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  • Nous avons besoin d’un relais politique !

    Plusieurs éléments récents (1) ont relancé les discussions sur la nécessité d’un large parti de gauche ou un front de différentes organisations capable de regrouper tous ceux qui veulent lutter contre l’austérité et les politiques néolibérale qu’on nous impose. Une telle formation pourrait convaincre à nouveau tous ceux qui sont électoralement démoralisés mais, surtout, elle permettrait de pousser la résistance et les luttes en avant.

    Par Ben (Charleroi)

    Un début de scission entre le PS et la FGTB

    Si certains pensent encore que le PS est le moindre mal, beaucoup commencent à faire le bilan des 20 ans de pouvoir du PS : Plan global en 1993, suppression massive de postes dans l’enseignement en 2005, mise en place de la chasse aux chômeurs en 2004, Pacte des générations en 2005 et maintenant un budget d’austérité comme la Belgique en a rarement connu.

    Comme des milliers de militants syndicaux et politiques le répètent depuis des années, le PS n’est plus un relai politique pour les syndicats. Au contraire, il participe à l’élaboration d’une politique néolibérale qui s’attaque frontalement au niveau de vie de la majorité. C’est pourquoi, après la CGSP-admi de Tournai et Mons, ce fut au tour de la FGTB de Charleroi de dire que “le PS nous a trahi une fois de plus, une fois de trop”. Puis de déclarer : “Aujourd’hui, camarades du PS, la politique du moindre mal ne passe plus chez nos militants. La phrase magique “ce serait pire sans nous” fait offense à leur intelligence.”

    Le ras-le-bol exprimé par la FGTB de Charleroi s’est donc concrétisé par un appel à rassembler à gauche du PS et d’ECOLO. “Il y a la des forces vives, actives, militantes et anticapitalistes porteuse d’espoir pour le monde du travail. Cela ne sera pas chose facile, mais si chacun peut faire un pas vers l’autre, PTB, LCR, PSL, PC, gauche chrétienne peut-être, gauche du PS et d’ECOLO s’il en reste, sûrement, nous pourrons certainement renouer avec l’espoir pour le monde du travail”.

    Une nouvelle formation à l’ordre du jour

    Le potentiel pour une nouvelle formation de gauche véritable, prête à s’opposer aux mesures d’austérité et à construire son propre programme basé sur les besoins réels des travailleurs et de leur famille est énorme. C’est ce qu’illustre l’intérêt pour le Front de Gauche en France ou pour Syriza en Grèce.

    En Belgique aussi ce potentiel existe. D’une certaine manière, l’interêt pour le Mouvement de Gauche de Bernard Wesphael est un élément qui le démontre. Même si l’orientation que prendra ce nouveau mouvement est encore incertaine : en cavalier seul ou non ? Avec une orientation claire vers les luttes des travailleurs ?

    En tout cas, comme beaucoup, nous sommes convaincus qu’une gauche plurielle, syndicale et associative est possible. Mais cette nouvelle formation se doit d’être démocratique, ouverte et capable de fédérer respectueusement les différents courants et sensibilités de la gauche, car il est évident que les divergences politiques ne vont pas disparaitre d’un coup. Mais l’ère des partis qui considérait chaque désaccord comme un problème à éliminer est heureusement derrière nous. Le débat démocratique et le respect des majorités et minorités rend possible de surmonter des désaccords en les considérants pour ce qu’ils sont : des contributions à un débat.

    Les discussions ne font évidemment que commencer. Les diverses organisations syndicales, politiques ou associatives mèneront des débats et des réflexions à des rythmes différents, mais espérons toutefois que cela ne dure pas une éternité.

    Les syndicats ont un rôle primordial à jouer dans ce processus. Ils peuvent mieux que personne rassembler tous les opposants à l’austérité, les organisations de la gauche dite radicale mais aussi de très nombreuses personnes qui ne sont pas encore politiquement engagées. Ils peuvent aussi assurer une orientation basée avant tout sur les luttes plutôt que vers les élections.

    Les élections communales sont l’occasion de stimuler le débat autour d’un programme contre l’austérité, c’est ce qui se discute à Charleroi dans le groupe pour un Front de Gauche qui réunit actuellement le PC, le PSL ainsi que quelques militants syndicaux et associatifs. Des listes unitaires se préparent également sur Bruxelles. Mais le véritable objectif devrait être 2014 ce qui laisse le temps de construire patiemment une initiative politique large de façon démocratique, avec l’implication active de centaines puis de milliers de personnes à travers tout le pays.


    (1) La lettre des délégations syndicales à Rudy de Leeuw (précédemment publiée dans ce journal), la sortie de Bernard Wesphael d’Ecolo et la création du mouvement de gauche, les déclarations de la FGTB de Charleroi pour créer quelque chose à la gauche du PS et d’ECOLO.

  • Elections sociales 2012 : Les syndicats ne sont pas représentatifs ? Réponse de la base

    Les résultats provisoires (91% des entreprises concernées) des élections sociales du 7 au 20 mai ont été officiellement annoncés. Le rapport de forces ne change pas beaucoup ; la CGSLB (le syndicat "libéral") obtient toutefois un léger gain au détriment des deux grands syndicats. Le taux de participation reste supérieur aux 70%. Le nombre d’entreprises sujettes aux élections sociales a augmenté de moins de 5.500 en 1995 à plus de 6.500 en 2008, pour atteindre les 6.800 aujourd’hui. Le nombre de travailleurs ayant droit de vote est passé de 1,1 million en 1995 à 1,4 million en 2008. Il est actuellement d’environ 1,7 million (1).

    Par Eric Byl

    De telles données rendent la tâche difficile aux médias, qui contrôlent l’actualité et s’efforcent de mettre en doute la représentativité des syndicats. Les résultats seront bien sûr analysés, interprétés et réinterprétés, ce qui illustre leur gigantesque importance. Ces élections contribuent à déterminer les relations de force entre travail et capital pour la période à venir.

    Avec 125.116 candidats, dont 44.608 élus, ces élections sociales sont de loin les élections les plus proches des gens. Même lors des communales, le nombre de candidats est inférieur de moitié. Ces élections ne subissent pas l’influence des agences de publicité et des campagnes médiatiques coûteuses, les délégués sont directement élus par leurs collègues sur base de leur dévouement quotidien. Pour les comités de prévention et de la protection au travail (CPPT), la CSC a obtenu 52,3% des votes, soit une perte de 0,9% et 58,5% des sièges. La FGTB obtient 36,4%, une perte de 0,3%, et 34,1% des sièges. La CGSLB a gagné 1,5% et arrive pour la première fois de son histoire à plus de 10% des votes et 7,5% des sièges. Les résultats pour les conseils d’entreprises sont comparables ; la confédération nationale des cadres reste stable à 1%.

    En conséquence des assainissements continuels et de la logique néolibérale, les chaînes d’information publiques utilisent de plus en plus des méthodes similaires aux médias commerciaux. Cette approche assure que les syndicats sont fortement attaqués. Chaque erreur de la direction – et il y en a beaucoup malheureusement – est commentée en long et en large, comme l’a illustré le recours de Rudy De Leeuw, président de la FGTB, au mécanisme de la déduction des intérêts notionnels pour une petite entreprise familiale. Autre exemple : le fait que le Mouvement Ouvrier Chrétien ait soutenu la transformation de Dexia en un hedgefunds au travers de sa coopérative ARCO. Les candidats de ces syndicats ont probablement dû s’expliquer et leurs efforts ont pu limiter les dégâts. C’est déjà en soi un petit miracle que la CGSLB n’en ait pas plus profité ou que le taux de participation n’ait pas été plus limité. Si les scandales du monde des entreprises étaient mis en avant de la même manière dans les médias, il n’y aurait plus d’entreprise debout !

    De plus, la CGSLB s’est profilée de manière assez opportuniste, en affichant son absence de liens politiques, alors que certains dirigeants de la FGTB et de la CSC se montrent toujours bons amis des politiciens du PS, du SP.a ou du CD&V, partis largement responsables, des années durant, de projets d’assainissements. Enfin, la CGSLB a aussi diffusé un véritable petit programme, alors que les délégations des deux grands syndicats ont dû faire campagne sans contenu, à l’exception de celui qu’elles créaient parfois d’elles-mêmes. Mais malgré le vaste territoire couvert et les nombreux chantiers, les heures flexibles, le travail en équipe et le week-end, 70% des travailleurs ayant droit de voter ont pris la peine de participer aux élections et presque 89% ont voté pour la CSC et la FGTB. Cela démontre la profonde conscience qu’ont les travailleurs de la nécessité d’avoir leurs propres organisations. La longue campagne menée dans les médias contre les syndicats par les politiciens, patrons, académiciens et journalistes ne fait pas le poids face à l’impact réel et quotidien d’une représentation syndicale sur les conditions de salaire et de travail dans les lieux de travail.

    Si cette représentation syndicale était accompagnée d’un véritable relais politique, avec des politiciens qui iraient à l’encontre de la campagne contre les travailleurs et les syndicats dans le parlement et dans les médias, il serait alors possible d’utiliser cette force non seulement de façon défensive, mais aussi offensive. Les faiblesses des directions syndicales ne sont pas les seules choses à être utilisées contre les syndicats, même l’avidité des entreprises sert cet objectif. Quand, dans les grandes entreprises, de grands groupes déménagent vers des pays à bas salaires, la faute est rejetée sur les syndicats, présentés comme des ringards inadaptés à la production moderne, comme des reliques du passé uniquement utiles pour une catégorie de travailleurs qui n’existe désormais plus…

    D’autre part, la séparation de grandes unités d’entreprises en unités plus petites et l’usage généralisé des sous-traitants font passer les travailleurs sous la limite minimale pour avoir une représentation syndicale légale. Ces faits sont ensuite instrumentalisés pour donner l’impression que les travailleurs concernés ne veulent pas du syndicat ! Des centaines de milliers de travailleurs dans des entreprises de moins de 50 travailleurs n’ont toujours pas de droit de vote et donc pas de représentants.

    Quand les patrons recourent au travail intérimaire et aux contrats temporaires et/ou à temps partiel et que cela rend l’engagement syndical quasi impossible pour les jeunes travailleurs, on exploite ce fait pour annoncer que les syndicats ne disposent pas de soutien parmi la jeunesse. La forte baisse du taux de participation dans le collège électoral des jeunes travailleurs (-26 ans) – dans ces entreprises où il y avait des sièges jeunes à partager – de 52,4% en 2004 à 42,5% en 2008 et de seulement 35,6% en 2012, sera bien entendu fortement relayée dans les médias. On peut se demander s’il y a encore besoin de sièges séparés pour les jeunes. En tout cas, la presse ne parlera pas de la croissance du travail intérimaire ni même des stages gratuits en entreprise. La direction syndicale a commis une erreur en acceptant cette érosion des contrats de travail. Quelle illusion de lutter pour les acquis et les droits des travailleurs plus âgés en faisant des concessions sur ceux des travailleurs jeunes : cela mine l’efficacité de tous les travailleurs et cela a été utilisé sans vergogne par les patrons pour lancer une attaque sur les droits de pensions des travailleurs plus âgés.

