Category: Le PSL

  • Hommage: Perte tragique du camarade Andrei Klimentov

    Avant hier, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, Committe for a Workers’ International – CWI) a appris la triste nouvelle de la mort du camarade Andrei Klimentov, de la région d’Aktubinsk, au Kazakhstan. Membre du CIO au Kazakhstan depuis 2006, Andrei avait déjà fait ses preuves en tant qu’organisateur et dirigeant socialiste dans sa région. Des années durant, il a aussi réputé en tant que journaliste courageux, militant, et défenseur des droits de l’homme, ce qui l’a fréquemment amené en conflit avec le régime autoritaire du président Nazarbayev.

    socialistworld.net

    Le CIO envoie ses condoléances à la jeune famille d’Andrei ainsi qu’à ses camarades au Kazakhstan. Son décès est une immense perte pour le mouvement ouvrier et socialiste de son pays. Cependant, le courage d’Andrei, lorsqu’il faisait face à la persécution étatique, et sa lutte contre la pauvreté, la corruption, le capitalisme et pour une société socialiste vivront en tant que source d’inspiration pour les camarades du CIO au Kazakhstan, dans la CEI et internationalement.

    Ci-dessous, Ainur Kurmanov, militant bien connu de Résistance Socialiste (CIO-Kazakhstan), qui tout comme Andrei a été et est encore régulièrement persécuté par le gouvernement répressif de droite (il a passé le dernier Noël en prison) rend hommage au camarade Andrei Klimentov.

    Perte tragique du camarade Andrei Klimentov

    Un courageux activiste socialiste, un journaliste militant et un défenseur des droits de l’homme

    Ainur Kurmanov, Résistance Socialist (CIO-Kazakhstan)

    Notre camarade est mort !

    Le 20 janvier 2009, le camarade Andrei Klimentov est décédé d’une attaque cardiaque, au jeune âge de 35 ans. Andrei était un journaliste de talent, qui travailla pendant de nombreuses années en tant que militant pour les droits de l’homme au Bureau International des Droits de l’Homme du Kazakhstan et un dirigeant de Résistance Socialiste (CIO-Kazakhstan) dans la région d’Aktubinsk.

    Andrei a toujours fait partie de ce genre de personnes incapables de rester indifférentes face à l’injustice ; ceci se voyait à la fois dans son travail et dans sa vie privée. Les articles qu’il faisait publier le menaient souvent au tribunal. Il avait été récemment nommé à la direction du Aktubinsk Times, et avant cela était un contributeur renommé à des journaux nationaux tels que La République, Libre parole, et Vremya. Andrei écrivait également pour des sites internet et était reporter pour la radio Azattyk. Andrei s’était fait beaucoup d’ennemis à cause de son franc-parler. En 2004, il a brutalement été battu par des agresseurs inconnus, et l’a encore été l’an passé, avec de graves conséquences.

    Depuis sa jeunesse, Andrei participait à des activités politiques et sociales. Il avait démarré un groupe proche de l’anarchisme, et fut un des fondateurs du célèbres Punk club, au début des années ‘90. Il devint ensuite un partisan du rockeur Yerman Anti. En 2006, Andrei rejoignit Résistance Socialiste et fonda la section d’Aktubinsk, qui commença immédiatement à gagner la sympathie des jeunes de la ville. Il organisa de nombreux événements politiques, de même que de nombreux concerts de rock politique.

    Andrei prenait très à cœur les événements qui se déroulent dans notre pays. Malheureusement, il souffrait aussi de problèmes cardiaques depuis un très jeune âge. Néanmoins, en plus de sa gentillesse et de son ouverture véritable, Andrei possédait un grand sens de l’humour. Connaissant son goût pour les farces, les amis d’Andrei n’ont pas cru qu’il était réellement mort – et il ne fait aucun doute qu’ils ne voulaient pas croire une nouvelle aussi tragique.

    Andrei laisse sa femme, Olga, qui est représentante du Bureau des Droits de l’Homme à Aktubinsk, et un jeune fils, Ivan.

    Andrei est mort dans son lit, pendant son sommeil, lorsque son cœur s’est arrêté. Résistance Socialiste – Kazakhstan pleure la perte impondérable de notre camarade. Nous ne l’oublierons pas.

  • Le Mouvement pour une Alternative Socialiste (MAS) devient le Parti Socialiste de Lutte (PSL)

    Remettons le socialisme à l’ordre du jour!

    Certains ont déjà pu constater que le MAS-LSP a décidé d’adopter le nom de PSL – Parti Socialiste de Lutte du côté francophone. Comme nous l’avons déjà fait en Flandre avec le nom de LSP – Linkse Socialistische Partij, nous voulons explicitement mettre sur pied un nouveau parti du côté francophone. Un parti n’est pas pour nous une machine électorale et un instrument servant à promouvoir des carrières, comme c’est le cas pour les politiciens traditionnels, mais bien un groupe de personnes qui élabore en commun, par la discussion, un programme et des tactiques et qui les réalise ensemble dans la pratique.

    Nous voulons utiliser la campagne électorale de juin pour nous profiler en tant que Parti Socialiste de Lutte et populariser ainsi notre nouveau nom. Nous ne pensons toutefois pas être aptes à remplir seuls le vide existant à la gauche du PS et d’ECOLO. Aucune force n’est aujourd’hui dans la possibilité de présenter une alternative solide pour les prochaines élections à une large échelle. Nous défendons l’idée d’un nouveau parti pour et par les travailleurs dans notre propagande depuis la moitié des années ’90, ce que les organisations de la gauche radicale ne sont pas capables de construire sur base de leurs seules forces. En attendant qu’une telle opportunité ne se présente, nous voulons diffuser cette idée de la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs comme important pas à mettre en avant pour le mouvement ouvrier. Mais maintenant, avec le Parti Socialiste de Lutte, nous voulons propager de façon offensive les idées du socialisme non seulement aux élections, mais également dans les luttes concrètes.

    En 2001, quand nous avons adopté du côté néerlandophone le nom de LSP – Linkse Socialistische Partij (‘Parti Socialiste de Gauche’), nous avons correctement estimé qu’il était encore prématuré d’adopter un nom similaire du côté francophone vu notre autorité et notre implantation nettement plus restreinte. Le lancement du LSP en Flandre à ce moment précis n’était pas un choix anodin mais une nécessité découlant des nouvelles conditions qui se développaient, ce qui exigeait des tactiques nouvelles. La période des années ’90, période d’offensive des idées néolibérales et de vaste recul des idées socialistes, commençait à approcher de sa fin. Le mouvement contre la mondialisation capitaliste était alors en plein essor, un précurseur des mouvements plus larges de la classe ouvrière. La recherche de solutions collectives commençait à réémerger.

    Depuis lors, notre réputation à l’échelle nationale a progressé, très certainement parmi les jeunes avec notre organisation étudiante des Etudiants de Gauche Actifs (EGA-ALS) ainsi qu’avec notre campagne Résistance Internationale/Internationaal Verzet, mais également dans une mesure nettement plus limitée dans certains quartiers (comme sur la question du logement avec les locataires des logements sociaux de Droixhe à Liège ou à Brugsepoort à Gand). Notre participation au Comité pour une Autre Politique ainsi que nos interventions dans les mouvements de travailleurs ces dernières années (comme lors des grèves générales contre le Pacte des Génération, dans le mouvement pour le pouvoir d’achat ou dans des mobilisations plus limitées) nous ont permis de promouvoir notre alternative socialiste parmi un couche plus importante qu’auparavant de travailleurs, de militants et de délégués plus âgées en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.

    Depuis peu, les événements se bousculent et effrayent. La crise économique sonne le glas de l’ère précédente du libre marché et aura des répercussions sociales gigantesques. D’ores et déjà, des dizaines de milliers de travailleurs perdent leur emploi, la pauvreté frappe un plus grand nombre et les conditions de vie des nouvelles générations seront bien plus dégradées. Les conséquences de la crise auront un immense impact sur la conscience des travailleurs, mais pas de façon uniforme. Une colère immense se développe dans la population, ce qui représente des opportunités importantes pour les forces de gauche, mais des forces de droite pourront aussi se développer sur base de critiques sur l’establishment si aucune solution collective n’est présentée.

    Les luttes seront dans un premier temps essentiellement défensives mais à l’heure actuelle déjà, progressivement, une minorité grandissante remet en cause le syndicalisme de concertation et s’oriente vers un syndicalisme de lutte. La remise en cause du capitalisme reprend ses droits. Une couche croissante, mais certes encore restreinte, est à la recherche d’une alternative politique et certains en tirent des conclusions socialistes.

    Avec la politique néolibérale, les riches sont devenus super-riches. Les 30.000 plus grandes entreprises de Belgique ont réalisé en 2007 uniquement un bénéfice de 79 milliards d’euros. Pourtant, ce sont ceux là mêmes qui se sont tellement enrichis qui contribuent le moins aux recettes fiscales de l’Etat grâce aux nombreux cadeaux néolibéraux donnés aux patrons. Le Gouvernement n’hésite pas à débourser des milliards d’euros quand il s’agit de sauvegarder les intérêts des banquiers et des capitalistes. Les politiciens privatisent les entreprises publiques pour une bouchée de pain quand on peut faire des profits, mais les pertes, elles, sont nationalisées sur le dos de la collectivité.

    Les capitalistes peuvent compter sur leurs politiciens pour essayer de faire payer la crise aux travailleurs et à leur famille. Le PS se veut aujourd’hui leur meilleur instrument politique pour ce faire. Alors que la crise économique, sociale et politique illustre la faillite du système capitaliste, le PS résume son alternative comme suit : «non au capitalisme débridé et oui à l’économie de marché régulée». Il ne cherche aucunement à offrir une alternative aux travailleurs mais à trouver le moyen le mieux adapté de gérer le système capitaliste avec de nouvelles conditions tandis que les liens entretenus avec les sommets syndicaux sont utilisés pour faire accepter aux travailleurs que c’est à eux de devoir à nouveau se serrer la ceinture ainsi que pour éviter toute large résistance face aux fermetures d’entreprise et aux vagues de licenciements.

    Avec le Parti Socialiste de Lutte, nous voulons nous référer aux traditions du mouvement des travailleurs en Belgique. La création d’un parti ouvrier indépendant à la fin du 19e siècle a offert un instrument gigantesque au mouvement ouvrier. Ce parti était un instrument de lutte pour la base, même si sa direction réformiste faisait tout pour étouffer chaque lutte. Le socialisme était l’alternative naturelle à laquelle les militants de base des partis sociaux-démocrates aspiraient. Mais le parlementarisme de la direction réformiste a conduit le mouvement socialiste dans une impasse et a coulé le parti.

    Aujourd’hui, le PS et le SP.a sont complètement bourgeois et se font garants des profits capitalistes. Le PS a embrassé le néolibéralisme au gouvernement pendant 20 années. Quand les travailleurs sont entrés en lutte, ils ont régulièrement été confrontés à des ministres sociaux-démocrates; contre Onkelinx quand elle était ministre de l’enseignement en communauté française ou contre Freya Van den Bossche et le Pacte des Générations quand elle était ministre de l’emploi, entre autres.

    Nous voulons renouer avec les meilleures traditions du mouvement ouvrier, non pas celles du réformisme mais celles des luttes révolutionnaires. Nous pensons aujourd’hui que LSP (‘Parti Socialiste de Gauche’) en néerlandais et PSL (Parti Socialiste de Lutte) en français sont les noms qui expriment le mieux l’opposition entre les idées du socialisme révolutionnaire et celles du réformisme compte tenu de la conscience actuelle. Le terme de ‘Gauche’ a des connotations différentes dans les deux parties du pays, un élément plus ‘rebelle’ est présent en néerlandais tandis qu’il n’entre pas suffisamment en opposition avec l’establishment du côté francophone. Le terme de ‘lutte’ se réfère aux traditions de syndicalisme combattif de la classe ouvrière en Wallonie. Mais cela ne veut cependant en aucun cas dire que nous ne sommes plus un seul et même parti national.

    En tant que socialistes, nous luttons pour chaque acquis favorable aux travailleurs et à leur famille. Mais du moment que les relations de force sont en leur faveur, les capitalistes sont prêts à tout pour remettre chaque chose en question. Pour que les richesses produites par les travailleurs soient utilisées non pas pour les profits d’une poignée de capitalistes mais par et pour la collectivité, nous devons nous débarrasser de ce système et bâtir une société socialiste.

    Le PSL-LSP intervient dans les luttes des travailleurs et des jeunes, mènent des campagnes, défend une orientation pour des syndicats de lutte démocratique et construit ensemble les fondations d’un petit parti socialiste révolutionnaire de masse, un édifice auquel chacun à sa pierre à apporter. Aidez-nous à faire connaître ce parti à l’occasion de la campagne électorale ! Rejoignez-nous !

  • La question nationale: histoire récente et perspectives

    Dans ce chapitre nous nous exprimons sur l’effet de la crise sur les soi-disant accords de paix et l’éparpillement des Etats nations. Nous ne le faisons que dans la mesure où cela affecte la Belgique où la prochaine reforme d’Etat a pour principal but la création d’un cadre dans lequel la bourgeoisie peut appliquer sa politique d’assainissement via la responsabilisation des régions.

    Cinquième partie de notre texte de perspectives pour notre dernier Congrès National

    142. L’Etat-Nation est et reste fondamental pour le capitalisme. Dans la période de mondialisation, qui pour l’instant est en train de se transformer en son contraire, l’illusion que la bourgeoisie avait dépassé cette question a été entretenue. Dans les années ‘90, période de la pensée unique néolibérale, l’idée se développait selon laquelle les Etats nationaux perdaient de leur importance au profit des entreprises multinationales, qu’une réelle unification des peuples était possible avec la création de blocs régionaux (en particulier autour de l’Union Européenne qui a suscité une réelle euphorie avec une monnaie unique, l’idée d’une véritable constitution, la création d’une armée européenne,…), que la question nationale pouvait être résolue de façon pacifique et en concertation au travers de concessions mutuelles et toutes formes de partages de pouvoir,… Il est de plus en plus évident aujourd’hui que, bien que le capitalisme ait pu repousser temporairement ses limites, il est à nouveau repoussé dans celles-ci – un processus qui va se poursuivre par secousses dans la période à venir. La montée du protectionnisme sera un élément de ce processus, ainsi que celle des tensions entre et à l’intérieur des différents Etats-Nations.

