Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Libye: le mouvement de masse se heurte à une féroce répression

    En Libye, le mouvement insurrectionnel des masses, lequel balaye actuellement le Maghreb et le Moyen Orient, s’est heurté à une répression d’une férocité inégalée depuis le début du raz-de-marée révolutionnaire. Néanmoins, la survie du régime semble de plus en plus menacée, avec l’Est du pays aux mains de la rébellion et de nombreuses villes dans l’Ouest en proie à des combats entre les masses insurgées et les sbires du régime. Non seulement l’armée s’est-elle retirée d’une grande partie du pays mais de nombreuses unités on rejoint la rébellion.

    Par Christian (Louvain)

    Cette décomposition de l’appareil d’Etat s’est également manifestée sous forme de défections de diplomates et d’autres éléments proches du pouvoir dont même des ministres et le chef de protocole du dictateur. Alors que ces individus professent être horrifiés par une répression excessive, il est probable que bon nombre d’entre eux sont surtout intéressés pour sauver leur peau et peut-être même leur carrière. Après tout, la Tunisie comme l’Égypte ne sont-ils pas toujours largement dominés par des individus appartenant a la clique des tyrans déchus?

    Dans la même veine, les dirigeants occidentaux, lesquels avaient redécouvert le régime de Kahdafi comme un partenaire respectable avec lequel faire d’excellentes affaires, se sont longtemps contentés de vagues déclarations dans l’esprit hypocrite qui leur est propre. Certains, comme Berlusconi, ont tout de même étés incapables de contenir leur désarrois devant le possible effondrement prochain d’une régime ami. L’Italie est après tout le pays impérialiste qui risque de perdre le plus à cause des développements actuels non seulement en ce qui concerne l’approvisionnement en pétrole et la perte d’investissements mais également en ce qui concerne une possible vague de refugiés politiques et économiques (jusqu’a 300.000 selon certaines estimations) qui risque de déferler sur ses côtes dans un avenir proche. De surcroit, on peut se permettre de supposer que Berlusconi, étant donné la délicatesse de sa propre situation, ait de réelles sympathies avec d’autres leaders autoritaires et kleptocratiques dont le pouvoir est menacé.

    Malheureusement il ne faut pas uniquement chercher parmi les classes dominantes des pays impérialistes pour rencontrer des sympathies envers le régime libyen. En effet, c’est parmi la "gauche" en Amérique Latine que Kadhafi peut également compter sur un certain nombre de sympathisants. Pour cela, il faut chercher l’explication dans l’histoire de la décolonisation et dans la nature même de cette "gauche" latino américaine. Il faut se rappeler que durant la décolonisation et jusqu’a l’effondrement du stalinisme en Union Soviétique, de nombreux régimes bourgeois dans les pays néocoloniaux se disaient socialistes et nationalisèrent, du moins une partie de leur économie.

    Cela fut notamment le cas sous Habib Bourguiba, le prédécesseur de Ben Ali. C’est ainsi que le RCD, l’ancien partis de Bourguiba comme de Ben Ali, aujourd’hui du moins officiellement dissous, faisait partie de la deuxième internationale, l’internationale qui regroupe les partis sociaux-démocrates comme le PS. Cela n’a bien évidement pas empêché le régime de mener une politique de réformes néolibérales ces dernières décennies (les partis sociaux-démocrates dans les pays plus démocratiques ont fait de même) ou à une petite clique autour du président de s’enrichir énormément.

    Contrairement au régime tunisiens très proche des pays impérialistes, Kadhafi a longtemps joué le rôle du leader anti-impérialiste. Durant les années ’70, prônant un socialisme panarabe, il a nationalisé l’industrie pétrolière, principale source de richesse du pays. En effet, durant ses premières années aux pouvoir, il a essayé d’imiter la politique bonapartiste de Nasser en Egypte, son idole. Ce cachant derrière une rhétorique anti-impérialiste, le colonel a également cherché à assouvir sa soif de pouvoir et d’auto-affirmation à travers des actions terroristes et en se jetant dans des aventures militaires un peu partout en Afrique. Enfin, aux prises à l’isolement et à des sanctions économiques, le régime a cherché à se réconcilier avec les pays impérialistes. Mettant un terme à ses aventures encombrantes, la Libye a pu recevoir des investissements étrangers, quelque chose qui a permis à la bourgeoise internationale comme à l’élite proche au pouvoir libyen de se remplir les poches à volonté.

    Les sympathies que portent les régimes de "gauche" en Amérique Latine pour le dictateur libyen ne sont pas surprenantes, mais risquent d’être utilisées pour discréditer les idées du socialisme. Alors que le régime libyen lançait des rais aériens et des mercenaires contre sa propre population, un fonctionnaire européen a pu prétendre que Kadhafi avait fuit au Venezuela. Bien que rapidement démentie, cette rumeur démontre comment les alliances politiques de Chavez peuvent être utilisées par l’impérialisme et par la propagande bourgeoise.

    Bien que le gouvernement vénézuéliens ait condamné la violence en Libye, une déclaration fort ambigüe faite par Chavez sur Twitter "Viva la Libye et son indépendance! Kadhafi fait face à une guerre civile!!" laisse encore bien des doutes sur ses sympathies. Dans ses articles, le Comité pour une Iinternationale Ouvrière avait déjà critiqué les bonnes relations entretenues entre Chavez et des dictateurs comme Ahmadinejad et Kadhafi. Pour de vrais marxistes, la politique ne peut pas se résumer à "l’ennemi de mon ennemi est mon ami", il faut toujours tenir compte des préjugés qui existent encore contre le socialisme à cause des crimes du stalinisme.

    Bien qu’il ne soit pas à nous de créer des illusions dans la démocratie bourgeoise, s’allier à des dictateurs qui prétendent être "anti-impérialistes" est une trahison des intérêts de la classe ouvrière. Il n’est pas surprenant non plus qu’Ortega, après sa trahison ignominieuse envers la révolution nicaraguayenne (et ayant reçu des aides économiques de la Libye) ait déclaré son intention de supporter Kadhafi jusqu’a la fin dans la "grande lutte" que celui-ci mène pour son pays. Fidel Castro a quant à lui conseillé dans son article de ne pas juger Kadhafi trop vite et a suggéré que les États-Unis pourraient envahir la Libye d’un moment à l’autre. Une telle déclaration fait preuve d’une sorte de pragmatisme étranger à un vrai socialiste révolutionnaire. Ceci n’est en rien surprenant si on se souvient du silence de Castro lors du massacre de Tlatelolco en 1968 et des autres mouvements de masses de cette même année, sans parler de la ligne stalinienne prise envers les événements de Prague cette même année.

    Bien que la survie du régime de Kadhafi est aujourd’hui fortement mise en doute, la situation en Libye reste encore très incertaine et plus difficile à analyser que les développements dans les pays voisins comme la Tunisie ou l’Égypte, faute de journalistes sur place. Le rôle que la classe ouvrière y jouera est impossible à prévoir. Apparemment, l’activité économique est largement paralysée à Tripolis mais non pas par des grèves mais par le fait que la majorité des personnes qui y vivent craint de sortir de leur maison. Dans l’Est du pays, des comités ont apparemment fait leur apparition pour y gérer la situation, mais nul indication n’existe sur la composition de ceux-ci.