    La disparition d’innombrables bastions ouvriers ; le boycott, par les patrons, de la directive européenne sur la représentation syndicale à partir de 20 travailleurs ; les faux pas et les concessions inacceptables de la direction ; le fait que les dirigeants soient bons amis avec les politiciens qui attaquent nos acquis ; le manque d’investissement dans un travail jeune, dynamique et combatif,… Tous ces éléments n’ont pas encore pu miner la force fondamentale des syndicats. Au contraire, malgré la croissance du nombre d’entreprises avec des élections sociales – et souvent avec moins de traditions syndicales – la participation reste énorme et plus élevée que le taux que nos politiciens pourraient obtenir si le vote n’était pas obligatoire.

    Dans les médias, les voix radicales sont à peine mentionnées. Lors des élections politiques, elles sont d’habitude écrasées par les campagnes médiatiques coûteuses créées par des bureaux de publicité bien rémunérés. Mais lors des élections sociales, quand il s’agit vraiment d’arguments et du boulot quotidien, c’est différent. Pas nécessairement pour les jeunes travailleurs, qui doivent encore prouver leur valeur et qui doivent montrer qu’ils sont capables de faire cela sur le long terme. Le travail syndical est un travail de longue haleine par excellence. Mais quand ils persévèrent, les syndicalistes combatifs, dont font aussi partie les membres du PSL présents sur des listes FGTB ou CSC, peuvent réaliser des scores très forts et généralement sans campagne personnelle. Cela n’est pas sans importance. Il est important que le mouvement ouvrier construise au maximum des bastions syndicaux forts, car cela peut renforcer la confiance dans d’autres entreprises et changer les relations de force à l’avantage des travailleurs. Pour les patrons, c’est le contraire. Un mauvais résultat ou la disparition d’un délégué combatif peut lui rendre la vie plus facile et alourdir son portefeuille.


    (1) Les résultats complets se trouvent ici : http://www.emploi.belgique.be/resultatsprovisoiresdeselectionssociales2012.aspx. Pour les conseils d’entreprises, 799 705 travailleurs ont voté et, pour les comités, 883 976 travailleurs. Dans une centaine d’entreprises où des élections étaient prévues, un accord s’est fait entre syndicats et patrons pour ne les pas organiser. Dans d’autres entreprises, il n’y avait pas de candidats. Pour comparer avec les élections sociales de 2008, il est utile de mentionner le nombre de votes : 758 807 pour les conseils d’entreprises et 851 443 pour les comités.

  • Comment transposer la dynamique du Front de Gauche en Belgique ?

    Un jour d’avril, le Moustique a dévoilé sur son site que ses internautes s’étaient largement prononcés en faveur de ‘‘cette sympathique grande gueule de Jean-Luc Mélenchon’’ dans un sondage sur les présidentielles françaises. Le candidat du Front de Gauche avait obtenu 32% de soutien et arrivait en tête. Bien entendu, il ne s’agissait pas là d’un véritable sondage, mais ce résultat a illustré à quel point la dynamique de cette campagne à la gauche du PS et de verts avait débordé des frontières de l’hexagone.

    Par Nicolas Croes

    Dans le contexte de l’actuelle crise mondiale du capitalisme, travailleurs, jeunes, chômeurs et pensionnés à qui les gouvernements veulent faire payer la crise observent la riposte des masses de pays en pays. Un bon score aux présidentielles françaises pour un candidat refusant les plans d’austérité aurait un impact certain dans toute l’Europe, et à fortiori en Belgique.

    Chez nous aussi la dynamique de la campagne du FdG a impressionné. Il y a évidemment le talent d’orateur du ‘‘tribun Mélenchon’’ et notamment la façon dont il a, pour reprendre les termes du Vif, ‘‘consciencieusement tabassé Marine Le Pen’’ dans un débat télévisé. Son audace, sa pugnacité, la confiance qu’il affiche dans son projet et l’enthousiasme que cette approche suscite sont les signes d’une nouvelle époque pour une gauche qui doit résolument sortir de l’attitude défensive héritée des années ’90 pour oser aller de l’avant.

    Le FdG a aussi à son actif les plus grands succès populaires de la campagne avec les spectaculaires meetings en plein air qui ont réuni 120.000 personnes à Paris, autant à Marseille, 50.000 à Toulouse, etc. A Lille, le stade de 15.000 places n’a pas suffit et 8.000 personnes assistaient encore au meeting à l’extérieur grâce à un écran géant. Cette mobilisation est sans précédent en période électorale. Le succès fut tel que Sarkozy et Hollande ont tenté de relever le défi, en vain, malgré les moyens financiers extraordinaires à leur disposition. Durant ces meeting massifs, des militants parcouraient inlassablement la foule avec des ‘‘kits militants’’, des fardes comprenant quelques tracts du FdG, une liste de soutien à renvoyer une fois remplie au bureau national de campagne, quelques autocollants du candidat,… Au dos de la farde, on pouvait lire : ‘‘En un mot se résume tout un Etat d’esprit, un engagement, une façon de vivre : militer. Que ce mot nous parle à tous.’’

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    Comment parvenir à un vrai changement ?

    Le vrai ‘‘changement’’ ne viendra pas d’une victoire du PS au 2ème tour de la présidentielle, même si beaucoup souhaitent voir Sarkozy perdre. Tant que les multinationales, les banques etc. seront aux mains des grands capitalistes, l’économie continuera d’aller de crise en crise et les travailleurs resteront exploités pour le seul profit des grands patrons et grands actionnaires. Il nous faut bien plus que cette ‘’VIe république’’ à laquelle appelle Mélenchon, il faut totalement renverser le capitalisme.

    Mais en parlant du socialisme, Mélenchon permet d’ouvrir ce débat, en France comme chez nous. Le FdG revendique la nationalisation des grands groupes de l’énergie (Total, Areva, EDF, GDF etc.), refuse les licenciements ‘’boursiers’’, défend la nécessité d’un ‘’secteur public bancaire’’, revendique la hausse du salaire minimum, le remboursement à 100% des dépenses de santé, la ‘’planification écologique’’ de l’économie, etc.

    Prendre le pouvoir signifie d’en finir avec le capitalisme. Il faut s’en prendre aux fondements de cette société : une économie et des moyens de production confisqués, aux mains d’une poignée de riches et de grands actionnaires. Il faut les exproprier tous et planifier la production sous la gestion et le contrôle des travailleurs et de la population. Il faut se battre pour une vraie nouvelle société, basée sur les besoins de tous, une société socialiste.

    Ceux qui produisent doivent décider. Par nos luttes, dans les entreprises, les lieux d’études, les quartiers, des comités de lutte doivent se créer et décider. A partir de ceux-ci, un vrai gouvernement des travailleurs pourra émerger, pour organiser l’économie et la société de manière planifiée et démocratique.
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    Cette tentative de transformer un soutien passif en un soutien actif, de pousser le soutien électoral à devenir un soutien militant, est incontestablement l’une des réussites de cette campagne. Cette approche a été également illustrée par le slogan de la campagne : ‘‘Prenez le pouvoir !’’ ou encore par les ‘‘résistance ! résistance !’’ massivement scandés durant les meetings.

    La campagne du FdG et ses slogans, notamment ‘’prenez le pouvoir’’, appellent au renversement du pouvoir des capitalistes, des banquiers, et des politiciens à leur service. Au delà de l’élection, quel que soit le vote (pour le Nouveau Parti Anticapitaliste ou le FdG), il sera nécessaire de lutter ensemble. En France, comme en Belgique, il manque une véritable stratégie collective pour les diverses résistances, de même qu’un outil politique de masse. Après le premier tour des élections, le 1er mai est déjà une première occasion de descendre massivement en rue tous ensemble. Le mouvement qui s’enclenche autour de la campagne peut se construire et s’élargir dans toute la population avec l’objectif de préparer les luttes à venir contre l’austérité autour d’un programme de luttes et d’actions.

    Et en Belgique ?

    Des centaines de militants de la FGTB, et d’autres, se sont rendus aux meetings de Paris et de Lille. Fin mars, le président de la Centrale Générale de la FGTB et son secrétaire général ont publié un communiqué intitulé ‘‘Mélenchon, viens vite en Belgique!’’ Dans ce texte, on trouve entre autres la phrase suivante : ‘’Ici aussi, il y a de la place pour une gauche plurielle, syndicale et associative.’’ C’est tout à fait vrai. La colère gronde de plus en plus ouvertement contre le PS, à la tête de ce gouvernement d’austérité. ‘’Le PS nous a trahis, humiliés et abandonnés’’ déclaraient ainsi des militants de la CGSP dans un tract. Plusieurs délégations syndicales flamandes ont aussi écrit une lettre ouverte au président de la FGTB Rudy De Leeuw (voir notre édition précédente) afin d’exiger que les liens entre le syndicat et la social-démocratie soient brisés. Lors de la grève générale des services publics du 22 décembre, des militants de la centrale des employés de la CSC s’étaient aussi rendus devant le siège du PS pour y dénoncer la politique de droite du parti de Di Rupo.

    Le débat concernant un éventuel Front de Gauche belge a aussi été stimulé par les annonces de Bernard Westphael, qui a quitté ECOLO et ouvertement déclaré qu’il veut construire un nouveau parti, proche du FdG français. Le 18 avril dernier, un de ses proches a déclaré que “plusieurs personnalités issues du monde syndical, associatif et même entreprenarial ont signé son manifeste et pourraient rapidement le rejoindre“. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? L’initiative politique que l’ancien fondateur d’ECOLO envisage correspond-t-elle vraiment à celle de Mélenchon, qui essaye de donner une expression électorale aux mobilisations sociales qui se sont produites avant la campagne électorale et qui se produiront encore à n’en pas douter ? Considère-t-il le même type de programme que celui de Mélenchon? Et qu’est-ce que ‘‘l’entreprenariat’’ en pensera ? Où alors essaye-t-il juste de surfer sur la vague qu’a provoqué la campagne de Mélenchon ? Mieux vaudrait alors l’annoncer de suite.

    Nous avons besoin d’un relai politique démocratique, ouvert et capable de fédérer respectueusement les différents courants de la gauche. Le Front de Gauche français affiche ainsi systématiquement les sigles des différents courants qui le composent sans que cela ne soit vu comme un problème. Pour nous, les syndicats ont un rôle primordial à jouer dans ce processus. Ils peuvent mieux que personne rassembler tous les opposants à l’austérité, les organisations de la gauche dite radicale mais aussi de très nombreuses personnes qui ne sont pas encore politiquement engagées. Ils peuvent aussi assurer une orientation basée avant tout sur les luttes plutôt que vers les élections.

    Imaginons un instant ce que donnerait une campagne de meetings organisés par les diverses centrales et délégations syndicales, avec une invitation à Mélenchon, et culminant pourquoi pas avec un meeting monstre place Schuman à Bruxelles, face aux bâtiments de la Commission Européenne, un peu à la manière du meeting de la Bastille. Ce serait une très bonne impulsion pour une campagne visant à construire un Front de Gauche en Belgique. Les élections communales peuvent être l’occasion de stimuler le débat, mais le véritable objectif devrait être 2014, ce qui laisse le temps de construire patiemment une initiative politique large de façon démocratique, avec l’implication active de centaines puis de milliers de personnes à travers tout le pays.

