Category: Transports publics

  • La lutte pour le climat passe par les investissements dans des transports publics gratuits et de qualité

    Le rail était en grève le 5 octobre. Dans la perspective des discussions sur le budget fédéral, les syndicats réclament davantage de moyens pour les chemins de fer belges. Cette grève fut une étape importante pour renforcer le mouvement syndical et une occasion pour lier les revendications des cheminots aux revendications climatiques.

    Par Eugenio (Bruxelles) et un cheminot namurois

    « Les cheminot.e.s en grève sont les activistes climatiques du 21e siècle »

    Ainsi avait déclaré Naomi Klein, fameuse autrice et activiste anticapitaliste. En s’opposant à la casse des services, ils et elles défendent des solutions respectueuses de l’environnement. Les transports constituent plus du 16% des émissions globales de gaz à effet de serre, dont une majorité est dérivée par les transports sur la route (voitures, camions…). Un transport public abordable et de qualité est donc crucial pour réduire les émissions. Cela a été démontré une fois de plus cet été, au milieu des vagues de chaleur historiques qui ont touché la plupart du globe.

    En Allemagne, l’introduction pour la période estivale d’un “ticket climat” de 9€ par mois pour tous les transports en commun a engendré une augmentation importante du nombre d’utilisateurs. 1 voyageur sur 5 utilisait les transports en commun pour la première fois et on estime que 10% des voyages en train de cet été auraient autrement été fait en voiture. Ceci a permis d’éviter la production de plus de 1,8 million de tonnes de CO2, équivalant à retirer 1,5 million de voitures de la circulation ou à planter près de 30 millions d’arbres.

    Dans l’État espagnol plusieurs lignes de train seront rendues gratuites de septembre jusqu’à la fin de l’année pour soulager la pression de l’augmentation du prix de la vie. Mais l’exemple le plus inspirant reste celui du Grand-Duché du Luxembourg qui a instauré la gratuité totale des transports en commun en 2020. Mais s’il est bien de baisser les prix, ceci n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des voyageurs et du personnel. Il est nécessaire d’investir massivement dans la qualité et l’extension des services. Ainsi nous pouvons coupler les revendications du mouvement climatique à la défense des services publics, comme la SNCB.

    Le rail belge en crise

    Le rail en Belgique souffre aujourd’hui des conséquences de plus de deux décennies d’austérité. Le gouvernement a débloqué des investissements en début de législature, mais n’est jamais revenu sur les coupes budgétaires du gouvernement Michel. Il y a un manque endémique de personnel pour répondre à la demande croissante de passagers. En 20 ans, plus de 10.000 emplois à temps plein ont été perdus aux chemins de fer par exemple, soit une chute du personnel de 30% alors que le nombre de passagers a augmenté de 60%. Comme l’a expliqué Pierre Lejeune, président de la CGSP Cheminots, « Aujourd’hui, on n’a pas les moyens. Clairement, en 9 mois, le nombre d’agents a encore diminué de 600 personnes. Il y a une dégradation du service et des conditions de travail. Le service public ne peut plus être rendu ».

    Actuellement, 3,7% des trains prévus sont supprimés, notamment pour cause de manque de personnel. Cependant le gouvernement affirme vouloir augmenter l’offre de 10% et doubler la part modale du train dans les modes de transport de voyageurs d’ici 2040 (de 8% à 15%) et la part de marchandises transportées par rail pour 2030. Pour répondre à cette ambition, la direction d’Infrabel et de la SNCB réclame un investissement de 3,4 milliards sur les 10 prochaines années. Mais elles menacent de se passer dans la même période d’environ 2.000 emplois par rapport aux effectifs actuels. De plus, la SNCB est lourdement impactée par la crise énergétique, en tant que plus gros consommateur d’électricité du pays.

    Aucun moyen n’est prévu pour un protocole d’accord social, le dernier datant de 2012, et les négociations sur le prochain contrat de gestion entre la SNCB / Infrabel et le gouvernement patinent. Il est donc nécessaire que les travailleur.euse.s du secteur ripostent pour revendiquer des moyens à la hauteur des besoins. La grève du 5 octobre tombe en plein conclave budgétaire du gouvernement. Mais pour maximiser son impact, il faudra la lier avec les mouvements plus larges qui se développent dans la société avec des revendications d’urgence sociales et climatiques qui touchent les intérêts de toute la classe travailleuse, comme la nationalisation du secteur de l’énergie.

    Les cheminot.e.s en première ligne dans la lutte de classe

    Les cheminot.e.s jouent un rôle important dans les processus de contestation sociale. Bien que numériquement ils ne représentent pas une couche majoritaire de la classe travailleuse, leur rôle clé dans le fonctionnement de l’économie leur fournit une influence importante. En Belgique et internationalement, ils constituent un des éléments le plus dynamique du mouvement syndical et participent activement aux mouvements qui se développent dans la société.

    Au Royaume-Uni, les syndicats des cheminots Aslef et RMT sont en train d’organiser la plus grande vague de grèves des chemins de fer depuis plus de 30 ans. Leurs revendications visant à arracher plus de moyens et de bons salaires ont résonné largement dans la classe travailleuse du pays. De plus, ils ont pu élargir leur combat en participant au lancement de la campagne Enough is enough (trop c’est trop) et en tissant des liens de solidarité avec le mouvement pour le climat. La lutte pour le refinancement des transports publics fait partie intégrante de la lutte contre la vie chère et contre la crise climatique.

    La grève du 5 octobre fut importante pour avancer les revendications du personnel du rail, mais ça ne peut pas être un événement isolé. Il sera nécessaire d’augmenter la pression avec un plan d’action qui construit vers la grève générale du 9 novembre et au-delà. La manifestation nationale pour le climat du 23 octobre pourra servir de moment de rencontre du mouvement écologiste et syndical. Ensemble, nous pouvons construire le rapport de force nécessaire pour de réelles victoires et nous attaquer aux intérêts des profiteurs capitalistes qui font des bénéfices sur nos dos.

  • Grève des cheminots bien suivie, la volonté d’agir n’en est que plus élevée


    Moins d’un quart des trains ont circulé aujourd’hui, en dépit des limitations du droit de grève de ces dernières années, selon lesquelles le personnel doit maintenant donner un préavis de grève sur base duquel la direction établit un horaire de remplacement avec des volontaires. Mais même cela ne suffit pas à imposer le silence aux protestations des cheminots. La volonté d’agir est forte, comme cela a été démontré sur les piquets de grève de différentes gares.

