Category: Automobile

  • VW-Forest. Une paix sociale sans accord est une illusion

    Trois semaines à peine après la fin d’une grève de 7 semaines, les travailleurs de VW ont de nouveau stoppé le travail. Motif? Pour certains: la prise en otage et la menace de la survie de l’entreprise par un petit noyau dur de militants-FGTB principalement francophones. Selon l’Alternative Socialiste : le fait que la grève s’est terminée sans solutions, tant pour ceux qui ont accepté la prime de départ, que pour ceux qui ont “l’obligation morale” (c’est formulé ainsi) de partir en prépension et pour la structure future de l’entreprise.

    Eric Byl

    Pas de garanties écrites

    Même le journal patronal flamand de Tijd, qu’on ne peut pas soupçonner d’être à gauche, a conclu ainsi son éditorial du 26 janvier: “Le personnel de Forest qui ne part pas avec une super-prime, veut des garanties quant à son avenir. Sur papier. Tant que celles-ci ne sont pas réalisées, il y aura du chahut aux portes de Forest.”

    La direction de Forest pensait pouvoir s’en sortir avec sa stratégie de pourrissement. Sept semaines de grève, dont 6 payées par VW, et la promesse de primes record auraient dû suffire pour que les travailleurs retournent au turbin sur les genoux.. Les délégations syndicales ont été habilement trompées. Tant la direction belge que Verhofstadt, Van Velthoven et Vande Lanotte se sont présentés comme des alliés “pragmatiques”. Ils ont, d’après leurs dires, tout fait pour limiter les dégâts et sauver l’entreprise. Même les organisations patronales ont soudainement trouvé des milliers de postes vacants. Une exception aux règles du Pacte de Générations n’a finalement pas été retenue, mais « avec tant de chômeurs, la possibilité de réemployer des plus de 50 ans est minimale » ont annoncé les délégations syndicales.

    Beaucoup de promesses, donc. Mais rien sur papier. Un employé a écrit sur le site néerlandophone des travailleurs de VW: “Comme employé, j’ai les réflexions suivantes. Cela fait 3 semaines que nous avons repris le travail. Nous n’avons toujours pas plus d’info qu’avant la reprise. Nous ne savons encore rien sur notre avenir. Notre direction n’a aucune réponse concrète à donner. Est-ce qu’il faut s’étonner alors de la frustration régnante? De plus en plus, je me demande si tout ce scénario n’est pas un jeu prémédité de la direction.”

    Aucun plan d’action

    La situation à VW est porteuse de leçons pour tous les syndicalistes.

    Au printemps 2006: l’hebdomadaire “Der Spiegel” annonce un plan de restructuration pour Forest, voire même sa fermeture. Pas de calicots, ni de tracts, ni de réunions d’informations. Au contraire, les délégations syndicales reconfirment leur confiance dans la direction. Du temps précieux pour construire un rapport de forces est perdu.

    Au conseil d’entreprise du 21 novembre, un débrayage spontanné a déjà lieu. La direction annonce la perte de 4.000 emplois. Suit une assemblée du personnel avec une participation massive, y compris des travailleurs des usines de sous-traitance. Les discours se font à partir du deuxième étage du parking sans possibilité de poser des questions ou de faire des remarques. Il n’y a pas de tract reprenant les points principaux du conseil d’entreprise, ni de mot d’ordre. L’option des primes de départ est tout de suite évoquée, pas un mot sur un plan d’action. Chaque orateur conclut avec une déclaration de solidarité avec les travailleurs en sous-traitance, mais leurs délégués et militants ne sont jamais invités aux réunions de militants à VW et ils se retrouvent, comme beaucoup d’autres, dépendants de la presse.

    Mis sous pression, les syndicats organisent une manifestation de solidarité le 2 décembre. Des bus sont alors organisés pour tracter les autres usines d’assemblage. Mais un vrai plan d’action en vue de transformer la large solidarité avec les travailleurs de VW en mobilisation concrète n’est pas construit. C’est au MAS, au PTB et au Comité de soutien de VW de distribuer des affiches de solidarité, là où les syndicats disposent d’un réseau énorme de délégués, de militants et de membres qui peuvent, sur un mot de leurs directions, distribuer partout dans le pays de telles affichettes. Une grève de solidarité dans toutes les grandes entreprises, même durant une seule heure, n’est à aucun moment prise en considération. Néanmoins, 25.000 personnes participent à la manif, mais elles sont renvoyées chez elles sans mot d’ordre.

