Category: Asie

  • Chine : La répression d’État s’intensifie contre les militants de gauche – Abandon des charges contre Chai Xiaoming !

    Chai Xiaoming

    Le 14 août, le militant de gauche Chai Xiaoming a été jugé en secret par le tribunal intermédiaire de la ville de Nanjing, à l’est du pays, pour “incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État”. Le verdict et la sentence du tribunal n’ont pas été rendus publics, mais le ministère public de Nanjing a soumis une proposition de 3 à 5 ans de prison. Il est entendu que les avocats de Chai ont signé un accord de confidentialité avec les autorités afin de garantir que les informations sur son affaire ne soient pas divulguées.

    Cette affaire contre Chai représente une injustice monstrueuse symptomatique de la répression de la jeunesse maoïste et trotskyste par la dictature chinoise (PCC). En octobre, le vétéran maoïste Meng Xianda, rédacteur en chef du site internet “La voix du peuple” a été arrêté pour être interrogé, puis relâché. Bien que les affaires ne soient pas directement liées, Meng comme Chai avaient été de fervents partisans de la lutte des travailleurs de l’entreprise Jasic, à Shenzhen, en 2018.

    Chai Xiaoming est un trotskiste autoproclamé. Il y a une dizaine d’années, il a souvent participé à des discussions avec le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière, qui a changé de nom en 2020 pour devenir Alternative Socialiste Internationale) et chinaworker.info, bien qu’il ait ensuite rompu tout contact en invoquant des désaccords politiques. Au moment de son arrestation en 2019, Chai était rédacteur pour le site web “maoïste” de gauche, Red Reference.

    L’état policier le plus cher au monde

    Les procès secrets en Chine signifient que la famille, les amis et les médias d’un accusé sont exclus. Dans de nombreux cas, l’accusé n’a pas le droit de choisir son avocat. Un procès secret est ordonné lorsque la dictature estime que les infractions commises concernent des “secrets d’État”.

    Le système judiciaire chinois, dont les tribunaux sont strictement contrôlés par le PCC, a un taux de condamnation de plus de 99 %. Les statistiques des tribunaux de 2006 à 2016 montrent que moins de 0,2 % des accusés ont été acquittés. En d’autres termes, le fait de se présenter devant un tribunal garantit presque toujours un verdict de culpabilité. En outre, la plupart des procès reposent largement sur des aveux. Ceux-ci sont souvent obtenus sous la torture ou la contrainte, en particulier dans les affaires politiques. Il peut s’agir de menaces contre les proches de l’accusé s’il ne “coopère” pas avec les autorités. Tout cela est courant dans le système judiciaire contrôlé par le PCC.

    Au fur et à mesure que la Chine est devenue la deuxième puissance économique capitaliste au monde, elle est devenue plus répressive et dictatoriale. Elle constitue aujourd’hui l’État policier le plus cher au monde. Le budget du gouvernement pour la sécurité intérieure (“maintien de la stabilité”) est plus important que son budget militaire. En 2019, le dernier chiffre disponible, 1,39 trillion de yuans (210 milliards de dollars US) a été alloué à la sécurité intérieure, une somme qui n’est pas si éloignée du budget de la santé de 1,64 trillion de yuans (248 milliards de dollars US).

    Aucun détail du cas de Chai Xiaoming n’a été rendu public, mais sa période de détention par des agents de la sécurité d’État a commencé en mars 2019, dix-sept mois avant que l’affaire ne soit portée devant les tribunaux. Son arrestation a été officialisée en septembre 2019, soit six mois avant que l’affaire ne devienne officielle. Cela correspond également au schéma de la persécution des dissidents politiques par le PCC, avec de longues périodes de détention avant le procès au cours desquelles des aveux sont extorqués et, dans de nombreux cas, les victimes sont contraintes de “coopérer” pour éviter une peine plus sévère.

    La lutte de Jasic

    Le cas de Chai est lié à la lutte historique de Jasic, lorsque des jeunes et des militants de gauche de toute la Chine ont fait campagne pour les droits syndicaux d’un groupe de travailleurs d’une usine de Shenzhen. Cette lutte a été violemment réprimée par la dictature chinoise, révélant ainsi son caractère totalement anti-ouvrier.

    Shenzhen 2018 : Protestation du groupe de soutien aux travailleurs de Jasic

    Les patrons de Jasic ont refusé d’approuver la formation d’un syndicat dans l’usine (les syndicats indépendants sont illégaux en Chine). Ils ont licencié les principaux porte-parole des travailleurs et engagé des voyous pour les tabasser. Les réalités politiques du système capitaliste autoritaire chinois sont clairement illustrées par le contraste frappant entre la manière dont les travailleurs et les capitalistes sont traités. Jia Lei, le propriétaire de Jasic Technology, et Guo Liqun, le directeur du personnel de l’entreprise, sont tous deux “délégués” au Comité populaire de Shenzhen, nominalement le “parlement” de la ville, qui est choisi par le PCC.

    Plus de 80 jeunes et travailleurs ont été arrêtés ou ont disparu lors de la répression policière qui a suivi cette lutte. Red Reference est l’un des nombreux sites web de gauche qui a contribué à faire connaître l’affaire, ce qui a fait enrager le régime chinois.

    Fin 2018, les autorités du PCC ont lancé une campagne de répression nationale sur les campus universitaires, fermant de nombreuses “sociétés marxistes” en raison du rôle qu’elles auraient joué dans la canalisation du soutien à la lutte de Jasic. Des dirigeants étudiants éminents ont été contraints d’apparaître dans des “aveux” filmés après des mois de détention policière. C’est à peu près à cette époque que Chai a été arrêté.

    Le seul crime de Chai Xiaoming est de défendre les droits des travailleurs et de protester contre la répression brutale des travailleurs et de ses collègues socialistes en Chine. Les mesures de plus en plus draconiennes du régime de Xi Jinping contre les jeunes et les militants de gauche plus âgés démontrent qu’en dépit de ses tentatives de démonstration de force et de stabilité, il redoute la croissance du soutien aux idées socialistes. Pour la nouvelle génération de jeunes chinois de gauche et socialistes, la persécution de Chai ne fait que donner davantage de raisons de s’organiser et de lutter contre le capitalisme et la dictature.

    Nos articles sur la lutte de Jasic :

  • L’Azerbaïdjan et l’Arménie se dirigent vers une guerre ouverte

    Le nouvel éclatement du conflit militaire autour du Haut-Karabakh n’est pas accidentel, mais résulte des crises globales qui touchent actuellement le monde, des conflits croissants entre les puissances impérialistes, de l’escalade de la crise économique mondiale et de l’incapacité de l’élite bourgeoise à résoudre les problèmes.

    Par Rob Jones, Sotsialisticheskaya Alternativa (ASI-Russie)

    Une fois de plus, la guerre a éclaté sur le territoire de l’ex-Union soviétique. Une dispute non résolue de longue date au sujet de l’enclave arménienne du Haut-Karabakh entre les républiques caucasiennes d’Arménie et d’Azerbaïdjan a dégénéré en un conflit dans lequel la Russie et la Turquie soutiennent des camps différents. Tout cela se passe avec la puanteur du pétrole dans l’air.

    Ces derniers jours, le Haut-Karabakh et sa capitale Stepanakert, ainsi que certaines régions de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie elles-mêmes ont subi de lourds combats impliquant l’utilisation généralisée de l’artillerie. Des chars ont été détruits et des avions abattus, tandis que les déclarations et les rapports d’un côté comme de l’autre indiquent que le nombre de soldats tués se compte désormais par centaines. Des civils, y compris des enfants, sont morts.

    Une situation militaire a été déclarée au sein-même du Haut-Karabakh et dans plusieurs régions d’Azerbaïdjan, tandis que la mobilisation générale et la loi martiale ont été décrétées en Arménie. L’Iran se plaint que certains obus d’artillerie ont atterri sur son territoire, tandis que l’Arménie affirme qu’un de ses avions a été abattu par un chasseur turc.

    Un conflit enraciné dans l’impérialisme du XIXe siècle

    De nombreux commentateurs expliquent le conflit comme étant dû à une haine profonde entre les Arméniens chrétiens et les Azerbaïdjanais turcs. Il est vrai, bien sûr, que la région caucasienne est un puzzle de nationalités et de religions. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, elle a été le théâtre de nombreux conflits, dont deux horribles guerres tchétchènes, une guerre civile en Géorgie, la guerre russo-géorgienne de 2008 et la guerre de 1991-4 pour le contrôle du Haut-Karabakh, qui a coûté la vie à au moins 20 000 personnes et qui n’a pas été résolue depuis.

    Nombre de ces conflits trouvent leur origine dans les divisions semées dans la période précédant la révolution russe, lorsque la région était au centre d’un conflit intense entre les puissances impérialistes, dont la Grande-Bretagne, la Russie et la Turquie. Cette période a laissé de profondes cicatrices dans toute la région, en particulier l’élimination massive des Arméniens par le régime turc à partir de 1915, qui a fait 1,5 million de morts et n’a été reconnue que récemment comme un génocide par des gouvernements comme celui des États-Unis, qui ne voulait pas perturber ses relations avec la Turquie.

    La révolution russe a offert l’espoir d’un avenir meilleur. Au départ, la population principalement arménienne du Haut-Karabakh a choisi de rester en Arménie, ce que les bolcheviks ont accepté. Ce plan a été contrarié par la bureaucratie stalinienne qui, pour apaiser la Turquie et faciliter l’administration de la région, a transféré le Haut-Karabakh sous le contrôle de l’Azerbaïdjan. Comme de nombreuses autres régions du Caucase, le Haut-Karabakh a souffert des politiques criminelles du stalinisme, notamment la collectivisation forcée et la déportation des Kurdes ethniques d’Arménie pour apaiser la Turquie dans les années 1930. Plus de 100 000 Azerbaïdjanais ont été expulsés de Erevan après 1945, de peur de devenir une “cinquième colonne” si la Turquie décidait d’envahir la région. Dans l’ensemble, cependant, après la guerre, la région s’est développée économiquement grâce aux avantages de l’économie planifiée.

    La perestroïka de Gorbatchev a déclenché un conflit national

    Cependant, lorsque l’Union soviétique a commencé à se disloquer à la fin des années 1980, des manifestations ont éclaté dans la capitale arménienne. Les questions environnementales, telles les fuites de l’usine chimique locale et la présence d’une centrale nucléaire dans une zone d’activité sismique, ont d’abord été ignorées par Gorbatchev. Mais lorsqu’il a envoyé des troupes, il a provoqué une opposition de masse et des grèves, qui se sont ensuite transformées en une demande de retour du Haut-Karabakh sous le contrôle de l’Arménie. Comme l’a dit un étudiant de l’époque : “La question nationale n’est pas la raison des protestations, mais l’excuse : nous sommes contre toute oppression”. Alors que le mouvement s’étendait à Stepanakert, les autorités communistes locales, une partie de la direction du parti azerbaïdjanais, ont organisé des pogroms contre la population arménienne, un conflit ethnique brutal a éclaté, entraînant des dizaines de morts, puis une guerre entre les deux nouveaux pays. Plus d’un demi-million d’Azerbaïdjanais ont été contraints de quitter le Haut-Karabakh lui-même et certaines régions qui l’entourent. Malgré un cessez-le-feu en 1994, le conflit n’a pas été résolu et, pendant une courte période, en 2016, il a de nouveau éclaté, faisant des nouvelles victimes.

    Le nouvel éclatement du conflit militaire n’est pas accidentel, mais résulte des crises globales qui touchent actuellement le monde, des conflits croissants entre les puissances impérialistes, de l’escalade de la crise économique mondiale et de l’incapacité de l’élite bourgeoise à résoudre les injustices historiques de manière acceptable pour toutes les parties.

    La crise du coronavirus caucasien

    Avec une population commune de seulement 13 millions d’habitants, les deux pays ont enregistré environ 100 000 cas de coronavirus. Naturellement, cela met beaucoup de pression sur les deux gouvernements.

    En Arménie, malgré le blocage, la Banque centrale estime que le PIB aura chuté de 6 % d’ici la fin de l’année, même si le gouvernement a annoncé un programme de relance basé sur une centaine de projets de construction. La banque ne s’attend pas à ce que l’économie se redresse avant 2023.

    Nikol Pashinyan, le Premier ministre arménien, se présente comme un pragmatique arrivé au pouvoir à la suite de la révolution de velours d’il y a deux ans. Son parti s’est battu lors des précédentes élections sur une plate-forme pro-européenne mais depuis son arrivée au pouvoir, il a suivi une ligne favorable à la Russie. Il n’a aucun problème avec les bases militaires russes en Arménie, qui, selon lui, aident à protéger la frontière turco-arménienne.

    L’Azerbaïdjan est, en revanche, un pays riche en pétrole et ouvertement autoritaire. En raison de la chute du prix mondial du pétrole, le prix du pétrole azéri est tombé à un tiers de sa valeur précédente pendant la pandémie. On s’attend à ce que le pays connaisse une baisse de 4 % de son PIB cette année, malgré les dépenses publiques de 3 % de son PIB dans le cadre d’un plan de relance. Une chute similaire des prix du pétrole a été un précurseur du court conflit avec l’Arménie en 2016.

    Jusqu’à récemment, le gouvernement Aliyev a fait valoir qu’il souhaitait améliorer le niveau de vie, mais que tant qu’il serait nécessaire de défendre le pays contre l’Arménie, il n’y aurait pas de ressources disponibles. Il maintient son pouvoir, en partie, en créant un état de panique quand à la possibilité d’une nouvelle guerre.

    Les combats de juillet

    Les tensions entre les deux gouvernements ont débordé en juillet lorsque des combats ont éclaté à la frontière entre les deux pays. Une vingtaine de personnes ont perdu la vie en utilisant l’artillerie et les drones, y compris des officiers militaires de haut rang des deux côtés. Selon PGI, une société de conseil en sécurité, les deux côtés de ce conflit « visaient principalement à distraire les audiences nationales critiques de la gestion de la crise du coronavirus (COVID-19) par chaque gouvernement plutôt qu’à provoquer une escalade militaire ». Elle a fait valoir que ces combats, qui se sont déroulés à 300 kilomètres du Haut-Karabakh, seraient limités, car les deux camps craignaient qu’ils n’affectent l’approvisionnement en énergie. La zone alors touchée se trouvait à quelques pas des principaux pipelines de l’Azerbaïdjan vers la Turquie alors que le gouvernement azerbaïdjanais menaçait d’attaquer la centrale nucléaire de l’Arménie.

    L’élite dirigeante des deux pays a bien évidemment utilisé la situation pour détourner l’attention de ses propres échecs, en particulier pendant la pandémie. Dans la capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, des manifestations importantes et bruyantes en faveur de la guerre ont été encouragées. La liberté d’expression est particulièrement restreinte en Azerbaïdjan, où les gens ont souvent peur de parler ouvertement dans leur propre maison. Pourtant, le régime n’a aucun problème à permettre que des appels publics soient lancés “pour la libération des terres occupées” ou pour “tuer de l’Arménien”.

    Bakou avait espéré que lorsque Pashinyan serait arrivé au pouvoir à Erevan, la position arménienne s’assouplirait car le gouvernement précédent était considéré comme proche du “parti du Karabakh”. Pashinyan a rapidement anéanti cet espoir lorsqu’il a commencé à déclarer publiquement que “le Karabakh est une terre arménienne” et que “l’Arménie n’a pas de terre à donner”. Les autorités arméniennes ont elles aussi suscité des sentiments de jingoïsme.

