réduction du prix de l’essence de 141 nairas (0,68 euro) jusqu’à 97 nairas (0,47 euro) de la part du président Jonathan (alors que le prix de base avant janvier était de 65 nairas (0,31 euro)). Le déploiement de troupes armées dans tout le pays a été lui aussi annoncé à ce moment par les autorités. Les dirigeants syndicaux veulent faire croire aux Nigérians que ce nouveau prix est une décision unilatérale du gouvernement, mais la manière dont les évènements se sont enchainés dans les 24 heures qui ont précédé la suspension de la grève ainsi que la déclaration commune émise par les deux grandes fédérations syndicales indiquent plutôt que les dirigeants syndicaux ont conclu un compromis pourri avec le gouvernement.

    A son point culminant, la grève a impliqué des millions de personnes, avec des manifestations véritablement gigantesques à travers tout le pays, tandis que des dizaines de millions de personnes étaient restées chez elles en signe de protestation. Parmi les participants les plus actifs, les jeunes et les étudiants se sont particulièrement fait remarquer. A Lagos par exemple, ils ont organisé des manifestations et des meetings à leur propre initiative, des haut-parleurs branchés sur des générateurs d’électricité de manière à ce que le voisinage et la foule autour des bâtiments puissent entendre les débats.

    Ce mouvement de grève générale et les protestations de masse qu’il a engendrées constituent sans aucun doute le plus grand mouvement de l’histoire du Nigéria. La grève a été des plus totales, même au Nord du pays où l’Etat d’urgence avait pourtant été déclaré en réponse à l’insécurité créée par les activités terroristes du groupe Boko Haram. Cette lutte de masse a donné un aperçu, même très bref, du potentiel pour des changements révolutionnaires au Nigéria.

    En dépit de la suspension des manifestations et de l’annonce d’une baisse du prix de l’essence à 97 nairas, la grève était toujours bel et bien effective ce lundi et l’économie était toujours à plat tant au niveau des secteurs formels que des secteurs informels. Les rues et les routes étaient désertes, uniquement occupées par les soldats et leurs véhicules. Toutefois, des groupes comme le Joint Action Front (JAF) ont organisé nombre d’activités de masse à travers le pays pour défier cette annonce de fin de grève. A Lagos, une manifestation au centre-ville a été dispersée par les forces de police, à l’aide de gaz lacrymogène. Dans les Etats d’Oyo d’Osun, des meetings de masse ont réuni des milliers de personnes, mais ceux-ci se sont arrêtés abruptement dès que la nouvelle de la fin de la grève est parvenue dans la foule. Des activités de masse similaires se sont déroulées dans tout le pays.

    Tout cela illustre la résolution des millions de participants à cette grève générale. L’énorme masse de Nigérians qui a participé aux diverses actions de grève dans tout le pays et ceux qui étaient restés chez eux en signe de protestation attendaient bien plus du mouvement, et au minimum de revenir à l’ancien prix de 65 nairas le litre d’essence.

    Malheureusement, les directions syndicales n’étaient pas préparées à mener une lutte de longue haleine. De plus, une grève générale illimitée pose directement la question du pouvoir : qui dirige le pays ? Les travailleurs et les pauvres ou les exploiteurs ? Mais cette question n’est très certainement pas inscrite à l’agenda des dirigeants syndicaux !

    Et de fait, le dimanche 15 janvier, les dirigeants syndicaux ont publié une déclaration honteuse qui les dissociait explicitement de l’appel à un changement de régime qui avait commencé à trouver écho au sein des masses durant la lutte. L’objectif de la grève, ont-ils expliqué, est “de retrouver l’ancien prix de l’essence tel qu’il était pratiqué avant le 1er janvier 2012. Nous ne menons donc pas campagne pour un ‘changement de régime’.” Cette attitude visait à sortir du conflit avec le gouvernement. Les actuels dirigeants des fédérations syndicales n’ont pas de programme alternatif destiné à contester le pouvoir. Avec un tel type d’approche, la grève n’aurait pas été capable de remplir tous les objectifs qu’il était possible d’atteindre malgré son soutien énorme parmi les travailleurs et malgré le total isolement du gouvernement.

    Afin d’atténuer la nouvelle de l’accord sur un prix de l’essence plus élevé que les 65 nairas le litre, les dirigeants syndicaux ont souligné les promesses du président Jonathan concernant l’industrie pétrolière (avec différents projets de loi). Cela ne fait que mettre en lumière à quel point ces dirigeants syndicaux entretiennent des illusions utopistes envers leur prétendu pouvoir d’influencer les décisions prises par ce gouvernement capitaliste en faveur des intérêts des travailleurs. Cette attitude n’est en aucun cas un accident, il s’agit d’une conséquence directe de l’absence de tout projet économique et politique alternatif à opposer à l’actuelle logique néolibérale et capitaliste. Cela explique encore pourquoi ils ont accepté de collaborer au Comité Belgore, un comité instauré afin de discuter des modalités de dérégulation du secteur. Leur participation à un tel comité indique très clairement que les dirigeants syndicaux soutiennent les politiques de dérégulation, qui sont pourtant le terreau du développement de l’augmentation des prix. Nous pourrions encore parler dans cette même logique de la participation des dirigeants syndicaux au Conseil National de Privatisation (NCP).

    Le Democratic Socialist Movement (DSM, section du CIO au Nigéria) condamne la massive militarisation des rues sous les ordres du gouvernement de Goodluck Jonathan afin de réprimer la population. Nous appelons à la suspension immédiate des soldats qui ont harcelé la population et qui ont prix d’assaut les piquets tenus par les grévistes. Selon différents rapports et photos sur les réseaux sociaux, cela serait déjà le cas jusqu’à un certain point actuellement. La grève générale et les actions de masses qui ont impliqué des millions de Nigérians depuis le 9 janvier sont restés largement pacifiques.

    La seule violence a été le meurtre d’environ 20 personnes à travers le pays, y compris des jeunes qui jouaient au football sur les rues désertes, du fait des forces de police. Ces actes de la part du gouvernement Jonathan font directement songer à la période militaire, quand la culture de la peur et de l’intimidation était imposée à tout le pays. Le danger est très réel de voir à nouveau l’armée mise en avant comme étant la seule institution capable de restaurer la “loi et l’ordre”. C’est devenu une attitude très régulière de la part des autorités actuelles que de faire appel à l’armée pour intimider les opposants.

    Sans aucun doute, le mouvement de grève générale a une nouvelle fois illustré au grand jour quelle est la force potentiel qui réside dans la classe ouvrière, qui a le pouvoir d’entraîner à sa suite les masses du pays pour un réel changement de régime par une transformation révolutionnaire de la société. Malheureusement, à la place de défendre la cause de la révolution et des travailleurs en mettant en avant une réelle alternative politique, les dirigeants syndicaux actuels font tout leur possible pour assurer que l’élite dirigeante du Nigéria ne soit pas confrontée à un mouvement révolutionnaire.

    Alors que des dizaines de millions de Nigérians sont déterminés à lutter pour retrouver l’ancien prix de 65 nairas par litre, de plus en plus de manifestants réclament que Jonathan dégage. C’est là une expression de la compréhension de plus en plus large de la nécessité d’une alternative politique basée sur la défense des intérêts des travailleurs et des pauvres contre la clique dirigeante actuelle. Il nous faut aussi un programme économique alternatif opposé à leur agenda anti-pauvres, néolibéral et capitaliste. Hélas, les directions syndicales sont toujours attachées à l’idée selon laquelle une baisse des prix est le seul prix à obtenir de la lutte. Mais même ça ils n’ont pas réussi à l’obtenir !

    La principale leçon à tirer de ce mouvement, comme d’ailleurs des autres grèves générales qui se sont développées depuis l’an 2000, c’est que faire grève n’est pas un but en soi. Le mouvement du travail doit adopter un programme révolutionnaire pour faire dégager ce système pourri. C’est pourquoi le DSM a toujours appelé les travailleurs, les artisans, les commerçants, les jeunes, les paysans, etc. à faire de l’agitation en direction de la création d’un parti politique des travailleurs qui vise à assurer que les ressources du pays soient utilisées à destination de la satisfaction des besoins de la vaste majorité de la population contre le système actuel où 1% de la population s’approprie plus de 80% des richesses collectives de la société.

    Les militants de la classe ouvrière et les marxistes doivent continuer ce travail de promotion pour la création d’un tel parti des travailleurs, basé sur un programme socialiste en tant qu’alternative à l’agenda néolibéral et capitaliste de privatisation et de dérégulation. Les syndicats, au vu de leur important nombre de membres issus de la classe ouvrière ainsi que de leur importance stratégique dans l’économie moderne, ont une position clé pour lancer la construction d’un tel prolongement politique des revendications des travailleurs.

    La plate-forme syndicale Joint Action Front (JAF) a joué un grand rôle avant et durant la grève générale. Au cours du développement de la grève, des comités de grève et des comités de quartiers ont été constitués en de très nombreux endroits à l’initiative des militants du JAF et d’autres forces de gauche, particulièrement à Lagos. Ces comités d’action doivent se maintenir et poursuivre la lutte contre la politique capitaliste du gouvernement, particulièrement dans les quartiers. Ces comités d’action peuvent aussi constituer la base sur laquelle un parti de masse des travailleurs peut se développer. Cela demande du JAF qu’il prenne immédiatement des initiatives à destination des syndicalistes, des marxistes et plus largement parmi les travailleurs.

    En définitive, seule la victoire de la révolution socialiste sera capable de prendre le pouvoir des mains de l’élite dirigeante capitaliste afin de constituer un gouvernement des travailleurs et des pauvres fermement décidé à utiliser les ressources gigantesques du pays pour sortir les Nigérians du cercle vicieux des prix de l’essence et de la pauvreté. Pour y parvenir, ce gouvernement devra appliquer des politiques socialistes assurant le contrôle public sur le secteur pétrolier et sur les autres secteurs-clés de l’économie, sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs.

    Cette grève a aussi démontré que seuls les travailleurs du Nigéria sont capables de prendre des initiatives économiques et politiques concrètes pour reconstruire le Nigéria et assurer la survie du pays. Le Financial Times, journal londonien du capitalisme international, a très correctement commenté que “les protestations ont impliqués des Nigérians ordinaires, et les ont sensibilisés concernant les dépenses inutiles du gouvernement. De plus, nombreux sont ceux à avoir été déçus par les syndicats pour avoir accepté d’appeler à la fin de la grève sans que les subsides des autorités pour le gouvernement ne soient entièrement restaurés.” Nombreux sont ceux qui tireront les leçons de ces évènements.

    Le DSM reste fermement accroché à ces idéaux et presse tous ceux qui sont convaincus de la nécessité d’intensifier la lutte contre le gouvernement capitaliste du président Jonathan à nous rejoindre pour collectivement construire un mouvement qui puisse se battre pour un avenir socialiste.

