Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Le régime iranien arrête des ouvriers en grève

    Le régime iranien a arrêté une trentaine de travailleurs de la sidérurgie à Ahvaz, capitale de la province du Khuzestan, riche en pétrole. Cela s’est produit au 36e jour de grève des travailleurs, suite à un débrayage à cause de salaires impayés.

    Par P Daryaban, CIO

    Ces dernières semaines, des travailleurs affamés du groupe industriel de l’acier national et leurs familles sont descendus dans les rues d’Ahvaz. Ils ont crié contre les responsables locaux, la direction de l’usine et la «?mafia de l’acier?», qui a plongé les travailleurs dans la misère et la faim. Les luttes récentes des travailleurs de Haft-Tappeh et d’Ahvaz ont inspiré d’autres couches de la population. Des étudiants d’universités de différentes villes ont exprimé leur solidarité et des militants écologistes se sont joints à la marche des travailleurs à Ahvaz.

    Le régime, qui craint que les protestations continuelles ne s’étendent à d’autres branches, a décidé d’intimider les travailleurs. Cependant, un jour après la répression, les travailleurs sont toujours dans la rue et réclament la liberté de leurs collègues. Karim Sayyahi, un ouvrier métallurgiste, a pris la parole devant un rassemblement la veille de son arrestation et a déclaré : «?Le pouvoir des travailleurs est le pouvoir suprême. Ne craignez ni les menaces ni la prison. Ne craignez ni l’emprisonnement ni l’exécution, parce que vous êtes dans la rue pour vos droits.?»

    Travailleurs affamés

    La réponse du régime aux travailleurs affamés ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. Le régime qui a dépensé extravagamment des milliards de dollars pour sa politique expansionniste ambitieuse au Moyen-Orient, équipant et armant des groupes paramilitaires en Irak et en Syrie, et empochant la palme de chefs religieux réactionnaires dans de nombreux pays, est incapable de payer les salaires des travailleurs! La machine à propagande du régime diffuse hypocritement les luttes du peuple français, mais réprime brutalement les travailleurs affamés dans ses villes.

    Le groupe industriel national de l’acier, fondé en 1960, a une capacité de production de deux millions de tonnes de produits en acier. En 2009, il a été privatisé. Cependant, dans une situation qui a pris de l’ampleur à la suite des sanctions nucléaires et de la corruption et des conflits internes croissants, le régime a pris la place du propriétaire de l’usine, magnat et collaborateur d’un réseau de contrebande de pétrole qui travaillait de concert avec les forces militaires. Lors d’un procès-spectacle, le propriétaire de l’usine, Amir Mansour Arya, a été condamné à mort et l’usine a été confiée à de grandes banques d’État. Les banques, au lieu de rétablir la production, ont pillé l’usine et vendu une partie de ses machines. La crise qui a paralysé les usines du Khuzestan va se produire dans presque toutes les industries iraniennes. De toute évidence, ni le régime islamique fanatique ni aucun autre agenda procapitaliste ne peut régler le problème. Les travailleurs ayant évoqué l’idée d’une gestion par des conseils, seule une renationalisation sous le contrôle des travailleurs, capable d’organiser la production et la distribution en fonction des intérêts publics, peut constituer une solution urgente et immédiate.

    Dans ces circonstances difficiles et face à l’un des régimes les plus oppressifs du monde, les travailleurs iraniens ont besoin d’un message solidaire internationaliste fort de la part des travailleurs et travailleuses du monde entier.

  • La gauche marxiste, le conflit national et la lutte palestinienne

    La nécessité d’une approche de classe et d’une alternative socialiste

    Le Socialist Struggle Movement (Mouvement de lutte socialiste) participe à la lutte pour mettre fin à l’occupation et à l’oppression nationale des Palestinien·ne·s et pour une paix juste fondée sur l’égalité entre les deux groupes nationaux, y compris un droit égal à l’existence, l’autodétermination, la sécurité personnelle et le bien-être.

    L’escalade continue dans le conflit israélo-palestinien intensifiant la polarisation nationale et les tendances destructrices dans la société israélienne. Les horreurs de la guerre de Gaza en 2014, l’image de la victoire du parti Likoud aux élections de 2015, les attaques brutales et meurtrières constantes du régime israélien contre les Palestinien·ne·s (qui ne sont rien d’autre que du terrorisme d’État), les attaques contre les libertés démocratiques et la persécution politique accrue contre les député·e·s palestinien·ne·s (membres du Knesset, le parlement israélien) et des activistes anti-occupation parmi le public juif – tout cela a contribué à renforcer les humeurs pessimistes, d’abord parmi les Palestinien·ne·s des masses, y compris parmi le public arabo-palestinien en Israël, parmi plus les couches de gauche dans le public juif et parmi la gauche des deux groupes nationaux. En fait, la gauche en Israël est en crise ces jours-ci, comme on peut le voir ouvertement, entre autres, dans la direction du Parti communiste et Hadash (Front démocratique pour la paix et l’égalité – établi et contrôlé par le PC).

    Un sondage mené par Pew Research au cours du premier semestre de 2015 a montré que 48% des juifs traitaient positivement l’idée d’un transfert ou expulsion de résident·e·s arabes du territoire israélien. Ce chiffre s’ajoute à d’autres caractéristiques importantes du chauvinisme national d’une large couche dans le public israélien. Néanmoins, ce n’est pas un consensus absolu et il faut prendre en compte, par exemple, que 46% du public juif ou 58% des Juifs laïques, ont exprimé leur opposition à cette idée. Parallèlement, le sondage Peace Index de janvier a mis en évidence une polarisation de la population juive entre 45% qui soutiennent et 45% qui s’opposent à l’idée d’annexer à Israël les territoires occupés saisis en 1967.

    Parmi les masses palestiniennes, en particulier dans les territoires de 67, il y a une fois de plus un retrait significatif de l’appui à une position de « deux États », dans une mesure qui n’a pas été observée depuis plusieurs années. Les sondages d’opinion menés par des organisations palestiniennes pendant un certain temps reflètent constamment le manque de confiance dans la possibilité d’une solution au conflit et de la libération de l’oppression nationale. Ces humeurs expriment l’écœurement des promesses frauduleuses pour un « futur État », qui conduisent jusqu’ici à l’aggravation de l’oppression, l’extermination de masse et à la construction de colonies galopantes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. De plus, le régime Netanyahou montre clairement qu’il continue de s’opposer fermement à la création d’un État palestinien.

    Cependant, l’idée d’un État binational israélo-palestinien est toujours rejetée par une majorité encore plus grande de Palestinien·ne·s, car en fait, cela revient à abandonner la demande d’un État-nation palestinien indépendant (comme le reflètent systématiquement les sondages d’opinion, par exemple le sondage du CCMM au début de mars). Bien qu’il existe un sentiment de sympathie pour l’ancien programme de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) visant à créer un État-nation arabo-palestinien sur l’ensemble du territoire à l’ouest du Jourdain, cela n’est pas perçu comme un programme pratique. Un tel programme est en effet une utopie nationale bourgeoise. Ni l’OLP, ni les partis politiques palestiniens, le Fatah et le Hamas, n’ont de voie à proposer pour « occuper » Israël, qui est aujourd’hui la plus puissante puissance militaire de la région. Ainsi, les dirigeants pro-capitalistes de ces deux partis cherchent en dernière analyse à s’appuyer sur des alliances avec les puissances impérialistes pour que ceux-ci fassent pression sur Israël pour obtenir des concessions.

    En réponse aux attaques de l’État et à la réaction nationaliste du public juif, une tendance à la réclusion nationale des Palestinien·ne·s en Israël a été renforcée. Il y a une couche de jeunes qui se radicalisent et ont tendance maintenant à se référer avec suspicion et cynisme, non seulement à l’idée de « deux États », mais aussi à des slogans sur la « paix », la « coexistence » des deux nationalités, ainsi qu’aux mouvements sociaux qui se développent parmi les travailleurs et les jeunes dans le public juif israélien. Cette couche n’a aucune confiance dans la possibilité d’une lutte commune des travailleurs et des jeunes des deux groupes nationaux sur les conditions de vie et contre la discrimination, l’exploitation et l’oppression – ce qui est souvent considéré comme l’abandon d’une lutte sérieuse pour la libération nationale.

    Le renforcement périodique de ces approches, qui reflète parfois la rationalisation du désespoir politique, n’est pas surprenant, compte tenu de la rhétorique hypocrite du régime israélien, de la faiblesse de la gauche dans le public israélien, de l’expérience des dernières décennies et en particulier de l’expérience des accords d’Oslo, qui ont été promus sous de faux slogans sur la paix, mais qui ont assuré la continuation de l’oppression nationale sous d’autres formes brutales. À cela s’ajoute le dangereux chauvinisme national, exprimé aussi par un soutien scandaleux aux attaques sévères contre les Palestinien·ne·s, caractéristiques des dirigeant·e·s de la Histadrout (la principale organisation syndicale), du parti travailliste et du Meretz, les partis israéliens de gauche. En outre, les approches chauvines camouflées des mouvements libéraux, telles que « Peace Now », qui répandent des slogans sur la paix mais ne rejettent pas systématiquement et de façon radicale l’oppression des Palestinien·ne·s.

    À cette couche de jeunes Palestinien·ne·s poussé·e·s à la lutte, il n’y a pas d’alternative socialiste claire ou de gauche visible devant les programmes impérialistes frauduleux. Les mouvements politiques de gauche, en premier lieu le PC et Hadash, ont contribué à répandre des illusions dans les accords d’Oslo et dans des programmes similaires – et qui n’ont pas encore corrigé leur position – en assument une certaine responsabilité.

    Le phénomène des Juifs et des Arabes se photographiant, en particulier sur les lieux de travail, avec le message « Juifs et Arabes refusent d’être ennemis », ou manifestations conjointes de résident·e·s sous ce message, pour protester contre l’escalade de la violence nationaliste, est plutôt marginal, mais ce serait une erreur de le minimiser. C’est une réponse sincère et courageuse qui contribue à saper la réaction nationaliste dans la société et à promouvoir la solidarité de classe. Néanmoins, des slogans amorphes sur la « coexistence » et le « partenariat judéo-arabe » dans une réalité de séparation nationale profonde et d’oppression nationale brutale de l’opinion arabo-palestinienne ne peuvent pas suffire. Une véritable lutte politique commune des travailleurs et des jeunes des deux groupes nationaux exige, en bout de ligne, un programme pour l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’oppression nationale des Arabes et des Palestinien·ne·s, et de manière générale.

    Faire progresser une lutte aussi large est l’une des tâches importantes de la gauche socialiste parmi les deux groupes nationaux. Le mouvement de lutte socialiste s’oppose complètement à la répression politique et à la violente chasse aux sorcières menée contre le public arabo-palestinien en Israël, indépendamment des controverses politiques avec d’autres mouvements, y compris de la droite palestinienne. Nous avons explicitement, et de manière explicative, opposé la mise hors la loi du Mouvement Islamique du Nord – une démarche hypocrite et dangereuse destinée à aider le régime israélien à viser les populations arabo-palestiniennes et musulmanes en Israël comme des boucs émissaires, destinés à criminaliser et réprimer les luttes politiques parmi ce public et envoyer un message menaçant à d’autres mouvements politiques en conflit avec le régime, d’abord les mouvements palestiniens, mais pas uniquement.

    L’absence de mouvements sociaux de travailleurs et de jeunes en Israël, depuis le mouvement de protestation de 2011, permet de renforcer la perception isolationniste de la « politique identitaire » parmi les groupes opprimés dans la société. Dans ce contexte, de nombreux militants concluent que la lutte politique contre l’oppression nationale des Palestiniens nécessite une stratégie basée sur « l’unité nationale » qui traverse les classes sociales et les approches politiques. C’est aussi une réponse aux mesures de répression et à la politique du « diviser pour régner » utilisée par le régime israélien. Il essaie de déchirer les masses palestiniennes sur une base géographique, religieuse et ethnique – y compris en encourageant le militarisme israélien et le projet militaire des citoyens arabes en Israël – nuisant ainsi au potentiel d’une lutte large et efficace contre l’oppression nationale. Le rejet de l’instigation du conflit ethnico-religieux est définitivement juste, tout comme la compréhension qu’un mouvement large et fort est nécessaire.

    La forme embryonnaire de l’État policier capitaliste représenté par l’Autorité palestinienne du Fatah et de l’OLP, et son parallèle dans sa version islamiste dirigée par le Hamas dans la bande de Gaza, sont un signe avant-coureur de la direction dans laquelle les dirigeants pro-capitalistes de droite peut mener. L’atténuation des différences politiques au sein de la minorité arabo-palestinienne au nom de « l’unité nationale » finit par faire le jeu de la droite israélienne, qui cherche à isoler ce public afin de faciliter la politique de répression.

    Dans la perspective des élections de 2015, malheureusement, Hadash n’a pas insisté pour proposer une alternative de gauche de premier plan au niveau national. Au lieu de cela, il a capitulé devant les pressions et s’est associé à la fondation de la « liste commune », en tant que coalition de forces de gauche et de droite dans le public palestinien, y compris les forces pro-capitalistes et conservatrices. La gauche est l’aile nécessaire pour faire les concessions significatives dans cette alliance. Le profil national du Hadash, en tant que force de gauche la plus importante à ce niveau, a été obscurci. Comme nous l’avions prévu, malgré les discussions sur un développement « historique », la liste commune n’a pas, jusqu’à présent, mené de lutte significative et n’a pas réussi à présenter des résultats essentiels. Elle reste « neutralisée » dans le domaine parlementaire et, par conséquent, a également déçu des couches de partisans qui y ont placé leurs espoirs.