    Les pourparlers de paix rejetés

    Le Haut-Karabakh, enclavé et principalement montagneux, peut sembler loin du centre de la politique mondiale, mais il est aujourd’hui le théâtre d’une guerre de proximité entre puissances impérialistes. La Russie a longtemps traité la région comme sa porte dérobée. Elle a essayé de trouver un équilibre entre l’élite dirigeante des deux pays et a vendu activement des armes aux deux parties, davantage à l’Azerbaïdjan car ce dernier a plus d’argent, issu du pétrole, pour payer ses achats. Elle a proposé de servir de médiateur dans les pourparlers de paix entre les deux parties, mais aucune des deux ne fait encore confiance à son voisin du nord. L’Azerbaïdjan, parce que l’Arménie a un pacte de défense mutuelle avec la Russie ainsi que de grandes bases militaires russes. Pashinyan, à son tour, a promptement rejeté la proposition de la Russie en arguant que les pourparlers sont impossibles lorsqu’il y a des combats aussi intenses.

    La motivation de la Russie pour négocier un accord de paix est en partie due au fait qu’elle ne peut pas se permettre un autre conflit militaire ouvert dans la Caucase alors qu’elle est déjà confrontée à une nouvelle crise économique dramatique, à une deuxième vague de Coronavirus qui s’intensifie rapidement et à des troubles en Biélorussie et dans ses propres régions orientales. Mais elle craint également l’influence croissante de la Turquie dans la région. Si la Turquie venait à forger une alliance plus forte avec l’Azerbaïdjan et que la Russie perdait son influence en Biélorussie, la Russie n’aurait en fait aucun État “ami” le long de sa frontière occidentale/sud-ouest, de la Lituanie à la Géorgie et à l’Azerbaïdjan en passant par la Biélorussie et l’Ukraine.

    La Turquie a certainement fait monter les enjeux depuis le conflit de juillet. Elle entretient une relation de type “on-off” avec la Russie depuis l’effondrement de l’URSS, atteignant probablement un point bas en 2015 lorsque des chasseurs turcs ont abattu un avion russe près de la frontière turco-syrienne. Cela a conduit à une période de sanctions de la Russie contre la Turquie, mais des efforts diplomatiques intensifs ont depuis lors conduit à une amélioration significative des relations.

    Turquie et Russie : relations on-off

    Toutefois, si les deux pays gardent un visage amical dans leurs relations et sont prêts à se soutenir mutuellement contre les États-Unis, leurs intérêts sont en conflit direct à bien d’autres égards. Au Moyen-Orient, ils se sont retrouvés dans des camps opposés. En Syrie, la Russie a soutenu le gouvernement Assad, tandis que la Turquie a soutenu l’opposition ; en Libye la situation est inversée. Cela explique en partie pourquoi l’Arménie se plaint amèrement que la Turquie recrute des mercenaires syriens pour combattre en Azerbaïdjan, tandis que Bakou répond en alléguant que Erevan utilise des combattants du PKK.

    La Turquie est confrontée à des problèmes économiques croissants, aggravés par le coronavirus. La réponse d’Erdogan est d’intensifier la répression et de mener une campagne “patriotique” qui suggère que la Turquie renforce son influence à l’étranger.

    L’Azerbaïdjan, avec sa population majoritairement musulmane et de langue turque, est considéré comme un allié naturel. En effet, certaines personnalités du gouvernement turc parlent d’ « un peuple, deux États ». Mais il y a des raisons plus profondes.

    L’approvisionnement en pétrole turc est menacé

    En juillet, les responsables turcs s’inquiétaient alors que les combats dans les régions de Tovuz en Azerbaïdjan et de Tavush en Arménie se rapprochaient désespérément des principaux corridors de transport et d’énergie. Les gazoducs Bakou-Tbilissi-Ceyhan et ceux du Caucase du Sud ne fournissent pas seulement à la Turquie 20 % de ses approvisionnements en gaz, ils constituent une source alternative réduisant la dépendance du pays à l’égard de l’énergie russe. L’intérêt stratégique de la Turquie est de renforcer sa position en Azerbaïdjan, afin qu’elle puisse négocier avec Moscou à partir d’une position plus forte. L’urgence s’est probablement accrue sur cette question étant donné les tentatives de “médiation” du Kremlin dans le conflit de la Méditerranée orientale, la marine russe effectuant des exercices de tir réel à proximité des navires de recherche sismique turcs.

    L’Iran a une frontière commune avec les deux pays et d’importantes minorités nationales. Normalement du côté de l’Arménie, il souhaite avant tout maintenir la stabilité dans la région de peur que les perturbations ne s’étendent à l’Iran même. Sous l’administration Trump, telle qu’exprimée par John Bolton en 2018, les États-Unis ont poussé l’Arménie à ouvrir sa frontière avec l’Azerbaïdjan et la Turquie et à fermer celle avec l’Iran. Étant donné la crainte historique de l’Arménie vis-à-vis de la Turquie, cela a sans aucun doute renforcé le sentiment d’insécurité de arménien.

    Paradoxalement, l’un des plus puissants alliés de l’Azerbaïdjan est Israël, qui s’appuie sur la république pour faire contrepoids à l’Iran, à la Turquie et à la Russie, mais surtout qui maintient des liens commerciaux solides. 40 % du pétrole d’Israël provient d’Azerbaïdjan qui, en retour, achète d’importantes quantités d’armes.

    Le grand pétrole

    Les autres grands acteurs sont, bien sûr, les États-Unis et l’Union européenne, qui ont tous deux des intérêts majeurs dans la région. La majeure partie du pétrole et du gaz azerbaïdjanais est produite par BP, qui appartient aux États-Unis et au Royaume-Uni, tandis que les États-Unis soutiennent le pipeline du Caucase du Sud. Dans quelques semaines, l’UE devrait commencer à importer du gaz du pays dans le cadre de sa politique de diversification, afin de réduire sa dépendance à l’égard des approvisionnements russes. Ce gaz passera par le port turc de Ceyhan, en Méditerranée orientale. Même si les récents combats ont eu lieu à proximité des gazoducs, cela n’a pas encore affecté les prix mondiaux du pétrole, car la demande a considérablement diminué en raison de l’effondrement de l’économie mondiale.

    Les conflits ethniques qui ont fait rage dans le Caucase pendant et après l’effondrement de l’URSS étaient le reflet de différences profondément enracinées, mais ils ont suivi une période au cours de laquelle les différentes nationalités, religions et groupes ethniques ont pu vivre dans une relative harmonie.

    Mais alors que le capitalisme commençait à être restauré dans la région, l’élément déclencheur de la reprise des conflits se trouvait souvent dans la lutte entre différentes sections de l’élite dirigeante pour le contrôle des richesses et des ressources naturelles. Aujourd’hui, il n’en va pas autrement. Que ce soit dans le Bakou autoritaire ou dans le Erevan démocratique libéral, les élites dirigeantes défendent leur pouvoir et leurs privilèges en attisant les humeurs militaristes et les tensions ethniques, un conflit compliqué par l’intervention des régimes autoritaires de Turquie et de Russie et par la cupidité des compagnies pétrolières et gazières occidentales.

    Arrêter la guerre

    La guerre doit être arrêtée, ce qui ne peut se faire qu’en s’appuyant non sur l’intervention des “médiateurs” impérialistes qui, depuis trente ans, n’ont pas réussi à résoudre le conflit, mais sur la mobilisation active des travailleurs et des jeunes des deux pays dans un puissant mouvement anti-guerre avec des manifestations et des grèves, et sur la solidarité active de mouvements similaires en Russie, en Turquie et ailleurs. Les puissances étrangères ne devraient pas avoir le droit d’intervenir dans la région.

    Tout en mettant fin à la guerre, cependant, il faut en éliminer les causes. Il ne devrait plus y avoir de querelles entre les élites dirigeantes sur la manière de voler les richesses et les ressources naturelles de la région. Ces ressources, y compris les champs de pétrole et de gaz et les oléoducs, devraient être prises en charge par le secteur public, dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée, au profit de tous les peuples de la région.

    Les gouvernements de la région, qu’ils soient “autoritaires” ou “démocratiques”, ne représentent pas les intérêts des gens ordinaires. Des partis de masse de la classe ouvrière, des femmes, des jeunes et d’autres couches opprimées sont nécessaires pour prendre le pouvoir politique entre leurs mains.

    La division des travailleurs et de la jeunesse en groupes nationaux ou ethniques doit cesser. Des syndicats indépendants, des partis ouvriers ou des comités de défense pour résister à la guerre doivent être organisés selon le principe de “l’unité des travailleurs”, en évitant les tentatives de l’élite au pouvoir de nous diviser. Cela permettrait une véritable autodétermination – le droit des peuples à disposer d’eux-même sans conflit ni nettoyage ethnique.

    Tout cela conduit à la conclusion que le Caucase devrait être libéré de l’exploitation, de la répression et des conflits en mettant fin au capitalisme et en le remplaçant par une société socialiste véritablement démocratique au sein d’une fédération volontaire d’États socialistes.

  • Rassemblement à Bruxelles: Liberté pour les Ouïghours!

    Ce dimanche 26 juillet 2020, un peu plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées pacifiquement Gare Centrale à Bruxelles afin de dénoncer l’incarcération de masse du peuple ouïghour par le gouvernement chinois et les multinationales qui participent à leur exploitation inhumaine. Aujourd’hui Il y aurait un peu plus de 3000 Ouïghours en Belgique et il est grand temps qu’on écoute leurs voix.

    Par Amy (EGA-Bruxelles)

    Les Ouïghours sont un peuple turcophone, à majorité musulman sunnite, habitant la région autonome ouïghoure du Xinjiang dans la Chine occidentale. Pendant que les relations entre la communauté Ouïghours et Beijing ont toujours été tendues, leur persécution par l’Etat chinois a connu des nouveaux sommets en 2014. Sous l’initiative du président Xi Jinping, les peuples musulmans du Xinjiang ont été ciblés par une nouvelle campagne “anti-terroriste”. Il s’agit du sommet de décennies de rhétorique raciste contre les musulmans du Xinjiang, dont les Ouïghours sont une majorité, mais qui inclus aussi d’importantes communautés kazakh et kyrgyz. Les nouvelles mesures adoptées par le gouvernement chinois ont mené à l’internement de presque 2 million de musulmans dans des “camps de rééducation”, soi-disant pour leur offrir une éducation conforme à l’idéologie du régime du Parti soi-disant “Communiste” Chinois. Il s’agit de camp de concentrations où les prisonniers sont forcés à travailler et à survivre dans des conditions extrêmement déplorables.

    Au rassemblement, plusieurs Ouïghours rescapés ont pris la parole pour partager leur expérience concernant la situation du Xinjiang. Ils ont décrit les situations inhumaines de travail et de vie auxquelles ils font face dans les camps. Les femmes et jeunes filles sont souvent victimes de violences sexuelles et stérilisées de force. Les contacts avec le monde extérieur sont interdits sous peine mort ou d’exécution sommaire. Les rescapés n’ont donc aucune nouvelle de leur famille, ils ne savent pas comment vont leurs proches ou même s’ils sont encore vivants. Ces mesures sont accompagnées par une repopulation systémique du Xinjiang par des Chinois Han, considérés par le régime comme des citoyens plus loyaux et fiables. Cela a conduit de nombreuses personnes à caractériser la politique du gouvernement chinois comme étant un génocide culturel des Ouïghours et le plus grand internement de masse depuis la Shoah.

    Dans le contexte de la guerre commerciale, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a récemment condamné les politiques du gouvernement chinois contre les Ouïghours. Cela s’est produit à la suite des accusations formulées par l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton selon qui Trump a approuvé le politiques de Xi Jinping au Xinjiang. Cependant, le travail forcé des Ouïghours est exploité par de nombreuses multinationales de mode, automobile et informatique incluant Nike, Mercedes, Amazon et Google. Cela montre une fois de plus l’hypocrisie du gouvernement américain, qui est toujours prêt à condamner les actions du régime chinois pour poursuivre ses propres objectifs, tout en permettant à ses multinationales de bénéficier de sa brutalité.

    Une pétition a circulé pendant le rassemblement pour dire à ces multinationales d’arrêter l’exploitation de ces peuples et dénoncer ces pratiques criminelles.

    Nous partageons ici le lien: Pétition · STOP THE OPERATING BRANDS THAT PROFIT FROM UYGHUR FORCED LABOUR.

    Nous voulons envoyer notre solidarité au peuple ouïghour et a toutes les communautés opprimées et exploitées par le régime chinois et par les multinationales. Nous ne pouvons pas attendre que les gouvernements capitalistes prennent des actions sérieuses contres ces crimes. Ils sont complices de la brutalité du PCC. La seule issue est la solidarité internationale des travailleurs et travailleuses. Il est impératif pour les activistes ouïghours et chinois de construire des liens de solidarité entre leurs mouvements afin de mettre en avant un vrai défi au régime chinois capitaliste d’Etat et mettre fin à la dictature des bureaucrates et des milliardaires.

  • Hong Kong : Loi sur la sécurité nationale, ‘‘L’option nucléaire” de Xi Jinping

    L’imposition de la nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong par la dictature chinoise (PCC) est un coup dur pour les droits démocratiques et politiques

    Par Per-Ake Westerlund et Vincent Kolo

    L’effet de la nouvelle loi imposée par le régime chinois est similaire à un coup d’Etat militaire ou à un second “4 juin (date du massacre de Tienanmen)” mais en utilisant des lois, une police secrète et des niveaux massifs de cyber surveillance à la place de chars.

    La portée de la nouvelle loi a horrifié les experts juridiques et les militants de la démocratie, et pas seulement à Hong Kong. La loi est beaucoup plus draconienne que ce que la plupart des commentateurs attendaient. Il a été prouvé que les capitalistes et les magnats de Hong Kong, qui soutiennent la loi et avaient prétendu qu’elle serait “appliquée de façon limitée”, ont complètement tort.

    Pour la lutte anti-autoritaire à Hong Kong et en Chine, et le mouvement historique de protestation de masse de l’année dernière, cela représente une grave défaite. Mais c’est une défaite qui pourrait ne pas durer aussi longtemps que la dictature l’espère.

    La nouvelle loi a été mise en œuvre une heure avant minuit le 30 juin, délibérément programmée pour obtenir un effet de choc maximum avant le jour férié annuel du 1er juillet, le jour de protestation le plus important du calendrier politique de Hong Kong. Depuis lors, chaque jour, de nouvelles mesures draconiennes ont été annoncées, élargissant la portée et la sévérité de la nouvelle loi.

    L’aspect le plus important de la loi n’est pas ce qu’elle dit, mais qui la fera appliquer. Pour la première fois, la police secrète continentale et les agents du PCC opéreront ouvertement et disposeront de pouvoirs extrêmement étendus. De nouvelles agences sont apparues en quelques jours pour espionner et recueillir des renseignements sur les militants politiques, ainsi que pour faire appliquer la loi sur la sécurité nationale, en contournant et en neutralisant les forces étatiques locales si nécessaire.

