Category: Syndical

  • Situations à l’américaine dans l’enseignement

    CELUI QUI lit "Mike contre-attaque" de Michael Moore trouve au cinquième chapitre un aperçu peu flatteur des situations intolérables dans l’enseignement américain.

    Kristof Bruylandt

    Infrastructures dangereuses, surpopulation, assujettissement du contenu des cours à la commercialisation sous l’effet du sponsoring, endoctrinement, personnel mal rémunéré et élèves démotivés. Celui qui pense que cela ne se passe qu’aux USA se trompe. Car chez nous ces situations sont aussi de plus en plus fréquentes.

    Un tas d’écoles belges ne sont pas à la hauteur des réglementations de sécurité, mais elles ne sont pas fermées car on manque de bâtiments. Dans certaines écoles, le nettoyage est même effectué par les enseignants. Ces derniers ne sont pas dédaigneux vis-à-vis de ce type de travail, mais le nettoyage ne fait pas partie de leurs tâches et en outre le personnel de nettoyage voit disparaître ses emplois.

    Entre-temps, différents groupes d’écoles proposent maintenant, après la privatisation des cantines, la sous-traitance du nettoyage aux firmes qui embauchent des nettoyeuses intérimaires qui "ne sont jamais malades". Les syndicats ont des arguments valables contre cette dégradation des conditions de travail, mais n’ont aucune stratégie pour s’opposer à cela. Dans beaucoup d’écoles ils donnent même leur aval "parce que il n’y a pas suffisamment d’argent pour continuer à payer une équipe de nettoyage avec une enveloppe beaucoup trop limitée."

    Sous prétexte d’autonomie locale, l’enseignement est impitoyablement mis sur la voie de la privatisation. Les enseignants syndiqués qui invoquent les conventions collectives pour s’opposer à la surcharge des tâches supplémentaires (ex: une colle le mercredi après-midi) doivent faire face au discours de la direction qui invoque la position concurrentielle de l’école. Les stagiaires qui ne plaisent pas au directeur qui n’ont pas suffisamment "l’esprit maison" sont écartés sous prétexte qu’ils nuisent à la réputation de leur établissement.

    Des profs de travaux pratiques sont mis sous pression par la direction pour qu’ils produisent pour des clients (par exemple des imprimés) au lieu d’apprendre aux élèves de nouvelles techniques. Et bien que la Constitution proclame que l’enseignement est gratuit jusqu’à l’âge de 18 ans, les parents doivent supporter chaque année des frais scolaires de plus en plus lourds. Dans certains établissements, les élèves doivent même payer pour l’accès à Internet.

    En Communauté française, le ministre de l’Enseignement secondaire, Pierre Hazette (MR) a lancé l’idée d’imposer aux professeurs du libre qui voudraient passer dans l’officiel subventionné une formation de 20h à la *neutralité+, ce qui, d’après Pierre Hazette, *ne serait pas un cours mais une formation à l’esprit de tolérance et à certaines valeurs qui feraient outre des conceptions idéologiques ou religieuses des enseignants, dans un but de neutralité indispensable à l’école publique+. En clair, cela signifie dépenser de l’argent pour former la main-d’oeuvre à la non-critique tout en maintenant par une autre voie les barrières liées à l’origine des diplômes, et ce alors que la pénurie d’enseignants est plus que jamais d’actualité.

    Le projet a finalement été revu, et ces cours de neutralité seront insérés dans la formation initiale de tous les futurs profs. On constate un réel refus de remédier aux vrais problèmes, tout en continuant d’appliquer les mesures d’austérité par la petite porte. Ainsi le même Pierre Hazette veut *apporter du renfort aux directeurs d’école+ par le système des titres-services, via les ASBL liées aux écoles. Autrement dit augmenter la flexibilité en favorisant une filière qui créerait de nouveaux sous-statuts dans l’enseignement. Les négociations salariales, quant à elles, sont en cours. Les syndicats exigent une augmentation des salaires de 10% en 7 ans. Mais ces revalorisations salariales ont une fâcheuse tendance à être écartées par la politique, qui préfère miser sur une nouvelle attaque sur les fins de carrière en instaurant un système de départ régressif à la retraite exprimé en 1/5 temps (au lieu de mi-temps ou temps plein), ceci afin de dissuader les vétérans de décamper.

  • Bologne: Cheval de Troie de la privatisation

    Ces dernières semaines, plusieurs manifestations se sont déroulées contre le décret Dupuis, du nom de la ministre PS de l’Enseignement supérieur. Mercredi 12 novembre, 12.000 grévistes (personnel et étudiants des Hautes Ecoles flamandes) se sont rassemblés à Bruxelles.

    Nicolas Croes

    Le jeudi 11 décembre, 15.000 étudiants des hautes écoles francophones ont manifesté à Bruxelles. Peu avant, des milliers d’étudiants ont manifesté à Liège et à Mons pour exprimer leur colère, entre autres devant les bureaux du PS. Le décret de Dupuis vise l’application en Communauté française des accords internationaux de Bologne.