    Le super Etat européen et l’Europe des régions

    143. L’illusion de la création d’un véritable Etat européen, dans lequel les Etats nationaux s’évaporeraient entre l’Europe d’un coté et les « régions » de l’autre, n’est plus défendue aujourd’hui par aucun commentateur sérieux, bien que divers mouvements nationaux (entre autre la NVA) la chérissent tant qu’ils le peuvent. Les diverses tentatives d’arriver à une Constitution Européenne se sont heurtées à la résistance du mouvement ouvrier, ce qui s’est exprimé par le refus en France et aux Pays-Bas lors du référendum autour de la Constitution et plus récemment dans le rejet irlandais du traité de Lisbonne, qu’on ne pouvait déjà plus appeler une Constitution. Dans les trois victoires du ‘NON’, l’analyse du résultat démontrait clairement que l’opposition l’avait surtout emporté dans les villes et les quartiers ouvriers. Le mouvement ouvrier en Europe est aujourd’hui de plus en plus libéré de ses illusions en une ‘Europe sociale’ et de plus en plus conscient du fait que l’Europe est avant tout un agenda néolibéral des classes dirigeantes. Les normes de Maastricht ont été utilisées par Dehaene comme un argument pour faire avaler l’austérité au mouvement ouvrier. L’orthodoxie budgétaire est maintenant défendue avec le «vieil» argument de «ne pas laisser de dettes pour les prochaines générations»

    144. Les normes de Maastricht, le Pacte de Stabilité, les directives européennes sur la concurrence, les tentatives d’appliquer une Constitution Européenne, puis ensuite un ‘Traité’,… Le ver est dans le fruit. Différents Etats européens – et pas les plus petits – ont creusé ces dernières années des déficits budgétaires alors qu’ils menaient l’offensive contre leur mouvement ouvrier. Malgré la possibilité d’amendes européennes, « l’Europe » n’a rien su faire d’autre que de laisser faire. L’unification européenne est allée plus loin que ce que nous avions originellement pensé, surtout sur base d’une postposition de la crise (décrite ailleurs dans ce texte de perspective) par la création de nouvelles bulles de savon et surtout par l’augmentation de l’exploitation de la classe ouvrière à l’échelle mondiale et dans chaque pays pris séparément. A présent, chaque tentative pour approfondir l’unification européenne se heurte à des contradictions croissantes. Bien que l’Union Européenne ne va pas de suite se désintégrer sous pression de la concurrence internationale, la création d’un super Etat européen avec sa Constitution et sa propre armée n’a jamais été aussi illusoire qu’aujourd’hui. Des directives déjà acceptées ne sont plus suivies à mesure que les différentes bourgeoisies nationales sont mises sous pression de leur propre mouvement ouvrier (avec des déficits budgétaires mais aussi par l’intervention de l’Etat dans l’économie). Le carcan de l’euro va de plus en plus faire mal à mesure que la crise va s’approfondir et que les différences entre les divers pays européens vont s’affirmer. L’unification de la politique étrangère est apparue une fois de plus impossible pendant la guerre de cinq jours entre la Géorgie et la Russie. Le mieux qu’ils arrivent encore à faire sont des ‘accords’ qui ressemblent de plus en plus clairement à des ‘compromis à la belge’ où le flou l’emporte et où différentes interprétations ne sont pas seulement possibles, mais consciemment voulues.

    Processus de paix et dividende de paix

    145. De la période d’euphorie et d’illusions à propos d’un ‘nouvel ordre mondial’ – où l’unique superpuissance était sensée mettre de l’ordre dans le reste du monde – est apparue l’idée du ‘processus de paix’ où des accords de partage de pouvoir devaient mener à la stabilité et à un ‘dividende de paix’. En Israël, cela a conduit aux accords d’Oslo en 1993, rapidement enterrés par l’escalade de conflits sanglants. Le partage limité de pouvoir qui a trouvé son expression par la mise en place de l’Autorité Palestinienne sous le régime corrompu d’Arafat n’a rien résolu, bien au contraire. Une solution est plus éloignée que jamais avec à la fois l’éclatement d’une guerre civile en Palestine même entre le Fatah et le Hamas et la crise économique qui ne laisse à la bourgeoisie israélienne que le nationalisme pour se présenter comme dirigeante de la nation.

    146. En Irlande du Nord, en 1998, l’Accord du Vendredi Saint a été conclu, avec pour la première fois l’implication au pouvoir de l’aile politique de l’IRA, le Sinn Fein. Tout comme avec les accords d’Oslo, les problèmes dont ne parlaient pas les accords (ceux qui étaient nécessaires pour parvenir à un « accord ») sont sans arrêt remontés à la surface. L’Accord du Vendredi Saint n’a conduit à la formation d’un gouvernement plus ou moins stable que neuf ans plus tard (en mai 2007), néanmoins régulièrement paralysé par un total désaccord. Tout comme en Israël, aucun des problèmes économiques n’ont été résolu – la situation de la majorité de la population est même devenue pire encore à cause de la politique néolibérale – et il n’y a rien eu en termes de « dividendes de paix ». Le chômage est toujours plus élevé en Irlande du Nord que dans n’importe quelle autre région de Grande-Bretagne. Les emplois créés n’ont été que des emplois à bas salaire, temporaires et à temps partiel. Bien que la violence a fortement baissé, cela ne signifie pas pour autant que les divisions ont disparu. La division sectaire parmi la population n’a fait que monter et a été institutionnalisée, conséquence logique du partage de pouvoir, la seule « solution » capitaliste à la question nationale. Si aujourd’hui il y a une paix relative, cela n’a rien à voir avec l’Accord, mais tout avec le fait que la grande majorité de la population ne veut pas d’un retour aux troubles et l’a fait massivement savoir à maintes occasions.

    147. Ces “accords” ont mené mondialement à des illusions comme de quoi la bourgeoisie était capable de résoudre la question nationale de façon pacifique. Ceux qui ont conclu ces accords ont reçu le Prix Nobel de la Paix ou d’autres récompenses prestigieuses. Aujourd’hui, il est clair qu’ils n’ont nulle part conduit à une réelle solution, nulle part il n’y a eu sur base de ces « processus de paix » une amélioration du standard de vie de la majorité de la population. Aujourd’hui, la crise est entrain de se répandre et de s’approfondir mondialement, ce qui va faire exacerber les contradictions. Ce type d’accords-bidons tels qu’ils sont apparus va être encore plus difficile à conclure maintenant qu’il y a dix ans.

    Des Etats-nations tombent en pièces : régionalisation des compétences, “scission de velours” et guerre civile.

    148. Depuis 1973-74, l’économie mondiale connaît une période de dépression, une période de régression économique dans laquelle les périodes de croissance ne suffisent plus à récupérer ce qui a été perdu en période de crise. Le chômage structurel surgit, la pauvreté augmente. Cette armée de réserve de forces de travail permet à la bourgeoisie de démanteler les salaires et les conditions de travail. Dans une telle situation les déficits augmentent et toutes sortes de luttes naissent pour mettre la main sur la richesse produite : premièrement entre les classes, mais aussi entre les pays et dans les pays entre différentes régions/communautés. La question nationale revit de nouveau à grande échelle.

    149. Cela s’est opéré de différentes manières dans les diverses parties du monde, en fonction des rapports de forces réels, entre autres en fonction du contrôle sur la situation dont dispose encore la bourgeoisie et de la conscience de la classe ouvrière. En ce qui concerne ce dernier point, la question nationale et la lutte de classes sont des vases communicants : quand l’un monte, l’autre descend, et vice versa. En fonction de la situation concrète, les marxistes vont adopter différents programmes, mais toujours basés sur la réponse à la question suivante: qu’est-ce qui est à l’avantage du mouvement ouvrier ?

    150. Dans la période précédente, on a vu l’éclatement de l’ex-URSS et entre autres de la Yougoslavie. Ce processus souvent sanglant a pris place avec en arrière-fond la catastrophe économique et sociale que l’introduction du capitalisme a représenté pour la majorité de la population dans ces régions. Ce qu’on a pu également voir de manière assez claire, c’est que le stalinisme n’a jamais réussi à résoudre la question nationale, bien que ce système a pu dans la plupart des cas éviter des escalades (par la méthode de la carotte et du bâton). Dans le cadre de meilleures circonstances économiques, en Tchécoslovaquie, la désintégration (entre la Tchéquie orientée vers l’Occident et la Slovaquie orientée vers l’Europe de l’Est et la Russie) a pu se faire de façon plus contrôlée (ce qui a été appelé la scission de «velours»).

    151. Comparer la question nationale dans ces pays, où une bourgeoisie était seulement en train de se développer et devait encore établir son pouvoir – avec de grosses différences d’opinion au sein des différentes élites sur la manière d’y arriver – avec la question nationale dans des Etats-nations établis comme la Grande-Bretagne, l’Espagne ou la Belgique n’a pas beaucoup de sens. En général, on peut dire que la réaction par rapport aux tensions nationales croissantes dans les pays capitalistes développés va dans la direction de la création d’un système « belge » de partage de pouvoir, de création et de renforcement des autorités régionales,… Plutôt tôt que tard, ces structures vont faire naître les mêmes situations « belges » d’impasse et de paralysie parce qu’elles institutionnalisent et approfondissent la division. Les bourgeoisies de ces Etats vont essayer de faire tout ce que la bourgeoisie belge a déjà fait et fait encore : des concessions aux élites régionales afin d’enlever le radicalisme de ces élites et les envelopper dans la structure du pouvoir. En même temps, elles vont essayer d’utiliser la division existante pour imposer leur programme.

    152. Afin de mettre en avant un programme correct, chaque situation doit être regardée de manière spécifique. La question nationale peut mener à une certaine amertume en Belgique, mais jamais la violence n’a été utilisée : les familles ouvrières en Flandre ou en Wallonie ne déplorent pas de membre de leur famille qui ont étés assassinés par ‘ceux d’en face’. Mais même là où cela s’est produit, comme par exemple en Irlande du Nord, l’organisation va défendre un programme qui peut mener à l’unité des travailleurs des différentes communautés. Dans beaucoup de pays, le droit à l’autodétermination ne peut pas être défendu sans porter en même temps une attention aux droits des minorités. Dans la plupart des cas, la question nationale dans ces pays est très complexe, et il faut l’étudier profondément avant d’en arriver aux perspectives et à un programme. Il serait néanmoins incorrect de s’imaginer qu’un de ces pays puisse se décomposer de façon « facile ». C’est une illusion.

    Perspectives pour la question nationale en Belgique

    153. Il est clair pour tout le monde que la Belgique se trouve dans une crise politique profonde. La base pour cela n’est pas en soi la remontée des sentiments nationalistes parmi la majorité de la population, mais la crise dans laquelle se trouvent tous les instruments politiques de la bourgeoisie (y compris les vieux partis sociaux-démocrates) après trente années de politique d’austérité qui ont fait du « meilleur système social d’Europe » le pays avec les pensions les plus basses et la contribution individuelle pour les coûts des soins de santé la plus haute d’Europe ! La disparition de la question de classes entre les différents partis (au travers de la bourgeoisification de la social-démocratie) a poussé tous les partis dans une position de défense des intérêts régionaux et des intérêts de «leur propre communauté» avec laquelle ils doivent aussi être élus.

    154. “La Belgique n’a plus de valeur ajoutée”, “Le surréalisme, le chocolat, la bière et le roi – la Belgique n’est pas plus que ça”,… Ce sont des propos qui ont étés répétés plusieurs fois dans la dernière année et demie. Une étude réelle de l’économie montre pourtant une toute autre chose, une vie économique bien intégrée, où chaque partie en présence aurait à perdre en cas de déchirure de ce tissu économique. Il n’est donc pas surprenant que les ‘partenaires sociaux’ s’opposent quasi unanimement à une scission du pays. Même si Unizo et le VEV ont poussé avant les élections le CD&V à l’autonomie la plus grande possible, surtout sur le plan du marché de l’emploi et de la sécurité sociale, ils ont été rapidement été convaincus par la réalité de la crise politique et par le fait que la proposition de Béa Cantillon («pas de régionalisation, mais la responsabilisation des régions») avait plus de mérites. Pour les grandes entreprises avec des filiales dans différentes parties du pays, il ne serait pas du tout évident de fonctionner avec différentes législations du travail dans les régions.

    155. Plusieurs études de cette dernière année montrent également que les histoires de deux réalités et aspirations de la population ‘totalement différentes’ doivent être nuancées, même si ces différences sont parfois grandes. Des études sur les raisons des votes en Flandre et en Wallonie montrent de façon remarquable que les inquiétudes sociales et économiques, et certainement pas les thèmes communautaires, étaient au centre des préoccupations. Il y a un fossé très clair entre le revenu moyen en Flandre et en Wallonie, (un Flamand gagne en moyenne un quart de plus qu’un Wallon), mais en même temps la commune la plus riche (Lasne), l’arrondissement le plus riche (Arlon) et la province la plus riche (le Brabant Wallon) se trouvent tous en Wallonie. Les chiffres wallons sont surtout aspirés vers le bas par la province belge la plus pauvre, le Hainaut : 7 des 10 communes belges les plus pauvres se trouvent dans cette province. Trois communes bruxelloises sont plus riches que la commune flamande la plus riche (Sint-Maartens-Latem). Les revenus à Namur et au Luxembourg sont plus hauts que ceux du Limbourg et de Flandre Occidentale, qui arrive juste avant Liège (1).

    156. En ce qui concerne la bourgeoisie belge, nous voyons que la division ‘Wallonie= pauvreté / Flandre=richesse’ ne tient pas debout. Dans le Top 10 des familles d’entrepreneurs belges (Trends/Tendances) se retrouvent trois familles flamandes (au n°4 Colruyt, au n°9 Savereys et au n°10 De Clerck) et une famille flamando-wallonne (au n°1 de Spoelbergh, de Mevius et Van Damme d’Inbev), le reste sont des familles wallonnes (au n°2 Solvay, au n° 3 Frère, au n° 5 Lhoist, au n° 6 Emsens de l’entreprise Cuvelier, au n° 7 Emsens de l’entreprise Sibelco et au n° 8 Cigrang). Le belge le plus riche à titre individuel est un wallon, à savoir Albert Frère.

    157. Depuis la démission de Leterme en été (laquelle n’a pas été acceptée par le Roi) la rhétorique est que ‘le modèle fédéral a atteint ses limites’. La structure de l’Etat belge n’est pas construite avec une vision et des objectifs clairs, mais sur base de compromis et de concessions consécutives. La première phase s’appelait la ‘fédéralisation’ en opposition à l’Etat unitaire en vigueur précédemment ; la phase qui vient maintenant doit mener à une sorte de ‘confédéralisme’, un mot maintenant utilisé par toute une série de politiciens francophones. Toutefois, personne, pas même en Flandre, n’a une définition de ce qu’est exactement le confédéralisme. Un vrai confédéralisme (une confédération conclue par des Etats indépendants) ne pourra se faire que si on crée premièrement une Flandre indépendante, une Wallonie indépendante et une Bruxelles (ou une Wallonie/Bruxelles) indépendante, entre lesquelles peut alors s’établir une confédération. Mais si de tels Etats sont issus d’une décomposition de la Belgique, il est selon nous peu probable qu’ils puissent après coup en arriver à une confédération.