    Les couches plus larges du public arabe, dont la majorité vivent sous le seuil de la pauvreté et subissent une offensive quotidienne en raison de leur origine nationale, s’intéressent, à long terme, à des solutions pratiques aux problèmes criants de la pauvreté et de la discrimination. Mais les forces politiques sur la liste n’arrivent pas à esquisser un objectif de lutte efficace pour le changement – elles n’arrivent pas à mettre de l’avant une véritable opposition à la droite israélienne, la domination de Netanyahu, l’oppression nationale et le capitalisme israélien. Les faiblesses du programme politique, y compris en ce qui concerne le changement socialiste, et le manque de confiance dans les luttes de la classe ouvrière et des masses, sont à l’origine de l’approche étroite du Hadash dans le domaine parlementaire et l’orientation des campagnes électorales. Cela se fait d’une manière presque détachée de la construction d’une lutte extra-parlementaire, et cette approche se reflète également dans des alliances politiques sans principes.

    Certains dirigeants du Parti communiste peuvent prétendre que leur approche est « pratique » pour changer la réalité dans des circonstances complexes. Bien sûr, les organisations politiques sérieuses doivent examiner quand il est nécessaire de changer les demandes et les tactiques. Mais pour la gauche marxiste, de tels changements devraient être faits sur la base d’une approche de principe et de classe. Malheureusement, ce n’est pas l’approche de la direction du PC, qui a tendance à adopter une approche réformiste qui affaiblit la gauche, car elle nourrit des illusions de solutions dans le cadre de la société capitaliste, garde des couches larges dans un rôle relativement passif et abandonne la construction d’une lutte politique basée sur la classe ouvrière dans la société. La même logique conduit le PC et Hadash à se ranger du côté de l’impérialisme russe, du régime Assad et du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie, en tant que forces jouant un rôle « progressiste », selon la tradition stalinienne de tendre aux forces en conflit avec les puissances impérialistes occidentales.

    D’autre part, si les forces de gauche à Hadash avaient adopté une approche de classe et un programme socialiste de manière centrale et proéminente, ils auraient pu utiliser beaucoup plus efficacement leur poids relatif au niveau national afin de défier les forces de droite dans les deux groupes nationaux. Notre organisation au niveau national et international est pleinement engagée à promouvoir la solidarité internationaliste avec la lutte des masses palestiniennes pour la libération de l’oppression nationale, et s’engage également à contribuer à la discussion en ce qui concerne la façon dont cette lutte pourrait être gagnée.

    D’une manière générale, et compte tenu des ambitions actuelles et de l’intensification brutale des mesures répressives à l’encontre des Palestinien·ne·s, ne serait-il pas opportun de promouvoir actuellement un programme de « deux États » pour résoudre le conflit? Dans le contexte du Moyen-Orient capitaliste d’aujourd’hui, le sens de cette revendication est en effet la fondation d’un État fantoche néo-colonial pour les Palestiniens, et non une véritable indépendance nationale. Les problèmes fondamentaux des masses palestiniennes ne seraient pas résolus et le conflit sanglant continuerait.

    Par contre, l’idée d’un État binational est complètement utopique dans un contexte capitaliste – la majorité décisive des deux nationalités ne sont pas intéressées à renoncer à l’indépendance nationale et à partager un seul État, et même si un tel État serait contraint, il serait basé sur l’inégalité et un schisme national profond. Ce fait souligne qu’à ce stade, même si le mot d’ordre de « deux États » suscite de plus en plus de suspicion, l’idée d’une solution basée sur deux États nationaux – mais dans un contexte socialiste – est encore nécessaire. À ce stade, avancer un programme qui propose une solution sous la forme d’un État commun pour les deux nationalités, même un État socialiste, n’est pas capable de fournir une réponse fondamentale aux peurs, aux soupçons et au désir intense d’indépendance nationale pour les deux groupes nationaux. Néanmoins, le rôle de la gauche marxiste est aussi d’expliquer que les couches de la classe ouvrière et les masses de tous les groupes nationaux ont, à la base, un intérêt dans une lutte unitaire autour d’un programme de changement socialiste.

    Bien que des luttes significatives puissent certainement gagner des accomplissements importants auparavant, seulement sur une base socialiste, il sera possible d’assimiler les conditions de vie des Palestinien·ne·s à celles des Israélien·ne·s – et d’élever, en fait, le niveau de vie général bien au-delà des meilleures conditions qui pourraient être atteintes sous le capitalisme – et de garantir une complète égalité des droits dans tous les domaines. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de s’assurer que toutes les ressources de la société servent rationnellement et démocratiquement le bien-être des masses, et permettront également l’investissement nécessaire des ressources pour les réfugiés palestiniens – une solution juste de leur situation exige une lutte pour garantir les conditions de bien-être et d’égalité dans la région, et la promotion du dialogue direct et du consentement, qui inclurait la reconnaissance de l’injustice historique et du droit au retour. Dans ces circonstances, la diminution de l’aversion mutuelle et du schisme national peut aussi préparer le terrain pour un État socialiste commun.

    Les approches des sections de la gauche internationale, qui adoptent une approche nationale étroite du problème et proposent d’ignorer les craintes de millions de juifs israéliens et leur volonté d’autodétermination nationale, ne présentent aucun moyen sérieux de trouver une solution. Le processus catastrophique d’occupation, d’expropriation et d’oppression des Palestinien·ne·s par le mouvement sioniste et l’État d’Israël n’annule pas le fait que des masses de réfugiés juifs des pays européens et des pays arabes et musulmans ont été cyniquement exploitées par les puissances mondiales et par l’élite nationaliste sioniste. La référence nationaliste simpliste à tous les juifs israéliens en tant que « colons » ignore le fait que la majorité d’entre eux sont nés dans le pays, sans aucune affinité avec un autre pays.

    Considérant l’histoire de l’Holocauste, la persécution des Juifs et les menaces antisémites des forces arabes et islamistes réactionnaires au Moyen-Orient, un programme qui proposerait que des millions d’Israélien·ne·s renoncent simplement à l’indépendance nationale sera perçu comme un plan « d’annihilation ». Cela poussera plus fortement la classe ouvrière israélienne entre les mains de la droite israélienne et pour une « guerre de survie » par tous les moyens, y compris les armes nucléaires. Plus que cela, même dans un scénario sanglant hypothétique dans lequel une force externe subjuguerait militairement Israël, alors des millions de Juifs israéliens deviendraient une minorité nationale opprimée et le conflit national continuerait sous une nouvelle forme terrible.

    Certes, le mouvement sioniste et l’État d’Israël ont mis en œuvre, et mettent en œuvre jusqu’à ce jour, une politique colonialiste visant à repousser et à exproprier la population arabo-palestinienne en faveur de la population juive israélienne. Cette politique comprend non seulement l’idée de déraciner la population palestinienne et la construction de colonies actuellement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, mais aussi des plans organisés par l’État pour la judaïsation des territoires, en particulier dans le Néguev et en Galilée. La classe dirigeante israélienne considère les masses palestiniennes expropriées comme une menace existentielle pour l’avenir de sa domination. Le régime capitaliste israélien, qui est toujours en conflit avec la population palestinienne et avec les populations arabes et musulmanes de la région, s’efforce de fonder son existence sur le soutien mobilisateur de la population juive en Israël et par des collaborations avec la politique impérialiste des puissances capitalistes, en particulier les États-Unis, ainsi que les régimes autocratiques qui sont prêts à faire des affaires avec elle.

    Dans ce contexte, il y a des courants dans la gauche qui s’opposent au « droit d’existence » d’Israël. Bien sûr, la gauche marxiste s’oppose à tous les régimes d’oppression dans la région et dans le monde. Mais sur cette base, on pourrait aussi opposer le « droit d’existence » des États-Unis, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de la France, qui, en tant que puissances impérialistes majeures, ont causé les plus grandes horreurs de l’histoire. Certains prétendent que le droit à l’existence d’Israël devrait être spécifiquement combattu parce que c’est un État-nation « inventé » et établi sous le patronage des puissances capitalistes pour servir leur politique impérialiste au Moyen-Orient, et parce qu’il est été établi par l’expropriation des masses palestiniennes.

    Cependant, en général, les frontières nationales au Moyen-Orient, que les guerres civiles en Irak et en Syrie sapent actuellement, ont été dictées en grande partie par les puissances impérialistes, à travers l’accord Sykes-Picot signé secrètement il y a cent ans suivant les accords impérialistes. La revendication des États nationaux, que les puissances impérialistes ont créée de facto ou nourrie à leur profit, peut également aller à l’encontre du droit à l’existence d’une série d’autres États dans le monde, y compris dans les anciens territoires de l’URSS, les Balkans ou Taiwan, par exemple.

    En dehors de cela, bien que le processus d’établissement de l’État d’Israël ait des caractéristiques uniques, il faut tenir compte qu’une longue liste d’états nationaux ont été créées de manière tragique à la suite des occupations, du déracinement massif des populations, de l’expropriation coloniale et de la politique nationaliste visant à modifier la composition démographique en faveur du groupe national-ethnique au pouvoir. Cependant, la question importante, également par rapport aux États-Unis par exemple, est de savoir comment il est possible de passer d’une réalité d’oppression et de vol à une solution aux problèmes fondamentaux et à l’établissement d’une société nouvelle, démocratique et égalitaire. La gauche marxiste ne peut pas se contenter de montrer le caractère réactionnaire des régimes et leur histoire sanglante – elle doit montrer comment les nations capitalistes et impérialistes sont fondées sur des contradictions, comment elles pourraient se scinder en classes et comment il serait possible de surmonter les calamités de l’ère capitaliste et impérialiste de cette façon. Ainsi, l’État d’Israël n’est pas seulement un État colonial/colonisé, gouverné par une nationalité et expropriant une autre – c’est aussi un état capitaliste d’exploitation et d’oppression de classe dans une société de classe en crise.

    Des parties de la gauche internationale ont tendance à adopter une attitude nationaliste envers les millions de Juifs israéliens, comme un bloc de réaction, une société de colons, dans laquelle la contradiction fondamentale n’en est pas une de classe mais nationale, et dans laquelle les masses n’ont aucun intérêt réel à mettre fin à l’oppression des Palestiniens, à la libération sociale ou au changement socialiste. C’est une abstraction grossière de la réalité. Une telle approche réduit, en fait, la responsabilité des généraux, des magnats et des partis nationalistes pour les horreurs qu’ils aident à créer. C’est une approche qui dépeint la société israélienne d’une manière non dialectique et presque sans contradiction interne.

    Bien que l’antagonisme national soit généralement le plus important et freine le développement de la lutte de classe du côté des travailleurs, l’antagonisme de classe est néanmoins la contradiction interne fondamentale qui sape « l’unité nationale » et représente le potentiel pour dépasser la société capitaliste israélienne et construire une nouvelle société. Objectivement, et indépendamment des humeurs et des perceptions réactionnaires qui sont répandues au stade actuel, la classe ouvrière israélienne a un rôle clé à jouer dans la lutte contre le capitalisme israélien et pour le changement socialiste de la société.

    Certes, certaines couches de la classe ouvrière israélienne, par exemple dans les grandes colonies, sont « soudoyées » afin de soutenir politiquement l’entreprise de colonisation, y compris avec certains avantages économiques directs et indirects. Mais une analyse plus large des intérêts de la classe ouvrière n’indique aucun intérêt économique essentiel, ni un véritable « profit politique ». Les capitalistes israéliens profitent des zones industrielles des colonies et généralement de la surexploitation des Palestinien·ne·s comme main-d’œuvre bon marché (bien que ce soit une part restreinte de l’ensemble des profits de la classe capitaliste israélienne, alors que la politique principale du sionisme et du capitalisme israélien aux Palestiniens est le déracinement et l’expropriation, dans le but de renforcer la base sociale du régime). En outre, il est intéressant de noter que les capitalistes sont moins exposés que les travailleurs aux confrontations basées sur le nationalisme dans les rues et les lieux de travail et aux risques de sécurité personnelle résultant du conflit.

    La classe ouvrière israélienne-juive – les travailleurs discriminé·e·s de Mizrahi et les milieux éthiopiens et les anciens travailleurs de l’URSS, mais aussi les travailleurs descendants ashkénazes – ne souffre pas le même niveau d’oppression et de pauvreté que les masses palestiniennes. Mais elle souffre collectivement du « diviser pour régner » sur une base nationale, rivalisant dans une course contre la main-d’œuvre bon marché, et souffre surtout des conséquences politiques du conflit perpétué. Généralement, les couches non négligeables ont même tendance, dans une certaine mesure, à avoir une attitude réservée vis-à-vis de l’entreprise de colonisation et à en être aliénées. La réaction nationaliste-raciste en son sein ne repose pas, fondamentalement, sur un intérêt économique mais surtout sur des peurs existentielles sur la sécurité (plus que tout autre problème, notamment la discrimination ethnique historique de Mizrahis, que les partis Likoud et Shas exploitent cyniquement). Cela signifie que cette section est politiquement enchaînée à la classe dirigeante sur la base d’une fausse politique capable de répondre à ses intérêts de sécurité. Comme mentionné précédemment, au profit de la classe dirigeante israélienne, d’autres forces réactionnaires au Moyen-Orient se mobilisent pour contribuer à ce résultat.