    Les principaux mots d’ordre des étudiants des hautes écoles mettaient en avant la différence de niveau probable, à l’avenir, entre écoles supérieures et universités. En effet, si le décret prévoit de porter le nombre d’années d’études universitaires à 5 ans au lieu de 4, rien n’est prévu pour les hautes écoles, qui garderaient des cycles de 3 ou 4 ans. Ces étudiants craignent donc que leurs diplômes ne soient dévalorisés sur le marché de l’emploi, et font de l’augmentation du temps d’études leur principal slogan. Cependant s’ils se prononcent contre le décret Dupuis, ils ne remettent aucunement en cause les accords de Bologne. Et pourtant…

    Par exemple, un des grands axes de Bologne est la mobilité, prévoyant d’encourager les études à l’étranger, valorisées par un système de points additionnels sur le diplôme (ECTS). Mais rien n’est prévu pour financer ces voyages. Tout favorisera donc les étudiants aisés… De plus, outre la disparité entre les différentes institutions d’enseignement, l’harmonisation prévoit surtout un enseignement orienté aux besoins du marché, donc dans lequel le patronat aurait beaucoup plus à dire.

    La législation européenne prévoit que nul secteur ne peut être privatisé s’il ne répond pas à deux critères: fournir la preuve que ce secteur peut être fonctionnel sans une intervention de l’Etat et s’assurer que ce secteur produit des marchandises exportables. En ce qui concerne l’enseignement sans aide de l’Etat, les écoles supérieures privées anglaises, très élitistes, montrent qu’elles peuvent très bien se passer d’une intervention de la communauté, leurs étudiants étant issus de milieux (très) aisés. Par contre, l’enseignement supérieur ne produira pas de diplômes exportables, tant que Bologne ne sera pas mise en application. Bologne signifie augmentation du minerval, diminution de la qualité des études, disparition de certains secteurs "non rentables", diminution de crédits pour d’autres "moins rentables",… Cette longue liste nous rappelle la situation dans d’autres secteurs privatisés. C’est pourquoi nous devons lutter tous ensemble.

  • STIB: construire le rapport de forces

    Les travailleurs de la STIB (tram, bus et métro bruxellois) et leurs organisations syndicales ont mené deux journées d’actions réussies les 6 et 12 décembre. Le samedi 6 les conducteurs ont fait rouler les bus, trams et rames de métro sans faire payer les passagers. Le vendredi 12 une grève de 24h a paralysé l’ensemble du réseau.

    Guy Van Sinoy

    L’étincelle qui a mis le feu aux poudres est l’arbitraire avec lequel la direction entendait distribuer, de façon inéquitable et uniquement au personnel du métro, une prime de certification (la prime allait de 200 euros à plusieurs milliers d’euros selon que l’on était conducteur de rame ou cadre de haut vol). Rien n’avait été négocié avec les syndicats. Lors des assemblées syndicales préparatoires aux deux journées d’action, la revendication d’une prime égale de 200 euros pour l’ensemble des 6.000 travailleurs de la STIB a émergé.

    Le 12 décembre, aux piquets à l’entrée des différents dépôts, le ras-le-bol des travailleurs éclatait: "La prime de 200 euros, ce n’est pas le plus important. On en marre des conditions de travail qui empirent: un conducteur n’a plus le temps de souffler pendant sa journée de travail. La montée des passagers par l’avant (une mesure qui vient d’être instaurée sur certaines lignes de bus) va faire perdre du temps. Au métro les conducteurs devront prendre leur service directement à l’une ou l’autre station sur le réseau. Jusqu’à présent ils commençaient par pointer au dépôt. Désormais le temps pour se rendre à la station de prise de service ne fera plus partie du temps de travail (surtout si on fait des services coupés) et on n’a plus l’occasion d’avoir le contact avec les collègues au dépôt. De plus il est prévu que l’entretien des nouveaux trams soit confié à des firmes de sous-traitance".

    D’autres sujets revenaient aussi sur le tapis: le mécontentement à propos de la dernière convention signée par les permanents syndicaux et les premiers délégués de dépôt, sans informer les travailleurs et contre l’avis de la majorité des délégués. Le calcul du temps de travail sur une moyenne annuelle va faire perdre des jours de récupération à certains conducteurs et suscite une grande méfiance. L’assurance-groupe auprès d’une compagnie d’assurances privée rencontre aussi une large opposition à la base.

    Au cours des semaines précédant la grève, le MAS/LSP a diffusé simultanément sur quasi l’ensemble des dépôts un bulletin d’information critique réalisé par des travailleurs de la STIB. Il est certain que ce petit bulletin, malgré les conditions modestes dans lesquelles il a été réalisé, a fait réfléchir et a apporté sa pierre au mouvement.

    Mais rien n’est encore gagné. A quelques mois des élections sociales, il faut craindre que les appareils syndicaux n’organisent la surenchère et la division entre syndicats.

    Les travailleurs n’ont que faire des divisions. Ils ont besoin d’unité comme de pain! Des assemblées générales dans les dépôts de tous les travailleurs peuvent souder le personnel et faire reculer les plans de la direction d’aller vers plus de flexibilité et vers une semi privatisation.

  • Ecoles pour caïds. Quatre écoles pour le prix d’une!

    Ecoles pour caïds.

    Pierre Hazette, ministre (MR) de l’Enseignement secondaire en Communauté française a proposé en novembre 2002 la création d’un centre à Bruxelles pour élèves exclus d’écoles ou coupables de faits particulièrement graves. Cette école pour caïds aurait constitué une structure supplémentaire venant s’ajouter à ce qui existe déjà pour les élèves exclus du système scolaire. Un débat a eu lieu au gouvernement car le PS et Ecolo s’opposaient à une logique de ghettoïsation des jeunes difficiles et préféraient favoriser la mise sur pied d’équipes mobiles qui iraient dans les écoles. Ils voulaient également renforcer les dispositifs existants, c’est-à-dire les services sociaux chargés de s’occuper des jeunes en crise (SAS).