  • Nigéria : Premier jour d'une grève générale illimitée – Le pays mis à plat par la classe ouvrière

    Ce lundi 9 janvier 2012, des dizaines de milliers de Nigérians ont défilé dans les rues de Lagos (l’ancienne capitale et principale ville du pays) contre la suppression des subsides des autorités pour le carburant. En conséquence de cette mesure antisociale, les prix de l’essence ont grimpé de 65 nairas (0,3 euro) jusqu’à 140 nairas (0,7 euro), puis 200 nairas (environ 1 euro). Le prix de la nourriture, des transports et des bien et services de base ont ensuite vertigineusement augmenté.

    Par des correspondants du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    Cette situation se développe alors que les salaires reste inchangés malgré l’inflation galopante et en dépit du fait que le salaire minimum national de 18.000 nairas (environ 85 euros) n’est toujours pas appliqué dans de nombreux Etats du pays. Dans ce contexte, il est aisé de comprendre la profonde colère de la classe ouvrière et des pauvres du Nigéria.

    Depuis le 2 janvier, cette attaque antisociale vicieuse fait face à des protestations massives, certaines tout à fait spontanément, à travers tout le pays. A Kano et Abuja (la capitale officielle du Nigéria) des tentatives ont été faites d’occuper les places publiques, en référence au processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et aux protestations de masse contre l’austérité en Europe et aux Etats-Unis. Nombre de ces courageuses actions des masses ont été confrontées à la brutalité policière, comme à Ilorin (dans l’Etat de Kwara), où un manifestant a été tué.

    Le lundi, dès 5 heures du matin, la foule se massait en divers point, à Lagos et dans tout le pays. Des feux et des barricades annonçaient clairement que la révolte des masses avait commencé. Ce mouvement est le plus suivi et le plus étendu au pays au Nigéria, et particulièrement à Lagos, depuis la fin de la guerre civile. A Lagos, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté et ceux qui ne pouvaient pas rejoindre la manifestation centrale ont organisé des actions plus limitées dans leurs communautés et dans leur voisinage. Tant la classe ouvrière que des éléments de la classe moyenne ont été activement impliqués dans les manifestations. Des associations d’avocats et de médecins pouvaient notamment être vues aux côtés d’ouvriers. Partout, les principales artères étaient désertes; magasins, marchés, bureaux,… tout était fermé.

    Au contraire d’autres protestations où les militants et syndicalistes devaient défendre les barricades pour protéger les effets de la grève, les masses sont venues d’elles-mêmes rejoindre les piquets et les barricades. A l’arrêt de bus de Agbotikuyo à lagos, par exemple, où des camarades du DSM ont joué un rôle crucial, les efforts de la police pour briser le piquet ont été contrariés par les masses des quartiers, venus en renfort soutenir la barricade. De là, ensuite, un milliers de personnes sont parties en manifestation. Rapidement, 3.000 personnes étaient présentes dans ce cortège improvisé.

    Sur les pancartes des manifestants, on pouvait notamment lire: “Les masses nigérianes refusent la suppression des subsides”, “Une mesure pour l’élite, par pour les masses”, “Le retour à l’ancien prix n’est pas négociable”, “Jonathan [le président] doit partir”, “Pour un nouveau parti des travailleurs de masse”, etc.

    De très nombreuses personnes qui n’avaient pas pu rejoindre la manifestation ont exprimé leur soutien à la grève générale nationale, aux actions de masse et à l’appel pour que le Président Goodluck Jonathan réinstaure immédiatement les subsides du carburant dans les intérêts de la majorité écrasante de la population nigériane. Partout, des meetings et assemblées organisent la mobilisation indépendamment des syndicats, ce qui est une autre illustration de la profonde colère des masses.

    Le tract produit par le Democratic Socialist Movement (DSM, section du CIO au Nigéria) condamne le système économique actuel et appelle à son remplacement par une alternative socialiste, un système basé sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et leur contrôle démocratique à travers une planification démocratiquement élaborée pour satisfaire les besoins de la population du pays.

    Dans les rues de Lagos, certaines rues étaient devenues des terrains de football pour les enfants. Tout était déserté, à l’exception des endroits où l’on pouvait trouver des journaux, où ,les gens s’amassaient avant de rejoindre les rendez-vous des protestations. Les policiers, en certains endroits, n’ont pas dérangé les manifestants, et certains ont d’ailleurs ouvertement exprimé leur solidarité. Un jeune homme, Aderinola Ademola, a toutefois été tué par un policier tandis que trois autres ont sévèrement été blessés. Selon des témoins, ils ont été agressés alors qu’ils jouaient au football sur la route. La police a fait une déclaration annonçant l’arrestation du criminel et sa détention, mais il est impossible de vérifier cela. Il faut construire une campagne contre ces brutalités policières. C’est d’autant plus important au vu des rapports de violences qui arrivent de Kano et d’ailleurs. Plusieurs autres personnes auraient été tuées.

    A côté des dizaines de milliers de manifestants de Lagos, les rapports d’autres villes parlent d’un même succès avec 2.000 personnes à Benin (dans l’Etat d’Edo, où 214 exemplaires de “Socialist Democracy”, le journal du DSM, ont été vendus), 3.000 personnes dans l’Etat d’Osun (nos camarades y ont vendus 468 exemplaires de SD),… Dans son matériel politique, le DSM appelle à la création de comités d’action démocratiques dans les quartiers, les lieux de travail et les universités, afin d’impliquer de plus en plus de personnes dans l’organisation active de la lutte contre cette attaques et les autres mesures anti-pauvres des autorités. Il est tout à fait correct de revendiquer la restauration de l’ancien prix de l’essence, mais ce n’est pas assez.

    La suppression de ces subsides a agis telle une étincelle qui a mis le feu aux poudres, mais la base réelle de cette colère des masses est faite de la constante politique néolibérale d’attaques contre la population qui a marqué des dernières années. Le chômage des jeunes est de 42% (soit plus de 28 millions de personnes), l’enseignement et les soins de santé ont été commercialisés, le réseau routier et électrique se sont effondrés,… Pour la plupart des gens, et plus encore pour les jeunes, l’avenir s’annonce des plus sombres sous le capitalisme. C’est pourquoi le DSM appelle à lutte contre la suppression des subsides pour le carburant, mais aussi contre toutes les mesures néolibérales. Notre slogan principal est : “Dégageons le gouvernement anti-pauvres de Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres.”

    Nous avons besoin d’une révolution pour renverser ce système où 1% de la population consomme 80% des ressources de la société, pour chasser ce gouvernement et le remplacer par celui des masses. Dans le cadre de cette lutte, il faut construire un nouveau parti des travailleurs de masse armé d’un programme socialiste défendant la propriété publique du secteur pétrolier sous le contrôle démocratique des travailleurs.

    Le gouvernement espère que cette lutte s’épuisera à cause de la pauvreté, du manque d’approvisionnement,… C’est pourquoi le mouvement doit poursuivre sa route et aller de l’avant. Cette société capitaliste ne va nulle part, c’est un cul-de-sac. Le pouvoir de la grève actuel est tel que le gouvernement pourra être forcé de faire des concessions, mais uniquement pour qu’il puisse gagner du temps. Les travailleurs doivent utiliser ce mouvement pour aller plus loin.

  • Solidarité-Nigéria : Protestations devant l’ambassade de Londres

    Des centaines de Nigérians se sont réunis vendredi dernier aux portes de l’ambassade du Nigéria afin d’y démontrer leur solidarité avec leurs frères et sœurs qui, dans leur pays d’origine, sont entrés en lutte contre la suppression des subsides des autorités sur le carburant. En effet, cela a directement signifié une hausse brutale des prix des denrées de base pour la population. Ce lundi 9 janvier se déroule d’ailleurs au Nigéria une grève générale sur cette question, la première grève générale de l’année 2012 au niveau mondial.

    Lors de cette action, organisée rapidement par la campagne “#OccupyNigeria”, des membres de la diaspora nigériane, tant de nouveaux arrivants que des Londoniens de longue date, ont occupé les rues en chantant “Solidarity forever” et en criant des slogans contre le gouvernement Jonathan et ses récentes attaques contre les masses. L’atmosphère était faite d’une confiance renforcée par les nouvelles des préparatifs de la grève générale de ce lundi au Nigéria. Seule la lutte paie, et cette vérité était bien présente lors de la protestation devant l’ambassade.

    Les slogans sur les pancartes dénonçaient la suppression des subsides, et dénonçaient aussi les abus de cette classe criminelle qui dirige le pays et contre tous ceux qui pillent les richesses du pays. Une pancarte disait notamment : “Les Nigérians, partout à travers le monde, disent non aux politiques du FMI”. De nombreux manifestants faisaient directement le lien entre les attaques contre les subsides sur le carburant et la contradiction grotesque qui existe entre les conditions de vie luxueuses de l’élite et des multinationales qui pillent les richesses du pays face aux conditions des masses qui ne bénéficient aucunement des revenus du pétrole et souffrent d’une grande pauvreté dans un contexte de manque d’infrastructure et de services publics.

    Des membres du Socialist Party (section du CIO en Angleterre et Pays de Galles) ont également participé à cette action, en distribuant notamment le matériel politique produit par le Democratic Socialist Movement, section du CIO au Nigéria. Le tract du DSM défend la construction d’une lutte de masse, contrôlée démocratiquement par la base au travers de comités de travailleurs et de pauvres groupés autour du programme d’un gouvernement des masses de travailleurs. Nous défendons la propriété publique et démocratique des ressources naturelles du pays, afin de résoudre les problèmes fondamentaux des masses. Cette approche a pu compter sur un écho enthousiaste. Au moment où les gouvernements capitalistes, partout à travers le monde, accélérant le pas de leurs attaques contre les pauvres, la solidarité internationale et l’unité dans la lutte sont des éléments plus importants que jamais.

  • Élections présidentielles au Congo : Les suites de la ”transition démocratique”…

    Les élections présidentielles qui ont eu lieu fin novembre au Congo ont permis de clarifier l’état de la ”transition démocratique” dans le pays. Alors que celles-ci devaient confirmer l’action en faveur de la paix et de la démocratie de la ‘communauté internationale’, celles-ci nous ont permis de vérifier une fois de plus que cette ‘communauté’ est incapable d’apporter la paix, la démocratie ou le développement.

    Par Alain (Namur)

    L’avènement de Joseph Kabila

    Joseph Kabila a été élu en 2006 en tant que président de la république. Cette élection, conforme aux vœux de la communauté internationale, a pris place dans une situation où le peuple congolais sortait de 10 ans de guerre et d’instabilité politique. Joseph Kabila a pu se forger l’image d’un homme qui a réussi à ramener une relative paix au Congo. Après cette décennie de guerre qui vu mourir 4 à 6 millions de personnes, le peuple n’avait qu’un seul espoir : la paix et le développement. Joseph Kabila a pu s’appuyer sur cet espoir pour asseoir son autorité.