    158. Cela n’exclut pas qu’un compromis final puisse s’appeler “confédération”, mais ce qu’ils veulent en réalité ce sont des paquets de compétences plus homogènes pour éviter ce qu’on a vu depuis l’existence des gouvernements asymétriques (des gouvernements différents au niveau des régions qu’au fédéral): un blocage toujours plus important de toute une série de dossiers. Un exemple éloquent est la question de Zaventem : la compétence régionale pour les normes sonores fait que les normes bruxelloises ne permettent pas un espacement proportionnel du bruit. Ce qu’ils veulent est donc un rafistolage des vieux accords et un compromis pour pouvoir imposer de façon plus aisée le programme de la bourgeoisie. Ce que la bourgeoisie veut également sont des élections fédérales et régionales qui se déroulent au même moment afin d’éviter une asymétrie trop grande. Cela serait une pilule amère tant pour les régionalistes flamands que wallons et il est possible qu’ils n’arrivent pas à conclure un accord là-dessus.

    159. Il reste néanmoins très probable que ce gouvernement instable, avec maintenant la perte du soutien extérieur de la NVA, jette l’éponge avant les élections régionales de 2009, pour de cette façon avoir de facto des élections au même moment, ce qui donneraient lieu à une longue période de gouvernement sans élections. Si ce scénario devient réel, il est très probable que l’on ira vers un (des) gouvernement(s) d’union nationale, avec tous les partis traditionnels (chrétiens- et sociaux-démocrates et libéraux).

    160. Ce scénario peut se réaliser de différentes manières : si le gouvernement n’arrive pas à conclure des accords (sociaux-économiques, mais aussi communautaires, bien qu’“une grande Réforme de l’Etat” soit impossible avant les élections), il pourrait tomber une fois que les élections régionales sont en vue. Si cela se passe de cette manière, il est probable qu’un dossier communautaire symbolique va être utilisé comme excuse (BHV ayant le plus de chances de l’emporter). Le CD&V pourrait alors aller aux élections même avec la « jambe raide ». Si le gouvernement réussit à conclure des accords, il pourrait « démissionner » pour entamer une réforme d’état, changement de Constitution inclu, avec un nouveau gouvernement. En tout cas, l’absence d’une majorité du côté flamand fait que le scénario d’un gouvernement Leterme qui perdure jusque 2011 devient encore plus improbable qu’avant.

    161. Quel sera le contenu d’une nouvelle réforme d’Etat? Il est difficile d’être très concret sur ce point. Un certain nombre d’éléments se profilent néanmoins déjà et vont sûrement en faire partie. Premièrement, il va falloir trouver une solution pour l’Etat fédéral en difficulté financière et donc chercher une nouvelle balance dans les transferts d’argent. En Flandre, la majorité des partis sont gagnés à l’idée – publiquement défendue pour la première fois par Frank Vandenbroucke – d’un glissement ultérieur de compétences aux régions et communautés sans les budgets complémentaires ; en Wallonie et à Bruxelles, qui n’ont pas le genre de surplus dont dispose la Flandre, il y a toutefois beaucoup d’opposition à cette idée. Si un glissement de moyens du niveau fédéral vers les régions devait s’effectuer, cela se ferait de manière plus cachée. Un autre moyen de décharger l’Etat fédéral est le démantèlement des dépenses de sécurité sociale ou une augmentation des revenus alloués à la sécurité sociale. Un glissement des charges sur le travail vers la TVA et d’autres revenus pourrait aussi servir à cela – le PS, ainsi que la CSC, sont gagnés à cette idée.

    162. Deuxièmement, la bourgeoisie en Belgique s’est toujours servie de la question nationale pour pouvoir imposer son programme à la classe ouvrière. Malgré les éructations ponctuelles d’un certain belgicisme parmi les patrons et une certaine réticence à présent que la surenchère communautaire de ces partis a mené à une impasse totale, il est peu probable qu’elle laisse tomber cette tactique, certainement en face de syndicats toujours puissants. Il est très probable qu’une ou l’autre responsabilisation des régions va se faire pour ce qui concerne le contrôle des chômeurs (traduire : la chasse aux chômeurs) – des deux côtés de la frontière linguistique, la plupart des forces politiques sont d’accord avec cela. Les organisations patronales le défendent aussi; les seules obstructionnistes en ce domaine sont les syndicats qui jusqu’à maintenant veulent conserver toute la politique du marché d’emploi sur un plan fédéral. En Belgique, la régionalisation des compétences signifie presque toujours la ‘régionalisation des assainissements’ au travers de laquelle la résistance unifiée des travailleurs peut être évitée.

    163. Il va falloir finalement trouver une solution pour BHV. Comme Thomas Leysen, le président de la FEB, l’a déclaré dans Le Soir le 12 juillet : «Ce n’est d’ailleurs plus possible d’adopter une approche gagnant-gagnant dans ce dossier. Il conviendra davantage de veiller à ce que chaque partie perde la face de manière équilibrée». Le plus probable est que la scission se produise, mais en maintenant une série de droits électoraux pour les francophones de la périphérie. Le MR ne va jamais signer un accord qui lui ferait perdre des votes à un moment où il veut confirmer sa position de dirigeant en Belgique francophone (ce qui, selon les derniers sondages, est de toute façon peu probable – mais cela peut encore changer fortement dans les mois à venir). Maintenant que la NVA est mise de côté – concession que le CD&V a été obligé de faire pour maintenir le soutien de la bourgeoisie – le MR va devoir faire bien attention à ne pas paraître comme celui qui fait durer le chaos. Bien que la famille libérale est maintenant la plus grande dans le gouvernement, le fait qu’il faille en Flandre acheter le soutien du SP.a pour des décisions importantes la rend quand même vulnérable. Certainement dans le cadre d’une période de crise économique et de montée de la lutte de classes, elle peut être mise sous pression entre les sociaux- et les chrétiens-démocrates qui vont probablement en appeler à ‘l’intérêt général’ et développer davantage dans la période devant nous une rhétorique de collaboration de classes contre le néolibéralisme pur et dur de la période précédente. Sans le soutien de la direction syndicale, n’importe quel gouvernement se retrouverait toutefois vite par terre s’il lançait une attaque conséquente contre la classe ouvrière.

    164. La période qui vient ne va à aucun moment être totalement libérée de la surenchère communautaire – en fait, jusqu’à une nouvelle réforme d’état, cela fera partie de la réalité de tous les jours. Ceci dit, la discussion sur ‘le pays qui va tomber en pièce’ est passée de plus en plus à l’arrière-plan. Aucun commentateur sérieux ne voit cela comme une possibilité, du fait que personne n’a un plan ou une véritable stratégie pour y arriver, ni une vision sur qu’est-ce que serait cette Flandre indépendante. Dans la presse francophone, l’idée du rattachement à la France a été évoquée, mais juste comme l’idée de l’indépendance de la Flandre, c’est-à-dire sans une réelle étude ou même sans vraiment réfléchir sur comment cela devrait se faire. C’est une raison importante expliquant pourquoi la scission n’est pas à l’agenda aujourd’hui ou même demain : économiquement, aucun groupe dans la société n’y a à gagner quelque chose (bien que cette illusion soit vivante, surtout parmi la petite bourgeoisie flamande – la FEB a quant à elle réussi à convaincre Unizo que c’était une illusion). De plus, il n’y a aucune élite présente capable de convaincre les masses de la nécessité d’un tel scénario, ni à même de se mettre à la tête d’un tel mouvement. Comme décrit ci-dessus, l’Etat-nation belge est sujet à des forces centrifuges, comme c’est le cas aussi par exemple en Grande-Bretagne ou en Espagne. Mais une scission totale ne pourrait se faire que si la majorité de la population est convaincue que c’est la seule manière d’assurer son niveau de vie – en d’autres termes si le mouvement ouvrier de ces pays est démoralisé par une longue période de faillite totale de la lutte collective pour la défense de ses standards de vie.


    (1) De Standaard 19/04/2007, part du dossier Nord-Sud entrepris avec Le Soir

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Quatrième partie)

    Dans cette partie, nous analysons les propositions à l’approche des négociations pour un accord interprofessionnel. Nous soulevons les difficultés pour boucler les budgets de 2008 et de 2009, qui devraient être finalisés le 14 octobre. Dans la dernière partie, nous révélons les drames sociaux déjà présents même avant que la crise se soit étendue à l’économie réelle.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    Handicap salarial ?

    112. Mais d’où vient alors cette ténacité chez les travailleurs à se mettre tout de même en action ? C’est vrai que nous n’avons pas encaissé les profits des entreprises, les dividendes des actionnaires ou encore les augmentations salariales des managers, mais nos salaires augmentent quand même plus vite que dans les pays voisins, n’avons-nous pas un handicap salarial ? Notre salaire horaire nominal a été relevé de 7,5% en 2007 et 2008, largement plus que la norme salariale de 5,1% que les syndicats avaient eu dans l’accord de février 2007. (1) Mais avec les statistiques, tout peut être prouvé. Le chiffre du Bureau du Plan de 2007-2008 est une estimation. En outre, le Bureau du Plan s’attend à une inflation de 6.5% pour la même période. Après déduction de l’inflation, il ne reste donc que 1% d’augmentation salariale. Cela doit représenter aussi bien l’augmentation de la productivité que les glissements des salaires et les augmentations barémiques. La Banque Nationale estime que l’augmentation de la productivité en 2007 a été plus basse que 1%, et ce pour la première fois depuis 2001. Elle estime le glissement des salaires sur 1% cette même année, c’est le phénomène d’augmentation du salaire moyen par le fait que le nombre d’emplois non qualifiés diminue pendant que le nombre d’emplois qualifiés augmente. (2) De plus, il s’agit ici de moyennes qui sont déformées par certaines catégories.

    113. En août, le Bureau du Plan a dégagé des chiffres qui donnent le vertige. Les salaires bruts réels, adaptés à l’inflation, des ouvriers masculins dans l’industrie auraient, dans le meilleur cas, diminués de 2.6% de juillet 2007 à juillet 2008. (3) Cela confirme une étude similaire précédente du Bureau du Plan en février de cette année, lorsque les salaires bruts réels de ces mêmes travailleurs avaient, à ce moment là, diminué de 2% sur base annuelle. (4) Les chiffres de la Banque Nationale ont confirmé que cette tendance valait aussi pour les employés et les ouvriers des autres secteurs. Comme raison principale, le Bureau du Plan met en avant l’index santé. Pourtant, déjà avant, la situation n’était pas positive. Fin 2007, il semblait déjà que « le paiement des salariés belges », le salaire, y compris les cotisations sociales, était pour la première fois depuis ’71 en dessous de 50 % du PIB. (5) Dans sa réaction, Cortebeeck, le président de la CSC, avait dit: “cela ne peut pas durer”, tandis que Rudi Thomaes de la FEB avait qualifié ces chiffres de “purement symboliques”.

    114. Des études ont paru, pour un oui ou pour un non, afin d’affirmer que les coûts salariaux belges déraillent, que le handicap du coût salarial augmente, etc. La plupart du temps, ce sont des études de l’OCDE qui reçoit ses chiffres des gouvernements nationaux qui, eux, les reçoivent des patrons. Selon la FEB, le handicap salarial s’élève à 12%. On se demande alors comment la Belgique reste un pays si attractif pour les investisseurs. Un coup d’oeil sur les frontières nous l’explique rapidement. Il semble que dans les pays voisins, on raconte les mêmes histoires. Le but de l’OCDE, des gouvernements nationaux,… n’est jamais de parler des salaires à voix haute, au contraire. La Banque Nationale est toutefois, elle, obligée de publier les chiffres réels. Il semble dès lors que les coûts salariaux par heure de travail dans le secteur privé, entre 1996 et 2007, ont diminué en Allemagne de près de 10%, en Belgique de 1% et a augmenté en France et au Pays-Bas de, respectivement, 6% et un peu plus de 15%.(6) La fête en Allemagne se prolonge d’ailleurs jusqu’à la fin. IG-Metall, le syndicat faisant autorité dans toute l’Europe avec ses 3.5 millions de membres, a exigé cette année 8% d’augmentation, revendication la plus élevée depuis 16 ans. Aujourd’hui, près de la moitié a été obtenu, mais cela aurait pu se finir autrement.(7)

    115. Il n’est donc pas étonnant que les attaques du président de la BCE Trichet sur l’indexation aient peu impressionné.(8) Les patrons ne sont pas réellement chauds pour une confrontation là-dessus, mais avec une adaptation de l’index à la fin 2007, deux fois en 2008, et probablement encore une fois dans la première partie de l’année 2009, l’avidité patronale peut être stimulée. Lorsque Thomas Leysen est devenu président de la FEB, qui selon lui représente 33.000 entreprises, il a déclaré : « il faudra bien que quelque chose se passe. » (9) Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale, a suggéré une indexation en chiffres absolus plutôt qu’en pourcentage. De cette manière, les revenus les plus élevés feraient des économies sur l’indexation. Les syndicats ne sont pas tombés dans le piège. Luc Cortebeeck a répondu : « En tirant une partie de l’index à celui qui gagne un peu plus, on mine la portée de tout le système. » (10)

    Un accord interprofessionnel en fin d’année

    116. Contrairement à ce que les patrons suggèrent tout le temps, le travailleur belge n’a rien à se reprocher. A chaque fois, il apparait qu’il se trouve au top de la productivité. En terme de valeurs produites par heure de travail, avec une moyenne de 53,4$ par heure, il ne laisse passer devant lui que les travailleurs luxembourgeois (71,3$) et norvégiens (53,5$).(11) En Norvège, c’est principalement dû au secteur pétrolier. Les travailleurs américains (52,3$), néerlandais (52,2$), allemands (49,3$), français (51,3$) et surtout japonais (37,5$) sont tous moins productifs. En termes de valeur produite par travailleurs, les belges sont « seulement » à la cinquième place. C’est parce que les travailleurs belges travaillent en moyenne 1.610 heures par an, les américains 1.785 et les irlandais 1.870. Les néerlandais, par contre, travaillent en moyenne 1.413 heures, les français 1.559 et les allemands 1.432. (11)

    117. Mais pour certains, ce n’est jamais assez. Le provocateur Van Eetveelt, d’Unizo, ne nous a pas réellement surpris lorsqu’il a prétendu qu’il n’y aurait pas d’espace pour des augmentations salariales. « Ce serait déjà tout un art de pouvoir sauvegarder notre système d’indexation. » Pour la diminution des charges par contre, il voit encore quelques possibilités. (12) Son rêve ? « Travailler 6 jours, pas d’augmentation. Pourquoi ne pas augmenter la semaine de travail de 38 à 48 heures ? Pendant des périodes chargées, on doit pouvoir prester plus. » (13) Ainsi, Van Eetvelt joue son rôle classique : il lance des pistes là où d’autres n’osent pas se prononcer. La FEB va aussi aux négociations pour l’accord interprofessionnel avec des mots d’ordre clairs. Ils en ont 5 : le pouvoir d’achat n’est pas un problème, les salaires sont trop élevés, le marché du travail n’est pas assez flexible, les belges travaillent trop peu et les autorités n’ont pas une vision à terme car malgré l’augmentation de l’espérance de vie, les carrières restent trop courtes. Peter Timmermans, directeur général, rajoute que les négociations d’un accord seront plus difficiles que jamais.