    Céline Moulin

    L’exécutif de la Communauté française a finalement décidé de subventionner quatre nouveaux SAS (à côté des 8 existants). En fait, cela revient à créer 4 écoles pour caïds au lieu d’une seule.Pierre Hazette admet cependant que cela risque d’encourager les écoles à exclure plus facilement les élèves difficiles mais il prétexte que le fait qu’il n’y ait que 4 fois 25 places limitera cette tentation. Il ajoute pourtant qu’il souhaite, par souci de proximité, multiplier ce type d’établissements et augmenter leur capacité d’accueil.

    Notons également que Pierre Hazette est un adepte des titres services qu’il tente de faire entrer dans l’enseignement: il suggère clairement aux écoles subventionnées d’y avoir recours pour faire face à certaines tâches administratives… Bref, de plus en plus d’exclusions "organisées" par les pouvoirs publics pour les jeunes les plus fragiles économiquement, le tout sur fond d’emplois précaires.

  • Un vrai emploi. OUI! Un petit boulot. NON!

    Vandenbroucke (SP.A) prétend créer 25.000 "emplois" grâce aux chèques services. Dans les six mois ceux qui travaillent en échange de chèques services doivent avoir au moins un mi-temps, sauf pour ceux qui travaillent en noir et qui passent dans le système des chèques services. Les chômeurs ne peuvent refuser car l’ONEm considère ces petits boulots comme un "emploi à part entière".

    Anja Deschoemacker

    Il s’agit d’une gigantesque mystification. La discussion sur les chèques de services ne tient pas compte des besoins réels de la société ni de comment y répondre. Elle vise à détruire la notion de véritable emploi avec un vrai salaire. C’est à dire un emploi qui procure un salaire à part entière.

    Les deux dernières décennies ont vu une extension phénoménale du travail à temps partiel. L’argument pour introduire massivement le travail à temps partiel, surtout pour les femmes, a été d’harmoniser la vie professionnelle et familiale. On voit aujourd’hui le résultat dans une société qui place les profits avant les besoins. Des chômeuses seront forcées de faire une partie du ménage des femmes qui travaillent dans le cadre d’un contrat précaire, sans salaire à part entière.

    Au lieu de socialiser les tâches domestiques, comme le revendiquent les marxistes, on propose une solution individuelle. Les acquis des travailleurs sont ainsi grignotés. Un temps de travail inférieur au mi-temps est aujourd’hui considéré comme "emploi à part entière". Vandenbroucke va de plus en plus loin pour placer la Belgique dans le sillage des Etats-Unis en matière de politique d’emploi. A défaut d’une résistance organisée, la catégorie des travailleurs pauvres va connaître dans notre pays une extension rapide comme outre Atlantique.

    On devrait s’attendre normalement à une résistance organisée par les syndicats. On voit au contraire Mia De Vits (FGTB) voler au secours du gouvernement pour mettre le SP.a et le PS d’accord. De Vits, qui devrait lutter pour de vrais emplois avec de vrais salaires pour tous, a proposé la régionalisation du système. Les exécutifs wallons et bruxellois auront donc une marge de manoeuvre dans la mise en application du système. Cela permettra au PS de sauver la face et de masquer sa responsabilité en matière de création d’emplois précaires.La flexibilité accrue, l’extension du travail à temps partiel, la possibilité de forcer les chômeurs à accepter un emploi à temps partiel inférieur à un mi-temps,… – et tout cela subsidié par le gouvernement (donc par nos impôts) – sabotent toute solution collective du chômage et aggrave la pression sur les travailleurs sur le lieu du travail. La solution pour donner un vrai emploi à chacun avec un vrai salaire est la diminution du temps de travail sans perte de salaire, avec embauches supplémentaires et la création de services collectifs. C’est une solution qui répondrait au besoin de socialiser les tâches domestiques accomplies aujourd’hui quasi gratuitement par les femmes. Un service public, devrait créer en plus des emplois statutaires, à temps plein et avec un salaire décent.

    Ce n’est pas la voie suivie par le SP.a ni par le PS. Cela montre que pour eux il ne s’agit plus de créer des emplois mais d’enjoliver les statistiques du chômage et d’exclure encore plus les femmes d’un véritable emploi, seule garantie de leur indépendance financière.

  • “La flexibilité à fond la caisse!”

    Les nouveaux esclavagistes

    CHAQUE JOUR des dizaines de milliers d’intérimaires travaillent dans les entreprises de Belgique. Engagés la plupart du temps pour une durée d’une semaine, ce sont des travailleurs sans droits car la moindre protestation entraîne le non renouvellement du contrat. Nous avons rencontré un travailleur intérimaire qui nous parle de ses conditions de travail. Comme il a besoin de travailler pour vivre, il a préféré garder l’anonymat. Nous l’appellerons donc René.

    Propos recueillis par Guy Van Sinoy

    Quand nous écrivons que les travailleurs intérimaires sont surexploités, certains pensent que nous exagérons. Peux-tu parler de ton expérience?