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    Il a aussi habillement joué sur l’attrait du pouvoir afin d’effacer toute contestation. Il a nommé comme premier Premier Ministre Antoine Gizenga, dirigeant historique du PALU ( le parti lumumbiste unifié- le parti du dirigeant nationaliste Patrice Lumumba héros de l’indépendance).

    Son programme comme président faisait écho à cet espoir de paix et de développement et était constitué de 5 chantiers qui devaient fonder son action comme président : l’infrastructure, la création d’emploi, l’éducation, l’eau et l’électricité et la santé. À côté de cela, il y avait la promesse de pacifier le pays, notamment à l’Est, où des groupes armés sévissaient encore.

    Les 5 chantiers où la désillusion du peuple

    Durant son mandat de 5 ans, Kabila aurait pu mettre à profit les énormes richesses naturelles dont dispose le Congo pour répondre aux besoins sociaux. S’il avait ne fut-ce qu’entamé un pas dans cette direction, il est clair qu’il se serait attiré la sympathie d’une grande partie de la population pauvre des villes et des campagnes.

    Au lieu de cela, et conformément à la volonté de ses donneurs d’ordres, il n’a avancé dans aucun des 5 chantiers. D’un côté les richesses naturelles du pays ont été bradées aux compagnies étrangères à la recherche de matière premières en échange de quelques miettes (comme la construction de routes ou de bâtiments publics par ces mêmes compagnies). De l’autre côté, le pouvoir à cherché à écarter toute critique soit par la corruption directe ou indirecte (un député gagne 4 à 5.000 dollars là où la majorité de la population vit avec moins de un dollar par jour), soit par la conclusion d’accord avec ”l’opposition” : il a ainsi pris comme vice Premier ministre l’un des fils de Mobutu, pour s’allier à lui la mouvance Mobutiste.

    Les voix dérangeantes pour le pouvoir, comme celle de Floribert Chebeya (représentant de l’association de défense des droits de l’homme ”La voix des sans Voix”), ont été assassinées purement et simplement.

    Malgré tout cela, la communauté internationale (ONU, USA, UE,UA,…), en général, mais aussi les politiciens traditionnels belges ont toujours soutenu Kabila. Dernièrement, Louis Michel, interviewé à Matin Première, disait qu’il n’avait jamais soutenu Kabila en lui-même, mais bien le processus de paix et de démocratie au Congo. Ce soutien d’une partie de la classe politique belge, malgré les assassinats et malgré la corruption avérée du régime ainsi que la pauvreté persistante et sévère du peuple, est un élément d’explication de la colère qui s’exprime dans le quartier Matonge à Ixelles.

    Pour les Congolais, le processus de pacification et de démocratie est une farce. La MONUC qui est déployée depuis 10 ans au Congo ainsi que l’armée congolaise n’ont pas été capables de sécuriser l’Est du pays. Actuellement, il y a encore une dizaine de groupes armés différents qui circulent dans la région alors que la mission des Nations Unies coûte 1 million par jour.

    La coopération au développement belge, alliée indéfectible de Kabila, a réalisé via l’aide au développement certainement bien plus que Kabila lui-même. Cela lui a permis de prendre pour lui le crédit de réalisations pour lesquelles il n’a strictement rien fait

    La seule chose où le régime présidentiel excelle vraiment, de même que toute l’actuelle classe politique congolaise, c’est la corruption. Un député travailliste britannique, Eric Joyce, déclarait fin novembre que le gouvernement Kabila aurait ”signé plusieurs contrats miniers pour quelques 5,5 milliards de dollars américains, dans une totale opacité, avec des sociétés fictives immatriculées aux îles Vierges britanniques”. Il ajoutait : ”ces documents prouvent que les ressources naturelles du Congo ne sont pas exploitées comme des sources de revenus légitimes pour le peuple congolais. Des séries d’arrangements complexes entre le gouvernement du Congo et des sociétés fictives des IVB (îles Vierges britanniques, ndlr) font en sorte qu’un petit nombre de personnes s’enrichissent moyennant des pertes énormes pour le reste de la population.” Il a même qualifié la gestion des contrats miniers de scandale du siècle…

    Il s’agit de corruption de haut vol mais, dans des conditions matérielles difficiles, c’est l’ensemble de la société congolaise qui est touchée par la corruption. La population pauvre des villes et des campagnes en est la première victime. Certains salaires de fonctionnaires (soldats, enseignants, administrations,…) qui sont déjà faibles, n’arrivent parfois plus depuis des mois. Cela pousse les représentants de l’Etat à rançonner la population. Cette situation de corruption généralisée ne peut être combattue que par un contrôle collectif de la population sur chaque secteur. C’est la seule manière de s’assurer que les richesses produites et la plusvalue de ces richesses vont bien répondre aux besoins sociaux, qui sont immenses.

    Les élections présidentielles

    Le 28 novembre, les Congolais étaient appelés aux urnes pour élire un nouveau président et une nouvelle assemblée parlementaire. La loi électorale a été modifiée afin de favoriser Kabila. Il a fait passer le système électoral de 2 tours à 1 seul. Il a utilisé les moyens de l’Etat pour sa campagne. Mais ceci est encore superficiel. De nombreux droits démocratiques ont été bafoués durant la campagne, comme des meetings interdits ou attaqué par les forces de l’ordre. Il y a eu une trentaine de morts durant la campagne. Malgré cela, les politiciens belges envoyés comme observateurs internationaux n’ont rien trouvé à redire de ces élections qui, selon eux, se sont bien déroulées, à l’exception de quelques problèmes ça et là… Ce n’est pas l’avis du centre américain Carter, pour qui ces élections ne sont pas crédibles. Marie-France Cros, du quotidien La Libre, est du même avis.

    Le retour de ‘l’opposant éternel’

    Etienne Tshisekedi qui a été plusieurs fois premier ministre sous Mobutu, a pu profité de la colère et du désespoir d’une partie de la population pour se mettre en avant. Il se présente comme un homme qui lutte depuis toujours pour la démocratie au Congo alors qu’il fait partie de la même classe politique corrompue. Au lieu d’organiser la population pour que celle-ci reprenne le contrôle de l’économie et de toute la société, lui et son parti (Union pour la démocratie et le progrès social) préfèrent instrumentaliser la colère pour tenter de décrocher des postes via la stratégie de la tension.

    A ce point, il est difficile de savoir si le but de Tshisekedi est réellement de s’emparer du pouvoir ou de mettre assez de chaos pour pouvoir avoir une bonne place pour lui et son parti dans le prochain gouvernement. Louis Michel préconisait ”l’union nationale”. On verra comment ‘l’opposant éternel’ réagira à cette proposition.

    Une perspective socialiste pour le Congo

    L’indépendance politique que le Congo a acquis de haute lutte en 1960 ne s’est jamais accompagnée d’une indépendance économique, cela signifie que les droits pour lesquels ont lutté les héros de l’indépendance n’ont jamais été effectifs.

    La réaction a, de plus, remporté une grande bataille en installant et en maintenant Mobutu durant une trentaine d’années. Après la chute de celui-ci, encore une fois par la lutte du peuple, il a fallu le temps que l’impérialisme retrouve un pion docile sur lequel s’appuyer dans la région. Ce pion, il l’a trouvé dans la personne de Joseph Kabila. Celui-ci a pu s’imposer par manque de perspectives claires quand à la manière de renverser une dictature chez tous les dirigeants révolutionnaires congolais.

    En effet, Kabila-père a cru que par une guerre de guérilla et en s’alliant avec des anti-impérialistes il pourrait garder les rennes du Congo. Il a vite été éliminé du jeu politique. L’impérialisme a trop d’intérêts en jeu au Congo pour pouvoir garantir le minimum démocratique et social à la population. Il faut que les travailleurs et les paysans congolais s’organisent en un parti à caractère ouvrier qui lutte pour que l’économie soit gérée directement par les Congolais, ce qui implique :

    • La dissolution de l’assemblée parlementaire actuelle et l’élection dans chaque localité de représentant du peuple. Ces comités doivent avoir une coordination par ville, province et nationalement
    • la prise de contrôle par les travailleurs des secteurs miniers afin que les revenus de l’exploitation minière servent au développement du pays tout entier
    • le partage des terres via des comités de paysans élu

    Ces mesures doivent être accompagnées d’autres pour que chaque secteur soit entièrement sous le contrôle de la population. C’est la seule manière de lutter contre la corruption à tout les niveaux.

    Si les Congolais prennent en main leurs richesses, le Congo sera capable d’offrir du travail avec un salaire convenable à l’ensemble de la population. En effet, la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, l’agriculture, sont des domaines où tout reste à faire. Cela permettrait à d’autre pays de la région (Rwanda, Burundi,…) de se développer et de combattre la pauvreté en Afrique centrale ce qui diminuerai du même coup les tensions ethnique.

    Les Tunisiens et les Égyptiens. Aucune dictature n’est éternelle. Il faut que les Congolais mettent fin à la dictature, et contribuent à la construction d’une Afrique prospère, démocratique et socialiste, où les secteurs clés de l’économie seront sous le contrôle des travailleurs et des paysans pauvres.

  • La famine en Afrique est-elle inévitable ?

    En Afrique, la famine est véritablement catastrophique, et les appels ne manquent pas pour soutenir l’aide humanitaire livrée par diverses ONG. Si la solidarité démontrée par tant de personnes est tout à fait louable, il est important de tenter de voir un peu plus loin : d’où provient cette famine ? Que peut-on faire, fondamentalement, au-delà d’une aide ponctuelle ? Voici ci-dessous un article de Paul Murphy, Parlementaire européen du Socialist Party.

    Les organisations humanitaires préviennent que la famine actuelle dans la Corne de l’Afrique est la pire depuis plus de 20 ans. Chaque jour, environ un millier de personnes fuient la Somalie pour tenter d’échapper à la faim. La sécheresse et les mauvaises récoltes constituent à n’en pas douter une des causes de cette catastrophe, mais cette dernière ne s’aggraverait pas à ce point sans l’impact de la spéculation sur les marchés alimentaires. Pourtant, l’Union Européenne et les divers pays européens laissent les spéculateurs en paix.

    Au Kenya, en un an seulement, le prix du maïs a augmenté de 160% et celui du blé de 169%. Dans le sud de la Somalie, le prix des grains a augmenté de 240% par rapport à l’an dernier. L’ampleur de ces hausses de prix dépasse même ceux connus durant la crise alimentaire de 2007-2008. La spéculation sur les récoltes à venir est un facteur déterminant de cela. Maintenant que de grands spéculateurs comme Goldman Sachs et Merrill Lynch ne savent plus spéculer sur l’immobilier, ils se sont jetés sur un nouveau marché. On estime que le groupe financier Barclays PLC a réalisé cette année 340 millions de livres de bénéfices sur base de la spéculation sur les prix de la nourriture. Entre 70 et 80% du commerce mondial de produits alimentaires sont des activités purement spéculatives.

