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Category: Automobile
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Roumanie : Grève et victoire à l’usine Dacia !
Des milliers de travailleurs de l’usine Dacia Renault sont partis en grève pour une augmentation de 60% de leur salaire. Après 3 semaines de lutte, ils ont réussi à obtenir environ 40% d’augmentation. Dans le quotidien « Adevarul », un journaliste a annoncé la fin du mythe des travailleurs roumains bon marché.
Le syndicat local a déclaré que plus de 80% des 13.000 travailleurs de l‘usine Dacia de Pitest (ville du sud de la Roumanie) avaient participé à la grève. La principale revendication des travailleurs, qui gagnaient environ 285 euro par mois, était une augmentation salariale de 60%. « Nous travaillons le même nombre d’heures qu’en France mais nous sommes payés des cacahuètes », rapporte un travailleur. Le syndicat a déclaré qu’il était temps « de se battre pour les salaires comme en France ».
Renault, le fabricant automobile français, a créé l’usine Dacia en 1999 et y produit depuis lors la Logan, la voirure la moins chère de sa gamme. Évidemment, même si l’augmentation de 60% avait été obtenue, les travailleurs auraient toujours gagné moins que leurs homologues français (qui gagnent en moyenne 2.200 euros brut par mois). Néanmoins, la revendication « de se battre pour les salaires comme en France » est très importante car c’est une tentative de surmonter les divisions entre travailleurs de différents pays. L’un des principaux slogans aux piquets tenu par les grévistes était «Unitate» (unité).
La direction de Renault a réagi de manière très agressive en essayant d’obtenir l’interdiction de la grève par voie légale. Dans une lettre ouverte au journal « Evenimentul Zilei », le directeur général de Dacia, François Fourmont, a même menacé les travailleurs en grève de fermer l’entreprise. Fourmont a déclaré à propos des revendications salariales que « ces revendications peuvent mettre en péril le futur de l’usine, il faut prendre en compte le fait que d’ici à 2010 des usines Renault au Maroc, en Inde et en Russie seront opérationnelles et capables de produire la Dacia ».
La menace de délocaliser la production dans un pays avec des conditions salariales plus faibles est une menace que les travailleurs d’Europe de l’Ouest connaissent bien. Durant ces derniers mois, des grandes entreprises (Ford, Nokia,…) ont délocalisé une partie de leur production en Roumanie ou ont menacé de le faire. Aux travailleurs à travers l’Europe de reprendre l’exemple de Dacia…
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Baisse de production chez Volvo Cars. L’équipe de nuit menacée?
Jusqu’il y a peu, Volvo semblait être une exception dans l’industrie de l’assemblage automobile de ce pays. Renault-Vilvorde, Ford-Genk, VW-Forest, GM-Anvers ont connu des attaques très dures. Par contre, Volvo ne cessait de croître. Mais maintenant une baisse de la production y a été annoncée avec des conséquences potentiellement très dures pour les salaries. L’équipe de nuit a déjà lancé des actions spontanées.
Un travailleur de Volvo nous a expliqué que « depuis longtemps, nous étions au courant qu’en 2008, on allait produire moins de voitures et que la XC60 ne sera produite qu’à partir de la fin 2008. C’est pourquoi, il y a quelques semaines, les chaînes ont été ralenties et un rééquilibrage a été introduit. La baisse de la production sera de 240.000 unités en 2007 et devrait être de 220.000 en 2008. Mais il y a peu, nous avons appris que les modèles plus petits n’allaient plus être vendus aux USA à cause de la faiblesse du dollar, ce qui signifie pour Gand une baisse de production d’au moins 17.000 voitures ».
La production réduite actuellement envisagée pour 2008 pourrait se faire avec seulement deux équipes à Gand. Une décision à ce sujet devrait être prise par la direction au cours des deux semaines à venir. Mais d’autres scénarios sont encore possibles et la crainte grandit parmi les salariés de Volvo-Cars.
La direction belge a proposé d’introduire un rééquilibrage (ralentir les chaînes et répartir le volume de travail) et l’application du chômage « individuel » : aujourd’hui, une personne au chômage, demain une autre, le lendemain quelqu’un d’autre encore,… Les syndicats ont déjà fait savoir qu’ils n’atient pas d’accord, car tout le monde ne serait en réalité pas touché de la même manière et certains même pas du tout. On suspecte aussi la direction d’espérer que beaucoup de travailleurs quittent l’entreprise de leur propre chef afin d’éviter de devoir payer des primes de départ.
C’est un calcul assez réaliste de sa part. La pression de travail est élevée et le secteur de l’automobile n’est pas renommé chez nous pour sa sécurité de l’emploi ! Si on y ajoute l’incertitude liée à la diminution de la production, beaucoup de travailleurs pourraient essayer de trouver un nouvel emploi qui leur offre peut-être plus de sécurité. De plus, beaucoup de personnes devraient partir en préretraite l’année prochaine.
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Opel. L’insécurité mène à des actions
L’insécurité pour les travailleurs d’Opel continue et quelques actions ont éclaté ces dernières semaines. Le 14 juin, la direction a essayé de répondre aux nombreuses questions du personnel sur le futur démantèlement de trois équipes. La direction entretient un flou artistique sur ce qui signifie concrètement cette décision. Qui pourra finalement rester ?