    Il existe de puissants mécanismes idéologiques permettant au nationalisme sioniste de mobiliser le soutien même parmi les parties du public arabo-palestinien en Israël, particulièrement les travailleurs·eus druzes et bédouins et les pauvres, mais cela ne signifie pas que ces mécanismes sont basés sur les intérêts fondamentaux de ces groupes. La gauche marxiste devrait aider à faire la lumière sur le fait que, finalement, l’intérêt fondamental de la classe ouvrière des deux côtés du schisme national est une lutte commune contre les crimes de la classe dirigeante israélienne. Le conflit israélo-palestinien n’est bien sûr pas symétrique et il a un caractère national-colonial, entre une nationalité oppressive et expropriante et une nationalité opprimée et expropriée. Mais la gauche marxiste ne peut pas adopter une approche nationaliste simpliste de la société israélienne. Contrairement aux idées qui favorisent la « normalisation » de l’occupation et de l’oppression des Palestiniens – y compris les relations économiques et militaires entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement Netanyahou – la gauche marxiste devrait promouvoir la lutte contre l’oppression nationale, le dialogue et les luttes conjointes des deux côtés de la fracture nationale, en particulier des travailleurs, ce qui aidera à clarifier les grands intérêts communs dans une lutte contre le capitalisme israélien et pour une nouvelle société, sans aucune discrimination nationale.

    Alors que les approches qui cherchent à mettre une « culpabilité collective » et à prendre, par exemple, l’action d’un boycott généralisé contre la société israélienne, pourraient donner l’impression que la lutte est généralement contre les Israélien·ne·s et ainsi faire le jeu de l’aile droite israélienne, une approche de classe à la société israélienne, ainsi que des initiatives de boycott plus sélectives et ciblées, pourraient constituer une menace beaucoup plus sérieuse contre la droite israélienne. Contrairement aux traditions staliniennes, la gauche marxiste n’abandonne jamais une analyse de classe ou un programme politique de classe en faveur d’une approche nationale ou « patriotique » des luttes progressistes qu’elle soutient, même lorsqu’il s’agit de luttes de libération nationale.

    Notre programme politique de base est la lutte pour éradiquer toutes les formes de discrimination et d’oppression dans la société et pour une société socialiste au niveau régional et mondial, qui surmontera tous les schismes nationaux et ethniques. Cependant, il ne suffit pas de parler uniquement de la future société socialiste, surtout si l’on considère la centralité de la lutte nationale des Palestiniens et le conflit national. Dans les circonstances actuelles, un programme qui inclura la reconnaissance d’un droit égal à l’existence et à l’autodétermination, qui sera exprimé dans deux états socialistes avec des droits égaux, avec des droits égaux pour les minorités, et aspirant à ce que les deux états travaillent volontairement dans un cadre confédératif commun et dans le cadre d’une confédération d’États socialistes de la région, pourrait potentiellement convaincre de larges couches des deux côtés de la fracture nationale et servir de base à une lutte commune contre le capitalisme israélien et pour la justice sociale et la paix. Nous ne présumons pas une carte prête à l’emploi avec de nouvelles frontières – cette question et d’autres finiront par être décidées à la suite de processus démocratiques menés par de larges mouvements.

    Tenant compte des profondes lacunes actuelles dans les perceptions politiques des deux côtés de la fracture nationale et dans la région, influencés en ce moment par le manque de partis socialistes forts, et compte tenu de la suspicion à l’égard de la position des « deux États », il est clair que le point de départ pour expliquer et promouvoir ce programme, y compris par des slogans politiques, ne peut être identique dans toutes les situations. Mais le programme lui-même est à notre avis le programme objectivement nécessaire aujourd’hui. En même temps, nous sommes certainement ouverts au développement d’une discussion fructueuse sur cette question avec les mouvements de gauche et socialistes des deux côtés et au niveau international.

    La tendance des parties de gauche à identifier arbitrairement les tendances dangereuses de la réaction dans la société israélienne comme « fascisme » est dangereuse sur le plan politique, car elle peut conduire à des conclusions erronées sur les opportunités à l’ordre du jour et sur la stratégie et la tactique l’étape actuelle. D’ailleurs, les attaques sévères contre les libertés démocratiques en Turquie, en Russie ou en Égypte, aussi brutales soient-elles, ne représentent pas des régimes fascistes.

    Néanmoins, il existe un besoin important de formations de défense communautaire – démocratiques et armées si nécessaire – contre les attaques des colons, de l’armée et de la police dans les villes palestiniennes de Cisjordanie, à Jérusalem-Est, en même temps qu’il y a un besoin de forces politiques de gauche et socialistes qui proposeraient un moyen de lutte politique pour le changement. Il est clair que l’organisation d’une lutte politique est plus complexe dans les territoires de 67 dans des conditions de répression intense et meurtrière – tout militant risque l’emprisonnement et la mort – d’abord sous la dictature militaire du régime israélien, mais aussi sous les gouvernements de l’Autorité palestinienne et le Hamas. La grève de masse populaire organisée par les enseignants en Cisjordanie en février-mars a été la plus grande lutte des travailleurs des dernières années dans les territoires de l’Autorité. Elle a réussi à secouer un syndicat bureaucratique, a secoué l’Autorité palestinienne elle-même, qui sert de sous-traitant de l’occupation, et a ramené à l’ordre du jour la perspective d’un mouvement de couches plus larges vers la lutte.

    Des développements de ce type peuvent créer la base de la croissance des forces de gauche et socialistes qui proposeront une alternative à l’impasse des dirigeants de droite du Fatah et du Hamas. Promouvoir l’idée d’assemblées populaires dans les villes et les quartiers pourrait aider à développer une discussion sur la stratégie, les tactiques et les demandes, à impliquer des couches plus larges et à élire des comités d’action démocratiques. Le régime Netanyahou est loin de s’appuyer sur un large soutien du public israélien. Il est nettement plus faible que le régime de Sharon lors de la deuxième Intifada. Il a été présenté avec – en 2011 – le plus grand mouvement de protestation sociale dans l’histoire d’Israël et avec une série de luttes sociales. Malgré l’utilisation claire de la démagogie nationaliste-raciste pour mobiliser les électeurs, Netanyahou n’a pu former au Knesset que des coalitions gouvernementales de majorités très éprouvées, qui n’ont été rendues possibles que par l’aide de nouveaux partis capitalistes qui promettaient un « changement », comme ceux de Lapid et Kahlon.

    D’une part, l’idée que l’oppression des Palestiniens et les problèmes du conflit seraient résolus à la suite des pressions exercées sur Israël par d’autres gouvernements capitalistes est une illusion. La solution ne viendra pas de l’extérieur. Mais néanmoins, les développements qui montrent le potentiel et les réalisations pour les mouvements de masse et pour la gauche régionale et internationale ont influencé – comme cela s’est produit pendant les révolutions arabes en 2011 – et influenceront encore l’ouverture aux idées de gauches, de classe et socialistes parmi les couches de la classe ouvrière et la classe moyenne dans les deux groupes nationaux. Le tremblement de terre politique représenté par la campagne de Sanders aux États-Unis est déjà un certain point de référence.

    La promotion de collaborations fondées sur des principes entre les forces politiques de gauche pourrait aider à surmonter l’absence d’une force politique basée sur la classe ouvrière dans les deux groupes nationaux et à commencer à mettre une alternative socialiste à l’ordre du jour national. Le Socialist Struggle Movement est pleinement engagé dans une lutte basée sur une approche de classe et internationaliste et nous avons pleinement confiance dans le potentiel des idées socialistes et marxistes pour convaincre et gagner le soutien des deux côtés de la fracture nationale.

  • Gaza, Jordanie : le retour de la lutte de masse au Moyen-Orient

    Photo : Wikimedia

    Guerre en Syrie, terrorisme d’État israélien dans les territoires palestiniens occupés, instabilité et dictatures, la situation au Moyen-Orient est loin d’être rose. Il existe toutefois des éléments plus positifs. Comme les tentatives des régions kurdes de construire une alternative à la guerre et à la division sectaire au Nord de la Syrie, hélas aujourd’hui sous la pression de l’agression de l’armée turque. Ces dernières semaines ont aussi connu un puissant mouvement social en Jordanie de même qu’une mobilisation de masse à Gaza.

    Par Koerian (Gand)

    Jordanie : l’austérité pousse à la révolte

    Les manifestations et les grèves ont conduit à la démission du Premier ministre jordanien au début du mois de juin. Jusqu’à récemment, la Jordanie était considérée comme un facteur stable dans une région plongée dans les troubles. Pendant le processus de révolution et de contre révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord en 2011, le pays était resté relativement calme et tenu en laisse par les États-Unis et le FMI.

    Le FMI a forcé le roi Abdallah II et le premier ministre Mulki à appliquer un programme d’économies budgétaires en échange d’un prêt de 723 millions de dollars destiné à réduire la dette publique, représentant 96% du PIB. L’Arabie saoudite a cessé de fournir son aide à la Jordanie fin 2017, ce qui a plongé le pays dans la tourmente économique.

    Les taxes ont fait grimper le prix des services et des biens de base comme l’eau et le carburant. Cela a mis la classe ouvrière et les pauvres sous pression. La Jordanie connaissait déjà un taux de chômage de 18,5% et 20% de sa population vit sous le seuil de pauvreté.

    La grève générale et les protestations massives ont commencé en réaction à l’augmentation de l’impôt sur le revenu des travailleurs, y compris les plus faibles. La classe ouvrière appauvrie et la classe moyenne se sont unies dans la résistance. Les médias sociaux ont explosé et les rues ont été occupées. Le gouvernement avait augmenté les prix de l’électricité et du carburant pour la cinquième fois cette année, jetant encore plus d’huile sur le feu. Les syndicats des secteurs privé et public ont uni leurs forces, les stations-service ont été boycottées et des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre les coupes budgétaires, les diktats du FMI et même contre le Roi.

    La maison royale et les États du Golfe tentent de calmer le jeu

    L’ampleur des manifestations était telle que le roi Abdallah n’a pas pu les arrêter. Craignant pour sa propre position, il a choisi de sacrifier le premier ministre et est revenu sur les dernières hausses de prix.

    Bien que l’élite jordanienne soit sur la défensive, les dirigeants syndicaux se sont laissé voler l’initiative. La première tempête semble être passée, mais le risque de nouvelles mobilisations sociales est élevé. Le nouveau Premier ministre, Razzaz, provient de l’ancien cabinet et est un ancien collaborateur de la Banque mondiale, tout entier acquis à la doctrine néolibérale.

    Entre le marteau d’une classe ouvrière à la confiance renforcée et l’enclume du FMI, le gouvernement cherche une fois de plus le soutien de l’étranger, principalement des pays du Golfe. L’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis ont promis une nouvelle aide de 2,5 milliards de dollars. Ce soutien peut donner un peu de répit à l’élite jordanienne, mais il n’offre pas de solution à la crise fondamentale que traverse le pays.

    Une vague régionale de protestations

    Dans une région qui a connu une vague de mouvements révolutionnaires en 2011 et 2012, avec des mesures néolibérales et des régimes autoritaires qui vacillaient, un tel soulèvement a le potentiel de faire tâche d’huile. Au début de cette année, des soulèvements de masse ont eu lieu en Iran et, en Egypte, les troubles sociaux peuvent reprendre à tout moment. Un soulèvement réussi peut donner aux jeunes et aux travailleurs de toute la région la confiance nécessaire pour entrer en action. Ce n’est pas pour rien que l’Arabie saoudite semble répondre à la demande de soutien jordanienne : une nouvelle vague de soulèvements dans la région pourrait menacer le régime saoudien lui-même.

    Rébellion à Gaza

    Des actions de masse ont lieu depuis le 30 mars contre le siège de Gaza par Israël ainsi qu’en faveur du droit au retour des réfugiés palestiniens. Israël a réagi avec une répression sanglante : plus de 150 hommes, femmes et enfants ont été tués par les forces de défense israéliennes, des milliers d’autres ont été blessés.

    Pour démolir ce nouveau mur de répression, la solidarité internationale des travailleurs est nécessaire. Une lutte bien organisée, avec un programme qui offre des solutions réelles aux besoins des masses palestiniennes, peut renforcer la solidarité avec les travailleurs de Jordanie, du Liban et aussi d’Israël. La lutte en Jordanie peut représenter une source d’inspiration et une voie à suivre. Aujourd’hui, plus de deux millions de Palestiniens vivent en Jordanie et ces pays entretiennent des liens historiques.

    A la fin des années 1980, sur base de grèves et d’un soulèvement populaire généralisé et bien organisé, la première Intifada palestinienne a pu poser un véritable défi au régime israélien. Cependant, au lieu de forger des liens avec la classe ouvrière organisée de la région sur base d’un programme social, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a négocié avec les régimes de ces pays et de l’Occident. Elle a étouffé l’Intifada avec les accords d’Oslo, ce qui n’a fait que renforcer l’emprise d’Israël sur les territoires palestiniens.

    Des exigences telles qu’une sécurité sociale adéquate, de bons emplois permanents et une éducation gratuite peuvent unir les travailleurs au-delà des frontières nationales contre leurs régimes répressifs respectifs. Bien que la lutte en Jordanie semble avoir pris fin pour le moment, toute protestation constante des travailleurs dans la région pourrait déclencher un raz-de-marée et emporter les élites autoritaires de la région.

  • Iran : L’économie au bord de l’effondrement

    Manifestation ouvrière, Tehran, 1er mai 2018 (Armin Karami, farsnews.com/CC)

    Semaine après semaine, la crise économique aiguë en Iran amène de nouveaux groupes sociaux à se confronter au régime. Il y a six mois, les pauvres, les chômeurs et les jeunes désillusionnés de dizaines de petites villes et de villes périphériques se sont engagés dans des manifestations sans précédent, mais pas inattendues. Les manifestations de rue, les grèves, les rassemblements de protestation et les piquets de grève des travailleurs industriels, des paysans pauvres, des femmes, des adeptes du soufisme et ainsi de suite ont continué sans cesse. Dans tous ces cas de figure, le régime s’est avéré incapable de proposer une solution.