    Rebekah a envoyé ce rapport du piquet de grève de la gare de Gand Saint Pierre : « Deux points principaux sont apparus dans les discussions. Tout d’abord le besoin de personnel, avec une pénurie de collègues qui ne cesse de croître et une charge de travail plus importante qui provoque des départs volontaires (600 personnes sont déjà parties depuis la précédente grève et des projets ont le but avoué d’encore augmenter “l’efficacité” du travail…). Ensuite, il y a le pouvoir d’achat et les prix de l’énergie. L’idée d’une nouvelle grève des cheminots le 18 octobre autour des revendications spécifiques et d’une grève générale le 9 novembre avec le reste des travailleurs pour le pouvoir d’achat bénéficie d’un large soutien. Un vote a eu lieu à ce sujet, avec un grand enthousiasme pour les deux points, tous deux considérés comme essentiels. Le vote a été unanime à chaque fois. »

    Les grèves des 18 octobre et du 9 novembre ont été discutées partout. Mais le principe de procéder à un vote est très utile : la responsabilité de l’action est ainsi mieux portée par les grévistes. Et quand la base décide démocratiquement des étapes d’un plan d’action, celui-ci peut être moins facilement annulé par la direction. Les pénuries qui gangrènent le rail sont si importantes qu’il est inévitable que d’autres actions soient nécessaires. Mieux vaut qu’elles soient organisées au travers d’un plan d’action qui ne fait aucun doute quant à sa raison d’être : obtenir une victoire.

    Au côté de notre tract spécifique, nous avons partout eu de bonnes réactions concernant le tract annonçant la série de meetings avec Mike Forster, un syndicaliste vétéran britannique membre de notre-organisation sœur qui sera en Belgique fin octobre. Les cheminots britanniques étaient d’ailleurs en grève aujourd’hui. La crise frappe durement et la question des alternatives et de la manière de les obtenir était partout présente sur les piquets de grève.

    BRUXELLES

    ANVERS

    LIEGE

    OSTENDE

  • SNCB. Développer ensemble un plan d’action pour arracher plus de moyens

    Impossibilité de prendre des vacances, cadences infernales, manque de matériel, réformes contre-productives, avenir incertain… Tout le monde s’accorde à dire que la situation des chemins de fer est désastreuse. Si nous ne voulons pas laisser notre avenir aux mains de gestionnaires peu scrupuleux, nous devons agir collectivement. C’est la raison de la grève du 5 octobre.

    Tract de Libre Parcours  // Tract en version PDF

    Cette grève entend mettre le gouvernement sous pression pendant le conclave budgétaire. La situation budgétaire du chemin de fer est catastrophique. Au début de son mandat, le ministre de la Mobilité a réussi à faire illusion en annonçant une série d’investissements, principalement dans les infrastructures. Mais ce gouvernement n’est jamais revenu sur les coupes budgétaires des gouvernements précédents. Les budgets ont été engloutis par la crise du COVID, et maintenant par la crise énergétique. Les propositions du ministre exprimées dans sa “Vision 2040” nécessitent beaucoup plus d’investissements, alors qu’il n’est même pas certain que la SNCB continue à remplir ses missions de service public.

    Les patrons de la SNCB et d’Infrabel estiment qu’ils auront besoin de 3,4 milliards d’euros supplémentaires au cours des dix prochaines années. Ce chiffre ne comprend pas d’enveloppe pour le personnel, alors que les salaires n’ont pas été augmentés depuis 2008 et que les conditions de travail n’ont fait que se dégrader. À tel point que le nombre de collègues qui démissionnent d’eux-mêmes est en augmentation constante.

    Pour un véritable cahier de revendications

    Le front commun syndical exige à juste titre plus de personnel, mais il ne sert à rien de recruter du personnel si les gens repartent immédiatement. Les conditions de travail doivent être bien meilleures. Une grève ne peut avoir lieu sans un ensemble clair de revendications, avec des objectifs concrets pour tous les cheminots et pour chaque secteur :

    • Une augmentation fondamentale des salaires.
    • Une date limite à laquelle une demande de congé doit être automatiquement acceptée.
    • De nouvelles mesures pour un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée.
    • Des investissements fondamentaux dans l’infrastructure et les ressources humaines afin de fournir et de développer l’offre promise.

    En élaborant une telle liste de revendications de manière démocratique et transparente, nous pourrions convaincre davantage de collègues d’entrer en action. Il faut dire que les trois syndicats ont attendu longtemps avant de soudainement se mobiliser… Le flou autour du plan d’action actuel suscite la méfiance et certains collègues ne se concentrent plus que sur les problèmes de leur propre catégorie professionnelle. Mais nous sommes plus forts ensemble, y compris pour aborder ces questions spécifiques. Il est préférable de rédiger ensemble notre paquet de revendications, une approche unifiée permet de lutter contre la division. Notre plan d’action doit reposer sur des victoires à arracher.

    Pour un véritable plan d’action

    De nombreux collègues craignent que le plan soit abandonné à la moindre concession du gouvernement. Compte tenu de la situation budgétaire, il ne sera pas facile d’obtenir des fonds pour un protocole social ambitieux. Alors que l’argent ne manque pas ! Les milliards d’euros versés aux actionnaires peuvent être utilisés pour concrétiser nos revendications. Augmenter la pression ne suffit pas, nous avons besoin d’un plan d’action qui renforce le rapport de forces dont nous avons besoin pour imposer le respecter de nos revendications.

    Le 9 novembre, une grève générale sera organisée par tous les secteurs pour soustraire les prix de l’énergie aux griffes du marché et exiger de meilleurs salaires. Nous pouvons nous y préparer par des actions intermédiaires. Par exemple, avec des assemblées générales du personnel ouvertes à tous les collègues, qu’ils et elles soient syndiqués ou non, couplées à des arrêts de travail.

    Il y a quelques jours, l’association francophone Navetteurs.be a publié le communiqué de presse suivant : “[…] nous sommes entièrement d’accord avec les revendications de tous les syndicats. Si les utilisateurs veulent voyager dans de bonnes conditions, ils ont besoin d’un équipement fiable, d’une infrastructure solide et d’un personnel suffisant […]”. Le contraste entre les promesses des ministres et la réalité du terrain n’a fait que s’accentuer, tant pour le personnel ferroviaire que pour les usagers.

    L’explosion des prix de l’énergie illustre les conséquences désastreuses d’une politique qui laisse tout “au marché”. Nous devons stopper les projets de libéralisation et de privatisation et défendre des investissements publics massifs dans un service public ferroviaire. Utilisons la grève du 5 octobre comme point de départ d’une nouvelle stratégie pour arracher les moyens dont les transports publics ont si désespérément besoin.

  • La lutte pour le climat passe par les investissements dans des transports publics gratuits et de qualité

    Le front commun syndical a déposé un préavis de grève pour le rail pour le 5 octobre. Dans la perspective des discussions sur le budget fédéral, les syndicats réclament davantage de moyens pour les chemins de fer belges. Cette grève sera une étape importante pour renforcer le mouvement syndical et une occasion pour lier les revendications des cheminots aux revendications climatiques.