    L’homme que Pékin a placé en charge est un dur à cuire notoire, Zheng Yanxiong, qui était auparavant secrétaire général du comité régional du parti communiste à Guangdong. Zheng s’est fait connaître en 2011 en tentant d’écraser le mouvement de protestation à Wukan, un village du Guangdong. Ses supérieurs de l’époque avaient été contraints de le mettre sur la touche parce qu’ils considéraient que son approche à Wukan, la ligne dure, était contre-productive. C’était juste avant que ne commence l’ère de Xi Jinping (Xi est arrivé au pouvoir en novembre 2012).

    L’Administration locale perd sa pertinence

    Le répugnant gouvernement de droite de Hong Kong et l’establishment capitaliste pro-PCC se réjouissent à l’idée de se venger du mouvement populaire et ont le sentiment de soudainement gagner en pouvoirs. Ils sont maintenant redoutés pour la première fois depuis que les manifestations de l’année dernière ont éclaté et en ont fait des objets de dégoût ridiculisés. Mais ce n’est pas le gouvernement de Hong Kong qui dirige l’actuel processus. La nouvelle loi démontre en fait que ce gouvernement est plus que jamais hors de propos.

    Le mythe du principe “un pays, deux systèmes”, c’est-à-dire un certain degré d’autonomie politique sous la dictature chinoise, est désormais abandonné une fois pour toutes. Il s’agit d’un départ historique et potentiellement imprudent pour le régime du PCC, qui peut susciter des représailles massives de la part des régimes capitalistes rivaux dans le monde entier, Hong Kong ayant été catapulté dans le rôle d’un nouveau “Berlin-Ouest” dans le cadre de l’escalade de la guerre froide entre l’impérialisme chinois et occidental.

    Le rôle et l’importance de Hong Kong dans le passé n’était pas seulement celui de premier centre financier d’Asie, avec une forte présence de banques et de sociétés occidentales. Hong Kong a également joué le rôle de bouclier politique pour la dictature. Pékin a pu maintenir l’illusion qu’il était ouvert à certaines réformes démocratiques limitées en préservant Hong Kong comme un “second système” au sein d’”un seul pays”.

    Pendant un certain temps, dans les premières années qui ont suivi la rétrocession de Hong Kong à la Chine, il ne s’agissait pas d’un simple subterfuge – les autorités chinoises précédentes n’excluaient pas la possibilité d’autoriser un plus grand degré de démocratie bourgeoise à Hong Kong, en l’utilisant comme “cobaye” pour une éventuelle expérimentation démocratique en Chine à un stade ultérieur. Mais même avant l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, le régime chinois avait résolument abandonné cette idée.

    La dictature avait pris conscience que même de petites concessions démocratiques – un assouplissement de la censure, un système judiciaire plus indépendant – déclencheraient une réaction en chaîne conduisant finalement à son propre effondrement. À partir de ce moment, l’objectif de Pékin a été de faire reculer l’horloge de Hong Kong. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping a encore renforcé cette dérive totalitaire.

    Un monstre qui grandit de jour en jour

    L’introduction de la loi sur la sécurité nationale vise à avoir l’effet d’un big bang. De nouvelles mesures extrêmes sont annoncées quotidiennement, comme un monstre qui grandit de jour en jour. Cela s’explique en partie par le fait que la dictature était si désireuse d’étourdir le monde en faisant étalage de sa puissance sur Hong Kong qu’il n’y avait pas de plan détaillé. La mécanique réelle de la loi est encore en cours d’élaboration. Voici quelques-uns des nouveaux aspects annoncés au cours de ces derniers jours seulement.

    Dimanche 5 juillet : Les partis politiques, organisations et ONG internationaux et taïwanais seront confrontés à la demande d’ouvrir leurs registres d’adhésion et leurs comptabilités aux agents chinois. Les représentants d’organisations qui refuseront de le faire seront condamnés à des peines allant jusqu’à deux ans de prison s’ils se rendent à Hong Kong ou en Chine, quelle que soit leur nationalité. Cela représente un danger de poursuites pour les socialistes, y compris les membres d’Alternative Socialiste Internationale (ASI/ISA), dans n’importe quel pays. La portée extraterritoriale de la loi est sans précédent.

    “Si vous avez déjà dit quelque chose qui pourrait offenser [la Chine] ou les autorités de Hong Kong, restez en dehors de Hong Kong”, a écrit Donald Clarke, un expert en droit chinois de l’Université George Washington, dans une analyse (citée dans le Hong Kong Free Press).

    Lundi 6 juillet : La police peut procéder à des perquisitions dans les maisons ou sur les lieux de travail et à des écoutes téléphoniques où elle le souhaite, sans obtenir de mandat de perquisition. La police peut également empêcher toute personne “faisant l’objet d’une enquête” de quitter Hong Kong. Les entreprises de télécommunications et d’internet sont désormais tenues de remettre les registres de leurs clients. Cette extension sans précédent des pouvoirs de la police et toutes les autres mesures prévues par la nouvelle loi sont mises en œuvre sans aucune consultation des autorités de Hong Kong – elles sont des spectateurs tout comme nous.

    Mardi 7 juillet : Les livres étiquetés comme illégaux par la nouvelle loi seront retirés des écoles et des bibliothèques. “Si un matériel pédagogique a un contenu qui est dépassé ou qui implique les quatre crimes prévus par la loi, à moins qu’il ne soit utilisé pour enseigner de manière positive aux élèves leur conscience de la sécurité nationale ou leur sens de la sauvegarde de la sécurité nationale, sinon s’il implique un autre crime grave ou un acte socialement et moralement inacceptable, il devrait être retiré”, a déclaré l’ordre du Bureau de l’éducation.

    Faire respecter les règles de la Chine continentale et les restrictions imposées aux écoles et aux universités de Hong Kong était un objectif à long terme pour Pékin.

    Les 4 crimes

    La loi nomme quatre crimes passibles de prison à vie (ou de peine de mort si l’accusé est envoyé en “procès” en Chine). Ces crimes sont formulés en termes extrêmement vagues et peuvent donc être utilisés par le régime comme bon lui semble. Les activités et les points de vue peuvent être déclarés illégaux d’un jour à l’autre.

    La subversion comprendra toute critique de la dictature à Pékin. Le slogan “Mettre fin à la dictature du parti unique” était une revendication centrale de la lutte pour la démocratie à Hong Kong depuis sa création ; tant le slogan que les organisations qui l’utilisent pourraient maintenant être mis hors la loi.

    La sécession couvre les demandes d’indépendance ou d’autonomie accrue pour Taïwan, Hong Kong, le Tibet et le Xinjiang. Toute organisation qui se contente d’appeler à l’”autodétermination” est en violation de la nouvelle loi. Cela signifie que Mao Zedong lui-même, qui, en paroles sinon en pratique, a défendu le droit des minorités nationales à l’autodétermination, risquerait la prison à vie en vertu de la nouvelle loi !

    “Reclaim Hong Kong, Revolution of our times” – l’un des slogans de protestation les plus populaires de l’année dernière – a déjà été interdit par la nouvelle loi au motif qu’il équivaut à une “sécession”. Alternative Socialiste Internationale n’a jamais soutenu ce slogan parce qu’il est associé aux nativistes de droite de Hong Kong et qu’il indique une orientation nationaliste confuse qui s’éloigne de la nécessité de forger un mouvement uni avec les travailleuses et travailleurs de Chine continentale. Mais en interdisant ce slogan, le PCC a garanti qu’il exercera une emprise encore plus puissante sur l’esprit des travailleurs et des jeunes de Hong Kong. Il pourrait même trouver un écho parmi les travailleuses, les travailleurs et les jeunes de Chine continentale.

    Le DPP, le parti au pouvoir à Taiwan, a mis en garde ses citoyens contre tout voyage à Hong Kong, car ils pourraient être arrêtés en vertu de la nouvelle loi s’ils ont fait des déclarations publiques ou affiché des messages en faveur de l’indépendance de Taiwan. Dans de récents sondages, 54 % des Taïwanais se déclarent favorables à l’indépendance totale de l’île, ce qui est le plus haut niveau jamais atteint. Cela provient directement des politiques agressives de Xi Jinping contre Taïwan, encore renforcées par la répression à Hong Kong.

    La définition du terrorisme comprend un large éventail d’activités sans aucun lien avec le terrorisme réel. Ce label a été largement utilisé par l’establishment local pro-PCC et les médias du continent pour décrire les manifestations de l’année dernière. La perturbation des transports publics, comme lors des manifestations dans les stations de métro l’année dernière, pourrait être qualifiée de “terrorisme” par la police du PCC. De même, tout acte de soutien à ces manifestations, comme le fait de donner de la nourriture et des boissons aux manifestants ou de prodiguer des soins médicaux aux blessés, sera illégal, couvrant ainsi non seulement les manifestants de première ligne mais aussi une partie potentiellement importante de la population.

    La collusion avec des forces étrangères pour porter atteinte à la sécurité nationale couvre tous les liens ou contacts internationaux, y compris Taïwan. Si cette méthode est susceptible d’être utilisée contre certains groupes et hommes politiques qui ont appelé les États-Unis et d’autres puissances étrangères à imposer des sanctions et à faire pression sur le PCC, elle peut également être utilisée contre des organisations politiques, des syndicats, des ONG et tout groupe ayant des membres au-delà des frontières de Hong Kong et critiquant le régime du PCC.

    Les journalistes et les médias de Hong Kong se préparent également à une répression, l’agence de sécurité nationale nouvellement créée ayant reçu l’ordre de “prendre les mesures nécessaires pour renforcer la gestion” des médias et des ONG. Le chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, n’a pas calmé les craintes lorsqu’elle a déclaré : “Si les journalistes peuvent garantir qu’ils n’enfreindront pas cette loi, alors je peux aussi garantir la même chose”.

    Une enquête récente de l’Association des journalistes de Hong Kong montre que 87 % des personnes interrogées pensent que la liberté de la presse sera “gravement affectée” par la loi, et 90 % pensent que la sécurité des journalistes sera menacée.

    Le contexte global

    L’action brutale de Xi Jinping contre Hong Kong doit être considérée dans le contexte d’une série de mesures prises récemment par le régime chinois, en particulier par les militaires. Son conflit frontalier avec l’Inde est le plus grave depuis leur guerre de 1962, ses avions de chasse ont pénétré à plusieurs reprises dans l’espace aérien taïwanais et, pour la première fois, la marine chinoise effectue des manœuvres navales dans trois mers en même temps, dans la mer de Chine orientale, la mer de Chine méridionale et la mer Jaune. La Chine a également envoyé des navires dans les eaux contestées près des îles Diaoyu (Senkaku) contrôlées par le Japon, en protestation contre la décision du gouvernement local de renommer certaines îles.

    Xi Jinping semble s’engager dans des batailles partout, y compris dans un conflit qui s’intensifie avec l’Australie, avec laquelle la Chine entretenait auparavant des relations économiques florissantes. Deux citoyens canadiens en Chine ont été accusés d’espionnage et pourraient être condamnés à la peine de mort, en représailles à l’arrestation au Canada du vice-président de Huawei, Meng Wanzhou, qui est également la fille du fondateur de Huawei, Ren Zhengfei.

    Les actions contre Hong Kong ne concernent donc pas seulement, ni même principalement, Hong Kong. L’objectif déclaré, à savoir arrêter le mouvement de masse qui a rassemblé des millions de personnes lors de manifestations en 2019, n’a pas nécessité que le PCC utilise l’”option nucléaire”, ce à quoi la loi se résume. En fait, le mouvement de protestation anti-autoritaire était déjà sur le déclin, s’étant heurté à ses propres contradictions internes : l’absence d’un programme politique clair et surtout d’une base ouvrière organisée pour rassembler la lutte et la diriger dans une phase beaucoup plus compliquée.

    Les dernières mesures sévères peuvent avoir un effet choquant à court terme et c’est clairement une défaite pour le mouvement. En tirant les leçons essentielles et en changeant de direction, le mouvement peut se redresser à l’avenir. L’objectif de la loi est de répandre la terreur, non seulement à Hong Kong mais aussi en Chine continentale où les grondements de colère se font de plus en plus entendre. La Chine traverse une crise économique profonde à la suite du Covid-19, qui fait suite aux effets de la guerre commerciale avec les États-Unis et au ralentissement général de l’économie chinoise de ces 7-8 dernières années.

    Xi Jinping veut également projeter sa force contre tout adversaire au sein de l’Etat-PCC et de l’armée. La lutte interne pour le pouvoir est désormais un élément décisif de l’évolution politique en Chine, reflétant la crise plus large de la société. Xi s’efforce de protéger sa propre position et son projet de troisième mandat, basé sur un amendement constitutionnel de 2018, qui ne semble plus certain aujourd’hui.

    La politique intérieure et étrangère de Xi est considérée comme une distraction gênante par une partie de l’élite au pouvoir qui considère que la tâche principale est de relancer l’économie. Mais Xi ne peut pas facilement changer de direction politique, car cela porterait gravement atteinte à son autorité. Alors que les factions rivales aiguisent leurs couteaux, Xi en est venu à ressembler, à certains égards, à son homologue américain Trump, en misant toujours plus sur le nationalisme comme carte principale et en recherchant de nouveaux conflits comme moyen de démontrer sa puissance et de forcer la société et l’État PCC à s’unir derrière lui.

    L’accord de Trump

    Jusqu’à présent, l’impérialisme occidental a vivement condamné la nouvelle loi, mais les actions de riposte ont été relativement modérées. Les puissances occidentales veulent dépeindre le conflit comme étant “idéologique” : la démocratie contre la dictature. C’est tout à fait hypocrite, puisque les États-Unis et l’Union européenne n’ont aucun problème avec les dictatures en général, l’Arabie saoudite par exemple. Trump a exprimé à plusieurs reprises son admiration pour Xi Jinping et, le mois dernier à Hawaï, avec Mike Pompeo représentant les États-Unis, il semble avoir conclu un nouvel accord avec Xi pour sauver la “phase 1” de l’accord commercial entre les deux pays. La rumeur veut qu’en retour, le président américain ait accepté de limiter les mesures adoptées contre la Chine en raison de la répression massive au Xinjiang et peut-être aussi à Hong Kong.

    Les actions de plus en plus provocatrices de Pékin, cependant, exposeront la faiblesse relative des puissances occidentales si elles n’agissent pas. Compte tenu des enjeux de la nouvelle guerre froide, il est plus probable que nous assisterons à un durcissement des positions des deux parties sur Hong Kong en raison de son importance symbolique dans cette lutte mondiale. Bien entendu, lorsque les gouvernements occidentaux agiront, ce sera avant tout pour défendre leurs intérêts bancaires et commerciaux. Le régime chinois pourrait avoir mal calculé et les mesures de riposte pourraient être plus sévères qu’il ne l’avait prévu. Le conflit inter-impérialistes s’intensifie et n’en est qu’à ses débuts.

    Pour les socialistes et les militants de Hong Kong, il s’agit d’une évolution très dangereuse. Pour les socialistes d’ailleurs, c’est un avertissement, qui souligne le caractère d’une nouvelle période dans laquelle nous sommes entrés, avec des virages plus nets et plus explosifs dans la situation et des conflits accrus, de nouvelles luttes et le besoin urgent du socialisme et d’une démocratie réelle reposant sur le pouvoir de la classe ouvrière.