  • Iran : Grève générale au Kurdistan iranien et nouvelles protestations

    Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Téhéran, la capitale de la République Islamique d’Iran, ainsi que plusieurs autres villes ce 20 février. Au Kurdistan, une grève générale a également eu lieu tandis que la plus grande raffinerie du pays est en grève depuis lundi dernier pour réclamer des salaires impayés depuis des mois. Même la brutale répression d’Etat n’a pas pu stopper le mouvement.

    Malgré le fait que le régime ait mobilisé 100.000 miliciens, policiers et membres des forces de sécurité dans la capitale, arrêtant plus de 2.000 manifestants après les protestations du 14 février, et mettant aux arrêts à domicile les leaders de l’opposition, Moussavi et Karroubi, les nouvelles protestations de masse n’ont pu être stoppées. Les manifestants criaient "Pour la fin de la dictature, Moubarak, Ben Ali – c’est ton tour Sayyed Ali [Khamenei]!"

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    Sur l’Iran

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    Dimanche dernier, un étudiant, Hamed Nour Mohammmadi, a été tué à Shiraz, et un autre encore à Téhéran. De nombreux autres ont été blesses et des centaines de manifestants ont été arrêtés.

    Le Kurdistan iranien a connu une grève générale qui a touché de nombreuses villes – Sanandaj, Mahabad, Bukan, Marivan, Kamyaran et Saqez – et de nombreux secteurs, jusqu’aux magasins et bazars. A Bukan, la grève aurait touché 90% de la population, malgré les menaces militaires. A Mahabad, plus d’un millier de personnes ont pris part à une manifestation. A Kamyaran, l’armée a encerclé la maison de Farzad Kamanger, un enseignant arrêté par le régime en mai.

    D’importants pas en avant

    Les manifestations contre le régime le 20 décembre ont connu d’importants développements, très clairement sous l’inspiration des mouvements qui se développent dans d’autres pays de la région. Les slogans et revendications abordent frontalement la chute du régime, il n’y a plus de revendications demandant simplement des réformes. La perspective existe aussi que le mouvement de la semaine passée s’étende rapidement à la quasi-entièreté du pays. La violence désespérée du régime montre à quel point il est ébranlé, très particulièrement après les révolutions en Egypte et en Tunisie.

    La grève générale du Kurdistan montre la voie à suivre, avec la classe ouvrière engage en tant que telle dans la lutte contre le régime. Au fur-et-à-mesure du développement de la lutte deviendra plus claire l’urgente nécessité pour les travailleurs de s’organiser avec un programme politique indépendant qui s’oppose au régime, mais aussi au capitalisme.

    Moussavi et Karroubi, deux des quelques candidats autorisés aux dernières élections, n’offrent aucune réelle alternative. Quand Moussavi était premier ministre, lors de la présidence de Rafsandshani dans les années ‘80, s’est alors déroulé le plus grand nombre d’exécutions de prisonniers de l’opposition de l’histoire d’Iran. De son côté, Karroubi déclare lui-même être ‘‘membre du système [islamique], enfant du système et mon destin est attaché à ce système.’’ Le mouvement doit agir indépendamment des capitalistes et de l’élite dirigeante. Il doit aussi tirer des leçons de l’amère déception de 1979/80, quand une nouvelle élite a utilisé une rhétorique «révolutionnaire» et religieuse pour prendre le pouvoir et le consolider. Seul un gouvernement des travailleurs et des pauvres peut garantir les droits démocratiques et commencer la transformation du pays en retirant le pays de la poigne de l’élite dirigeante et du capitalisme.

  • Irak : Une journée de protestations de masse prévue pour ce vendredi

    Ce vendredi 25 février verra très certainement les plus grandes manifestations de l’histoire récente du pays. Au Kurdistan, les protestations de masse se poursuivent malgré la répression du gouvernement PDK (Parti Démocratique du Kurdistan) qui a fait tirer sur els manifestants, entraînant ainsi la mort de quatre personnes.

    Abbas Sdiq, CIO-Suède

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    Ce lundi 21 février, environ 2.000 personnes ont participé à des manifestations à Sulaymaniya, avec également la participation du personnel hospitalier et universitaire. Un jeune home de 17 ans, Sherko Mohammed, a été tué sous les balles de la police et un autre, Surkiu, est décédé à l’hôpital des suites d’une blessure par balle reçue la semaine dernière. 47 personnes auraient été blessées.

    Les protestations se sont étendues à plus de villes du Kurdistan irakien. A Kalar, Dervendishan et Halabja, des manifestations se sont aussi déroulées le lundi et d’autres villes vont rejoindre le mouvement. Les manifestations de Karal et de Dervendishan ont chacune impliqué 200 personnes, dont une bonne partie a fini arrêtée.

    Les partis dirigeants du Kurdistan irakien, le PDK et l’UPK (Union Patriotique du Kurdistan), disent qu’ils veulent négocier avec les dirigeants de l’opposition. Mais même le dirigeant du parti d’opposition établis, Gorran (Changement), refuse et réclame la démission du gouvernement. Gorran a adopté une approche prudente, et n’a pas particié aux protestations. L’initiative est venue des jeunes.

    Le PDK a, comme d’autres régimes de la région, menacé d’utiliser une plus forte violence. Fazel Mirani, le dirigeant du parti, a declaré que si quelqu’un attaquait le centre du PDK, "[nous] lui couperons les mains." Les manifestants ont répliqué qu’ils lui couperont ses bras!

    Une coopération étroite avec l’impérialisme américain

    Le PDK et l’UPK contrôle conjointement le Kurdistan en Irak en tant que région autonome depuis la première Guerre du Golfe en 1991, à l’exception d’une guerre civile entre les deux partis en 1994-96. Leur coopération très étroite avec l‘impérialisme américain et la situation relativement calme en surface dans la société du Kurdistan irakien n’ont eu aucune répercussion fondamentale pour la vie de la population, qui connaît une vie similaire au reste de la population irakienne. Chaque jour, il n’y a de l’électricité que pour 10 heures, et pas d’eau potable. La pauvreté et le chômage s’accroissent. Souvent, il ne reste comme emploi vacant que des emplois dans l’armée ou la police, ce qui signifie que le PDK et l’UPK ont construit un immense appareil de sécurité.

    La colère se concentre actuellement sur le président du PDK, Barzani, et sur le niveau de corruption, mais les manifestants ont aussi beaucoup de revendications sociales, particulièrement face au chômage massif.

    Le mouvement de protestation à travers l’Irak, qui puise ses forces dans le mouvement révolutionnaire de la région, doit assurer que les grèves et la participation de la classe ouvrière aux protestations soit une force organisée. L’Egypte et la Tunisie ont démontré que les dictateurs peuvent être renversés, mais aussi que la lutte doit être dirigée contre le système capitaliste lui-même.