    118. Il y a déjà quelques années que nous disons que les petites et moyennes entreprises de livraison seront très vulnérables dans le cas d’une récession. Les 8 premiers mois de 2008, on comptait déjà 5.191 faillites, 8,3% de plus qu’en 2007 et nous sommes sur la voie de casser le record de 2004 de 7.935 faillites. Ces faillites ont entrainé la perte de 12.000 emplois, il s’agissait surtout de petites entreprises. L’assainissement du groupe pharmaceutique UCB où 555 emplois sont menacés à Bruxelles et à Braine-le-Comte, n’en fait pas partie. Il ne s’agit pas d’une faillite. Mais c’est bien un affront pour le gouvernement wallon, puisqu’il appartient au secteur de pointe du plan Marshall. La plus grande augmentation des faillites s’est produite à Bruxelles (+20%), en Wallonie (+10%) et beaucoup moins en Flandre (+1,4%) où 2.387 faillites ont néanmoins été enregistrées. Mais tout ceci avant que la récession n’ait réellement commencé. (14)

    119. En septembre, une accélération s’est produite aussi en Flandre. Déjà avant l’été, Beekaert avait fermé sa production de cables d’acier à Lanklaar : une perte de 136 emplois. En été, Punch International a fait de même avec son usine d’enjoliveurs à Hoboken : -315 emplois. En septembre, Barco a décidé de railler 113 emplois dont 2/3 en Belgique. Ce même mois, Picanol a annoncé la perte de 190 emplois à Ypres. L’entreprise de textile Beaulieu restructure à Wielsbeke, -209 emplois et ferme sa filiale à Ninove, -178 emplois. Chez Gilbos à Herdersem, construction de machines de textile, 48 emplois disparaissent en conséquence du démantèlement d’activités de livraison. Domo Gand ferme sa filiale Cushion Floor à Zwijnaarde, 91 ouvriers et 47 employés perdent leurs emplois. En termes de faillites, il y a la fermeture d’UCO-Gand, -400 emplois et du fabricant de meubles Sint-Jozef à Aarschot, -33 emplois. Tout cela seulement en septembre 2008.

    120. Pour le patronat, c’est la situation rêvée pour faire monter la pression et se débarrasser de personnel superflu. Probablement espère-t-il effrayer les travailleurs et en même temps procurer une arme pour paralyser la base aux amis secrétaires syndicaux, tels que Herwig Jorissen de la centrale des métallos de la FGTB qui vient d’être divisée sur base communautaire. Bien que la vague de faillites pourrait provoquer des doutes pendants quelques semaines, nous ne croyons pas que cela va paralyser le mouvement des travailleurs. L’appel confus de la FGTB pour une journée d’action le 6 octobre l’exprime. Les différentes centrales interprètent la situation de manière différente.

    121. Certains plaident à juste titre pour démarrer la mobilisation par une manifestation nationale. Le 25 septembre déjà, les travailleurs des autorités locales et régionales de Bruxelles ont bloqué toute la ville par des blocages filtrants. A Belgacom, les trois syndicats ont organisés une assemblée commune pour la première fois en 40 ans. (15) Dans la centrale des métallos de la FGTB Wallonie et Bruxelles, on voulait partir immédiatement en grève durant 48 heures, entrainant le danger d’être trop en avance sur la conscience qui vit dans d’autres secteurs. La Centrale Générale et le Setca ont plaidé pour organiser d’abord une manifestation nationale. A De Lijn et à la STIB, on a pratiquement immédiatement commencé à organiser la journée de grève du 6 octobre. En Flandre orientale, en préparation, des assemblées interprofessionnelles sont organisée. A Anvers, on veut organiser un blocage filtrant du port. Cette situation chaotique va restaurer l’atmosphère d’action qui existait avant l’été et préparer les forces pour une confrontation à l’approche des négociations sur l’accord interprofessionnel (AIP).

    122. Dans les appareils syndicaux, la contradiction sera poussée jusqu’au bout entre ceux qui veulent totalement atomiser le mouvement et rêvent probablement déjà d’une carrière ailleurs, et d’autres plus sensibles aux pressions de la base et veulent le refléter même si ce n’est que de façon très limitée. Les parties plus radicales des organisations patronales (Voka, Unizo, VKW, Agoria) vont vouloir se baser sur cette contradiction pour lancer des revendications de plus en plus osées et aboutiront probablement à un discours très communautaire. Les parties plus intelligentes du patronat, le sommet de la FEB, reflèteront de temps en temps la pression de ces fragments radicaux et l’utiliseront lorsque cela leur conviendra, mais essaieront en général de temporiser pour permettre aux dirigeants syndicaux de ne pas perdre leur contrôle sur la base et pour permettre aux politiciens de rétablir la stabilité.

    123. Il y a probablement une partie des organisations patronales qui estime ne pas avoir besoin d’un accord interprofessionnel. Les grosses entreprises et leurs représentants, par contre, considèrent un accord interprofessionnel comme un instrument pour freiner une vague d’actions et de grèves dans les secteurs et entreprises et seront probablement en faveur d’un accord même si cela exige des concessions limitées. Mais un des problèmes, c’est que le gouvernement ne dispose pas de moyens pour aider à venir à un accord avec des moyens supplémentaires.

    La création d’un budget

    124. Le gouvernement a d’ailleurs un gros problème. Après s’être chamaillé pendant 15 mois sur le communautaire, il doit toujours faire aboutir son premier budget. Le précédent, était a à l’époque été fait par les ministres de la violette. Le fait que Melchior Wathelet, le ministre du budget sous Leterme Ier, soit devenu le « secrétaire d’Etat au Budget », alors qu’il est en plus responsable de la politique des familles, était déjà un signe. Avec Reynders sur les finances, c’est fatal, celui-ci s’est de nouveau trompé dans ses comptes. Selon le service d’étude des finances, les impôts en 2008 rapporteront 1,1 milliards d’euros en moins que prévu lors du contrôle budgétaire de juillet.(16) Ce sont surtout les revenus de la TVA, et les précomptes professionnels, qui ont été décevant, l’un à cause de l’affaiblissement de la consommation, l’autre à cause des diminutions de charge sur les heures supplémentaires, le travail de nuit et en équipe. Mais pour Reynders, un déficit de -0,3% n’est pas problématique. Cela pourrait d’ailleurs devenir -0,5%. La contribution de Suez de 250 millions d’euros n’est toujours pas réalisée et celle du gouvernement flamand, presque 400 millions d’euros, ne rentrera pas puisqu’il n’y a pas encore de réforme d’Etat.

    125. La construction d’un budget pour 2009 sera encore plus difficile. Pour le Bureau du Plan, la croissance diminue jusqu’à 1,2% et si la politique appliquée n’est pas changée, il faudra au moins trouver 5 milliards pour arriver à un équilibre. De plus, le gouvernement a promis de lier les allocations au bien être (200 millions en 2009), de diminuer encore les charges sur les entreprises et de réaliser une marge de 0,3%. (17) Leterme prétend chercher 5 milliards, mais selon Knack et Trends, il devrait en trouver 7. Le 14 octobre, il doit prononcer son discours sur sa politique dans le parlement fédéral. Luc Coene, vice-gouverneur de la Banque nationale, de cachet VLD, a lancé déjà quelques pistes début septembre. « Les années précédentes, les dépenses sociales ont connu une croissance de 2,3% du PIB de plus que prévu. Ce rythme de croissance des dépenses doit diminuer. » Il trouve aussi que « les dépenses publiques doivent être tenues sous contrôle. »

    126. Coene ne veut évidemment pas dire que le gouvernement doit quitter sa politique de baisse des charges. Evidemment non, car il prétend que « Après la suède, la Belgique est toujours à la deuxième place sur le plan mondial en ce qui concerne la pression fiscale. » Que faut-il alors ? Voici une sélection du Standaard. Celui-ci titre le 6 mai 2008 : « 40% des fonctionnaires partent en pension d’ici 5 ans ». Le 22 mai, « remplacer seulement un fonctionnaire sur 3 ». Le 26 juin, « Avec 72.000 fonctionnaires de moins, cela marche également ». Finalement, Van Eetvelt a écrit dans une carte blanche à la presse : « L’Etat doit vivre selon ses moyens, comme toute entreprise ». Qui vient de décider que l’Etat est une entreprise ? Il ne le mentionne pas. Pour Van Eetvelt, les dix prochaines années, 11.000 fonctionnaires peuvent disparaitre, et ceci sans bain de sang social et sans diminuer l’efficacité des autorités. Ainsi Van Eetvelt veut répondre à quelques experts financiers qui venaient de déclarer il y a quelques jours qu’ils ne croient pas en des économies sur les fonctionnaires et les soins de santé. (18)

    127. Selon ces experts, une économie sur les 80.000 fonctionnaires fédéraux ne rapporte que très peu. Le gros des coûts salariaux se trouve d’ailleurs dans les communautés et les administrations locales. Ils disent ne pas conseiller d’économiser sur les enseignants. Et évidemment, Van Eetvelt et compagnie ne sont pas d’accord. Ils savent aussi qu’une entreprise sur trois est en infraction selon l’inspection sociale (19), que l’administration fiscale est en manque systématique de personnel. Ne plus remplacer les fonctionnaires fédéraux qui partent en pension signifie parallèlement l’érosion de services publics gênants tels que l’inspection sociale et la lutte contre la fraude fiscale. En ce qui concerne l’enseignement, Van Eetvelt et compagnie ont leur réponse : l’immigration économique, c’est meilleur marché. Avec la ministre Open-VLD Turtleboom, ils ont installé une dame de fer sur cette matière.

    128. Les spécialistes trouvent aussi que faire des économies sur les soins de santé est irréaliste. « A cause du vieillissement, les dépenses pour les soins de santé croissent systématiquement ce qui rend difficile d’économiser. » Marc Devos, du groupe de réflexion ultralibéral Itinera, totalement hors de soupçon d’une quelconque sympathie de gauche, dit que les soins de santé sans réforme vont directement vers des déficits. Ce que les patients paient pour les soins de santé a augmenté systématiquement contre la tendance européenne et ceci pendant que la qualité a systématiquement reculé. L’OCDE place nos soins de santé à la 18e place (sur 26) en termes de performance. Le nombre de soins prestés est bon mais les résultats sur la santé, tels que l’espérance de vie, la mortalité infantile, les décès dus à des cancers guérissables,… tirent notre système vers le bas. Aux USA, au Canada, en Suisse, en Espagne et au Portugal, les patients eux-mêmes paient une plus grande partie de soins de santé. Pourtant, Itinera plaide pour une limitation de la croissance du budget : « Puisque, autrement, la volonté de réforme n’est pas stimulée. »

    129. Van Eetvelt a calculé qu’en diminuant la norme de croissance de 4,5 à 2,8% en 2009, 365 millions d’euros peuvent être économisés sur les soins de santé. « Sans problème pour la santé de la population », ajoute-t-il. Sur le terrain, on n’en est pas convaincu. Là, on montre du doigt le fait qu’il faut tenir compte des développements techniques et scientifiques. Les prothèses des genoux, des hanches, ou les opérations de la cataracte sont heureusement devenus beaucoup plus accessibles qu’à la fin des années ‘80, mais la facture augmente. La norme de croissance actuelle menace d’ailleurs tout le secteur. Des hôpitaux se plaignent de déficits structurels. A Bruxelles, plusieurs hôpitaux sont au bord de la faillite. Au rythme actuel, on évolue de plus en plus vers des soins de santé à 2 vitesses, avec des soins de base pour ceux qui ne peuvent plus se le permettre. On fait d’ailleurs appel de plus en plus à des aides soignants mal payés et la charge du travail est systématiquement augmentée.

    130. Où les experts voient-ils alors les possibilités pour équilibre le budget ? « Du côté des revenus, il y a encore des possibilités. C’est déjà la deuxième année consécutive que les revenus des impôts sont en retard de 1 milliards sur le schéma. Avec plus de contrôle, une partie du problème budgétaire serait résolu. » Et plus encore : « Le gouvernement fédéral doit quitter les recettes classiques et taxer le capital. » La crise de crédit internationale et l’indignation généralisée sur l’avidité d’une infime minorité aux dépend de la grande majorité de la population traversent toute la société. C’est ce qui explique le sens soudain des réalités de quelques experts qui voient dans l’avidité de Van Eetvelt et compagnie une menace pour la légitimité du système de profits. Nous sommes ici témoins d’un phénomène classique, c’est-à-dire que la révolution se manifeste d’abord au sommet de la société et non comme on le pense souvent à la base de celle-ci.

    131. Pour la majorité des stratèges (petits-) bourgeois et leurs marionnettes politiques, le danger n’est aperçu que lorsqu’il se trouve déjà sous leur nez. En général, ils y ajoutent encore une cuillère. En juin encore, le VLD a revendiqué une baisse des charges à hauteur de 4,4 milliards d’euros. Au niveau de la Flandre, le VLD voulait en plus une diminution de taxe, de ce que l’on nomme le job-korting, à la hauteur de 600 euros, une diminution de l’impôt des sociétés à hauteur de 350 millions d’euros et une augmentation de l’exonération des précomptes professionnels sur le travail de nuit et d’équipe de 10,7 à 15,6%. Finalement, le VLD veut aussi de plus grands avantages fiscaux pour des heures supplémentaires.(20) A la fin de février 2009, tous les flamands qui ont un travail recevront une diminution de taxe de maximum 300 euros, avec un maximum de 600 euros par foyer. Cette diminution ne sera cette fois pas éparpillée sur les 12 mois, mais calculée dans le précompte professionnel sur le salaire de février, trois mois avant les élections. « De cette manière, la diminution est visible pour chaque flamand. »

    132. Sur le plan fédéral, le VLD a aussi un liste de revendications : activation plus intensive des 50 ans et plus, réduction des termes d’invitation des chômeurs à un entretien de contrôle, dégressivité des allocations, remplissage plus souple de la semaine de 38 heures et immigration économique. Et, enfin, l’Open-VLD veut s’attaquer aux fraudes sociales. Selon Rik Daems, on peut aller y chercher 3 milliards d’euros, ce qui n’est pourtant qu’un dixième de la fraude fiscale estimée dans une étude de Mc Kinsey et de la VUB à 30 milliards d’euros annuellement. Daems ne vise évidemment pas les cotisations sociales non payées par les patrons, ni les heures supplémentaires payées en noir ou les patrons qui emploient illégalement des travailleurs. Il vise exclusivement ceux qui combinent une allocation avec un peu de travail en noir à gauche et à droite. Selon la criminologue de l’ULB Carla Nagels, Daems a une vision extrêmement libérale de la lutte contre la fraude sociale.