  • Hong Kong : Xi Jinping prend le pouvoir pour détruire les droits démocratiques

    La promulgation par Pékin d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale pour Hong Kong est le point de non-retour

    Les événements à Hong Kong ont atteint le point de non-retour. La décision de la dictature chinoise, depuis son pseudo-parlement, le Congrès populaire national (CPN), d’imposer une loi de sécurité nationale de grande envergure à Hong Kong signifie qu’elle prendra le contrôle politique direct du territoire, en contournant les propres institutions gouvernementales de Hong Kong. L’autonomie politique limitée de Hong Kong dans le cadre du système « un pays, deux systèmes » est effectivement abolie. Les fragiles libertés qui existent à Hong Kong mais qui sont refusées dans le reste de la Chine, telles que la liberté d’expression et la liberté de réunion, sont maintenant menacées comme jamais auparavant.

    Par Dikang chinaworker.info

    Hong Kong peut conserver son autonomie économique, ce qui est un arrangement très profitable pour le régime chinois (PCC), mais les éventuelles contre-mesures et sanctions occidentales, ainsi que la logique de la nouvelle « guerre froide » entre les États-Unis et la Chine, indiquent également un processus dans lequel même les privilèges spéciaux des capitalistes de Hong Kong pourraient être progressivement érodés. Le fait que le sort du principal centre financier d’Asie soit en jeu montre bien les temps dramatiques que nous vivons.

    « Les implications de la loi sur la sécurité nationale du PCC sont énormes et graves, bien pires que la loi sur l’extradition qui a déclenché le gigantesque mouvement de protestation de l’année dernière », déclare Jaco de SOCIALIST ACTION (Alternative Socialiste Internationale, ASI, à Hong Kong).

    « Cela signifie que le régime chinois impose son autorité directe sur la politique de Hong Kong, sur les élections et sur le niveau d’opposition toléré. Ils utiliseront des accusations telles que la subversion et le séparatisme pour interdire et emprisonner les militants et les groupes d’opposition, et feront de l’expression de la dictature un crime », dit-il.

    La nouvelle loi signifie :

    ? Pour la première fois, les agents et la police secrète de la Chine continentale pourront opérer légalement à Hong Kong. De nouveaux « organes de sécurité » pourront être mis en place par Pékin pour espionner et arrêter l’opposition politique.
    ? La loi interdira « la subversion, le séparatisme et les actes d’ingérence étrangère ». Des lois similaires existent déjà à Hong Kong, mais la nouvelle loi permettra à la dictature de Pékin elle-même de faire respecter la « ligne rouge ».
    ? L’un des objectifs immédiats de la loi sera d’interdire « les activités des forces étrangères et extérieures » – de frapper contre toutes les formes de solidarité mais aussi de donner l’exemple des sections du mouvement de protestation qui se sont alignées sur les gouvernements étrangers (comme les groupes pro-américains et pro-britanniques). D’autres seront également accusés de « liens avec l’étranger ».
    ? Les partis et organisations politiques d’opposition seront de plus en plus souvent interdits de participation aux élections. Certains pourraient être interdits, surtout s’ils sont accusés de prôner l’indépendance de Hong Kong.
    ? Le droit de manifester, déjà attaqué depuis l’année dernière, sera fortement restreint.
    ? La liberté d’expression sera fortement restreinte. Il pourrait ne plus être possible d’appeler à la fin de la dictature du parti unique. Des événements comme la veillée annuelle du 4 juin (anniversaire du massacre de Tiananmen) risquent d’être interdits à moins que ce slogan ne soit supprimé de leur programme.
    ? Des peines de prison plus sévères et la persécution de l’opposition politique – le PCC est frustré de constater que le niveau actuel de répression et d’arrestations à Hong Kong n’est pas suffisant.
    ? Une censure croissante. Selon Reporters sans frontières, la liberté de la presse est déjà passée du 58 rang en 2013 au 80e (sur 180 pays et juridictions) au niveau mondial. Des articles comme celui que vous êtes en train de lire pourraient devenir illégaux.
    ? Un Internet plus lourdement surveillé. Il y a une ruée pour obtenir des VPN (réseaux virtuels de proxy) qui sont utilisés pour contourner les contrôles gouvernementaux sur Internet. Une entreprise a déclaré avoir vendu en une heure des abonnements VPN d’une valeur d’une semaine.

    Le cauchemar de Pékin

    La nouvelle loi a d’énormes implications qui vont bien au-delà des frontières de Hong Kong. Elle est conçue comme une démonstration de force diplomatique du souverain absolu chinois Xi Jinping, qui donne une gifle aux États-Unis et aux autres puissances occidentales qui ont soumis son régime à des critiques à la suite de l’épidémie de coronavirus. La pandémie et l’effondrement économique qui en a résulté ont relancé la lutte pour le pouvoir au sein du PCC et Xi ressent le besoin de montrer sa puissance.

    L’action de Xi a des parallèles avec l’annexion de la Crimée par Poutine en 2014, bien que Hong Kong fasse déjà partie de la Chine, c’est le degré de contrôle qui est modifié. Pour les habitants de Hong Kong, c’est une nouvelle réalité terrible. S’il y a jamais eu le moindre doute que la crise du Covid-19 change le monde, accélère les contradictions et fait exploser de nouvelles crises, la prise de pouvoir de Xi à Hong Kong en est un exemple clair.

    La nouvelle loi est une attaque frontale contre les libertés démocratiques limitées dont Hong Kong jouit en tant que région semi-autonome de la Chine depuis 1997. La prise de contrôle politique direct montre que la dictature ne fait plus confiance aux institutions politiques largement décoratives qu’elle tolérait auparavant, telles que le Conseil législatif (LEGCO).

    Jusqu’à très récemment, le projet du PCC était d’utiliser le LEGCO pour faire passer une variante locale de la loi de sécurité nationale en vertu de l’article 23 de la Loi fondamentale, la mini-contrainte de Hong Kong. Cela devait avoir lieu l’année prochaine si les résultats des élections de septembre du LEGCO favorisaient les partis pro-PCC et cela devait être réalisé par l’interdiction à grande échelle des candidats de l’opposition. Le plan de Pékin était d’éviter une répétition des élections du Conseil de district de l’année dernière qui sont devenues un référendum sur la lutte anti-gouvernementale et ont vu ses partis fantoches mis en déroute. L’intervention du CPN cette semaine montre que le régime chinois ne se sent plus confiant ou prêt à risquer de nouveaux bouleversements électoraux humiliants et qu’il impose donc la loi à Pékin.

    L’objectif du PCC est d’écraser la lutte de masse pour la démocratie et d’expurger le soutien à l’indépendance et aux autres idées radicales parmi la jeunesse de Hong Kong. Il ne peut atteindre cet objectif; l’effet sera exactement inverse, à savoir repousser des couches encore plus importantes de la société de Hong Kong et renforcer les idées indépendantistes parmi des couches significatives, en particulier la jeunesse. Il est certain que d’autres protestations auront lieu, y compris d’éventuelles manifestations de grande ampleur dans les prochaines semaines, mais aussi une plus grande brutalité policière et une terreur d’État dans un effort pour faire appliquer la loi de Xi.

    L’ambiance anti-establishment à Hong Kong est plus forte qu’il y a un an. L’idée de « lam chau » (si nous brûlons, vous brûlez avec nous), qui est tirée des films Hunger Games, trouve un soutien plus fort même parmi les couches les plus âgées. Mais la colère ne suffit pas; il doit y avoir une alternative – une voie à suivre. Toutes les ailes du mouvement de protestation sont d’accord avec « lam chau », mais elles ne donnent aucune explication sur ce que cela signifie comme stratégie de lutte. Les pan-démocrates modérés disent simplement que cela signifie une obstruction dans le LEGCO.

    Le cauchemar de la dictature est que le sentiment de résistance de Hong Kong va s’étendre à la Chine continentale et déclencher un mouvement infiniment plus important qui – contrairement aux protestations de Hong Kong – aurait la masse critique nécessaire pour faire tomber le régime du PCC. C’est pourquoi le plan de répression du régime à Hong Kong consiste à « tuer le poulet pour effrayer le singe », comme le dit le proverbe chinois. Il envoie un message aux masses en Chine, en particulier à la classe ouvrière, pour qu’elles ne s’opposent pas au régime.

    La mauvaise gestion de l’épidémie de coronavirus par le régime chinois au cours des premiers mois – paralysie, censure et dissimulation – a provoqué un mécontentement massif sur le continent qui a secoué Xi et le groupe au pouvoir. Une fois de plus, le spectre d’une nouvelle année 1989 se profilait à l’horizon, avant que les gouvernements occidentaux, et en particulier le président Trump, ne relâchent la pression sur Pékin en se montrant encore plus ineptes et négligents dans la gestion de l’urgence.

    Si le « baromètre de la crise » a quelque peu baissé depuis le pic de l’épidémie en Chine, la dictature sait qu’elle n’est pas à l’abri. D’où l’urgence, voire le désespoir, de nombre des mesures prises par Xi.

    « Le PCC se sent obligé d’agir maintenant, il a le sentiment qu’il ne peut pas attendre », déclare Jaco de SOCIALIST ACTION.

    La croissance économique de la Chine a implosé cette année, un travailleur sur cinq est au chômage, et les salaires moyens dans l’industrie d’exportation ont chuté de plus de la moitié. En même temps, le conflit avec un gouvernement américain fortement déstabilisé est devenu plus dangereux. En partie, le régime de Xi veut utiliser la diversion de la pandémie mondiale pour renforcer ses positions, y compris à Hong Kong, en espérant qu’une nouvelle éruption de protestations de masse et de contre-mesures économiques de la part des régimes impérialistes rivaux sera émoussée par la pandémie et le krach économique mondial.

    Un projet de la nouvelle loi de Hong Kong a été délibérément divulgué aux médias le jeudi 21 mai, la veille de la réunion du CPN, afin de s’assurer que la prise de pouvoir de Hong Kong et du PCC, plutôt que la pandémie et le crash économique, sera le gros titre de la session du CPN.

    La réunion, retardée de deux mois par la pandémie, ne fut rien d’autre qu’une séance de culte pour exalter Xi et la dictature. Cette année plus que jamais, Xi a besoin que ce soit une démonstration de force, que les apparences masquent la réalité. La réalité est que son régime a subi une perte de crédibilité et de soutien dans le pays, alors qu’il est soumis à une pression immense à l’étranger.

    Une aide extérieure?

    Les États-Unis et d’autres gouvernements étrangers pourraient prendre d’importantes mesures de rétorsion, telles que des sanctions contre des fonctionnaires ou des entreprises chinoises et de Hong Kong. Une partie croissante du mouvement de protestation de Hong Kong place ses espoirs dans ce domaine. C’est un point de vue profondément erroné, mais qui reflète également la prise de conscience que la lutte est très inégale, que même des protestations massives et continues à Hong Kong ne suffisent pas pour vaincre la dictature la plus puissante du monde et la deuxième superpuissance militaire.

    Malheureusement, encouragé par les idées nationalistes et pro-capitalistes confuses des localistes de Hong Kong et des sections des pan-démocrates libéraux, l’espoir croissant d’une « aide extérieure » va dans la mauvaise direction.

    Au lieu de se tourner vers Trump ou Johnson, vers les régimes capitalistes ayant une longue histoire de soutien aux dictatures si cela paie bien, la lutte pour la démocratie à Hong Kong doit se tourner vers ceux qui ont un intérêt réel à résister au PCC : les masses en Chine continentale et la classe ouvrière internationale. En particulier, la classe ouvrière chinoise, forte de 800 millions de personnes, souffre encore plus directement de la dictature et des mêmes lois répressives qui doivent maintenant être imposées à Hong Kong.

    À court terme, la brutalité du PCC va semer des illusions encore plus grandes en Occident et même chez une figure aussi répugnante que Trump. Il est possible que nous voyions beaucoup plus de drapeaux américains et britanniques sur les marches de protestation, reflétant la conscience biaisée au sein du mouvement. Cela sera d’autant plus vrai si – comme il est fort probable – les premières cibles de la nouvelle loi sur la sécurité sont les militants et les groupes que Pékin accuse d’être de mèche avec les « forces antichinoises », les États-Unis, l’Union européenne, etc.

    Coup et contrecoup

    Xi et ses conseillers estiment que la promulgation de la nouvelle loi désorientera et prendra au dépourvu Washington et les autres gouvernements. Là encore, avec la pandémie et la crise mondiale à gérer, ils supposent que la réponse de l’Occident sera une quantité terrifiante de mots de colère sans grand contenu réel.

    Le SOUTH CHINA MORNING POST (un journal de Hong Kong) a déclaré que la nouvelle loi sur la sécurité avait « défié » les États-Unis soit de mettre à exécution les menaces qu’ils ont proférées, dans le cadre d’une législation spéciale signée par Donald Trump l’année dernière, de frapper Hong Kong de sanctions économiques, soit d’être exposés comme « menteurs, hypocrites ou idiots ».

    Pékin sait que le gouvernement américain est divisé et que Donald Trump est en crise. Malgré la rhétorique anti-chinoise assourdissante et croissante de Trump et de ses fonctionnaires, le président est visiblement indifférent à ce qui se passe à Hong Kong. Les mesures limitées qu’il a menacées dans le passé ont fait l’objet de pressions de la part des deux côtés du Congrès et pour éviter d’être qualifié de « mou envers la Chine ». Mais même le WASHINGTON POST, qui critique l’atout que représente Hong Kong, affirme dans un éditorial que Hong Kong « exige une réponse des États-Unis – mais une réponse prudente ».

    Cette voix des grandes entreprises s’inquiète des milliards de dollars que le capitalisme américain risque de perdre si les États-Unis mettent à exécution leurs menaces, telles que la révocation du statut commercial spécial de Hong Kong, qui, en vertu d’une nouvelle législation adoptée en 2019, sera réexaminée dans le courant du mois.

    « Si un rapport négatif du Département d’État conduisait à une abrogation des privilèges, l’économie de Hong Kong serait dévastée – comme le seraient de nombreuses entreprises américaines. Les quelques 38 milliards de dollars d’échanges commerciaux annuels entre les États-Unis et Hong Kong seraient en jeu, tout comme les sièges régionaux que quelque 290 entreprises américaines maintiennent dans la ville. Le résultat pourrait être d’accélérer la conversion de la ville la plus libre de Chine en une capitale provinciale comme les autres, ce qui n’est pas dans l’intérêt des États-Unis, et encore moins dans celui de Hong Kong ». [éditorial du WASHINGTON POST, 22 mai]

    Mais en même temps, il y aurait un coût politique massif non seulement pour Trump mais aussi pour les intérêts mondiaux de l’impérialisme américain et sa position en Asie s’il était perçu comme faible face aux derniers mouvements de la Chine. Le compte à rebours avant les élections américaines, la perte d’équilibre de Trump et un nouveau changement d’humeur au sein de l’élite dirigeante américaine, les Républicains et les Démocrates faisant de la Chine un élément central de leur campagne (l’appât pour la Chine est présent dans toutes les campagnes présidentielles américaines, mais cette année, il est à un autre niveau), tout cela signifie que la réaction au gambit de Xi pourrait être plus explosive que ce sur quoi il compte peut-être.

    Comment relancer la lutte de masse

    Xi Jinping veut infliger un contrecoup dévastateur à Hong Kong et à la lutte de masse de l’année dernière. Cela s’avérera beaucoup plus difficile qu’il ne l’imagine. Il existe de nombreux exemples de situations dans lesquelles Xi est allé trop loin – la ceinture et la route, ses menaces contre Taiwan l’année dernière, et surtout l’épisode de la loi d’extradition de 2019 – transformant un problème en un problème bien plus important.