    René: Une mauvaise expérience dont je peux parler, c’est chez Mamma Lucia, une entreprise du zoning de Nivelles qui fabrique des lasagnes industrielles. La première chose qui frappe en entrant dans la boîte, c’est que la majorité des travailleurs sont intérimaires, ce qui est déjà illégal. En effet, la loi ne permet le recours aux intérimaires que pour remplacer des travailleurs contractuels malades ou en congé, ou encore en cas de travail exceptionnel. Chez Mama Lucia, l’exception est la règle!

    Deuxièmement: tu sais quand tu rentres mais tu ne sais pas quand tu sors. Il n’y a pas d’heures fixes (Ce qui est illégal car les horaires doivent être fixés par le règlement de travail décidé par le Conseil d’entreprise. ndlr). Si tu es en équipe d’après-midi, tu commences à 14h mais tu peux finir à minuit, 2h ou 4h du matin selon les besoins de la production.

    Cela fait donc parfois des journées de travail de plus de 12 heures?

    Cela m’est arrivé de rester au travail plus de 14 heures, mais eux ne comptent pas comme cela. Mon travail consistait à emballer les plats préparés sortant de la machine. Quand la machine de la production a du retard, on doit attendre à la cafétéria mais on n’est pas payé. Il se peut que l’on doive rester 1h15 à la cafétéria sans que cela ne soit considéré comme temps de travail.

    C’est le secteur de l’alimentation? Quel était le salaire horaire?

    Cela tournait autour de 10 euros de l’heure. Les primes d’équipes sont minimes: après 22 heures la prime est de 15%.

    En quoi consistait ton travail?

    Les plats préparés sortent de la chaîne et il faut les mettre à la main dans des plastiques qui sont pressés puis cela passe dans une machine qui étiquette. C’est assez stressant car il faut suivre le rythme, debout, avec masque, bottes et gants.

    Il n’y a pas de syndicat dans cette entreprise?

    Je n’ai jamais vu de délégué. Je suppose que le poids syndical doit être faible, voire nul, car la majorité des travailleurs sont intérimaires. Sans compter les employés qui sont dans les bureaux, j’estime qu’il doit y avoir une centaine d’ouvriers au travail dans cette usine dont 2/3 d’intérimaires.

    Comme les travailleurs sont en contact avec des denrées alimentaires, je suppose que les intérimaires passent – c’est prévu par la loi – un examen médical pour vérifier s’ils n’ont pas de maladies contagieuses?

    Oui, c’est possible, mais on ne m’a jamais fait passer d’examen médical! On m’a juste demandé d’avoir les mains propres!

    Où trouve-t-on ces lasagnes dans le commerce?

    Tu vas rire car c’est le même produit qui est emballé sous des noms différents: Mamma Lucia, Carrefour, GB. Tout à coup on arrête la chaîne, on change les étiquettes et on remet la chaîne en route!

    Tu étais engagé à la semaine?

    C’est même pis car ils font des contrats à la journée. Sur la semaine on te fait quatre contrats d’une journée car souvent on ne travaille pas le vendredi. C’est vraiment la flexibilité à fond la caisse!

  • Non marchand en action. Interview de Marieke, déléguée et militante de la LBC

    Non marchand en action

    Ces derniers temps on a assisté aux différentes mobilisations du secteur social. Quelles en sont les raisons?

    Marieke: Suite à la décision de la Communauté flamande de ne payer que la moitié des subsides du mois de décembre au secteur des handicapés, seulement 60% de nos salaires devaient être payés en décembre. On nous promettait de payer le reste et la prime de fin d’année en janvier. Nous avons donc organisé deux mobilisations à Bruxelles. Après la première, les ministres ne voulaient même pas se mettre autour de la table de négociations. Lorsqu’on a mené la deuxième, une semaine plus tard, le gouvernement a cédé: le salaire de décembre et la prime de fin d’année seront payés à temps.

    Le 11 décembre, les militants de votre secteur se sont réunis pour discuter d’un nouvel cahier de revendications. Quelles sont celles que vous mettez en avant?

    Cette année, les militants se sont réunis pour la première fois dans des groupes d’intérêt régionaux et nationaux. Depuis, on a établi un questionnaire qu’on a distribué aux collègues pour savoir qu’elles revendications ils considéraient comme essentielles. Plus de 10.000 travailleurs ont répondu. Comme premier point, nous remarquons que les salaires dans le secteur social sont de 17% inférieurs aux salaires en moyenne des autres secteurs. Et ceci parce que l’on s’est battu pour plus de congés, de pré-retraites et des conditions de fin de carrière convenables.

    Aujourd’hui, notre objectif principal c’est d’atteindre le même niveau de salaire entre le secteur social et les autres secteurs. C’est notre première revendication. La convention collective de travail 45+ accordant plus de congés à partir de 45 ans et celle sur la prépension à 57 ans arrivent à échéance. Nous voulons qu’elles soient reconduites. A part cela, nous voulons également la transformation de la prime de fin d’année (un pourcentage du salaire mensuel) vers un treizième mois à part entière. Nous exigeons une semaine de travail de 36 heures avec maintien du salaire comme premier pas vers une semaine de 32 heures.

    Grâce aux luttes du passé nous avons conquis le droit à plus de congés à partir d’un certain âge et le droit à la prépension à un âge plus bas que dans d’autres secteurs. Si les embauches compensatoires ne sont pas réalisées cela crée une surcharge de travail pour les jeunes travailleurs. L’embauche compensatoire est notre revendication finale.