    Par P. Daryaban, Comité pour une Internationale Ouvrière

    De plus, les reportages concernant la corruption et la mauvaise gestion des biens publics sont davantage apparus sur les médias sociaux, ce qui a ajouté de l’huile sur le feu de la colère des masses. Avec l’arrivée de la saison chaude, les problèmes environnementaux – en particulier le déclin des ressources en eau – ont affecté une grande partie du pays. Dernièrement, cela a donné lieu à des manifestations à Khorramshahr, une ville située dans la province du Khuzestan, essentiellement peuplée d’Arabes. Le manque d’eau potable dans la ville pendant des semaines a provoqué des affrontements sanglants entre la population locale et les forces de sécurité. Très vite, les habitants des villes voisines ont organisé des rassemblements de solidarité. Le régime, qui a gaspillé des milliards de dollars en rivalité avec d’autres puissances régionales et dans son programme nucléaire avorté, doit maintenant faire face aux crises accumulées au fil des ans en raison de la négligence et de la corruption du régime.

    Le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire de 2015 et le fait qu’ils ont déclaré qu’ils puniraient l’Iran par “les sanctions les plus sévères de l’histoire” ont aggravé la situation. L’administration Rouhani, qui s’est vantée d’avoir introduit l’accord nucléaire (connu sous le nom de Plan d’action global commun) comme solution ultime, a soudain senti le sol se dérober sous ses pieds.

    Tous contre un !

    La confrontation de classe a atteint un nouveau sommet. Bien que la classe ouvrière iranienne ait toujours souffert de la pauvreté, de l’insécurité de l’emploi, de l’humiliation et du déni du droit de former ses propres organisations indépendantes de base, elle ressent plus que jamais ses conditions de vie intolérables. Même dans le secteur pétrolier et gazier, où les travailleurs gagnaient des salaires plus élevés, la situation a changé. Maintenant, les contrats temporaires, les retards de paiement et les licenciements de masse sont fréquents.

    Le 25 juin, les commerçants des deux centres commerciaux de Téhéran se sont mis en grève et un certain nombre d’entre eux sont descendus dans la rue pour exprimer leur mécontentement face à la flambée des prix et à la baisse du pouvoir d’achat, qui ont plongé le pays dans une profonde récession. La crise croissante a endommagé non seulement la classe ouvrière, mais aussi la petite bourgeoisie et la bourgeoisie moyenne inférieure.

    Face à la colère du peuple contre le pillage et à la corruption du régime, l’administration Rouhani a tenté d’échapper aux accusations. C’est ainsi que la liste des destinataires des devises étrangères subventionnées par l’État à utiliser pour l’importation a été lentement divulguée. Nombre de ces importateurs sont soupçonnés de recevoir ces subventions mais de vendre leurs importations à des prix calculés sur base des taux du marché libre, ou même de vendre leur quota sur le marché libre. Ces entreprises entretiennent généralement de bons contacts avec des fonctionnaires corrompus ou ont été fondées par des fonctionnaires qui eux-mêmes ont accès à des ressources financières et à des secrets d’affaires. Il semble donc que ces entreprises sont les seules à avoir profité du marché chaotique.

    Restructuration de capital

    Après la révolution de 1979, la grande bourgeoisie iranienne de l’époque s’est désintégrée. Les membres de cette classe qui étaient unis autour du monarque ont perdu leur pouvoir social et leurs biens ont été confisqués et nationalisés. Après la fin de la guerre Iran-Irak, en 1988, la classe capitaliste a trouvé un nouvel élan avec les plans de développement de l’ancien président Hashemi-Rafsanjani. Bien que le projet d’industrialisation ait failli échouer et que de nombreuses zones industrielles soient restées incomplètes, le capital a commencé à s’accumuler. Ces nouveaux grands capitalistes sont issus des couches supérieures des capitalistes moyens qui collaboraient avec les fonctionnaires du régime, les banques et la bureaucratie. En jetant un œil sur le conseil d’administration des sociétés privées et semi-étatiques, nous constatons qu’il s’agit d’une armée d’anciens bureaucrates, technocrates, officiers militaires, députés et ministres qui ont occupé des postes clés et sont grassement rémunérés.

    Au fil des ans, ils ont surtout investi dans le développement du logement, dans l’importation, dans l’exportation, dans les industries et dans l’agriculture dans une moindre mesure, en collaboration avec des fonctionnaires corrompus et des militaires qu’ils ont transformés en une classe influente. Les investissements dans la construction de logements ont à peu près doublé entre 2000 et 2010.

    Le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), qui fonctionne comme un gigantesque complexe militaro-économique, est lui-même le foyer de grands capitalistes qui débutent comme superviseurs d’entreprises liées au Gardiens de la révolution et apparaissent ensuite comme capitalistes privés.

    Comme l’ensemble du régime, le CGRI reflète la contradiction entre agir en tant que classe capitaliste conventionnelle et agir en tant que bande de pillards qui ne se soucient pas de l’avenir du système. De plus en plus, le régime se trouve à la croisée des chemins pour choisir s’il veut être lié au capitalisme mondial ou aux parasites qui vivent des ressources pétrolières et gazières.

    Avec la crise économique qui a entraîné une baisse de la demande, les capitalistes sont passés du logement à des activités spéculatives, telles que le commerce de l’or et des devises étrangères. Ces derniers mois, le gouvernement a essayé de canaliser cet argent “chaud” vers des activités productives en abaissant légèrement les taux d’intérêt, sans succès. L’argent coule et se trouve là où le profit peut être fait facilement. Il dévore tout comme une inondation, surtout les devises étrangères et l’or.

    Le gouvernement a commencé à vendre par anticipation plus de sept millions de pièces d’or qu’il devrait produire au cours des deux prochaines années afin de recueillir d’énormes liquidités. D’autre part, le gouvernement a décidé de réduire l’impôt sur les transactions boursières de 0,5 pour cent à 0,1 pour cent des transactions. 50 personnes seulement ont acheté 5 pour cent des pièces de monnaie, selon les agences de presse. Un spéculateur a acheté 244.000 pièces d’or (d’une valeur d’environ 86 millions de dollars). Un économiste a déclaré à l’agence semi-officielle de l’ISNA que les 500-600 trillions de rials (environ 60-70 milliards de dollars) ont déjà été “neutralisés” et qu’environ 400 trillions de rials (environ 50 milliards de dollars) représentent toujours une menace. Bien sûr, l’argent retiré de la circulation n’a pas été investi dans la production mais, comme le dit cet économiste, a été dépensé pour acheter de l’or, des automobiles et des biens immobiliers.

    Perspectives

    La seule façon qui semble pouvoir soulager la crise sur une base capitaliste est de libérer cet énorme stock d’argent et de l’investir dans la production, même si cela ne réduira pas la souffrance de la classe ouvrière. Cependant, le régime bonapartiste n’a pas été en mesure de le faire. Sa politique étrangère ambitieuse et sa concurrence acharnée avec les régimes rivaux de la région ne donne aucune assurance à long terme aux capitalistes quant à la rentabilité de tout investissement productif. Le plan de privatisation a été exécuté avec hésitation et s’est finalement soldé par un échec. Les tentatives d’adhésion du régime à l’Organisation mondiale du commerce et même à l’Organisation de Shanghai ont échoué. Cette instabilité a découragé les capitalistes d’investir dans des secteurs au rendement à long terme.

    Divers groupements de capitaux financiers, tant militaires que civils, contrôlent aujourd’hui l’économie iranienne par l’intermédiaire de leurs banques, de leurs sociétés d’investissement, de leurs fonds de pension, etc. Un rapport de la Banque centrale en 2017 parlait de 500 géants économiques iraniens. Environ 39% de ces grandes entreprises sont des banques. Les industries pétrochimiques se trouvent à leur côté. Le capital financier a été en mesure d’extraire des bénéfices par la spéculation, y compris durant les années où l’économie était presque isolée du monde. Mais, avec l’extrême pauvreté et la perte du pouvoir d’achat de la classe ouvrière, le capital ne peut combler ce déficit qu’en exportant et en trouvant de nouveaux marchés à l’étranger.

    En outre, le capital devrait être en mesure d’organiser la production, en particulier avec la menace de sanctions écrasantes qui planent au-dessus du pays. Le mécontentement du public a déjà augmenté et des gens sont venus affronter le régime et ses politiques dévastatrices. Les mois à venir seront fatals pour l’Iran. Le régime n’est pas en mesure d’organiser la société contre les sanctions parce que les gens le considèrent comme un exploiteur corrompu. De plus, le capitalisme iranien ne peut survivre en tant qu’île isolée dans le monde du capital. Néanmoins, changer de voie et changer de rhétorique n’est pas si facile pour le régime. Il pourrait être confronté à des tremblements de terre sociaux sans précédent à mesure que le mouvement de masse, bien que désorganisé, se développe. Le mouvement de masse à la base creusera des écarts non seulement entre les factions du régime, mais aussi entre la grande bourgeoisie montante et le régime bonapartiste.

    Une période orageuse a commencé, la question clé est de savoir comment une alternative progressiste révolutionnaire peut organiser le mouvement social grandissant et, surtout, quel programme il adoptera. Les sections rivales des capitalistes et les forces d’opposition pro-impérialistes de l’opposition tenteront d’exploiter la faiblesse du régime à leurs propres fins. C’est pourquoi il est essentiel que le mouvement ouvrier émergent dispose de son propre programme anticapitaliste et socialiste indépendant. Bien que le régime ne puisse gouverner comme avant, et cela peut être compris à partir du nombre croissant de grèves et de campagnes, il a obstinément et intelligemment empêché, jusqu’à présent, la formation d’organisations syndicales et de partis révolutionnaires de gauche sur le terrain. Un défi clé que les marxistes révolutionnaires doivent résoudre est de savoir comment un parti révolutionnaire peut être fondé dans ces conditions répressives et se préparer aux événements tumultueux qui se préparent clairement.

  • Gaza : Il faut des actions de masse et l’unité des travailleurs contre la terreur d’Etat israélienne

    Au cours des dernières semaines, la colère de la population palestinienne a éclaté dans la bande de Gaza à l’occasion de mobilisations de masse. L’État d’Israël a répondu par une violente répression faisant une centaine de morts et des milliers de blessés.

    Par Baptiste (Hainaut), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

    Histoire de l’oppression

    Il y a 70 ans, l’État d’Israël a été fondé sur le territoire correspondant alors à la Palestine. Cet évènement est surnommé ‘‘Nakba’’, ce qui signifie en arabe ‘‘catastrophe’’. De fait, l’octroi d’un Etat pour la communauté juive a été décidé par les puissances impérialistes au mépris de la population palestinienne. Au-delà de toute considération communautaire, il s’agit d’une catastrophe pour les Palestiniens car cela a signifié l’exil et la pauvreté pour près de 750.000 d’entre eux. Aujourd’hui 70% de la population gazaouie est constituée de familles refugiées de 1948. Les expulsions se sont poursuivies pendant des décennies, s’accompagnant d’une occupation des territoires palestiniens, de confiscations des terres, de colonisations, de destructions et de violences militaires se traduisant par de nombreux morts et emprisonnements. La fondation de l’État d’Israël est le début, pour plusieurs générations, d’un interminable état de guerre

    Cette tragédie reste présente dans la vie quotidienne des Palestiniens, marquée par la pauvreté, la répression, l’état de siège. Dans la bande de Gaza, où vivent près de 2 millions de personnes, cette situation est particulièrement aigüe. Le chômage atteint officiellement près de 40% et s’accentue encore parmi la jeunesse (60% chez les moins de 30 ans). Les coupures d’eau courante et d’électricité sont quotidiennes. C’est la conséquence de la politique de guerre menée par l’Etat d’Israël, renforcée par le blocus de Gaza depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas dans cette zone il y a 12 ans.

    La ‘‘marche du retour’’ et le spectre de la 1e Intifada

    C’est dans ce contexte que des mobilisations ont été organisées depuis le 30 mars à Gaza, avec comme point culminant une ‘‘grande marche du retour’’ le 15 mai. Plus qu’une commémoration de la Nakba, c’est un sentiment de révolte qui caractérise la jeunesse palestinienne. 75% des Gazaouis ont moins de 25 ans. C’est toute une génération qui a grandi dans cette prison à ciel ouvert, et qui n’a pas grand-chose à perdre dans une lutte pour une vie digne.
    Ces mobilisations sont allées crescendo jusqu’au 14 mai, date choisie par les États-Unis pour inaugurer leur ambassade à Jérusalem. Cette délocalisation à Jérusalem symbolise le soutien total de l’administration Trump à l’Etat d’Israël pour la domination territoriale et le mépris envers la population palestinienne et ses aspirations. Cette inauguration a forcément mis de l’huile sur le feu alors que près de 50.000 Palestiniens étaient présents au abord du mur de Gaza ce 14 mai pour protester. Un chiffre considérable au vu de la militarisation de la zone.

    Ces mobilisations de masse ont rappelé aux dirigeants israéliens la 1ere Intifada, au cours de laquelle la révolte des Palestiniens s’était traduite en actions de masses, allant jusqu’à générer des comités d’organisation de la lutte démocratiques et indépendants pour aider à organiser la résistance, défendre les manifestation et générer une polarisation parmi la population israélienne. C’est pour éviter à tout prix un tel mouvement de masse que le gouvernement de Netanyahu a organisé une répression sanglante, en autorisant explicitement les soldats à tirer pour tuer sur les manifestants sans armes, faisant 112 morts dont la moitié sur la seule journée du 14 mai.