  • Pas de blabla, mais un syndicat de combat !

    Nous avons déjà souligné à de nombreuses reprises la nécessité de revenir à un syndicalisme de combat et démocratique contre le syndicalisme de concertation et de négociation qui a prévalu ces dernières années. Les réactions syndicales face au conclave budgétaire de mars ont encore souligné ce besoin crucial.

    Ainsi, la secrétaire générale de la FGTB, Anne Demelenne, s’est déclarée ‘‘momentanément soulagée’’ concernant le saut d’index (combien de fois encore devrons-nous accepter des reculs sous prétexte d’avoir sauvé l’index ?). Dans l’émission de la RTBF “Mise au point”, elle précise que l’on était toujours sous le coup des mesures budgétaires prises aux premiers jours du gouvernement et “Il est clair que s’il y avait eu une deuxième couche, c’eut été dramatique”. Elle a toutefois bien admis que les mesures fiscales auraient dû aller plus loin : “Plus une entreprise est petite, plus elle paie d’impôt, et cela ne va pas beaucoup changer”. Rudy De Leeuw, le président de la FGTB, a déclaré de son côté que l’accord épargne le pouvoir d’achat de la population mais que “le gouvernement a quand même raté l’occasion de rendre le budget plus équitable”. Du côté de la CSC, les déclarations des dirigeants allaient dans le même sens.

    Ainsi donc, tout le monde est content d’avoir évité le pire, même s’il aurait fallu s’en prendre quand même un peu aux spéculateurs et aux plus riches. Pour nous, cette attitude est largement insuffisante. La situation actuelle est déjà bien assez dramatique, elle justifie à elle seule l’organisation d’une résistance et d’une riposte féroces.

    Lors de la manifestation nationale du 2 décembre, le front commun syndical avait présenté un programme anticrise contre la politique d’austérité. A l’époque déjà, tout en émettant quelques réserves sur l’un ou l’autre point, nous avions surtout accentué le fait que concrétiser ce programme syndical signifiait construire un rapport de forces favorable à la classe des travailleurs. Qu’a-t-on fait depuis lors ?

    L’austérité appelle l’austérité

    Nos dirigeants syndicaux ont véritablement fait atterrir le mouvement contre la réforme des pensions. La grève générale du 30 janvier est restée sans suite, et certainement pas parce que le mot d’ordre de grève n’avait pas été suivi. Au contraire, la participation nombreuse aux piquets de grève et barrages routiers était une claire expression de la volonté de la base d’aller plus loin. La date de mobilisation suivante fut celle du 29 février, dans le cadre d’un appel de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) contre le nouveau traité de discipline budgétaire. De petites actions symboliques ont alors été organisées devant divers locaux de la Banque Nationale ou de la Banque Européenne d’Investissement. A cette occasion, Claude Rolin, de la CSC, avait déclaré que ‘‘Nous ne voulons plus de cette austérité qu’on nous impose, car elle est économiquement absurde : en Grèce, plans d’austérité après plans d’austérité, ça va de plus en plus mal.’’ C’est tout à fait correct, mais nous avons besoin d’actes à la hauteur des paroles.

    Nous ne devons pas être rassurés par le conclave budgétaire de mars, d’autres mesures arriveront. Il faut préparer la résistance dès maintenant, avec une large campagne d’information et de sensibilisation destinée à contrer la propagande patronale et gouvernementale qui se déversent dans les médias traditionnels. Mais nous avons aussi besoin d’un relais politique qui nous soit propre. Tant que les directions syndicales continueront à considérer un parti comme le PS comme un partenaire privilégié, nos luttes seront constamment freinées.

  • Appel pour construire un Front de Gauche à Charleroi

    On vous donne rendez-vous LE SAMEDI 21 AVRIL À 16H à la salle de la Terrasse (sur la place du palais des Beaux-Arts à Charleroi)

    Camarades,

    Alors qu’il est clair que nous, les travailleurs, ne sommes aucunement responsables de la crise, le gouvernement néolibéral de Di Rupo est bien décidé à nous la faire payer. L’austérité est le modèle de l’ensemble de la classe politique et c’est le PS qui dirige. Comme l’ont dit des camarades de la CGSP début janvier, « le PS nous a trahis, humiliés et abandonnés ». Lorsque des camarades sont allés trouver Di Rupo quelques jours plus tard, il leur a répondu que les syndicats conduisent « les citoyens vers l’abîme ». Il est devenu évident que le PS ne représente plus les travailleurs. Les militants de la CSC l’ont également compris et avaient d’ailleurs coloré la façade du siège du PS d’un bleu symbolisant sa politique libérale.

    Alors qu’il y a peu, certains s’aventuraient encore à dire que le PS était un moindre mal, on peut dire aujourd’hui qu’il devient le le cheval de Troie du néolibéralisme. Lors des assemblées interprofessionnelles on a entendu dans de nombreux endroits des délégués appeler à « casser les liens avec le PS ». A Charleroi, un délégué a même qualifié le PS « d’ennemi de la FGTB ». En Flandre, des délégations syndicales de la FGTB ont lancé un appel afin que la FGTB coupe ses liens avec le SPa et tende la main aux différents groupes véritablement de gauche pour qu’un programme réellement en faveur des travailleurs soit défendu politiquement.

    Ce n’est pas par ECOLO qu’un tel programme sera défendu. Ils sont loin d’être une alternative, ils ont beau se faire passer pour l’opposition au niveau fédéral, ils n’ont pourtant pas voté contre les mesures d’austérité. Et à la région, ils participent directement à la mise en place de l’austérité. Enfin, ne parlons même pas des autres partis qui sont de manière évidente les ennemis politiques des travailleurs.

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    Des délégations syndicales combatives réclament un prolongement politique

    Des délégations syndicales néerlandophones ont écrit une lettre ouverte au président de la FGTB Rudy De Leeuw. Ce récent appel, publié dans le lien ci-dessous, exprime une opinion partagée par de nombreux délégués et militants.

    • En savoir plus

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    Il est clair que les syndicats ne peuvent plus compter sur les partis traditionnels pour être leur relais politique. Les travailleurs ne peuvent compter que sur leur propre force, nous avons besoin d’une nouvelle formation qui se ferait le porte parole des luttes concrètes des travailleurs tout en portant un projet de société ou les 99% auraient véritablement leur mot à dire.

    Il existe un espace pour de nouvelles formations véritablement de gauche, comme le montre la fulgurante ascension du Front de Gauche de Mélenchon en France, ou encore en Grèce, ou les partis de gauche atteignent ensemble 40% dans les sondages alors qu’ils étaient presque insignifiants il n’y a encore pas si longtemps. Un tel espace existe aussi en Belgique, mais il ne se comblera pas tout seul, les nouvelles formations politiques ne tombent pas du ciel.

    Des organisations militent depuis longtemps afin de stimuler la création d’une telle formation politique. Une formation qui aurait l’ambition de rassembler l’ensemble de ce qui existe à la gauche du PS et d’ECOLO et qui pour cela sera donc ouvert à l’existence en son sein de toutes sortes d’idées et de courants différents.

    Afin de transformer les paroles en actes, un certains nombre de militants politiques, syndicaux et associatifs se sont rencontrés et sont parvenues à présenter une liste Front des gauches lors des dernières élections. Aujourd’hui, des listes de rassemblement à la gauche du PS et d’ECOLO se préparent dans diverses Communes. Dans notre région de Charleroi, un groupe Front des Gauches existe déjà à Courcelles avec un élu communal.

    C’est dans ce contexte que des militants Carolo lancent cet appel à construire une liste large « Front de Gauche » pour les prochaines élections communales sur Charleroi. Nous invitons chaque syndicaliste, chaque travailleur, chaque jeune, chaque citoyen combatif, mais aussi toutes les organisations syndicales politiques ou associatives qui ne se retrouve plus représentée ni par le PS ni par ECOLO et qui pensent comme nous que les politiques néolibérales doivent être combattues à tous les niveaux, à venir discuter avec nous de la construction de ce Front de Gauche Carolo.

    Pour un Front de Gauche Carolo.

    Contactez-nous :

    • Benjamin Dusaussois (PSL) 0477 75 21 49 benjamin.dusaussois@gmail.com
    • Jean-François Gonzette (PC) 0471 99 57 72 jeanfrancoisgonsette@gmail.com
  • La réforme des retraites illustre le choix à faire : Un syndicalisme de concertation et de service ou un syndicalisme de combat et démocratique ?

    En dépit de la promesse de ne pas se contenter de points et de virgules, les dirigeants syndicaux ont organisé l’atterrissage du mouvement contre la réforme des retraites avec le gouvernement et les patrons. Pour les dirigeants du front commun syndical, la page est tournée. Désormais, nous travaillerons plus longtemps pour accéder à la retraite. Si nous ne voulons pas être totalement plumés lors des prochaines vagues d’austérité, il faudra que les trois millions de syndicalistes mettent un peu d’ordre en interne. Devons-nous nous satisfaire de soins palliatifs, d’un syndicalisme de concertation et de services, ou allons-nous nous battre pour disposer de syndicats combatifs et démocratiques ?

    Par Eric Byl

    Pour les travailleurs des professions lourdes, les invalides, ceux que le travail de nuit concerne, et les personnes âgées entre 57 et 61 ans, les concessions arrachées au gouvernement par la grève du 30 janvier répondent à des préoccupations réelles. Cela démontre que la lutte paie. Nous sommes surpris que le gouvernement soit aussi rapidement revenu sur ces mesures. C’était probablement déjà calculé à l’avance. Mais ce qui nous surprend et nous consterne encore plus, c’est que le front commun syndical s’en est satisfait et a clôturé le dossier. Qu’en est-il des pilotes de navires, des gardiens de prison et des pompiers ? Doivent-ils se démerder seuls ? Pour tous ceux qui ne font pas partie des exceptions citées ci-dessus, l’issue de la concertation laisse un goût amer.

    N’était-ce pas l’objectif d’empêcher que les travailleurs paient encore la crise bancaire ? Nous proposions une alternative : 10 à 20 milliards d’euros par une lutte réelle contre la fraude fiscale, 5,4 milliards par l’abolition des intérêts notionnels, 9 milliards en mettant fin aux cadeaux fiscaux aux entreprises, et puis des taxes supplémentaires sur les profits d’Electrabel et sur les transactions boursières. Cela rapporterait beaucoup plus que les 11,3 milliards que Di Rupo Ier collecte chez les retraités, les malades et les chômeurs. La révision budgétaire de mars aurait été superflue, tout comme les spéculations sur l’index, sur la TVA, sur une cotisation sociale généralisée ou sur une déclaration libératoire ‘‘unique’’ destinée à rapatrier de l’argent noir.