    Chez nous, ils veulent passer à un système de financement par enveloppes pour les supports logistiques, comme la cuisine et l’entretien. Le danger consiste en ce que la direction décide de faire sous-traiter l’entretien par une société privée. C’est une menace vis-à-vis de la qualité de la nourriture, mais surtout sur les emplois et le statut d’un milliers de travailleurs.

    Votre cahier de revendications reflète une combativité magnifique. Comment pensez-vous pouvoir transformer ces revendications en victoires?

    A partir de la mi-janvier nous allons passer à l’action: d’abord des actions ponctuelles, mais aussi des grèves et des manifestations. Parce qu’on a pu réunir des dizaines de milliers de travailleurs dans la rédaction du cahier de revendications, je pense qu’on sera capable de faire participer beaucoup de travailleurs du secteur social aux actions. Dans le passé, nous avons réussi à arracher la plupart de nos revendications. Nous allons faire en sorte que cela continue!

    Propos recueillis par Koenraad Depauw


    (*) LBC: centrale CSC des employés en Flandre.

  • Sigma Coatings et Alstom. Pourquoi les conflits sociaux se durcissent

    Sigma Coatings et Alstom.

    FIN NOVEMBRE 6 membres de la direction de Sigma à Manage (Hainaut) ont été retenus dans les locaux de l’entreprise par les travailleurs en grève. Quelques jours plus tard la direction d’Alstom à Beyne-Heusay (Liège) subissaient le même sort.

    Eric Byl

    En février les cadres de Cockerill Sambre ont enfermé le directeur général Alain Bouchard et quelques membres de la direction à l’université de Liège. Un peu plus tard les travailleurs de Tihange faisaient de même. Dans les années 80 les travailleurs de la FN avaient aussi retenus la direction pendant deux jours. Beaucoup de militants syndicaux connaissent l’un ou l’autre exemple où les travailleurs ont bloqué des responsables de la direction dans des locaux lors de situations difficiles.

    La presse a réagi avec une indignation sélective, surtout en Flandre. Le patronat flamand (Vlaams Economisch Verbond, VEV) veut imposer la personnalité juridique aux syndicats et saisir les caisses de grève car elles "paient des gens qui mènent des opérations criminelles". Le ministre de l’Intérieur, Dewael, aurait voulu une intervention de la police fédérale. L’hebdomadaire Knack a commenté: "Le bourgmestre socialiste de Manage, Christian Gibeau, a eu raison de ne pas vouloir l’intervention de la police. Cela aurait mené à une situation sans issue". Afin de parer à l’explosion sociale, la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) n’a condamné que discrètement les "actions sociales illégales." Knack et les stratèges les plus futés de la bourgeoisie n’ont pas voulu mettre de l’huile sur le feu.

    Depuis des mois et des années les familles des travailleurs sont confrontées aux restructurations d’entreprises, aux délocalisations et aux fermetures. Rarement les clauses légales et les conventions collectives ont été respectées. Pour un rien les patrons ont fait appel aux tribunaux pour infliger des astreintes astronomiques aux piquets de grève. Les briseurs de grève ont même parfois été déposés par hélicoptère dans l’enceinte d’entreprises en grève, pour éviter de devoir franchir les piquets et les occupations d’usines sont attaquées sur le plan juridique sous le motif de "viol de propriété privée".

    Dans la pratique, beaucoup de patrons ont enterré tout dialogue social. Leurs méthodes dignes du 19e siècle battent cependant de l’aile. Dépossédés de leurs moyens de luttes traditionnels, les travailleurs choisissent d’autres voies, même si cela doit parfois aboutir à une confrontation plus musclée. En juillet 2000, on a même vu les travailleurs de Cellatex à Givet (France), confrontés à une fermeture de leur usine, menacer de verser de l’acide dans la rivière si on ne voulait pas les entendre. Les travailleurs de Adelshoffen à Strasbourg, placés dans une situation identique, ont menacé, de leur côté, de carrément faire sauter l’usine.

    Comparé à cela, l’action des travailleurs de Sigma apparaît comme presque banale. En mai 2003, la direction avait annoncé la suppression de 73 emplois. Après 7 jours de grève un pré-accord avait été signé: prépension à 50 ans, départs volontaires, crédit temps, baisse de salaires de 15%. Début novembre, la direction a annoncé qu’elle ne respecterait pas l’accord signé et que l’âge de la prépension serait rehaussé à 52 ans. Une tentative de conciliation a échoué le 17 novembre. Tous les employés ont alors été renvoyés chez eux pendant une semaine et la direction a disparu. Les ouvriers restés sur place ont assuré le maintien de l’outil de cette usine classée Seveso sans recevoir la moindre directive de la direction.

    Le 24 novembre la direction a convoqué un conseil d’entreprise extraordinaire où elle a annoncé une nouvelle restructuration avec 159 pertes d’emploi (sur 279!) sans plan social. Les travailleurs en grève ont alors retenus 6 membres de la direction dans les locaux pendant trois jours pour imposer une négociation. La direction a signé un accord où elle reconnaissait le droit des travailleurs d’occuper l’usine et de bloquer les stocks de matières premières et de produits finis. Elle s’engageait aussi à ne pas faire appel aux forces de l’ordre et à rediscuter de la prépension à 50 ans.