    Par Eugenio (Bruxelles) et un cheminot namurois

    « Les cheminot.e.s en grève sont les activistes climatiques du 21e siècle »

    Ainsi avait déclaré Naomi Klein, fameuse autrice et activiste anticapitaliste. En s’opposant à la casse des services, ils et elles défendent des solutions respectueuses de l’environnement. Les transports constituent plus du 16% des émissions globales de gaz à effet de serre, dont une majorité est dérivée par les transports sur la route (voitures, camions…). Un transport public abordable et de qualité est donc crucial pour réduire les émissions. Cela a été démontré une fois de plus cet été, au milieu des vagues de chaleur historiques qui ont touché la plupart du globe.

    En Allemagne, l’introduction pour la période estivale d’un “ticket climat” de 9€ par mois pour tous les transports en commun a engendré une augmentation importante du nombre d’utilisateurs. 1 voyageur sur 5 utilisait les transports en commun pour la première fois et on estime que 10% des voyages en train de cet été auraient autrement été fait en voiture. Ceci a permis d’éviter la production de plus de 1,8 million de tonnes de CO2, équivalant à retirer 1,5 million de voitures de la circulation ou à planter près de 30 millions d’arbres.

    Dans l’État espagnol plusieurs lignes de train seront rendues gratuites de septembre jusqu’à la fin de l’année pour soulager la pression de l’augmentation du prix de la vie. Mais l’exemple le plus inspirant reste celui du Grand-Duché du Luxembourg qui a instauré la gratuité totale des transports en commun en 2020. Mais s’il est bien de baisser les prix, ceci n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des voyageurs et du personnel. Il est nécessaire d’investir massivement dans la qualité et l’extension des services. Ainsi nous pouvons coupler les revendications du mouvement climatique à la défense des services publics, comme la SNCB.

    Le rail belge en crise

    Le rail en Belgique souffre aujourd’hui des conséquences de plus de deux décennies d’austérité. Le gouvernement a débloqué des investissements en début de législature, mais n’est jamais revenu sur les coupes budgétaires du gouvernement Michel. Il y a un manque endémique de personnel pour répondre à la demande croissante de passagers. En 20 ans, plus de 10.000 emplois à temps plein ont été perdus aux chemins de fer par exemple, soit une chute du personnel de 30% alors que le nombre de passagers a augmenté de 60%. Comme l’a expliqué Pierre Lejeune, président de la CGSP Cheminots, « Aujourd’hui, on n’a pas les moyens. Clairement, en 9 mois, le nombre d’agents a encore diminué de 600 personnes. Il y a une dégradation du service et des conditions de travail. Le service public ne peut plus être rendu ».

    Actuellement, 3,7% des trains prévus sont supprimés, notamment pour cause de manque de personnel. Cependant le gouvernement affirme vouloir augmenter l’offre de 10% et doubler la part modale du train dans les modes de transport de voyageurs d’ici 2040 (de 8% à 15%) et la part de marchandises transportées par rail pour 2030. Pour répondre à cette ambition, la direction d’Infrabel et de la SNCB réclame un investissement de 3,4 milliards sur les 10 prochaines années. Mais elles menacent de se passer dans la même période d’environ 2.000 emplois par rapport aux effectifs actuels. De plus, la SNCB est lourdement impactée par la crise énergétique, en tant que plus gros consommateur d’électricité du pays.

    Aucun moyen n’est prévu pour un protocole d’accord social, le dernier datant de 2012, et les négociations sur le prochain contrat de gestion entre la SNCB / Infrabel et le gouvernement patinent. Il est donc nécessaire que les travailleur.euse.s du secteur ripostent pour revendiquer des moyens à la hauteur des besoins. La grève du 5 octobre tombe en plein conclave budgétaire du gouvernement. Mais pour maximiser son impact, il faudra la lier avec les mouvements plus larges qui se développent dans la société avec des revendications d’urgence sociales et climatiques qui touchent les intérêts de toute la classe travailleuse, comme la nationalisation du secteur de l’énergie.

    Les cheminot.e.s en première ligne dans la lutte de classe

    Les cheminot.e.s jouent un rôle important dans les processus de contestation sociale. Bien que numériquement ils ne représentent pas une couche majoritaire de la classe travailleuse, leur rôle clé dans le fonctionnement de l’économie leur fournit une influence importante. En Belgique et internationalement, ils constituent un des éléments le plus dynamique du mouvement syndical et participent activement aux mouvements qui se développent dans la société.

    Au Royaume-Uni, les syndicats des cheminots Aslef et RMT sont en train d’organiser la plus grande vague de grèves des chemins de fer depuis plus de 30 ans. Leurs revendications visant à arracher plus de moyens et de bons salaires ont résonné largement dans la classe travailleuse du pays. De plus, ils ont pu élargir leur combat en participant au lancement de la campagne Enough is enough (trop c’est trop) et en tissant des liens de solidarité avec le mouvement pour le climat. La lutte pour le refinancement des transports publics fait partie intégrante de la lutte contre la vie chère et contre la crise climatique.

    La grève du 5 octobre sera importante pour avancer les revendications du personnel du rail, mais ça ne peut pas être un événement isolé. Il sera nécessaire d’augmenter la pression avec un plan d’action qui construit vers la grève générale du 9 novembre et au-delà. La manifestation nationale pour le climat du 23 octobre pourra servir de moment de rencontre du mouvement écologiste et syndical. Ensemble, nous pouvons construire le rapport de force nécessaire pour de réelles victoires et nous attaquer aux intérêts des profiteurs capitalistes qui font des bénéfices sur nos dos.

  • Jours de repos : la direction de la SNCB et les décideurs politiques organisent le chaos

    Les cheminots ont droit au repos ! Pour des investissements publics massifs dans le personnel et le service

    Le personnel le dénonce depuis déjà pas mal de temps mais l’inspection sociale vient de le confirmer : le rythme de travail est impossible et même illégal à la SNCB. Les jours de récupération et de congé s’accumulent sans pouvoir être pris. Quand la direction de la SNCB a émis l’idée de les payer au lieu de permettre de les prendre, cela n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Les cheminots doivent bénéficier des jours de repos auxquels ils ont droit ! La manière dont la SNCB va assurer que cela soit le cas n’est pas le problème du personnel. Mais aucune solution ne peut se passer de l’engagement de beaucoup plus de collègues.

    Les passagers râlent souvent en apprenant que leur train aura du retard. La colère ne manque pas lorsque les retards et les annulations sont chroniques. Il n’en va pas autrement pour les cheminots quand ils apprennent que leurs jours de repos prennent du retard ou menacent d’être annulés. Cela s’ajoute à des horaires de travail parfois très chargés. Par exemple, pendant plusieurs mois de l’année, les accompagnateurs de train sont « hors série » et ne savent souvent qu’un jour à l’avance si et quand ils travaillent, avec la possibilité de devoir commencer à 4 heures du matin, par exemple. Une telle flexibilité est préjudiciable à toute vie sociale et s’explique fondamentalement par le manque de personnel. Faute de collègues en suffisance, toute planification un peu sérieuse du travail est impossible.