    Une manifestation de masse combative le 29 février dernier (journée d’action de la Confédération Européenne des Syndicats) aurait pu montrer à toute l’Europe que nous étions sérieux en parlant d’alternative. Nous aurions pu répondre aux menaces de licenciements, de fermetures ou de délocalisations par un appel à la nationalisation de ces entreprises, tout comme à ArcelorMittal. Si tout le mouvement syndical avait été ainsi mobilisé, cela aurait en outre inspiré les travailleurs à travers l’Europe et poussé les dirigeants européens à revoir leur politique de casse sociale. Les actions symboliques devant les bureaux de la Banque Nationale et la présentation solennelle du cahier de revendications de la CES aux dirigeants européens est aussi inutile que ne l’a été cette action pour des euro-obligations sur la place Schuman, le jour de la grève générale du 30 janvier.

    L’attitude des dirigeants syndicaux n’est pas proportionnelle à la guerre de classe que livrent le gouvernement et le patronat, qui ne souhaitent pas de compromis honorable. Trop longtemps, les dirigeants syndicaux ont étés entraînés dans la logique néolibérale par les politiciens sociaux et chrétiens – démocrates. Cela explique notamment la politique spéculative d’Arco, la coopérative du mouvement ouvrier chrétien.

    Sur 17,3 milliards d’euros de déduction des intérêts notionnels accordés en 2009, seulement 5% l’étaient pour les PME. Cela nuance l’utilisation qui en a été fait par la société de la famille de Rudy De Leeuw, le président de la FGTB. Bien sûr, il s’agissait d’une attaque orchestrée, mais n’aurions nous pas pu être en droit d’attendre un peu plus de fermeté sur les principes de la part d’un dirigeant syndical ?

    Les dizaines de milliers de syndicalistes méritent une direction à leur image, une direction démocratiquement élue qui s’engage quotidiennement pour ses membres sans gain personnel, qui est droite dans ses bottes, qui négocie sur base de la construction d’un rapport de force, au lieu de parlementer et de soumettre les résultats à la base.

  • Débat : “Karl Marx est dans l’auditoire”

    Mettez face à face dans la même salle un délégué syndical de la FGTB et un représentant de l’organisation patronale flamande Voka, et vous aurez des étincelles. Ce 23 février, les Etudiants de Gauche Actifs avaient organisé un débat entre partisans et adversaires de la grève générale du 30 janvier dernier. Face à une audience d’environ 150 personnes, le débat fut agité.

    Rapport par Thomas K, photos par Max G

    A la tribune, la gauche était représentée par Bart Vandersteene (du PSL), Thomas Decreus (un philosophe politique de l’Université de Louvain) et Sven Naessens (délégué FGTB à Total). Leurs adversaires de droite étaient Nick Roskams (de Students for Liberty, auteur d’une ‘‘lettre ouverte’’ au président de la FGTB Rudy De Leeuw très critique et largement relayée dans la presse flamande), Geert Moerman (directeur général de l’organisation patronale flamande Voka) et enfin Marc De Vos, de l’institut libéral Itinera.

    Geert Moerman et Sven Naessens se sont particulièrement affrontés. La discussion était déjà animée concernant la grève pour franchir un nouveau cran au sujet des mesures anti-crise, surtout vis-à-vis de la sécurité sociale. Ce qui pour Geert Moerman n’est qu’un hamac pour paresseux est pour Sven Naessens le dernier filet auquel peuvent s’agripper des milliers de personnes en difficultés.

    Il y a aussi eu des moments très drôles, comme lorsque Nick Roskams a voulu illustrer que ce sont ‘‘les entrepreneurs qui créent les richesses’’. Il a posé une question rhétorique, ‘‘Qui construit les entreprises?’’, sans véritablement attendre de réponse. Il était clair de son intervention qu’il pensait aux ‘‘entrepreneurs’’ utilisant leur capital pour lancer une société. Mais quelqu’un l’a devancé depuis la salle et dit d’une voix claire : "ce sont les travailleurs".

    Bart Vandersteene a poursuivi dans cette ligne en suggérant d’adopter une approche marxiste, et de partir du fait que ce sont bien les travailleurs, la force de travail, qui créent de la valeur. Mais le débat a véritablement éclaté autour des causes de la crise économique actuelle. L’exemple de la Grèce illustre très clairement que la politique néolibérale conduit à un appauvrissement collectif massif.

    Pour Nick Roskams et Geert Moerman, cette vision des choses est totalement dépassée, le mot ‘‘capitaliste’’ voulant d’ailleurs signifier aussi peu que cette idée des 1% contre les 99%, telle que mise en avant par le mouvement Occupy Wall Street. Mais le marxisme n’était pas le terrain sur lequel ils se sentaient le plus à l’aise, et ils se sont tournés vers les syndicats. Selon eux, les syndicats ne représentent même pas 10% des travailleurs. Mais lorsqu’on leur a demandé s’ils savaient comment les décisions étaient prises au sein de la FGTB, ils n’ont pas pu répondre. Marc De Vos a décrit la crise à l’œuvre en Grèce comme la conséquence de leur culture ‘‘malade’’, où règnent la corruption et le clientélisme. Le fait que les économies budgétaires étranglent littéralement les Grecs n’a pas été pris en considération.

    Marc De Vos s’est par la suite fendu d’un tweet magistral : ‘‘Karl Marx est vivant, il se trouve dans l’auditoire D. La nuance est morte.’’ Oui, Marx avait tendance à être gênant, et ses idées le sont toujours. Pour beaucoup de patrons et pour tous les défenseurs du système, il reste le trouble fête par excellence. Pour ceux-là, toute voix dissonante dans le flot de la pensée unique néolibérale manque de ‘‘nuance’’. Leur système s’enfonce sans cesse plus profondément dans la crise, et la recherche de solutions anticapitalistes est devenue un phénomène plus répandu parmi la jeunesse. Marx est vivant, et il n’a pas fini de les déranger.

  • L’attaque orchestrée contre Rudy De Leeuw confirme la nécessité d’avoir des dirigeants syndicaux de principe

    Ces derniers jours, il a beaucoup été question du président de la FGTB, Rudy De Leeuw, à cause de la société créée par lui-même et sa famille afin de rénover un bâtiment délabré. Cette société a recouru au mécanisme de la déduction des intérêts notionnels. Cette campagne médiatique contre le président de la FGTB est à considérer dans le cadre de l’offensive lancée depuis un bon moment contre toute forme d’opposition à la politique d’austérité. Mais toute l’agitation entourant cet incident illustre l’absolue nécessité de disposer de dirigeants syndicaux de principe.

    Ci-contre: Rudy De Leeuw et Bruno Tobback, président du SP.a

    Dans l’offensive contre la résistance anti-austérité, ces dernières semaines, tous les arguments possibles ont été utilisés. Chaque période d’hésitation et chaque faiblesse des directions syndicales a immanquablement été instrumentalisée à grande échelle. Concernant la grève générale du 30 janvier, le fait qu’aucune décision claire n’ait été prise pendant des semaines a offert autant d’espace à la campagne antigrève pour qu’elle se déchaîne alors que les militants attendaient le feu vert pour l’action. Ensuite, encore une fois, c’est l’hésitation qui règne quant à la prochaine étape. Ici et là, on parle de la journée européenne d’action du 29 février, soit dans deux semaines à peine, mais nous ne savons toujours pas ce que cette journée d’action impliquera concrètement. Tout cela donne autant d’armes à nos adversaires, qui peuvent ainsi exploiter au maximum leur monopole médiatique.

    D’autres faiblesses sont encore utilisées, notamment le fait que les syndicats ont pris peu d’initiatives pour impliquer les jeunes ces dernières années, ce qui permet de renforcer les tentatives visant à présenter l’opposition actuelle à la politique d’austérité comme un ‘‘conflit des générations’’ entre des anciens accrochés à leurs privilèges et des jeunes en quête d’avenir. Les liens entretenus entre la direction de la FGTB et les partis sociaux-démocrates au gouvernement, le PS et le SP.a, ont aussi été évoqués afin de lancer la rumeur selon laquelle le syndicat socialiste avait lui aussi tenu la plume dans l’écriture de l’accord gouvernemental. Maintenant, le président de la FGTB est dans la tourmente, sur base d’un évènement qui ressortira systématiquement à l’occasion de toute campagne contre la déduction des intérêts notionnels.

    Clarifions immédiatement les choses : si les petites entreprises et les indépendants sont également accusés d’utiliser la déduction des intérêts notionnels, cela n’a rien à voir avec les grandes entreprises, qui abusent véritablement à tort et à travers de ce système. Les entreprises ont globalement utilisé le système des intérêts notionnels à hauteur de 17,3 milliards d’euros dans leurs déclarations d’impôts pour 2009 (pour les revenus de 2008), pour un coût pour les caisses de l’Etat de 5,7 milliards d’euros. Seuls 925 millions d’euros concernent les PME, soit 5% des 17,3 milliards. Voilà le contexte réel dans lequel il faut placer l’utilisation de la déduction des intérêts notionnels par la société de la famille de Rudy De Leeuw. Mais le fait demeure bel et bien : cela mine l’argumentaire syndical. De Leeuw n’est pas le seul à être ainsi visé, presque tous les délégués et militants FGTB ont dû subir des commentaires à ce sujet ces derniers jours. Alors que les militants doivent lutter contre leur propre patron tout en ayant à contrer l’offensive médiatique contre leurs actions, leur combat est sapé par le manque de fermeté sur les principes des dirigeants syndicaux. Il y a peu, la débâcle d’ARCO, le holding coopératif du Mouvement Ouvrier Chrétien, avait illustré que c’est d’ailleurs tout autant le cas à la CSC.

    Rudy De Leeuw a déclaré qu’il ne pouvait pas demander à sa famille de payer plus d’impôts parce qu’il est président de la FGTB. Il a également expliqué qu’il avait démissionné du conseil d’administration de la société concernée en juillet dernier, ce qui n’avait pas encore été officiellement publié. La communication maladroite de De Leeuw n’arrange rien du tout. Le fait est toujours là : un président de la FGTB a tiré avantage de la déduction des intérêts notionnels. Et ce cas n’a pas dérogé à la règle : le mécanisme de la déduction des intérêts notionnels n’a pas créé le moindre emploi, si ce n’est celui de l’expert-comptable bien créatif de la société, dont le travail a assuré qu’un impôt de 5% seulement ait été payé sur un bénéfice de 13,665 euros.

    Un grand nombre de faiblesses sont systématiquement utilisées par les médias de droite (c’est-à-dire toute la presse traditionnelle), comme le fait que l’aile des partis sociaux-démocrates dans la direction de la FGTB est sous la pression de la base pour lutter contre la politique d’austérité soutenue par ces mêmes partis, mais qu’elle reste finalement pieds et poings liés à ces mêmes partis. Rudy De Leeuw en est un excellent exemple : il est non seulement présent au bureau de parti du SP.a mais aussi président de la section du SP.a à Denderleeuw, une commune où son parti est en coalition avec la N-VA notamment. Inutile d’expliquer aux très nombreux militants de la FGTB que ce dernier élément constitue une faiblesse qui, sans le moindre doute possible, décrédibilise la FGTB. Il est grand temps que les liens entretenus avec les partis ‘‘sociaux-démocrates’’ soient brisés, et peut-être Rudy De Leeuw devrait-il commencer en démissionnant du bureau du parti du SP.a et de la présidence de la section de Denderleeuw.