    Le 17 décembre à la manifestation régionale pour l’emploi à La Louvière, les travailleurs de Sigma étaient au premier rang. Les responsables syndicaux régionaux ont parlé de reconversion, mais n’ont rien dit sur le maintien de l’emploi. Le bourgmestre PS de La Louvière et le secrétaire régional de la FGTB ont tempêté contre les multinationales mais n’ont pas dit un mot sur une reprise de l’usine par la Région wallonne. Pas de mots d’ordre pour mobiliser les travailleurs de la région, ni pour lancer une grève régionale de solidarité. Avec d’autres si piètres dirigeants syndicaux on peut comprendre que les travailleurs iront parfois jusqu’au bout pour ne pas rester sur le carreau.

    L’action des travailleurs de Sigma a été la dernière issue qu’il leur restait, une meillieure option que la concertation syndicale des appareils syndicaux qui mène à la défaite. Tout comme les exemples de Cellatex ou Adelshoffen, avoir retenu la direction dans les locaux fait partie d’un autre type de syndicalisme: le syndicalisme de combat. C’est souvent un type d’action qui a lieu quand la lutte est en recul, quand il faut vendre sa peau le plus chère que possible. Cela peut débloquer une situation, mais si le rapport de forces n’est pas en leur faveur la bourgeoisie peut passer à la contre-offensive par la répression.

    Retenir la direction dans les locaux, ou d’autres types d’actions "radicales", ne peut cependant être une tactique payante que si elle ne nuit pas l’unité des travailleurs et celle des travailleurs avec la communauté locale. Cela doit être subordonné à la stratégie générale du syndicalisme de combat: meetings de masse dans les entreprises, grèves de solidarité, envoi de délégations de grévistes aux entreprises de la région, mobilisation de la population, mise sur pied de comités de grève et de solidarité.

  • NON aux licenciements!

    Le nouveau gouvernement Verhofstadt ne recule devant rien pour attaquer emplois et services publics. Après avoir promis la création de 200 000 emplois durant la période électorale, la Conférence Nationale pour l’emploi n’en offrira que 60 000. Pourtant, actuellement, ce sont plutôt des annonces de licenciements massifs qui font la une que celles d’embauches. Toutes ces mesures sont inscrites dans une même logique capitaliste de profit. C’est ainsi que des emplois disparaissent pour le simple profit des patrons ; que nos services publics sont vendus à des sociétés privées qui n’ont comme but que d’être le plus rentables, et ce évidemment au détriment de la qualité. Après Belgacom, la Sabena, … les multinationales, aidées de nos gouvernements, s’en prennent aux chemins de fer, à la poste et bien sûr à l’enseignement avec le processus de Bologne.

    Aïsha Paulis

    Ford Genk : Comment combattre les multinationales ???

    3 000 emplois vont être perdus à Ford Genk. En fait, l’avenir de la totalité du site est menacé. Il dépend uniquement d’une promesse faite par la direction de produire de nouveaux modèles. Mais que vaut une promesse de capitalistes ? Pour la Sabena : promesses, il y a eu ; résultat : faillite ! Les promesses des capitalistes n’ont de valeur que si elles sont accompagnées d’un mouvement social qui les contraindra à respecter leur parole.

    La fermeture totale ou partielle de l’usine de Ford à Genk provoquera, en tous les cas, un drame social dans la région. En plus des 10 000 employés de Ford proprement dit, il y aura de sérieuses pertes d’emplois chez les sous-traitants (nettoyage…). Face à ce nouveau drame annoncé, le corps politique et gouvernemental fait profil bas et accumule les déclarations d’impuissance. Ils conseillent aux employés de Ford de ne pas mettre en danger les 6 000 emplois restant par des actions trop musclées, et ce bien qu’ils sachent que sans lutte le site de Ford Genk sera fermé après 2006. Mais heureusement la réponse des travailleurs de Ford à ces « bons conseils » des hommes politiques a été le blocage de pièces pendant 3 semaines!

    Et grâce à cette lutte, et seulement grâce à elle, la multinationale a été contrainte de faire des concessions.

    SNCB : Pour des services publics de qualité !!!

    Nos services publics sont eux aussi mis à mal. Après s’être battu et avoir gagné un certain nombre de droits et de services, tels que l’enseignement public, un service de transport public, un système téléphonique public…la population se voit retirer petit à petit tous ses acquis. Les grandes entreprises, soutenues par les gouvernements n’ont qu’une seule hâte : pouvoir ouvrir d’autres marchés en privatisant tous ces services.

    La prochaine cible du gouvernement est la SNCB. Celle-ci va déjà subir une restructuration. Le nombre exact d’emplois qui vont disparaître n’est pas encore connu. Mais le chiffre de 5000 emplois est lancé. La SNCB n’est pas rentable et provoque un déficit dans les caisses de l’état, et donc est un poids pour la population ! Voilà le raccourcis par lequel notre gouvernement essaie de nous convaincre que la libéralisation de la SNCB ne peut être que positive ! Mais passer d’une gestion publique à une direction privée pose certains problèmes. En Angleterre, où 70% des chemins de fer sont privés, les problèmes ne font que s’accumuler : accidents dus à une mauvaise gestion ou aux problèmes d’entretien, augmentation du prix des billets, conditions de travail de plus en plus dures … Aujourd’hui, la population souhaite, et se bat pour que les chemins de fer soient à nouveau nationalisés, càd gérés par l’Etat dans un soucis de qualité.