    Les délégations syndicales rendent bien visite aux patrons et aux politiciens, mais les travailleurs, chez eux ou au piquet, en sont réduits à deviner ce qui se passe. Verhofstadt réussit à se profiler comme le sauveur de VW après avoir obtenu de vagues concessions de la direction sur le maintient de 3.000 postes et la possibilité de produire, à partir de 2009, des Audi A1 à Forest.

    Victoire à la Pyrrhus

    Ce n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs ont choisi de mettre de l’eau dans leur vin en acceptant les primes de départ. Après deux ans d’impôts, il n’en restera plus qu’un tiers, ce dont beaucoup ne s’étaient pas encore rendu compte. Les délégations ont laissé s’inscrire des travailleurs avant même d’avoir trouvé des solutions pour toutes les catégories, y compris les pré-pensionnables et ceux qui continueront à travailler à VW. De cette façon, ils ont de nouveau abondonné la construction d’un rapport de forces.

    Finalement, les délégations ont, sans garanties pour le futur, fait voter la fin de la grève par un référendum mal organisé, et même selon certains manipulé. Le résultat : 56% contre 44% pour l’arrêt de la grève. Cette “victoire d’en haut” la direction la paiera cher. Une paix sociale ne s’impose ni par la menace, ni par l’usure, mais par un accord porté par la base.

  • Referendum chez VW

    Aujourd’hui, les travailleurs s’expriment par referendum sur la question de la poursuite ou non de la grève. Ils le font sous une lourde pression, aussi bien des médias, que de la direction et une partie des délégations syndicales. Ils sont dans l’incertitude sur beaucoup de points.

    Eric Byl

    Cela est apparu clairement dans les commentaires des délégations syndicales ce matin, lors de la réunion du personnel organisée à la hâte avant le référendum. Les grandes lignes sont connues : le nombre d’ouvriers qui restent, le nombre de départs volontaires, et le nombre de prépensions. Le volume de production est également connu, mais pour le savoir, il n’est pas nécessaire de venir au piquet.

    Les délégations du personnel de VW ont manqué plusieurs fois d’élan ces dernières semaines. Ainsi, cette assemblée du personnel était seulement la 2ème sur six semaines de grève. Normalement, on en organise au minimum une par semaine, de telle manière que chacun reste concerné et reste informé de l’évolution de la situation.

    Il fallut une lutte farouche dans le comité FGTB de l’usine pour forcer cette assemblée du personnel et pour déterminer qui prendrait la parole. A défaut de quoi, on fonçait vers un référendum par courrier auquel les 1900 travailleurs qui ont déjà opté pour la prime de départ auraient participé. Normalement, on devrait attendre qu’une solution soit trouvée pour tout le monde, avant de proposer un plan au vote, auquel tout le monde devrait participer.

    En ouvrant la porte il y a quelques semaines à une prime de départ, on a brisé la solidarité. Il est évident que ceux qui ont signé veulent recevoir leur prime le plus vite possible et veulent en conséquence que la grève s’arrête. La grève concerne en fait surtout les conditions de départ à la préretraite et les conditions de travail de ceux qui vont rester. Il ne serait pas honnête de laisser ceux qui vont quitter le navire déterminer les conditions de travail ou de départ des autres.

    La réunion du personnel a été annoncée seulement deux jours avant la date, par e-mail et par sms ! Comme s’il nombre de participants à cette réunion n’était pas important. Nous ne connaissons pas meilleure manière d’inviter les travailleurs à rester chez eux… C’est un beau cadeau aux charognards de la presse et de la direction, de laisser l’impression que seule une petite minorité est encore intéressée.

    Heureusement, 2000 à 2500 travailleurs participèrent à cette assemblée. Les travailleurs n’ont reçu aucune information préalable à la maison, ce qui leur aurait permis de réfléchir à leur aise aux propositions, d’en discuter éventuellement avec leurs familles… Ils n’ont même pas reçu un tract avec les propositions, pendant ou même après l’assemblée générale. En plus, l’assemblée du personnel était à sens unique : il s’agissait d’une communication des syndicats vers le personnel, sans possibilité de poser des questions. Après la réunion, on a voulu procéder au vote. Mais étant donné que la liste de ceux qui avaient signé pour la prime de départ n’était pas encore disponible, cela a traîné, et beaucoup de travailleurs sont repartis sans avoir voté. Qui profitera de cet enlisement ?La direction, naturellement.

