Afrique du Sud – appel à la solidarité : A la mine de Rustenburg, patrons et dirigeants syndicaux unis contre les travailleurs !

L’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee de l’entreprise Lonmin, à Marikana non loin de Rustenburg, en Afrique du Sud, ont été licenciés ce 24 mai pour leur participation à une “grève illégale”. Ils ont eu jusqu’au 31 mai pour demander leur réintégration, en compétition avec de nouveaux candidats. Le licenciement de masse de l’ensemble de la main d’œuvre opéré par Lonmin dans sa mine de Karee, suivi par la réintégration sélective, a clairement pour but d’intimider les travailleurs, de créer des divisions entre les chômeurs et les employés de la mine, et de briser leur esprit militant.

Par Liv Shange, Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Afrique du Sud)

Il est en outre honteux de constater que les patrons sont soutenus par la direction du syndicat de ces travailleurs, la National Union of Mineworkers (NUM – Union nationale des travailleurs des mines).

Les travailleurs ont été licenciés ce 24 mai pour avoir participé à une grève déclarée illégale par le tribunal, et sont maintenant forcés de reproposer leur candidature pour leurs emplois, en compétition avec d’autres travailleurs au chômage. Lundi dernier, 6000 d’entre eux avaient été réengagés ; la direction a fait savoir dans la presse qu’elle allait au final réengager 9000 personnes une fois qu’elle aurait terminé sa chasse aux sorcières.

Les conditions de réembauche sont pour l’instant très floues ; la direction envoie des messages contradictoires (selon la dernière communication, les conditions d’avant le licenciement resteraient les mêmes). Mais une porte-parole de la compagnie a dit que ‘‘La réintégration n’est pas garantie pour les personnes licenciées’’ (journal “The Star” du 26 mai). Les travailleurs ne sont pas non plus au courant des critères utilisés lors du processus de sélection. Jusqu’ici, 325 des travailleurs licenciés se sont vus refuser la réintégration ; les militants syndicaux sont clairement ciblés par ces refus. Alors que des travailleurs nouvellement recrutés commençaient à arriver à la mine lundi, les actions de la direction ont maintenant ajouté la menace d’expulsion des logis de la compagnie en plus de celle du chômage.

La grève spontanée a été provoquée par l’annonce de la direction qu’elle ne reconnait plus la direction de la direction de la section de Karee de la NUM, vu qu’elle a été désavouée par la direction régionale de la NUM. La direction régionale a refusé d’accepter le résultat de l’élection des délégués à Karee, en a informé la direction, et c’est cela qui a dans les faits encouragé la direction à licencier les travailleurs.

Cela faisait quelque temps que les mineurs de Karee étaient en désaccord avec la direction régionale de la NUM. Les délégués de la mine de Karee avaient dénoncé et combattu la corruption qui est devenue beaucoup trop courante dans la relation confortable qui s’est développée entre les patrons et les représentants syndicaux de la régionale de Rustenburg, comme c’est d’ailleurs le cas partout en Afrique du Sud.

Les travailleurs expliquent que c’est le refus de la part de ces délégués de se voir offrir des pots-de-vin en échange de leur “gentillesse”, et leur lutte déterminée pour améliorer les conditions de travail et de vie, qui les ont rendus très populaires parmi les travailleurs, mais aussi persona non grata du point de vue non seulement des patrons de la mine, mais aussi de leur propre direction syndicale.

Lorsque leur mandat a expiré en avril, tous les délégués sauf deux (qui étaient permanents au bureau régional de la NUM) ont été réélus par les travailleurs lors d’un meeting de masse, contrairement à ce qu’affirme la direction de la NUM dans les médias. La direction régionale de la NUM a refusé d’accepter ce fait, a suspendu deux de ces délégués populaires pour “mauvaise conduite”, sans plus de précision, et a tenté d’imposer de nouvelles élections, desquelles étaient exclues les personnes qui avaient déjà été réélues. La grève a été provoquée lorsque la direction de Lonmin a profité de cette occasion pour discipliner sa main d’œuvre dont elle jugeait la combativité inquiétante, en annonçant immédiatement d’elle-même l’action de la direction régionale de la NUM aux travailleurs.

Cela faisait des années que la direction de la mine cherchait à coopérer avec les dirigeants de la NUM, mais à Karee, elle n’y était pas parvenue. Elle a ensuite lancé des attaques draconiennes sur les concessions qui avaient été faites précédemment au syndicat, ce qui du point de vue des travailleurs était une tentative de discréditer la délégation si populaire et si inamovible. Cela incluait entre autres une baisse drastique des primes pour heures supplémentaires, et le renvoi automatique de tout travailleur avec plus de 21 jours de maladie.

Non seulement la direction de la NUM en-dehors de Lonmin n’a pas protesté contre les licenciements, mais il est clair que cette décision de la direction a même bénéficié de son soutien. Malgré leur annonce selon laquelle ‘‘Nous ferons en sorte que tous les travailleurs soient réintégrés’’ (The Star du 26 mai), Lesiba Seshoka, le porte-parole national de la NUM, a été cité dans le magazine Mining Review du 27 mai avec ces mots : ‘‘Malheureusement, la compagnie ne peut pas garder de telles personnes, et doit les laisser partir’’, ajoutant que ‘‘Le syndicat ne peut pas soutenir des gens qui se trouvent du mauvais côté de la loi.’’ Les dirigeants de la NUM affirment également que le conflit à Lonmin était une affaire interne à la NUM, qui n’avait rien à voir avec la direction de la mine – dénonçant de fait la grève et soutenant l’action brutale de la direction contre les travailleurs, se mettant du côté des patrons à l’encontre de leurs propres membres ! Lorsque les patrons attaquent les travailleurs dans le contexte d’une dispute interne au syndicat, le premier devoir d’une direction syndicale digne de son nom est de défendre ses membres, et non pas de collaborer avec l’ennemi de classe.