    Le comité fédéral de la FGTB a décidé de confirmer sa confiance en Rudy De Leeuw. Sa démission n’était pas à l’ordre du jour. De toute façon, si c’était pour être remplacé par un nouveau Mia De Vits (ancienne députée du SP.a au Parlement européen et actuelle députée au Parlement flamand, elle fut présidente de la FGTB entre 2002 et 2004), il peut tout aussi bien rester à son poste. Il est nécessaire de poser les questions suivantes : comment la direction syndicale est-elle élue et dans quelle mesure est-elle responsable devant sa base ? Au lieu de nommer des partisans du PS et du SP.a, il serait mieux d’élire démocratiquement et de façon transparente des dirigeants issus de la base. En outre, ces représentants syndicaux ne devraient pas gagner plus que le revenu moyen des membres qu’ils représentent et à qui ils doivent rendre des comptes.

    Les attaques contre De Leeuw visent à affaiblir la base et à saper la force du syndicat. Le caractère aigu de ces attaques démontre que le gouvernement et le patronat optent de plus en plus pour un modèle de confrontation. Face à cela, en tant que syndicalistes, nous devons corriger toutes les faiblesses dans nos propres rangs.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (4)

    Un plan d’austérité tel que nous n’en avons jamais connu

    93. L’un dans l’autre, l’économie belge se porte plutôt bien. Selon le Financial Times, c’est parce que le gouvernement en affaires courantes ne pouvait pas appliquer d’assainissements drastiques. Déjà auparavant, la Belgique avait déjà mieux digéré la grande récession que les autres pays, surtout grâce à ce que l’on appelle les “stabilisateurs économiques” (c’est-à-dire la sécurité sociale et l’indexation des salaires). La croissance des plus importants partenaires commerciaux de la Belgique, particulièrement l’Allemagne, joue évidemment aussi un rôle important. Combiné à l’effet ahurissant de l’impasse communautaire et de la crise politique, tout ceci explique pourquoi la conscience en Belgique n’a pas connu les mêmes changements qu’on l’a vu par exemple en Angleterre, mais cela peut changer très rapidement.

    94. L’Institut des comptes nationaux a averti du fait qu’« Il existe de grands risques négatifs. Premièrement, la politique restrictive dans plusieurs pays de la zone euro peut peser fortement sur la croissance économique. Deuxièmement, les familles et les entrepreneurs peuvent devenir encore plus réticents [à dépenser de l’argent] si l’inquiétude autour de la crise des dettes européennes continue encore longtemps ou s’élargit ». Le fait que tout cela est à prendre bien au sérieux est illustré par le fait que Leterme a, depuis décembre dernier, établi un scénario d’urgence, composé d’un “plan catastrophe” financier et d’un “discours d’urgence”, juste au cas où une panique se développerait sur les marchés. Dans une situation aussi explosive, la moindre occasion peut provoquer un revirement drastique.

    95. Le plan catastrophe est composé de recettes classiques : augmenter le taux d’emploi, réformer les pensions et accélérer le paiement de la dette de l’État. Il y est très précisément calculé comment la dette de l’État pourrait être financée “en interne”, avec l’argent de l’épargne des Belges. Une telle catastrophe n’est pas une éventualité, mais plutôt une probabilité. Dans ce cas, la note Di Rupo est insuffisante. Mais même sans catastrophe, le pays se trouve de toute façon devant le plan d’austérité le plus dur de son histoire. Pour avoir à nouveau un budget équilibré en 2015, il faut, selon le comité de monitoring (un groupe de hauts fonctionnaires qui surveille l’évolution du budget), assainir 23 milliards d’euros, dont au moins 10,2 milliards dans le courant de l’année 2012. L’État est à l’avance sur les objectifs qu’il s’est lui-même fixé pour le budget : en 2010, le déficit budgétaire était de 4,6% du PIB au lieu de 4,8% selon les objectifs, et en 2011, on prévoit 3,3 à 3,5%, selon les sources, ce qui est de toute façon beaucoup mieux que l’objectif initial de 4,1%. Cependant, à situation inchangée, avec le ralentissement de la croissance en 2012, on arriverait à un déficit de 5,5%, alors que le gouvernement tablait sur un déficit réduit à 2,8%. Les mesures de la note de Di Rupo se basent sur ce dernier chiffre.

    96. De cette note, on disait qu’elle était un “travail de formateur, et non celui d’un président du PS”. Di Rupo avait “jeté de côté presque tous les ‘tabous’ de sa base socialiste”. La droite a rapidement compris que c’était là un gage de faiblesse et qu’il y avait peut-être moyen d’obtenir plus. La faiblesse appelle l’agression. On peut d’ailleurs légitimement se poser la question de savoir si le rapport du comité de monitoring n’a pas uniquement pour but de pousser à l’adoption de mesures encore plus dures. Selon Vanhengel, le ministre VLD du budget, notre pays doit prendre à coeur les recommandations de la Commission européenne. Coïncidence – celles-ci sont identiques à celles du comité de monitoring : réforme de l’indexation des salaires, augmentation de l’âge effectif de départ en pension. Cela aurait pu venir de la bouche du gouvernement sortant, qui le leur a d’ailleurs certainement soufflé à l’oreille. Pourquoi, sinon, la Commission européenne aurait-elle pensé revendiquer une “réforme” de l’indexation des salaires, et pas tout bonnement l’abolition pure et simple de ce système ? Pourquoi la Commission parlerait-elle alors de l’augmentation de l’âge de la pension “effective”, alors que partout ailleurs en Europe, elle parle de l’augmentation de l’âge de départ en pension légal ?

    97. Les patrons disent toujours que les couts élevés des salaires sapent la position concurrentielle de la Belgique. De là la norme salariale et le plaidoyer en faveur d’une diminution de l’indexation automatique des salaires. Cet été, ce mythe a été détruit par rien de moins que Fons Verplaetse, gouverneur honoraire de la Banque nationale. Sur base d’une étude comparative, il concluait que : « Les chiffres montrent clairement qu’il n’y a certainement pas de lien positif entre les couts salariaux et la perte de parts de marché ». La perte de parts de marché est selon lui due à un ensemble complexe d’éléments incluant entre autres la stratégie de prix de vente et des éléments plus structurels tels que la recherche, le développement, l’innovation et l’entreprenariat. Des salaires plus bas mènent à la diminution du marché intérieur. Au vu du fait que l’exportation est plus facile vers les pays d’où on importe, cela mine aussi sa propre position d’exportation. De même, pour les patrons, l’indexation automatique des salaires enclenche une spirale salaires-prix, ce qu’on appelle aussi un “effet de second tour”. Les augmentations de prix seraient dès lors de notre propre faute. Dans un dossier précédent sur les causes de l’inflation en Belgique (qui est plus élevée que la moyenne européenne), nous avons déjà démontré que l’indexation des salaires n’a rien à voir avec la hausse de l’inflation. Il n’y a rien qui empêche les patrons de baisser leurs prix et de se satisfaire d’un peu moins de profits. Mais jamais la peur de l’inflation n’a empêché le moindre capitaliste de chercher à maximiser ses profits. (http://www.socialisme.be/psl/archives/2011/04/20 /dossier.html)

    98. Toujours selon le patronat, nous devons travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps. Ils se taisent systématiquement sur le fait que nous produisons plus pendant le temps durant lequel nous travaillons. Entre 1964 et 2002, notre productivité a augmenté de 215%. La pression au travail et le stress ont fortement augmenté, ce qui fait que pour beaucoup de gens, ce n’est plus possible de travailler après 60 ou 65 ans. En plus, le montant que l’on perçoit pour la pension par rapport aux salaires a systématiquement baissé. Une pension moyenne n’est plus équivalente qu’à 60% du dernier salaire. La carrière nécessaire pour une pension complète se rallonge de plus en plus. Le nombre de périodes assimilées est démantelé. De cette façon, on oblige les travailleurs à contribuer de façon supplémentaire à leur pension avec les deuxième et troisième piliers pour pouvoir tout de même bénéficier d’une pension convenable. Ceux qui veulent travailler plus longtemps peuvent recevoir un bonus mais, pour beaucoup, cela ne sera pas un choix librement consenti. Un quart des pensionnés vivent sous le seuil de pauvreté. La baisse de la pension légale et la hausse de la productivité assurent que le budget total pour les pensions, comparé au PIB, ne va pas augmenter au cours des années à venir. Le patronat réclame l’augmentation de l’âge de départ en retraite, mais il est vite là aussi quand il s’agit de faire appliquer les prépensions lors des restructurations. Ce n’est pas que l’âge de la pension qui intéresse les employeurs, mais le démantèlement de la pension légale et de la sécurité sociale.

    99. Depuis des années, la bourgeoisie a pu appliquer sa politique en allant de deal en deal avec les dirigeants syndicaux. Les couts de ces deals étaient généralement transférés vers l’État et la sécurité sociale. Ainsi, on a créé entre 1998 et 2009 au moins 93.000 emplois avec des titres-services fortement subventionnés. Dans la même période, dans le non-marchand, 154.000 emplois ont été créés, et 102.000 dans les divers secteurs du public. Il y a maintenant 828.000 fonctionnaires, dont 20% de fédéraux (mais là, l’emploi a diminué de 10.000 unités depuis juin 2008). Dans les régions, les provinces et les communes, le nombre de fonctionnaires continue d’augmenter. En Flandre, on met l’accent sur le fait que 36% des travailleurs wallons sont fonctionnaires, contre 30% pour la Flandre et presque 32% pour Bruxelles. L’hebdomadaire flamand Knack a publié une autre approche des choses en avril, où l’on ne regardait pas le nombre de fonctionnaires par rapport au nombre total de travailleurs, mais bien par rapport à la population totale. Et là, il apparaissait que pour chaque tranche de 100 habitants, il y a 10,02 fonctionnaires en Flandre, 9,72 en Wallonie et seulement 6,5 à Bruxelles. On ne peut évidement pas ôter à l’État tous ses revenus et demander en même temps que cet État prenne sur lui tous les couts.