  • [PHOTOS] Action de solidarité à l’ambassade du Maroc

    Ce dimanche, l’action de solidarité avec les manifestations au Maroc a rassemblé plus de 200 personnes à Bruxelles. "Pouvoir assasin" et "M6 dégage, Khadafi dégage" faisaient partie des slogans scandés par les manifestants. Une petite dizaine de provocateurs soutenant le régime de Mohamed VI ont tenté de provoquer des incidents, mais ont dû reculer au vu de l’échec de leur mobilisation. Nombre de participants ont par la suite rejoint l’action devant l’ambassde de Libye, où plus d’une centaine de personnes étaient présentes, de partout en Belgique.

    Par Pavel

  • Égypte : Moubarak est parti – que tout le régime dégage !

    Aucune confiance envers les chefs militaires! Pour un gouvernement des représentants des travailleurs, des paysans et des pauvres! Pour l’élection immédiate d’une assemblée constituante révolutionnaire sous la supervision de comités des travailleurs, des pauvres et des jeunes !

    Moins de 24 heures après avoir déclaré qu’il resterait en place jusqu’en septembre, Moubarak a été forcé de démissionner de la présidence d’Égypte. La taille croissante des manifestations et l’arrivée de la classe ouvrière dans la lutte, à travers une vague de grève qui a déferlé sur la pays, ont marqué une nouvelle étape décisive dans la révolution. La dernière apparition de Moubarak à la TV avait littéralement enragé les plus de six millions de manifestants en protestations dans les rues égyptiennes et l’indignation a gagné les militaires, les rapports faisant état de soldats rejoignant les manifestants.

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    C’est une victoire pour tous ceux qui ont courageusement combattu la police de Moubarak, pour les jeunes, la classe ouvrière et les combattants de la place Tahrir. C’est un grand exemple pour les travailleurs et les opprimés à travers le monde : des actions de masse déterminées peuvent vaincre des gouvernements et des dirigeants, quelque soit la force qui semble être la leur.

    Cependant, la bataille n’est pas encore terminée, des dangers subsistent. Le vice-président non élu Suleiman, l’ancien chef des services de renseignement de Moubarak, a annoncé que l’ancien président laissait le pouvoir dans les mains du conseil militaire suprême. A sa tête, on trouve Mohamed Hussein Tantawi, ministre de la Défense et commandant en chef des forces armées depuis 1991, soit quasi les deux tiers du temps ou Moubarack était président. Un correspondant de la BBC a commenté que “La reprise en main par l’armée ressemble à un coup d’état militaire… Officiellement, c’est au chef du Parlement de reprendre la direction du gouvernement, non à la direction de l’armée”.

    En réponse à cela, les masses égyptiennes doivent faire valoir leur droit de décider de l’avenir du pays. Aucune confiance ne doit être accordée aux personnalités du régime et à leurs maîtres impérialistes pour diriger le pays et les élections. Il doit y avoir immédiatement des élections libres, sous l’autorité de comités de masse des travailleurs et des pauvres, pour une assemblée constituante révolutionnaire qui peut décider de l’avenir du pays.

    Des comités locaux et de véritables organisations indépendantes de travailleurs se sont créés, ils doivent être développés et reliés entre eux. Un appel clair pour la formation de comités démocratiquement élus sur tous les lieux de travail, dans les quartiers et dans les rangs de l’armée recevrait une grande réponse.

    Ces corps pourraient ainsi coordonner le renversement de l’ancien régime, maintenir l’ordre et la livraison de nourriture et, le plus important, constitueraient la base d’un gouvernement des travailleurs et des pauvres capable de détruire les restes de la dictature, de défendre les droits démocratiques et de construire une économie qui rencontrerait les besoins économiques et sociaux des masses égyptiennes.

  • Tunisie, Égypte,… Quelles perspectives et quel programme pour les masses?

    Lors de la discussion sur les perspectives internationales du Comité National du PSL-LSP qui s’est tenu ce weekend, un bonne part des interventions ont eu trait au processus actuellement à l’oeuvre dans le Moyen-Orient et au Maghreb. Le texte suivant reprend quelques uns des éléments qui ont été mis en avant, mais la discussion a été plus large et comprenait aussi des aspects historiques (Nasser, la crise du canal de Suez, le pan-arabisme,…) ou encore la situation au Yémen et en Algérie, thèmes sur lesquels nous reviendrons.

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    Des mouvements qui ne tombent pas du ciel

    Dans le document du 10e Congrès Mondial du CIO consacré au Moyen Orient et à l’Afrique du Nord, il était dit ”tous les despotes et les régimes autoritaires de la région ont peur de mouvements de révolte de masse. Des mouvements en Iran ou en Egypte sont possibles, qui peuvent alors en inspirer d’autres. Si la classe ouvrière n’en prend pas la direction, ces mouvements peuvent prendre des directions très différentes.”

    Le mouvement en Tunisie a constitué une source d’inspiration pour toute la région: le Yémen, la Syrie, la Jordanie, l’Algérie,… Ces actions ne tombent pas du ciel, elles sont le résultat d’un cocktail explosif fait d’un chômage énorme, d’une très large pauvreté très large (en Égypte, 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour), d’une politique répressive de la part de régimes autoritaires, mais aussi des traditions de lutte dans la région.

    Dans cette région aussi, la crise capitaliste a suivi une politique néolibérale très dure. Entre 2004 et 2009, l’Égypte a attiré 42 milliards de dollars d’investissements extérieurs, investissements obtenus avec la promesse qu’il n’y aurait pas de taxes sur les profits. Une partie du secteur bancaire a été privatisée pour des entreprises d’autres pays et les principaux actionnaires des banques viennent d’Italie ou de Grèce. La Bourse égyptienne, entre 2004 et 2009, s’est développée en étant multipliée par douze.

    La crise s’est développée depuis 2009, avec la chute du prix du pétrole et une diminution des investissements, mais l’Égypte est une des places dans le monde où même avec cela, l’économie a continué à croître. Mais cette poursuite de la croissance économique, la population ne l’a pas plus ressentie qu’avant. Différents mouvements avaient déjà eu lieu ces dernières années et qui exprimaient cela.

    Entre 2004 et 2008, 194 grèves s’étaient développées chaque année en Egypte, surtout dans les centres textiles et à Suez. Entre 1992 et 2010, le gouvernement a mené sa politique de privatisation, et c’est dans cette période que ceux qui ont moins de deux dollars par jour sont passé de 20 à 44%. 66% de la population a moins de 25 ans, le poids de la jeunesse est extraordinaire et, parmi les chômeurs, 90% a moins de 25 ans. Cela illustre encore une fois que le mouvement ne tombe pas du ciel. Entre 2008 et 2010 il y a eu 1600 grèves chaque année, soit trois fois plus que durant la période précédente.

    Différentes multinationales sont présentes en Égypte, comme la multinationale française Lafarge (construction). L’Égypte représente pas moins de 10°% de ses profits. Mais on trouve aussi des entreprises Solvay, Unilever, la Société Générale, Heineken,… En Tunisie, quelques 2.500 multinationales sont présentes, dont plus d’un millier de françaises qui engagent 110.000 travailleurs. Les 146 entreprises belges emploient 20.000 travailleurs.