Lonmin a aussi interdit à son personnel de se réunir en groupes de plus de sept personnes. Plusieurs délégués se cachent, vu que des rumeurs circulent comme quoi on cherche à les tuer. Les dirigeants de la NUM sur les plans régional et national soutiennent dans les faits la répression de la direction, disant aux travailleurs qu’ils n’ont qu’à retourner à leur puits et à accepter les conditions imposées par les patrons, quelles qu’elles soient.

Voici une sélection de ce que les travailleurs ont raconté au DSM lorsque nos camarades ont visité la mine le 27 mai :

‘‘Nous avons tout fait pour pouvoir leur parler. Mais ça fait des années que la direction régionale ne s’est pas adressée à nous, les membres ; ils ne communiquent que via la direction. Ce sont les patrons de la mine qui se sont baladés dans le puits avec un haut-parleur pour nous annoncer que nous avons une délégation, et que les camarades avaient été suspendus.’’

‘‘Lorsque la direction régionale est venue vendredi 20 mai, elle est arrivée à bord d’un Hippo (véhicule blindé utilisé par la police pour réprimer les manifestations du temps de l’apartheid) entouré de policiers ! Ses membres sont revenus lundi lors de notre meeting de masse, à nouveau avec leur Hippo et la police. Nous étions 9000, et nous leur avons demandé de venir discuter avec nous, mais ils ont refusé. Au lieu de ça, ils ont juste passé leur tête par la fenêtre et fait un speech au micro pendant deux heures. Puis ils sont partis, sans nous donner aucune chance de répondre.’’

‘‘Ils ont ensuite raconté qu’ils avaient presque été tués durant ce meeting, mais on ne les a même pas menacés. On a demandé à Vavi, le secrétaire général du Congrès syndical d’Afrique du Sud (Cosatu, duquel la NUM est la plus grande centrale) d’intervenir, mais il a refusé de venir. Au lieu de ça, il a seulement envoyé un sms, qui disait ‘‘Votez ANC, et tout ira bien’’.’’

La grève a commencé le lendemain des élections locales du 18 mai. Le jour des élections, les mineurs de Karee avaient manifesté jusqu’au bureau de vote du coin pour demander l’attention de Vavi.

Trahis par leurs dirigeants syndicaux, et soumis à l’intimidation de la direction de la mine, les travailleurs de Karee sont pourtant déterminés à riposter. La demande de réintégration n’est qu’une retraite tactique afin de maintenir l’unité et de se regrouper.

Le Democratic Socialist Movement et le Syndicat des travailleurs du métal et de l’électricité d’Afrique du Sud (MEWUSA), un syndicat avec lequel nous collaborons étroitement, sont en contact permanent avec les travailleurs. La trahison de ses membres par la NUM est jusqu’ici la preuve la plus flagrante de la corruption qui dévore les syndicats sud-africains de l’intérieur. Avec ses 300.000 membres, la NUM est le plus grand syndicat d’Afrique du Sud, et était jadis la centrale la plus radicale et la plus militante du Cosatu.

Le Cosatu a été formé en 1985 sur base d’un programme socialiste et de contrôle ouvrier. Aujourd’hui, la logique de collaboration de classe avec le parti pro-capitaliste qu’est le Congrès National africain (ANC), et par conséquent avec les grandes entreprises, se reflète de plus en plus sur ses positions politiques et sur sa capacité organisationnelle. Idéologiquement démoralisés après la fin de l’apartheid, où le capitalisme s’est maintenu sans qu’aucune alternative ne soit proposée contre ce système, les dirigeants syndicaux cherchent systématiquement un arrangement avec les patrons. La corruption et la trahison des luttes au jour-le-jour sont devenues les caractéristiques dominantes de la direction de ce syndicat. La NUM se démarque à présent non pas par sa combativité, mais en tant que syndicat le plus ouvertement droitier, qui mène maintenant campagne contre la revendication de la nationalisation des mines de la Ligue de la Jeunesse ANC !

Malgré sa taille, cette dernière dépend aujourd’hui plus de ses investissements dans des entreprises que des cotisations de ses membres. Afin de protéger la relation mutuellement profitable avec les patrons de Lonmin, la direction de la NUM joint donc ses efforts à ceux du capital et de l’État dans sa tentative de forcer les travailleurs de Karee à la soumission, et semblent prêts à aller jusqu’à cannibaliser leurs propres sections afin d’atteindre cet objectif.

Le DSM a une jeune section à Rustenburg après y avoir établi une section de la MEWUSA l’an dernier (là aussi, après que 4000 travailleurs aient été licenciés d’une mine de Murray and Roberts en conséquence directe de la trahison des dirigeants de la NUM), qui intervient dans cette lutte du mieux qu’elle peut avec nos faibles forces. Alors que leur propre syndicat leur est hostile de manière active, les travailleurs de Karee ont désespérément besoin de solidarité. À cause de la lourde répression par leur direction, les travailleurs n’ont pas encore pu se réunir pour décider de revendications, etc. Les messages de solidarité peuvent être envoyés via dsmcwi@gmail.com

Les messages de protestation sont à envoyer à :

Centrale des mineurs NUM: zmakua@num.org.za – ou son porte-parole national, Lesiba Seshoka : +27 (0)82 803 6719

Fédération syndicale Cosatu : Patrick@cosatu.org.za

Lonmin (les patrons de la mine) :

Direction de Londres : contact@lonmin.com / tél. +44 (0)20 7201 6000 – Afrique du Sud : tél. +27 (0)11 2188300 / fax. +27 (0)1 2188310

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