    En avril, lors d’une réunion de la Commission du commerce international du Parlement européen, j’ai demandé à M. De Gucht (commissaire européen au commerce) : “La Commission entend-elle faire quelque chose concernant la spéculation sur les denrées alimentaires?” De Gucht a répondu de façon très vague, le message étant que rien ne sera fait.

    Cette nouvelle flambée de spéculation due à la cupidité sans limite des géants financiers signifie que nous allons tous inévitablement payer notre nourriture plus chère. Le silence des politiciens traditionnels dans ce domaine doit être brisé et il faut empêcher les spéculateurs de jouer avec notre alimentation.

    Des cultures de première nécessité n’ont rien à faire sur les marchés à terme. Si l’Union Européenne veut réellement faire quelque chose au sujet de la faim en Afrique, elle doit impérativement interdire la spéculation sur l’alimentation.

  • Lutte pour un salaire minimum au Nigéria

    Le Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Nigéria) mène campagne pour l’entrée en vigueur du nouveau salaire minimum légal de 18.000 naïras (équivalent à 80€) par mois. Nous publions ci-dessous le texte du tract qui a été distribué dans l’Etat d’Osun (sud-ouest du Nigéria), où les travailleurs sont entrés en grève en soutien à cette revendication.

    Tract du DSM (CIO-Nigéria)

    Salaire minimum de 18 000 naïras : les travailleurs doivent faire passer la lutte au niveau supérieur.

    • Pour l’organisation de meetings de masse, de marches de protestation, de piquets à travers tout l’état.
    • Pour la création de comités de grève dans tous les départements
    • Pour un salaire minimum de 18 000 naïras pour tous les volontaires OYES, avec le droit pour eux d’être syndiqués.

    Le Democratic Socialist Movement (DSM) de l’Etat d’Osun appelle les travailleurs de cet état à intensifier leur juste lutte pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum légal de 18.000 naïras en organisant une action de masse pacifique et une sensibilisation de masse du public large afin de stopper la propagande du gouvernement Aregbesola contre les travailleurs.

    Il est parfaitement évident que le gouvernement Aregbesola, qui s’est hissé au pouvoir sur le dos de la population pauvre et laborieuse de l’état d’Osun, est déterminée à priver les travailleurs de leur salaire minimum auxquels ils ont pourtant légalement droit. Au contraire, il tente d’utiliser toutes les armes de son arsenal pour obtenir la défaite des travailleurs, non seulement pour la lutte actuelle, mais aussi pour le futur. Par conséquent, les travailleurs et leurs dirigeants doivent rompre avec l’illusion qu’une grève qui consiste simplement à rester chez soi pourra vaincre le gouvernement. La nature déteste le vide. En l’absence d’actions de masse bien organisées, avec des campagnes publiques de masse, y compris la mobilisation non seulement des travailleurs du secteur public, mais aussi de la population pauvre et laborieuse en général, les pauvres gens sont laissées à la merci de la propagande du gouvernement. Il nous faut réaliser que ce sont les pauvres qui sont le plus affectés par la grève, de sorte que notre but ne doit pas être d’avoir une grève prolongée, mais de forcer le gouvernement à céder aux revendications des travailleurs dans les plus brefs délais. Sans des actions et campagnes de masse bien organisées, la grève sera prolongée, ce qui peut épuiser les gens, y compris ceux qui soutiennent la grève. Cela peut donner aux dirigeants syndicaux un prétexte pour finalement accepter un moindre salaire de la part du gouvernement. Et cela, nous devons l’éviter.

    Comme nous l’avons déjà dit dans plusieurs de nos publications, des grèves passives empêchent les travailleurs d’organiser des campagnes de masse – incluant des manifestations, meetings, piquets, conférences, etc. pacifiques de masse, qui pourraient aider les travailleurs à toucher d’autres personnes, en particulier les pauvres, qui sans cela pourraient être trompés par la propagande du gouvernement, selon laquelle les travailleurs veulent manger la plupart des ressources de l’état, sans mentionner toutefois la somme réelle du budget de l’état qui est mangée chaque jour par une poignée de cadres gouvernementaux. Plus que cela, les travailleurs doivent parler aux pauvres via des meetings de masse, des manifestations et des tracts, doivent leur expliquer ce qu’une hausse de salaire représentera pour les paysans, pour les commerçants sur les marchés, pour les artisans, etc., dont les ventes et le revenu s’accroitront eux aussi. C’est-à-dire, qu’une hausse des salaires est une forme de redistribution de la richesse en faveur des pauvres.

    Les travailleurs doivent expliquer à la population pauvre et laborieuse de l’état, via des actions de masse, que les soi-disant projets de développement pour lesquels le gouvernement Aregbesola prétend vouloir dépenser les ressources de l’état ne sont rien d’autre qu’une ruse. Par exemple, le gouvernement a prétendu avoir économisé plus de 8 milliards de naïras au cours des derniers huit mois, mais cela ne s’est pas reflété en termes d’infrastructures sociales telle que l’éducation, la santé, l’approvisionnement en eau, la construction de logements, etc., pour lesquelles le gouvernement avait pourtant prévu plusieurs milliards dans le budget 2011. Le secteur de l’éducation n’a reçu aucune amélioration fondamentale au cours des neuf derniers mois, comme on peut le constater par le piètre état de nos institutions primaires, secondaires et tertiaires : classes en ruine, laboratoires, bibliothèques, ateliers, à l’équipement inadéquat – lorsqu’il est présent –, manque de salles de sports, etc.). Tandis que le gouvernement proclame partout la gratuité de l’enseignement – ce que nous applaudissons –, il a refusé de financer les écoles comme il se doit en termes d’équipement ou de fonds de fonctionnement, ce qui fait que ce sont les élèves, les étudiants, et même les enseignants qui doivent contribuer par eux-mêmes pour certains matériel et pour la réparation des bâtiments. Le programme de cantine scolaire, qui permettait aux élèves du primaire de manger à l’école gratuitement, a été annulé sans aucune alternative. Dans le secteur de la santé, en plus de l’absence de toute amélioration des bâtiments et équipements, le gouvernement, faisant preuve d’une grande irresponsabilité, a ignoré les revendications des travailleurs de la santé en grève justement pour un refinancement des installations et de meilleurs conditions de service. La plupart des villes et communautés de l’état manquent d’un approvisionnement de base en eau potable, puisque le gouvernement est clairement non-existant dans ce secteur ; pourtant le gouvernement veut que l’état soit propre, sans pour autant construire de tuyaux d’acheminement de l’eau.

    Sur base de ces exemples, il est clair que les soi-disant projets de développement du gouvernement ne sont rien de plus qu’un gaspillage des ressources de l’état en voyages autour du monde sous prétexte de recherche d’investisseurs, en super salaires pour les politiciens et en faux contrats avec des boites privées (alors qu’il serait possible au ministère des Travaux de réaliser les mêmes projets à bien moindre cout, pour peu que ce ministère soit correctement pourvu en termes de personnel et d’équipement). Les travailleurs doivent expliquer à la population que, avec la hausse du revenu qui lui a été octroyé par le fédéral, le gouvernement Aregbesola pourrait non seulement payer le salaire de 18 000 naïras, et toujours avoir assez que pour pouvoir développer l’état, si seulement on réduisait comme il se doit les salaires énormes des politiciens au pouvoir. Les travailleurs doivent exiger que le gouvernement révèle publiquement quelle est la part du budget d’état qui est consommée par les politiciens en place.

    De plus, les travailleurs doivent également inclure les revendications des autres couches opprimées de la population qui sont en ce moment en lutte, comme par exemple les volontaires du plan OYES (un plan d’“activation des jeunes”, soi-disant pour réduire le chômage mais qui en réalité fait travailleur ces jeunes pourtant bien souvent diplômés dans des emplois basiques du style éboueur, dans des conditions épouvantables et pour des salaires de misère – 10 000 naïras (20€) par mois – NDT) qui ne reçoivent qu’un salaire de misère (moins de 10 000 naïras), à qui on interdit de se syndiquer et qui n’ont pas accès aux mêmes droits qu’un travailleur normal (ce qui est contraire au code du travail, qui force chaque employeur engageant plus de 50 salariés à régulariser leur embauche). Les travailleurs doivent reprendre cette revendication en particulier, afin d’éviter que les volontaires OYES ne soient utilisés pour briser les grèves. Nous avons aperçu un élément de cela il y a quelques jours, lorsque le gouvernement a voulu monter de pauvres volontaires OYES contre leurs collègues. Nous appelons les volontaires OYES à ne pas se faire manipuler par le gouvernement contre les autres travailleurs : le gouvernement de l’état ne représente pas leurs intérêts, mais désire simplement exploiter leurs conditions afin de vaincre les grévistes. Nous appelons aussi les travailleurs et leurs syndicats à inclure les revendications non seulement des volontaires OYES, mais aussi celles des pauvres en général dans leurs luttes actuelles. Seule une lutte unie des travailleurs, des chômeurs (y compris les volontaires OYES), des paysans, des artisans, des petits commerçants, des étudiants, des professionnels, etc. pourra vaincre ce gouvernement anti-populaire.

    Par conséquent, le DSM propose le programme d’actions suivant :

    1. Organisation d’actions de protestation de masse, telles que manifestations, meetings, piquets, etc.
    2. Formation immédiate de comités de grève dans tous les départements. De tels comités doivent inclure tous les représentants de tous les syndicats, groupes d’action civile, comités étudiants, etc., qui organiseront des actions de masse à tous les niveaux locaux.
    3. Mise sur pied d’un bulletin/journal ouvrier régulier et de tracts afin d’informer, éduquer et mobiliser la population ouvrière et pauvre de l’état.
    4. Rassemblements réguliers aux niveaux étatique et local afin de poursuivre la construction du soutien parmi les pauvres.

    Nos revendications

    1. Entrée en vigueur complète du salaire minimum de 18 000 naïras à tous les niveaux, sans exclusion du moindre travailleur ni hausse de taxes.
    2. Concession immédiate aux revendications des travailleurs de la santé en grève dans l’état, pour une amélioration massive des installations médicales dans l’état. Pour des soins de santé gratuits et adéquats.
    3. Fin immédiate des conditions d’exploitation inhumaines des volontaires OYES. Pour leur intégration immédiate dans le service civil, avec un salaire de 18 000 naïras et le droit de se syndiquer.
    4. Pour une amélioration massive des établissements d’enseignement publics, y compris l’offre d’une éducation gratuite et adéquate à tous les niveaux, et un financement viable pour les écoles. Pour la restauration et l’amélioration du programme de nutrition à l’école pour tous les enfants du primaire.
    5. Amélioration immédiate des infrastructures publiques dans l’état. Non au gouvernement des contrats ; pour un rééquipement immédiat du ministère des Travaux, afin qu’il puisse de lui-même exécuter les projets du gouvernement.
    6. Tous les cadres politiques ne doivent pas gagner plus que le salaire d’un travailleur.
    7. Transfert entre les mains publics des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique de la population laborieuse et opprimée.