    En Belgique, une privatisation de la SNCB aura aussi de lourdes conséquences.Et bien que le prix du billet risque d’augmenter sans cesse ( une augmentation de 3,6% est déjà prévue pour 2004), le service, lui, va diminuer de plus en plus. De plus, l’Union Européenne veut, avec la libéralisation du chemin de fer, aussi augmenter la durée des journées de travail et diminuer les temps de repos. Toutes ces mesures seront payées par la santé des travailleurs et sur le plan de la sécurité !

    Combattre pour nos services publics et un enseignement gratuit et de qualité !!!

    Selon le gouvernement Verhofstadt, le problème de l’emploi en Belgique est dû essentiellement à un coût salarial trop élevé. Pour lutter contre les licenciements massifs et les emplois précaires, il faut selon lui baisser les charges salariales. Pour lutter contre les déficits des services publics, il répond : privatisation !

    De plus en plus d’étudiants sont obligés de travailler pour pouvoir continuer leurs études. Souvent, ce sont des boulots sous-payés et très flexibles. Les étudiants étrangers sont des cibles plus faciles encore : en plus de minervals d’inscription à l’université extraordinaires (jusqu’à 4000euros), ils se retrouvent souvent à faire des boulots dégradants sans salaire correct.

    Cette situation déjà difficile dans laquelle se trouve l’enseignement ne va aller qu’en s’empirant avec le processus de Bologne et la privatisation de l’enseignement supérieur et universitaire. La sous-traitance et la privatisation des services des universités (service de sécurité, de nettoyage, restos, etc…) ainsi qu’une partie des cours (cours de langue dans des fondations privées etc…) n’amène qu’une dégradation du service et des conditions de travail des employés (qui sont souvent des étudiants jobistes !).

    En aucun cas, la privatisation de l’enseignement, et des services publics en général, n’amènera une solution au déficit budgétaire de l’Etat !

    Nous devons lutter tous ensemble pour garder des services publics de qualité au service de la population, pas des entreprises !

  • NON à la marchandisation de l’enseignement!

    Les suggestions des économistes de l’UCL d’éléver le minerval à 4000 ou 6000 euros à rembouser après les études, la réforme annoncée des diplômes selon le modèle anglo-saxon (“ Bachelor-Master “), la création des pôles d’excellence et d’autres mesures prévues par ou liées au fameux Processus de Bologne, inquiètent nombre d’acteurs dans le débat sur l’avenir de notre éducation (aussi en général). Les conséquences des réformes de l’enseignement supérieur sont de plus en plus visibles partout en Europe et elles dévoilent la véritable nature de ce traité européen : la sélection plus poussée et le démantèlement des acquis sociaux et politiques dans l’éducation supérieure.

    Emiel Nachtegael

    Pour comprendre les enjeux de la Déclaration de Bologne, il est nécessaire de comprendre le rôle de l’éducation en général dans la société. A travers l’Histoire, l’organisation du système éducatif est déterminée par l’organisation de l’économie (la division du travail), et en particulier par la façon d’organiser la production. Si dans la société féodale le métier de paysan était transmis de père en fils, l’enseignement étant confiné dans les monastères et axé sur l’étude de la bible et la copie à la main des textes antiques sans valeur productive quelconque, l’ascension de la bourgeoisie marchande et de la société citadine marque un changement. L’économie devenant plus complexe, avec plus de spécialisation du travail, un enseignement en comptabilité, droit, etc. s’impose pour une élite dans la société.

    C’était dans la période de transition de la société médiévale vers la société capitaliste que le système éducatif, modèle de notre éducation actuelle, est né. L’éducation générale réservée aux enfants bourgeois et nobles et une éducation plus professionnelle pour les enfants du peuple, l’objectif de l’éducation était de sélectionner l’élite et d’apprendre la discipline au peuple. Selon les demandes du marché, le système éducatif est censé fournir la main-d’oeuvre qualifiée exigée dans des moments d’expansion de l’industrie et des services (la massification des universités après la Seconde Guerre Mondiale etc.).

    Sous pression du mouvement ouvrier, un degré de démocratisation a été acquis, comme la scolarité obligatoire après la Première Guerre Mondiale et l’Enseignement Secondaire Libre, les droits démocratiques des étudiants dans les universités (droit d’afficher, etc.) après mai 68. Mais les principes fondamentaux de notre éducation demeurent les mêmes : sélection (frais d’inscription ; sur les diplômes : réussi-distinction-grande distinction ; quant au choix de la filière : latin-pas de latin), discipline (ne certainement pas critiquer le professeur ou le cours) et passage de l’idéologie bourgeoise (cours d’Histoire, etc.), prestation (examens, tests, numerus clausus, etc.), la concurrence (chaque élève pour soi, certains ne sont pas «faits pour étudier» , etc.)…

    Selon une enquête dans De Standaard (20 février 2003), « la Belgique, mais surtout la Flandre, excelle au niveau des prestations des élèves dans le monde… l’autre face du médaillon, c’est que les jeunes n’aiment pas aller à l’école, ils jugent les cours ennuyeux. Notre enseignement est encore (trop) axé sur la connaissance, sur la reproduction, sur les notes et (trop) peu sur la personnalité totale de l’élève. En outre, le clivage entre les meilleurs élèves et les autres est souvent trop grand.» Là, on touche au coeur du débat. Le quotidien regrette que l’éducation n’ait comme objectifs, ceux qui ont toujours été les objectifs de l’éducation dans une société de classe. L’épanouissement total des capacités de l’individu ne sera jamais atteint sous le capitalisme, ce n’est pas dans ses intérêts, ça ne l’a jamais été. La division du travail capitaliste entre travail manuel et intellectuel s’exprime dans l’organisation de l’enseignement secondaire: humanités, écoles techniques, écoles professionnelles. De plus, comme chaque acquis qui ne plaît pas au capitalisme, il est passible de passer à la trappe.