Il semble sûr que deux modèles seront construits sur le site. Par contre, la direction affirme qu’aucune décision sur la construction d’un troisième modèle ne peut être prise avant 2009. Elle déclare tout de même que la sous-traitance restera d’actualité “même pour une usine de 120.000 voitures”. Mais elle conditionne également la construction du troisième modèle “au maintien de la compétitivité de l’usine”. Un avertissement à peine caché contre toute grève.
Quant aux indemnités de licenciement et aux prépensions, la direction reste muette. L’objectif de ce silence est clair: entretenir le sentiment d’insécurité des travailleurs pour déjà en chasser. C’est une méthode de licenciement bon marché.
Tant que les résultats de la concertation sociale sur la restructuration ne seront pas connus (montant des indemnités, attitude du gouvernement face aux prépensions,…), l’insécurité continuera à peser sur les travailleurs et mènera régulièrement à des actions spontanées.
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Arvin Meritor, sous-traitant de VW. Plutôt des intérimaires que des travailleurs qualifiés
Le travail a repris à Arvin Meritor après une Assemblée générale le vendredi 11 mai. Cette grève avait notamment eu comme conséquence de stopper l’activité du site de VW-Forest, Arvin Meritor étant l’un de ses plus importants sous-traitants.
Par Eric Byl, 17e sur la liste de la Chambre en Flandre Orientale
La grève avait débuté suite à l’annonce de la fermeture du site pour le 20 juillet. Cette décision, qui fait suite à la diminution de la production et aux licenciements massifs chez VW, met 150 personnes au chômage.
Les discussions menées entre délégations syndicales et direction n’ont pas permis d’aboutir à une solution. Les travailleurs d’Arvin Meritor sortent en fait de ces discussions sans rien en mains. Leur première revendication est bien évidemment la sauvegarde de leur emploi. Des pistes en ce sens ont été lancées par la délégation syndicale, comme la reprise de travailleurs pour les Audi qui seront produites sur le site de Forest. Mais, là encore, la direction a répondu par un “NON” catégorique.
La direction de VW préfère engager des intérimaires ou travailler avec des boîtes de sous-traitance plutôt que de donner des contrats stables à des travailleurs qualifiés.
Les points de désaccord entre syndicats et direction se situent également au niveau des primes. Alors que les délégations syndicales demandent une prime de 100 EUR par jour de travail, la direction ne veut en céder que 40.
Mais, si la grève a pris fin, ce n’est certainement pas le cas de la lutte. Syndicats et travailleurs sont en train de discuter des actions à mener pour faire pression sur la direction afin de trouver une solution pour l’emploi.
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Opel : Provocations à la chaîne
Malgré les bons résultats successifs du siège d’Opel à Anvers, l’augmentation de la flexibilité (notamment des horaires ultra-flexibles) et une flopée de cadeaux des divers gouvernements, l’avenir d’Opel-Anvers reste incertain. La direction a provoqué les travailleurs et n’a fait que de faibles propositions. Après un référendum polarisé, les travailleurs sont retournés au turbin mais sans aucune confiance dans la direction.
Par Geert Cool, 1er suppléant sur la liste du Sénat néerlandophone
Le CAP au piquet : Une solidarité appréciée
Comme à VW, le bus de solidarité du CAP a été constamment présent au piquet de grève d’Opel, à la seule exception du 1er mai. Le bus offrait une assistance pratique aux grévistes: un endroit chaud où on peut boire une tasse de café ou mener une discussion. Nombreux sont les travailleurs d’Opel qui ont remercié les militants du CAP présents pour leur participation et leur présence.
Nous en avons discuté avec Thomas B., un jeune membre anversois du MAS/LSP présent quasiment jour et nuit au piquet de grève.
« Après le 1er mai, j’étais presque toujours au piquet. Il était important d’être là, même quand il n’y avait pas beaucoup de monde, pour montrer que les travailleurs n’étaient pas seuls dans leur lutte. J’étais notamment présent aux assemblées d’information.
« Les réactions au bus de solidarité étaient extrêmement positives. Les travailleurs étaient contents de notre soutien. En plus, le bus est bien pratique pour s’asseoir un moment et discuter. Pour ceux qui sont restés au piquet pendant des heures, il était vraiment le bienvenu.
« Au début, il n’y avait pas vraiment beaucoup de monde au piquet et l’atmosphère était à l’abattement. On avait l’impression qu’il y avait un piquet parce que c’est comme ça que les choses se font. Au fur et à mesure qu’augmentaient les provocations de la direction, l’atmosphère devenait plus combative. Tous se rendaient compte que le nombre de voitures proposé était trop bas, que c’était inacceptable.
« Le piquet n’était pas très bien organisé, ce sont vraiment les provocations de la direction qui ont rendu le piquet aussi vivant. Malheureusement, la division était forte entre les différents syndicats. La FGTB revenait régulièrement sur le fait que la CSC n’avait pas rejoint la grève contre le Pacte des Générations le 7 octobre 2005. Il était aussi frappant que le syndicat libéral comptait certains militants combatifs. Après le référendum, le délégué FGTB Rudi Kennes a distribué son matériel électoral pour le SP.a. Ça a été ressenti comme un geste très cynique.