    Au final, les travailleurs doivent aller au-delà de revendications économiques. Nous devons nous demander pourquoi continuer à élire au pouvoir des politiciens anti-travailleurs, pour devoir ensuite nous battre contre eux lorsqu’ils arrivent au pouvoir. Pourquoi n’arrêtons-nous pas d’élire nos ennemis au pouvoir (qui sont organisés dans tous les principaux partis politiques capitalistes du Nigéria actuel). Les travailleurs et les opprimés ont besoin de leur propre parti populaire, qui mette en avant une politique pro-travailleur et pro-pauvres.

    Rejoignez-nous

    Si vous êtes mécontents avec la politique capitaliste anti-travailleur, anti-pauvre que mènent les gouvernements à tous les niveaux, et si vous êtes intéressés à participer à la riposte contre cette politique, l’organisation à rejoindre est le Democratic Socialist Movement (DSM). Nous sommes une organisation socialiste qui croit que les travailleurs doivent s’organiser en un mouvement ouvrier combatif et sous un drapeau politique afin de contester le pouvoir politique avec les gouvernements capitalistes qui sont aujourd’hui au pouvoir ; nous pouvons alors vaincre le gouvernement et sa politique. Nous affirmons que les travailleurs et leurs syndicats doivent se battre pour une société socialiste, où les secteurs-clés de l’économie seront placés en propriété collective, et démocratiquement contrôlés pour les intérêts de la majorité et non pas de la minorité, telle que nous le voyons en ce moment sous le capitalisme. C’est dans ce but que nous participons aux mouvements de masse des travailleurs et des opprimés. Nous participons aux mouvements ouvriers tels que la Coalition de la société civile et syndicale (LASCO), aux mouvements étudiants et de quartier. Si vous croyez en notre cause, et que vous voulez nous rejoindre, contactez-nous, soutenez-nous.

  • Congo : Après 50 ans d’indépendance, tout reste à faire…

    L’an dernier, le gouvernement congolais fêtait en grande pompe les 50 ans de l’indépendance, occasion pour le gouvernement de Joseph Désiré Kabila de lancer sa campagne pour les présidentielles à venir. Les masses congolaises doivent elles se souvenir de la date du 30 juin pour de toute autre raisons. En effet, après l’année 1959, qualifié par la puissance coloniale en juillet comme une période ‘prérévolutionnaire’, l’indépendance a été acquise de haute lutte : ce n’est que dans la lutte que les masses obtiennent des avancées démocratiques, sociales et économiques.

    Par Alain (Namur)

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    La crise du système capitaliste a ouvert une nouvelle période. Le processus de révolte et de révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le réveil du mouvement social aux Etats-Unis, les luttes des travailleurs et de la jeunesse grecs et espagnols face à l’austérité et maintenant les luttes du peuples sénégalais pour la démocratie et pour une amélioration de leurs conditions de vie en sont l’illustration. Que ce soit dans les pays industrialisés ou dans les pays néocoloniaux, l’affrontement de classe est à l’ordre du jour. L’anniversaire de l’indépendance du Congo nous permet de nous replonger dans les erreurs qui ont fait du Congo un pays si riche et si pauvre.

    Un pays si riche et si pauvre

    La République Démocratique du Congo est un des pays qui illustre le mieux le mot ‘contradiction’. Alors que ce pays est grand comme toute l’Europe occidentale, riche en coltan, en or, en diamant, en cuivre, en caoutchouc, en uranium, en terre fertile, en bois précieux et même en pétrole, ce pays est classé parmi les pays pauvres et est très endetté. Son PIB se situe aux alentours de 11 milliards de dollars. À titre de comparaison, le PIB de la Belgique se situe lui aux alentours de 461 milliards de dollars. Cette richesse potentielle fait en fait le malheur de la population, car elle attire la convoitise des groupes capitalistes de par le monde, laissant le peuple vivre dans des conditions misérables (l’espérance de vie est de 52,58 ans). La pauvreté est partout, le pays est encore gangrené par des milices armées, notamment dans l’est, et la démocratie se fait attendre.

    La lutte contre la colonisation, une lutte de classe

    Le jour de l’indépendance, le roi Baudouin de Belgique avait fait hommage au roi fondateur, Léopold II. Il présenta l’indépendance comme l’étape ultime du processus de civilisation engendré par son aïeul. Il demanda aux dirigeants congolais de ne pas gaspiller le cadeau de liberté fait par la métropole… Cette présentation des faits occulte la réalité. L’indépendance a été arrachée par la lutte. Il a fallu que le peuple congolais se mobilise en masse pour faire plier la métropole. C’est au prix d’efforts héroïques des travailleurs et des paysans que cette ‘‘liberté’’ a été acquise.

    Dans l’administration coloniale, certains noirs avaient réussi à gravir quelques échelons. Ceux, peu nombreux, qui avaient pu avoir un niveau de scolarisation suffisant étaient jugé évolués (mention administrative). En fait, une petite couche d’intellectuel a commencé à s’organiser politiquement. Après la visite de l’exposition universelle de 1958, certains ‘évolués’ ont commencé à s’intéresser au nationalisme et au panafricanisme. Diverses organisations existaient. La faiblesse de celles-ci résidaient dans leur caractère essentiellement petit-bourgeois, qui mettait au mieux en avant une idéologie démocratique bourgeoise sur une base nationale et, au pire, régionaliste.

    Leur but était d’établir une démocratie parlementaire. Même Patrice Lumumba, un grand combattant de l’indépendance, n’exigeait rien de plus que ce qu’on lui a apprit, c’est-à-dire la démocratie libérale. Ce que les leaders de l’époque ne comprenaient pas, c’est qu’en 1959, sous le capitalisme, il était impossible d’arriver à établir et stabiliser une démocratie même bourgeoise comme l’a connu la France après la révolution 1789. Après 50 ans, force est de constater que le Congo ne connaît toujours pas ni la paix ni la démocratie.

    La base plus révolutionnaire que ses leaders

    Le 4 Janvier 1959, un meeting politique a été organisé à Kinshasa, celui-ci, interdit par la force publique, se tient malgré tout. La force publique tue environ 300 personnes, principalement des ouvriers, des chômeurs et des irréguliers (les irréguliers étant des personnes interdites de séjour). Les irréguliers sont renvoyés dans leurs villages, et ceux-ci ne tardent pas à raconter le massacre et la situation qui vit dans la capitale.

    Cet événement va faire remonter à la surface la colère, la rancœur et les frustrations de l’ensemble du pays qui a connu le régime brutal de Léopold II puis l’humiliation de l’administration d’Etat belge. À partir de cette date, les ordres et l’administration sont bafoués. En juillet 1959, la situation est devenue explosive. Patrice Lumumba tient un meeting où il demande 4 minutes de silence pour les victimes du 4 janvier. A ce moment là, il prend ouvertement parti pour les masses là ou d’autres dirigeants avaient pris peur de la fureur de ces dernières. Pour pouvoir continuer à bénéficier de leur situation une partie des ‘évolués’ se détache du mouvement de masse. Dans le parti de Lumumba, cela a été jusqu’à la scission entre ceux qui prennent parti pour les masses, le MNC-Lumumba, et ceux qui prennent le parti de la ‘‘loi et l’ordre’’, le MNC-Kalonji. Lumumba a expliqué que les masses poussaient les dirigeants vers la gauche et étaient beaucoup plus révolutionnaires que leurs dirigeants.

    Tout change pour que rien ne change

    De peur de se retrouver avec une situation à ‘‘l’Algérienne’’, la Belgique est contrainte d’organiser des élections et finalement de consentir à l’indépendance. Cela ne signifie toutefois pas que l’ancienne puissance coloniale abandonne son ambition. Les groupes comme la société générale, Empain,… ne vont pas laisser partir la poule aux œufs de diamants. Après l’indépendance, ils vont pousser le pays au bord du chaos pour pouvoir installer un homme à leur solde. Cela se fera en plusieurs phases, car le peuple est mobilisé et grisé par sa victoire. De manière formelle, le Congo est indépendant. Dans les faits, un homme s’impose, Mobutu, un homme à la solde des intérêts impérialistes.

    La guerre de guérilla, un long échec

    Les nationalistes qui sont le plus à gauche (Mulele, Gizenga), voyant l’échec du nationalisme, vont se radicaliser. Ils vont aller dans la forêt ouvrir des maquis révolutionnaires. Che Gueverra en personne viendra combattre avec les maquisards congolais, dont un certain Laurent Désiré Kabila. Cette stratégie ne permettra pas de renverser le régime de Mobutu qui, pendant 3 décennies, organisera une dictature féroce au service des intérêts impérialistes et dont il se nourrira, lui et sa famille.

    Pour un Congo socialiste dans une confédération socialiste des états d’Afrique centrale

    Aujourd’hui, tous les anciens sont de retour. Le fils de Mobutu fait même partie du gouvernement, malgré le mal que sa famille a causé au pays. Pour que les richesses du Congo profitent réellement aux congolais, les travailleurs et les paysans pauvres doivent s’organiser et reprendre les meilleures traditions de lutte qui ont permis à nos anciens d’arracher l’indépendance des mains du capital et de l’Etat belge. Seule une lutte de classe organisée dans une perspective socialiste est à même de briser les chaines de la dictature du capital et de créer la solidarité nécessaire pour qu’enfin les besoins des masses laborieuses soient rencontrée dans la région.

  • Afrique du Sud : Bilan des élections locales de mai 2011

    L’ANC garde une large majorité, mais son autorité politique est affaiblie

    L’analyse officielle du résultat des élections locales du 18 mai en Afrique du Sud est plutôt ennuyeuse. Bien que les élections aient marqué un développement dans un bien plus grand scrutin pour le plus grand parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), et un léger déclin des voix pour le Congrès national africain (ANC), cela n’est pas en soi une cause de souci pour le parti au pouvoir. L’ANC a, comme d’habitude depuis les premières élections démocratiques en 1994, récolté une écrasante majorité des voix (63%).

    Liv Shange, Democratic Socialist Movement, section sud-africaine du CIO

    La DA n’est certainement pas en état de rivaliser avec cela, malgré sa percée à 23% (contre 16% lors des dernières élections, en 2006). Cependant, sous la surface, ces élections marquent un important tournant – les mouvements de protestation passifs du passé, tels que l’abstention ou l’apathie pure, ont commencé à se transformer en des tentatives actives d’obtenir une représentation ouvrière indépendante.

    Dans un contexte d’intensification des luttes dans les communautés ouvrières pauvres et dans les entreprises, en plus du dégout croissant envers le mode de vie de luxe et de corruption des élites dirigeants, le nombre de candidats indépendants et de nouvelles organisations militantes – la plupart avec une orientation socialiste – s’est élevé à un niveau sans précédent. Plusieurs de ces nouvelles formations ont maintenant obtenu une avancée significative.