    La SNCB a beau être un bien public, il semble que cela y soit trop demandé que d’y respecter les dispositions légales en matière de temps de travail et de repos. Les accords sur le temps de travail incluent les jours fériés, les jours de repos, les jours de récupération, etc. La rupture unilatérale de ces accords dont est responsable la direction est parfaitement scandaleuse. Les gouvernements successifs et la direction – dont la nomination est le fruit de tractations politiques – ne peuvent plus se cacher derrière quoi que ce soit maintenant que l’inspection sociale a confirmé la gravité de la situation. Le personnel est d’autant plus en colère.

    Par le passé, les médias de masse ont souvent dénigré les actions des cheminots en dépeignant ces derniers comme une bande d’irresponsables partant en grève sans raison. Faut-il encore préciser que ce n’est pas le personnel, mais bien la direction de la SNCB qui est irresponsable ? Si aucune stratégie ni plan d’action discutés entre tous les collègues n’arrive pour faire front ensemble contre la direction et le gouvernement, quand y en aura-t-il ? Les conclusions de l’inspection sociale peuvent également être utilisées pour construire le soutien parmi les passagers et la collectivité en général.

    Les cheminots souhaitent prendre leurs jours de repos au lieu qu’ils soient payés. Cela en dit long sur la colère et la pression au travail. Le fait que la direction de la SNCB pense immédiatement au paiement indique qu’une solution à plus long terme n’est pas envisagée. Le rythme de travail ne peut redevenir humain qu’avec plus de personnel. Cela prendra bien entendu du temps, mais c’est la seule véritable option. Ce n’est pas pour rien que les cheminots l’exigent depuis des années. Si tout le monde prenait d’un coup les jours de repos auxquels ils ont droit, il n’y aurait plus de trains en circulation pendant un bon bout de temps.

    Cette situation est une honte. Si les voyageurs n’en ressentent pas plus les effets, c’est en raison des énormes efforts fournis par les cheminots alors que ces derniers font souvent les frais de leurs frustrations. Même en 2020, l’année des confinements, le nombre de cas d’agression n’a pratiquement pas diminué. Il est grand temps de changer cela. Comme l’exige également la crise climatique, il est urgent d’investir massivement dans des transports publics plus nombreux, gratuits et de meilleure qualité. Les politiciens prétendent défendre le climat, mais depuis des années, ils sont responsables d’une politique qui affame les transports publics.

    Le personnel et les passagers ont des intérêts identiques. Ils devraient lutter ensemble pour ce qui est nécessaire : un personnel aux conditions de travail décentes et avec suffisamment de collègues pour fournir un service de première qualité.

  • Débat sur la gratuité des transports en commun : mobilisons-nous pour en faire une réalité

    Le PS défend la nécessité d’un « électrochoc » dans la crise climatique, il en a assurément créé un dans les médias cette fin septembre… Dans les pages du Soir, le président Paul Magnette a défendu à nouveau des investissements d’ampleur et, chose neuve, la gratuité totale des transports en commun.

    Par Nicolas Croes

    Il faut dire que le PS a bien besoin d’un électrochoc qui attire l’attention de l’opinion… Dans le sondage RTL-Le Soir-HLN-VTM publié le 17 septembre dernier, le parti de Paul et d’Elio était à 21,4% des intentions de vote en Wallonie (4,7% de moins qu’aux élections de mai 2019), talonné par le MR à 20,3% et surtout par le PTB à 18,7%. A Bruxelles, ECOLO, PS et MR sont dans un mouchoir de poche (avec respectivement 19,1%, 18,6% et 18,5%) avec le PTB en embuscade à 15,1%. Le PS a tout intérêt à bander ses muscles et à jouer à l’opposition au sein du gouvernement, rôle qu’il a toujours affectionné ces dernières décennies avant de plier « à cause des libéraux », « à cause des partis flamands », « à cause de l’Europe ». Mais si le PTB dispose d’un tel soutien électoral, c’est justement parce que ça ne fonctionne plus si bien.

    Les temps changent

    Faisant référence à la suspension des normes budgétaire du Traité de Maastricht, Magnette explique : « Le carcan européen épouvantable est suspendu, il faut se battre pour qu’il ne revienne pas. Aujourd’hui, on peut investir massivement. À la limite, le vrai défi c’est de trouver les ressources humaines pour tenir le rythme des investissements. En Wallonie pour arriver à produire les logements, à rénover, aménager les berges, planter des haies, on a presque besoin d’une mobilisation à la Roosevelt. » Un espace s’est effectivement dégagé pour des investissements à la suite de la crise sanitaire et de la crise économique, pour tenter de sauver le capitalisme de lui-même. Qui payera la facture de ces investissements ? Le PS parle encore de la lutte contre la fraude fiscale, prétexte qui par le passé a toujours servi de très inoffensive pour des attaques dures contre la sécurité sociale, les services publics,…

    Comme mesure concrète, Magnette défend la gratuité des transports en commun en se basant sur la réduction de 70 % du tarif TEC pour les jeunes de 18 à 24 ans entrée en vigueur ce 1er septembre. Il annonce du reste une mesure similaire est en préparation pour les Wallons de plus de 65 ans. S’il ne dit rien pour le reste de la population, il parle de suite de la SNCB : la gratuité du rail signifie qu’il y a « 700 millions à récupérer à la SNCB, on peut les trouver » avant de préciser de suite que limiter la mesure aux moins de 24 ans et aux plus de 65 ans ne coûterait que 150 millions.

    Le PS est le champion des promesses non tenues, on le sait. Le Soir rappelait d’ailleurs que Magnette avait en son temps appelé à la gratuité des repas scolaires, ou défendu le retour de la pension à 65 ans. La meilleure manière de voir s’il est sérieux cette fois-ci, c’est de faire vivre la revendication de la gratuité des transports en commun et un refinancement public massif des transports en commun avec un plan d’action concret unissant usagers et personnel des TEC, de la STIB, de De Lijn et de la SNCB. Les syndicats pourraient dans un premier temps prendre l’initiative d’organiser des manifestations locales développant un élan vers une manifestation nationale autour de la tenue de la conférence de l’ONU sur le climat de novembre prochain.

    Une telle campagne active pourrait avoir un succès dans tout le pays, la popularité de la gratuité des transports en commun et son intérêt dans la lutte contre la pollution ne connaissent pas de frontière régionale. Et cela serait aussi l’occasion de mettre à mal le Vlaams Belang et la N-VA.