    Drame social en construction

    133. Daems et compagnie sont à peine capables de s’imaginer ce qui pousse des gens à accepter du travail au noir, pour autant que ça les intéresse. Dans une étude pour l’institut du développement durable, Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur, est venu à la conclusion que de plus en plus de familles refusent dorénavant de prendre en charge leurs enfants. Un jeune de moins de 25 ans sur vingt est dépendant d’une allocation du CPAS.(21) Le nombre de personnes dépendantes d’un revenu d’insertion sociale a augmenté de 75.400 en 2005 à 82.000 en janvier 2008.(22) Un belge sur 7 (14,7%) a un revenu inférieur à 60% du revenu médian, le seuil de pauvreté officiel. Celui-ci est de 860€ pour une personne isolée et de 1.805€ pour une famille avec deux enfants. (23) En Wallonie, ils sont 17%, en Flandre 11,4%. Le salaire minimal est de 1.355,78€ brut. 260.000 belges combinent deux ou plusieurs emplois. Selon Elsy Verhofstadt, chercheur à la RUG, ils le font principalement « pour pouvoir gérer les prix de mazout, d’immobilier ou de nourriture. » (24)

    134. Les propositions du VLD pour augmenter la politique d’activation et pour la dégressivité des allocations arrivent à un moment où une personne sur 8 en Belgique vit dans une famille sans emploi. En Europe (27), seules le Royaume-Uni et la Hongrie font un plus mauvais score sur ce plan là. 16% des européens vivent avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté, dont la moitié fait partie d’un foyer où au moins une personne travaille. Le phénomène du « travailleur pauvre » se produit donc aussi en Europe.(25) Depuis 2004, 12.516 chômeurs se sont vus suspendre leurs allocations, dont 3.605 définitivement, les autres temporairement, en général pour 4 mois. Plus de la moitié des suspensions ont été faites sur la seule année 2007 ! En Flandre, on laisse sousentendre systématiquement que la politique d’activation en Wallonie et à Bruxelles serait appliquée de manière insuffisante. Pourtant, bien que la Flandre compte 32,96% des chômeurs au niveau national, « seulement » 28,63% des suspensions y ont été appliquées. La Wallonie, avec 49,62% des chômeurs, compte 50,02% des suspendus. Pour Bruxelles, 17,42% des chômeurs et 21,35% des suspendus. (26)

    135. On aurait l’impression que le chômage n’est pas vraiment un problème, à l’exception de quelques profiteurs acharnés. En 2007, 116.000 emplois auraient été créés. Le nombre total de travailleurs est de 4,4 millions contre 3,6 millions au début des années 80. Nous avons toujours dit que des bons emplois étaient remplacés par des mauvais, des emplois flexibles, partiels et temporaires, évidemment aussi avec un salaire bas et partiel. De plus, la majorité de ces emplois font partie de ceux qui sont payés avec des moyens publics tels que les chèques-services. Selon l’enquête des forces de travail (EFT) du service public fédéral, 3,9% de la population active en Flandre était sans emplois, 10,3% de celle en Wallonie et 16,3% de celle à Bruxelles. Les chiffres d’EFT utilisent la définition de sans-emploi du Bureau International du Travail et sont plus bas que ceux de l’ONEM. (27)

    136. En 1964, le nombre d’heures de travail prestées annuellement en Belgique a reculé pour la première fois en dessous de 8 millions, en 1973 en dessous de 7 millions. En 1964, cela se faisait avec 3.740.000 travailleurs, en 1973 avec 3.777.000 travailleurs. C’était la conséquence de la réduction du temps de travail arraché par la lutte des travailleurs. En 1999, nous étions pour la première fois plus de 4 millions de travailleurs et ensemble nous avons presté 6,5 millions d’heures de travail. Ce n’était plus le résultat d’une lutte pour une réduction du temps de travail, mais plutôt de l’augmentation de l’emploi à temps partiel jusqu’à 19,5%. En 2007, 4.337.000 travailleurs, dont déjà 23,7% à temps partiel, ont presté 6,9 millions d’heures de travail, fortement moins que pendant les golden sixties. (28) A cette époque, un salaire par foyer suffisait pour s’en sortir, aujourd’hui c’est devenu intenable. Surtout ceux qui gagnaient le moins dans le foyer, sont obligé de combiner l’entretien de la famille avec un emploi à temps partiel ; 42,6% des femmes travaillent à temps partiel, 7,8% des hommes. (29)

    137. Mais tout ceci, c’était avant que la crise ne se traduise dans l’économie réelle. Entre-temps, le nombre de faillites augmente de manière spectaculaire. Les récessions précédentes menaient systématiquement à de fortes explosions du chômage. Celle de 74-75 a rayé 350.000 emplois dans l’industrie. Ceci a été compensé parce que les autorités ont créé à peu près 250.000 emplois dans les services publics, mais les chiffres de chômage de la période précédente, autour de 75.000, appartenaient définitivement au passé. La crise de ‘81-83 a doublé le nombre de chômeurs officiels jusqu’à 500.000, un chiffre en dessous duquel on n’a plus jamais réellement été. Depuis, les gouvernements consécutifs ont commencé à modeler les statistiques. Mais cela n’a pu empêcher une augmentation forte du degré de chômage officiel lors de la crise de ‘90 de moins de 9% à 15% dans la deuxième partie de ‘95. La mini crise de 2008 a fait sauter le nombre de chômeurs de presque 200.000. Ces dernières années, le chômage est descendu, mais malgré les chèques services et d’autres types de statuts, même pas jusqu’au niveau du point le plus bas précédent, de juin 2001, ne parlons même pas de celui du début des années ‘90. (30) En août 2008, De Tijd s’est demandé : « Un orage d’automne menace-t-il le marché de l’emploi ? » Le journal fixe notre attention sur le fait que le marché du travail ne réagit qu’avec un retard d’une demi-année sur des changements conjoncturels et que pour la fin de l’année, il y a bien des raisons de se faire des soucis. (31) A Bruxelles, depuis, le chômage est remonté de 18,8% avant l’été à 19,4% en septembre 2008. (32)

    138. Leterme avait probablement espéré autre chose, mais il peut se préparer à une augmentation forte des dépenses sociales. Celles-ci avaient légèrement reculé dans la période 2003-2007 de 23% du PIB à 22,5%. Pendant cette même période, la sécurité sociale a connu trois fois un surplus, une fois un déficit (2003) et une fois un équilibre (2005). En 2007, les recettes de la sécurité sociale étaient de 64 milliards d’euros. C’est composé principalement de salaires différés – nommées cotisations patronales et les cotisations des travailleurs – pour 43 milliards d’euros et de ce que l’on nomme les contributions des autorités, pour 18 milliards d’euros, principalement des financements alternatifs (presque 10 milliards d’euros). Encore en 2007, la sécurité sociale a dépensé 62,5 milliards d’euros, principalement dû à ce qui était son but, c’est-à-dire les allocations sociales et les coûts du personnel, mais aussi de plus en plus pour des subsides aux entreprises (1,6 milliards déjà). Des allocations sociales en 2007, 21 milliards ont été dépensés aux soins de santé, 19 milliards aux pensions, 7,8 milliards au chômage (comprenant aussi une partie des prépensions), 4,5 milliards aux allocations familiales, et 4 milliards aux incapacités de travail. (33)

    139. Pendant des années, on nous a effrayé avec le vieillissement et le fait que nos pensions seraient impayables. Pour chaque personne de plus de 60 ans, il y a aujourd’hui 2,5 travailleurs actifs, en 2015 ce ne sera plus que 2,1 travailleurs actifs. Presque tout le monde connait l’ordre de grandeur de ces chiffres. Via la télé et d’autres médias, ils ont été imprégnés dans notre conscience de la même manière que l’on marque le bétail au fer rouge. Cela servait à nous faire accepter l’érosion de notre pension. Pendant des décennies, des économies à charges de nos personnes âgées n’auraient provoquées que des indignations. Encore aujourd’hui, il n’y a rien de pire que quelques jeunes qui se moquent, volent ou maltraitent des personnes âgées, ou qui les laisse tout simplement à leur propre sort. C’est pourtant l’exemple que nos gouvernements donnent depuis des années. L’allocation de retraite moyenne d’un salarié masculin n’est plus que de 1.000 euros, d’une salariée féminine, de 700€. Les recherches démontrent que les « pensions supplémentaires » arrivent pratiquement exclusivement chez ceux qui ont déjà une pension légale élevée. (34)

    140. Entretemps, la pension moyenne après taxation n’est plus que de 64,4% du salaire moyen. En Grèce et aux Pays-Bas, c’est plus de 90%. Au Luxembourg, un pensionné reçoit, pendant sa vie, si on totalise toutes ses allocations, en moyenne 664.240€ contre 179.056€ en Belgique, moins qu’en Grèce qui connait pourtant un niveau de vie en moyenne beaucoup plus bas (35). Délaisser les personnes âgées de telle manière est l’expression la plus écoeurante d’une société basée sur l’avidité. Après avoir réalisé ce drame, le Bureau du Plan nous amène des nouvelles : le vieillissement sera dans les prochaines années moins fort qu’on ne l’avait prévu. Mais ceci n’est pas une raison de ne plus rien faire : en 2050 (la date a reculé de 35 ans), il y aura 44 personnes âgées de plus de 65 ans (on n’y a ajouté 5 ans) sur 100 travailleurs actifs. Les voyants du Bureau du Plan prévoient 30,38 personnes âgées de plus de 65 ans sur 100 travailleurs actifs pour la région Bruxelles-Capitale, 42,68 en Wallonie et 47,38 en Flandre. (36)

    141. Nous avons déjà traité des économies sur les salaires et sur les conditions de travail des salariés, des emplois flexibles et sous-payés des jeunes, de l’immigration sélective, des attaques sur les chômeurs, les malades et les pensionnés. Et pourtant nous ne sommes pas encore à la fin. Selon l’Agence flamande des personnes handicapées, les listes vacantes pour les personnes handicapées ont augmenté de 5.689 en 2003 à 8.200 en 2007. (37) Pour une région qui est capable de donner le fameux « job-korting » et d’autres cadeaux à l’approche des élections, cela témoigne de mauvais goût.


    (1) Bureau Fédéral du Plan, communiqué du 12 septembre 2008

    (2) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 97 et 99

    (3) De Tijd, 27 août 2008, Reële lonen werknemers dalen

    (4) De Tijd, 27 février 2008, Lonen kunnen prijzen niet volgen

    (5) De Tijd, 3 octobre 2007, Lonen stijgen trager dan BBP. Entre 2002 et 2006, les salaires (nominaux) et les allocations sociales ont augmenté de 13% pour atteindre 158,2 milliards €, dans cette même période, le surplus d’exploitation brut et les revenus mixtes, principalement composé des revenus des entreprises, a connu une croissance de 26% pour atteindre 121 milliards €. Le PIB était de 316,6 milliards €.

    (6) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 103, graphique 41

    (7) De Tijd, 9 septembre 2008, IG Metall eist 7 tot 8 procent meer loon

    (8) Des 15 Etats-membres, 6 possèdent une indexation automatique ou partielle : la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, la Slovénie, Chypre et Malte. Dans certains pays, il existe en plus une indexation du salaire minimum.

    (9) De Morgen, 19 avril 2008, De index is geen ideaal systeem

    (10) La Belgique et le Luxembourg sont les seuls pays avec une indexation automatique. Le système se base sur les prix de 507 produits. Dès que l’index atteint un certain, niveau, appelé l’index pivot, une adaptation à l’index s’applique. Pour les allocations dans le mois qui suit, pour les services publics et quelques secteurs du privé dans le deuxième mois qui suit. Si certains perdaient une partie de leur indexation, cela minerait leur attachement à l’index et détricoterait le front en défense de l’indexation.

    (11) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre – summary statistics et total economy database, janvier 2008 – en 2007 US $

    (12) De Tijd, 25 juillet 2008, Unizo trekt streep onder loonsverhogingen

    (13) Het Nieuwsblad, 17 septembre 2008, Zes dagen werken, geen opslag

    (14) De Tijd, 2 septembre 2008, Faillissementen op record na acht maanden

    (15) De Tijd, 2 septembre 2008, CAO-overleg Belgacom nog onzeker

    (16) De Tijd, 3 septembre 2008, Belastingsinkomsten met 1,1 miljard in het rood

    (17) Knack, 24 septembre 2008, Rolverdeling met een hoge prijs

    (18) De Tijd, 4 septembre 2008, We moeten besparen, maar waar?

    (19) De Tijd, 8 février 2008, Een op drie bedrijven overtreedt wet

    (20) De Tijd, 6 juin 2008, Open VLD eist 4,2 miljard minder lasten

    (21) Le Soir, 12 septembre 2008, Un tiers de jeunes dans les CPAS

    (22) Le Soir, 5 juillet 2008, Le public des CPAS continue de s’élargir

    (23) Le revenu médian est la somme qui compte autant de gens avec un revenu supérieur que de gens avec un revenu inférieur. Le revenu moyen est la somme de tous les revenus divisée par le nombre de personnes ayant un revenu.