    Après la crise structurelle du capitalisme après 1974, la demande d’une main d’oeuvre qualifiée issue des universités diminue. C’est dans ce contexte que les réformes de l’éducation se déroulent. Elles traduisent les lois du marché capitaliste.

    Depuis les années 80, on est confronté aux programmes d’austérité dans l’éducation et des attaques contre les acquis démocratiques (comme la Déclaration de Bologne).

    Cette Déclaration de Bologne, nouveauté tant voulue par la Table Ronde de Grands Industriels Européens, vise, en grandes lignes, la création d’un Espace Educatif Européen, capable de concurrencer avec les ecoles très élitistes américaines et brittaniques comme Harvard et Princeton où les frais d’inscription s’élèvent à pas moins de 30.000 euros!

    Le but final est d’en arriver à un classement des pôles d’excellence avec une spécialisation très poussée : des unifs de premier rang, de second rang, de poubelle. Telle université vous offre le programme de “Master en Droits, Economie, Solvay, etc.”, telle autre vous offre le journalisme, les sciences humaines etc. (en Flandre, les universités viennent d’annoncer la suppression des filières Langues Romanes et Langues Germaniques ; avec un an supplémentaire (3 +2) pour les sciences, 3+1 pour les autres).

    En Communauté Française, le décret Bologne sera présenté au parlement avant le 15 décembre (pour empêcher une mobilisation étudiante avant les examens ?). Après avoir conclu un accord avec les recteurs, le 8 novembre, la ministre de l’enseignement du gouvernement de la Communauté française, Françoise Dupuis, elle, a déposé son “décret Bologne” le 26 novembre (à l’extérieur des recteurs, les étudiants, les syndicats et les Ecoles Supérieures, ont été écartés des négociations ; ça commence bien !). Il prévoit la disparition des licences et la mise-en-place d’un système baccalauréats (premier cycle) et maîtrises (deuxième cycle :3+1). La maîtrise spécialisée (3+2) et la maîtrise complémentaire (3+3) s’y ajoutent. Il n’existe aucune raison pédagogique qui justifie le rallongement du temps d’étude. Mais il ne faut pas être intélligent pour comprendre que beaucoup d’étudiants salariés ou issus de milieux modestes auront du mal à payer un ou deux ans d’étude de plus, même si l’on suppose que les frais d’inscription resteront les mêmes. Aux Pays-Bas les minervals s’élèvent entre 5000 et 7000 euros et en Angleterre Blair vient de proposer un minerval de 3000 livres (4500 euros) par an (!) à rembouser après les études. Les ministres ont encore beau nous assurer qu’ils ne veulent pas de ça, si les autres pays signataires de la Déclaration de Bologne le font, on voit difficilement comment ils ne vont pas suivre leur exemple, ce serait ne pas respecter l’esprit du texte, justement.

    Il faudra encore attendre les programmes des unifs pour 2004-5, mais il est dorénavant clair qu’ entre une maîtrise 3+1, une maîtrise 3+2 et une maîtrise 3+3, quel diplôme vaudra le plus sur le marché de travail. La déclaration de Bologne prépare la voie vers la transformation de notre éducation supérieure selon le modèle anglo-saxon et la privatisation de l’éducation supérieure en tant que service public. Il n’est pas impossible de lutter contre Bologne, comme le montrent les étudiants allemands et français en grève (voire brèves).

    Dans le passé, des luttes contre des plans d’austérité ou des réformes plus en profondeur de l’éducation supérieure ont été stoppés après des mobilisations massives des étudiants et du personnel (France, 1986 ; Espagne, 1987). Il sera, comme lors de ces luttes, nécessaire de lancer l’appel à un mouvement social plus large, et en particulier envers les syndicats, de lier la lutte pour un enseignement supérieur gratuit, populaire et démocratique à la lutte pour le maintien de tous les services publics et contre la politique anti-sociale du gouvernement en général. Entretemps, il est important de lier la lutte à la lutte pour une société socialiste avec une planification démocratique de l’économie.

    Une telle société posera le rôle de l’éducation de façon très différente, car elle bouleverse la production qui sera non orientée vers les poches d’une minorité infime, mais vers la satisfaction des besoins de l’humanité.

    Un programme éducatif socialiste peut alors viser l’épanouissement total et polytechnique de chaque individu qui pourra être un travailleur réflechissant et agissant lui-même sur des affaires de production et de la gestion de l’état. Et les générations d’élèves suivantes s’étonneraient des lycées et des unifs capitalistes et pourront dire comme Lénine : la vieille école était une école où on bûche, elle forçait les gens à se familiariser avec un tas de connaissances inutiles et superflues, qui embrumait le cerveau et qui transformait la jeune génération en un rassemblement de bureaucrates. Rejoins EGA pour préparer la lutte pour un enseignement libre et démocratique et pour une société socialiste !

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