    La lutte de masse est la clé pour vaincre la nouvelle loi, mais la lutte est bien plus que cela, il s’agit de vaincre la dictature du PCC. Si la relance de la lutte de masse est la première étape, une lutte réussie doit également savoir quelles étapes doivent suivre. Il ne suffit pas d’appeler les gens à descendre dans la rue – un mouvement doit être organisé et soutenu, surtout lorsque l’adversaire est si puissant.

    Des leçons cruciales doivent être tirées de l’expérience de l’année passée, sur les raisons pour lesquelles le mouvement, malgré son ampleur et son héroïsme étonnants, n’a pas réussi à faire reculer la dictature. Le mouvement a accompli beaucoup de choses, établissant une tradition et un symbole de résistance de masse, mais il n’a pas réussi à obtenir de réelles concessions et l’attaque contre les droits démocratiques est implacable.

    Cela montre qu’une lutte plus organisée, centralisée et politiquement claire doit être construite. Cette lutte comporte trois volets essentiels qui, jusqu’à présent, n’ont pas été compris ou adoptés par le mouvement de masse :

    Le rôle principal dans la lutte de masse doit être joué par la classe ouvrière, qui est la mieux placée, de par son rôle dans l’économie, ses traditions collectives et sa conscience de classe, pour mener une lutte contre la dictature et pour les droits démocratiques. Bien que la classe ouvrière participe et, dans certains cas, prédomine dans le mouvement de Hong Kong, elle le fait individuellement et non en tant que force organisée cohérente. L’arme de frappe n’a pas été utilisée de manière sérieuse et planifiée à Hong Kong. Les appels aux médias sociaux peuvent fonctionner pour une manifestation ponctuelle, mais une véritable grève nécessite une planification et une préparation minutieuse, elle a besoin de forces réelles sur le lieu de travail – de véritables syndicats de travailleuses et travailleurs avec des structures d’adhésion démocratiques.

    Une étude très médiatisée réalisée en 2019 par des universitaires américains et norvégiens sur les mouvements de masse dans 150 pays a révélé que « les travailleuses et travailleurs industriels ont été des agents clés de la démocratisation et sont même plus importants que les classes moyennes urbaines. Lorsque les travailleuses et les travailleurs industriels mobilisent l’opposition de masse contre une dictature, la démocratisation a de grandes chances de suivre ».

    La lutte doit être organisée démocratiquement. Les actions spontanées peuvent jouer un rôle important, mais elles sont également limitées. Pour soutenir un mouvement et l’étendre au-delà de Hong Kong (parce qu’il ne peut pas gagner à Hong Kong seul), il faut une direction et une coordination, la sélection par des votes et des débats démocratiques des meilleures tactiques et des meilleur·es représentant·es pour parler au nom du mouvement et définir clairement ses objectifs, pour mobiliser les énormes quantités nécessaires.

    Toutes les grandes décisions doivent être prises dans le cadre d’un débat démocratique. Cela n’a jamais été le cas sous les pan-démocrates élitistes qui ont dominé le mouvement démocratique pendant des années. Mais un mouvement décentralisé virtuel ne peut pas non plus fournir cette direction. Même avant que la pandémie ne rende la mobilisation plus difficile, il y avait un certain degré d’épuisement et de fragmentation parce que les méthodes de l’année dernière avaient atteint leur limite – une nouvelle direction et une nouvelle méthode d’organisation sont nécessaires avec la classe ouvrière au centre.

    La lutte ne peut réussir qu’en catalysant un mouvement encore plus important en Chine et dans l’ensemble de la région. Cette réalité de base devient encore plus évidente avec l’adoption de la loi sur la sécurité nationale et le contrôle politique direct du PCC sur Hong Kong. Il ne sera pas possible de faire exploser un mouvement en Chine derrière le message très limité des « Cinq revendications » ou un programme uniquement pour Hong Kong, comme l’illustre le slogan « Reconquérir Hong Kong – Révolution de notre temps ». Les travailleuses et travailleurs en Chine ne verront pas qu’ils ont un quelconque intérêt dans une telle lutte. Pourquoi devraient-ils prendre les risques beaucoup plus grands associés à l’opposition à la dictature pour un programme qui ne tente pas de les inclure?

    La lutte doit être transformée en une lutte de classe contre le système capitaliste, des deux côtés de la frontière, qui est à la fois un système non démocratique et qui traverse actuellement une crise si profonde qu’elle ne peut offrir que l’effondrement économique, la misère du logement, le chômage et des millions de pauvres. La lutte pour la démocratie à Hong Kong doit donc aller au-delà de son programme limité de revendications démocratiques (que Pékin a de toute façon complètement exclu) pour adopter d’autres revendications urgentes visant à protéger les droits et les emplois des travailleuses et travailleurs, à abolir les congés non payés et le vol de salaires pendant la pandémie, à dépenser massivement dans les soins de santé publics et les services sociaux, à taxer les super-riches pour qu’ils paient les coûts de la pandémie, à faire entrer les sociétés pharmaceutiques, les banques et les sociétés immobilières dans le giron de la propriété publique démocratique et à briser le pouvoir des magnats capitalistes.

    Un tel programme de lutte liant la nécessité d’une lutte démocratique révolutionnaire à un renversement socialiste du système capitaliste est le moyen d’organiser les travailleuses et travailleurs de Hong Kong, dont quatre-vingt-dix pour cent ne sont pas syndiqués, et de tendre la main à la classe ouvrière de Chine continentale.

  • Hong Kong : les migrantes portent le fardeau le plus lourd de la pandémie

    Peur de la maladie, surcharge de travail et annulation du jour de congé

    Par Vincent Kolo et Xiaxi Cai, Socialist Action, Alternative Socialiste Internationale à Hong Kong

    ‘‘Je n’ai pas eu un seul jour de congé en deux mois à cause du coronavirus”, explique Seputih, une employée de maison indonésienne. “Mon employeur me paie un jour de congé, mais en fait, il n’y a pas de jour de congé. Pour le bien de ma santé, j’accepte de ne pas le prendre”.

    Le dimanche, jour de congé obligatoire pour les travailleuses domestiques, était auparavant leur seule chance de se reposer, de se détendre et de rencontrer des amis. Mais sous l’impulsion du gouvernement de Hong Kong qui les pousse à rester chez elles, elles sont coincées dans leur environnement de travail de manière permanente. Certains ont été menacés de licenciement par leur employeur qui craignait d’introduire le virus dans leur foyer si elles étaient autorisées à sortir le dimanche. La même logique ne s’applique pourtant pas lorsque ces travailleuses sont envoyées faire des courses ou promener le chien.

    Le coronavirus a été un coup dur pour les travailleurs du monde entier, avec le confinement, des fermetures d’entreprises et des pertes de revenus. Mais ce sont les secteurs les plus pauvres et les plus vulnérables de la classe ouvrière qui en supportent le plus lourd fardeau. À Hong Kong, il s’agit des 400.000 travailleurs migrants, pour la plupart originaires d’Indonésie et des Philippines. Ils et elles sont confrontés à une charge de travail considérablement accrue, à des heures de travail plus longues et à des restrictions encore plus importantes concernant leur liberté et leur vie privée.

    Si le confinement signifie d’avoir moins de travail, ou même pas du tout, pour beaucoup de gens à travers le monde, pour les travailleurs domestiques, cela implique plus de travail que jamais, sans salaire supplémentaire bien entendu. Le sort des travailleurs domestiques migrants de Hong Kong a été condamné comme un “esclavage moderne” dans de nombreuses études mondiales, bien que leurs homologues travaillant en Arabie Saoudite et dans d’autres États du Golfe soient confrontés à des conditions encore plus difficiles et plus oppressantes. A Hong Kong la surcapitaliste, où l’infrastructure sociale a été longtemps négligée, la main-d’œuvre féminine immigrée, mal rémunérée, est le substitut du gouvernement pour la mise en place de systèmes viables de garderies, d’activités extrascolaires et de soins aux personnes âgées.

    La fermeture des écoles

    “J’ai beaucoup plus de travail maintenant parce que le fils du patron ne va pas à l’école, mais monsieur et madame travaillent toujours”, dit Vant, amie de Seputih elle aussi issue de l’immigration indonésienne. Comme beaucoup d’autres travailleuses domestiques, s’occuper des enfants fait partie de son travail.

    Dans une enquête récente de l’Asian Migrants Coordinating Body (AMCB), plus de la moitié des travailleurs domestiques ont déclaré que leur charge de travail avait augmenté depuis le début de l’épidémie. Les écoles étant fermées depuis dix semaines et les personnes âgées étant le groupe à risque le plus vulnérable, ces charges supplémentaires pèsent en grande partie sur les travailleurs migrants. En outre, comme beaucoup plus de personnes travaillent désormais à domicile, les travailleuses domestiques sont plus étroitement surveillées et supervisées par les employeurs.

    La règle stricte de l’internat, une loi extrêmement oppressive et envahissante même en temps normal, est devenue plus insupportable pendant l’épidémie. En vertu de cette loi, les travailleuses domestiques – qui n’ont souvent pas de chambre individuelle – sont obligées de vivre avec leur employeur. Les sanctions pour violation de cette loi sont de lourdes amendes, des peines de prison et l’expulsion. Il n’est pas possible de “rentrer chez soi” à la fin d’une journée de travail. Les appartements de Hong Kong sont les plus petits au monde, en moyenne environ la moitié de la taille des appartements du quartier de Manhattan à New York et 60 % plus petits que ceux de Singapour.

    La moitié du monde connaît une forme de “fièvre de la cabine”, c’est-à-dire l’enfermement prolongé dans un espace restreint, qui a des conséquences inévitables sur la santé mentale. Mais c’est encore pire lorsque vous n’êtes pas un membre de la famille, mais leur “bonne”. Les employées de maison peuvent ainsi devenir une sorte d’amortisseur dans le ménage dès lors que l’atmosphère devient plus aigrie.

    Il est également beaucoup plus difficile pour les travailleuses domestiques de prendre une pause ou même d’utiliser leur téléphone pendant la pandémie.

    “La plupart de mes amies sont déprimés par cette situation”, explique Seputih. “L’employeur travaille tous les jours à la maison, donc parfois le travail ne s’arrête pas. Il n’y a pas de liberté, par exemple, si vous voulez téléphoner à votre famille au village [en Indonésie], vous devez attendre que l’employeur aille d’abord dans les magasins”.

    La pandémie, associée à la récession capitaliste, a déclenché une vague de destruction économique et de licenciements dans le monde entier, y compris en Indonésie et aux Philippines, ce qui a mis une pression encore plus forte sur les travailleurs migrants à Hong Kong. Ces derniers craignent d’être licenciés et ont peur d’être infectés, ce qui, dans de nombreux cas, entraînerait de facto leur licenciement.

    Aux Philippines, 500.000 emplois ont déjà été détruits au cours des deux derniers mois. Le gouvernement indonésien avertit que la crise Covid-19 pourrait entraîner la perte de 5,2 millions d’emplois et 3,8 millions de personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté. Ce sont des sociétés sans filet de sécurité ni assurance chômage : pas de travail, pas de salaire ! Même avant cette crise, les travailleurs migrants de Hong Kong étaient souvent les principaux soutiens de leur famille dans leur pays d’origine, y compris, dans de nombreux cas, leurs propres enfants, auxquels ils rendent normalement visite une fois par an. Leur éducation, leurs frais médicaux et leur survie économique dépendent des revenus que leurs mères peuvent gagner à Hong Kong.

    Socialist Action (section d’Alternative Socialiste Internationale à Hong Kong) exige le rétablissement immédiat du jour de repos des travailleurs migrants. Mais cela nécessite également de nouvelles politiques pour mettre fin au dumping scandaleux des travailleuses domestiques qui sont forcés de se réunir sur des passerelles et dans des parcs parce qu’il n’y a pas d’installations abordables pour leur permettre de se réunir. Comme à tous les autres niveaux, le gouvernement offre aux travailleurs migrants le minimum absolu de services. Socialist Action exige que le gouvernement investisse dans la construction ou l’extension des installations communautaires publiques existantes afin de permettre aux travailleurs migrants d’étudier, d’utiliser internet, d’organiser des réunions, des fêtes et des activités de loisirs dans des conditions sûres.

    Il y a actuellement environ 87.000 chambres d’hôtel vides à Hong Kong en raison de l’effondrement du tourisme, il y a partout des “hôtels fantômes”. Comme mesure de crise immédiate, ces chambres pourraient être réquisitionnées pour offrir gratuitement aux travailleurs migrants un répit hebdomadaire de 24 heures pour se remettre de leurs conditions de travail quotidiennes claustrophobes. L’industrie hôtelière, comme d’autres capitalistes, réclame un renflouement des autorités, mais il ne devrait pas y avoir de paiement sur les fonds publics sans un contrôle public total et un accès à ces ressources.

    Nous demandons que les travailleurs migrants puissent eux aussi disposer des 10.000 HK$ de liquidités spéciales que le gouvernement distribue à tous les résidents permanents de Hong Kong. La raison pour laquelle le gouvernement a émis cette prime unique (en accord les mesures prises par d’autres gouvernements, ce que l’on appelle ‘‘l’argent hélicoptère’’) est d’atténuer les effets économiques de la pandémie et de soutenir l’économie en effondrement, en particulier le secteur du commerce de détail. En suivant ces arguments, il est non seulement injuste mais aussi illogique d’exclure les travailleurs migrants qui ont plus que quiconque besoin de cet argent, notamment pour acheter des masques et des désinfectants, que les employeurs sont censés fournir mais qui, dans de nombreux cas, font défaut.

    Les politiques scandaleuses du gouvernement envers les travailleurs migrants doivent être abandonnées, à commencer par la loi de la résidence et la loi des deux semaines (qui oblige les migrants à quitter Hong Kong après 14 jours s’ils sont licenciés et ne peuvent pas obtenir de nouveau contrat). Ces deux mesures de police sociale limitent tout particulièrement les droits et la mobilité des femmes migrantes.

    Le salaire minimum admissible du travailleur migrant, qui est de 4 630 HK$ par mois, et qui constitue la norme plutôt qu’un minimum, doit être augmenté. Socialiste Action exige que les migrants soient inclus dans la loi sur le salaire minimum, en abolissant cette discrimination une fois pour toutes. Mais le salaire minimum (actuellement 37,50 HK$ de l’heure) est de toute manière bien trop bas, y compris pour les travailleurs locaux. Plutôt que de s’opposer à l’extension du salaire minimum aux migrants comme étant “trop coûteux”, les dirigeants syndicaux devraient se concentrer sur la nécessité d’une lutte organisée pour arracher des améliorations, en particulier à un moment où le gouvernement noie l’économie dans l’argent pour protéger les intérêts capitalistes des effets de la crise.

    S’organiser et lutter !

    Les travailleurs migrants comme le reste de la classe ouvrière de Hong Kong doivent s’organiser dans des syndicats et des organisations politiques de la classe ouvrière afin de pouvoir imposer la négociation collective, de faire grève et de défendre leurs droits. Mais il ne faut pas les laisser se débrouiller seuls.

    La récente vague de nouveaux syndicats de Hong Kong, encore à un stade précoce, doit tendre la main et offrir une solidarité et un outil syndical commun aux travailleurs migrants ou non. Ce serait un erreur d’avoir des syndicats de migrants séparés. Ces migrants représentent les dix pour cent les plus exploités de la main-d’œuvre de Hong Kong, mais ils partagent également une riche expérience des luttes des travailleurs sur le continent asiatique, avec des liens internationaux de première importance. C’est un élément qui fait défaut et dont les syndicats émergents ont besoin.