    100. Pour le patronat et les politiciens, il faut dès lors diminuer le nombre de fonctionnaires, par exemple en ne remplaçant pas ceux qui partent à la retraite. Au gouvernement fédéral, plus de la moitié du personnel a plus de 50 ans. Ne pas les remplacer, ce serait déjà un sérieux assainissement. Les problèmes qui découlent de cela concernant la prestation du service à la population, le patronat s’en moque. Ces fonctionnaires n’ont cependant pas été engagés pour rien : par exemple, l’Agence fédérale pour la sécurité alimentaire n’existait pas dans le temps ; la problématique de l’asile était moins aigüe il y a quelques années, et là aussi il faut plus de fonctionnaires ; il n’existait pas non plus de fonctionnaires pour l’environnement. Les entreprises ont besoin de plus en plus de personnel qualifié : elles seraient bien étonnées si on leur donnait ce qui est sorti de l’enseignement des années ’70. Pour plus de qualifications, il faut plus de profs, et si tout le monde va plus longtemps à l’école, il faut plus d’infrastructures. La population devient plus vieille et, heureusement, notre connaissance médicale se développe. Mais cela aussi demande plus de moyens et de personnel. De nouvelles formes de criminalité se créent, ce qui demande d’autres qualifications pour la police. Lutter contre la technologie de pointe de fraude fiscale demande une spécialisation et des inspections sur le terrain, bien que l’on soit certainement en droit de penser que c’est à peu près le seul service public où le patronat ne demande pas plus d’efficacité ! Des dirigeants syndicaux sous pression

    101. L’époque où les directions syndicales pouvaient éviter le pire grâce à un compromis ou en faisant appel à l’État arrive à sa fin. Les dirigeants syndicaux aimeraient bien pouvoir continuer dans cette voie. Ils ont encore montré cela en mettant leur signature sur le projet d’accord interprofessionnel cette année. La marge que la bourgeoisie veut bien lui laisser à présent est cependant tellement réduite que la direction syndicale n’est plus capable de vendre sa “stratégie” à sa base, qui a déjà remis à leur place les sommets de la FGTB et de la CGSLB. Ceux-ci ont été forcés d’organiser des journées d’actions et une manifestation nationale le 24 mars. Les métallos leur ont fait savoir que, cette fois-ci, ce ne devait pas être une nouvelle promenade du dimanche. L’appareil de la CSC a encore réussi à transformer une majorité à la base en une minorité dans les structures. Elle a organisé sa propre action le 24 mars, aux institutions de mini- Europe sur le Heysel. Une semaine plus tard, la CNE mobilisait à elle seule beaucoup plus de militants du non-marchand. Le message est passé.

    102. Les deux syndicats ont entretemps fait savoir qu’ils n’allaient pas accepter que l’on touche à l’indexation. Anne Demelenne a appelé l’indexation des salaires “notre triple A”, se référant à Krugman, Stiglitz et Lagarde dans leur plaidoyer contre l’austérité “dure”. Elle trouve que la note Di Rupo est inacceptable, mais part de l’idée que cette note est venue sous pression de la droite. En bref, Demelenne suit totalement la rhétorique : « Assainir, oui, mais pas au cout de la croissance ». Elle aurait demandé lors d’une réunion interne si la FGTB ne devrait pas plaider pour l’introduction d’obligations européennes, mais n’a pas été suivie. « Ceux qui payent tous ces bonus extravagants placent une bombe sous la concertation sociale », a encore déclaré Rudy De Leeuw début avril en bombant le torse. C’était au moment où le SP.a se profilait autour de ce thème, avec la figure de Bruno Tuybens. Un mois plus tard, il apparaissait que ce dernier avait lui-même perçu un bonus de € 250.000 de la part de la KBC. De Leeuw aurait dû le savoir, Tuybens n’est tout de même pas le seul au SP.a à franchir la ligne : l’ancien ministre Luc Van den Bossche reçoit tous les ans € 700.000 en tant que président de Brussels Airport Company (BAC) ; avant lui, Norbert De Batselier et Steve Stevaert, entre autres, s’étaient eux aussi compromis.

    103. À la CSC, on disait que si on touchait à l’index, on mettrait en danger la “paix sociale”. Claude Rolin insiste sur le fait que l’index sert à sécuriser le pouvoir d’achat, et pas à être un simple moyen de redistribution des richesses. Au sujet des assainissements, il dit “pas n’importe comment”. À propos de la note Di Rupo, il dit que la CSC ne va pas laisser en plan les allocataires, mais qu’il y a aussi de bonnes choses dans cette note. Selon la CSC, le Pacte des générations a bien fonctionné. Pour la secrétaire nationale Ann Van Laer, le nombre de travailleurs de plus de 50 ans s’est accru de 217.000 depuis 2005. Le taux d’emploi parmi les plus de 55 ans est déjà plus élevé que l’objectif fixé par le Pacte des générations. Le nombre de plus de 58 ans non disponibles pour l’emploi est passé de 53.000 à 2.294. Qui plus est, les règles pour les prépensions vont devenir encore plus strictes dans les années à venir, et les contributions des employeurs pour les “jeunes” de plus de 50 ans ont augmenté. De tout cela, elle conclut que la CSC veut bien augmenter la vitesse d’un cran, mais seulement après un vrai débat qui regarde aussi la question de l’insécurité au travail des jeunes, des allochtones et des personnes handicapées. Le fait que Michel Bovy, président de la CSC-Transcom, est entretemps devenu le nouveau directeur général “Stratégie et Coordination” de la SNCB ne va pas faire que du bien au syndicat.

    104. Les syndicats disposent toujours d’une énorme force. Ils constituent l’obstacle principal sur la route vers une scission de la sécurité sociale – qui conduirait sans doute à un démantèlement plus rapide. Leur force de mobilisation reste sans égale. Mais ils sont complètement intégrés à l’appareil d’État. L’action sert exclusivement à soutenir leurs positions dans les organes de concertation. Marquer un point dans les médias et obtenir le soutien de quelques politiciens est considéré plus important qu’une ferme mobilisation. À la base, on est conscient de cette force potentielle. On aimerait l’utiliser pour pousser les patrons et les politiciens à être plus consensuels. Mais la direction syndicale préfère les négociations et le lobbying. Cela explique pourquoi elle oeuvre bien plus au sabotage des mobilisations qu’à leur organisation. Un militant du PSL le formulait ainsi : « Les directions syndicales prennent moins de temps pour organiser une manifestation ou une grève nationale que le travailleur moyen n’en prend pour organiser son anniversaire ». Cela conduit tout droit à la frustration.

    105. En plus, ces directions syndicales viennent systématiquement nous donner des leçons sur la nécessité de voter pour des partis progressistes afin de stopper la machine d’austérité de la droite. Mais ça fait des années déjà que nous subissons des assainissements opérés justement par ces soi-disant “partis progressistes”. Dans la période à venir, une dimension supplémentaire vient cependant s’ajouter : si les syndicats continuent à compter sur les sociauxdémocrates, les chrétiens-démocrates et/ou les verts, ce sera alors le parti le plus libéral de tous les partis flamands, la N-VA, qui recevra l’opportunité de se présenter comme “le seul parti qui lutte réellement contre les assainissements qui nous sont imposés par le niveau fédéral”. À Bruxelles et en Wallonie, le FDF menace de prendre une position similaire – tout en tenant évidemment compte des réserves à ce sujet que nous avons déjà écrites plus haut. En plus de tout ça, les provocations mutuelles des partis communautaires vont venir semer la discorde dans la solidarité nationale.

    106. Les nombreux licenciement de délégués syndicaux s’explique en partie du fait que nous sommes maintenant dans une période d’avant élections sociales (la période “de solde” pour le licenciement des délégués), mais aussi de ce que nous nous trouvons en ce moment dans une période de préparation de plus grandes tensions sociales. C’est tout simplement honteux de voir le sommet syndical laisser la lutte contre ces licenciements aux secteurs, aux régions, aux délégations syndicales dans les entreprises, et parfois même tout simplement aux délégués eux-mêmes. Cela ouvre complètement la voie au patronat. On n’attend ni de De Leeuw, ni de Demelenne, ni de Rolin, ni de Cortebeeck, ni de son successeur Marc Leemans qu’ils se présentent à chaque piquet pour une visite de politesse (bien que cela soit permis), mais surtout qu’ils donnent des mots d’ordres avec lesquels on puisse commencer à remporter des victoires. Quand les négociateurs gouvernementaux ont voulu vider le statut du personnel de Bruxelles-Propreté en le transférant de la région aux communes (en tant que partie de l’accord sur la réforme de Bruxelles), les travailleurs sont sortis dans la rue avec fureur. Pour les 540 membres du personnel, cela aurait signifié une perte de 150 euros par mois, en plus de la crainte d’une privatisation.

    107. La CGSP et la SLFP (sections services publics de la CGSLB) ont reconnu l’action à toute vitesse, avec un préavis de grève, mais ce n’était pas leur propre initiative. Les travailleurs avaient décidé d’arrêter la collecte des déchets et ont occupé les carrefours centraux. Ils ont mis le feu aux déchets. Toutes les entrées de la ville étaient bloquées. Les travailleurs se sont rendus au bâtiment du gouvernement bruxellois et y ont jeté des oeufs et des pierres. Pendant des heures, tout le centre de Bruxelles était bloqué. Toute la journée, l’action était à la une des médias nationaux. « Comment faire ? On devrait aller se promener un peu, faire un petit pique-nique ? Nous devons montrer que nous sommes fâchés ! On n’est pas des gamins qui allons faire mumuse dans la rue ! », disait un travailleur sur TV Brussel. Cela illustre à quelle vitesse les choses peuvent se développer. A Bruxelles- Propreté, il y a d’ailleurs autant de francophones que de néerlandophones, autant de Belges que d’immigrés. Le secrétaire d’État compétent, Emir Kir, a rapidement fait savoir que le statut était garanti et que la privatisation n’était pas à l’ordre du jour. Après les métallos le 24 mars, c’est la seconde fois cette année que les travailleurs font comprendre qu’ils ne sont pas d’accord avec de simples promenades de rue. 108. « Si chaque réforme annoncée mène à des actions aussi dures, on ne va jamais pouvoir avancer », se plaignait Karel Van Eetvelt de l’UNIZO. « Une grève sauvage, voire une grève politique comme maintenant, sans préavis de grève ni tentative de conciliation préalable, est irresponsable. Cela ne fait pas non plus de bien à l’image du syndicat », croyait-il bon d’ajouter. Van Eetvelt appelle à une limitation du droit de grève, ou du moins à endiguer le droit de grève dans des canaux contrôlables. Parce que c’est bien cela l’enjeu pour le patronat : là où c’est possible – service minimum, tout en soumettant le plus possible le droit de grève à des règles strictes qui font que les grévistes potentiels sont déjà démoralisés avant même de commencer. L’action des éboueurs bruxellois a été un sérieux avertissement. Van Eetvelt peut tout de suite se faire une image de la pression qui va s’exercer sur les dirigeants syndicaux dès que la politique d’assainissements va se durcir. Ceux-ci vont sans doute tenter de saboter les actions en insistant sur les difficultés à mettre sur pied ce gouvernement, sur les dangers liés à la chute du gouvernement, sur la menace que représente la N-VA pour la stabilité du pays, pour le maintien de la solidarité et pour la sécurité sociale. Ils vont de nouveau jouer la carte du moindre mal. Cela aura un effet sur quelques couches, mais chez d’autres, cette option est aujourd’hui totalement épuisée.