    Le résultat final des élections a été publié le 24 mai : l’ANC a reçu 63%, contre 66% lors des dernières élections locales en 2006 et des élections parlementaires de 2009. La DA, qui est un parti néo-libéral dominé par des blancs, a gagné des voix après avoir été rejoint par un autre petit parti (les Démocrates indépendants), et a organisé une campagne intense dans le but de se présenter en tant qu’“opposition officielle”. Malgré ses tentatives désespérées de se débarasser de son étiquette pro-apartheid, voter pour la DA est toujours quelque chose d’impensable pour la plupart des noirs. Cependant, il ne faudrait pas exagérer l’importance des gains de la DA, et en particulier sa capacité à construire sur base de cette progression et sans avoir aucune alternative à offrir à la classe ouvrièr. Le fait que la DA soit parvenue à passer la barre des 20% (avec quelques gains dans des quartiers ouvriers noirs) est surtout important pour l’effet que cela a sur la confiance en soi de l’ANC, et pour la manière dont cela va accélérer le processus qui mènera à démasquer ce parti de droite au regard de ceux qui lui ont aujourd’hui donné des votes de protestation ou qui croient réellement que cela va changer quelque chose.

    Dans un climat de polarisation sociale et politique croissante, le taux de participation aux élections a été plus élevé que d’habitude lors des élections locales, en même temps que les petits partis d’opposition ont perdu de leur soutien. La chute la plus abrupte a été celle du Parti Inkatha de la liberté (IFP) – un ancien parti séparatiste zoulou anti-apartheid qui avait une forte base dans la province KwaZulu-Natal – qui a maintenant totalement disparu, avec l’effondrement quasi-total de ses voix lors de ces élections. Le parti ne contrôle plus que deux municipalités dans le KwaZulu-Natal ; la plupart seront maintenant dirigées par des coalitions de l’ANC et du NFP (Parti national pour la liberté, une scission de l’IFP).

    L’ANC et ses partenaires de l’Alliance tripartite – le Parti communiste d’Afrique du Sud (SACP) et le Congrès sud-africain des syndicats (Cosatu, le plus grand syndicat du pays, et historiquement le plus radical) – ont malgré leur victoire été incapable de cacher leur réconfort, tout en proclamant que les voix en leur faveur prouvent la confiance éternelle que placent les gens dans ce parti. Ils se sont au passage sentis obligés d’annoncer des mesures afin d’endiguer la vague de mécontentement croissante contre la gestion des municipalités par l’ANC. Des politiciens vont être “envoyés” dans les “zones à problèmes” afin d’y écouter le peuple. Un nouveau système de redevabilité va être mis en place aussi vite que possible pour les conseils communaux et les maires.

    La nervosité de l’ANC est un signe, malgré la large majorité électorale, de la perte d’autorité politique de plus en plus prononcée de ce parti. De prime abord, un regard de plus près par rapport à l’arithmétique des élections révèle en soi le fait que le parti a reçu sa plus petite part des voix depuis 1994 : 63% des 13,6 millions d’électeurs signifie 8,1 million de voix. 23,7 millions de gens sont inscrits en tant qu’électeurs – en d’autres termes, cela signifie que 10 millions de personnes se sont abstenues ; plus du double des gens qui ont voté pour l’ANC. L’ANC a reçu seulement 25%% des voix de l’ensemble de la population inscrite aux registres électoraux.

    Pendant la campagne électorale, il semblait que l’aura de “libérateur” de l’ANC (provenant de son passé de lutte contre l’apartheid, NDT), bien que celle-ci continue à être son meilleur atout, avait perdu une grande partie de son pouvoir d’attraction aux yeux des travailleurs. Dans les derniers jours de la campagne électorale, les tentatives de jouer cette carte ont pris une tournure plus brutale et raciale que jamais – par exemple, Nceba Faku, un dirigeant de l’ANC à Port Elizabeth, a dit que ceux qui n’ont pas voté pour l’ANC (ciblant en particulier les blancs) devraient être “jetés à la mer”. De manière générale, toutefois, la campagne a été caractérisée par une revue à la baisse de l’arrogance habituelle de ce parti, et l’adoption d’une approche plus humble, du style « Nous savons qu’il y a des problèmes mais s’il-vous-plait donnez-nous une autre chance de les résoudre ».

    Le meurtre par la police du manifestant Andries Tatane le 13 avril, juste devant les caméras de la télévision, a lui aussi contribué à cette approche plus prudente. Andries Tatane, âgé de 33 ans, faisait partie des dirigeants d’une manifestation pour de l’eau propre pour le township de Meqheleng, dans la petite ville de Ficksburg. Il s’est lui-même désigné comme cible de la démonstration de force de la police en remettant en question l’aspersion d’un vieillard au canon à eau. Les coups et balles des huit policiers qui ont battu à mort un Tatane sans défense ont été vus au journal télévisé par des millions de gens le soir même, ce qui a ému le pays tout entier. Cela a contribué, parmi d’assez larges couches de la population, à une plus grande compréhension de quelle classe le gouvernement représente en réalité.

    La violence policière contre les manifestations n’est pas en soi quelque chose de nouveau ; plusieurs manifestants ont été abattus au cours des dernières années. Un délégué du SAMWU (syndicat des travailleurs des administrations communales) avait lui aussi été tué par la police un mois plus tôt lors d’une manifestation des chauffeurs de bus de Tshwane (= nouveau nom de Pretoria, capitale du pays et cinquième plus grande ville avec 2 millions d’habitants, NDT). Après les élections, d’autres manifestants ont encore été abattus par la police, mais bien à l’abri des caméras de télévision cette fois-ci. La répression étatique fait de plus en plus partie d’une tendance générale vers un populisme de droite autoritaire. La police a reçu l’ordre de “tirer pour tuer”, et est entre autres revenue aux grades et à la formation qui étaient en vigueur du temps de l’apartheid.

    La manifestation à Meqheleng n’était qu’une des nombreuses actions qui se sont déroulées au cours des mois qui ont précédé les élections, constituant une autre vague de troubles dans ce qui est en réalité un flux général de “protestations concernant la prestation des services” long déjà de plusieurs années – avec des manifestations et parfois de véritables révoltes locales pour de meilleurs services gouvernementaux tels que le logement, l’électricité, l’eau, les égouts ; contre la corruption et les politiciens égoïstes.

    L’Afrique du Sud est officiellement le pays le plus inégal du monde. Le pourcent le plus riche de la population possède 70% de l’économie. Les vingt pourcents les plus pauvres en détiennent 1%. Bien que l’Afrique du Sud soit parvenue à éviter les crises bancaires et la crise de la dette d’État qui a frappé d’autres pays pendant la récession économique mondiale toujours en cours, le pays a été fortement frappé par la crise. La production industrielle a chuté de 7% en 2009. Plus d’un million de gens ont perdu leurs emplois entre début 2009 et la mi-2010, s’ajoutant à la masse déjà présente de chomeurs longue durée, faisant passer le taux de chômage à 36% (25% officiellement). Tout comme en ce qui concerne l’économie mondiale dans son ensemble, la récente reprise en Afrique du Sud est faible et limitée. Cette année, on a déjà vu la grève des travailleurs communaux tels que les éboueurs et les chauffeurs de bus ; mais également les positions de plus en plus dures entre les syndicats du métal et des mineurs et leurs employeurs respectifs pourraient vouloir dire que de nouvelles grèves seront bientôt à l’ordre du jour.

    La grève des 1,3 millions de travailleurs du secteur public en aout 2010 a été un important tournant dans l’évolution de la manière dont les travailleurs organisés les plus conscients perçoivent le gouvernement ANC de Jacob Zuma. Le président Zuma est arrivé au pouvoir lors des élections générales de 2009 après avoir pris la direction de l’ANC, porté par la quasi révolte du SACP et du Cosatu contre l’ancien président Thabo Mbeki lors de la conférence du parti en décembre 2007. Mais la résistance entêtée du gouvernement Zuma contre les revendications des travailleurs du public, couplée à la dure répression de la grève du public (arrestations de masse, brutalité policière), a porté un coup fatal au mythe de “Zuma, l’ami des travailleurs et des pauvres”.

    La pression sur les dirigeants du SACP et du Cosatu, qui avaient guidé leurs membres en troupeau vers le kraal de Zuma, s’est énormément intensifiée dans la période qui a suivi la grève du secteur public. Les divisions au sein du Parti “communiste”, qui fournit au Capital ses ministres les plus fiables dans le gouvernement ANC, deviennent de plus en plus évidentes, comme on l’a vu dans la question des élections. Le SACP ne se présente pas de lui-même aux élections, mais soutient et travaille au sein du parti “progressiste bourgeois” qu’est selon lui l’ANC. Après que les chefs du SACP soient apparemment parvenus à contenir les frustrations de leur base concernant cette question et d’autres, il y a eu plusieurs scissions, avec le départ de groupes qui se sont présentés aux élections par eux-mêmes.

    La division entre la direction du SACP et leurs disciples idéologiques du Cosatu devient aussi de plus en plus apparente. En octobre, le Cosatu a organisé une “Conférence de la société civile”, aux côtés de plusieurs mouvements sociaux (comme par exemple la Campagne d’action pour le traitement, qui se bat pour un accès équitable aux soins de santé pour toutes les personnes séropositives). La conférence se présentait comme une tentative d’unir les travailleurs et les pauvres autour d’un nouveau programme politique – et ni l’ANC, ni le SACP n’ont été invités. Cela a provoqué un invraisemblable tollé de la part de la direction de l’ANC, qui a accusé le Cosatu de vouloir effectuer un “changement de régime”.

    Un changement de régime et la formation d’un nouveau parti des travailleurs indépendant ne faisait malheureusement pas du tout partie des objectifs des dirigeants du Cosatu. La Conférence de la société civile a été une tentative de relâcher la pression contre toute possibilité d’émergence de véritables efforts de construire une alternative à l’ANC – cette menace étant de plus en plus présente dans l’air. Bien qu’ils soient jusqu’ici en apparence parvenus à éviter ce piège, la conférence a eu à un niveau plus fondamental l’effet opposé, en légitimant l’idée que le mouvement ouvrier pourrait élaborer son propre programme politique sans recourir ni à l’ANC ni à son Alliance.