    Seule une lutte commune de tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, peut tenir la ligne contre la vague d’attaques contre les droits et libertés des travailleurs, leurs emplois et leurs moyens de subsistance, qui a été déclenchée par cette crise.

    Socialist Action (ASI-Hong Kong) a organisé de nombreuses campagnes avec les travailleurs migrants afin de lutter pour leurs droits et de construire une lutte unifiée de la classe ouvrière – contre le racisme, le sexisme et l’esclavage moderne. Dans le contexte actuel d’effondrement économique capitaliste sans précédent et d’urgence sanitaire, cette lutte est plus urgente que jamais. Rejoignez-nous !

  • [TÉMOIGNAGE] La quarantaine de Wuhan levée après 76 jours

    La contestation dans la province de Hubei révèle la sombre réalité derrière la lutte contre la pandémie

    Par Zhou Yi et les reporters de chinaworker.info

    Le 8 avril, la quarantaine de 76 jours imposée à la métropole de Wuhan (11 millions d’habitants) a pris fin. Dans le reste de la province du Hubei, dont Wuhan est la capitale, les mesures similaires de quarantaine dues au COVID-19 dont pris fin deux semaines plus tôt. Au plus fort de l’épidémie de coronavirus en Chine, 760 millions de personnes – soit environ la moitié de la population – étaient sous une forme ou une autre de confinement.

    Les médias d’État et la machine de propagande ont loué l’héroïsme des habitants de Wuhan et surtout du personnel médical de première ligne, à des fins nationalistes, pour présenter un effort “uni” de “tout le peuple chinois” contre le virus.

    Cette propagande est destinée à renforcer l’autorité de la dictature de Xi Jinping et du régime du PCC, et à faire oublier les nombreuses erreurs commises en janvier, en ignorant et en supprimant activement les rapports des médecins, et en censurant toute discussion sur la nouvelle maladie “de type SRAS” qui se répandait à Wuhan. Pour étouffer l’affaire, l’État a notamment autorisé la tenue d’un banquet sur un thème nationaliste pro-PCC, auquel ont assisté 40.000 familles, dans le district de Baibuting à Wuhan, le 18 janvier. C’était seulement deux jours avant que Pékin ne déclare l’urgence nationale et cinq jours avant que la province de Hubei ne soit mise en quarantaine. Le district de Baibuting sera par la suite surnommé “bâtiment de la fièvre”, avec l’un des taux d’infection les plus élevés de la ville.

    La véritable histoire de Wuhan et du Hubei ne transparaît pas dans la propagande triomphaliste du PCC. C’est l’histoire d’immenses souffrances humaines, d’une pénurie aiguë de fournitures médicales essentielles, de statistiques manipulées qui sous-estiment l’ampleur réelle des infections et des décès, et du profit tiré de la nourriture et du matériel médical par des entreprises privées et les agences locales de l’État-PCC. Officiellement, 2.535 personnes sont mortes du COVID-19 à Wuhan, mais des experts indépendants à Hong Kong et à l’étranger estiment que le chiffre réel pourrait être dix fois plus élevé.

    “Le traumatisme subi par les habitants de Wuhan est énorme, c’est certain. De nombreuses personnes qui ont cherché à se faire soigner ont connu l’horreur de crier à l’aide mais de ne pas en recevoir, ce qui, à mon avis, les a profondément désespérées. Ceux qui sont morts sont partis, mais leurs proches sont toujours là, et ils ont tous vécu des moments de grand désespoir”, écrit Fang Fang, une blogueuse connue qui a passé 76 jours enfermée à Wuhan.

    La version officielle de l’efficacité brutale et clinique du confinement est également fausse. Seuls les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur de la ville ont été affectés par le décret initial du 23 janvier. Une énorme confusion régnait et il n’y avait pas d’informations claires de la part des autorités. Le gouvernement de Wuhan n’a imposé aucune restriction aux personnes se déplaçant à l’intérieur de la ville, y compris les patients suspects, jusqu’à ce que des règles de confinement plus centralisées soient annoncées le 2 février. Ces règles ont été renforcées le 8 février. Lors de la quarantaine extrêmement stricte qui a suivi, les méthodes employées ont été parfois brutales. Les portes et les portails des immeubles résidentiels ont été barricadés, et même dans certains cas soudés. Des tranchées ont été creusées à travers certaines routes pour les rendre impraticables.

    Caixin, un site web financier qui bénéficie d’une plus grande marge de manœuvre de la part des censeurs du PCC parce qu’il n’est pas lu par les masses, a qualifié la quarantaine de Wuhan de “sélection naturelle brutale”. Les reporters de Caixin à Wuhan ont interviewé le personnel des cliniques de soins de santé communautaires, dont la tâche était de filtrer et de trier les patients qui devaient être hospitalisés ou renvoyés chez eux. Le 27 janvier, lors d’un entretien avec une de ces cliniques du district de Baofeng, ils ont découvert “que la clinique de 60 personnes ne disposait que d’une seule combinaison de protection et d’un stock limité de masques à usage unique”. Yang Qinghong, un médecin de la clinique, a déclaré qu’il avait examiné 100 patients ce jour-là, dont plus de 30 avaient de la fièvre et deux présentaient des symptômes graves.

    Plus de 3 000 membres du personnel hospitalier infectés

    Des milliers de professionnels de la santé du reste de la Chine se sont mobilisés à Wuhan. Une fois de plus, cette entreprise héroïque a été exploitée au maximum par la machine de propagande d’État pour vanter les “avantages” d’un régime autoritaire. Parmi cette vague humaine de bénévoles du secteur de la santé, deux infirmières de la province de Guangdong ont publié le 24 février un appel dans le magazine britannique Lancet. “Les conditions et l’environnement ici à Wuhan sont plus difficiles et extrêmes que nous n’aurions jamais pu l’imaginer”, écrivaient-elles. Sous la pression du gouvernement, les auteures se sont rétractées quelques jours plus tard.

    Les conditions décrites dans les hôpitaux de Wuhan et de Hubei, pénurie aiguë, longues heures, épuisement, et plus de 3 000 travailleurs de la santé infectés par le COVID-19 dans la seule ville de Wuhan, ont depuis été reproduites en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Avec l’avantage d’une période d’avertissement beaucoup plus longue, il est criminel que ces gouvernements aient été si peu préparés. Mais les censeurs du régime chinois ont fait des heures supplémentaires pour effacer toutes ses insuffisances et présenter sa “victoire” contre la pandémie comme un modèle à suivre.

    Des médecins, dont Li Wenliang qui est mort du COVID-19 le 7 février, ont tenté de tirer la sonnette d’alarme fin décembre 2019, mais ont été arrêtés et réduits au silence. Ai Fen, médecin en chef des urgences à l’hôpital central de Wuhan, a disparu le 1er avril. On pense que sa “disparition” est due à la sécurité d’État après avoir donné une interview aux médias australiens. Ai a été l’une des premières à tenter de mettre en garde ses collègues contre le nouveau coronavirus en décembre. Si ces avertissements avaient été pris en compte, Wuhan, la Chine et le monde entier auraient pu éviter la propagation catastrophique de la pandémie actuelle.

    “Faux ! Faux ! Tout est faux !”

    Ces dernières semaines, alors que les conditions de confinement devenaient de plus en plus insupportables, plusieurs actes de protestations ont éclaté, comme le rapporte Zhou Yi.

    En mars, plusieurs manifestations ont eu lieu dans la province du Hubei, l’épicentre de la pandémie de COVID-19, ce qui montre qu’il existe un énorme fossé entre la réalité et la propagande “d’énergie positive” du Parti communiste chinois. La colère est dirigée en particulier contre les profits réalisés par les fonctionnaires et les entreprises locales qui ont exploité la catastrophe. Dans les conditions de confinement, où les achats normaux sont suspendus car les résidents sont interdits de sortir, la distribution de nourriture a été centralisée entre les mains de comités de quartier locaux, qui sont les comités de gestion des complexes résidentiels composés de représentants des sociétés immobilières et du PCC.

    Le 5 mars, dans le manoir de Kaiyuan à Wuhan, lors d’une visite de Sun Chunlan, vice-premier ministre chinois, les résidents isolés dans leurs maisons pendant plus de quarante jours ont scandé “Faux ! Faux ! Tout est faux !”. Les habitants criaient parce que l’image de “prix stables et d’offre suffisante” diffusée à la télévision était une invention.

    En réalité, le prix de la viande achetée par la communauté résidentielle était de 100 yuans le kilogramme, soit cinq fois le prix indiqué à la télévision. On a découvert que d’autres comités de quartier avaient transporté de la nourriture dans des camions poubelles, des ambulances et des véhicules sanitaires. Malgré les affirmations selon lesquelles les véhicules étaient désinfectés, la majorité des net-citoyens critiquaient encore cette pratique.

    Le 10 mars, Xi Jinping a visité Wuhan pour la première fois depuis la quarantaine du 23 janvier. Le régime, et même Xi personnellement, ont été massivement critiqués pour leur mauvaise gestion de la crise, surtout au début. La visite de Xi avait deux objectifs : montrer au monde entier, mais surtout à la population chinoise, que le PCC a “vaincu” le virus à son épicentre, mais aussi renforcer l’image de Xi, qui a été gravement ternie.

    L’énorme culte de la personnalité qui entoure Xi le dépeint comme le “leader du peuple”, un titre que seul Mao Zedong détenait auparavant. Mais à Wuhan, Xi évitait généralement de rencontrer le peuple. Lors d’une visite dans un complexe résidentiel, les habitants ont été invités à rester à l’intérieur – de peur que des protestations n’éclatent, comme ce fut le cas lors de la visite de Sun. La plupart des autres événements de l’agenda de Xi se sont déroulés par vidéoconférence, par exemple avec des groupes de travailleurs de la santé de première ligne à l’hôpital de Huoshenshan. “Finalement, il s’est rendu à Wuhan pour passer des appels vidéo”, résumait un commentaire – bientôt supprimé – sur les médias sociaux.

    Spéculation sur les prix des denrées alimentaires

    Le 12 mars, à Xiaogan, à environ 100 kilomètres de Wuhan, un habitant nommé Cheng a contacté un fournisseur de légumes frais aux prix plus bas, mais il a été dénoncé à la police. Plus tard, la police a arrêté Cheng, ce qui a déclenché la colère des habitants. Plus de 100 résidents se sont rassemblés sur le terrain de basket pour protester. Ils ont encerclé les voitures de police et ont exigé sa libération. Ils ont également exigé que Lyu Deshan, le secrétaire du comité PCC de la communauté et directeur du comité des propriétaires, qui ne vivait pas sur place, démissionne.

    La réaction officielle du gouvernement de Xiaogan à cet incident a minimisé la question des légumes hors de prix et n’a pas précisé si le résident arrêté a été libéré ou non. Selon les commentaires en ligne, la nourriture était toujours hors de prix et de mauvaise qualité pendant le confinement. Les fonctionnaires locaux pouvaient gagner plus de 1 000 yuans par personne et par jour de façon injuste grâce à leur monopole de l’approvisionnement. L’arrestation d’un “fauteur de troubles” visait clairement à faire taire la menace à cet accord commercial lucratif entre le supermarché et les autorités locales.

    Pendant la période de confinement, qui a débuté le 23 janvier et qui a été levée le 8 avril, les prix des denrées alimentaires sont montés en flèche et la qualité n’a pas pu être garantie, ce qui a démontré qu’en monopolisant les approvisionnements et en augmentant les prix des produits de première nécessité, les agences locales du régime PCC ont exploité la catastrophe et fait passer le profit des fonctionnaires et des hommes d’affaires avant les besoins de la population. Une véritable société socialiste ne permettrait jamais que cela se produise, car la classe ouvrière serait aux commandes, par l’intermédiaire de comités démocratiques dans chaque zone résidentielle, école et lieu de travail, au lieu d’être gouvernée par une machine de parti qui sert des bureaucrates non élus et des profiteurs capitalistes.

    “Zéro nouveau cas”

    En réponse aux données officielles, indiquant “zéro nouveau cas” dans la province de Hubei, la quarantaine des villes de Hubei (à l’exception de Wuhan) a été levé le 25 mars. Cependant, les résidents de Hubei ayant un code QR vert (le code vert signifie “en bonne santé”) se heurtaient toujours à des obstacles pour entrer dans d’autres provinces. Le 27 mars, la police de la circulation de Jiujiang (une ville-préfecture dans le Jiangxi) a mis en place un barrage sur le pont entre les province de Hubei et de Jiangxi pour empêcher les véhicules du Hubei de traverser.

    Au début, la police de Jiujiang s’est heurtée à la police de Huangmei (un comté de Huanggang, Hubei), et a envoyé la police anti-émeute en renfort du côté du Jiangxi. Avec l’arrivée continue de personnes de Hubei, l’affrontement s’est transformé en une émeute de grande envergure. Mécontents de la discrimination toujours présente, les habitants de Hubei ont affronté la police du Jiangxi avec acharnement sur le pont du fleuve Yangtze, ont renversé des véhicules de police, ont forcé le blocus, se sont rendus à pied au poste de police du pont de Jiujiang et ont exigé des excuses de la part de la police du Jiangxi. La vidéo de ce tumulte a été rapidement effacée sur Sina Weibo.

    Afin d’obtenir une prime de 100 000 yuans par personne et de répondre à l’appel du gouvernement central pour la reprise du travail et de la production, les fonctionnaires de chaque province ont dissimulé l’ampleur de la pandémie, alors que les gouvernements locaux connaissent la situation réelle et craignent une épidémie massive qui pourrait devenir impossible à cacher dans leur région.

    Discrimination à l’encontre des habitants du Hubei

    Par conséquent, même si le niveau de risque de la province du Hubei a été abaissé, les gouvernements des autres provinces continuent à “prendre des précautions contre les résidents du Hubei et à leur imposer des restrictions”, comme le commente le Quotidien du peuple. Cela est également illustré par le renforcement des contrôles à Pékin (la capitale de la Chine) et par l’interdiction faite aux personnes en voyage d’affaires ou en visite familiale dans le Hubei de retourner à Pékin.

    De toute évidence, ce type de “régionalisme” va à l’encontre de la propagande du gouvernement central et des médias publics sur la “guerre populaire” unie contre la pandémie, et de plus en plus de gens deviennent sceptiques à l’égard des rapports officiels.

    Exiger le contrôle des prix des produits de première nécessité ou la transparence de l’information remettra inévitablement en question le système capitaliste d’État chinois, où le pouvoir est de plus en plus centralisé entre les mains d’une seule personne. Les travailleurs chinois doivent surmonter le “régionalisme” en créant des organisations communes, notamment des syndicats indépendants et pleinement démocratiques, afin d’unir et de renverser la dictature du PCC et, à sa place, construire une société socialiste démocratique où les moyens de production sont détenus en commun et où l’économie est placée sous le contrôle démocratique des travailleurs.

  • La Chine est-elle l’exemple à suivre ?

    Les appels à l’action se succèdent contre la menace que représente le Covid-19. Certains citent la République populaire de Chine en exemple car, selon eux, elle a agi de manière appropriée dans la lutte contre le coronavirus.