    Ce mouvement n’est pas uniquement basé sur des revendications démocratiques, c’est aussi une expression de la crise mondiale et du fait que toute une génération de jeunes n’a aucune perspective pour l’avenir. La crise capitaliste a brisé chaque espoir d’un meilleur avenir, cette illusion était présente et a été réduite à néant.

    On peut parler de mouvements révolutionnaires dans la région, avec une majorité de la population participant activement au mouvement dans l’intention de changer le statuquo en leur faveur et pour retirer la gestion de la société hors des mains de l’élite et des classes dirigeantes. Les manifestations sont massives et très populaires, avec beaucoup de travailleurs, des pauvres mais aussi des couches moyennes. Les appels initiaux ont été diffusés par des nouveaux médias, c’est une bonne manière de les utiliser. Mais il serait exagéré de dire que c’est une révolution Facebook. Ainsi, seulement 6% de la population égyptienne est sur Facebook.

    Dans les débats autour de ces évènements, il y a beaucoup de comparaisons avec les mouvements révolutionnaires du passé, comme les Révolutions colorées de la décennie précédente. Des explosions de colère ont ressemblé à cela, mais le mouvement actuel est bien plus profond. La conscience des masses est plus élevée et la conscience des classe est présente, c’est plus difficile à récupérer pour la bourgeoisie. On mentionne aussi la Révolution iranienne de 79, mais il est clair qu’il y a beaucoup de différences avec cela. On parle encore de la chute du stalinisme en 89-91. En fait, toutes les comparaisons ont leurs limites, et chaque révolution a ses propres éléments et sa propre dynamique.

    En Tunisie, le mouvement est rapidement parvenu à une première victoire. D’autres régimes tirent la conclusion que faire des concessions est dangereux, cela peut renforcer le mouvement. Chaque concession de Ben Ali a renforcé la confiance des masses, chaque concession a illustré le pouvoir du mouvement. La fuite de Ben Ali n’a ainsi pas stoppé le mouvement, ni la recomposition du gouvernement, ni la démission des ministres de l’UGTT. Les mobilisations continuent, avec toutefois un caractère différent.

    Différents secteurs connaissent des grèves. On essaye là aussi de stopper les protestations avec des concessions: les éboueurs ont reçu une augmentation de salaire de 60%. Des programmes sociaux ont été introduits par le gouvernement. Le régime tunisien a implosé, et cela a constitué un catalyseur pour le développement du mouvement en Égypte.

    L’Egypte

    L’Égypte diffère de la Tunisie au niveau économique (avec le canal de Suez) et politique. C’est aussi la population la plus grande de la région. L’Égypte est un des piliers les plus importants de l’impérialisme américain. Une de ces facettes est la relation avec Israël, un des alliés les plus farouches de Moubarak à l’heure actuelle. Le régime israélien a appelé Moubarak à utiliser la violence contre le mouvement. Le soucis de la classe dirigeante israélienne, c’est l’impact que cela aurait sur les masses palestiniennes. Il y a le problème du blocus de Gaza, auquel le régime de Moubarak collabore. Cette politique est très impopulaire en Égypte même, et ce qui se passerait avec un changement de régime n’est pas clair.

    Depuis mercredi, il est clair que le mouvement révolutionnaire en Égypte est compliqué. Jusque mardi, c’était plutôt joyeux. Mardi, il y avait plus d’un million de manifestants au Caire. La façon dont les choses s’étaient déroulées en Tunisie avait créé des illusions sur la facilité de renverser un régime. Mais depuis mercredi, le régime a utilisé les forces de la contre-révolution. La base sociale pour cela, c’est le sous-prolétariat du Caire, mais aussi les fonctionnaires du régime qui ont beaucoup à perdre. On peut faire la comparaison avec la manière dont le régime tsariste s’est opposé à la révolution de 1905 en Russie. Le mouvement sera-t-il assez fort pour aller contre le pouvoir? Les manifestations de vendredi ont confirmé que le mouvement est encore en train de croître et n’a pas perdu de ses forces, mais le potentiel n’est pas utilisé: pas de marche vers le palais présidentiel par exemple. C’était le ”jour du départ”, mais peu a été fait pour que Moubarak dégage vraiment.

    Pour arriver à une défaite fondamentale du régime, la classe ouvrière doit intervenir en tant que classe. Comme en Tunisie, il y a des liens très forts entre les directions syndicales et le régime. Tous les dirigeants sont membres du parti de Moubarak. Le régime exerce un contrôle sur la fédération syndicale. C’est vrai, mais dans les dernières luttes, des militants de base se sont opposés aux directions syndicales. Le syndicat des contrôleurs de taxes a même quitté la fédération syndicale pour rejoindre une nouvelle structure syndicale qui défend le salaire minimum, la sécurité sociale,… C’est difficile d’avoir énormément de précisions, mais ce nouveau syndicat est impliqué dans les comités de quartier.

    Le mouvement doit partir à l’offensive pour éviter que le régime et les Etats-Unis n’organisent une transition favorable aux capitalistes. Les revendications sociales doivent être centrales dans le mouvement afin d’également mobiliser les couches les plus passives.

    Les Frères Musulmans ont hésité avant de s’impliquer. Mais en même temps, des rapports disent que parmi ceux qui ont défendu la place du Caire, il y avait beaucoup de Frères Musulmans. Les cadres étaient contre tout soutien au mouvement, ce sont les jeunes qui ont fait pression, ce sont ces jeunes qui, mercredi dernier, participaient à la défense des manifestants contre la contre-révolution. Un scénario ”à l’iranienne” est peu probable, mais il est possible que les Frères remplissent le vide politique. Quelque soit le régime qui succèdera à Moubarak, il ne pourra toutefois pas collaborer avec Israël de la même manière. En Palestine, tant le Hamas que le Fatah sont contre le soutien au mouvement, ils voient les dangers pour leur propre position. Tout changement de régime en Égypte modifie en fait radicalement les choses au niveau du moyen-orient.

    Les Frères Musulmans peuvent jouer un rôle, mais ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. La direction de Frères dit que leur modèle est plutôt celui de l’AKP d’Erdogan en Turquie et pas le modèle iranien. Ce n’est bien entendu que ce qu’ils disent, mais c’est aussi possible que cela soit une réflexion de ce qu’ils constatent: dans la rue, l’idée d’une société islamiste ne vit pas. Bien entendu, ils savent que s’ils rentrent dans le vide politique existant, ils vont se trouver dans une situation très compliquée, et c’est la raison pour la quelle eux aussi mettent en avant El Baradei pour qu’il négocie avec le régime.

    L’armée tente de gagner du temps pour, avec les USA, sauver l’élite et leur propre position dans la société égyptienne. Mercredi, pour beaucoup de manifestants, c’était clair que l’armée avait laissé l’espace pour ceux qui soutenaient le régime. Le chaos peut aider l’armée et cela peut renforcer parmi la population l’idée d’un appel à l’ordre. Mais l’armée n’est pas quelque chose d’homogène. Il y a eu des fraternisations entre soldats et manifestants en certains endroits. Pour les manifestants, il est crucial d’avoir une approche envers les simples soldats pour les détacher de la hiérarchie.