    Les partis amis regardent dans l’autre direction

    109. Tant que les appareils syndicaux peuvent se coller aux organisations politiques amies, cela devient toujours plus difficile. Le tournant flamingant du CD&V et le fait que les représentants de la CSC quittent un à un le bateau le rend de plus en plus difficile à la CSC d’expliquer les relations privilégiées avec la CSC. Il y a toujours encore une aile qui est fidèle au pilier social-chrétien. Mais la confiance en elle-même de cette couche pour introduire et intégrer des autres dans ce pilier disparait. De plus en plus de militants à la base n’ont que peu d’affinités avec ce pilier. De plus, les différentes centrales sont tout le temps en bagarre les unes avec les autres. La LBC (la CNE flamande) surtout est dans un état permanent de guerre froide contre les manoeuvre proprement scandaleuses de la coupole de la CSC. Il y a besoin de militants combatifs et actifs qui peuvent tirer la base avec eux. De là l’espace qui est donné au cadre moyen combatif pour défendre les intérêts de leurs membres. 110. Pour la FGTB flamande, ABVV, l’attitude de la direction syndicale face au parti ami devient petit à petit une farce. L’hypocrisie du sommet du SP.a, son nombre de ‘’parvenus’’, l’arrogance face au syndicat, y compris face à ses dirigeants, dépasse toute imagination. Qu’importe ce que l’ABVV essaye, les travailleurs ne retourneront pas vers ce parti. Ce n’est pas cette hirondelle solitaire, qui d’ailleurs elle aussi a déjà sa petite odeur, Daniël Thermont, qui pourra massivement rappeler les travailleurs vers le SP.a, certainement pas à l’extérieur de Gand, où il est bourgmestre. Les sections du parti sont proches de la mort clinique. La direction du syndicat ne l’admet pas, mais elle le comprend bien, d’où son attitude relativement plus ouverte envers ce qui se trouve à gauche du SP.a. Si demain le gouvernement sort le type d’assainissement qui est en préparation, même sous la forme de la note de Di Rupo, le fossé s’approfondira. Les directions syndicales, tant de l’ABVV que de l’ACV, le comprennent elles aussi. Elles commencent donc à parier sur plusieurs chevaux. A l’ACV, cela s’appelle le fait qu’il peut y avoir plusieurs amis politiques à côté de ceux du CD&V. A l’ABVV, on louche en direction de l’autre ‘‘parti progressiste’’. Mais à la base du syndicat, cela n’accroche pas avec les verts de Groen.

    111. Le PTB l’a compris et essaye de se faire remarquer aussi un peu par les directions syndicales. L’époque où il disait qu’il n’y avait pas besoin d’un parti des travailleurs mais d’un parti communiste est loin derrière nous. Il essaye aujourd’hui d’apparaître coûte que coûte et pour cela il a, tout comme les partis traditionnels, pris engagé une agence de publicité. En termes de programme et de style, il essaye d’être raisonnable et dynamique, avec des actions spectaculaires, comme celle vis-à-vis d’Electrabel, tant que cela reste dans les limites de ce qui reste acceptable pour les directions syndicales et son public d’artistes progressistes. Les revendications traditionnelles du PTB telles que la nationalisation du secteur pharmaceutique ou des banques et des holdings, ont fait place au modèle des offres publiques avec ce qu’ils ont appelé le modèle kiwi et à une banque publique. Dans le secteur de l’énergie cela prend la forme d’une réduction de la TVA. Dorénavant, plus un mot de critique sur le rôle des dirigeants syndicaux, puisque ceux-ci pourraient décliner d’être orateurs à des évènements du parti tels que Manifiesta. Le parti et le syndicat, et par extension les mouvements sociaux, sont maintenant devenus deux choses qui doivent être séparées. Cette ambigüité a déjà mené à la capitulation scandaleuse du PTB lors de l’exclusion de tous les cinq secrétaires du Setca/BBTK industrie pour BHV.

    Nouveau Parti du Travail

    112. Le PTB a mal compris le slogan pour un nouveau parti des travailleurs. Avec cela, nous entendons un parti de lutte qui essaye d’unifier toutes les tendances qui sont prêtes à mener la lutte contre les assainissements. Un parti, donc, pour l’unité dans l’action qui assure parallèlement que de l’espace soit laissé au débat, y compris par des courant publiquement organisés. Le programme d’un tel parti serait probablement réformiste, surtout tant que le mouvement n’a pas encore conduit à une compréhension plus profonde l’expérience concrète de la lutte de masse. Mais son existence à elle seule assurerait un instrument important pour les travailleurs et les jeunes. L’orientation vers l’action et la liberté de débat stimulerait une implication active et en ferait un réel instrument de travail. Evidement, cela implique des dangers. La liberté de débat ne peut pas dégénérer en champs de batailles d’idées tout comme l’unité dans l’action ne peut pas être instrumentalisée pour étouffer la liberté politique. Il s’agit de trouver un équilibre correct, justement en faisant une distinction entre l’essentiel et l’accessoire.

    113. Mais ce n’est pas comme cela que le PTB l’a compris. Il a pris comme vérité les fables qu’il a raconté à propos de notre appel, que nous voulions créer un nouveau SP ou un nouveau PS. Il veut luimême devenir ce nouveau parti des travailleurs, mais dans sa version monolithique et réformiste, où l’on n’attend pas de la base qu’elle prenne des initiatives incontrôlables et participe au processus de décision, mais seulement qu’elle soit présente aux fêtes du parti et apporte des voix. Tant que la classe ne se met pas en mouvement et que les partis ne sont pas testés sur le terrain, le PTB peut apparaître comme la meilleure offre disponible pour ceux qui en ont marre de la rhétorique du moindre mal. Pour cela, le parti est prêt à tout, y compris à adopter des campagnes politiques infantiles. Nez rouges, ‘‘révolutions des frites’’, on ne peut être plus ludique. Les conditions pour devenir membre sont quasiment inexistantes. Un sms et des opinions vaguement à gauche ou belgicistes sont suffisantes. C’est le nombre qui compte, pas la qualité, y compris dans le travail vers la jeunesse.

    114. De cette façon, ils attireront certainement quelques travailleurs et quelques jeunes combatifs et conséquents. Mais continuer à assurer cette périphérie large absorbera une grosse partie de l’énergie. Des tâches organisationnelles croissantes ramèneront la politique de plus en plus à l’arrière fond. Il faudra inventer à chaque fois de nouvelles actions ludiques, de nouveaux films et de nouvelles fêtes de plus en plus grandes. Lors de revers ou lorsqu’il faudra aller à contre courant, cette large périphérie risque de décrocher et la démoralisation peut s’incruster. La grande partie de la périphérie du PTB est attirée par la possibilité d’un score électoral. Cela stimulera encore la dynamique pour consacrer toute l’attention sur ce terrain. Cette nouvelle base poussera à des participations à des coalitions dès que cela deviendra possible sur le niveau de conseils de district ou de conseils communaux ‘‘pour réaliser une partie du programme”. La direction actuelle est en faveur de cela. Avec les concessions qu’elle est prête à faire pour se faire voir, on peut déjà s’imaginer que le prix qu’elle acceptera pour participer à des coalitions ne sera pas grand-chose.

    115. En Wallonie et à Bruxelles c’est le même processus qui est à l’oeuvre. Depuis longtemps le CdH n’est plus le seul parti politique ami du Mouvement Ouvrier Chrétien. Le PS et ECOLO le sont tout autant. Dans notre texte de Congrès de 2010, nous avons accentué que le processus de bourgeoisification se déroule aussi au sein du PS mais que ce parti n’a pas perdu en crédit dans la même mesure que le SP.a. Pendant des années, le PS a pu se cacher derrière ‘‘l’Etat CVP’’ et plus tard derrière le fait qu’il était confronté à une majorité flamande de droite. Malgré sa participation gouvernementale systématique, il a toujours pu continuer à se profiler comme opposition. Le transfert de compétence vers les régions met le parti en difficulté. Ce n’est pas une coïncidence que c’est justement dans l’enseignement qu’ECOLO a réussi à se construire une position. Dans notre texte de 2012, nous avons aussi soulevé un autre phénomène, c’est-àdire que la classe ouvrière wallonne ne s’est jamais autant laissé cadenasser dans un corset de parti politique. Nous nous sommes référés aux traditions anarcho-syndicalistes et à la manière dont cela laissait l’espace çà l’intérieur des syndicats pour critiquer le PS. Cela a aussi assuré que la gauche radicale en Wallonie était historiquement plus forte qu’en Flandre sur le plan électoral alors que sur le plan organisationnel, c’était souvent l’inverse.

    116. La réaction du PTB est par conséquent quasiment identique à celle du PVDA en Flandre. Son programme et son style son à peine différents. Le parti organise probablement plus de militants syndicaux combatifs. C’est en soi une réflexion de la plus grande liberté de critique qui existe dans les syndicats. A terme, cela pourrait poser des problèmes au PTB lorsqu’une confrontation aura lieu entre la base et la direction des syndicats. Le travail parmi la jeunesse du côté francophone semble moins apolitique qu’en Flandre. Cela reflète probablement l’atmosphère politique de la dernière année, qui était sans doute plus favorable à la gauche du côté francophone que du côté néerlandophone. Mais il s’agit de nuances, pas d’approches fondamentalement différentes. En Wallonie et dans une moindre mesure à Bruxelles, les traditions historiques jouent en faveur de ce qui se trouve à la gauche du PS, tout comme le fait que pour le PS il devient de plus en plus difficile de prétendre qu’il n’est pas responsable pour les assainissements. Mais c’est en Flandre que l’espace à gauche est le plus grand et où une percée électorale de la gauche devient probablement possible en premier lieu.

    Nouveau parti des travailleurs

    117. Le PTB n’est pas immédiatement le meilleur instrument pour remplir l’espace existant à gauche. Ce parti porte derrière lui un passé horrifiant qui continue encore aujourd’hui à en repousser beaucoup. Si les syndicats ou des secteurs importants de ceux-ci lanceraient un appel pour former un nouveau parti des travailleurs, cela aurait un succès incroyable. L’enthousiasme initial pour Sleeckx ou maintenant pour De Bruyn illustre la soif de beaucoup pour une alternative à gauche plus large et plus ouverte. Le résultat du Front des Gauches aux élections fédérales de 2010, malgré sa faiblesse organisationnelle et son manque relatif de notoriété confirme ses mêmes sentiments en Wallonie et à Bruxelles. Nous avons déjà expliqué de façon approfondie dans des textes précédents où le CAP et Sleeckx ont raté leur chance.

    118. La campagne pour 2.000 sympathisants pour le Front des Gauches et pour le transformer ainsi en un mouvement de membres n’a ainsi jamais démarré. Avec le PH et le CAP, le PSL a tout essayé de casser les réticences. Mais la LCR n’a pas voulu céder, officiellement parce que cela aurait été prématuré. Nous soupçonnons toutefois que cela avait plus à voir avec des intérêts internes au NPA français et puis à leur position sur le PTB. Un positionnement clair de la part du PC et le commencement de la campagne, si nécessaire à 4, aurait probablement fait changer la LCR d’inclinaison. Mais le PC n’a pas réussi à se mettre d’accord et la LCR n’a pas cessé d’instrumentaliser la division interne au PC pour enlever ce point de l’ordre du jour. Le courant dans le PC, surtout à Liège, qui était gagné à une collaboration plus étroite avec le PTB a par conséquent eu le dessus. Le PTB va probablement absorber ce courant. Le Front des Gauches est ainsi en hibernation.