« Pour les mois qui viennent, je pense que le moindre problème peut entrainer de nouvelles actions. Certainement dans l’équipe de nuit, où la grande majorité avait voté pour la poursuite de la grève. La bombe peut exploser rapidement… »
Provocations
La direction a joué avec le feu, mais après avoir su vendre presque tout aux directions syndicales, elle espérait sans doute pouvoir faire de même avec les travailleurs sans susciter de réactions. Aucune grève n’avait suivi l’annonce des 1.400 licenciements et la direction a ainsi pu continuer ses agressions car la faiblesse appelle l’agression (voir l’AS de Mai).
En plus des licenciements annoncés, des milliers d’emplois supplémentaires sont menacés car la survie de l’usine n’est absolument pas garantie. Seul un modèle de Chevrolet serait produit à Anvers mais pour seulement 80.000 unités par an (pour une capacité totale de production de 250.000). Cette proposition inacceptable a conduit à la grève.
La direction a tenté de mettre à la porte les travailleurs temporaires, qui bossent surtout dans l’équipe de nuit, faute d’avoir un contrat fixe qui leur permettrait d’accéder plus facilement aux équipes de jour. Cette tentative a heureusement été déjouée.
Après cela, la direction a fait travailler une partie des cadres d’Opel dans les bâtiments de la fédération patronale Agoria, dans le but évident de casser le piquet de grève.
Qu’est devenue la journée d’action nationale ?
Après le référendum, les travailleurs d’Opel ont repris le travail. Le résultat de ce vote était assez serré : 50,39% des 3.735 participants ont voté pour la reprise, après la promesse de l’arrivée d’un deuxième modèle et de la porte laissée ouverte à un troisième dès 2009 (mais qui devra certainement être retiré d’une autre filiale de GM en Europe).
Avec les deux modèles, la production monterait à 120.000 voitures par an, et jusqu’à 150.000 à 160.000 avec les trois modèles. Cela signifie donc toujours que près de la moitié de la capacité de production ne serait pas utilisée. A l’assemblée d’information sur les propositions de la direction, le mécontentement s’était invité à la table. Des réactions extrêmement hostiles se sont manifestées, particulièrement au sein de l’équipe de nuit.
Par contre, les propositions claires pour mener la lutte brillaient par leur absence. La direction syndicale a expliqué les propositions de la direction “aussi objectivement que possible” mais n’a fait aucune référence à la journée d’action annoncée le 1er mai. Par contre, elle a affirmé que si la grève se poursuivait après le 10 mai, cela serait pour au moins deux semaines, avec les conséquences financières habituelles pour les travailleurs. Cela explique la division du vote : directions de l’entreprise ou syndicales ne jouissent d’aucune confiance face au mécontentement et à la rage des travailleurs.
Le référendum aurait été bien différent si un véritable travail de mobilisation pour une journée nationale d’action avait été menée dès les premières déclarations. Le lien avec VW-Forest aurait pu être fait facilement mais aussi avec les sous-traitants – comme Johnson Control où les licenciements pleuvent également – qui ont bien besoin de mener une lutte commune avec les travailleurs d’Opel-Anvers. Une journée d’action contre l’ensemble des licenciements aurait pu construire des liens de solidarité à travers les différents secteurs et aurait pu opposer les profits records réalisés par les patrons aux nombreuses attaques contre nos emplois, nos salaires, nos conditions de travail,… De plus, juste avant les élections, une telle journée d’action aurait eu un grand impact politique. A moins que ce ne soit justement cela qui était à éviter ?
Et maintenant ?
A court terme, pour le personnel, la coupe est pleine et la goutte d’eau qui fera de nouveau déborder le vase n’est pas loin. Cela, la direction l’a bien compris. Après le référendum du jeudi 10 mai, elle a attendu le lundi pour faire reprendre la production afin d’éviter des actions spontanées. Mais elle a quand même déclaré le 16 mai que les salaires de la journée où ont eu lieu les premières assemblées d’information ne seraient pas payés. De nouveau, l’entreprise a été paralysée puisque la direction n’a, une fois de plus, pas tenu ses promesses.
La rage reste grande et la crainte de voir se profiler un scénario de fermeture reste réel. Ne produire chaque année que 120.000 voitures est insuffisant pour une usine aussi grande et aussi moderne. De plus, l’annonce que les coûts de production « doivent » baisser de 1.000 EUR par unité laisse présager de nouvelles attaques.
La disparition de la journée d’action nationale est la plus grande opportunité manquée. Aux piquets de grève, la combativité était palpable, bien que freinée par les fortes divisions entre les différents syndicats. Mais cette combativité n’est pas suffisante, elle doit aller de pair avec un bon plan d’action pour lutter pour le maintien de chaque emploi !
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Opel-Anvers suit le scénario VW : 1.400 travailleurs victimes du nouveau carnage social
La direction de General Motors a enfin clarifié les choses ! Oui, mais au détriment des salariés d’Opel à Anvers… Ce sont 1.400 emplois qui disparaîtront d’ici la fin de l’année. En outre, la nouvelle Astra ne sera pas construite à Anvers. Un modèle de Chevrolet, au succès incertain, sera construit là-bas. Les salariés ont arrêté le travail mais le mot ‘grève’ n’est pas prononcé.
Geert Cool
A Opel comme à VW
General Motors a finalement décidé que la construction de la nouvelle Astra sera effectuée par quatre des cinq sites – Ellesmere Port en Grande-Bretagne, à Bochum en Allemagne, à Gliwice en Pologne et à Trollhättan en Suède – tandis que le site d’Anvers sera consacré à une partie de la production de la Chevrolet.