  • Réorganiser radicalement nos déplacements pour faire face à la crise écologique, une réponse à Magnette et Gilkinet

    Alors que les discussions sur la « mobilité douce » et les éternelles polémiques sur la qualité des transports en commun ponctuent le quotidien des médias, il convient d’en rappeler les enjeux. Les transports sont, avec l’industrie, les deux secteurs les plus polluants dans la société : inutile d’être ingénieur pour en conclure qu’ils doivent faire partie intégrante d’une réponse sérieuse à la crise climatique. Bien que cette idée fasse plutôt consensus, c’est l’ampleur de la tâche et les moyens d’y parvenir qui sont habituellement occultés par les effets d’annonce.

    Réaction d’un cheminot

    Magnette au bluff

    Le dernier exemple en date nous vient du président du PS : se prononçant en faveur de la gratuité de tous les transports en commun(1), y compris le train, Paul Magnette a chiffré le coût de la mesure à 700 millions d’euros par an. Il s’agit du montant que rapporte la vente de titres de transports à la SNCB qui serait donc à compenser(2).

    On ne peut qu’être favorable à cette mesure. Du moins si elle devait être financée par les 1% les plus riches(3) qui, comme Magnette le rappelle à juste titre, polluent bien plus que les plus pauvres. On est moins d’accord lorsqu’il prétend que ces 700 millions d’euros suffiraient à financer un « électrochoc » écologique. C’est en effet le coût à nombre de voyageurs équivalent, alors que ces voyages s’effectuent déjà en train : sans augmentation du nombre de passagers au détriment de la voiture, il n’y aurait donc aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si par contre l’idée est bien d’attirer un nombre important de nouveaux voyageurs, il faudra inévitablement des moyens en infrastructures et en personnel pour les accueillir, ce qui fera donc monter la facture.

    D’après la dernière grande enquête du SPF Mobilité(4) (2019), la voiture représente en Belgique « 61 % des déplacements, contre 14 % pour la marche, 12 % pour le vélo et 11 % pour les transports en commun (train, métro, tram ou bus) ». Pourtant, les émissions en CO2 d’un trajet en train par exemple, sont 6 à 32 fois plus faibles que celles d’un trajet en voiture. L’enjeu est donc d’inverser l’utilisation des modes de transport : l’usage des transports en commun doit devenir dominant, tandis que l’utilisation de la voiture doit devenir exceptionnelle. Ce qui est désigné par « transfert modal » (modal shift). Au-delà de son utilité sociale indiscutable, la gratuité des transports en commun est une mesure qui n’est écologiquement utile qu’à la condition de pouvoir attirer de nouveaux publics.

    Gratuité ou amélioration de l’offre : le faux débat

    Et pour attirer de nouveaux publics, encore faut-il qu’il y ait une offre. Pour énormément de familles, il est aujourd’hui quasiment impossible de se passer d’une voiture personnelle pour aller travailler, amener les enfants à l’école et avoir des loisirs. L’offre doit être étendue tant en termes d’horaires (une fréquence plus élevée, des transports plus tôt et plus tard) qu’en termes d’espace, c’est-à-dire en ouvrant de nouvelles lignes de trains et de bus. Ce dernier point est particulièrement important pour que la mesure de la gratuité remporte l’adhésion des habitants des communes rurales, déjà privés d’accès de beaucoup de services publics alors qu’ils contribuent aux impôts comme les autres.

    Même là où l’offre existe déjà partiellement, en l’état actuel des choses il est souvent moins cher pour une famille de se déplacer en voiture qu’en transports en commun. Le coût fixe de la voiture est important et doit être amorti, le transport en commun est donc vécu comme un coût supplémentaire. Mais si l’offre était suffisamment développée que pour les convaincre d’abandonner la ou les voitures familiales, la fréquentation des transports en commun connaîtrait un bond en avant énorme, formant le fameux « transfert modal ». La gratuité et le développement de l’offre sont donc les deux faces indissociables d’une même pièce.

    Pendant les années 1930 – autrement dit avant l’avènement du modèle de la voiture individuelle – il existait en Belgique 5 125 km de lignes ferroviaires desservant 1 500 gares. Il y a aujourd’hui 3 600 km de lignes et 554 gares et points d’arrêts. Durant toute la deuxième moitié du 20e siècle, c’est la voiture qui a été mise au centre du développement des infrastructures. Culpabiliser ou surtaxer les automobilistes est avant tout un aveu d’impuissance des politiciens capitalistes qui n’ont pas de programme sérieux pour engager un vrai changement de cap.

    Redévelopper massivement l’infrastructure en transport en commun va nécessiter des budgets colossaux que seuls les états sont capables de lever, comme ce fût d’ailleurs le cas au 19e siècle lors de la naissance de ces réseaux. Le secteur privé ne nous sera d’aucune aide si ce n’est pour grappiller des profits pour les actionnaires. Nous entendons beaucoup parler d’ « intermodalité » (faire ses trajets en utilisant plusieurs types de transports) dans la bouche des responsables politiques. Mais les logiques de privatisations et de libéralisations ne font que saucissonner l’organisation du service entre de multiples entreprises, entraînant gaspillages et dilution des responsabilités. La scission entre la SNCB et Infrabel organisée en 2005, puis en 2012 par ce même Paul Magnette, en est le meilleur exemple.

    Gilkinet le défenseur du libre marché

    Jamais nous n’avons eu autant besoin qu’aujourd’hui de transports publics accessibles et de qualité. Les politiciens traditionnels sont coincés entre cette augmentation des besoins et ce qu’ils appellent la « réalité budgétaire », c’est-à-dire ce qui est permis ou non dans le cadre de leur système. C’est cette contradiction grandissante qui explique certains épisodes surréalistes. Comme lorsqu’à la mi-septembre, Infrabel annonçait qu’elle allait peut-être être contrainte de fermer 5 lignes ferroviaires faute de budget(5), alors que le ministre Gilkinet continuait à répéter encore le jour-même que son objectif était d’avoir « 1 train toutes les 10 minutes dans les agglomérations, 1 train toutes les 30 minutes partout ailleurs ». Combler les besoins sociaux et répondre à la crise climatique ne sera pas possible sans rompre avec les règles du système capitaliste, un système qui marche sur la tête.

    Dans L’Echo du 28 septembre(6), Georges Gilkinet rappelle le retard en investissements et la nécessité d’augmenter l’offre ferroviaire. Avant de préciser sa volonté de respecter une « trajectoire budgétaire sérieuse avec un effort annuel fixe de 0,2% du PIB ». Où faut-il donc aller chercher l’argent ? Certainement pas dans les poches du grand patronat. Gilkinet rassure ceux qui pouvaient encore en douter : « derrière moi il y a la FEB ».