    Extension internationale

    Un des éléments important dans cette vague de révolte et de révolution, c’est la dispersion internationale. C’est un élément important, mais loin d’être neuf. A l’époque de Nasser, lors de la crise du canal de Suez en 1956, ce dernier avait mis en avant une grève générale dans toute la région, appel qui a joué un grand rôle dans la défaite de l’impérialisme. Mais le nationalisme arabe de Nasser a eu ses limites. Khadafi aujourd’hui est un des derniers représentants de cette époque du nationalisme arabe, qui a eu de grandes répercussions dans la région.

    Le développement de cette situation en Égypte a des incidences ailleurs. En Chine, ils essayent d’étouffer les évènements. Les médias ne parlent que de hooligans qui viennent tout casser au Caire. Le régime craint la propagation des protestations, et d’autres aussi, l’Iran par exemple. Khamenei, l’actuel Guide Suprême, a essayé de félicité le ”mouvement pour la libération musulmane” et, comme le Tea Party aux USA, le régime affirme que le mouvement ne vise qu’à instaurer un régime islamiste. De tels mouvements peuvent se développer dans d’autres régions, et un des éléments clé est le prix de l’alimentation. L’agence alimentaire américaine a publié un rapport sur l’insécurité alimentaire qui disait que les gens ont trois options: se révolter, migrer ou mourir. Il y a une grande possibilité qu’une grande révolte se développe sur ce thème.

    L’impérialisme ébranlé

    Personne n’a vu venir le mouvement en Tunisie. En un mois seulement, Ben Ali a tout perdu. L’énorme vitesse à laquelle le régime a été poussé dans la défensive, la vitesse à laquelle l’armée a été séparée de Ben Ali, la formation rapide des comités qui ont notamment jeté leurs patrons, tout cela est phénoménal. Entretemps, le régime cherche à voir comment canaliser la situation de double pouvoir qui existe. Le problème pour la bourgeoisie et l’impérialisme en Tunisie, c’est qu’ils n’ont pas quelqu’un comme El Baradei ou Amr Moussa, le président de la ligue arabe, qui est égyptien. Les USA continuent à miser sur le premier ministre, mais nous devons voir comment les relations de force vont se développer.

    Blair a parlé de Moubarak comme de quelqu’un de très courageux et une force œuvrant pour le bien et Obama, moins directement toutefois, est sur une position similaire. Pour donner une idée du rôle crucial de l’Égypte pour USA: depuis 1979, le pays reçoit 1,3 milliard de dollars de soutien militaire par an de la part des USA. C’est plus ou moins le même montant que ce que les USA donnent au Pakistan et à Israël. L’armée égyptienne est la 10e au niveau mondial, et elle joue un rôle crucial pour défendre les intérêts de l’impérialisme dans la région.

    L’impérialisme recherche des figures capables de restaurer la stabilité, mais c’est dans la rue que le résultat du mouvement va se jouer.

    Le double pouvoir et le rôle d’une direction révolutionnaire

    On peut conclure que le mouvement a jusqu’ici été très spontané et sans véritable organisation, mais on voit aussi un développement important de l’auto-organisation, comme avec la manière dont la sécurité a été organisée place Tahir, très impressionnante, de même que la façon dont des comités de quartier ont été instaurés en Tunisie ou en Égypte pour défendre les quartiers contre les pillages. Des comité sont lancés dans les entreprises aussi, et tout cela peut être la base pour développer un gouvernement des travailleurs et des petits paysans.

    Un processus révolutionnaire ne se développe pas de façon linéaire. En Tunisie, on assiste à un reflux du mouvement, malgré le développement d’une grève dans les métros à la suite de la victoire obtenue par les éboueurs par exemple. Cela contraste tout de même fortement avec la grève générale contre le régime et les protestations des semaines précédentes.

    Cette période était en fait déterminée par les premiers éléments d’une situation de double pouvoir où les comités de vigilance et les comités de quartier se développaient face au pouvoir du régime. Le danger du vol de la révolution tunisienne avec la complicité des institutions internationales est réel. La direction de l’UGTT soutient le gouvernement de Ghannouchi composé de patrons issus de l’étranger. Il faut réclamer un Congrès Extraordinaire de l’UGTT basé sur l’élection de représentants de la base afin de changer de direction syndicale.

    Mais il manque aussi une direction révolutionnaire. Le danger le plus grand est constitué par cette absence de direction qui laisse l’espace pour des figures bourgeoises. Il y a des mouvements comme dans les syndicats, qui sont importants et qui rendent très très difficile pour le régime de pouvoir revenir à la précédente situation, tant en Egypte qu’en Tunisie. Le résultat du mouvement sera décidé par l’organisation des masses: il faut renforcer les comités de base et les pousser à l’offensive contre le gouvernement.

    Le limogeage des PDG dans les entreprises en Tunisie et les barrages de travailleurs refusant que les anciens directeurs reviennent posent directement cette question: qui prend la direction des usines? Le gouvernement ? Les travailleurs ? D’autres capitalistes ? Nous devons considérer le développement de comités dans les entreprises, les écoles,… comme la base de la future société socialiste. Il ne suffit pas de s’opposer à la politique libérale, aborder la question du contrôle ouvrier est un point crucial dans le développement du mouvement aujourd’hui.

    Il ne suffit pas de réclamer la dissolution du RCD (le parti de ben Ali), la liberté d’expression et syndicale,… Saluer le développement des comités de base est très bien, mais il faut surtout amener la question de la prise du pouvoir par ces comités, les élargir et appeler à une Assemblée Constituante Révolutionnaire sur base de délégués démocratiquement élus dans les comités de base. Contre des mots d’ordre vagues de formation d’un gouvernement intérimaire qui jouisse de la confiance du peuple, il faut pousser la nécessité d’une démocratie des travailleurs basée sur les comités de base et les travailleurs.

    Concernant la police, réclamer une police basée sur la supériorité de la loi et les droits de l’homme est illusoire et totalement insuffisant à l’heure où l’on voit des bandes contre-révolutionnaires attaquer physiquement les locaux syndicaux, les militants,… La défense du mouvement doit être basée sur l’extension des comités, et cela vaut aussi pour la justice, etc. Ces comités doivent aussi être étendus à l’armée pour organiser les soldats qui ont fraternisé avec la révolution. Cela doit être la base pour fractionner l’appareil d’État. La direction de l’armée a lâché Ben Ali, mais ne veut pas que le mouvement aille plus loin.

    Enfin, concernant notre travail militant, nous devons accorder une grande attention aux sensibilités qui existent vis-à-vis de la question nationale. Il n’est pas question de crier à la révolution du ”monde arabe”, la question est beaucoup plus vaste. Les berbères, par exemple, ne sont pas arabes et sont opprimés au Maroc et ailleurs. On trouve également des berbères en Algérie, en Libye, en Tunisie et en Egypte. Ce terme de ”monde arabe” exclut aussi l’Iran, et l’on se rappelle encore des puissants mouvements de 2009.