    Par Sander (Termonde)

    Bien entendu, les mesures draconiennes de la fin janvier n’ont pas manqué de produire leurs effets en Chine. Selon les derniers rapports, le pays a dépassé son ‘‘pic’’. De nombreux médias traditionnels, mais malheureusement aussi le PTB, oublient de mentionner que Xi Jinping et sa machine à broyer bureaucratique ont tout d’abord fait tout leur possible pour masquer l’épidémie de Covid-19 au cours de semaines cruciales.

    Lorsque Li Wenliang, médecin à l’hôpital central de Wuhan, a fait part de ses inquiétudes au sujet du virus, le 3 janvier, il a été contraint de signer une lettre affirmant qu’il n’était qu’un menteur affolé. Il en a été de même pour d’autres lanceurs d’alerte. Le personnel médical de l’hôpital central de Wuhan a été brutalement bâillonné afin de ne pas mettre en danger la situation politique et économique déjà précaire du pays. Un voile de mystère plane encore autour de la mort de Li Wenliang, le 6 février, des conséquences du Covid-19.

    La quarantaine qui a suivi la confirmation de l’épidémie peut être qualifiée de décisive, mais seulement si l’on ignore les millions de personnes qui se sont retrouvées sans revenu et que des villes entières sont quasiment devenues des zones de guerre. Les conséquences pour des centaines de millions de Chinois sont incalculables ! En ce moment-même, des travailleurs sont contraints de retourner à l’usine et les écoles rouvrent sans aucune certitude que l’épidémie est terminée. Il est clair que l’empereur Xi est plus préoccupé par son prestige personnel, sa mainmise sur le pouvoir et son image à l’international que par la santé de la population.

  • Coronavirus : le régime de Xi Jinping plongé dans une crise historique

    Photo : Pixabay.com

    « Ils mentent, nous savons qu’ils mentent. Ils savent aussi que nous savons qu’ils mentent, et pourtant ils mentent encore. » Ce commentaire en ligne d’un habitant de Wenzhou, l’une des nombreuses grandes villes mises en quarantaine, souligne la colère explosive ressentie dans toute la Chine alors que l’épidémie du nouveau coronavirus (2019-nCov) se propage à un rythme alarmant.

    Par Vincent Kolo, chinaworker.info

    Le nombre de décès augmente de plus de 100 par jour. Le régime chinois avait affirmé que l’épidémie atteindrait son point culminant dès la première semaine de février, ce qui ne fut pas le cas. Des experts basés à Hong Kong et à l’étranger ont averti que le pic pourrait ne pas se produire avant avril ou mai. De nombreux scientifiques expriment leur scepticisme face aux rapports officiels chinois et affirment que le nombre de personnes infectées pourrait être dix fois plus élevé.

    Le virus, qui attaque le système respiratoire, a fait en cinq semaines plus de victimes que l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) de 2003, qui s’est déroulée sur une période de six mois. La crise actuelle montre que la dictature soi-disant communiste du PCC n’a rien appris de l’épidémie d’il y a 17 ans. Pire encore, le durcissement du régime autocratique et l’extrême centralisation du pouvoir sous la forme d’un “régime d’un seul homme”, qui sont les deux principales caractéristiques du règne de huit ans de Xi Jinping, ont entraîné une réaction encore plus maladroite et plus lente de la part de l’État chinois.

    Avec Xi aux commandes, Pékin s’est enfoncé dans une nouvelle crise aux proportions historiques, une crise en grande partie provoquée par ses propres moyens. Ce serait déjà assez grave si elle ne se répétait pas comme l’année dernière, créant une crise unique en son genre à Hong Kong avant de produire un résultat similaire à Taïwan.

    Se succédant rapidement, et accentuées par une lutte sans précédent entre superpuissances avec l’impérialisme américain (l’épidémie étant destinée à devenir un champ de bataille supplémentaire dans ce conflit), ces crises ont commencé à saper la confiance de l’élite dirigeante chinoise et sa croyance jusqu’alors solide comme le roc dans le modèle capitaliste autoritaire du PCC. Xi, “l’homme fort” qui a été chargé de sauver le pouvoir du PCC, semble plus susceptible de déclencher sa propre chute. La gestion bâclée de l’épidémie par le régime est “aussi proche d’une crise existentielle pour Xi et le [PCC] que ce que nous avons vu depuis 1989”, a déclaré Bill Bishop, un commentateur américain.

    La brève histoire de la nouvelle épidémie de coronavirus est marquée par la paralysie bureaucratique et la mauvaise gestion des fonctionnaires locaux, ainsi que par des dissimulations qui trouvent leur origine dans ce que Minxin Pei appelle le “secret pathologique” du PCC. Cela a été suivi d’une répression draconienne ordonnée par Pékin pour imposer son autorité, après avoir réalisé – trop tard – ce qu’il aurait pu apprendre beaucoup plus tôt si son gigantesque appareil de sécurité n’avait pas terrorisé ceux qui tentaient d’avertir la société du danger imminent.

    Une crise humanitaire, économique et politique

    Il en résulte une crise humanitaire, économique et politique. 60 millions de personnes – une population équivalente à celle de l’Italie – se trouvent dans des villes fermées depuis que la dictature a ordonné la plus grande quarantaine de l’histoire du monde le 23 janvier dernier, à la veille du Nouvel An chinois. Des dizaines de millions d’autres personnes dans les villes de toute la Chine sont confinées chez elles, avec des restrictions sévères n’autorisant qu’un seul membre de la famille à sortir par jour pour acheter des produits de première nécessité.

    Les villes en quarantaine comme Wuhan – l’épicentre de l’épidémie – en sont venues à ressembler à des conditions de temps de guerre, la population étant confrontée à de graves difficultés, à une pénurie aiguë de fournitures médicales et à de longues files d’attente pour voir un médecin dans un système hospitalier sous-financé et surchargé. Hu Xingdou, professeur d’économie à l’Institut de technologie de Pékin, a qualifié la situation d’”apocalyptique” et a comparé les conditions de quarantaine à celles de la Grande Famine d’il y a soixante ans.

    Des dizaines de millions d’ouvriers restent sans salaire alors que les usines et les bureaux sont fermés. Le congé du Nouvel An a été prolongé de dix jours dans la plupart du pays et même plus longtemps dans certaines régions. Les enseignants ne sont pas payés car les écoles doivent rester fermées jusqu’à nouvel ordre.

    Des millions de travailleurs migrants des provinces intérieures se retrouvent à la merci des nouvelles règles de quarantaine et des restrictions de voyage qui ont proliféré dans tout le pays. Une vidéo est devenue virale et montre un couple marié coincé sur un pont qui relie deux provinces, Guizhou et Chongqing, parce que les deux gouvernements ont bloqué les trajets entre elles deux.

    Hubei, dont Wuhan est la capitale provinciale, compte dix millions de migrants qui vivent et travaillent dans d’autres provinces. Ces travailleurs sont victimes de discrimination et même de persécution. Comme le rapporte Li Yuan dans le New York Times, “En essayant de contenir la propagation, les gouvernements locaux montrent qu’ils sont plus à même à avoir l’air occupé qu’à trouver une solution. Beaucoup trouvent maintenant des moyens de traquer et même d’expulser les résidents de la province de Hubei pour empêcher le coronavirus de se propager”. Cela risque de pousser ces travailleurs à se cacher, sapant ainsi la lutte contre l’épidémie.

    Les mesures sévères initiées par Xi et le Comité permanent du Politburo s’apparentent au “marteau” selon Human Rights Watch. La majeure partie de la Chine est paralysée. Cela a créé de nouvelles tensions dans le système étatique chinois, les différentes régions imposant leurs propres mesures de quarantaine et se chamaillant plutôt que de coordonner ensemble les moyens d’urgence.

    Dali, une ville de la province du Yunnan, a intercepté une cargaison de masques à destination de Chongqing, ce qui a déclenché un conflit entre les deux gouvernements. Les médias d’État ont également rapporté que des produits médicaux en route de Corée du Sud vers la ville de Shenyang ont été saisis par les douaniers à Qingdao. Les autorités de Qingdao ont affirmé qu’il s’agissait de représailles pour les fonctionnaires de Shenyang qui avaient saisi un lot de fournitures destinées à Qingdao. De tels incidents ont suscité le dégoût et la colère sur les médias sociaux.

    Une catastrophe provoquée par l’homme

    “C’est vraiment une catastrophe provoquée par l’homme”, a commenté un post sur les médias sociaux qui résume bien la situation. Malgré les censeurs de l’État qui travaillent avec acharnement pour les effacer, ces opinions anti-gouvernementales sont maintenant devenues “un événement qui ressemble à une inondation” comme le décrit un rapport interne du gouvernement qui a fait l’objet d’une fuite.

    Le climat anti-gouvernemental a atteint un nouveau niveau avec la mort, le 6 février, de Li Wenliang, médecin à l’hôpital central de Wuhan. Le 3 janvier, Li a été contraint par la police de signer une lettre dans laquelle il affirmait avoir propagé un “faux discours” en avertissant ses collègues d’un nouveau virus semblable au SRAS. Son exemple a été utilisé comme un moyen de dissuasion pour faire taire les autres membres du personnel médical de Wuhan.

    Lorsqu’il a été connu que Li et ses collègues étaient des professionnels de la santé qui avaient tenté de tirer la sonnette d’alarme, la colère a explosé sur les médias sociaux. Le PCC a été contraint de traiter Li avec douceur et de lui permettre de donner des interviews aux médias. La Cour populaire suprême a même publié une déclaration affirmant que Li n’aurait pas dû être puni.

    Le gouvernement central avait ainsi tenté de contenir et de désamorcer le mécontentement des masses tout en le dirigeant vers les fonctionnaires de Wuhan en vue d’une censure et d’une persécution encore plus importantes à l’avenir. Toute concession tactique de la part du régime de Xi, comme on l’a vu à Hong Kong l’année dernière, ne signale pas un changement de cap mais simplement une tentative de gagner du temps pour continuer à appliquer la ligne dure du régime.

    Dans une dernière interview accordée à Caixin Global, les paroles très modérées de Li sont revenues de sa tombe pour hanter le régime de Xi : “Je pense que, dans une société saine, on devrait pouvoir entendre plus d’une voix. Et je n’approuve pas l’utilisation de la puissance publique pour une ingérence excessive.”

    Même la mort de Li, annoncée pour la première fois le 6 février, puis “annulée” par les médias contrôlés par l’État, et annoncée à nouveau le 7 février, a fait l’objet d’une nouvelle dissimulation pas très intelligente. On peut supposer que la vaste machine de propagande et de censure du PCC a eu besoin de plus de temps pour préparer son discours sur la mort du médecin. La nouvelle a déclenché une vague de colère anti-gouvernementale en ligne sans précédent. Des millions de personnes ont partagé des messages sur Li Wenliang et les hashtags “I want freedom of speech” et “We demand freedom of speech” – ont été vus par des dizaines de millions de personnes avant d’être censurés.

    Les conséquences de ces événements pour l’économie chinoise et mondiale devraient dépasser de loin les effets de l’épidémie de SRAS. En 2003, la Chine ne représentait que 4 % du PIB mondial, alors qu’elle en représente aujourd’hui 16 %. Il n’est pas du tout tiré par les cheveux, surtout compte tenu de la fragilité de l’économie mondiale, d’envisager que l’épidémie devienne le point de basculement vers une récession mondiale. Cela est dû au rôle décisif de la Chine, qui a représenté plus de 30 % de la croissance du PIB mondial l’année dernière.

    L’industrie automobile, déjà en récession dans le monde entier, est confrontée à des perturbations massives, comme le montre la fermeture de toutes les usines automobiles de Hyundai en Corée du Sud en raison du manque de pièces provenant de fournisseurs chinois. Les constructeurs automobiles européens sont confrontés à une pression similaire si les problèmes en Chine s’éternisent. On ignore quand les usines automobiles et les autres grandes industries chinoises reprendront une production normale après la fermeture prolongée provoquée par l’épidémie.

    Mais les problèmes sont beaucoup plus profonds. Une épidémie plus prolongée pourrait être l’aiguille qui fait éclater l’énorme bulle du marché immobilier chinois. Cela pourrait alors provoquer l’effondrement du secteur bancaire. Wuhan, la cinquième plus grande ville de Chine, est un excellent exemple de bulle insoutenable. Les prix des logements de la ville ont quadruplé au cours des deux dernières années.

    “Les gens qui ont de l’argent sont effrayés à mort et n’osent pas courir dehors”, a déclaré au Financial Times un agent immobilier basé à Pékin. “Personne ne va travailler. Les développements immobiliers sont tous bloqués… l’impact sera certainement important”.

    Wuhan : Chronologie d’une catastrophe

    Dans les premières semaines critiques de cette crise, le gouvernement de Wuhan a fait le contraire de ce qu’il aurait dû faire. Il a arrêté et fait taire les lanceurs d’alerte, y compris des professionnels de la santé comme Li Wenliang qui ont tenté de mettre en garde contre une épidémie potentielle. Ils n’ont même pas informé le personnel hospitalier des dangers et un grand nombre de membres du personnel médical ont été infectés : 40 membres du personnel dans le seul hôpital de Wuhan.

    On estime que cinq millions de personnes ont quitté Wuhan et se sont rendues dans d’autres régions de Chine entre le 1er et le 20 janvier, sans savoir qu’elles pouvaient être porteuses du virus ni être averties de prendre des précautions élémentaires telles que porter un masque, se laver régulièrement les mains et éviter les rassemblements publics.

    Le 18 janvier, les autorités de Wuhan ont organisé un banquet pour 40.000 familles dans le district de Baibuting, quelques jours avant que la ville ne soit complètement fermée et que tout voyage à l’extérieur ne soit interdit. Aujourd’hui, des dizaines de bâtiments à Baibuting, avec ses 130.000 habitants, sont couverts d’affiches rouges officielles portant la mention “bâtiments contaminés”. Caixin Global a cité des résidents locaux se plaignant de n’avoir toujours pas été conseillés par les fonctionnaires du gouvernement sur les précautions à prendre même après que leurs maisons aient été désignées comme “bâtiments contaminés”.

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS), une agence des Nations unies, a été informée par des fonctionnaires du ministère national de la santé chinois le 31 décembre d’une épidémie de “pneumonie de cause inconnue” à Wuhan. Une semaine plus tard, le virus a reçu le nom de 2019-nCov. Cette chronologie met en cause Pékin, qui se cache derrière les erreurs du gouvernement de Wuhan, pour ne pas avoir agi plus rapidement. En dépit d’un ensemble de preuves faisant état du contraire, l’OMS fait l’éloge de la façon dont la dictature chinoise a géré l’épidémie, saluant même le “système chinois” et la “grande capacité de leadership” de Xi. Le soutien flatteur de quelques bureaucrates à Genève est une petite consolation pour le PCC, qui se heurte à une hostilité toujours plus grande chez lui.

    Des secousses révolutionnaires

    Pékin est maintenant dans une phase de limitation des dégâts, en essayant de protéger le personnage de “l’empereur” Xi, et de détourner toute la responsabilité sur le gouvernement et la police de Wuhan. Le Comité permanent du Politburo – le cercle restreint du PCC – a reconnu que la situation actuelle constituait “un test majeur du système et de la capacité de gouvernance de la Chine”.