Opel suit donc l’exemple de VW. Comme nous l’avons déjà écrit, les parallèles sont trop frappants. Dans les deux cas, la direction a essayé de dresser les différents sites les uns contre les autres afin de décrocher un maximum de concessions sur le plan de la flexibilité. Opel a longtemps laissé planer le scénario le plus sombre en espérant ainsi moins de réactions à l’annonce du plan d’assainissement.
Solidarité européenne?
Il règne dans les sites d’Opel une solidarité européenne entre les syndicats des différentes sites. Il a notamment été convenu de répartir les assainissements sur tous les sites. Un succès partiel. Si cette stratégie est importante pour stopper la politique de la direction de « diviser-pour-mieux-régner », cela n’a pas pu arrêter des coups durs.
Lorsqu’en 2005, General Motors avait laissé courir le bruit que 12 usines et 30.000 salariés devaient disparaître aux USA, il était évident que l’Europe allait suivre. Une épuipe a déjà disparu à Ellesmere Port en Grande-Bretagne (900 salariés), 1000 salariés ont été licenciés en 2006 à Azambuja au Portugal et des milliers d’emplois ont aussi été perdus en Allemagne.
Ces attaques ont mené à des actions de protestation au niveau européen. Dans onze sites européens de GM (60.000 salariés), le travail a été arrêté pour une courte durée. Au vu de la dureté des attaques, cette politique était trop défensive. La solidarité européenne tiendra-t-elle encore longtemps si Opel-Anvers est transformé en Chevrolet-Anvers avec une usine à capacité réduite ? Et si GM ne réusit pas à lancer les modèles Chevrolet « à prix démocratique » sur le marché européen ? L’arrivée de Chevrolet est en soi loin d’être certaine.
Chevrolet
Jusqu’ici, Chevrolet est surtout connue comme une marque de voitures de luxe américaines. Après avoir racheté Daewoo, GM désire avant tout produire d’anciens modèles de la marque coréenne sous le nom de Chevrolet pour le marché européen, Daewoo ayant une réputation trop négative. Ainsi, depuis 2005 déjà, GM commercialise des Daewoo sous l’appelation Chevrolet.
Par rapport au succès quasi-assuré de l’Opel Astra, le nouveau modèle de Chevrolet court un risque élevé et la direction s’attend déjà à un succès mitigé. Mais le nombre de Chevrolet vendues a connu une croissance, surtout en Europe de l’Est où déjà 350.000 voitures ont trouvé acquéreur. Mais que fera-t-on si la direction de GM décide de construire ce modèle en Europe de l’Est ?
Réactions syndicales
Les travailleurs d’Opel ont stoppé le travail quand la suppression des 1.400 emplois a été annoncée. On a en revanche pris soin d’insister sur le fait qu’un arrêt de travail n’équivaut pas à une grève. Les travailleurs ont reçu la permission de rentrer à la maison. Le délégué FGTB Rudi Kennis – sixième candidat sur la liste SP.a pour la Chambre à Anvers… – a déclaré que plutôt que de licencier une des trois équipes, il préfèrait répartir les pertes sur l’ensemble du site. Les syndicats ont donc, semble-t-il, accepté les licenciements d’avance. Les syndicats pourraient tenter de se servir des négociations étalées dans le temps dans le cadre de la loi Renault pour créer un rapport de forces, comme ce fut le cas avec succès à Agfa-Gevaert. Mais il y a de sérieux doutes sur leur volonté de procéder de la sorte.
Qu’une lutte semblable à celle de VW se développe est également loin d’être garanti. Pour le délégué CSC Luc Van Grinsven: « Opel-Anvers n’a pas une tradition de conflits. Faire la grève maintenant ne jouerait qu’à l’avantage de la direction. » En conséquence, il n’a été permis aux travailleurs que de rentrer à la maison avec la garantie que les salaires continueraient à être payés. C’est tout à l’avantage de la direction face à la colère qui vit parmi les travailleurs et qui, si elle s’exprimait à l’usine, ferait perdre la mainmise de la direction de l’entreprise (et d’une partie de la direction syndicale) sur les salariés.
Les réactions d’une série de travailleurs étaient sans équivoque: « Nous ne voulons pas voir nos conditions de travail et de salaires descendre à un niveau plus bas encore, nous n’acceptons pas les pertes d’emploi dans l’usine, nous ne voulons pas de scénario « VW ». Les réactions des salariés d’Opel et de VW sont identiques et il est bien commode de tenter d’étouffer l’expression organisée de ce sentiment.
Réactions politiques
Les politiciens traditionnels se sont empressés de limiter les dégâts avant les élections. Peu importe à leurs yeux le sort des 1.400 salariés foutus à la porte tant que leur image peut être préservée. Le premier ministre Verhofstadt souhaite, en concertation avec le gouvernement flamand, aboutir à « un scénario de transition plus avantageux pour le modèle Chevrolet à Anvers ». On négociera donc sur plus de flexibilité et plus de baisses de charges patronales. Un air déjà entendu notamment… à VW.