    Le délégué principal CSC a commenté la situation : il y aura du travail durant les deux prochaines années pour 2200 travailleurs (et donc pas 3000), en deux équipes (la nuit et le week-end disparaissent), pour un volume de production de 84.000 voitures : 48.000 polos, 14.000 golfs et 22.000… encore à déterminer, sans doute l’Audi A3, mais nous le saurons quand nous serons au travail… Ce genre de « clin d’oeil », n’a pas été apprécié par l’assemblée : ni par les néerlandophones ni par les francophones qui ne devaient pas comprendre beaucoup de mots flamands pour comprendre qu’on leur faisait avaler des couleuvres. En outre, on travaillera 4 jours par semaine, pas le vendredi, ce qui signifie qu’il y aura du chômage économique pour une équipe, pour les autres un jour libre. Aucun mot sur les montants nets exacts qui se cachent derrière les chiffres bruts des primes (les impôts peuvent prélever quelque 70% sur deux ans…). Pas un mot non plus sur le fait que la contribution pour les prépensionnés tienne compte du pécule de vacances seulement pour les employés.

    Pas un mot non plus sur la question de savoir si les prépensionnés qui seront reçus dans les cellules de remises au travail se retrouveront seuls face aux fonctionnaires ou bien seront accompagnés et représentés collectivement par leurs syndicats.

    Cette intervention fut ensuite traduite, et puis ce fut au tour du délégué principal FGTB de répéter la même chose. Il ajouta que les travailleurs de nuit et de week-end pourraient compter sur leurs salaires complets durant la période réglementaire prévue par la loi Renault. Quant aux prépensions qui posent problème à l’esprit du pacte des générations, la mise en place de cellules de reclassement obligatoires fait en sorte que le pacte des générations est respecté à la lettre. Mais cela ne semble pas poser de problème aux dirigeants de la FGTB « vu qu’aucun patron ne va se précipiter pour embaucher un ancien ouvrier de VW, alors qu’il y a déjà quelque 500.000 chômeurs disponibles. Les amis du PS au gouvernement manieront-ils encore le spectre de la suspension ?

    Une autre représentante de la FGTB a ensuite pris la parole, et ce qu’on essayait de nous faire croire devenait clair. Elle insista sur le fait que les propositions qui avaient été présentées, étaient ce que la direction voulait donner, pas ce qu’elle pouvait donner. Elle a également précisé que la période à laquelle faisait référence son collègue à propos des primes de nuit et de week-end n’était que de 3 mois. Passé ce terme, adieu les primes… Elle a annoncé que si la grève était reconduite, une grosse assemblée serait tenue mardi prochain au piquet pour, enfin, mettre en place un plan d’action. Cette intervention a exprimé ce que les travailleurs avaient sur le cœur, comme en ont témoigné les différentes réactions.

    Le délégué principal des libéraux essaya encore une fois d’opposer les Flamands aux francophones.

    La plupart des Flamands étaient toutefois d’accord avec la plupart des francophones présents : laisser traduire le speech combatif de la déléguée principale FGTB par un le délégué principal libéral relevait de l’hypocrisie : plutôt pas de traduction qu’une « trahison » complète.

    La lutte chez VW est arrivée dans une phase cruciale. Selon les règles que les syndicats se sont imposées (de manière discutable), 66% des voix sont nécessaires pour que la grève puisse continuer. Après toutes les occasions manquées, après si peu de participation et en l’absence d’un plan d’action, il était presque exclu que 66% des travailleurs se prononcent pour la poursuite de la grève. En plus, la direction avait préalablement menacé : le résultat du referendum est crucial ! Car la décision sur l’Audi A1 en 2009, ou même la promesse du 3ème modèle pourraient être remises en question. Les médias ont préparé l’opinion du mieux possible avec leurs histoires sur les travailleurs de VW qui ont gagné au Lotto, de même avec les grosses primes de départ, dont il ne restera plus rien après quelques années. Nous pouvons et devons déplorer le déroulement de la lutte à VW. Mais nous devons surtout en tirer des leçons pour savoir comment nous devons mener la lutte syndicale et de quels instruments politiques nous avons besoin pour y parvenir.