    (24) Laatste Nieuws, 26 mars 2008

    (25) De Tijd, 26 février 2008, Een op de acht Belgen leeft in gezin zonder job

    (26) De Tijd, 21 février 2008, RVA-activeringsbeleid leidde sinds 2004 tot 12.500 schorsingen

    (27) De Tijd, 15 mai 2008, 116.000 extra banen in recordjaar 2007

    (28) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre –total economy database, janvier 2008

    (29) Site des autorités fédérales, emploi et chômage

    (30) Taux de chômage en pourcentage de la population active

    (31) De Tijd, 2 augustus 2008, Dreigt herfststorm op arbeidsmarkt

    (32) Le Soir, 4 septembre 2008, Deuxième mois de hausse consécutive pour le chômage

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Troisième partie)

    Dans cette partie, nous regardons dans quelles mesure les caractéristiques de la crise économique internationale se manifestent aussi en Belgique. Nous parcourons le marché immobilier, l’inflation, les cadeaux fiscaux aux entreprises et les salaires des managers. Nous expliquons comment cela conduit aux grèves spontanées que la bourgeoisie et les politiciens aimeraient brider. La combativité à la base s’est reflétée dans des discours plus radicaux le premier mai, dans un bon résultat pour les délégations syndicales combatives dans les élections sociales, et enfin dans la semaine d’actions de juin 2008.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    La folie des bourses laisse des traces aussi en Belgique

    75. En termes de distribution inégale de richesse, la Belgique n’est pas mieux placée que les autres pays de l’OCDE. En juillet 2008, les fortunes nets des familles belges étaient de 1.610 milliards d’euros, à peu près 352.000 euros par foyer ou 151.000 euros par Belge. (1) Cela fait entretemps 14 ans qu’il n’y a plus eu de recherche sur la répartition de cette fortune. En 1994, Jef Vuchelen et Koen Rademaeckers sont arrivés à la conclusion que les 50% des fortunes appartenaient à 10% des familles les plus riches, contre seulement 1,1% des fortunes pour les 10% des familles les plus pauvres. Nous supposons que cette différence s’est plutôt creusée que diminuée. (2) Selon Merill Lynch, à la fin 2006, il y avait 68.000 millionnaires en dollars en Belgique, fin 2007 ils étaient déjà 72.000. (3) En 2007, les entreprises belges cotées en bourse ont vu pour la première fois en 5 ans diminuer leurs profits suite à la crise du crédit. En 2005 et en 2006, ces profits avaient encore monté à chaque fois de 30% contre une baisse de 11% en 2007 jusque 19,14 milliards d’euros. Pourtant, ces mêmes entreprises ont distribué 10,2 milliards d’euros aux actionnaires, une augmentation de 42% comparée à l’année précédente. Cela fait qu’en 2007, malgré la crise du crédit ou peut-être justement à cause d’elle, la moitié du profit net a été versée aux actionnaires contre un tiers en 2006.(4)

    76. Ainsi, la fine fleur du capital belge s’est protégée contre les conséquences de la crise du crédit. Celle-ci n’a pas épargné la Belgique. Il est difficile de prévoir où le BEL-20 se trouvera fin 2008, mais avec une perte d’en moyenne 23%, le premier semestre de 2008 était la pire chute en 21 ans, depuis le crash boursier de 87.(5) Surtout les banques, qui représentaient en 2006 encore 42% du BEL-20, ont fortement chuté. Cela s’explique par le fait que toutes les grandes banques belges, y compris la KBC qui a perdu 32,4% de sa valeur boursière lors du premier semestre de 2008, se sont laissées séduire par des instruments financiers souvent couverts par des hypothèques à grand risque américaines. Pour Dexia (-44,4% de la valeur boursière), s’y ajoutent les difficultés de sa filiale américaine, le rehausseur de crédit FSA. Pour Fortis, -46,48% de sa valeur boursière, s’y ajoute sa reprise annoncée en grandes pompes mais mal planifiée, d’ABN Amro. Cela fait que l’action Fortis vaut aujourd’hui (juillet 2008) à peu près la moitié d’une action de la Société Générale en 1998. Au printemps précédent, l’action Fortis valait encore 35€, à la fin du premier semestre 2008 moins de 10€. (6)

    77. La Banque nationale a calculé la perte totale des Belges en conséquence de la crise boursière en juillet 2008 à 50 milliards d’euros, dont la moitié en conséquence de la baisse des valeurs des actions, et l’autre moitié en perte sur des fonds de pension et des fonds d’investissement (les sicav). Les dettes des familles ont aussi augmenté. Mais c’est surtout le personnel qui paiera la facture. « Des changements des banques belges qui prendraient normalement 15 ans, tels que la rationalisation du réseau couteux des agences, seront grâce à la crise du crédit réalisés en quelques années », dit Dick-Jan Abbringh, auteur de « Trendbreuk.be ? Nieuwe spelregels in een digitale wereld » (« Inversion de la tendance.be ? Nouvelles règles du jeu dans un monde digital »), son livre pour lequel il a interviewé 15 managers du monde financier en Belgique. « Il est certain qu’il y aura des licenciements massifs. Il y a un bel avenir pour des gens qui donnent des conseils financiers de haute qualité, mais non pas pour les employés de banques qui aident les clients à remplir les formulaires de virement. » (7) En bref, celui qui amène beaucoup d’argent obtiendra un siège confortable, mais celui qui a des difficultés à s’en sortir selon laissé à son propre sort.

    Les fondements minés

    78. Jusqu’ici, l’économie belge n’a pourtant pas presté de façon faible. Avec un chiffre de croissance de 2,8% en 2006 et en 2007, elle a même fait un peu mieux que la zone euro. Après une augmentation du chômage en 2005, il y a eu une légère baisse en 2006, suivie d’une baisse plus forte en 2007. Le déficit budgétaire était légèrement négatif en 2007 (-0,2%), mais quand même moins que la moyenne de la zone euro (-0,6%).(8) Après quelques années de diminution (2000-2005) ou de croissance faible (2006) (9), les investissements en 2007 ont connu une vraie accélération de 8%. Notre pays s’avère d’ailleurs être une des localités les plus attirantes de l’Europe pour les investissements étrangers. En Europe (27), seulement 4 grands pays, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne, ont accueilli plus d’investissements. Entre 2003 et 2007, les investissements étrangers directs représentaient 12,3% du PIB ! Ceci n’est que de 1,2% pour l’Allemagne, 3,4% pour la France, 5,3% pour les Pays-Bas et 3% pour la chine.(10) Nous devons évidemment considérer les proportions et aussi le caractère de ces investissements, mais prétendre que la Belgique ne serait pas attractive pour des investisseurs étrangers n’est pas possible. Grâce à la prestation durant le premier semestre, la croissance des investissements en 2008 sera de 6,6%, mais retombera ensuite jusqu’à seulement 1,7% en 2009.(11)

    79. Ici s’arrêtent les bonnes nouvelles. Depuis, les 6 marchés d’exportations les plus importants de l’économie belge sont au bord de la récession. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ensemble, ils représentent deux tiers de notre exportation. Pour un pays dont l’exportation des marchandises représente 71% du PIB, c’est d’une importance vitale. De plus, l’industrie belge livre beaucoup de produits semi-finis. Elle est une sorte de sous-traitant pour l’industrie des partenaires commerciaux.(12) Sur cette base, la KBC estime réaliste que l’économie belge parte en récession technique à partir du deuxième semestre 2008.(13) Qu’importe, pour la première fois en 16 ans, la balance commerciale risque en 2008 d’être déficitaire. Pendant les 5 premiers mois, la Belgique a connu un déficit de 7 milliards d’euros contre un surplus de 2,5 milliards d’euros l’année dernière. Le refroidissement de l’exportation est une des raisons principales pour lesquelles le Bureau du Plan a dû réajuster ses perspectives de croissance vers 1,6% en 2008 et seulement 1,2% en 2009.(14)

    Marché immobilier : illusions statistiques ?

    80. L’autre raison est le ralentissement de la demande intérieure, principalement la consommation particulière. Sa croissance en 2007 encore de 2,6% retombe en 2008 à 1,4% et en 2009 même à 0,8%.Les augmentations de prix de ces derniers mois et années y sont pour quelque chose. Entre 97 et 2007, les prix des maisons dans notre pays ont augmenté en moyenne de 142% ou 9,2% par an. Même le FMI trouve, compte tenu de la croissance des revenus nets, de la population à l’âge du travail, de la croissance du crédit et des cours des actions, que c’est 17% de trop. Moins qu’en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais autant qu’en Espagne et même 5% de plus qu’aux Etats-Unis. Ne devons-nous pas alors craindre une chute du marché immobilier ? Oui, selon certains économistes et le secteur immobilier. L’économiste Van de Cloot, de ING, estime que les augmentations de prix sont derrière nous et que nous allons vivre pour la première fois depuis le crash de 79-82 une stabilisation, il n’exclu même pas la première baisse des prix depuis cette époque. (15)

    81. Les prix des maisons et des terrains à construire ont bien augmenté lors de la première partie de 2008 comparé au premier semestre de 2007 – de 8,1% pour des maisons d’habitation, de 5,5% pour des appartements et même de 9,7% pour des terrains à construire – mais des promoteurs parlent d’une « illusion statistique ». Ils prétendent avoir constaté un point tournant en octobre et sont d’avis qu’une correction est en train de se faire. « Ce ne sera pas de la même force qu’au RU, en Irlande ou en Espagne, disent-ils, mais elle peut durer pendant quelques années. » (16) Pourquoi pas de la même force ? Selon Dick-Jan Abbringh, parce qu’en Belgique, le marché des prêts hypothécaires ne correspond qu’à 34% du PIB contre plus de 100% aux Pays-Bas. (17) Pourquoi pendant quelques années ? Selon Van de Cloot, parce que « on croit de plus en plus au caractère élevé structurel de l’inflation. Si cela se traduit en un taux d’intérêt à long terme fondamentalement plus élevé, nous pouvons oublier un retour à l’époque des prix hypothécaires bons marché. Justement ces prêts là étaient la force conductrice derrière la croissance immobilière de ces dernières années. » (18) N’avons-nous donc rien à craindre ? La KBC ne s’attend pas seulement à une stabilisation des prix des maisons, mais aussi à une chute de la construction. (19) Ce que cela va signifier pour l’emploi dans le secteur de la construction n’a pas encore été chiffré.

    82. Nous saisissons l’occasion de démontrer une autre illusion statistique beaucoup plus grande. Selon le Bureau du Plan, le revenu réel disponible des foyers, donc de salaires, y compris des managers, et d’allocations, mais aussi de fortunes financières et immobilières, connaitrait en 2008 encore une croissance de 0,1% et en 2009 même de 1,8%.(20) Avec « réel », on veut dire en tenant compte de l’inflation. Il faut se poser la question : quelle inflation ? Pour le Financial Times, l’inflation aux USA, qui serait de 2,5%, serait de 8,9% si l’on appliquait la manière de calcul d’avant 1992, qui a changé radicalement depuis !(21) Le chiffre national de l’indexation des prix de consommation, qui serait de 4,7% cette année-ci, contre 4,2% de l’index-santé, et qui serait de 2,7% l’an prochain, contre 2,6% pour l’index-santé, n’est pas du tout une réflexion correcte des véritables augmentations de prix. Ceux-ci sont beaucoup plus importants parce que des postes de dépense importants tels que le loyer y ont un poids inférieur au poids qu’ils représentent dans la réalité. Le loyer compte pour 6,2% (22) Plus de 23% de la population sont des locataires. La consommation d’habitation totale dans notre pays représente d’ailleurs 20% de toutes les dépenses des foyers. (23)

    83. Ceci nous aide immédiatement à comprendre pourquoi le loyer commence à être impayable pour les familles. Une étude commandée par le gouvernement flamand démontre qu’après retrait des dépenses d’habitation, les locataires disposaient en 2005 encore de 881 euros contre, corrigé après inflation, 1041 euros en 1992 ! Le pouvoir d’achat des locataires est fortement réduit depuis 1992, de 86 euros dans la période 1992-1997 et de 161 euros dans la période 1997-2005. En 2005, les locataires détiennent depuis 1992 en moyenne 16% de moins après avoir payé leur loyer qu’en 1992.(24) Ceci a évidemment à faire avec la faiblesse du secteur des logements sociaux qui en Belgique (10%) a un grand retard sur des pays tels que les Pays-Bas (largement 40%), le RU et la Suède

    Hystérie de l’inflation

    84. Les CPAS de Wallonie ont construit un « index de précarité » sur base des dépenses des foyers pauvres. Il apparait qu’un foyer qui vit du revenu d’insertion social de 997€, dépense en moyenne 27% à l’alimentation, et pas moins de 42,5% à l’habitation contre une moyenne de 26% pour toute la Wallonie. L’index de précarité a connu entre janvier 2006 et janvier 2008, donc avant la forte augmentation de l’inflation, une croissance deux fois plus élevée que le chiffre officiel d’indexation. La fédération wallonne des CPAS demande une adaptation urgente du revenu d’insertion sociale, pour une personne isolé de 698 à 860€ et pour une famille avec enfant, de 930 à 1548€. Ceci signifierait selon la Cour des Comptes, une dépense additionnelle de 1,25 milliards d’euros par an si c’est appliqué sur le plan national.(25)

    85. Le Bureau du Plan admet lui-même que le revenu réel des foyers a été « négativement influencé » parce que l’augmentation des prix de l’énergie n’est pas tenu en compte dans l’index-santé qui règle l’adaptation des salaires et des allocations aux augmentations des prix.(26) Cette augmentation n’est pas des moindres. Beaucoup de familles de travailleurs ont toujours été méfiants à propos de la fable selon laquelle la libéralisation du marché de l’énergie réduirait les frais du consommateur. Cette méfiance a été confirmée en octobre 2007. Après Electrabel, c’était aux distributeurs d’augmenter leurs tarifs. (27) En février, la Banque Nationale a demandé des compétences supplémentaires pour le Creg, le régulateur fédéral du marché de l’énergie, afin d’annuler au moins une partie des augmentations de prix.(28) Le Creg lui-même demande de réduire le tarif de la TVA sur l’énergie de 21 à 6%, et une approche plus dure tant vers les producteurs que vers les distributeurs (29). En avril, il est apparu que les dépenses pour se chauffer et se nourrir pour une famille moyenne avec deux enfants vont monter de 676€ en 2008, et pour une personne isolée de 330 €. (30) Vers septembre, le prix du gaz avait déjà augmenté de 48,7% sur base annuelle, celui de l’électricité de 20,7% et on y ajoute que les prix vont encore monter. (31)

    86. À partir de février, les arguments du patronat sur l’hystérie de l’inflation ont définitivement été balayés. (32) Il apparait que les prix des produits alimentaires transformés montent en force depuis la deuxième partie de 2007. Ces augmentations sont d’ailleurs en moyenne de 6% plus élevées qu’ailleurs dans la zone euro. L’abolition du prix du pain réglementé en 2004 a fait monter les prix hors proportion. Sur base annuelle, les prix des produits alimentaires transformés ont monté de près de 9%. (33) Mais lorsqu’il s’agit de son propre commerce, Unizo n’est plus unilatéralement en faveur du marché libre. Au contraire, Unizo n’est pas d’accord avec la Banque Nationale que plus de concurrence et moins de règlementations contribueraient à un niveau de prix plus bas. Dans sa réaction, l’économiste en chef Van de Cloot avertit de surtout ne pas répéter les fautes des années ‘70, lorsque les augmentations de prix ont été compensées par des augmentations générales de salaires. (34)

    Cadeaux fiscaux aux entreprises

    87. « Le mazout : +61%. Le gaz naturel : +52%. Le spaghetti : +42%. Le diesel : +32%. L’essence : +32%. L’électricité : +20%. » C’est ainsi que De Tijd a commencé son éditorial du 31 juillet, comme s’il fallait compenser ses précédents écrits sur l’hystérie du pouvoir d’achat. Même le chiffre officiel de l’indexation, cette illusion statistique, a dû, même si ce n’est que partiellement, refléter de telles augmentations de prix. En juillet, il a atteint 5,91%, le deuxième niveau les plus élevé en Europe, le plus élevé en 24 ans. (35) « Il est plus facile de rejoindre des manifestations pour plus de pouvoir d’achat », écrivait l’éditorialiste du Tijd, comme s’il ne faisait rien d’autre de ses journées, « que de remettre en question des systèmes que nous utilisons depuis des années. Mais nous devons aussi reconnaitre qu’il n’est pas raisonnable de faire payer l’inflation par les entreprises ou les autorités, les employeurs les plus importants, qui n’ont pas cette inflation en main. » Quoi ?