Jusqu’où peut-on encore pousser davantage la flexibilité et la productivité ? Avec le réglement « plus/minus », il est maintenant possible d’étaler le temps de travail sur… six ans avec la possibilité d’une semaine de travail de 48 heures et une journée de travail de 10 heures. Les charges patronales ont également été abaissées,… Combien de cadeaux supplémentaires le gouvernement accordera-t-il au patronat alors qu’ils sont loin d’avoir pu empêcher le démantèlement d’Opel-Anvers…
Face à la logique néolibérale de démantèlement social et de pertes d’emploi pour maximaliser les profits, il faut une autre politique. Ces nouvelles pertes d’emplois si près des échéances électorales sont un problème pour des politiciens qui n’ont d’autres réponses à offrir que des recettes périmées comme la réduction des charges patronales et l’augmentation de la flexibilité pour les travailleurs. A cela, nous opposons la lutte internationale pour le maintien de tous les emplois dans le secteur de l’automobile.
Nombre de travailleurs chez Opel-Anvers:
- 1990: 10.000
- 1992: 8.797
- 1996: 6.814
- 2001: 5.400
- 2004: 5.100
- 2008: 3.700?
Nombre de travailleurs dans le secteur automobile : – 10.800 entre 2000 et 2010
- Ford Genk: 11.400 (2000) -> 6.000 (2010)
- VW-Forest: 7.100 (2000) -> 2.300 (2010)
- Opel-Anvers: 5.600 (2000) -> 3.700 (2010)
- Volvo-Gand: 3.700 (2000) -> 5.000 (2010)
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Opel. De nouvelles attaques sur un scénario bien connu
VW-Forest a créé un précédent. Avec le soutien du gouvernement et de la direction syndicale, VW a pu imposer une augmentation de la flexibilité et du temps de travail sans augmentation salariale. Les autres entreprises envient évidemment un tel résultat. Opel a décidé de partir à l’attaque.
Geert Cool
Concurrence entre filiales
Opel dépend de General Motors et possède à Anvers une usine de 5.100 travailleurs. La production du nouveau modèle d’Opel Astra va bientôt commencer et la direction a annoncé des mesures « d’assainissement ».
Cependant, rien n’est encore clair : General Motors veut d’abord regarder ce qu’elle est capable d’obtenir en jouant sur la concurrence entre les salaires et les conditions de travail des sites de Suède, d’Angleterre, de Pologne, d’Allemagne et de Belgique. Hans Demant, un membre de la direction, a ainsi déclaré que la décision sera prise sur base de critères comme « la flexibililté, la productivité, la qualité et les possibilités logistiques ». (Automobilwoche, 5 mars)
De toute façon, la direction veut travailler avec moins de personnel, d’autant plus qu’elle estime qu’il y aurait actuellement une surcapacité de production de 250.000 voitures. La fermeture de l’usine est improbable, les syndicats ayant à Opel un accord européen pour étendre les assainissements autant que possible à toutes les filiales plutôt que de fermer un site. Une ou deux équipes devraient être virées (à peu près 1.000 emplois par équipe) : ce sont Bochum en Allemagne et Anvers qui courent le plus grand risque de voir chacune une de leurs équipes disparaître.
GM fait à nouveau des profits…
Après quelques années de perte, General Motors a dépassé ses prévisions et réalisé un profit net de 950 millions de dollars au quatrième trimestre 2006. Un an avant, la perte était de 6,6 milliards de dollars. Depuis lors, des « assainissements » brutaux ont été effectués en Amérique du Nord. L’entreprise veut, pour la fin 2008, avoir viré un total de 30.000 personnes et avoir fermé neuf filiales. Une bonne partie de ces « assainissements » a déjà été appliquée.
Il est à craindre que ce soit maintenant au tour de l’Europe. En 2006, « un assainissement des coûts » de 6,8 milliards de dollars a déjà été fait, la direction veut poursuivre cette année dans cette voie pour 9 milliards de dollars. Le profit net réalisé l’an dernier était de 172 millions d’EUR mais la direction en veut visiblement plus.
… mais ce n’est pas assez
Pour cela, une partie de la production a été délocalisée vers des pays meilleur marché. En Russie, la production de GM est passée l’année dernière de 40.000 à 100.000 unités.
Selon une étude allemande, la production d’une voiture en Europe de l’Est coûte 23% moins cher qu’en Allemagne. Les coûts salariaux pour une Golf seraient par exemple de 1.926 EUR en Allemagne contre 770 en Europe de l’Est. Cependant, les salaires ne forment que 15% du coût de production. Mais les matériaux seraient aussi meilleur marché.
De tels chiffres sont suivis de près par les directions des entreprises. Ainsi, les « assainissements » imposés aux travailleurs de VW-Forest doivent mener à ce que les Audi sortent de la chaîne au coût de 32 EUR par heure et par voiture, 10 EUR de moins qu’en Allemagne.
Anvers: plus de flexibilité
A Anvers, les syndicats et la direction ont déjà signé une déclaration d’intention pour, entre autres, introduire plus de flexibilité et limiter les adaptations salariales. Ainsi, il est possible de travailler un samedi tous les mois et, jusqu’à la mi-2009, seules les augmentations prévues par l’indexation seraient accordées. De plus, un accord-cadre se prépare autour de l’outsourcing.
Un accord a été conclu dans le secteur automobile flamand pour permettre une flexiblité élaborée autour d’un temps de travail variable (avec la possibilité d’une journée de 10 heures) calculé sur six ans, ce qui rend presque impossible d’encore toucher des heures supplémentaires.
Quelle réponse?
Où va s’arrêter la spirale infernale des salaires et des conditions de travail? S’en remettre aux directions des entreprises automobiles revient à accepter le niveau le plus bas possible. Contre la politique de division des directions de ce secteur, il FAUT une résistance unifiée.