    Comme si l’augmentation de la puissance du conflit n’était pas ‘‘suffisante’’, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien augmente encore les tensions nationales dans la région, et ses conséquences peuvent être très destructrices, avec en ce compris un réel danger de guerre.

    L’action de masse comme méthode de lutte

    Une chose est certaine : la misère et la répression ne mettront pas fin à la colère. Mais tant le Fatah que le Hamas ne sont pas à même de donner une orientation politique viable à la lutte pour la libération du peuple palestinien.

    En 2006, l’arrivée au pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza a été le prix à payer par le Fatah pour des décennies d’échecs à se fourvoyer dans des négociations avec les Etats bourgeois limitrophes pour aboutir à un Etat Palestinien bourgeois. De manière systématique, les intérêts de la classe dominante des pays voisins ont primé sur ceux du peuple palestinien. Une telle stratégie mène à l’impasse. Fort peu a été obtenu à l’issue de la 1e Intifada, en bonne partie à cause de la mauvaise stratégie du Fatah. Aujourd’hui, le Fatah se focalise sur une guerre contre le Hamas, quitte à le faire payer aux Gazaouis à travers des coupes, voire des non paiements de salaires de fonctionnaires ou des coupures dans l’approvisionnement en électricité.

    Malgré une considération importante pour la situation sociale des masses et une rhétorique de libération nationale plus radicale, le Hamas n’a pas l’orientation stratégique qui permettrait d’obtenir une victoire. Le recours aux méthodes du terrorisme fournit un exutoire et assouvit une soif de vengeance. Mais cela n’a jamais permis d’obtenir une libération nationale. Au contraire, cela renforce l’implantation sociale d’un conflit national et par conséquent un statu quo. C’est malheureusement tout ce qu’a permis d’obtenir la vague d’attentats assimilée à la 2e Intifada, loin des aspirations de la 1e Intifada.

    Les dirigeants du Hamas et de l’Autorité palestinienne contribuent à aggraver la situation, chacun à sa manière, mais le contrôle principal de la bande de Gaza reste entre les mains de la droite israélienne. Le gouvernement israélien, en coopération avec son homologue égyptien, applique un blocus en guise de politique punitive collective à l’encontre d’environ deux millions de personnes, accompagné d’une tentative longue et infructueuse de forcer un changement de direction politique.

    L’unité avec les travailleurs de l’État d’Israël

    L’allié principal du peuple palestinien dans la lutte contre l’oppression de l’Etat d’Israël, ce sont les travailleurs, les pauvres et les jeunes d’Israël. Il est erroné de considérer Israël comme un bloc uniforme et réactionnaire, sans discerner l’Etat et l’élite capitaliste des travailleurs. Car Israël fonctionne comme toutes les autres sociétés de classe, avec ses magnats et ses inégalités, et des luttes menées par les travailleurs et les jeunes pour défendre et obtenir des droits. S’il est vrai qu’il existe des crimes de haine perpétrés à l’égard de Palestiniens, ce n’est pas le fait d’une majorité de la communauté juive mais de l’extrême-droite, attisée par la rhétorique guerrière et la criminalisation des Palestiniens.

    Dans ce sens, la stratégie de ‘‘l’équilibre des souffrances’’ stimulée par le Hamas est une impasse contre-productive. C’est une aubaine pour l’Etat d’Israël qui a vite fait d’instrumentaliser cela en légitime défense vis-à-vis des Palestiniens assimilés dans leur globalité à des terroristes du Hamas. L’ambassadrice d’Israël en Belgique en a donné un aperçu tant grossier que grotesque : ‘‘Tous les Palestiniens abattus par balle étaient des terroristes, y compris les 8 enfants’’. Le premier ministre Netanyahu utilise à plein cette ficèle, lui qui cherche à restaurer son autorité suite à un discrédit politique et des rumeurs de corruption.

    Une stratégie visant à développer la solidarité entre les travailleurs et les jeunes Israéliens et Palestiniens permettrait au contraire de démasquer l’establishment israélien. Des organisations indépendantes et démocratiques des jeunes et des travailleurs sont nécessaires pour construire cette stratégie, tant du côté palestinien qu’israélien.

    Une alternative socialiste est possible et nécessaire

    Si des luttes significatives pourraient permettre de gagner des droits importants, c’est seulement sur une base révolutionnaire qu’il sera possible de donner une substance conséquente à ces droits, notamment le droit au retour pour les réfugiés, et ainsi garantir une complète égalité dans tous les domaines.

    Le système capitaliste mène au chaos. Dans celui-ci, les fondamentalistes instrumentalisent la colère et le désespoir des masses face à la barbarie de l’État d’Israël quand ce n’est pas celle d’autres gouvernements despotiques comme celui d’Assad en Syrie. Et Trump vient encore en rajouter une couche.

    La seule issue à ce conflit sanglant qui puisse satisfaire les droits des Palestiniens comme des Israéliens serait de mettre en avant une solution à deux États sur le long terme – une Palestine et un Israël socialiste – avec la possibilité d’une capitale partagée à Jérusalem, en liant cela au concept d’une confédération socialiste.

    Dans le cadre du capitalisme, il n’y a pas la moindre possibilité de parvenir à une solution viable à deux États. On ne peut exclure un arrangement temporaire, mais cela ne serait pas non plus une solution aux problèmes nationaux des Palestiniens ni des Israéliens. Un enjeu vital pour une révolution au Moyen-Orient est de trouver une méthode pour dissocier les travailleurs israéliens de leur classe dirigeante. Alors, la classe des travailleurs, œuvrant de manière unifiée pourra donner naissance à une force capable de renverser les capitalistes, en Israël comme en Palestine, et capable de mettre sur pied un tel projet.

  • Jordanie : les travailleurs et la jeunesse destituent le premier ministre et exigent la fin de l’austérité

    Une grève générale et d’immenses manifestations d’une ampleur sans précédent ont ébranlé le royaume jordanien, dans un contexte de forte hausse du coût de la vie et de corruption gouvernementale. La lutte a permis d’enterrer certains des décrets d’austérité du gouvernement et d’entrainer la destitution du premier ministre. Cette lutte qui se poursuit représente un nouvel espoir pour la région. Shahar Benhorin, du Socialist Struggle Movement (Mouvement de lutte socialiste, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël-Palestine), rend compte de cette rébellion grandissante.

    Le roi Abdallah est rentré d’urgence d’une visite en Albanie et a congédié le premier ministre Hani al-Mulqi pour tenter de calmer les troubles sociaux dans le pays.

    33 syndicats ont annoncé la tenue d’une grève nationale le mercredi 30 mai et la colère des travailleurs s’est exprimée. Malgré le jeûne du Ramadan, des dizaines de milliers de manifestants ont pris d’assaut les rues d’Amman, la capitale, ces derniers jours.

    Le 2 juin, en divers endroits, les manifestations ont atteint un pic, le nombre total de manifestants étant estimé à plus de 200.000 ! Les manifestations se sont poursuivies dans la nuit du dimanche au lundi, les principaux carrefours d’Amman et d’autres villes ont été bloqués et des manifestants ont également été signalés dans les locaux officiels ainsi que dans ceux de certaines entreprises. En outre, des incidents de fusillade contre la police ont été signalés.

    La Jordanie est considérée comme l’un des pays les plus “stables” du Moyen-Orient. Même les manifestations de milliers de personnes de 2011-2012, à l’apogée de la vague révolutionnaire du mouvement de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord, n’ont pas atteint une telle ampleur. En fait, la protestation actuelle est d’une taille et d’une intensité sans précédent, même en comparaison avec les mobilisations de 1989 contre les décrets économiques et le gouvernement.

    Le Fonds monétaire international (FMI) a accordé au royaume un prêt assorti de diktats pour une série de mesures néolibérales visant à réduire le déficit budgétaire et la dette publique, qui a grimpé à 96 % du PIB. Le budget de l’Etat, approuvé en janvier dernier, comprend une série de mesures d’austérité, avec en tête une forte augmentation de la pression fiscale sur la classe des travailleurs. Une nouvelle taxe à l’achat a fait grimper les prix des produits de base, y compris l’eau et le carburant. Mais les exigences du FMI se sont heurtées à une résistance forte et croissante.

    Le boycott du carburant

    Des actions contre le coût de la vie ont commencé l’an dernier et un boycott populaire de l’achat d’œufs a été organisé, avec la participation de centaines de milliers de personnes. Cette fois, dans les stations-service, les manifestants ont mis des pancartes disant : “Frère citoyen, je ne veux pas vous empêcher de faire le plein, mais je vous supplie de boycotter les stations-service pendant trois jours”.

    Les réseaux sociaux font rage, tout comme les rues, et les slogans de protestation les inondent contre le “gouvernement des voleurs” et plus encore.

    L’élément déclencheur de la grève générale et des manifestations de masse a été une nouvelle loi promulguée par le Premier ministre al-Mulqi, en réponse au FMI, visant à augmenter les impôts non seulement sur les entreprises mais aussi sur les employés, en l’appliquant jusqu’aux couches les plus pauvres de la classe ouvrière. Le plancher de l’exemption fiscale passera de 17.000 $ par an à 11.000 $ par an.

    Le gouvernement jordanien a supposé avec arrogance qu’il pouvait surmonter le “bruit de fond” des protestations et a décidé d’augmenter les prix du carburant et de l’électricité pour la cinquième fois cette année ! Cette décision a intensifié la colère du public et s’est accompagnée d’une mobilisation accrue pour les manifestations à la fin de la prière du vendredi (le 1er juin) et le lendemain.

    Le roi Abdallah est intervenu et a annoncé l’annulation de la dernière augmentation, mais les syndicats et les manifestants n’étaient pas satisfaits. Le roi espère que, à l’instar des crises politiques précédentes, les changements de gouvernement faciliteront et stabiliseront la situation politique, mais cela ne suffira pas.

    La principale exigence du mouvement est l’abrogation du nouveau projet de loi sur l’impôt sur le revenu. Le 2 juin, un accord vague a été signé entre le gouvernement et les syndicats comprenant la création d’un comité chargé d’examiner les modifications des mesures législatives à l’ordre du jour. Mais il n’existe aucun accord concernant la loi sur le revenu. Il est toutefois probable que la loi sera gelée, surtout après que des douzaines de députés se soient exprimés en opposition à cette loi.

    Dans les manifestations, surtout à l’extérieur de la capitale Amman, on peut entendre des appels qui vont plus loin, en exigeant la chute du gouvernement et du parlement. Des appels à la destitution du roi ont même été signalés.

    Une autre grève générale

    Les syndicats, représentant les employés des secteurs public et privé, ont annoncé la tenue d’une autre grève nationale pour ce 6 juin. Actuellement, l’initiative est toujours entre les mains des syndicats et des organisateurs des manifestations dans les différents centres du pays. Le régime se retrouve sur la défensive, mais les événements n’ont pas encore complètement échappé à son contrôle.

    Le prince héritier, le prince Hussein, est arrivé sur les lieux pour saluer les policiers et les exhorter à s’abstenir de tuer les manifestants. A ce stade, le régime jordanien risquerait une plus grande explosion de colère s’il essayait d’écraser la lutte par la répression policière.

    Le régime a réussi à provoquer les classes moyennes établies, qui subissent une pression économique croissante, ainsi que les chefs tribaux, sur lesquels le régime s’est appuyé dans le passé pour l’aider à endiguer les luttes sociales. Aujourd’hui, ces couches intermédiaires se sont jointes aux manifestants.

    Si le roi essaye de se conformer aux exigences du FMI comme l’a fait le premier ministre, le mouvement contre le coût de la vie pourrait se transformer en un mouvement révolutionnaire pour renverser le régime lui-même. Le dilemme du régime est que même s’il fait des concessions, il peut provoquer l’effondrement de la “barrière de la peur” et renforcer la confiance en soi des masses, puis faire face à un mouvement plus déterminé.

    Les classes dirigeantes de la région ont des raisons de craindre cette escalade dramatique dans la lutte de classe jordanienne. Elle pourrait aider à restaurer la confiance en soi et l’esprit de combat des masses dans d’autres pays et promouvoir la fin de l’”hiver arabe” (le recul des mouvements de masse de 2011), qui a permis aux classes dirigeantes, aux forces réactionnaires et aux puissances impérialistes de mener des contre-révolutions destructrices et de plonger toute la région dans des conflits sanglants et une détresse croissante. Les circonstances régionales ont ainsi représenté un facteur central pour permettre aux gouvernements de droite de Netanyahu de survivre ces dernières années, sur base d’une intense démagogie sécuritaire.

    Un système en banqueroute

    Si le régime abolit les mesures d’austérité pour calmer les masses, il aura besoin d’un plan économique alternatif pour tenter d’endiguer le développement d’une crise plus grave dans l’économie capitaliste défaillante.

    Il est possible que le FMI, sous la pression des développements, puisse modérer ses diktats, et peut-être y aura-t-il des propositions d’”aide” économique de la part des puissances capitalistes. Mais cela ne suffira pas pour faire face structurellement aux problèmes d’endettement, au coût de la vie, au chômage élevé – aggravé par la crise des réfugiés – et à la colère croissante face aux inégalités. Les femmes jordaniennes souffrent d’énormes discriminations et, malgré l’un des niveaux d’éducation les plus élevés du Moyen-Orient, seul un petit nombre d’entre elles trouvent un emploi.

    Le régime capitaliste tentera probablement de reporter certains décrets, mais il continuera à essayer de résoudre les problèmes structurels de l’économie par le moyen d’une politique néolibérale visant à faciliter l’exploitation des travailleurs jordaniens et étrangers par les propriétaires de capitaux jordaniens et étrangers.