  • Des primes de départ jusqu’à 144.000 euro. VW: la direction achète la lutte, mais la pilule reste amère

    Plus de 1.200 travailleurs de VW ont décidé de quitter “volontairement” l’entreprise en échange d’une prime de départ exceptionnelle. Ainsi, le chant du cygne de VW à Forest, une des rares icônes restante du syndicalisme de combat, semble avoir commencé. Apparemment, les 1.500 primes de départ que VW veut bien accepter seront facilement dépassés les jours prochains. La hauteur des primes est due aux traditions de lutte au sein de l’entreprise.

    Eric Byl

    Mais il est regrettable d’avoir misé si tôt sur des primes de départ avant qu’il n’y ait de clarté sur l’avenir de l’entreprise et sans que le sort des nombreux emplois perdus chez les sous-traitants ne soit réglé. Voici une analyse critique et quelques suggestions pour l’avenir.

    Une réaction compréhensible

    La réaction de beaucoup de travailleurs n’est pas une surprise. Ces dernières années, les conditions de travail à VW sont devenues intenables et, de plus, l’avenir de l’entreprise reste incertain. Les larmes de crocodiles des dirigeants nationaux des syndicats n’ont pas été de nature à convaincre les travailleurs qu’ils allaient se battre de façon conséquente pour chaque emplois. Ne parlons même pas d’une mobilisation de l’ensemble de la classe ouvrière Belge…

    Le fait que l’assemblée du personnel du 22 novembre s’est terminée en renvoyant tout le monde chez eux avec le message qu’ils seraient informés par les médias était déjà un mauvais signe. L’absence totale de mots d’ordre à la fin de la manifestation de solidarité internationale du 2 décembre a confirmé le soupçon que la lutte pour chaque emplois était exclue avec de tels dirigeants. Qui peut reprocher dans ces conditions aux travailleurs de choisir la moindre douleur? Quelques dizaines de travailleurs nous ont expliqué pourquoi ils ont finalement signé.

    Bruno: “Cela fait 18 ans que je travaille à VW, la prime s’elève dans mon cas à environ 100.000 € brut. Même si après les taxes il n’en restera que 50.000 €, je devrais encore épargner pendant 20 ans 250 € chaque mois pour y arriver. Je considère comme exclu que VW puisse tenir encore 20 ans ici.” Son collègue, qui à 26 années de travail à VW déclare: “Je suis au maximum, je plains ceux qui vont rester, car ils vont souffrir.” Au café Le Cox, en face de l’usine, ceux qui n’ont pas (encore) signé font figure d’exception. Les travailleurs ont fait la part des choses, et ils savent compter, “ici vous voyez beaucoup d’argent”, nous raconte l’un d’entre-eux en souriant pendant qu’il regarde autour de lui “6 millions de franc belges, 4 millions, 3 millions, encore une fois 3 millions, 2 millions, et moi 4 millions”. L’ironie ne nous a pas échappé.

    Fermeture où scénario bien élaboré ?

    Ceci confirme ce que Jacques Guilmot nous avait raconté dans le bus de solidarité du Comité pour une Autre Politique (CAP) garé au picket. Jacques est un de ces délégués exemplaires qui jadis ont essayé de construire le caractère combatif de VW à Forest. Il avait abandonné son mandat syndical et retravaillait de nouveau à la chaîne ces dernières années, “afin de renforcer le contact avec la base”. Il le faisait parce qu’il “savait que des choses allaient se passer et que les délégués puisent leurs forces des travailleurs mêmes”. A VW, il y a environs 60 permanents syndicaux, le résultat d’accords dans l’industrie automobile, avec comme effet néfaste qu’un fossé s’est creusé entre beaucoup de délégués et la base.