- Non aux pertes d’emplois, à l’augmentation de la flexibilité et à l’outsourcing
- Pour une répartition du travail disponible et une diminution du temps de travail sans perte de salaire
- Pas de transfert de production vers d’autres filiales sans l’accord des travailleurs
- Ouverture des comptes des grandes entreprises automobiles pour une transparence de leur situation financière
- Développement de voitures plus écologiques en utilisant les connaissances des travailleurs de des entreprises automobiles et avec des investissements publics dans la recherche scientifique
- Pour une planification socialiste sous le contrôle des travailleurs, combinée à un plan de transport par pays et par région sous contrôle public
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Référendum à VW. Le couteau sur la gorge
Le 27 février, les travailleurs de VW Forest ont avalisé par référendum, à 76%, le plan de la direction allemande, transformant leur site en nouvelle usine Audi. Médias, politiciens, directions syndicales, tous se sont empressés d’exprimer leur satisfaction, saluant le « bon sens » des travailleurs et présentant comme une décision démocratique ce qui n’est rien d’autre qu’un pur chantage patronal.
Cédric Gérôme
Le spectre de la fermeture de l’usine et la menace de remettre en question les conditions de départ des travailleurs qui ont décidé de quitter l’entreprise ont été brandis comme épouvantail par le patronat de VW afin de contraindre les travailleurs à avaler le recul social : contre le maintien de 2.200 emplois et la production de l’Audi A1 à partir de 2009, la direction obtient une réduction des coûts de 20%, via un allongement du temps de travail de 35 à 38 heures sans compensation salariale, ainsi qu’un accroissement de la flexibilité.
Quant à la garantie des emplois au-delà de 2010, elle sera fonction du succès commercial de l’Audi A1. Autrement dit, si le succès n’est pas au rendez-vous, les licenciements, voire la fermeture pure et simple, pourraient revenir sur la table.
Dans la lignée de l’attitude adoptée par les directions syndicales depuis le début du conflit, Stefaan Van Bockstaele, délégué principal du syndicat libéral, ajoutait : « Celui qui ne peut vivre (avec l’accord) ou ne se sent pas chez lui dans l’usine peut encore signer le registre des départs volontaires, qui restera ouvert jusqu’à la fin de la semaine ». Traduction : les « rebelles » ont encore le temps de foutre le camp, le climat social dans l’usine en sera d’autant plus serein.
« C’est un pas en avant important pour l’usine de Forest », commentait quant à lui Norbert Steingräber, le directeur de l’usine, à l’issue du vote. En 2006, les ventes mondiales du groupe ont augmenté de 9,4%, et son profit net a plus que doublé à 2,75 milliards d’EUR. Pendant que les travailleurs de Forest devront trimer 3 heures de plus par semaine gratuitement, « pour fêter cet exercice encourageant, Volkswagen distribuera un dividende en forte hausse à 1,25 euro par action contre 1,15 euro en 2005 ». (*) Est-ce de ce type de « pas en avant » dont parle M.Steingräber ?
Il est clair qu’à l’avenir, de nouveaux « cas VW » sont à prévoir. Les menaces de licenciements qui planent sur Opel-Anvers n’en sont qu’un exemple. Il faudra s’y préparer, et par nos propres moyens. Car ce n’est pas sur les partis traditionnels que l’on pourra compter pour le faire. La peinture rouge dont certains tentent de se parer juste avant les élections ne permettra pas de camoufler un fait irréversible : il nous faut une autre politique, et surtout un autre parti pour la défendre.
(*) La Libre Belgique du 21 février 2007
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La direction de VW fait chanter les travailleurs afin d’imposer le recul social
La direction de Volkswagen/Audi a fait chanter les travailleurs de Forest afin de leur imposer des économies drastiques. Après des mois à traînailler pendant que le personnel demeurait dans l’incertitude, les travailleurs ont finalement eu le choix: s’adapter au recul social ou ficher le camp.
Geert Cool
Un référendum sans choix
Le 27 février, un nouveau référendum s’est tenu. Les travailleurs devaient se prononcer sur une déclaration d’intention signée par les directions syndicales et la direction de VW et Audi.
Dans celle-ci, le maintien de 2.200 emplois est confirmé, mais seulement jusqu’en 2009/2010. Au cas où l’Audi A1 ne décollerait pas, de nouveaux licenciements, ou même une fermeture, pourraient suivre. La déclaration d’intention fixe seulement la production entre 2007 et 2009/2010.
En échange du maintien des 2.200 emplois, une réduction des « coûts salariaux » de 39,9 euros à 32 euros par heure (-20%) est exigée. Concrètement, il s’agit d’une augmentation du temps de travail de 35 à 38 heures par semaine, mais cela ne suffira pas à tempérer la soif de profits des patrons ni à arriver à assainir 20% des coûts actuels. Les directions syndicales ont annoncé « développer des alternatives afin de réduire les coûts salariaux pour un minimum d’impact sur les acquis sociaux. »
La direction d’Audi a posé ses conditions et les travailleurs se sont retrouvés le dos au mur dans ce nouveau référendum. Choisir entre la peste et le choléra n’est pas un vrai choix : les travailleurs étaient d’office perdants. La direction et les dirigeants syndicaux voulaient un référendum moins serré que le premier (bien que 24% des ouvriers ont tout de même voté contre cette fois-ci!). Après coup, il leur est possible d’affirmer que les travailleurs se sont mis d’accord sur le recul social.