    La réponse paranoïaque de la direction de l’ANC par rapport à la Conférence de la société civile montre bien quel était l’effroi qu’elle ressentait tout en s’avançant vers les élections de mai. Pour éviter l’importante désintégration de sa base électorale et la possible mobilisation hostile des non-électeurs qu’il craignait certainement, le parti au pouvoir a recouru à des mesures extraordinaires : plutôt que de permettre aux structures de l’ANC d’élire elles-mêmes les candidats du parti au gouvernement local comme d’habitude, le processus a été “démocratiquement” ouvert à la participation de communautés entières. Les non-membres de l’ANC ont ainsi reçu l’opportunité de mettre de côté toute une série de politiciens locaux ANC détestés et corrompus et d’élire les candidats de leur choix au nom du parti. Cette soi-disant démocratisation a été dans les faits un coup d’État bureaucratique au sein de l’ANC, privant les membres du parti de leur droit souverain d’élire les représentants de leur propre organisation. Inévitablement, le coup d’État par en-haut du parti a été dans de nombreux endroits accueilli par des contre-coups de la part des couches et factions inférieures au sein de la bureaucratie du parti, ignorant les choix de leurs communautés et mettant en avant leur propre candidat malgré tout. Partout dans le pays, l’imposition des candidats par les structures de l’ANC a été suivie par de violentes manifestations de masse.

    Tandis qu’approchait le jour des élections, la situation devenait si instable que le président Zuma s’est senti obligé d’intervenir avec la promesse que les candidats “imposés par l’ANC” seraient remplacés une fois que les élections seraient terminées. Il n’avait probablement même pas un mandat de la part de son parti pour proclamer cette mesure d’urgence, qui, comme on aurait pu s’y attendre, est aujourd’hui en train d’attiser l’incendie du factionnalisme au sein de l’ANC et de l’Alliance plutôt que de l’éteindre. Par exemple, la première réunion du Conseil municipal dans la ville de Bizana (200 000 habitants, NDT) dans la province du Cap-Est a dû être reportée au 1er juin, après que l’Hôtel de ville ait été bloqué par une foule en colère qui a été jusqu’à lancer une bombe au pétrole. La police a répondu par des tirs de balles en caoutchouc et par l’arrestation de 38 manifestants.

    Lors des précédentes élections, la position plus ou moins organisée par les organisations basées sur des communautés ouvrières impliquées dans des protestations de “prestation de services” a été de punir l’ANC en boycottant les élections. Cette position a été clairement résumée dans le slogan de l’organisation des habitants de bidonvilles Abahlali Base Mjondolo Movement : « Pas de terrain, pas de maison – pas de vote ! » À côté des tentatives de forcer l’ANC à accepter les candidats “du peuple”, ces élections ont été marquées par un tournant parmi les communautés en lutte vers une remise en question plus active de l’ANC. Le nombre de candidats indépendants s’est accru de 14% comparé aux élections locales de 2006 (parmi de tels candidats il y a bien sûr certains opportunistes, mais ces candidats représentent pour la plupart des communautés organisées et combatives dans leurs districts respectifs). De plus, près d’un millier de candidats ont été présentés par diverses organisations militantes telles que les “forums de communauté” et autres “associations de résidents préoccupés”. Parmi celles-ci, il y avait aussi quelques organisations à orientation socialiste, y compris des scissions du SACP. Par exemple, le parti Mpumalanga à Moutse, dans la province de Mpumalanga, a été formé deux mois avant les élections sur base d’un véritable effondrement local de l’Alliance tripartite. Ce parti a gagné 12 sièges au conseil municipal, avec le soutien d’environ 11 000 personnes ! (sur environ 200 000 habitants, NDT)

    Un exemple qui illustre bien notre propos est celui du quartier de Khutsong dans le township de Merafong, au sud de Johannesburg. Ici, les habitants, organisés dans le Forum pour la démarcation de Merafong, ont organisé un boycott total des élections en 2006 (seule une poignée de votes ont été effectués), en protestation contre le “transfert” de leur township, qui est passé de la province de Gauteng (la province de Pretoria, qui est la plus riche du pays) à la province du Nord-Ouest (la plus pauvre du pays), via le redessinement des frontières provinciales. Cela a au final mené à une victoire – l’ANC a reculé et l’ensemble de Merafong a été incorporé dans la province de Gauteng. C’était une importante victoire symbolique – mais concrètement vide de sens, puisque les besoins de la classe ouvrière continuent à être négligés dans toutes les provinces quelles qu’elles soient. En même temps, le Forum pour la démarcation de Merafong s’est transformé en un Forum pour le développement de Merafong, dont la direction a été largement cooptée par l’ANC. Mais il est ici remarquable de constater que les militants impliqués dans ce mouvement de protestation, qui a été un exemple pour l’ensemble des communautés de toute l’Afrique du Sud, se sont basés sur leur expérience pour créer l’Association civique de Merafong (MCA) afin de poursuivre la lutte, y compris en se présentant aux élections plutôt qu’en les boycottant. La MCA a obtenu un score honorable en récoltant les voix de plus de 600 personnes (sur 200 000 habitants, NDT).

    Le Democratic Socialist Movement (DSM), section sud-africaine du Comité pour une Internationale ouvrière, a soutenu lors de ces élections les campagnes du Mouvement Opération Khanyisa (OKM) à Thembelihle et à Soweto dans la banlieue de Johannesburg, ainsi que des candidats indépendants à Soweto et la Coalition verte-socialiste à Durban – tous ces groupes étant basés sur des plateformes combatives et acquis aux principes du droit de révocation, d’absence de privilèges, etc. Avec un total de 4400 voix (y compris les voix de listes de représentation proportionnelle et les voix pour les candidats des quartiers), l’OKM est parvenue à conserver son siège de représentation proportionnelle que le parti détient depuis 2006, et a été le principal rival de l’ANC dans les quartiers dans lesquels il s’est présenté. Le DSM est également en contact avec d’autres organisations qui ont présenté des candidats, comme le récemment formé Mouvement citoyen socialiste (SCM), qui s’est construit sur base des mouvements de protestation virulents des dernières années dans la municipalité de Balfour de la province de Mpumalanga. Le SCM est parvenu à obtenir un peu plus de 9% des voix à Balfour ! Le DSM espère pouvoir construire sur base de ces petits pas en avant et de la hausse de la conscience politique qu’ils représentent en prenant l’initiative de rassembler au cours des prochains mois autant de ces organisations que possible, ensemble avec les syndicats de la base, les jeunes et les étudiants, pour établir une stratégie et concentrer la lutte pour une alternative politique pour la classe ouvrière.

    Le nouveau Front démocratique de gauche (DLF), qui a été lancé en janvier 2011 et dans lequel le DSM a participé depuis sa création en 2008, a malheureusement manqué l’opportunité de tenter de rassembler les nombreux mouvements de protestation isolés qui continuent à ébranler les communautés ouvrières pauvres, les entreprises et les institutions éducationnelles. À la suite de l’intervention du DSM, le DLF s’est vu contraint d’affirmer son soutien à des candidats indépendants, socialistes et combatifs lors de ces élections, mais dans la pratique, cela n’a pas été plus loin qu’à quelques déclarations de circonstance dans sa mailing list.

    Le potentiel pour un nouveau parti ouvrier a cependant été mis en évidence par les succès de, par exemple, le SCM et le parti Mpumalanga. Bien que les dirigeants syndicaux gardent toujours la plupart des travailleurs organisés enfermés au sein de l’Alliance tripartite, il est évident que les tensions que cela crée en son sein, et en particulier à l’intérieur des syndicats Cosatu, deviennent de plus en plus intenables. Le syndicat des travailleurs communaux SAMWU a menacé de lancer une grève nationale quelques jours à peine avant les élections, après avoir annoncé quelques semaines plus tôt qu’il devenait impossible de convaincre les travailleurs d’aller voter pour l’ANC. Le gouvernement est intervenu avec des promesses, et la grève a été annulée à la dernière minute, mais une fois qu’un tel défi politique a été lancé, il ne peut pas être retiré aussi facilement. Quelles que soient les autres considérations qui ont pu influencer cette pirouette de la part de la direction du SAMWU, cela reflète les tentatives de la part des travailleurs de tester la marge de manœuvre politique au sein de leurs syndicats.

    L’Alliance avec l’ANC signifie que les dirigeants du Cosatu œuvrent souvent directement à l’encontre des intérêts de leurs membres, en important dans les entreprises les luttes entre les diverses factions pro-capitalistes de l’ANC, et en transférant leur collaboration de classe politique avec le représentant favori des patrons – l’ANC – sur le plan de la collaboration de classe concrète avec les patrons eux-mêmes. Il est honteux de constater que les dirigeants du Cosatu se trouvent souvent en train de se concentrer sur la construction de relations mutuellement bénéficielles avec les capitalistes plutôt que d’élaborer un programme pour une action de front uni des travailleurs contre tous les représentants du patronat. Le dernier de ces développements, qui est aussi le plus révoltant, a été le licenciement de l’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee à Rustenburg par la compagnie Lonmin (le troisième producteur mondial de platine) après que ceux-ci soient partis en grève spontanée – provoquée par la collaboration de leurs propres dirigeants nationaux du Syndicat uni des travailleurs des mines (NUM, la plus grosse centrale du Cosatu) avec la direction de l’entreprise, qui vise à supprimer l’élection démocratique des délégués par les travailleurs. Les travailleurs de Karee ont aussi vu le lien avec l’ANC et ont été chahuter le bureau de vote local le jour des élections en signe de protestation.

    Les élections locales de 2011 ont été organisées sur un fond de contradictions de classe croissantes et de fissures dans le mythe selon lequel le gouvernement ANC est l’ami des travailleurs et des pauvres, contradictions qu’elles ont elles-mêmes renforcées. Malgré le soutien et la protection des dirigeants du SACP et du Cosatu, l’ANC se révèle de plus en plus être l’ami du grand patronat et de ses propres comptes en banque – bien loin du changement espéré par de nombreuses personnes lorsque Mbeki a été “révoqué” de la présidence en 2008. Tandis que l’establishment politique célèbre la “maturité” de la jeune démocratie sud-africaine, ce sont dans les faits les illusions de 1994 qui ont mûri en désillusion et confusion, et maintenant de plus en plus en une colère organisée. Une révolte de la base au sein d’une des centrales de Cosatu pourrait être le point tournant dans la recherche d’un nouveau parti capable d’unir les travailleurs en lutte, les jeunes et les chômeurs via un programme socialiste. Le fait que de nouvelles organisations de gauche aient progressé lors de ces élections constitue les premiers pas, bien que petits et dispersés, dans cette direction. Il faut maintenant une force capable d’unir ces organisations de masse et d’élaborer un programme conjoint tout en forgeant les sièges communaux qui ont été gagnés en un fer de lance pointant vers la formation d’un nouveau parti ouvrier socialiste de masse.

  • Afrique du Sud – appel à la solidarité : A la mine de Rustenburg, patrons et dirigeants syndicaux unis contre les travailleurs !

    L’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee de l’entreprise Lonmin, à Marikana non loin de Rustenburg, en Afrique du Sud, ont été licenciés ce 24 mai pour leur participation à une “grève illégale”. Ils ont eu jusqu’au 31 mai pour demander leur réintégration, en compétition avec de nouveaux candidats. Le licenciement de masse de l’ensemble de la main d’œuvre opéré par Lonmin dans sa mine de Karee, suivi par la réintégration sélective, a clairement pour but d’intimider les travailleurs, de créer des divisions entre les chômeurs et les employés de la mine, et de briser leur esprit militant.