    119. Erik De Bruyn et le noyau qui a transformé SP.a- Rood en Rood! sont convaincus que le prédécesseur du PSL a quitté trop vite le SP. Nous pensons au contraire qu’il est possible que De Bruyn est arrivé deux fois en retard. Une première fois pour la construction d’un parti révolutionnaire. Lorsque le Vonk s’est scissionné le 9 février 1992 en deux parties quasi littéralement égales, les deux groupes se valaient. Nos prédécesseurs avaient un léger avantage numérique. Mais le groupe dont De Bruyn faisait partie était composé des militants plus âgés avec des positions syndicales et du petit groupe francophone. Ou bien ce groupe avait une perspective erronée, ou bien ils étaient des incapables. Mais quelque chose doit expliquer pourquoi le PSL est aujourd’hui sur le plan numérique, parmi la jeunesse, parmi les milieux syndicaux et dans la partie francophone tellement plus fort que les restants du Vonk. Nous pensons que cela a à voir avec leurs perspectives.

    120. De Bruyn et le noyau autour de lui diront qu’ils doivent leur position publique au fait qu’ils sont restés si longtemps à l’intérieur du SP.a. Il est vrai qu’en 1992, un ancien vonkiste n’aurait jamais obtenu cette notoriété. Il a fallu une défaite électorale historique de trop, des frustrations dans le cadre moyen du parti, une hémorragie totale au SP.a et des concessions sur son programme avant que cela ne soit possible. Mais cela aussi a eu son prix. Rood paie cash l’hémorragie sur le terrain sur lequel il était auparavant actif. C’est ce qui explique sa faiblesse numérique et organisationnelle, ce qui pourrait faire que Rood soit incapable de saisir son potentiel indéniable. Si De Bruyn avait encore plus attendu de quitter le SP.a, il ne serait pratiquement plus rien resté. Le PTB est évidemment conscient de la faiblesse de Rood!. Dans le cadre des négociations pour le cartel pour les élections communales de 2010, il l’a clairement laissé paraître. Pourtant, ils ne sont pas à 100% sûrs de ce que Rood! pourrait devenir entre aujourd’hui et le seconde moitié de 2012. Il trouve probablement inquiétant que le PSL s’est assis à la table.

    121. Le futur de Rood! Est incertain. Sans transfusion de la part du PSL, les possibilités de survie sont limitées. Mais nous ne voulons pas d’un deuxième scénario CAP où le PSL s’engage de toute sa force, mais ne se heurte qu’à l’incompréhension, la méfiance et l’interdiction de continuer à fonctionner comme PSL. Selon nous, Rood! a le potentiel de se développer ou de tout au moins faire partie du processus de formation d’un nouveau parti large de lutte alors que le PSL a l’ambition de former le squelette autour duquel pourra se former un nouveau parti révolutionnaire de masse. Les deux sont nécessaires. Nous n’allons que graduellement faire adhérer nos militants à Rood pour ne pas donner l’impression de le submerger. Nous l’avons ouvertement discuté avec De Bruyn et ses collaborateurs les plus proches. L’équipe autour de De Bruyn est politiquement plus forte et stable que celle autour de Sleeckx. Cela constitue un avantage considérable. Cela sauvegarde Rood des rumeurs, des ragots et des théories du complot qui ont complètement l’atmosphère du CAP malsaine. Cela protège également Rood contre les erreurs médiatiques que nous avons subies avec le CAP. De plus, une meilleure compréhension politique est garante d’une volonté d’écoute que le CAP évoquait à haute voix mais mettait très peu en pratique. Il ne s’agit que d’une première impression, mais c’est notre sentiment qu’un argument est ici jugé sur base de son contenu et non sur base de sa place dans l’un ou l’autre complot fictif.

    122. La faiblesse organisationnelle de Rood et la conjoncture de la lutte des classes font que beaucoup de syndicalistes prendront plutôt une attitude attentiste. C’est une donnée objective que nous ne pouvons pas changer à court terme. Mais ce que nous pouvons, c’est renforcer l’enthousiasme existant par une présence qualitativement attractive. Nous espérons que cela peut assurer l’implication critique nécessaire pour aider Rood à devenir un projet viable. Il faut être conscient de la volonté d’unité. Il faut donc accentuer le potentiel d’une formation de lutte ouverte et de gauche et de la liberté de discussion. Il ne faut pas cacher nos critiques sur le programme et le profil de Rood, mais il faut amener cela de façon positive et constructive, entre autres par le fait de nous concentrer sur l’essentiel et de ne pas nous perdre dans les détails. Rood doit utiliser sa plateforme publique pour devenir un porte-voix de travailleurs et de jeunes combatifs. Elle peut stimuler le débat dans le mouvement ouvrier sur les assainissements qui s’annoncent. Il n’est quand même pas possible que le chef d’orchestre de l’assainissement, la N-VA, reçoit un blanc-seing pour se mettre en avant comme le seul opposant aux assainissements – ne serait-ce que parce qu’elle refuse de dépanner le gouvernement fédéral – alors que les syndicats n’offrent à leur base que des partis qui appliquent l’austérité.

    123. Il faudra encore réfléchir sur la formulation exacte, mais les prochaines semaines, Rood devrait produire un tract à ce propos. Démarrer ce débat dans des délégations syndicales nous semble le plus important de ce que les syndicalistes peuvent faire avec Rood. Nous n’allons évidemment pas appliquer une auto-censure. Nous avons le droit de défendre notre programme entier en tant que PSL, nous nous accrochons à notre liberté organisationnelle et à notre droit de diffuser nos propres publications. Mais nous devons également être sensibles à ces travailleurs et à ces jeunes qui sont attirés par Rood. Ils ne peuvent pas avoir l’impression d’avoir atterri au PSL au lieu de chez Rood. Il n’est pas du tout nécessaire de vendre notre journal à chaque meeting de Rood. Un membre ou deux peuvent très bien le faire. Dans un petit meeting ou quelques uns de nos membres sont présents, il peut être utile de préciser que nous sommes membres du PSL, mais pas si la moitié des présents le font. Nous voulons que Rood devienne un organe de lutte ou la règle est la liberté de débat. Des interventions éternelles ou tirer des grimaces lorsque l’on n’est pas d’accord avec l’orateur ne font pas partie de cette approche. Notre point de départ n’est pas de battre des concurrents ou de démontrer notre supériorité, mais de construire Rood, d’argumenter notre position le mieux possible et de faire des contacts. Evidemment nous exigeons notre liberté politique.

    124. Notre tâche la plus importante continue d’être la construction du PSL. Dans les années ’90, dans des conditions beaucoup moins favorables, nous avons réussi à tripler le nombre de nos membres, principalement avec des campagnes de jeunes organisées autour de notre campagne Blokbuster. Lors de la décennie suivante, nous avons à nouveau triplé notre nombre de membres, dans ce cas surtout grâce à nos interventions dans le mouvement antimondialisation. Pendant tout ce temps, le degré moyen d’activité, la contribution financière moyenne et la distribution moyenne de nos publications ne s’est pas affaiblie, mais s’est renforcée. Les dernières années étaient très difficiles à cause de l’effet étouffant des querelles communautaires et de l’impasse politique. Surtout en Flandre, nous avons dû nous accrocher à ce que nous avions. Mais nous avons consacré ce temps de façon utile de façon à construire nos positions syndicales, pour sauvegarder au mieux nos positions parmi les jeunes, et pour améliorer nos publications. Sur base des premières réactions obtenues à l’occasion de nos meetings d’ouverture aux universités, nous avons le sentiment que le pendule retourne à gauche. C’est probablement une indication de ce qui vit parmi des couches plus larges. De plus, nous avons réussi dans cette dernière période à jeter les bases d’un travail crucial parmi els étudiants du secondaire. L’ambiance internationale et aussi nombre de percées du CIO vont bien nous servir en Belgique. Nous pensons que les conditions sont favorables à au moins tripler notre nombre de membres durant cette décennie. Ainsi, le PSL s’approcherait des 1.000 membres. Si nous sommes capables de réaliser cela sans perdre en degré d’implication de nos militants, nous serons une force avec laquelle il faudra tenir compte et que l’on ne pourra pas tout simplement ignorer.

  • Brisons tous les liens avec les partis de l’austérité !

    ‘‘Le PS nous a trahis, humiliés et abandonnés’’, ‘‘Au pays des belles promesses, les travailleurs meurent de faim car le PS a sacrifié les travailleurs sur l’autel de l’accord gouvernemental !’’ C’est ce qu’on pouvait notamment lire dans le tract de la CGSP distribué début janvier lors de vœux du ministre-président de la Région Wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte (PS). Quelques jours plus tard, la CGSP s’est rendue à la réception du bourgmestre de Mons, Elio Di Rupo. Le n° 1 du PS et du gouvernement a eu pour réponse de dire que les syndicats conduisent ‘‘les citoyens vers l’abîme’’. Relais politique des travailleurs, le PS ?

    Par Eric Byl

    Des propos similaires à ceux de leurs camarades de la CGSP ont pu être entendus à Anvers lors d’une réunion de militants, de la bouche de délégués de grandes entreprises privées (notamment dans la pétrochimie et de la métallurgie) mais aussi de tous les services publics et des soins de santé. A cette réunion, le président de la FGTB Rudy De Leeuw a tenté de minimiser la responsabilité des ‘socialistes’ dans le plus grand projet d’austérité de l’histoire du pays, en se concentrant sur la Hongrie, l’Espagne, Merkozy et la Banque Centrale Européenne. Mais il ne fallait pas écouter que ce qui sortait de la tribune, et ceux qui ont prêté l’oreille aux propos tenus dans la salle ont entendu un autre son de cloche.

    Le 18 janvier, le président des métallos de la FGTB Wallonie-Bruxelles a écrit un article (disponibles sur www.metallos.be) dans lequel il affirme : ‘‘Peut-être, politiquement, sommes-nous à un bout du chemin : l’année prochaine, il y aura 25 ans que les socialistes sont revenus au pouvoir en Belgique. Si nous en sommes là aujourd’hui, ils ne peuvent nier leur responsabilité, et elle tient en un constat : la droite au pouvoir mène des politiques de droite, la gauche au pouvoir n’a pas mené des politiques de gauche et, aujourd’hui, joue carrément à droite.’’

    Même à la CSC, la désillusion est profonde envers le rôle actuellement joué par le PS. Le 22 décembre, des militants du syndicat des employés de la CSC, la CNE, avaient ainsi manifesté devant le siège du PS Boulevard de l’Empereur et coloré sa façade d’un bleu symbolisant la politique libérale du parti de Di Rupo.

    Plan Global, déduction des intérêts notionnels, Pacte des Générations, ‘‘chasse aux chômeurs’’, sous-financement de l’enseignement,… la droite aurait eu bien plus de mal si le PS s’était trouvé dans la rue à organiser la lutte plutôt qu’à appliquer ces politiques aux Parlements et aux gouvernements ! La ‘‘politique du moindre mal’’ a constitué la meilleure façon d’instaurer des mesures néolibérales par la manière ‘‘douce’’. C’est sur cette base que le SP.a n’attire déjà plus que 13% des voix en Flandre. La gauche officielle y a pratiquement disparu de la scène politique, et le vote anti-establishment s’exprime maintenant avec Bart De Wever. A-t-on vraiment envie que cette situation s’étende à tout le pays ?

    Il faut rompre tous les liens qui unissent les syndicats aux divers partis traditionnels MAINTENANT ! Combien de trahisons encore avant qu’une partie conséquente des militants syndicaux refuse de continuer à se battre une main liée au dos ? Nous avons urgemment besoin de notre propre relais politique.

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