    On ne peut jamais prédire comment les choses vont se développer, mais ces mouvements confirment la confiance que le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections, comme le PSL-LSP en Belgique, a toujours eu envers les capacités des masses pour se battre en faveur de leurs conditions de vie. Une fois ces mouvements initiés, cela a conduit à une détermination très profonde. Ces mouvements ont même confirmé les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière, même initiés de façon spontanée par les masses.

    Bien entendu, c’est aussi la confirmation gigantesque de la nécessité d’une organisation révolutionnaire capable de garantir que l’énergie d’un tel mouvement soit utilisée pour aller vers une une société orientée vers la satisfaction des intérêts des masses, c’est-à-dire une société où les secteurs clés de l’économie sont retirés de la soif de profit du privé pour être démocratiquement planifiés, une société socialiste.

  • Bruxelles: Deux Actions de soutien aux révolutions en Egypte et en Tunisie

    La première action, pour "la journée du départ", était organisée par la communauté égyptienne en Belgique, aux portes des institutions européennes. Ella a rassemblé environ 300 participants. Une autre action rassemblant près de 400 personnes s’est également tenue à la bourse, à l’initiative du Comité de soutien aux révolutions tunisienne, égyptienne et des peuples de la région. Un rassemblement est déjà prévu à la bourse, à 17h, dès l’annonce du départ de Moubarak,

    Rubrique de ce site consacrée au Moyen Orient et au Maghreb

  • Egypte : “Nous ne partirons pas tant qu’il ne partira pas!” – Témoignage de la place Tahrir au Caire

    A la suite des manifestations massives du 1er février au Caire et à Alexandrie, le Président Hosni Moubarak s’est dit prêt à partir en septembre. Mais les manifestants de la place Tahrir au Caire continuent toutefois leurs actions pour forcer Moubarak à quitter le pouvoir. Hier après-midi, des confrontations dramatiques ont eu lieu, quand des partisans du dictateur ont attaqué les protestataires, y compris avec des armes à feu, montés sur des chevaux et des chameaux. Les forces armées sont restées “neutres”, émettant un ordre de dispersion pour les deux camps. Voici ci-dessous une interview d’un correspondant du CIO présent au Caire.

    socialistworld.net

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    Actions de solidarités

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    Que se passe-t-il au Caire?

    “A la place Tahrir et dans les rues avoisinantes, il y a des milliers et des milliers de manifestants. Je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Les manifestations ont commencé très tôt le matin et nous sommes maintenant très tard le soir (le 1er février). Même s’il y a officiellement un couvre-feu, un très grand nombre de personnes reste sur la place. La foule est dense et il est très difficile de se déplacer. Tout le centre-ville est contrôlé par les manifestants et totalement dénué de la présence des forces de police. Il y a toujours de soldats aux alentours, mais ils ne sont pas très visibles. L’ordre est maintenu par des comités de défense dans lesquels sont presents des gens de diverses religions. Ils vérifient les documents des passants, s’assure que rien ne peut être utilisé comme provocation et distribuent des tracts comprenant des instructions sur la manière de se comporter sur la place. Le niveau d’auto-organisation et de discipline est impressionnant. Des centres médicaux et un centre de presse ont aussi été installés, de même que des cantines.

    “Un des volontaires m’a dit qu’il avait découvert la présence d’un policier en vérifiant les papiers d’identité (le travail de chacun est inscrit sur les documents d’identité égyptiens). Il l’a livré à l’armée. Il y a visiblement un accord pour procéder de la sorte, même s’il l’on ne sait pas se que fait l’armée des policiers. La police, les “gardiens de l’ordre”, sont interdits aux manifestations, même s’ils ont quitté l’uniforme, parce que les gens pensent qu’ils sont principalement là pour faire des provocations, ce qui pourrait se terminer de façon tragique dans les circonstances actuelles.

    “Le manifestation est constituée de groupes autour d’orateurs avec des mégaphones qui crient des slogans ou livrent des informations importantes. Des meetings se déroulent autour des stands de différents partis politiques. Parmi les manifestants, on trouve un grand nombre de jeunes très militants, préparés à aller jusqu’au bout. Beaucoup de femmes participent aussi aux protestations. Tout le monde crie qu’ils ne partiront pas avant que Moubarak s’en aille. Quelqu’un a crié à un moment, probablement un provocateur, que Moubarak avait démissionné, mais il a immédiatement été interrompu par les manifestants qui criaient “Ne croyez pas les rumeurs, que personne ne parte avant que le président ait officiellement démissionné.” Il faut aussi préciser que les slogans ne sont pas orientés que vers une personne, mais contre le régime en lui-même.

    “Internet ne fonctionne pas au Caire, et les messages sms ne passent pas, il y a une véritable soif d’informations. Pour l’instant, les téléphones portables fonctionnent. Les autorités ont interdit la diffusion de la chaîne Al-Jazeera. J’ai rencontré le dirigeant du bureau du Caire d’Al-Jazeera, qui vit dans une tente et y coordonne le travail de ses correspondants et des équipes-caméras.

    ‘‘Alors que je marchais parmi la foule, j’ai fait une rencontre assez surprenante. Quelqu’un, que je ne connaissais pas, m’a appelé de mon nom! Il m’a expliqué que je ne le connaissais pas mais qu’il était ami avec moi sur Facebook! Nous avions visiblement échangé quelques commentaires sur la situation en Egypte. De nombreuses personnes m’ont demandé se que je faisais au Caire et, quand je leur expliquais que je venais spécialement pour soutenir leur lutte, Ils étaient très agréablement surpris. Mais des touristes ont également pris part aux manifestations, j’ai pu entendre des slogans en italien, en espagnol et dans d’autres langues. J’ai aussi rencontré deux Anglais avait une pancarte déclarant, en arabe ; “Moubarak, il est temps de partir, nous avons besoin de prendre une douche!” Il n’y a visiblement plus d’eau dans des hôtels. Parfois, ce sont des Egyptiens eux-mêmes qui écrivent des pancartes et des tracts en anglais, pour que ceux qui regardent les reportages aux télévisions à l’étranger comprennent ce qui se passe. A cause du blocage de l’information, les gens ne savent pas grand chose des protestations à l’étranger en solidarité avec leurs luttes, mais quand de telles informations parviennent aux oreilles des manifestants, elles sont chaudement acclamées.”

    Quelles sont les revendications des manifestants? Quels sont leurs slogans?

    “Leurs revendications concernent clairement des thèmes sociaux et démocratiques: le président doit démissionner, il faut la liberté d’expression, une nouvelle constitution et de nouvelles élections à tous les niveaux. J’ai vu une femme avec une pancarte qui disait “L’armée doit nous défendre – oui. L’armée doit nous diriger – non”. Dans d’autres termes, même si les manifestants traitent chaudement l’armée, ils n’ont aucune envie de la voir prendre le pouvoir.