VW: 2,75 milliards d’euros de profit en 2006
Après avoir repris le travail sans garanties sur papier, il était déjà clair que ce serait difficile d’arracher des concessions supplémentaires à la direction. Après la lutte de novembre et décembre, des primes de départ élevées ont été obtenues. Selon l’organisation patronale Agoria, c’étaient « des primes extraordinaires ».
Agoria a ajouté que le recul social s’est fait selon les normes allemandes: là aussi, les patrons ont imposé un allongement du temps de travail (de 28,8 à 33 heures par semaine) et un assainissement de 20% sur les salaires. Après l’Allemagne, les travailleurs belges doivent eux aussi suivre la spirale vers le bas sur les salaires et les conditions de travail. Seule question : où s’arrêtera cette spirale, en arrivant aux conditions de travail de l’Europe de l’Est ou de la Chine et l’Inde ?
Cette casse sociale a pas mal coûté aux patrons. Gilbert Demez, professeur en droit social à l’UCL, s’étonne de la hauteur des primes de départs à VW : « La hauteur de la prime de départ paraît assez incompréhensible, dit-il. La restructuration se justifie d’autant moins aujourd’hui. Avec l’argent qu’elle met sur table pour financer les primes de départ, l’entreprise aurait facilement pu maintenir la production du site de Forest à son niveau actuel pendant plusieurs années. » (La Libre, 11 décembre 2006)
Mais Forest doit servir d’exemple en matière de recul social et la direction est prête à en payer le prix. Après les menaces de fermeture précédentes, le nouveau chantage se basait toujours sur la possibilité de fermeture. Le choix des travailleurs était : accepter ou se noyer.
Parallèlement, les profits de VW continuent à monter. En 2006, le groupe a réalisé le double des profits nets de l’année précédente: 2,75 milliards d’euros. C’est une augmentation très forte comparée au 1,12 milliard d’euros de 2005, mais VW veut plus encore. L’objectif est 5 milliards d’euros de profits. Pour cela, c’est aux travailleurs de payer.
Les politiciens traditionnels prennent parti pour la direction
Le gouvernement intervient sans hésiter dans les discussions sur le recul social à VW. Selon lui, les restructurations sont normales et nécessaires. Le gouvernement veut les rendre plus faciles et intervient dans le débat en ce sens. Le professeur libéral Marc De Vos déclare dans le quotidien flamand De Morgen: « Celui qui prend comme perspective une vision globale comprend que des restructurations sont nécessaires pour moderniser l’économie. Les travailleurs de Forest ont voté en faveur du futur. »
Il a l’air de quoi ce futur? Faire travailler plus longtemps pour gagner moins afin de stimuler le profit et les cours boursiers. Et, si nécessaire, avec l’appui actif des autorités, malgré le dégoût que cela provoque généralement dans le public libéral. Verhofstadt a été négocier lui-même avec la direction de VW et il a offert des cadeaux fiscaux, des assainissements sur les salaires et une flexibilité accrue.
Il faut une autre politique!
Le 28 février, De Morgen a donné exceptionnellement la parole aux rebelles de Volkswagen – qualifié de « noyau dur » dans les médias. L’un d’entre eux disait: « Il ne faut pas reculer de 50 ans. Nous ne sommes pas esclaves, mais travailleurs. Le patronat doit nous respecter. » La réalité, c’est que le site de VW à Forest était rentable, mais la direction veut augmenter son profit sur le plan mondial au dépens des travailleurs.
Pendant de nombreuses années, VW était exemplaire en terme de normes sociales acquises par les travailleurs. Aujourd’hui, VW est tout aussi exemplaire, mais dans la casse sociale. Si ils arrivent à imposer plus de temps de travail sans augmentation salariale à VW, pourquoi alors d’autres entreprises et secteurs ne suivraient-ils pas ? General Motors menace déjà le site d’Opel à Anvers d’une restructuration drastique.
Celui qui s’oppose à cette logique de casse sociale est présenté comme un « gros bras », un « emmerdeur », un « hooligan »,… Tel a été le sort des rebelles de Volkswagen. Ils ont été attaqués par toute la scène politique traditionnelle, par les médias et même par leurs dirigeants syndicaux.
On les a insulté, mais comme l’un des rebelles l’explique au De Morgen: « Je ne suis pas un homme de beaucoup de mots. Je n’ai pas peur du travail, mais il faut que les conditions soient justes. Si nous devons bosser 38 heures par semaine, c’est trop dur. Vingt minutes de pause, ce n’est quand-même pas possible ? Quand pourrons nous manger nos tartines à l’aise? »
Ce n’est pas une position isolée ou limitée à une « centaine de têtes brûlées » ou de « gros bras de la FGTB Métal Wallonne » (Gazet van Antwerpen du 27 janvier). Même lors du référendum du 27 février, 24% ont rejeté les plans de la direction d’Audi. A côté des 500 qui ont voté contre, beaucoup de travailleurs ont voté pour sans aucun enthousiasme. Par manque de stratégie de lutte contre la casse sociale, ils n’ont vu d’autres issues que d’accepter les plans de la direction d’Audi.