    Ce dont nous avons besoin

    La CGSP Cheminots rappelait il y a quelques jours la réalité du terrain sur le rail(7) à l’occasion de l’échec des négociations pour un accord social : 5.000 emplois perdus en 5 ans et une hausse de productivité de 20%. Après 3 milliards d’euros de coupes budgétaires pendant les gouvernements Di Rupo et Michel, et avec un nouveau ministre de la mobilité Ecolo, on aurait pu croire que les dotations allaient enfin remonter. La dotation d’Infrabel est pourtant rabotée de 94 millions d’euros pour la période 2021 – 2024, une information dont Gilkinet s’était bien gardé de faire la publicité. Bien que certains budgets ont été débloqués pour des investissements, les dotations d’exploitation d’Infrabel et de la SNCB sont aujourd’hui bien trop faibles : non seulement elles ne permettront pas d’améliorer l’offre de transport, mais elles sont même insuffisantes pour assurer celle qui est actuellement prévue !

    Cette pression financière croissante sur les transports publics a aussi mené à une organisation du travail en flux tendu, tant au niveau du personnel que du matériel, rendant difficile de palier à l’imprévu. Une panne ou du personnel bloqué dans un train en retard suffisent pour en bloquer beaucoup d’autres, car le matériel et le personnel de réserve ont été réduits au minimum. La fiabilité et la ponctualité s’en ressentent. Il faut donc sortir de cette logique pour améliorer l’offre non seulement en terme de quantité mais aussi de qualité. Il s’agit également d’assurer la présence de personnel dans les trains et dans les gares, puisque l’on sait que le sentiment s’insécurité joue aussi un grand rôle dans le choix ou non d’utiliser les transports publics(8). Et de donner à ce même personnel les moyens pour faire son travail correctement.

    Pour un véritable « électrochoc face à la crise climatique » dans les transports, il n’existe pas de mesure unique. C’est d’un plan solidement pensé et financé dont nous avons besoin. Avec pour objectif que d’ici quelques années, l’écrasante majorité des trajets des gens soient faisables en transport en commun de manière sûre, fiable et confortable. Les montants nécessaires à ce projet requièrent une réorientation massive des richesses dans le développement des transports moins polluants. Et une planification rationnelle de la production qui n’a rien de compatible avec l’économie de marché. Les grandes annonces médiatiques de Magnette et de Gilkinet en sont loin.

    Notes :

    1. https://plus.lesoir.be/396852/article/2021-09-25/mobilite-paul-magnette-veut-la-gratuite-de-tous-les-transports-en-commun
    2. Chiffres de 2019. Notons qu’une partie de ce montant provient des abonnements domicile-travail, eux-mêmes financés en grande partie par les employeurs.
    3. Paul Magnette propose de financer la mesure en augmentant la taxe sur les comptes-titres de 0,15% à 0,5%. Mais le journal L’Echo expliquait en novembre 2020 comment il est assez simple pour les millionnaires de l’éviter : https://www.lecho.be/entreprises/banques/la-nouvelle-taxe-comptes-titres-prend-deja-l-eau/10263334.html
    4. https://mobilit.belgium.be/sites/default/files/partie_mobilite_novembre_2019_final.pdf
    5. https://www.dhnet.be/actu/societe/cinq-lignes-ferroviaires-pourraient-etre-supprimees-a-l-horizon-2024-614088189978e2642a1a1d2e
    6. https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/georges-gilkinet-ecolo-ce-que-les-belges-attendent-c-est-une-meilleure-offre-ferroviaire/10335217.html
    7. https://www.facebook.com/paroledecheminots/posts/4693509127326761
    8. https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210112_01544630/le-train-victime-des-agressions-sexuelles
  • Rail : « Nous sommes à bout de nerfs »

    Nous nous sommes entretenus avec Joachim Permentier, du Syndicat indépendant des cheminots (SIC).

    Début avril, l’OVS a publié une lettre ouverte dénonçant la situation des chemins de fer belges, pourquoi donc ?

    « L’élément déclencheur de la lettre ouverte a été la discussion concernant la décision selon laquelle les passagers à destination de la côte ne devaient être autorisés qu’à s’asseoir du côté de la fenêtre. Cependant, il y a quelque chose de beaucoup plus fondamentalement problématique avec nos chemins de fer.

    « Nous avons soulevé diverses situations d’insécurité depuis le début de la crise sanitaire, dans toutes sortes de comités de sécurité, mais la direction et le gouvernement font la sourde oreille. Nous avons donc essayé par le biais d’une lettre ouverte et dans les médias. La direction et les dirigeants politiques ont gardé un silence assourdissant après cela.

    « La situation devient de plus en plus inquiétante et nécessite des solutions urgentes. Le personnel était déjà à bout de nerfs et puis le corona est arrivé. »

    Quel est le problème ?

    « Les années de politique néolibérale imposée à la SNCB par les politiciens et mise en œuvre par son conseil d’administration nommé par les politiciens. Nous devons transporter de plus en plus de personnes avec de moins en moins de moyens. Les chemins de fer belges ont été divisés en trois parties qui fonctionnent beaucoup moins bien et plus inefficacement qu’ensemble. Tout cela pour nous préparer à une future privatisation. Le personnel a été mis à contribution avec des augmentations de production successives. Là, nous sommes à bout, il n’y a plus de marge pour absorber plus. »

    Comment cela peut-il être changé ?

    « Tout d’abord, des mesures immédiates sont nécessaires pour améliorer la sécurité dans les gares et dans les trains. Fournir gratuitement au personnel et aux passagers des équipements de sécurité, tels que du gel alcoolisé et des masques décents, serait une bonne première étape. En outre, les trains où la climatisation ou la ventilation ne fonctionnent pas, ou les toilettes ne sont pas disponibles, doivent être immédiatement mis hors service jusqu’à ce qu’ils soient réparés.

    « Des capacités supplémentaires sont également nécessaires. Les trains Thalys restent aujourd’hui inutilisés sur la voie de garage, le trafic international ayant été fortement interrompu. Thalys a demandé une aide de l’État pour survivre. Pourquoi ne pas la renationaliser afin de pouvoir immédiatement utiliser ce matériel ?

    « La chose la plus importante, c’est de changer la logique dominante. Les sentiments du personnel sont passés de la critique et de l’inquiétude à l’indignation et à la colère en un court laps de temps. S’il n’y a pas de solution, les actions suivront. »

  • Des investissements dans le rail, au profit de qui ?

    A la tête du ministère de la mobilité depuis octobre 2020, le vice-premier ministre Georges Gilkinet est déjà sous pression. Le nouveau plan de fermeture de 44 guichets de gares de la SNCB a été immédiatement décrié par les associations de navetteurs, les syndicats et les bourgmestres des communes concernées. Le ministre a d’abord feint de ne pas avoir été prévenu de la décision, avant que la patronne de la SNCB ne le corrige publiquement. Un mensonge éhonté qui a fait l’effet d’une bombe. Les élus des partis traditionnels ont alors crié au scandale, oubliant de préciser au passage que tous ces partis sont représentés au Conseil d’Administration de l’entreprise ferroviaire. Le bal des hypocrites était spectaculaire.