    88. Entre-temps, un sondage de City Bank Belgique a montré que 9 belges sur 10 réduisent leurs dépenses en réaction à la baisse du pouvoir d’achat. C’est surtout sur les loisirs, le chauffage, les vêtements et les appareils ménagers que nous faisons des économies.(36) Les 10% restants n’en ont pas besoin, ils se sont construit une bonne réserve depuis longtemps. Malgré la crise du crédit, les entreprises ont réalisé en 2007 en Belgique un profit record de 79 milliards d’euros, 4 milliards de plus que l’année record précédente, en 2006.(37) Ils ont eu beaucoup d’aide de la part des autorités. Selon le rapport annuel de la Banque Nationale, les entreprises ont reçu, en 5 ans, de 2003 à 2007 compris, 21,85 milliards d’euros en diminutions des contributions patronales à la sécurité sociale. En 2007 uniquement, c’était déjà largement 5 milliards d’euros. De plus, pendant cette même période, ils ont reçu pour 1,28 milliards d’euros de diminution du précompte professionnel, surtout sur le travail en équipe et de nuit (38), dont 730 millions rien que pour 2007.

    89. Mais le vol du siècle a sans aucun doute été la déduction des intérêts notionnels, introduite à partir du 1er janvier 2006 sous le gouvernement violet, un argument que Reynders lance régulièrement à ceux qui le critiquent au sein du PS et du SP.a. Le fait est que la violette avait initialement estimé le coût des intérêts notionnels à 500 millions d’euros, alors que cela coutera 2,4 milliards d’euros annuellement. Selon ce système, des entreprises peuvent déduire fiscalement non seulement l’intérêt qu’elles paient sur des prêts, mais dorénavant aussi un intérêt fictif sur leur propre actif. Cette mesure doit stimuler les entreprises à renforcer leur propre actif et même à encrer l’industrie en Belgique. On veut de cette manière compenser l’abolition des centres de coordination.(39) L’Europe considère ceux-ci comme une aide publique illégale et doivent être dissous au plus tard fin 2010.(40)

    90. Pour les entreprises, qui doivent officiellement payer 33,99% d’impôts, il s’agissait d’un jackpot. Cela réduit le taux d’imposition moyen des entreprises à seulement 25%.(41) Ce n’est donc pas étonnant que, déjà en 2006, 41% des 381.288 entreprises en ont fait usage. Le tout mis ensemble, cette année là a connu 6 milliards d’euros de déduction d’intérêt, dont 37% qui ont été accordé à seulement 25 entreprises. (42) Selon De Tijd, l’intérêt notionnel explique le fait que l’influx de capitaux en Belgique a doublé jusqu’à 72 milliards d’euros en 2006, soit plus que vers la Chine. De Tijd reconnait bien qu’une partie importante de ces capitaux sont des capitaux endormis qui créent à peine des emplois.(43)

    91. Mais la déduction des intérêts notionnels est controversée. En février 2008 déjà, Di Rupo brandissait une liste sur laquelle apparaissait le fait que les entreprises du BEL-20 payaient à peine encore des impôts. (44) Les entreprises publiques sont également passées à la caisse. La Banque nationale a ainsi épargné 17 millions d’euros en taxes ; la SNCB 1,4 millions d’euros et La Poste 8,6 millions d’euros. (45) De plus, le calcul des intérêts notionnels incite à la fraude, pleins d’entreprises cumulant toutes sortes de déductions, d’une telle ampleur que l’administration fiscale a du mettre sur pied un groupe spécial d’intervention pour les combattre. (46) Mais les patrons ne vont pas facilement abandonner leur fleuron. Ils ont même fait appel à la Banque nationale pour relativiser le coût de la mesure. L’avantage fiscal de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises est un coût brut, argumente la Banque Nationale. Sur base de « données provisoires » pour 2006, elle conclut, une année et demi plus tard, que le coût net en 2006 se situerait « quelque part entre 140 et 430 millions d’euros ». (47) La Banque admet d’ailleurs qu’une fois que la mesure arrivera à sa vitesse de croisière, le revenu des impôts des entreprises sera fortement réduit. L’administration fiscale donne des chiffres plus précis, elle a calculé le coût net de la mesure à 1,2 milliards d’euros ! (48)

    92. En terme d’effets sur l’emploi, la Banque Nationale estime « possible » que la mesure aie créé 3.000 emplois. Cela fait entre 46.500 et 144.000 euros par emploi. Si nous prenons les chiffres de l’administration fiscale, cela fait même 400.000 euros par emploi. Si on avait dépensé tout cela pour élever le pouvoir d’achat, l’effet sur l’emploi aurait probablement rapporté des dizaines de fois plus, et qui sait si cela n’aurait pas amené plus d’investissement. Le PS et le SP.a devaient bien essayer de corriger le tir quelque part. Le SP.a avec sa proposition d’une mesure anti-abus, par laquelle l’administration fiscale peut refuser la déduction des intérêts notionnels si la seule intention n’est que fiscale sans création d’emploi. Le PS avec sa proposition de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente des actions, tel que cela existe en Italie et en France. (49) Les deux propositions sont restées au frigo.

    93. Depuis 1988, le SP.a et le PS se trouvent au gouvernement, pour le SP.a jusqu’en 2007, pour le PS jusqu’à aujourd’hui. Suffisamment de temps donc, si ce n’est que pendant cette même période, de nombreux dossiers de fraude ont dépassé la prescription. Paul Dhaeyer, chef de la section financière du parquet de Bruxelles, ne le cache pas. « Beaucoup d’étrangers considèrent la Belgique comme un paradis fiscal, depuis des années nous sommes en sous-effectif. Il y avait un manque chronique de moyens. C’était un choix politique. » (50) Aussi, dans le scandale récent à « Liechtenstein Global Trust », au moins une cinquantaine de personnes résidant en Belgique seraient impliqué.

    94. Malgré cela, les patrons et leurs représentants politiques trouvent qu’ils paient encore trop. Et donc, Unizo et Voka plaident pour laisser les entités fédérées déterminer le taux d’imposition des entreprises. Ils pensent pouvoir ainsi réduire les impôts des sociétés jusqu’à 20%. Mais ce n’est pas seulement l’impôt des sociétés qui doit être réduit, les impôts sur les personnes physiques, qui doivent entre autres financer les services publics collectifs, sont selon eux trop élevé. Pour le CD&V Hendrik Boogaert, la pression fiscale aux Pays-Bas serait de 40% du PIB contre 44% en Belgique. « Les impôts doivent donc être réduits de 14 milliard d’euros. », conclut-il, ce qui correspond à 4% du PIB (51).

    95. Ceux qui prônent les réductions de charge argumentent toujours les ‘effets de retour’. Ce que cela vaut, nous le savions déjà, mais cela a été récemment confirmé scientifiquement par deux recherches. Ive Marx, sociologue du CSB à Anvers et Kristian Orsini, doctorant à la KUL, ont constaté tous deux que l’effet des baisses des charges est surestimé. Orsini est d’ailleurs tout sauf quelqu’un de gauche. Il plaide pour une limitation des allocations de chômage dans le temps pour remplacer la baisse des charges. (52)

    Des rémunérations généreuses pour les patrons

    96. Ce qui n’échappe pas non plus à l’attention de beaucoup de familles de travailleurs, ce sont les salaires exagérés des managers des entreprises. Ce n’est pas pour rien que les économistes bourgeois parlent d’avidité, surtout lorsque l’on considère la modération salariale qui a été imposée aux travailleurs depuis des années. L’appel pour plus de contrôles devient de plus en plus pressant. Certainement aux Etats-Unis, où un mouvement, soutenu par les démocrates, s’est créé sous le nom « Say on pay », mais également un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. Le patron d’Inbev, Brito, a reçu en 2007 une augmentation salariale de 9%, jusqu’à 4,25 millions d’euros, plus ou moins 375.000 euros par mois ou 12.500 euros par jour. Le patron de Fortis, Votron, a reçu une augmentation de 15% à 3,9 millions d’euros. (53) De nouveau, les patrons des entreprises publiques suivent leurs collègues du secteur privé. Didier Bellens de Belgacom a reçu en 2007 une augmentation de 42%, à 2,7 millions d’euros, à peu près 225.000 euros par mois, même si, depuis, il a dû assainir. Cette même année, Johnny Thijs a allégé la Poste de 900.000 euros, soit 75.000 euros par mois, autant que le salaire combiné d’un bon bureau de Poste de distribution. (54)

    97. Pour Vincent Van Quickenborne (VLD), ce sont les affaires des actionnaires, dans lesquelles les autorités ne doivent pas intervenir. C’est ce même Van Quick qui trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Son camarade De Gucht est plus réaliste. « Pendant que les salaires les plus élevés connaissent un pic, il y a une classe moyenne croissante qui est de plus en plus en difficulté. Ceci fait obstacle au ‘plaidoyer de modération’ dans la sécurité sociale. (…) Le sommet des entreprises doit bien se réaliser qu’il ferait mieux lui aussi de modérer afin de ne pas stimuler des tendances populistes ; les gouvernements de l’occident doivent mieux répartir les fruits de la mondialisation, sans détruire ces fruits. » (55) De Gucht est plus ou moins le prototype du libéral, l’homme de la raison, sans dogme, et évidemment franc-maçon. Ce n’est pas un libéral vulgaire comme Van Quick, qui n’a retenu du libéralisme que le droit de se remplir les poches de façon illimitée. Pour De Gucht, le libéralisme n’est pas une carte blanche pour l’avidité. Il estime évidemment la liberté de l’individu et la propriété privée comme étant supérieure à Dieu, à la Nation, ou à la communauté collective, même si cette liberté mine celle des autres. Ce qui est inacceptable selon lui, c’est que le système même qui permet à l’individu de jouir de cette liberté soit miné.

    98. Le problème de De Gucht, c’est que son système libéral est en contradiction avec les lois de fonctionnement du capitalisme. Il a dû lui-même subir cela lorsqu’il a voulu donner des leçons à Kabila et aux autorités congolaises sur la corruption et l’incompétence. Non seulement Leterme a dû intervenir pour sauver les meubles, en fait surtout les contrats lucratifs, mais en plus, son camarade Pierre Chevalier, nommé représentant belge des Nations Unies au Congo, à condition qu’il délaisse son mandat à Forrest International, avait été en cachette renommé administrateur délégué de Forrest Int. Rik Daems, le tueur de la Sabena, un autre camarade de De Gucht et ancien ministre des télécoms (de 1999 à 2003), aurait agit comme consultant en 2007 pour Belgacom au Qatar. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Un système basé sur la chasse aux profits a comme conséquence inévitable que certains dépassent les lignes quand ils colorient.

    Actions pour plus de salaire

    99. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs soient insensibles aux arguments de De Tijd et soient bien d’avis qu’il est temps que les patrons et les autorités y mettent de leur poche. Après une année record en 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, avec 669.982 journées de grèves enregistrées, il y a eu une pause de deux ans. (56) Il n’y a pas encore de statistique pour 2008, mais il est pratiquement sûr que la courbe de grève cette année fera un saut. On aurait pu le savoir. En avril 2007, quelques grèves spontanées avaient déjà éclaté à Zaventem et chez les fournisseurs de Ford Genk. Le système de sous-traitance, de fournisseur, de travail intérimaire, de travail à temps partiel ou temporaire, avait été mis sur pied afin de diminuer la force des travailleurs. Mais, comme tout système, celui-ci connait aussi ses limites. Dans une carte blanche dans De Tijd, on souligne le fait que « les travailleurs de la ‘périphérie’ (de la production) savent à peine qui est leur vrai employeur, les syndicats les considèrent comme des forces étrangères, et notre modèle de concertation n’a pas prévu de donner à ces travailleurs le sentiment qu’ils font partie du système. » (57)

    100. Chez les fournisseurs de Ford Genk, on savait très bien qui étaient les vrais employeurs. Le fait que Ford Genk pouvait à peine suivre la demande n’avait pas échappé à sa ‘périphérie’. C’était le bon moment de se mettre en action. A commencer par le 14 janvier 2008, à Syncreon, fournisseur de panneaux de portière et de pots d’échappement. Ils ont obtenu 0,47 centimes d’euros et deux boni de 500 euros. Après cela, la vague de grèves spontanées ne pouvait plus être arrêtée. Fin janvier, la vague avait déjà touché 32 entreprises, dont 14 au Limbourg, mais aussi 6 à Liège et 5 à Anvers. C’était surtout le secteur automobile, avec 12 entreprises, et d’autres entreprises métallurgiques (9) qui ont été touchées. (58) Nous n’avions plus vécu une telle vague de grèves spontanées depuis la fin des années ‘60 et surtout le début des années ‘70. Là aussi, les travailleurs avaient le sentiment qu’ils avaient insuffisamment reçu les fruits de la bonne conjoncture.

    101. Agoria, l’organisation patronale du métal, qualifiait ces grèves « d’illégales ». La FEB et le sommet de la CSC ont tempéré et insistaient surtout sur le fait qu’il fallait sauvegarder le modèle de concertation. (59) Finalement, selon Agoria, 42 entreprises du secteur auraient été confrontées à des revendications salariales supplémentaires. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le secteur du métal s’applique ce qu’on appelle les « accords all-in » ou leur version adoucie, les « accords saldo ». (60) Le sommet syndical a réussi à faire dévier les revendications pour plus de salaires vers une vague de bonus. Ce système n’était entré en application qu’un mois auparavant. Il détermine que des entreprises peuvent, à un tarif fiscalement intéressant, payer un bonus jusqu’à 2.200€ nets par an au travailleur. (61) C’est attractif, mais nous devons tenir compte du fait qu’on ne paie pas des cotisations sociales et que c’est une mesure unique. Les syndicalistes les plus combatifs ont donc insistés sur des augmentations salariales réelles, ce qui explique la popularité de la revendication « 1€ en plus par heure ».

    102. En mars, les actions pour l’augmentation du pouvoir d’achat ont commencé à toucher le secteur public. Les 24.000 fonctionnaires de l’administration flamande ont exigé une augmentation du pouvoir d’achat de 5% dans la période 2008-2009 avec des augmentations des primes de fin d’année et une cotisation plus élevées de l’employeur en chèques repas. Par voie du futur ex-ministre Bourgeois, le gouvernement a répondu ne pas avoir les moyens et Kris Peeters a menacé de réquisitions si les blocages des écluses n’étaient pas arrêtés. Parallèlement, ils ont avancé des propositions provocatrices pour rendre possible le travail intérimaire et niveler le statut des travailleurs statutaires au niveau de celui des travailleurs contractuels. Finalement, une augmentation salariale minimale de 2% a été imposée. Plus tard, des actions du personnel des CPAS et des communes ont suivi dans tout le pays.