    Dans le passé, les Frères musulmans ont réussi à exploiter les vagues de manifestations et les crises politiques précédentes pour s’attirer un certain soutien alors qu’ils soutenaient la monarchie et défendaient un programme pro-capitaliste de droite. Ils ne jouent cette fois-ci pas de rôle central dans les mobilisations. Ce sont les organisations des travailleurs et de la jeunesse qui mènent la danse.

    Cela renforce donc le potentiel de construire un mouvement de lutte plus efficace contre les mesures d’austérité, la pauvreté, la corruption, la répression et les inégalités – tout en promouvant un projet alternatif représentant les intérêts réels des travailleurs, des pauvres et des jeunes.

    Cela contraste fortement avec les vagues appels lancés par certains cercles de la classe moyenne pour établir un “gouvernement de salut national”. Tout gouvernement “alternatif” qui tenterait de trouver une solution à la crise sur une base capitaliste, même en donnant priorité aux concessions pour réprimer la rage de masse, devrait tôt ou tard se conformer aux exigences de la classe dirigeante pour appliquer des mesures pro-capitalistes afin de tenter de stabiliser le système.

    Un véritable gouvernement de “salut” devra directement représenter les organisations de travailleurs, les mouvements de jeunesse et les organisations communautaires, et se composer de véritables représentants de ces organisations. Il aura pour tâche de mener une lutte contre la riche famille royale, les capitalistes et les sociétés impérialistes afin d’éradiquer la pauvreté et le chômage et d’établir une véritable démocratie, sur base d’une politique socialiste.

    Ces développements en Jordanie sont une source d’espoir, de même que le réveil des protestations populaires de masse des habitants de la bande de Gaza. Cela ouvre la voie au retour de la lutte de masse, ce qui est nécessaire dans toute la région pour vaincre les élites corrompues, les gouvernements oppressifs et les régimes en faillite.

  • Israël-Palestine: Témoignage de Gaza

    Ce qui suit est un rapport écrit par un activiste et auteur de Gaza, Rana Shubair, à la demande du Mouvement de lutte socialiste (MLS), la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël-Palestine.

    L’article est suivi de deux vidéos. La première est une séquence prise lors des manifestations du 14 mai à Gaza par la fille de Rana ; la deuxième est une séquence de membres du MSL participant à une manifestation contre les meurtres de manifestants à Gaza le 18 mai à Yad Mordekhay Junction en Israël, près de la clôture de Gaza.

    Lundi sanglant

    Le 14 mai était le premier jour des vacances d’été pour les écoliers. Ils avaient terminé les finales un jour avant et le lundi était censé être un jour de sortie en famille. Cependant, mes enfants m’ont surpris cette année en ne m’incitant pas à les emmener quelque part comme d’habitude. Le seul endroit où ils voulaient aller était la Marche du retour.

    Il y avait beaucoup d’exaltation dans l’air les jours précédents, et nous avons tous senti que lundi serait le moment de la Marche par excellence. Il s’est avéré que c’était le cas, mais les soldats israéliens en ont fait un jour de deuil pour nous.

    Nous sommes arrivés là (à l’est de la ville de Gaza) vers midi et la première chose que j’ai vue, c’était un grand drapeau palestinien, ce qui m’a rempli d’espoir et de courage. La zone du campement était inondée de gens se rassemblant dans différentes zones. Beaucoup se sont assis sous des tentes et beaucoup d’autres se sont levés et se sont assis à 300 mètres de la clôture barbelée.

    En descendant vers la clôture, la fumée noire des pneus en feu remplissait l’air et, de temps à autre, les manifestants étaient confrontés à un torrent de grenades lacrymogènes. Certains portaient des masques pour se protéger, d’autres avaient des raquettes pour faire rebondir les grenades, beaucoup couraient dans la direction opposée pour éviter d’inhaler le gaz. Plus je me rapprochais de la zone de rassemblement, plus l’air commençait à être lourd.

    Le nombre d’ambulances était plus élevé que n’importe quel autre jour. Elles étaient partout et ont manœuvré à partir de différents points.

    A côté de moi se tenait un groupe de femmes qui imploraient à haute voix, appelant à la victoire.

    Un vieil homme s’est assis sur une chaise devant une caméra et a été interviewé. Il avait l’air d’avoir plus de quatre-vingts ans et avait beaucoup d’histoires à raconter. C’était un survivant de la Nakba, plus âgé que l’État occupant d’Israël.

    Toujours debout, j’ai entendu des cliquetis sporadiques de coups de feu. Avant d’arriver au campement, le nombre de morts parmi les manifestants était de 16. Quelques instants plus tard, j’ai entendu le nombre passer à 30.

    Étant donné l’escalade folle des meurtres, je m’attendais à ce que les gens se dispersent. Mais ce fut exactement le contraire. Ils sont restés là avec une ténacité qui n’a fait que s’affirmer de minute en minute.

    La Marche a ravivé l’espoir en nous tous à bien des égards. Les jeunes ont bravé sans crainte les tireurs d’élite israéliens lourdement protégés qui pouvaient si facilement choisir d’éliminer l’un d’entre eux. Tandis que je me tenais là, j’ai pensé : tous leurs mouvements sont mesurés et calculés. En fait, ce qu’ils font ressemble beaucoup à ce que font les braconniers. Ils observent leurs proies impuissantes et saisissent l’occasion de tirer.

    A la fin de la journée, le bilan s’élevait à 60 morts parmi les manifestants. Ce fut une journée sanglante et inoubliable, qui a ajouté une autre Nakba à notre histoire. Pourtant, nous croyons fermement que le sang versé par les innocents sera la graine qui fera un jour fleurir notre liberté.

  • Massacre à Gaza : pour une lutte de masse pour la levée du blocus !

    Déclaration du secrétariat du Mouvement de lutte socialiste, Israël-Palestine (Première publication en hébreu le 16 mai 2018)

    Alors qu’à Jérusalem, une cérémonie messianique prenait place pour l’inauguration de l’ambassade américaine, ce même jour du transfert de l’ambassade américaine fut le plus meurtrier dans la bande de Gaza depuis la guerre de 2014. Le gouvernement Netanyahu, main dans la main avec une odieuse campagne de provocation, a envoyé l’armée pour noyer dans le sang la protestation de masse des habitants de Gaza qui subissent depuis plus d’une décennie un siège brutal.

    Une soixantaine de manifestants ont été abattus durant cette journée seule, ce qui s’ajoute aux dizaines de personnes tuées lors des manifestations de ces dernières semaines. Parmi les victimes se trouvaient des jeunes de 14 à 16 ans et un bébé de huit mois mort après une exposition massive aux gaz lacrymogènes.

    Le massacre des manifestants – au service de la perpétuation du siège et de l’oppression des travailleurs palestiniens et des pauvres – n’a pas empêché Netanyahu de déclarer que c’est “un grand jour pour la paix” !

    La provocation du transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem montre la manière dont l’administration Trump continue à piétiner les droits des Palestiniens, y compris leur propre État et leur capitale, Jérusalem, des droits que l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, de droite dure, nie explicitement. La même administration, qui a apporté son plein soutien au massacre, continuera à réciter des slogans cyniques sur la paix et à promouvoir le “Deal du siècle”, basé sur un soutien continu à l’occupation israélienne et le déni des droits des Palestiniens.

    Comme si l’augmentation de la puissance du conflit n’était pas “suffisante”, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien augmente encore les tensions nationales dans la région, et ses conséquences peuvent être très destructrices, avec en ce compris un réel danger de guerre.

    La protestation n’est pas du terrorisme !

    Contrairement à la propagande de l’establishment israélien qui a favorisé l’hystérie sécuritaire et qualifié le mouvement de protestation “d’incident terroriste”, le Mouvement de Lutte Socialiste (organisation israélo-palestinienne du CIO, dont le PSL est la section belge) a clairement indiqué au cours des dernières semaines qu’il s’agit d’une protestation civile juste et importante qui devrait également recevoir la solidarité des travailleurs et des jeunes Israéliens.

    La Confédération syndicale internationale (ITUC) a condamné les assassinats et blessures infligées aux manifestants par le gouvernement Netanyahu, ainsi que le transfert de l’ambassade orchestré par son ami Trump. C’est la responsabilité des responsables des organisations des travailleurs en Israël d’adopter ce type de position afin de participer à la recherche d’une solution pour les travailleurs des deux côtés de la division nationale.

    Le rassemblement pour la “Grande Marche du Retour” est, à ce jour, la plus importante protestation contre le blocus de Gaza. La mobilisation de dizaines de milliers de manifestants dans une lutte pour leur vie est une source d’espoir. Le jour du transfert de l’ambassade, la bande de Gaza a été fermée et quelque 50 000 manifestants ont été signalés – un chiffre qui équivaut à des manifestations d’environ 200 000 personnes en Israël, selon la taille de la population.

    Des semaines de manifestations avec des milliers et des dizaines de milliers de personnes n’ont fait aucun blessé ou mort en Israël, contre environ 110 Palestiniens tués et quelque 10 000 blessés dans la bande de Gaza, la plupart du temps par balles réelles. Ces chiffres suffisent à eux seuls à ridiculiser la rhétorique de l’establishment israélien qui parle de la “violence” et du danger présumé que représentent ces manifestations. Ils illustrent qui est réellement confronté à la violence, large et organisée ; c’est une guerre unilatérale contre les manifestants qui comprend des tirs précis de tireurs d’élite sur les manifestants et le recours à des chars d’assaut.

    Les actions désespérées d’individus ou de groupes, comme le nombre d’incendies criminels par des “cerfs-volants incendiaires” ou l’endommagement des conduites de gaz à l’entrée de la bande de Gaza, ont causé des dommages mineurs, mais ils sont avant tout le résultat de la terrible détresse forcée quotidiennement avec une brutalité arrogante par le gouvernement capitaliste israélien.

    L’activité du Hamas ?

    En raison du blocus, les habitants de la bande de Gaza sont confrontés à seulement quatre heures d’électricité par jour, à un manque d’eau potable, à l’effondrement des infrastructures, au taux de chômage le plus élevé du monde, à de sévères restrictions de leurs libertés de mouvement, aux manques de traitements médicaux et à des tirs sur les pêcheurs, les agriculteurs et les manifestants. Dans ce contexte, on a même signalé une augmentation du nombre de suicides.

    Oui, les dirigeants de droite du Hamas et de l’Autorité palestinienne contribuent à aggraver la situation, chacun à sa manière, mais le contrôle principal de la bande de Gaza reste entre les mains de la droite israélienne. Le gouvernement israélien, en coopération avec son homologue égyptien, applique un blocus en guise de politique punitive collective à l’encontre d’environ deux millions de personnes, dont la moitié a moins de 18 ans, accompagné d’une tentative longue et infructueuse de forcer un changement de direction politique.

    L’establishment israélien saute, comme s’il trouvait un gros butin, sur l’affirmation du Hamas selon laquelle parmi les tués ces dernières semaines, 50 personnes seraient issues de ses rangs ; comme si l’affiliation politique des victimes changeait quelque chose au fait qu’il s’agissait de manifestants non armés, ne mettant personne en danger et qui ont été abattus avec des balles réelles. De même, l’affirmation des militaires selon laquelle 24 de ceux tués le 14 mai auraient été listés comme “ayant des antécédents terroristes” ou comme “activités terroristes hostiles” est totalement hors de propos. Ce sont des excuses démagogiques : l’armée a tiré sans distinction liée à l’identité politique ou au passé des blessés et des morts.

    Il convient de noter que s’il semble que le Hamas ait été impliqué et – dans une certaine mesure – ai pu influencer les manifestations, non seulement les manifestations elles-mêmes étaient parfaitement justifiées, mais elles ont également été largement soutenues par la population de Gaza qui s’est mobilisée en masse, tous courants politiques confondus, en ce compris les résidents non affiliés politiquement.

    Il existe aussi des voix critiques parmi les militants protestataires sur le rôle joué par le Hamas. Le Hamas lui-même n’a pas du tout tendance à offrir une voie de lutte de masse ; il a, par contre, certainement essayé d’exploiter le développement de la protestation pour tenter de récupérer la sympathie publique qu’il a perdue en raison de son incapacité à offrir une stratégie efficace pour sortir la bande de Gaza de la crise. Les habitants de Gaza, et eux seuls, devraient avoir le droit de choisir démocratiquement leurs dirigeants et la possibilité de les remplacer lorsqu’ils ont échoué et qui ne servent pas leurs intérêts.

    Le gouvernement Netanyahu préfère une confrontation militaire

    La véritable menace posée par la protestation n’était pas “l’extermination d’Israël”, comme l’a insinué Netanyahu – il sait lui-même combien cet argument est ridicule au vu de l’équilibre des forces entre d’un côté des milliers de manifestants et de l’autre la plus grande force militaire du Moyen-Orient. La véritable menace pour l’establishment israélien c’est l’audace héroïque des masses de Palestiniens – femmes et hommes, jeunes et vieux – en lutte contre l’intolérable régime oppression et qui les maintient dans la pauvreté et pour d’exiger des changements.

    Dans le cadre de la propagande du régime, il y a un recyclage de l’affirmation selon laquelle les tentatives des manifestants de percer l’immense clôture de leur prison justifie pratiquement leur exécution, pas des moyens de dispersion de la manifestation ou des arrestations, mais des exécutions pures et simples. Cette revendication s’inscrit dans la droite ligne du régime de droite israélienne de continuer à imposer un siège aux pauvres de la bande de Gaza par tous les moyens nécessaires, y compris les assassinats.