    “Parfois, on peut voir des slogans progressistes, même si les revendications sont un peu confuses, comme “rendez au peuple ce qui lui a été volé”, sans que la manière de réaliser cela soit claire. J’ai vu des slogans comme “Ramenez les salaries au niveau des prix” et “Pour un salaire minimum de 200 dollars”. Mais, en general, on ne voit pas de programme clair ni d’analyse précise. Un autre élément important est la revendication de l’abolition de loi d’urgence, qui est appliqué en Egypte depuis plus de 30 ans et est utilisée pour réprimer les mouvements de la population.

    “Partout, on peut sentir que l’atmosphère de révolte continue à croître, il y a une explosion de protestations reflétée de toutes sortes de façons: pancartes, slogans peints sur les murs ou sur le sol, sur les voitures, sur les bus, sur les visages, les vêtements,… On voit aussi de petites pièces de théâtres et toutes sortes de tracts sont distribués, par milliers, tout comme des appels, des déclarations, parfois sans aucune signature, parfois simplement issues d’individus.”

    Quelles forces sont-elles impliquées dans les protestations?

    “Toutes sortes de forces sont présentes : de gauche, de droite ou islamistes. Les groupes de gauche se limitent à des revendications démocratiques, elles reflètent simplement les revendications des masses. Elles appellent à la démission du président, Moubarak, à de nouvelles élections et à une nouvelle constitution, sans toutefois faire de l’agitation autour d’un programme socialiste.

    “Les islamistes des Frères Musulmans ne participant pas vraiment aux protestations. Quand tout cela est apparu, ils ne sont pas intervenus. Maintenant, sous la pression de leur base, ils ont été forces de descendre dans les rues. Mais ils ont une influence quasiment insignifiante sur les slogans, les revendications, et l’atmosphère présente lors des manifestations. Une fois, j’ai vu un groupe de jeunes criant des slogans démocratiques. Une personne a commencé à crier “Allah Akbar”, mais personne dans la foule n’a repris l’appel, il a juste été ignoré. Il a alors essayé de rentrer plus loin dans la foule en continuant à crier, jusqu’à ce que plusieurs personnes lui dissent de rester tranquille. “Allakh Akbar” n’est pas un slogan, cela n’appelle personne à faire quoi que ce soit, cela ne représente aucune revendication ni aucun programme. Mais quand arrive l’heure de la prière et que les prêtres appellent les croyants à prier, une part significative de la manifestation participe. Juste après, les manifestants reprennent les slogans démocratiques. Personne ne crie en faveur de la sharia. Il y a aussi beaucoup de femmes qui participent aux protestations.

    “J’ai parlé avec plusieurs coptes (des chrétiens d’Egypte), qui étaient très nombreux aux manifestations. C’est un symptôme important. A la nouvelle année, à Alexandrie, une attaque terroriste à la bombe contre une Eglise Chrétienne a mené à une situation très tendue dans la ville et ailleurs. Les coptes ont organisé des manifestations, ont demandé plus de sécurité, et ont même crié des slogans anti-Islam. Mais maintenant, cette situation a été transformée. Vous pouvez voir comment, en quelques jours, parfois en quelques heures, l’unité du mouvement pour les droits démocratiques et sociaux a unifié les chrétiens et les musulmans. L’unité dans la lutte relègue à l’arrière plan toutes les différences superficielles. J’ai vu des personnes porter un foulard avec un croissant de lune croisé avec une croix, le symbole de l’unité entre coptes et musulmans. Quand l’Eglise, par la voix du vieux patriarche, a publiquement supporté Moubarak, même quelques coptes ont regardé” cela comme une chose positive, en disant que maintenant les chrétiens seraient moins sous l’influence des de leurs représentants et de l’Eglise en tant que symbole d’autorité.

    “L’opposition a déjà formé une coalition de différents partis, de gauche, de droite et d’islmaistes. Ils soutiennent les revendications générales des masses, mais demandent aussi que Durant les 6 mois de transition, jusqu’au départ de Moubarak, un gouvernement de ‘salut national’ soit constitué. Durant cette période, ils promettent d’organiser des elections à tous les niveaux, et de faire un nouveau projet de constitution.

    “La gauche, en participant à cette coalition, aide dans les faits cette section de la bourgeoisie qui est actuellement maintenue à l’écart du pouvoir par le régime de Moubarak. Les slogans et revendications de cette coalition sont largement distribués et la masse des manifestants ne s’y oppose pas, même si les principales figures dirigeantes sont regardées avec scepticisme. C’est particulièrement le cas de l’ancien dirigeant de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, Mohammed Al-Baradei, qui vient juste de rentrer en Egypte. Mais pour l’instant, personne ne met en avant un programme alternatif, même à gauche.

    “Dans le vide politique qui existe actuellement, qui commence déjà à être occupé par la droite, la gauche se doit d’être très active, de distribuer des tracts, de proposer leur alternative propre, et de construire une organisation – même s’il existe des problèmes pratiques pour mettre ses idées sous forme écrite puisque tous les magasins sont fermés.”

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière appelle:

    • Pour des actions de masse de la part des travailleurs, y compris une grève générale, pour le renversement immédiat de Moubarak et de ce régime pourri et brutal.
    • Pour l’obtention des droits démocratique immédiatement, avec le droit de se rassembler, de faire grève et de s’organiser dans des syndicats indépendant et démocratiques.
    • Pour l’élection de comités démocratiques des masses en lutte, pour se défendre contre la répression d’Etat, dans les lieux de travail, les quartiers, les écoles et les universités, reliées entre eux aux niveau régional et national, pour élargir et organiser la résistance
    • Pour des comités de base des policiers et soldats, au côté des masses et purgés des officiers et de la hiérarchie
    • Non au sectarisme – Pour l’unité de tous les travailleurs au-delà des lignes religieuses
    • Aucune confiance envers un nouveau régime ‘d’unité national’ basé sur les intérêts de la classe dirigeante et de l’impérialisme
    • Pour l’élection immédiate et libre vers une assemblée constituante révolutionnaire – Pour un gouvernement de la majorité des travailleurs et des travailleurs ruraux
    • Pour un salaire minimum, la garantie d’avoir un travail, un programme massif de construction de logements et de développement de l’enseignement et des soins de santé
    • Pour la fin du blocage égyptien de Gaza – Pour l’auto-détermination de la Palestine et pour l’unité des travailleurs et des actions de masse pour renverser les dictateurs de la région
    • Pour la nationalisation des grandes compagnies égyptiennes, des banques et des secteurs principaux de l’économie et leur planification démocratique pour satisfaire les besoins des masses et non de l’élite
    • Pour une Egypte socialiste et une confédération socialiste de la région, sur une base volontaire et égalitaire

  • [PHOTOS] Luxembourg: Rassemblement de solidarité avec le peuple égyptien

    A l’occasion de la « marche du million » en Egypte de ce mardi 1er février, un petit rassemblement de solidarité a été organisé dans l’urgence à Luxembourg-Ville. Rassemblant une cinquantaine de personnes, des Egyptiens résidant au Luxembourg mais aussi de nombreux Luxembourgeois venus par solidarité, l’appel a été soutenu par Déi Lénk-La Gauche, le Comité pour une paix juste au proche orient, la Ligue des droits de l’homme, l’UNEL,…

    Par Jean, correspondant du CIO au Luxembourg

    Un petit compte rendu de la situation en Egypte a été donné et le rassemblement s’est terminé par quelques slogans lancé par les égyptiens sur place : ‘‘Le peuple exige la chute du régime!’’