    Jacques nous a raconté que selon lui VW n’avait pas du tout l’intention de fermer le site, mais de transformer l’usine à Forest “en modèle en termes d’assainissements sur les salaires et les conditions de travail”. C’est justement ce qui est sur table: allongement du temps de travail et au moins 20% d’économies sur les coûts salariaux. En attendant la possibilité d’attribuer la production de l’Audi A1 qui n’est encore qu’au stade de la table à desssin, trois scénarios sont mis en avant: plus de Polos, une partie des Golfs ou encore des Audi A3. La décision qui concernera les 3.000 travailleurs restants ne serait que pour plus tard dans la semaine. Selon nous, il aurait été mieux de faire dépendre l’accord sur les primes de départs de garanties sur les salaires et les conditions de travail des 3.000 qui restent, entre autres.

    Des temps difficiles

    Ce ne seront d’ailleurs pas que les 3.000 travailleurs qui resteront qui auront à souffrir. On estime que d’une prime de départ de 144.000 €, il n’en reste après taxation que 57.600 € (*). Agoria et les organisations patronales belges sont furieux. Ils n’osent pas imaginer que d’autres délégations syndicales et travailleurs puisse prendre ces montants comme référence. A Renault Vilvorde, en 1997, la prime pour un travailleur ayant 20 années d’ancienneté n’était que de 25.000 € brut (**), autant que VW est prêt à payer pour des intérimaires qui partent volontairement! A Imbev, plus tôt cette année, la prime, de nouveau pour un travailleur avec 20 années d’ancienneté, était de 42.100 € brut. Certains travailleurs de VW espèrent que le gouvernement va partiellement décharger les primes. Ce n’est pas totalement exclus, mais maintenant que la délégation a ouvert les portes et que beaucoup de travailleurs en ont profité pour partir, les relations de forces nécessaires pour arracher cela sont minées.

    Le gouvernement aurait déjà fait des concessions sur le Pacte des Générations pour les plus de cinquante ans : ils pourraient partir en prépension à condition d’avoir tout fait durant 6 mois pour retrouver un boulot. Nous sommes curieux de savoir comment on pourra juger cela d’ici 6 mois. De toute façon, beaucoup de ceux qui partent doivent s’attendre à des temps difficiles. Qui retrouve un boulot devra accepter une réduction de salaire, probablement beaucoup plus que 250 € par mois. A VW, on est habitué à une force syndicale importante, ce qui sera généralement inexistant chez le nouvel employeur. Au cas où ils ne trouvent pas d’autre emploi, la prime sera vite dilapidée et quand ils seront interrogés par le service de chômage et devront subir les humiliations qui y sont fréquentes, beaucoup d’entre eux regretteront qu’aucune lutte pour la préservation de chaque emploi n’ait été menée.

    Les travailleurs des sous-traitants au placard

    Chez les travailleurs des sous-traitants, la frustration n’a fait que monter après le départ de beaucoup de travailleurs de VW. Certains d’entre eux travaillent depuis 20 ans au site de Forest. Leurs patrons ne seront jamais prêts à payer de telles primes de départ. Il parait que VW aurait prévu une enveloppe pour eux, mais il faut encore en négocier le contenu et les relations de forces pour cela sont minées. Durant tout le conflit, nous avons été frappés par l’habitude de la délégation de se réunir généralement à huis clos au lieu d’impliquer au maximum les travailleurs, comme lors de la lutte à Clabecq ou dans d’autres conflits. Encore pire, les délégations des travailleurs des sous-traitants n’ont pas pu participer à ces réunions et démeuraient donc en général dans l’incertitude sur les derniers développements. Maintenant que les travailleurs de VW sont partis, ils perdent leur plus puissant allié. En ce sens, il aurait été préférable que les délégations de VW attendent qu’une solution pour toutes les catégories de travailleurs, y compris ceux des sous-traitants, soit trouvée avant de lâcher les primes de départ.

    Aucun choix

    Beaucoup de travailleurs nous disent qu’ils ne pouvaient tirer qu’une conclusion après l’assemblée du personnel: “game over”. Le MAS est pourtant convaincu que ce n’était pas le seul scénartio possible. Avant l’été déjà, nous avions distribué un tract à VW sur la possibilité d’une restructuration et la nécessité de se préparer puisque “la faiblesse mène à l’agression patronale”. La délégation de VW, par contre, confirmait sa confiance dans la parole donnée par la direction. Nous pensons qu’une campagne de sensibilisation aurait été préférable. Lorsque la direction de l’entreprise chimique anversoise Lanxess, une scission de Bayer comprenant un bon millier de travailleurs, a annoncé le 17 octobre la scisson de l’entreprise en 3 unités, les délégations syndicales ont commencé une campagne d’information. Des calicots ont été placés dans l’entreprise, les délégations ont distribués à 5 reprises des tracts, ils ont pris la parole et organisés des grèves éclairs. Resultat: un bon mois plus tard, le 4 décembre, la direction à annulé son projet. Cela ne signifie pas qu’une telle stratégie aurait aussi à VW et mené à des résultats spectaculaires, mais du moins les travailleurs auraient été mieux préparés.