    Le PCC déploie tout son arsenal de mesures de “maintien de la stabilité” avec une propagande massive et une campagne de relations publiques, érigeant des hôpitaux à une vitesse record et proclamant une “guerre populaire” contre l’épidémie. Malgré la construction de deux nouveaux hôpitaux à Wuhan, qui, selon son gouvernement, offrent 13.000 lits supplémentaires, cela reste insuffisant – selon des estimations indépendantes, il y aurait jusqu’à 190.000 personnes infectées à Wuhan.

    Pékin a récemment annoncé un financement d’urgence de 12 milliards de dollars US pour lutter contre l’épidémie. Mais la même semaine, le régime a injecté 174 milliards de dollars dans le secteur bancaire et la bourse pour éviter un effondrement des marchés. L’écart entre ces deux sommes montre les véritables allégeances de classe des dirigeants chinois.

    Où cela peut-il mener ? Dans le Financial Times, Jamil Anderlini affirme que “si le virus ne peut pas être contenu rapidement, cela pourrait se révéler être le moment de Tchernobyl pour la Chine, un moment où les mensonges et les absurdités de l’autocratie sont mis à nu pour que tous puissent les voir”.

    De nombreux citoyens en Chine ont fait des comparaisons sur internet avec la catastrophe nucléaire de 1986 qui a constitué un événement important sapant les bases du régime stalinien en URSS. Anderlini établit également un parallèle avec la Tunisie en 2010, en comparant Li Wenliang à Mohamed Bouazizi, le vendeur de fruits dont l’auto-immolation a servi de déclencheur à la révolution en Tunisie et dans la région.

    Il est clair que la dictature chinoise est entrée dans sa crise la plus profonde depuis la fin des années 1980. Les “sessions jumelées” de mars (du Congrès national du Parti communiste et de la Conférence consultative politique du peuple chinois) peuvent maintenant être annulées en raison de l’épidémie. Si cela se produit, la véritable raison sera probablement d’empêcher les expressions ouvertes de dissidence de faire surface lors de cet événement normalement très chorégraphié.

    La lutte pour le pouvoir au sein du PCC et de l’élite dirigeante va presque certainement se relancer, alimentée par les divisions croissantes sur l’intendance de Xi, mais reflétant aussi en fin de compte les nouvelles humeurs qui s’agitent dans la base de la société. Si l’épidémie n’est pas contenue à court terme et inflige des dommages économiques massifs, cela peut déclencher un nouveau niveau de crise avec des implications potentiellement révolutionnaires.

    La tâche des marxistes, des partisans de l’Alternative Socialiste Internationale (ASI) en Chine, est d’aider les sections les plus avancées de la classe ouvrière et de la jeunesse à se préparer politiquement. La crise humanitaire, économique et politique appelle à la construction d’une alternative ouvrière socialiste et véritablement démocratique au capitalisme autoritaire du PCC.

  • Hong Kong : Défaite écrasante du camp pro-gouvernemental aux élections de district


    La lutte de masse doit maximiser l’effet de ces résultats électoraux historiques, faire de l’implication des travailleurs l’axe central du combat et se tourner vers les masses continentales.

    Déclaration de Socialist Action (CIO – Hong Kong)

    Les élections des conseils de district qui se sont tenues le dimanche 24 novembre ont été une grande victoire pour le mouvement de protestation anti-autoritaire qui a commencé en juin dernier. Sans les manifestations de masse, qui font rage depuis près de six mois, il est clair que ce tremblement de terre n’aurait pas eu lieu.

    5.000 manifestants ont été arrêtés jusqu’à présent, dont environ un tiers de moins de 18 ans. La brutalité policière a été l’un des principaux moteurs des manifestations. Des milliers de personnes ont été hospitalisées et trois jeunes, dont un de 14 ans, ont été abattus à balles réelles. La violence policière n’a fait que croître ces dernières semaines.
    Le décompte final aux élections des conseils de district est de 388 sièges (contre 126 auparavant) pour l’opposition pro-démocratique et 59 (contre 298 auparavant) pour le camp pro-Pékin. Cela signifie que les candidats pan-démocrates et les autres candidats de l’opposition ont remporté près de 90 % des sièges grâce au système majoritaire uninominal à un tour. Leur part des votes était de 60% contre 40% pour le camp pro-gouvernemental.
    Des élections historiques

    Le taux de participation a atteint un record de 71,2 %, ce qui éclipse le taux de 58 % enregistré lors des dernières élections au Conseil législatif (Legco) en 2016, qui constituait déjà un record. Par rapport aux dernières élections des conseils de district en 2015, où le taux de participation était de 47%, presque deux fois plus de personnes se sont rendu voter, soit 2,94 millions de personnes (en 2019) contre 1,47 million (en 2015). La plupart des bureaux de votes ont connu des files d’attente qui ont été jusqu’aux trottoirs une heure avant leur ouverture. Parmi ces électeurs de la première heure se trouvaient de nombreux jeunes, un revirement complet par rapport aux années précédentes.

    Hong Kong n’est pas une démocratie. Son système politique permet d’élire les conseils de district, qui sont le niveau de gouvernement le plus bas, et la moitié des sièges du Conseil législatif (Legco) où les partisans du gouvernement disposent d’une majorité intégrée grâce à des circonscriptions dites fonctionnelles qui sont truquées et réservées principalement aux grandes entreprises. Le gouvernement, dirigé par un chef de l’exécutif approuvé par Pékin, ne peut être élu.

    Les dirigeants pan-démocratiques bourgeois sont probablement aussi surpris que n’importe qui par les résultats actuels. Ils ne contrôlaient aucun district et en contrôlent maintenant 17 sur 18. Seule l’île de Lantau (comprenant onze sièges non élus) est encore contrôlée par le camp pro-gouvernemental. Trois conseils de district sont passés d’un contrôle pro-Pékin à un conseil où aucun conseiller pro-Pékin n’a été élu : Sai Kung, Tai Po et Wong Tai Sin. Ce dernier est un quartier ouvrier où les habitants se sont heurtés à plusieurs reprises à la police et ont manifesté contre la brutalité policière et la forte utilisation de gaz lacrymogène au cours des derniers mois.

    Les conseils de district ne sont pas des organes très importants, ils sont relativement impuissants. Ces élections ont été confrontées à une forte tradition conservatrice visant à dépolitiser les élections pour se concentrer uniquement sur des “questions locales”. Cela a toujours favorisé le camp pro-gouvernemental qui dispose d’énormes ressources financières et qui peut également mobiliser des “votes en bloc” grâce à divers mécanismes de favoritisme et de pots-de-vin et grâce à leur domination des réseaux traditionnels tels que les sociétés culturelles ayant des liens avec la Chine continentale.

    Mais cette année, la tradition “non politique” de ces élections a été balayée par un climat de militantisme sans précédent. Ces élections sont devenues un référendum de facto sur le soutien aux manifestations antigouvernementales ou à la répression de plus en plus brutale du gouvernement. Les résultats ne laissent planer aucun doute quant à la position de la majorité des Hongkongais. Pour le gouvernement, l’establishment capitaliste pro-Pékinois et le régime dictatorial de Xi Jinping, il s’agit d’un revers humiliant.

    De nouvelles complications pour le PCC

    Cela soulève également de nouvelles complications pour le gouvernement et le PCC qui tentent de mettre un terme à la crise politique. A la suite de la quatrième réunion plénière du PCC à la fin du mois d’octobre, il était clair que Pékin exerçait des pressions sur le gouvernement et la police de Hong Kong pour qu’ils traitent plus impitoyablement les manifestants et principalement les jeunes parmi eux. Une variante locale du “4 juin” – le massacre de Tienanmen de 1989 – était prévue, peut-être avec des méthodes moins meurtrières, mais en tout cas avec l’objectif clair de mettre fin aux manifestations avec autant de force. Ce plan n’est plus possible à court terme.

    Le PCC est maintenant confronté à un nouveau problème. Dans le cadre du système électoral truqué de Hong Kong, où seulement 1.194 électeurs choisissent le chef de l’exécutif, les conseils de district disposent de près de 10 % des voix. Auparavant, ces 117 votes étaient contrôlés par le camp pro-Pékin. Maintenant, les pan-démocrates contrôlent les 117 votes. Cela peut être source de nouvelles complications pour Pékin pour la prochaine “élection” d’un chef de l’exécutif. Selon certaines rumeurs, cela pourrait être en 2020 afin de remplacer Carrie Lam pour un “nouveau” visage moins détesté.

    Au cours des six derniers mois de lutte de masse, le gouvernement a fait de multiples erreurs de calcul, à commencer par le retrait de la loi sur l’extradition. Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif qui est une véritable catastrophe ambulante, a avoué que ses “erreurs” ont causé “d’énormes ravages”. Après la débâcle des élections du conseil de district, Carrie Lam a affirmé qu’elle va “réfléchir sérieusement” au message des électeurs. Personne ne doit se faire d’illusion ! La dictature chinoise interdit toute retraite politique significative, c’est pour cela que le gouvernement de Lam est devenu un “grand déstabilisateur” qui a enragé la population avec sa brutalité et son arrogance.

    Le régime de Xi craint que toute faiblesse ou disposition à faire des concessions à Hong Kong n’incite les masses continentales à s’organiser et à se soulever en faveur de leurs propres revendications. Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes chinois sont similaires à ceux propres à Hong Kong : bas salaires, emplois précaires, horaires de travail inhumains, logements inabordables, pollution suffocante et régime dictatorial qui persécute toute opposition.

    Carrie Lam 

    Le maintien des élections pour les conseils de district est une autre erreur de calcul monstrueuse de la part du gouvernement de Carrie Lam et de ses partisans. Ils ont débattu jusqu’au tout dernier moment de l’opportunité d’annulation les élections (un coup d’Etat de facto) mais ont craint que cette manœuvre ne suscite une sympathie renouvelée pour le mouvement de protestation tout en augmentant la pression internationale. Ils se doutaient bien qu’ils auraient un mauvais résultat, sans imaginer que le désastre puisse avoir cette ampleur. Aujourd’hui, comme on pouvait s’y attendre, une file de “perdants” pro-gouvernementaux condamnent Carrie Lam pour leur avoir fait perdre leurs positions politiques et avoir créé la plus grande crise dans le camp pro-Pékin depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997.

    Le principal parti pro-Pékin, la DAB (Democratic Alliance for the Betterment and Progress of Hong Kong), a été décimé, ne remportant que 21 sièges contre 119 lors de l’élection précédente. Son dirigeant, Starry Lee, a proposé de démissionner, mais il a été persuadé de rester en place puisque personne ne veut le poste. La FTU (Fédération des syndicats) n’a remporté que 4 sièges, contre 27 en 2015, ce qui signifie qu’elle n’est plus le deuxième plus grand parti du camp pro-Pékin, étant même dépassée de 5 sièges par le petit Parti libéral.

    Ce résultat est un coup dur pour le gouvernement et un sérieux revers pour le régime du PCC. Cela aura des répercussions jusqu’à l’intérieur de la Chine, tant sur le terrain que dans la lutte pour le pouvoir au sein du régime lui-même. La propagande nationaliste antidémocratique anti-Hong Kong chauvine de Pékin a toujours prétendu que les manifestations anti-gouvernementales n’étaient soutenues que par une minorité de la population. La meilleure censure d’Internet au monde n’empêchera pas les résultats électoraux de pénétrer et de se faire connaître en Chine, ce qui peut miner considérablement la propagande de l’État contre le mouvement.

    D’autres facteurs pourraient encore jouer en faveur du régime pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Une partie des dirigeants pan-démocratiques sera sensible aux pressions du régime et des capitalistes pour désamorcer le mouvement de protestation. Le plus grand vainqueur des élections au sein du bloc pan-démocratique est le Parti démocrate, avec 91 sièges (contre 43 la dernière fois). Ce parti a l’habitude de conclure des accords en coulisse avec les représentants du PCC et de freiner la lutte pour les droits démocratiques.

    Le président de ce parti, Wu Chi-wai, a d’ailleurs déclaré : “La division de la société doit être gérée avec prudence”. Il y a un réel danger que les politiciens du compromis pan-démocratique – largement marginalisés par la lutte de masse jusqu’à présent – tentent d’utiliser leurs positions renforcées lors des élections pour revendiquer une plus grande influence et réclamer un passage de l’action de masse à la “négociation”. Cela signifierait un retour à l’approche et à la stratégie ratées des luttes précédentes. Le mouvement peut repousser cette menace avec une organisation démocratique de la lutte au niveau local, comme nous l’expliquons ci-dessous.

    Construire la lutte

    Le mouvement de masse de Hong Kong doit s’intensifier et faire valoir l’avantage politique que ces élections ont procuré – une injection géante d’énergie nouvelle. Pour vaincre la dictature chinoise, qui est le seul moyen de remporter les cinq revendications du mouvement et de mettre fin à l’autoritarisme à Hong Kong, un mouvement exclusivement basé sur Hong Kong ne suffit pas.

    La lutte doit s’étendre à la Chine continentale en établissant des liens avec les travailleurs et les jeunes opprimés – une force que le PCC craint plus que tout – et en faisant appel à la solidarité dans le monde entier. Cela signifie la solidarité des travailleurs ordinaires et en particulier de ceux qui luttent héroïquement contre une oppression similaire du Chili à l’Iran en passant par la Catalogne. Nous ne devons entretenir aucune illusion envers Trump ou dans d’autres politiciens capitalistes aux États-Unis ou en Europe. Leur attitude envers la Chine et Hong Kong est dictée par des accords commerciaux plutôt que par des droits démocratiques. Ils représentent la voie rapide vers la trahison et la défaite.

    L’étonnant tsunami électoral de Hong Kong est l’occasion de relancer la lutte de masse, qui a grand besoin d’un changement de direction pour gagner. La lutte doit être basée sur la classe des travailleurs, la force sociale la plus efficace pour paralyser et renverser un régime autoritaire. La mise en place de comités démocratiques – sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les communautés locales – pour organiser le mouvement de manière plus solide et efficace est également une priorité absolue.

    Il est donc nécessaire d’adopter une nouvelle approche politique pour lier la lutte démocratique à la lutte pour les droits des travailleurs et des pauvres, car l’un ne peut gagner sans l’autre. Il s’agit d’élargir les cinq revendications pour y intégrer les besoins des travailleurs et de la jeune génération : un programme d’urgence pour la construction de 100.000 logements sociaux par an, une augmentation spectaculaire des salaires, un système de retraite universel et une journée de travail de huit heures.

    Briser le pouvoir des milliardaires

    Les magnats capitalistes, dont le gouvernement autoritaire sert les intérêts, ont toujours résisté à ces exigences. Nous voulons le droit d’élire un gouvernement, au suffrage universel à partir de 16 ans, mais nous devons aussi prendre le contrôle démocratique des grandes entreprises et des banques, qui bloquent tout progrès social et concentrent la richesse de la société dans les mains d’une élite minuscule, dans une plus large mesure encore que presque toute autre économie au monde. Une étude récente montre que les 50 milliardaires les plus riches de Hong Kong ont une richesse combinée de 300 milliards de dollars US (le PIB de Hong Kong est de 362 milliards de dollars US). Les superprofits des magnats de Hong Kong sont possibles grâce au système autoritaire de Hong Kong et de la Chine.

    Ceux qui sont d’accord avec ces propositions pour renforcer la lutte anti-autoritaire devraient rejoindre Socialist Action, le CIO à Hong Kong. Nous faisons campagne pour la formation d’un nouveau parti de la classe ouvrière, unissant toutes les couches opprimées dans la lutte contre le capitalisme et la dictature, à Hong Kong, en Chine et dans le monde.

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