    Ecolo sous pression

    Le ministre n’était pourtant pas avare en promesses. Dès la formation du gouvernement, il annonçait d’emblée : « Ce gouvernement, le plus vert de l’histoire, a pour ambition de modifier durablement la mobilité dans le pays ». Et de lister les objectifs. Finalisation du RER. 2 trains par heure sur toutes les lignes, 1 train toutes les 10 minutes sur les trains S (agglomération bruxelloise). Un plan d’investissement pour l’accessibilité des gares et l’augmentation de la hauteur des quais. Un doublement du volume de marchandises transportées par rail d’ici 2030. Et une série d’idées pour rendre le train plus confortable et agréable.

    Des trains plus nombreux, plus accessibles, plus confortables et plus ponctuels. C’est somme toute ce que chaque ministre de la mobilité nous promet lors de son installation. Mais l’ « écologiste » se distingue tout de même par la hauteur de ses promesses. C’est qu’en matière de mobilité, Ecolo a une obligation de résultats. Le parti est monté au gouvernement contre quelques petites concessions des partis de droite. Il aura bien besoin d’améliorations tangibles dans les transports en commun pour y défendre sa participation, quelques années après un mouvement de grèves scolaires historique pour le climat.

    L’impact de la crise sur les chemins de fer

    La crise du coronavirus a très durement impacté les chemins de fer. Les trains ont continué à rouler pour assurer les voyages essentiels dans le cadre de la continuité du service public. Mais les revenus ont logiquement chuté. Pendant la première vague la fréquentation avait baissé à 10% du nombre de voyageurs par rapport à 2019, aujourd’hui à 40%. La Vivaldi a compensé ces pertes à hauteur de 264 millions d’euros pour la SNCB et de 46,9 millions pour Infrabel. 100 millions ont été versés à la SNCB pour compenser la perte de revenus suite à la distribution des « Hello Belgium Pass » (des billets gratuits que le gouvernement temporaire avait décidé de distribuer l’automne dernier dans l’espoir de relancer l’économie), qui représentent 36 millions de trajets offerts. Mais à elle seule, la SNCB annonce une perte d’exploitation d’environ 400 millions d’euros pour 2020.

    Ces mesures n’ont donc compensé que partiellement les dégâts de la pandémie sur les finances du rail. Et les chiffres de fréquentation ne devraient pas revenir à leur niveau de 2019 avant 2023, en raison des craintes sanitaires mais aussi de la popularisation du télétravail.

    Rattraper le sous-investissement

    En termes d’investissements, le ministre Gilkinet a annoncé 25 millions d’euros de supplément pour la SNCB, et 75 millions pour Infrabel (qui s’occupe de l’infrastructure), dans le cadre du « Plan Boost 2021 ». Des sommes bienvenues mais qui font pâle figure pour un gouvernement qui se proclame « le plus vert de l’histoire ».

    De quoi peut-être rattraper une partie du sous-investissement structurel accumulé sur les trois dernières décennies. Des années ‘90 à 2019, le nombre de voyageurs a explosé, tandis que le nombre de cheminots n’a fait que baisser. Sur les législatures des gouvernements Di Rupo et Michel, ce sont au total 3,06 milliards d’euros qui ont été économisés. Jacqueline Galant, ex-ministre de la mobilité mais toujours bourgmestre de Jurbise, dénonce aujourd’hui la fermeture des guichets de sa gare : c’est pourtant elle qui, en 2015, justifiait la réduction de la dotation de la SNCB par la « chasse aux gaspillages » ! Infrabel estime avoir besoin de 92 millions d’euros supplémentaires en 2021 rien que pour maintenir l’infrastructure actuelle en l’état, et éviter de nouveaux ralentissements ou fermetures de lignes.

    Gilkinet dit espérer convaincre ses partenaires de gouvernement d’augmenter les investissements dans les années à venir. Pour le reste, il s’en remet au plan d’investissement européen, dont les arbitrages sont en cours. La Belgique devrait recevoir près de 6 milliards du « plan pour la reprise et la résilience ». 1,1 milliard d’euros de ce budget devrait être consacré au développement du ferroviaire et à la modernisation de certains axes stratégiques (jonction Nord-Midi, axe Bruxelles-Luxembourg, accès portuaires, etc.).

    Socialisation des pertes, privatisation des profits ?

    La SNCB est prolongée de 10 ans comme opérateur unique du service public. Mais le processus de libéralisation n’est pas remis en cause. Le nouveau gouvernement a utilisé « l’attribution directe », une possibilité laissée par les traités européens qui permet de n’activer la libéralisation qu’à partir de 2033. Un opérateur privé peut toutefois déjà déposer candidature pour faire circuler des trains de voyageurs en trafic intérieur, mais pas dans le cadre des missions de service public, et donc sans subventions. Le seul candidat déclaré a renoncé en 2020 en raison de la crise.

    A court terme, la SNCB ne sera probablement pas mise en concurrence et restera publique ; une victoire pour les voyageurs et le personnel. Mais le contexte économique du secteur ferroviaire n’étant pas favorable aux bénéfices, il ne faut pas y voir une concession des partis de droite. Le grand patronat est toujours ravi qu’une entreprise comme la SNCB reste publique lorsque les bilans sont négatifs. Ils réclameront leur part dès lors qu’il y aura possibilité de faire des bénéfices.

    Quant aux investissements européens en discussion, ils concernent dans leur grande majorité des projets d’infrastructure. Cela bénéficierait à n’importe quel opérateur ferroviaire voyageur, public ou privé ; mais aussi aux opérateurs de fret, alors que le transport de marchandises est aux mains du privé depuis quelques d’années.

    L’accord de gouvernement de septembre soufflait en fait le chaud et le froid, confirmant le rôle de la SNCB comme opérateur de service public tout en annonçant parallèlement un « projet pilote » d’appel d’offres dans un « bassin de mobilité » en Flandre et en Wallonie. Et « l’exploration de la piste d’une expertise privée au sein de la SNCB ».

    Le risque est grand de voir de l’argent public dépensé pour moderniser des outils qui serviront ensuite aux actionnaires pour faire du profit. Nous devons nous battre pour que les investissements soient basés sur les besoins de la majorité sociale et que l’ensemble du service ferroviaire soit public.

    Les réformes antisociales continuent

    Le chantage à la libéralisation / privatisation va donc continuer, et son lot de politiques antisociales. Alors que le personnel est encore aux prises avec les risques sanitaires, la direction de la SNCB met en pratique de nouvelles réformes visant les couches hiérarchiques intermédiaires. Son objectif est d’avoir du personnel d’encadrement plus obéissant et plus ouvert au fonctionnement du privé.