    Après la répression brutale du régime de Moubarak et les tentatives de terroriser la population, les égyptiens sont plus déterminés que jamais. Il est essentiel pour nous de continuer à mettre la pression sur nos gouvernements afin qu’ils sortent de leur torpeur destinée à ménager leur allié de longue date dans la région.

    A Luxembourg aussi, la mobilisation continue : Manifestation à l’occasion de la journée mondiale de solidarité avec le peuple égyptien ce Samedi 5 février, 15h Place Clairefontaine à Luxembourg-Ville.

  • STOP à la terreur d’Etat israélienne

    L’acte de piraterie internationale de l’armée israélienne dans les eaux internationales contre les convois d’aide humanitaire en route vers Gaza est connu. Dans cette petite région, un million et demi de Palestiniens vivent enfermés dans une prison à ciel ouvert verrouillée par le régime israélien.

    Article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Protestations après une répression sanglante

    Le meurtre de neuf militants humanitaires par l’armée israélienne a entraîné de grandes manifestations, en Turquie et ailleurs dans le monde. Une fois de plus, le Conseil de Sécurité de l’ONU a suivi la ligne américaine et a refusé d’approuver une résolution condamnant les actes du gouvernement israélien. En lieu et place de cela, il n’y a eu qu’un appel à une ‘‘enquête impartiale’’ sur ces meurtres…

    Au Parlement Européen, l’eurodéputé marxiste Joe Higgins a déjà très clairement répondu à cela: “Ce qui s’est passé est parfaitement clair: il s’agissait d’un acte de piraterie dans les eaux internationales.’’ Joe a ainsi réagi dans une polémique qui l’a opposé à l’ambassadeur américain auprès de l’Union Européenne qui refusait de condamner l’armée israélienne. Les 700 participants à ce convoi humanitaire n’avaient pour seul objectif que d’aider la population gazaoui, une population assiégée depuis maintenant quatre ans. Le convoi humanitaire ne représentait aucune menace pour Israël et les militants n’étaient pas armés. Ils ne voulaient qu’apporter des matériaux de construction et de l’aide à la population, une nécessité flagrante puisque depuis la destruction de nombreuses maisons par l’armée israélienne en 2009, aucune reconstruction n’a pu être possible. Environ 15.000 maisons avaient alors été détruites, en plus des centaines de morts et des milliers de blessés. Le blocus de Gaza a poussé le taux de chômage au-delà des 50%. Selon la Banque Mondiale, 90% de l’eau disponible à Gaza n’est pas potable et 70% de la population dépend de la charité pour survivre. Ce nouveau bain de sang montre jusqu’où l’Etat israélien est capable d’aller afin d’assurer le maintien du blocus de Gaza.

    Les puissances capitalistes les plus importantes ont refusé de condamner cette nouvelle violence. Les puissances impérialistes et les élites locales corrompues sur lesquelles se basent les impérialistes au Moyen-Orient ne sont guidées que par leurs seuls intérêts : l’accès aux matières premières, les positions stratégiques et le prestige. Pour cela, les droits de la population doivent s’effacer, de façon extrêmement brutale dans le cas de la population palestinienne.

    Stop à l’oppression

    Les membres du Comité pour une Internationale Ouvrière ont participé aux actions de protestations partout où ils sont présents, y compris aux Etats-Unis, au Liban et même en Israël, où quelques centaines de manifestants ont protesté contres les actes violents de leur gouvernement, contre le siège de Gaza ainsi que contre l’occupation des territoires palestiniens en Cisjordanie.

    Tnua’t Maavak Sozialisti (Mouvement de Lutte Socialiste, notre organisation-sœur en Israël) a notamment affirmé dans sa déclaration :

    ‘‘Le gouvernement israélien refuse cyniquement de reconnaître la moindre responsabilité. Nous n’avons pas besoin d’une ‘commission d’enquête’ pour comprendre que les dirigeants de l’armée et du gouvernement sont responsables du meurtre de plusieurs activistes.

    ‘‘Plusieurs médias (israéliens) tentent de nous faire croire que les soldats ont été attaqués après que des ‘‘objets’’ aient été jetés des bateaux en leur direction. Les soldats de l’IDF n’avaient toutefois aucune raison d’être dans les environs. En réalité, l’armée a été utilisée pour réprimer le droit de protester.

    ‘‘Les ministres, les généraux et leurs amis parmi les journalistes essaient de dévier l’attention de la politique d’agression israélienne. Le gouvernement de Bibi-Barak-Lieberman mène une politique de destruction et d’oppression avec le siège et l’occupation de Gaza ainsi qu’en stimulant des sentiments racistes contre la population arabo-palestinienne en Israël. Ce gouvernement est belliqueux et l’oppression des Palestiniens nuit également aux intérêts des simples Israéliens.

    ‘‘Nous affirmons que la seule réponse à l’horrible catastrophe du conflit israélo-palestinien repose sur la construction d’un large mouvement social d’Israéliens et de Palestiniens qui unisse juifs et arabes dans des actions communes contre les instigateurs de la politique de diviser-pour-mieux-régner, contre l’occupation et le siège ainsi que contre chaque forme d’oppression et de discrimination. Un tel mouvement doit défendre un programme de droits nationaux et démocratiques, l’égalité de chacun et le renversement des élites capitalistes régionales corrompues.’’

    Construire un mouvement de masse

    Chaque pas en avant important dans l’histoire de la lutte palestinienne était le résultat d’une mobilisation active des masses palestiniennes, comme lors de la première Intifada mais aussi, plus récemment et à plus petite échelle, avec l’action de masse qui a temporairement brisé le blocus à la frontière de Rafah.

    Pour les masses palestiniennes, un mouvement des travailleurs et des pauvres à Gaza et en dehors est la seule façon d’aboutir à un réel changement. Un tel mouvement est non seulement la seule force capable de briser le blocus, mais cela aurait également un impact régional tout en constituant une base pour lutter ensemble pour la libération et contre le capitalisme et la barbarie.

    • Stop au blocus israélien de Gaza. Pour le retrait immédiat de l’armée israélienne des territoires palestiniens
    • Pour une lutte massive des Palestiniens sous leur propre contrôle démocratique et pour une véritable libération nationale
    • Pour des organisations ouvrières indépendantes en Palestine et en Israël
    • Aucune confiance envers les gouvernements capitalistes ou l’ONU
    • Pour la solidarité des travailleurs du Moyen-Orient et internationalement avec la lutte palestinienne
    • Pour une lutte pour le socialisme démocratique en Palestine, en Israël et dans le reste du Moyen-Orient, avec garantie des droits démocratiques de toutes les minorités nationales.
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