    Les socialistes rejettent catégoriquement un tel amalgame avec les actions du gouvernement capitaliste et soutiennent le droit des habitants de la bande de Gaza à protester, à lutter, à s’organiser et à se défendre contre les agressions militaires. Si de l’aile droite ne veut pas voir les masses percer les clôtures du siège, personne ne l’empêche de lever le blocus et de permettre la liberté de mouvement des résidents et des marchandises d’une manière organisée à travers les points de passage.

    La véritable menace, que le gouvernement Netanyahu s’est efforcé de contrecarrer par une répression meurtrière, était l’expansion d’une lutte populaire de masse. Cela aurait pu forcer le régime de droite israélienne à se retirer de la politique de siège et cela aurait montrer la voie aux Palestiniens en général vers la construction d’une lutte efficace pour changer la situation sur le terrain. Il faut espérer qu’en dépit de la répression barbare des manifestants dans la bande de Gaza, la manifestation parviendra à se renouveler par la base à grande échelle avec la demande de changement.

    Cependant, le gouvernement Netanyahu préfère une série de confrontations militaires avec le Hamas à une protestation populaire de masse. Il a ainsi envoyé des avions de combat pour bombarder dans la bande de Gaza en réponse à plusieurs tentatives des manifestants de percer la clôture de la plus grande prison du monde, et a menacé de renouveler la politique d’assassinats contre les dirigeants du Hamas. Dans ses actions pour protéger le siège et l’occupation, le régime de Netanyahu augmente le danger d’une nouvelle guerre sanglante.

    Le gouvernement de droite continue également à rejeter les propositions répétées de désescalade du conflit et de réhabilitation de la bande de Gaza. De telles demandes sont sur la table depuis des années et auraient pu empêcher les horribles épisodes de guerre qui ont semé le deuil et la destruction à une échelle monstrueuse dans la bande de Gaza, et qui ont également conduit à des tirs de roquettes et des attaques contre des civils israéliens.

    Le Mouvement de Lutte Socialiste continue d’avertir que la menace numéro un pour la sécurité des travailleurs israéliens est le gouvernement pro-capitaliste et colonie de Netanyahu, et son programme nationaliste et messianique de destruction, avec la coopération des imitateurs de Netanyahu – Lapid et Gabbai – sur les bancs de “l’opposition”.

    Face à ce danger, une lutte devrait être construite des deux côtés de la fracture nationale et une alternative de changement socialiste devrait être proposée afin d’offrir une porte de sortie au travers du chemin de destruction conduit par Netanyahu, Trump et leurs partenaires.

    Le Mouvement de Lutte Socialiste revendique :

    • La fin des tirs sur les manifestants ! Stop à la politique de la gâchette ! Manifester n’est pas du terrorisme !
    • La création d’une commission d’enquête indépendante – comprenant des représentants israéliens, palestiniens et internationaux d’organisations indépendantes des travailleurs, de la société civile et des droits de l’homme – pour enquêter sur l’assassinat des manifestants. Poursuivre la chaîne des responsables, y compris à l’échelon politique.
    • L’adhésion des organisations ouvrières en Israël aux organisations ouvrières du monde entier en condamnant l’assassinat de manifestants et la poursuite du blocus et de l’occupation, et en soutenant la lutte pour la paix.
    • Solidarité avec la protestation des habitants de Gaza. Oui aux manifestations conjointes des Juifs et des Arabes, des Israéliens et des Palestiniens, contre le siège, l’occupation, la pauvreté, les inégalités et le gouvernement Netanyahu pro- capital et pro-colonies. Oui à la lutte pour la paix et la justice sociale !
    • Oui à l’expansion de la protestation populaire, oui à la lutte de masse des Palestiniens pour la libération nationale et sociale. Pour la mise en place de comités d’action démocratique pour aider à organiser des manifestations et à défendre les manifestations.
    • Stop aux politiques de soi-disant “Gestion des conflits”. Stop blocus contre les habitants de la bande de Gaza, stop à l’occupation. Stop à l’imposition de la pauvreté et de la détresse et aux dépossessions. Pour la fin de l’oppression nationale du peuple palestinien.
    • Mettre fin à la négation du droit à l’autodétermination – oui à un État palestinien indépendant, démocratique, socialiste et égal, avec sa capitale à Jérusalem-Est, aux côtés d’un Israélien démocratique et socialiste qui assurera une véritable égalité des droits pour tous.
    • Pour une solution juste pour les réfugiés palestiniens. La reconnaissance de l’injustice historique de la Nakba – la destruction de centaines de communautés et le déracinement de centaines de milliers de personnes – et la reconnaissance du droit des réfugiés qui le souhaitent à rentrer chez eux, tout en assurant une vie décente et l’égalité pour tous les résidents.
    • Une lutte pour la paix régionale. Solidarité avec les luttes au Moyen-Orient et dans le reste du monde contre les élites corrompues, l’oppression et la pauvreté. Oui à l’égalité pour toutes les nationalités, à la démocratie et au changement socialiste.
  • Gaza : « Plus ils nous tuent, plus la colère augmente »

    Entretien avec un militant de Gaza

    Ces dernière semaines, la bande de Gaza a connu une des vagues de contestation les plus importantes jamais vue de la part de Palestiniens contre le siège brutal qui leur est imposé par le régime israélien en collaboration avec l’Égypte, et qui force la population à vivre dans des conditions épouvantables.

    Entretien accordé au journal “The Socialist”, journal du Socialist party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Ces actions, qui ont rassemblé des milliers de gens semaine après semaine, ont subi une répression extrêmement sanglante de la part du gouvernement israélien. Au moment où nous écrivons cet article, plus de 100 manifestants ont été tués et plus de 10.000 ont été gravement blessés par le gouvernement capitaliste israélien, prêt à tout pour empêcher l’émergence d’un mouvement de masse.

    Le Mouvement de lutte socialiste (section du CIO en ISraël-Palestine) est en entière solidarité avec ce mouvement. Nos camarades ont parlé avec un jeune militant palestinien, Ahmed a-Na’ouq, 24 ans, originaire de Deir el-Balah dans la bande de Gaza. Il nous a raconté l’impact de la répression ultraviolente, des conditions de vie atroces et du mouvement de contestation.

    Ahmed nous a décrit la scène de l’une des premières actions : “C’était horrible. J’ai vu des manifestants se faire tuer pendant qu’on les amenait aux ambulances. Les Israéliens étaient fortifiés derrière une colline de sable. Grâce à un générateur, nous avions du courant ce soir-là. La plupart du temps, il n’y a aucun approvisionnement en électricité. Plus ils nous tuent, plus la colère augmente. Imaginons, par exemple, que l’armée israélienne ait tué mon frère, je n’aurai plus peur. Je ne pourrai plus rester à la maison. Et… l’armée israélienne a tué mon frère dans la dernière guerre.”

    Plus de 2000 habitants de Gaza sont morts dans la guerre de 2014, dont le grand frère d’Ahmed et plusieurs de ses amis. Lui-même n’a jamais quitté Gaza de sa vie. “Mon plus grand rêve est de voyager. Je ne suis jamais sorti de Gaza de ma vie. Ça me détruit vraiment.”

    Les actions des habitants de ces dernières semaines sont les plus importantes jamais organisées contre le siège. Près de 40.000 personnes étaient là le premier jour. Malgré la lourde répression, le mouvement s’est poursuivi. 50.000 personnes étaient encore mobilisées le 14 mai.

    Ce mouvement, appelé la « Grande Marche du retour », était censé culminer le 15 mai, qui est le 70e anniversaire de la « Nakba » palestinienne, le jour où 800.000 habitants ont été déguerpis de leurs maisons et de leurs terres pour faire de la place à Israël nouvellement créé. Depuis ce jour, ils ne sont plus rentrés chez eux. 70 % de la population de Gaza sont des familles de réfugiés de 1948. La grand-mère d’Ahmed est une réfugiée de Beer-Sheva.

    Ahmed nous explique : « Nous ne protestons pas dans l’idée que cette seule action nous permettra de récupérer nos terres. L’objectif est de rappeler au reste du monde que c’est notre droit de rentrer chez nous. Cette action est exclusive aux gens de la bande de Gaza. Personne ne manifeste en ce moment en Cisjordanie ou au Liban. Mais à notre niveau, les conditions ne font qu’empirer. Il n’y a plus d’eau du tout. Même la mer, qui est la seule source de rafraichissement en été, est entièrement polluée, parce que nous n’avons plus d’électricité pour faire fonctionner les stations de traitement des eaux usées. »

    De nombreux bâtiments sont toujours en ruine depuis la guerre de 2014. Le taux de chômage à Gaza est un des plus élevés du monde, officiellement de 40 %, voire 60 % chez les jeunes de moins de 30 ans. Les médias font état d’une hausse du nombre de suicides ces deux dernières années. Le salaire moyen est d’à peine 13 € par jour.

    « Toutes les sources de revenus sont en train d’être coupées. L’Autorité palestinienne nous enfonce encore plus d’ailleurs, en coupant les salaires de ses employés à Gaza – un revenu dont beaucoup de gens dépendent. Même les employés du Hamas ne reçoivent pas de salaire complet. Aussi, depuis que Trump a annoncé le retrait des États-Unis de leur financement, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens et les autres ONG sont en crise. Cela a provoqué la disparition de nombreux services de base à la population. L’État israélien a lui aussi cessé les transferts budgétaires. Les quelques employés d’ONG qui ont la chance d’être encore payés ne touchent plus que la moitié ou le tiers de leur salaire ».

    Une réalité catastrophique

    La crise que connaissent les ONG à Gaza a été décrite dans un article publié le mois passé par Ahmed, qui lui-même est coordinateur du projet « Nous ne sommes pas des numéros », qui publie le récit de la vie des jeunes Palestiniens dans cette zone fermée. La moitié de la population a moins de 18 ans – soit un million de gens.

    Toute une génération est née et a grandi dans cette réalité catastrophique. Ce sont ces jeunes gens qui sont à l’avant-plan du mouvement de contestation.

    « La première manifestation à laquelle je suis parti était celle du deuxième jour, le 31 mars. Des milliers de gens y étaient. Ce qui m’a tout d’abord impressionné était l’atmosphère positive, les gens qui agitaient des drapeaux et qui criaient des slogans pour la liberté. Ils étaient loin de la clôture, peut-être à 800 mètres, vers la première rangée de maisons. Mais ceux qui s’étaient rapprochés de la clôture, étaient les plus en colère ; ce sont eux que les soldats israéliens ont abattu ».

    La propagande du gouvernement israélien cherche évidemment à décrire ces manifestants comme les véritables auteurs des violences. « Mais qui est réellement victime de la violence dans ce combat inégal ? La presse officielle israélienne n’est qu’un outil au service du régime pour créer une hystérie sécuritaire. Elle met en avant les dégâts infligés aux cultures par les « cerfs-volants Molotov », tout en fermant les yeux sur la violence extrême exercée 24 h sur 24 sur les habitants de Gaza. Le comité d’organisation des manifestations a bien insisté sur le fait qu’il ne recherche pas de confrontation directe avec l’armée ».

    Ahmed remarque que, face au mouvement qui regroupe de nombreux « jeunes en colère, dépourvu de toute possibilité de mener une vie normale », l’armée israélienne utilise des armes mortelles, y compris, selon les équipes médicales, des balles explosives aux effets particulièrement sanglants (peut-être même des balles dum-dum).

    Nous avons demandé à Ahmed dans quelle mesure il pense que cette répression décourage les manifestants. « La plupart des gens sont favorables, mais d’autres disent que ça ne sert à rien, que ça ne permettra pas de faire cesser le siège ni les crimes contre nous. Et certaines personnes ont vraiment peur de cette situation. Mais la majorité soutiennent et pensent que c’est une excellente initiative qui permet d’attirer l’attention du reste du monde sur notre situation ».

    Il s’agit selon lui d’un mouvement populaire, non contrôlé par le moindre parti politique. Même le comité d’organisation, qui inclut des représentants des différentes factions du mouvement national palestinien, ne contrôle pas chaque action sur le terrain. Il pense que les actions vont se poursuivre après le 15 mai.

    Et il a un autre message : « Il y a des victimes dans les deux camps. Notre situation à Gaza est tout simplement catastrophique. Les Palestiniens souffrent énormément. Et les Israéliens aussi souffrent de l’insécurité. Il nous faut trouver une solution qui convienne aux deux camps. Les Israéliens de mon âge doivent ouvrir les yeux. Ce que le gouvernement israélien fait est très mauvais. Ils doivent s’y opposer. S’ils demandent à leur gouvernement de changer de politique, je pense que nous avons une chance pour l’avenir. Nous devons tous nous dresser contre l’oppression et l’injustice pour exiger une vie normale, une vie qui garantisse l’égalité de tout le monde ».

  • Le combat socialiste pour la libération des Palestiniens et l’unité des travailleurs

    Ce 14 mai, alors que les Etats-Unis inauguraient leur ambassade à Jérusalem, au moins 52 Palestiniens ont été tués par des soldats israéliens. En un mois et demi, le nombre de personnes ainsi tuées s’élève à 100. L’article ci-dessous a été écrit avant ces événements dans la perspective des 70 ans de la « Nakba » (la « catastrophe » en arabe). Il a été publié le 11 mai sur le site du Comité pour une Internationale Ouvrière www.socialistworld.net

    70 ans après la fondation d’Israël

    Photo : Socialist Party (Angleterre et Pays de Galles)

    Cette année marque le 70e anniversaire de la fondation de l’État d’Israël, en 1948. Pour les réfugiés palestiniens, l’événement est connu sous le nom de “Nakba”, le mot arabe désignant ‘‘catastrophe’’, lorsque plus de 750.000 personnes ont été forcées de quitter leurs villes et villages pour s’appauvrir et devenir des sans-abris.