    Il est évidemment difficile de faire revenir en arrière une multinationale comme VW sur son plan industriel. Il est même exclu de réaliser cela sur base de la force seule des travailleurs de VW. Mais les travailleurs de VW ont une tradition de solidarité avec d’autres entreprises. Ce sont eux qui, en ’96, ont contribué au mouvement autour de l’affaire Dutroux en marchant vers le palais de justice. Cela n’est pas encore oublié et le sentiment de solidarité avec les travailleurs de VW était fort étendu. Une grève de solidarité de 24 heures dans tous les secteurs ou au moins des interruptions de travail aurait été acceuillie avec enthousiasme dans toute grande entreprise en Belgique. Il y avait un potentiel pour moboiliser toute la classe ouvrière et toute l’opinion publique et faire de VW-Forest un pôle d’attraction international qui aurait pu changer le rapport de force plus largement qu’à l’entreprise seule. VW-Forest avait le potentiel de signifier pour le mouvement ouvrier ce que la grève des mineurs en Grande-Bretagne en ’85 signifiait pour le patronat européen: le début d’une offensive contre l’agression du patronat européen.

    Il faut rompre les liens avec la social-démocratie et les sociaux-chrétiens

    Nous n’y sommes pas arrivé et ne pouvons le reprocher aux délégations syndicales de Forest. Nous ne savons pas ce qui a été discuté entre les délégations de Forest et les instances nationales. Ces dernières sont pieds et poings liés à la social-démocratie et aux sociaux-chrétiens qui sont, avec les libéraux, les principaux exécuteurs du néo-libéralisme. Pour forcer une multinationale comme VW à faire des concessions, il faut lui mettre l’épée dans les reins, non pas en exigeant la réstitution des subsides donnés, car la direction le compenserait au dépends des travailleurs VW à l’étranger et les monterait en même temps contre les travailleurs belges – ce qui reduirait la force de tous les travailleurs- mais si nécessaire par la nationalisation de l’usine et la reconversion de la production vers une production écologiquement justifiée.

    Nous ne voyons pas comment un Vande Lanotte, un Vandenbroucke ou un Di Rupo et une Onckelinkx pourraient y être poussés. Cela nécessite un nouveau parti, véritablement du côté des travailleurs. Le MAS y travaille, en collaboration avec Jef Sleeckx entre autres, au sein du Comité pour une Autre Politique.

    Préparer le match retour

    La direction de VW a réussi son coup. 2.800 des 5.800 emplois sont supprimés et les travailleurs restants perdront beaucoup de leurs salaires et de leurs conditions de travail. Les travailleurs ont marqués un but avec des primes de départ sans précédent, probablement calculées à l’avance par la direction. Le match est à 2 contre 1. Mais il faudra encore jouer beaucoup de parties et nous ne pouvons pas nous démoraliser. Il faut tirer les leçons de la lutte précédente et préparer celles à venir. Les travailleurs de VW ont une tradition de lutte, gardons-la pour ceux qui travailleront encore demain à VW et introduisons surtout avec quelques milliers des anciens travailleurs de VW cette tradition chez les futurs employeurs. Construisons ensemble dans le Comité pour une Autre Politique une force politique tout à fait indépendante du patronat et renforçons le MAS pour que, pas à pas, entreprise après entreprise, nous puissions construire une force qui dévoile la stratégie des patrons et qui soit capable d’y répondre.


    (*) selon le cotidien “Het Volk” du 10/12/2006 “Voir d’abord ce qui en reste”

    (**) un ancien de Renault qui travaille aujourd’hui à la STIB nous raconte qu’après taxes, il lui restait 300.000 frb de cette prime.