    Par Liv Shange, Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Afrique du Sud)

    Il est en outre honteux de constater que les patrons sont soutenus par la direction du syndicat de ces travailleurs, la National Union of Mineworkers (NUM – Union nationale des travailleurs des mines).

    Les travailleurs ont été licenciés ce 24 mai pour avoir participé à une grève déclarée illégale par le tribunal, et sont maintenant forcés de reproposer leur candidature pour leurs emplois, en compétition avec d’autres travailleurs au chômage. Lundi dernier, 6000 d’entre eux avaient été réengagés ; la direction a fait savoir dans la presse qu’elle allait au final réengager 9000 personnes une fois qu’elle aurait terminé sa chasse aux sorcières.

    Les conditions de réembauche sont pour l’instant très floues ; la direction envoie des messages contradictoires (selon la dernière communication, les conditions d’avant le licenciement resteraient les mêmes). Mais une porte-parole de la compagnie a dit que ‘‘La réintégration n’est pas garantie pour les personnes licenciées’’ (journal “The Star” du 26 mai). Les travailleurs ne sont pas non plus au courant des critères utilisés lors du processus de sélection. Jusqu’ici, 325 des travailleurs licenciés se sont vus refuser la réintégration ; les militants syndicaux sont clairement ciblés par ces refus. Alors que des travailleurs nouvellement recrutés commençaient à arriver à la mine lundi, les actions de la direction ont maintenant ajouté la menace d’expulsion des logis de la compagnie en plus de celle du chômage.

    La grève spontanée a été provoquée par l’annonce de la direction qu’elle ne reconnait plus la direction de la direction de la section de Karee de la NUM, vu qu’elle a été désavouée par la direction régionale de la NUM. La direction régionale a refusé d’accepter le résultat de l’élection des délégués à Karee, en a informé la direction, et c’est cela qui a dans les faits encouragé la direction à licencier les travailleurs.

    Cela faisait quelque temps que les mineurs de Karee étaient en désaccord avec la direction régionale de la NUM. Les délégués de la mine de Karee avaient dénoncé et combattu la corruption qui est devenue beaucoup trop courante dans la relation confortable qui s’est développée entre les patrons et les représentants syndicaux de la régionale de Rustenburg, comme c’est d’ailleurs le cas partout en Afrique du Sud.

    Les travailleurs expliquent que c’est le refus de la part de ces délégués de se voir offrir des pots-de-vin en échange de leur “gentillesse”, et leur lutte déterminée pour améliorer les conditions de travail et de vie, qui les ont rendus très populaires parmi les travailleurs, mais aussi persona non grata du point de vue non seulement des patrons de la mine, mais aussi de leur propre direction syndicale.

    Lorsque leur mandat a expiré en avril, tous les délégués sauf deux (qui étaient permanents au bureau régional de la NUM) ont été réélus par les travailleurs lors d’un meeting de masse, contrairement à ce qu’affirme la direction de la NUM dans les médias. La direction régionale de la NUM a refusé d’accepter ce fait, a suspendu deux de ces délégués populaires pour “mauvaise conduite”, sans plus de précision, et a tenté d’imposer de nouvelles élections, desquelles étaient exclues les personnes qui avaient déjà été réélues. La grève a été provoquée lorsque la direction de Lonmin a profité de cette occasion pour discipliner sa main d’œuvre dont elle jugeait la combativité inquiétante, en annonçant immédiatement d’elle-même l’action de la direction régionale de la NUM aux travailleurs.

    Cela faisait des années que la direction de la mine cherchait à coopérer avec les dirigeants de la NUM, mais à Karee, elle n’y était pas parvenue. Elle a ensuite lancé des attaques draconiennes sur les concessions qui avaient été faites précédemment au syndicat, ce qui du point de vue des travailleurs était une tentative de discréditer la délégation si populaire et si inamovible. Cela incluait entre autres une baisse drastique des primes pour heures supplémentaires, et le renvoi automatique de tout travailleur avec plus de 21 jours de maladie.

    Non seulement la direction de la NUM en-dehors de Lonmin n’a pas protesté contre les licenciements, mais il est clair que cette décision de la direction a même bénéficié de son soutien. Malgré leur annonce selon laquelle ‘‘Nous ferons en sorte que tous les travailleurs soient réintégrés’’ (The Star du 26 mai), Lesiba Seshoka, le porte-parole national de la NUM, a été cité dans le magazine Mining Review du 27 mai avec ces mots : ‘‘Malheureusement, la compagnie ne peut pas garder de telles personnes, et doit les laisser partir’’, ajoutant que ‘‘Le syndicat ne peut pas soutenir des gens qui se trouvent du mauvais côté de la loi.’’ Les dirigeants de la NUM affirment également que le conflit à Lonmin était une affaire interne à la NUM, qui n’avait rien à voir avec la direction de la mine – dénonçant de fait la grève et soutenant l’action brutale de la direction contre les travailleurs, se mettant du côté des patrons à l’encontre de leurs propres membres ! Lorsque les patrons attaquent les travailleurs dans le contexte d’une dispute interne au syndicat, le premier devoir d’une direction syndicale digne de son nom est de défendre ses membres, et non pas de collaborer avec l’ennemi de classe.

    Lonmin a aussi interdit à son personnel de se réunir en groupes de plus de sept personnes. Plusieurs délégués se cachent, vu que des rumeurs circulent comme quoi on cherche à les tuer. Les dirigeants de la NUM sur les plans régional et national soutiennent dans les faits la répression de la direction, disant aux travailleurs qu’ils n’ont qu’à retourner à leur puits et à accepter les conditions imposées par les patrons, quelles qu’elles soient.

    Voici une sélection de ce que les travailleurs ont raconté au DSM lorsque nos camarades ont visité la mine le 27 mai :

    ‘‘Nous avons tout fait pour pouvoir leur parler. Mais ça fait des années que la direction régionale ne s’est pas adressée à nous, les membres ; ils ne communiquent que via la direction. Ce sont les patrons de la mine qui se sont baladés dans le puits avec un haut-parleur pour nous annoncer que nous avons une délégation, et que les camarades avaient été suspendus.’’

    ‘‘Lorsque la direction régionale est venue vendredi 20 mai, elle est arrivée à bord d’un Hippo (véhicule blindé utilisé par la police pour réprimer les manifestations du temps de l’apartheid) entouré de policiers ! Ses membres sont revenus lundi lors de notre meeting de masse, à nouveau avec leur Hippo et la police. Nous étions 9000, et nous leur avons demandé de venir discuter avec nous, mais ils ont refusé. Au lieu de ça, ils ont juste passé leur tête par la fenêtre et fait un speech au micro pendant deux heures. Puis ils sont partis, sans nous donner aucune chance de répondre.’’

    ‘‘Ils ont ensuite raconté qu’ils avaient presque été tués durant ce meeting, mais on ne les a même pas menacés. On a demandé à Vavi, le secrétaire général du Congrès syndical d’Afrique du Sud (Cosatu, duquel la NUM est la plus grande centrale) d’intervenir, mais il a refusé de venir. Au lieu de ça, il a seulement envoyé un sms, qui disait ‘‘Votez ANC, et tout ira bien’’.’’

    La grève a commencé le lendemain des élections locales du 18 mai. Le jour des élections, les mineurs de Karee avaient manifesté jusqu’au bureau de vote du coin pour demander l’attention de Vavi.

    Trahis par leurs dirigeants syndicaux, et soumis à l’intimidation de la direction de la mine, les travailleurs de Karee sont pourtant déterminés à riposter. La demande de réintégration n’est qu’une retraite tactique afin de maintenir l’unité et de se regrouper.

    Le Democratic Socialist Movement et le Syndicat des travailleurs du métal et de l’électricité d’Afrique du Sud (MEWUSA), un syndicat avec lequel nous collaborons étroitement, sont en contact permanent avec les travailleurs. La trahison de ses membres par la NUM est jusqu’ici la preuve la plus flagrante de la corruption qui dévore les syndicats sud-africains de l’intérieur. Avec ses 300.000 membres, la NUM est le plus grand syndicat d’Afrique du Sud, et était jadis la centrale la plus radicale et la plus militante du Cosatu.

    Le Cosatu a été formé en 1985 sur base d’un programme socialiste et de contrôle ouvrier. Aujourd’hui, la logique de collaboration de classe avec le parti pro-capitaliste qu’est le Congrès National africain (ANC), et par conséquent avec les grandes entreprises, se reflète de plus en plus sur ses positions politiques et sur sa capacité organisationnelle. Idéologiquement démoralisés après la fin de l’apartheid, où le capitalisme s’est maintenu sans qu’aucune alternative ne soit proposée contre ce système, les dirigeants syndicaux cherchent systématiquement un arrangement avec les patrons. La corruption et la trahison des luttes au jour-le-jour sont devenues les caractéristiques dominantes de la direction de ce syndicat. La NUM se démarque à présent non pas par sa combativité, mais en tant que syndicat le plus ouvertement droitier, qui mène maintenant campagne contre la revendication de la nationalisation des mines de la Ligue de la Jeunesse ANC !

    Malgré sa taille, cette dernière dépend aujourd’hui plus de ses investissements dans des entreprises que des cotisations de ses membres. Afin de protéger la relation mutuellement profitable avec les patrons de Lonmin, la direction de la NUM joint donc ses efforts à ceux du capital et de l’État dans sa tentative de forcer les travailleurs de Karee à la soumission, et semblent prêts à aller jusqu’à cannibaliser leurs propres sections afin d’atteindre cet objectif.

    Le DSM a une jeune section à Rustenburg après y avoir établi une section de la MEWUSA l’an dernier (là aussi, après que 4000 travailleurs aient été licenciés d’une mine de Murray and Roberts en conséquence directe de la trahison des dirigeants de la NUM), qui intervient dans cette lutte du mieux qu’elle peut avec nos faibles forces. Alors que leur propre syndicat leur est hostile de manière active, les travailleurs de Karee ont désespérément besoin de solidarité. À cause de la lourde répression par leur direction, les travailleurs n’ont pas encore pu se réunir pour décider de revendications, etc. Les messages de solidarité peuvent être envoyés via dsmcwi@gmail.com

    Les messages de protestation sont à envoyer à :

    Centrale des mineurs NUM: zmakua@num.org.za – ou son porte-parole national, Lesiba Seshoka : +27 (0)82 803 6719

    Fédération syndicale Cosatu : Patrick@cosatu.org.za

    Lonmin (les patrons de la mine) :

    Direction de Londres : contact@lonmin.com / tél. +44 (0)20 7201 6000 – Afrique du Sud : tél. +27 (0)11 2188300 / fax. +27 (0)1 2188310

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