    En outre, 300.000 Palestiniens ont été chassés de chez eux pendant la Guerre des six jours en 1967. Depuis lors, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza vivent sous une occupation israélienne de plus en plus insupportable et brutale.

    Dans la perspective d’une grande marche de protestation prévue pour la journée de la Nakba de cette année, le 14 mai, la colère et la frustration se sont exprimées dans des manifestations hebdomadaires – initialement de plus de 30.000 personnes – près du mur de Gaza, réclamant le droit au retour des réfugiés. Craignant cette escalade, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a autorisé les soldats à tirer pour tuer, avec le résultat horrible que plus de 45 manifestants ont été tués jusqu’à présent (le 11 mai, NDT) et que des milliers de personnes ont été blessées.

    Le déplacement de l’ambassade d’Israël de Tel Aviv à Jérusalem, ce 14 mai, ajoute de l’huile sur le feu de la colère de masse. C’est un signal fort du président américain Trump en soutien à Israël pour sa domination de cette ville de même qu’une énorme rebuffade à la revendication des Palestiniens de disposer de leur propre Etat, avec également Jérusalem pour capitale.

    M. Trump a également réduit la participation américaine au financement de l’agence des Nations Unies qui vient en aide aux réfugiés palestiniens, aggravant encore davantage les conditions déjà désastreuses qui prévalent dans les territoires occupés. La bande de Gaza, densément peuplée, souffre de pénuries d’électricité, d’eau courante et de produits de base et 50% de sa main-d’œuvre est au chômage.

    Les résidents palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza sont confrontés à des confiscations de terres, à des démolitions de maisons et à des incursions régulières de soldats israéliens au cours desquelles il est tout à fait normal que des Palestiniens soient tués ou blessés.

    En outre, les colons juifs de droite harcèlent ou attaquent les Palestiniens et ces “crimes de haine” connaissent une augmentation à l’heure actuelle selon l’agence de renseignement israélienne Shin Bet. La détention dans des conditions dramatiques est également un outil courant de l’occupation – une majorité des adultes masculins des territoires occupés ont été détenus à un moment donné de leur vie. Plus de 6.000 Palestiniens, y compris des enfants, sont actuellement détenus.

    C’est notamment le cas d’Ahed Tamimi, 17 ans, dont l’histoire s’est répandue dans les médias internationaux après son emprisonnement pour avoir giflé et frappé un soldat israélien qui ne voulait pas quitter la cour de la maison familiale. L’incident a eu lieu juste après qu’Ahed ait appris que son cousin avait été tué par une balle de l’armée israélienne.

    L’action de masse

    Face aux actions meurtrières du gouvernement Netanyahu, il est clair que la lutte des Palestiniens doit être très bien organisée et démocratiquement dirigée, évaluée et préparée pour obtenir le maximum d’impact et de succès potentiels. Les actions de masse contre l’occupation peuvent être très efficaces, comme l’a illustrée la première intifada (soulèvement) qui a éclaté en 1987.

    L’été dernier, alors que les autorités israéliennes installaient de nouveaux checkpoints autour du complexe de la mosquée Al Aqsa de Jérusalem, des protestations massives de Palestiniens dans l’est de cette ville ont forcé le gouvernement à opérer un revirement de position.

    Dans un premier temps, les manifestations près de la frontière de Gaza au cours de ces dernières semaines avaient également pris la forme de mobilisations de masse, en dépit de conditions particulièrement répressives. Développer ce type de lutte est la voie à suivre, et non pas celle des actes de désespoir comme un retour aux attaques terroristes individuelles ou collectives contre les civils israéliens qui ont marqué la deuxième intifada.

    Ces méthodes sont contre-productives. Elles aident les politiciens de droite en Israël. Alors que les socialistes soutiennent pleinement le droit des Palestiniens à s’armer et à se défendre, nous demandons en même temps qu’un appel soit lancé aux Israéliens ordinaires pour leur expliquer qu’ils ne sont pas ciblés et que l’objectif de la résistance est la suppression de l’occupation brutale et des blocus.

    La division de classe en Israël

    Des deux côté de la division nationale, la classe ouvrière et la classe moyenne n’ont rien à gagner du conflit ou des conditions de vie pauvres et précaires qu’offrent les partis politiques pro-capitalistes.

    En Israël, la population palestinienne minoritaire souffre d’un taux élevé de pauvreté, mais c’est aussi le cas d’environ 20% des enfants juifs, qui vivent dans la pauvreté. Une grande partie des juifs israéliens connaissent des salaires de famine, un travail précaire, des logements trop chers et, dans l’ensemble, une lutte quotidienne pour joindre les deux bouts. En Israël, le coût de la vie est parmi les plus élevés des 35 économies avancées et en développement de l’OCDE. Pourtant, le revenu disponible après l’intervention du gouvernement est l’avant-dernier de l’OCDE. Seul le Mexique fait encore pire.

    La société israélienne est une société de classe comme les autres à travers le monde. Elle comprend l’un des pires écarts entre riches et pauvres. Un petit nombre de magnats contrôle l’économie. Les travailleurs israéliens sont régulièrement contraints à entrer en lutte. En décembre dernier, par exemple, les travailleurs de Teva pharmaceuticals ont occupé une usine à Jérusalem et ont manifesté contre la menace de 1.750 pertes d’emplois. Ils ont été soutenus par une grève générale d’une demi-journée.

    Les mois suivants, des dizaines de milliers de juifs israéliens et de demandeurs d’asile – principalement africains – ont manifesté à Tel-Aviv contre les déportations forcées de réfugiés. Il y a également eu des manifestations hebdomadaires – des dizaines de milliers de personnes à un moment donné – contre la corruption des autorités. De nombreux députés et fonctionnaires font l’objet d’une enquête policière, y compris Netanyahu lui-même, que la police a recommandé d’inculper.

    Le conflit national

    Concernant le conflit national, aucun des principaux partis politiques n’offre de solution. Une majorité de la population juive est actuellement victime de l’atmosphère réactionnaire propagée par en-haut. Les gouvernements israéliens ne sont pas des novices dans l’instrumentalisation de la crainte d’attaques commises par les milices palestiniennes, par des individus ou des États voisins – en particulier l’Iran – et la coalition de Netanyahu ne fait pas exception à la règle. En avril dernier, les ministres ont créé un véritable barrage de propagande en réponse aux protestations de Gaza. Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a déclaré qu’il n’y a ‘‘aucun innocent’’ à Gaza et que ‘‘tout le monde est lié au Hamas’’.

    Le conflit national est dans une impasse et aucune négociation significative n’a lieu. Netanyahu fait face à une opposition dans son parti, le Likoud, et à la menace de l’effondrement de sa coalition gouvernementale s’il fait la moindre concession, notamment en raison de la présence du parti pro-colons de la Maison juive.

    Son gouvernement de droite a promulgué des lois qui visent à freiner l’activité d’ONG qui aident la cause des Palestiniens et à réduire les droits du 1,8 million de Palestiniens qui vit en Israël, y compris en déclarant qu’Israël est l’État-nation du peuple juif.

    Mais le statu quo de l’occupation est aussi un grand problème pour la classe dirigeante israélienne et elle est divisée sur ce qu’il convient de faire. Certains, au sommet, préconisent d’accorder des concessions à l’Autorité palestinienne pour essayer d’acheter une période de coexistence plus stable. L’occupation et la répression sont coûteuses – l’armée absorbe 13% du budget de l’Etat – et Israël fait face à la critique ainsi qu’à un certain degré d’isolement au niveau mondial pour sa brutalité dans les territoires.

    En outre, bien que Netanyahu continue de poursuivre une politique de ”faits accomplis” sur le terrain, par l’expansion des colonies et des infrastructures exclusivement juives, la classe dirigeante israélienne est confrontée à un problème démographique concernant sa base nationale. La population palestinienne dans toutes les zones qu’elle contrôle dépassera bientôt la population juive – si ce n’est pas déjà fait.

    Un Etat ou deux ?

    En raison de l’incapacité des partis politiques traditionnels à trouver une solution à deux États et de la mesure dans laquelle l’entreprise de colonisation a brisé la Cisjordanie, il existe des minorités des deux côtés de la fracture nationale qui croient qu’une solution à un seul État est maintenant possible.

    Sur une base socialiste – que ce soit à un stade précoce ou à un stade ultérieur – un État unique répondant aux besoins et aux aspirations tant des Palestiniens que des juifs pourrait faire l’objet d’un accord démocratique et ainsi être réalisé. Mais à partir d’aujourd’hui, la méfiance développée à la suite de décennies d’effusion de sang et la crainte des deux côtés de devenir une couche discriminée d’un État unique (comme le sont aujourd’hui les Palestiniens en Israël) signifie qu’une solution à un seul État n’est pas envisagée par la plupart des gens.

    Cette opinion est forte parmi les juifs israéliens en conséquence de la vie dans un État dont on leur a dit qu’il protégerait leurs intérêts après les persécutions des juifs en Europe de l’Est et au-delà, puis les horreurs de l’holocauste. Aujourd’hui, les guerres qui font rage dans la Syrie voisine et le soutien des masses à travers le Moyen-Orient pour la cause palestinienne viennent renforcer une “mentalité de citadelle assiégée” pour les juifs israéliens et la défense de l’État d’Israël.

    L’Autorité palestinienne

    Pour les Palestiniens, l’horreur de la répression et de la victimisation est devenue forte après avoir subi un déni de leurs droits fondamentaux par le régime israélien. Mais les partis politiques au pouvoir au sein de l’Autorité palestinienne ne montrent pas plus de voie à suivre que ceux d’Israël.

    Le soutien au président palestinien Mahmood Abbas, le leader du Fatah, s’est effondré à mesure que le niveau de vie de la population s’est détérioré et que sa stratégie consistant à plaider la création d’un État palestinien auprès des puissances impérialistes du monde entier a échoué à maintes reprises.

    Ces puissances considèrent que leurs liens commerciaux et géopolitiques avec Israël sont beaucoup plus importants. Et, en tout cas, elles ne peuvent pas simplement passer outre le refus de la classe dirigeante israélienne de concéder la création d’un véritable Etat palestinien à leur porte.

    Le parti islamiste de droite Hamas, au pouvoir à Gaza, n’a pas d’autre choix que d’adopter une position plus anti-impérialiste que le Fatah, que les Etats-Unis et l’UE qualifient d’organisation terroriste. Mais il n’a pas non plus de stratégie pour faire avancer la lutte pour la libération des Palestiniens. Le Hamas n’envisagera jamais la seule voie possible pour pleinement la réaliser – c’est-à-dire une lutte démocratiquement organisée reposant sur un programme socialiste – car cela signifierait la suppression de ses positions et de ses privilèges.

    Pour s’accrocher à certains de ces “droits” élitistes, et en réponse à la pression de l’Egypte et d’autres régimes arabes, il a essayé de se réconcilier avec le Fatah, acceptant de formellement renoncer à son leadership à Gaza, mais les accords n’ont pas encore abouti.

    Un sondage réalisé au début de cette année indique que plus de 50 % de la population de Gaza et de Cisjordanie ne font confiance à aucune des factions politiques ou religieuses actuelles. En Israël, lors des dernières élections générales, seuls 16,7% ont voté pour le parti de Netanyahu, le Likoud. La plus grande partie de l’électorat était représentée par les 27,7 % qui n’ont pas voté du tout.

    Les alternatives de la classe ouvrière

    De nouvelles organisations des travailleurs indépendantes doivent voir le jour des deux côtés de la fracture nationale, gérées et contrôlées démocratiquement et capables de s’attirer du soutien en agissant dans l’intérêt des gens ordinaires.

    La seule voie idéologique pour obtenir ce soutien est l’adoption d’un programme socialiste, car seule une solution socialiste peut mettre fin à l’insécurité, aux guerres, aux inégalités, à la dépossession, à la discrimination et au faible niveau de vie qui sévissent sous le capitalisme au Moyen-Orient.

    Nos prédécesseurs marxistes se sont opposés à la création de l’Etat d’Israël en Palestine il y a 70 ans, prévoyant que cela n’apporterait pas la sécurité pour les Juifs et que cela serait source de souffrances pour les Palestiniens.

    Cependant, au cours des décennies qui ont suivi, les marxistes ont dû reconnaître qu’une conscience nationale israélienne s’est développée, qu’une grande majorité de la population est maintenant née en Israël et qu’une classe dirigeante existe avec l’une des forces militaires les plus puissantes et lourdement armées à sa disposition sur la planète. Mais nous reconnaissons aussi, ce qui est crucial, qu’il existe une classe ouvrière israélienne forte d’un million de personnes avec le pouvoir potentiel de défier leurs exploiteurs capitalistes et de les renverser.

    L’opposition au sionisme, à la droite israélienne et aux capitalistes israéliens n’est en aucun cas une opposition antisémite au peuple juif, ni à la classe ouvrière et à la classe moyenne israéliennes.

    Notre organisation sœur en Israël-Palestine, le Mouvement de lutte socialiste – comme nous, membre du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) – dispose de sections à Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa qui soutiennent les luttes des travailleurs israéliens, juifs et arabes, et défendent la nécessité de s’unir dans un nouveau parti des travailleurs.

    Ils protestent activement contre l’occupation et le blocus de Gaza, soutiennent le droit au retour des réfugiés, et appellent à l’instauration de deux Etats socialistes garantissant tous les droits des minorités qui les composent.

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