  • Réactions de Karel Gacoms sur la loi Renault

    Ce lundi 27 novembre, le tribunal de Première instance de Bruxelles a prononcé une ordonnance en référé qui condamne Volkswagen pour non-respect de la Loi Renault. Les syndicats ont confirmé l’information, en soulignant que la procédure ne vient pas de leur part et n’a pas reçu leur soutien. Présent en solidarité au piquet de VW ce mardi, Karel Gacoms, principal négociateur de la FGTB dans les dossiers SABENA, Philips ou encore Renault Vilvorde, s’exprime sur la loi Renault.

    Nicolas Croes

    « La Loi Renault dont on parle tant n’est pas une loi pour les travailleurs. Rien n’a changé sur le fond par rapport aux fermetures. Sur la forme, oui, un peu. On dispose maintenant, quand la loi est respectée, d’un certains temps pour faire des propositions alternatives à une fermeture, et puis aussi pour construire un rapport de forces entre les travailleurs et le patron. Mais les conventions sur les licenciements collectifs ne sont pas respectées. Evidemment, un loi ne change pas le système capitaliste. Il faut s’y prendre d’une autre manière pour le changer…

    Le plus important dans une situation pareille, c’est le rapport de forces, la solidarité et les actions. Moi, j’ai mes idées, mais c’est à la délégation de faire des propositions. »

    La loi Renault a fait suite à la fermeture du siège de Renault à Vilvorde en 1997. Cette nouvelle avait été rendue publique dans les salons d’un grand hôtel par le PDG Louis Schweitzer. C’est de cette manière que les travailleurs de l’usine avaient appris quel avenir leur direction leur réservait…

    Le gouvernement a par la suite fait passer une loi sensée renforcer l’information et la consultation des travailleurs en cas de licenciement collectif. Selon celle-ci, le Conseil d’entreprise doit être le premier informé de la possibilité de cette décision. Bien qu’à ce stade, le patron n’a officiellement pris de décision définitive, le licenciement collectif est de toute façon très souvent prévu de longue date. Les travailleurs peuvent alors émettre différentes contre-propositions, demander plus d’explications,… Comme l’a démontré l’exemple de Ford-Genk, au finish, cela change peu au sort des travailleurs.

    L’efficacité de cette loi a souvent été remise en doute dans les rangs des syndicats et est plus l’expression de la (vaine) volonté du gouvernement de démontrer qu’il était capable de faire quelque chose que d’un véritable soutien aux futurs licenciés. Marc Deschrijver (FGTB-employés) s’exprime ainsi : « La loi Renault sert à occuper les ouvriers en les obligeant à participer à des « consultations » et des « séances d’information ». Mais, en fin de compte, les emplois sont tout de même supprimés. »

    Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Karel Gacoms quand il affirme que « Le plus important dans une situation pareille, c’est le rapport de forces, la solidarité et les actions. » Mais lorsqu’il précise qu’il a ses idées sur les propositions à faire, le souvenir douloureux de la manière dont les luttes ont été freinées à Renault nous revient en mémoire…

    A l’époque la colère des ouvriers les plus combatifs a été canalisée vers des actions spectaculaires sur le territoire français au lieu de mobiliser pour une grève nationale de tout le secteur automobile en Belgique. Les secrétaires syndicaux, Karel Gacoms pour la FGTB et Jacquemyn pour la CSC, ont fait voter par référendum, et sans donner la parole aux travailleurs en assemblée, la reprise du travail "pour continuer la lutte autrement ". Un tiers des travailleurs votent contre. L’usine ne tourne qu’au ralenti car beaucoup de travailleurs ne se présentent pas au travail.

    Karel Gacoms avait alors expliqué : « Nous ne voulons pas d’une longue grève qui épuise les gens. Nous pensons qu’il est nécessaire de reprendre le travail, tout en maintenant l’occupation ». Résultat ? L’usine a complètement fermé, et 400 travailleurs (13% de l’effectif de départ), ont été repris dans des activités annexes.

    Karel Gacoms avait aussi dit qu’il favorisait « de mobiliser tous les moyens pour maintenir Renault ouvert, pas la grève classique, mais des actions orientées vers les médias. Cela devrait obliger les politiciens à reprendre nos mots d’ordre ».

    Nous connaissons donc l’exemple à ne pas suivre.

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