    Le nouveau plan de transport 2020-2023, partiellement d’application depuis décembre dernier, prévoit l’ajout de 161 trains supplémentaires en semaine et 200 en weekend. Avec quel personnel ? L’augmentation des cadences rend les journées toujours plus dures pour le personnel. L’arrivée d’un « pro-chemins de fer » au ministère de la mobilité n’a stoppé en rien les politiques de hausse de productivité brutale, d’externalisation, de flexibilisation et d’attaques du statut cheminot.

    Les futures négociations autour du protocole d’accord social s’annoncent à nouveau agitées. Reporté d’un an en 2019 suite au cahier revendicatif imbuvable de la direction et de la grève de 24h qui s’en était suivi, reporté à nouveau d’un an en 2020 suite à la crise sanitaire, il devrait définitivement aboutir en 2021. Mais l’absence d’accord n’a pas empêché la direction d’avancer ses pions, tandis que l’accord de gouvernement prévoit de préparer les « ressources humaines » aux règles de la concurrence. Il ne fait aucun doute que la direction va utiliser la menace de libéralisation et les pertes liées à la crise pour s’attaquer au personnel.

    Les cheminots et leurs syndicats devront s’avancer unis et déterminés pour obtenir des victoires. Les salaires n’ont pas été augmentés depuis une douzaine d’années et nous n’avons pas reçu de « prime corona » malgré les risques encourus au plus fort des deux vagues. Obtenir un accord ne doit pas être un objectif en soi : en l’absence de rapport de force, cela pourrait même constituer un recul. Mettre fin à la politique de l’enveloppe fermée et aux augmentations de productivité sur le dos du personnel est possible, mais nécessite d’organiser un plan d’action dès maintenant.

    Le rail doit rester public

    Après des décennies de coupes budgétaires, des moyens sont enfin dégagés pour le rail. Mais pour répondre au défi climatique et changer radicalement la façon dont on se déplace, quelques mesures vertes ne suffiront pas. Des moyens doivent être dégagés pour que les cheminots puissent travailler dans de bonnes conditions et assurer la qualité du service. Les projets de libéralisations et de privatisations ne doivent pas seulement être reportés, mais jetés à la poubelle.

    Une femme sur trois craint de prendre le train par peur des agressions sexuelles. C’est le résultat d’une enquête commandée par le SPF Mobilité fort commentée dans la presse le mois dernier. En l’absence de guichetiers ou d’autres membres du personnel pas suffisamment « rentables », le contrôle social en gare est réduit à son strict minimum. Et c’est précisément la politique de « préparation à la libéralisation » qui mène à nouveau à des suppressions de postes ! Nous n’avons pas besoin de libéralisation ni de privatisation : nous avons besoin d’un service public géré et financé sur base des besoins de mobilité et de sécurité !

    Dans l’intérêt des cheminots comme des usagers, nous avons besoin d’un changement à 180 degrés. Infrabel, la SNCB et les services externalisés doivent être à nouveau fusionnés pour constituer un service public qui assure des solutions collectives à la mobilité. Le chemin de fer doit être géré démocratiquement pour répondre à nos besoins, et non pour préparer la soif de profit de quelques actionnaires.

  • De Lijn utilise du ruban adhésif pour protéger les conducteurs…

    Photo: Wikimedia

    Une protection sérieuse exige un investissement sérieux !

    La crise sanitaire actuelle montre à quel point les économies et l’indigence des moyens sont désastreux pour les transports publics. Au lieu de tout faire pour rendre les transports publics aussi sûrs que possible, les passagers sont invités à les utiliser le moins possible et à porter un masque. Pratiquement toutes les mesures destinées au personnel sont arrivées trop tard.

    Par un chauffeur de bus

    Depuis le 13 mars (le début du confinement), le personnel a menacé de passer à l’action et l’a fait. Il s’agissait d’abord de monter à l’arrière du bus et de ne plus percevoir d’argent. Après cela, il y a eu une discussion sur le nettoyage des bus avec notamment une grève dans le Limbourg. Il y avait un problème pour prendre le début du service au dépôt plutôt que sur la ligne à Anvers. Les techniciens manquaient de matériel de protection. Et un préavis de grève a été déposé concernant la protection des chauffeurs.

    Après seulement deux mois, un certain nombre de mesures sont déjà en cours de suppression. Par exemple, les bus ne seront désinfectés qu’à certains endroits sur une base quotidienne. Le vrai nettoyage a lieu toutes les six à huit semaines !

    Les bus circulent avec ce que De Lijn appelle un ‘‘compartiment fermé’’. Cela sonne bien mais dans les faits, ce n’est qu’une simple feuille de plastique fixée avec du ruban adhésif. La direction promet qu’il s’agit d’une solution temporaire et que d’autres mesures seront bientôt prises mais après plus de deux mois, on ne voit toujours rien venir. C’est révélateur de la situation d’un service public tel que De Lijn.

    La direction n’est pas en mesure de protéger le personnel et se décharge donc de ses responsabilités sur les voyageurs. Il leur suffit de porter un masque et de se laver les mains. Cette obligation de porter un masque pour les passagers est utilisée pour justifier que les chauffeurs travaillent dans des véhicules bondés.

    Il serait logique qu’il y ait une augmentation de la capacité, en plus d’un plan pour vraiment nettoyer et décontaminer tous les véhicules quotidiennement. Il serait logique d’utiliser des accompagnateurs, des stewards et une deuxième personne dans les véhicules pour accompagner les passagers et comme contrôle social. Rien de tout cela n’est sur la table. De plus, même avec des services réduits, il y a encore des lignes qui ont été supprimées par manque de personnel et/ou de matériel de conduite.

    Un certain nombre de choses peuvent être résolues par des mesures temporaires. Par exemple, les chauffeurs des sociétés d’autocar au chômage pourraient être utilisés. Mais les choses doivent changer structurellement : de sérieux investissements publics sont nécessaires. Nos transports publics ont besoin d’un plan d’urgence.

    Ce plan doit répondre aux préoccupations justifiées du personnel concernant l’hygiène et les conditions de travail. Maintenant qu’il est clair qui est le ‘‘personnel essentiel’’ que De Lijn conduit, d’autres revendications doivent également être mises sur la table : la réduction du temps de travail, la réduction de l’âge de la retraite, des installations sanitaires décentes, la réduction des interruptions de service … Cela doit être combiné avec des investissements importants pour que la capacité de service puisse augmenter et qu’un personnel suffisant puisse être déployé.

    Cela ne tombera pas du ciel. Dans plusieurs villes, on signale qu’un nouveau plan de réseau est en cours de préparation ou sera préparé avant la fin de 2021 dans le cadre de l’accessibilité de base. Une constante est que toute expansion ou amélioration sera payée par un transfert de moyens, c’est-à-dire par la suppression d’autres lignes. Pour de réelles améliorations, nous devons organiser le personnel et les passagers ensemble dans une lutte pour des transports publics de qualité.

     

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