Nous pensons qu’il faut une autre politique où ce ne sont plus les profits d’une petite minorité qui déterminent tout. Nous voulons par contre une politique répondant aux besoins des travailleurs et de leurs familles, qui s’oppose aux licenciements, au démantèlement social et au chantage patronal.
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Les rebelles de VW. « Sans nous, tout serait resté dans le vague »
Le 25 janvier, moins de trois semaines après la grève de 7 semaines, les ouvriers de VW ont de nouveau débrayé. Si l’on en croit la presse et les politiciens, le site de VW a échappé de peu à la fermeture lors de cette grève.
Eric Byl
Le jour même, la direction de Audi était en visite à Forest. “Irresponsable”, clamait notre premier ministre Verhofstadt, relayé par la presse. Pourtant, “les têtes brûlées” – nous préférons les appeler “rebelles” – ont obtenu ce qu’il leur fallait : des garanties sur papier. Ni les négociateurs syndicaux, ni Verhofstadt, ne parlons même pas des charognards de la presse, n’avaient pu l’obtenir.
Ces derniers mois, beaucoup a été écrit sur ces “rebelles”, et ce furent en général des insultes. La presse, surtout flamande, les a décrits comme des “gros bras de la FGTB wallonne”, “au plus une centaine de têtes brûlées”, qui “prennent en otage” par leur brutalité et leur agression la grande majorité des 3.000 travailleurs, composée principalement de “Flamands durs à la tâche”. Une coloration communautaire a ainsi été ajoutée à la lutte. La presse devrait venir à VW voir ces milliers d’âmes pieuses qui se laisseraient prendre en otage et nous montrer la centaine de costauds capables de réaliser ce tour de force !
Les trois rebelles en face de moi ont ensemble bossé presqu’un siècle. Ils partent tous en prépension et me semblent plutôt de bons pères de famille que des gros bras.
Comment avez-vous ressenti l’annonce de la restructuration le 21 novembre ?
“Nous l’avions pressenti. La conférence de presse de Verhofstadt a montré qu’il était informé d’avance. D’autres doivent l’avoir également su. Le bruit courait que 1.500 postes de travail devraient être supprimés, nous sommes donc partis en grève. Mais quand il est apparu à l’assemblée générale qu’il faudrait finalement en supprimer 4.000, une révolte a éclaté.”
“Quelques ouvriers ont spontanément lancé une manifestation. Notre délégué avec son cigare l’a vu, s’est placé à la tête, nous a fait tourner en rond et nous a ramenés à l’écurie. Dès lors, l’état d’esprit à l’entrée était très nerveux.”
“Nombreux sont ceux qui pensaient que le site allait fermer. Sept semaines durant, ils ont vécu dans l’incertitude. Les délégations négociaient, mais nous ne savions ni sur quoi ni comment. Tout semblait temporaire, rien de concret, tout dans le vague.”
Depuis quand êtes-vous devenus des rebelles ?
“C’était le 24 décembre. La direction espérait utiliser la période des vacances pour effacer l’ardoise et reprendre les activités après le Nouvel An. Ce même délégué avec son cigare est alors arrivé, accompagné de la chaîne télé commerciale flamande VTM, pour clôturer l’affaire. Nous avons refusé. Il aurait fallu les voir.”
“Nous sommes alors restés pendant une semaine au piquet sans présence d’un délégué. Tout au plus 2 ou 3 sont-ils passés en vitesse. On menaçait de nous reprendre nos tentes et d’éteindre le feu, mais nous avons tenu bon.”
“Nous avons dû discuter pendant deux semaines pour obtenir une assemblée. Finalement elle s’est seulement tenue une demie-heure avant le réferendum du 8 janvier. Sandra a pu parler, mais elle n’était même pas traduite en néerlandais!”
“Le référendum a été organisé pour assurer la reprise du travail. Les gens étaient mal informés, ce qui fait qu’environ 900 n’ont pas voté. Dès le résultat connu – 1.075 pour la reprise et 873 contre – il était clair que ce serait difficile de faire retourner tout le monde au boulot, mais nous n’avions plus d’autre choix.”
Le jeudi 25 janvier, vous êtes repartis en grève ?
“Nous avions repris sans aucune garantie, les tensions sur les conditions de travail et de départ étaient vives. Les prépensionnés voulaient au moins garder leur salaire. Le mercredi soir (24 janvier), après la réunion syndicale à 20h, nous nous sommes arrêtés, c’était l’équipe 2. Le lendemain, l’équipe 1 a suivi.”
“Aussitôt Verhofstadt est intervenu et le vendredi une réunion de conciliation a été organisée. Verhofstadt peut dire que notre action était irresponsable; dans les faits, cette grève à obligé VW-Allemagne à mettre son plan industriel sur papier le samedi matin : des garanties pour les salaires des prépensionnés, l’allongement de la prime de départ jusqu’en 2009, la production de l’A3 et de 14.000 Golf supplémentaires et finalement aussi la production d’au moins 100.000 Audi A1 à partir de la fin de 2009.”
“Mais il reste évidemment encore beaucoup d’inconnues dont les détails ne sont connus que goutte à goutte. Ainsi, Audi veut réduire les coûts salariaux de 20%, entre autres en passant de 35 heures à 38 heures pour le même salaire mensuel. Des avantages supplémentaires, y compris la prime de fin d’année, seraient épargnés afin de financer une prime de productivité et les pauses ne seraient plus rémunérées. Et évidemment, Audi veut imposer une clause de paix sociale.”