    Premier mai – élections sociales et semaine d’actions

    103. Il fallait que les dirigeants syndicaux expriment tout cela le premier mai. Dans ses discours, la FGTB a revendiqué une augmentation salariale de 10%… pour les prochaines années. En utilisant pour cela l’argent qui va aujourd’hui à l’intérêt notionnel. Jan Renders du MOC : « certains veulent un gros poisson communautaire, d’autres veulent un gros poisson fiscal. Mais nous voulons un gros poisson social. » Luc Cortebeek : « Avec les employeurs, cet automne, il faut arriver à un accord interprofessionnel qui rende possibles des augmentations salariales. Les profits et les salaires des managers ont aussi augmenté. Celui qui ne veut pas y collaborer peut s’attendre à un hiver chaud. »

    104. A nouveau dans la première partie de ce même mois de mai 2008, 1,4 millions de salariés dans à peu près 6.300 entreprises pouvaient voter pour 142.000 candidats pour les comités de prévention et les conseils d’entreprise. C’est le double des candidats que les partis politiques ont présenté lors des élections communales en 2006, 13% de plus qu’en 2004. (62) Pour la CSC, il y avait 68.000, pour la FGTB, 55.000. Contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, le degré de syndicalisation net en Belgique a continué à croitre pendant les années 90. Avec degré de syndicalisation net, nous voulons dire seulement ceux qui sont effectivement au boulot, donc pas les pensionnés ni les chômeurs ni d’autres catégories considéré comme membres mais qui ne paient pas de contribution. (63) Pour 2003, les syndicats donnent les chiffres de 1,6 millions de membres pour la CSC, 1,2 million pour la FGTB, et 223.000 pour la CGSLB.(64)

    105. Bien que 1,4 million d’électeurs soit un record, le degré de couverture des élections sociales diminuerait petit à petit. Selon une étude de Hiva, il y a divers raisons : dans les services publics, des élections sociales ne sont organisées presque nulle part, il y a la PME-tisation de l’économie, qui fait qu’il y a plus d’entreprises qui n’atteignent pas le seuil électoral, et il y a la croissance du travail intérimaire et de la construction où des élections sociales ne sont pas organisées. (65) Le degré de participation serait bien retombé un peu, mais il reste, sans obligation de vote, très élevé : 72,4% pour les comités de prévention et 70,6% pour les Conseils d’entreprises. Des jeunes qui peuvent voter, 42,5% ont participé, contre 52,4% en 2004. Probablement, le degré de participation était plus bas dans ces entreprises où des élections sociales n’étaient pas tenues par le passé. (66)

    106. Comme nous l’avions pensé, les élections sociales n’ont pas amené de très grands glissements. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, la CGSLB n’a de nouveau finalement pas obtenu les 10%. La FGTB a avancé légèrement, tant en Flandre qu’en Wallonie. La CSC a reculé légèrement, mais gagne à Bruxelles. Les listes séparées de cadre, de la Confédération Nationale des Cadres, et les listes individuelles d’entreprises ont fortement perdu. Un phénomène classique lors de l’augmentation de la lutte des classes, c’est que le mouvement entraine différentes couches à différents moments. Pendant qu’une avant-garde tire déjà ses premières conclusions politiques, il y a des couches qui viennent seulement de rejoindre le mouvement et qui reflètent encore la phase précédente du développement. (67) Nous ne pouvons donc pas concentrer notre attention sur la stabilité apparente des résultats généraux. Au contraire, lorsque l’on regarde de plus prêt, la FGTB a gagné dans les entreprises, surtout dans le secteur automobile, où des actions sur le pouvoir d’achat ont été menées plus tôt dans l’année. En général, les délégations syndicales qui sont connues comme étant combatives ont gagné, indépendamment du syndicat auquel elles adhèrent.

    107. En juin, les délégations nouvellement élues étaient déjà confrontées à un test important, lorsque les directions syndicales ont annoncé une semaine nationale d’action pour le pouvoir d’achat. A peu près partout, la mobilisation était très forte, 80.000 travailleurs au total ont répondu à l’appel. Celui qui prétendait que le débat sur le pouvoir d’achat ne vivait pas en Wallonie a eu sa réponse. Les manifestations à Liège, Mons, Namur et même Arlon, étaient systématiquement plus grandes qu’en Flandre. A Anvers et à Hasselt, tout comme en Wallonie, différentes entreprises ont spontanément fait grève. La présence de beaucoup de femmes, mais surtout de jeunes, souvent élus pour la première fois, démontre qu’une nouvelle couche combative a pris sa place. Rarement nous avons reçu une telle ouverture, tant pour notre programme que pour notre appel aux syndicats de casser les liens avec leurs partenaires politiques traditionnels. Là où les syndicats ont optés pour des actions « nouvelles », telles que « Foodstock » à Gand ou des ballades en vélo ou d’autres inventions de ce type à Bruges et à Courtrai, la mobilisation était faible. La méthode d’action ne correspondait pas à la demande de la base.

    Le droit de grève restreint ?

    108. « Les actions d’une minorité pour plus de salaire sont absurdes » déclare Caroline Ven, anciennement active dans le service d’étude de l’organisation patronale flamande VKW, et désormais économiste en chef du Cabinet du Premier Ministre Leterme, qui est pourtant officiellement de tendance ACW (MOC en Flandre). (68) « Ils n’ont jamais été aussi forts et pourtant ils n’ont jamais eu aussi peu à dire », déclare un élu de la chambre du CD&V- qui n’a pas de cachet ACW. (69) Caroline Ven et les patrons essayent, en fait, de toujours présenter les actions comme de l’aventurisme d’une minorité bruyante, contre laquelle la majorité silencieuse n’ose pas se rebeller. De cette manière, on prépare l’opinion publique aux restrictions sur le droit de grève.

    109. En avril 2007, le personnel de sécurité et les pompiers de l’aéroport de Zaventem ont commencé une grève spontanée. 26.000 passagers ont été bloqués. L’avocat de droite Peter Cafmeyer qui, pendant le Pacte des Générations, était déjà le conseiller juridique des patrons ayant subis des pertes à cause de la grève, s’est attaqué à cette grève. Cafmeyer a réussi à laisser payer 500 passagers pour plaider une affaire contre 46 employés et CSC-Transcom. Pour retrouver l’identité de ces 46 employés, il a fait appel à des détectives privés. Cafmeyer a agi de sa propre initiative et il est peu probable qu’il gagnera cette affaire qui a été reportée à la fin de l’année 2009. Cela n’empêche pas Rudi Thomaes de la FEB d’espérer un procès, selon ses propres dires. « Une condamnation ferait réfléchir les autres avant qu’ils ne passent à des actions inacceptables ».

    110. Selon Thomaes, ce n’est pas une atteinte au droit de grève. (70) Pour lui, le droit de grève doit exister, mais doit être réglementé à un tel point que dans la pratique il ne reste presque plus rien. Mais cela aussi à ses limites. Ainsi Guy Cox, directeur général du service de médiation collective du travail, estime que les procédures de concertation moyennes prennent tellement de temps que la pression de la base devient trop forte. (71) D’une manière ou d’une autre, les grèves spontanées sont attaquées. En août 2007, Ryanair a menacé de partir de Charleroi si les syndicats n’acceptaient pas un service minimum, et ils ont également exigé une indemnisation immédiate d’un million d’euros pour la grève spontanée du 15 juin. En mai 2008, le Ministre wallon du transport, André Antoine, a jugé une grève de la TEC comme étant une habitude « inadmissible ». Presque au même moment, l’Open VLD a plaidé pour la prestation d’un service minimum à la SNCB. Pour Vervotte, Ministre responsable des Services Publics, c’est une mesure “inapplicable”, mais elle a affirmé en même temps vouloir discuter sur des procédures plus strictes, plus claires et plus responsables des mouvements spontanés. (72)

    111. En août 2008, la discussion est revenue sur table à la suite d’une grève spontanée des bagagistes. Dans un premier temps, toutes les responsabilités étaient mises sur le dos des grévistes mais, pour une fois, l’attention de la presse a commencé à se déplacer également sur les conditions de travail intenables. (73) Même De Tijd qui, dans son édito du 12 août avait plaidé pour dresser une liste des services stratégiques, a dû remettre une balance dans le journal du samedi. « Ce qui est arrivé cette semaine à Zaventem est la conséquence du rachat de l’activité de l’aéroport… La sous-traitance a aussi des inconvénients. Que devons-nous proposer par un service minimum dans ce cas ? Que seuls les bagages des passagers de la classe Business soient emmenés ? D’ailleurs, le traitement des bagages est-il un service essentiel ? Non. Le trafic aérien n’est plus une affaire du gouvernement, il a été privatisé il y a déjà longtemps. » (74) Compare cette attitude à l’accord que les syndicats ont signé avec la direction de la SNCB, accord qui dit notamment qu’une grève spontanée peut être une raison acceptable pour un licenciement.


    (1) De Tijd, 25 juillet 2008, Financieële crisis kost Belgiëen 50 miljard euro

    (2) De Tijd, 28 juillet 2007, Belgiëen samen 71 miljard rijker dan verwacht.

    (3) Le Soir, 25 juin 2008, La Belgique abrite 72.000 millionaires.

    (4) De Tijd, 5 avril 2008, Belgische bedrijven geven aandeelhouders 10 miljard

    (5) Le Soir, 2 juillet 2008, La pire chute depuis 21 ans.

    (6) Le Soir, 29 juillet 2008, L’action Fortis vaut une demi G-Banque.

    (7) De Tijd, 20 septembre 2008, “Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar”.

    (8) BNB, indicateur économique pour la Belgique, 19 septembre 2008.

    (9) De Tijd, 8 janvier 2008, Ondernemingen trekken investeringen dit jaar op

    (10) The Economist, country briefings, fact sheet par pays

    (11) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (12) De Tijd, 10 septembre 2008, Belgische afzetmarkten op rand van recessie

    (13) KBC épargner et investir, 5 septembre 2008, Wanneer de zon schijnt in New York …

    (14) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (15) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (16) De Tijd, 26 août 2008, Hogere vastgoedprijzen zijn statistische illusie et Le Soir, 26 augustus 2008, Prix en hausse, baisse en cours

    (17) De Tijd, 20 septembre 2008, ‘Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar’

    (18) De Tijd, 26 août 2008, De onvermijdelijke correctie op de vastgoedmarkt is begonnen.

    (19) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (20) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (21) Financial Times, 7 septembre 2008, Government lies and squishy ethics

    (22) La liste complète des produits et de leur poids dans le panier de l’index peut être trouvé sur le site du Service Public fédéral sous index des prix à la consommation ou ici : http://www.statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi1_fr.pdf

    (23) BBSH Bouwen aan Vertrouwen in de Woningmarkt, Ruimte geven, bescherming bieden Een visie op de woningmarkt

    (24) De Morgen, 30 juillet 2008, Woning huren wordt voor gezinnen onbetaalbaar

    (25) Le Soir, 30 août 2008, La crise cogne d’abord les précaires.

    (26) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (27) Le Soir, 13 octobre 2007, Le gaz en hausse (épisode II)

    (28) De Morgen, 23 février 2008, Gas en electriciteit toch fors duurder

    (29) De tijd, 19 janvier 2008, Creg vraagt lager btw-tarief voor energie

    (30) La Libre, 12 avril 2008, Selon Olivier Derruine van de studiedienst van het CSC

    (31) Le Soir, 19 septembre 2008, Le prix du gaz enflera encore

    (32) L’édito de De Tijd du 30 janvier 2008 a pour titre: “inflatiehysterie » et l’éditorialiste conclu : « il est important de ne pas prendre des mesures hâtives. Puisque jusqu’ici, il n’y a vraiment pas de raison de créer de l’hystérie sur l’inflation. »

    (33) BNB, Indicateurs économiques pour la Belgique, 19 septembre 2008

    (34) De Tijd, 23 fevrier 2008, Belg betaalt levensmiddelen te duur

    (35) Le Soir, 31 juillet 2008, Pas d vacances pour l’inflation

    (36) De Tijd, 22 mai 2008, Negen op de tien Belgen schroeven uitgaven terug

    (37) De Tijd, 14 fevrier 2008, Bedrijfswinsten stijgen tot record van 79 miljard euro, sur base du rapport de la Banque Nationale

    (38) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 98 tableau 25

    (39) Les centres de coordination ont été introduits à la fin de l’année 1982 comme un régime fiscal favorable aux entreprises belges ou aux multinationales avec des filiales belges. Pour en illustrer l’importance : le 31 décembre 1997, 236 centres de coordination ont assuré 11,4% des profits avant impôt et 13,5% après impôt pour l’ensemble des entreprises belges. Ces mêmes centres de coordination n’ont pourtant payé que 0,82% des impôts de sociétés. Voir : taxincentives : analyse van de impact van notionele interestaftrek – Riet Janssens – http://statbel.fgov.be/studies/ac735_nl.pdf

    (40) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 159

    (41) De Tijd, 27 octobre 2007, Didier Reynders, vader van de notionele intrestaftrek

    (42) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (43) De Tijd, 27 octobre 2007, Heldere belastingen

    (44) De Tijd, 12 février 2008, Bel 20’ers betalen amper belastingen

    (45) Le Soir, 5 mars 2008, Les entreprises publiques profitent des notionnels

    (46) De Tijd, 27 octobre 2007, Van ‘double dip’ tot misbruik

    (47) Le Soir, 24 juillet 2008, La BNB clémente avec les intérêts notionnels

    (48) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (49) De Tijd, 25 janvier 2008, ‘U vernietigt de notionele intrestaftrek’

    (50) De Tijd, 31 mai 2008, ‘Achterstand was politiek keuze’

    (51) De Tijd, 5 avril 2008, ‘Belastingen moeten met 14 miljard euro omlaag’

    (52) DeTijd, 7 mai 2008, Effect lastenverlaging wordt overschat

    (53) Le Soir, 3 avril 2008, Salaire des patrons: “une affaire des actionnaires.”

    (54) L’Echo, 15 mars 2008, Les salaires fous du secteur public

    (55) De Morgen, 24 mars 2007, Karel De Gucht bindt de strijd aan met de toplonen.

    (56) Site des autorités Fédérales, grèves

    (57) De Tijd, 19 avril 2007, De opstand van de periferie

    (58) De Tijd, 31 janvier 2008, Stakingsgolf januari trof 32 privebedrijven

    (59) De Tijd, 31 janvier 2008, ACV en VBO willen vermijden dat stakingsgolf escaleert

    (60) Dans les accords all-in, la norme salariale est un plafond absolu qui ne peut pas être dépassé, même pas si l’index-santé dépasse la norme salariale. Dans des accords saldo, le même principe s’applique, mais sans pouvoir toucher à l’indexation. Dans De Standaard du 13 avril 2008, un exemple concret est calculé. (61) De Standaard, 28 septembre 2007, Akkoord over loonbonus

    (62) De Tijd, 30 avril 2008, 13 procent meer kandidaten voor sociale verkiezingen

    (63) Monthly Labour Review, janvier 2006, Union membership statistics in 24 countries

    (64) Le Soir, 5 mei 2008, Les Belges et le syndicat: l’amour-haine

    (65) De Tijd, 4 april 2008, Amper een op drie kan stemmen

    (66) De Tijd, 11 september 2008, Liberale vakbond haalt 10 procent toch niet

    (67) Trotsky explique ce phénomène dans son livre sur la révolution russe lorsqu’il décrit la situation en juin 1917. C’était au moment où les partis du gouvernement provisoire, qui avaient été portés au pouvoir lors de la révolution de février, perdaient le soutien des travailleurs et des soldats les plus actifs et conscients à l’avantage des bolcheviks, du moins dans les grandes villes. La surprise était donc grande, surtout chez elle-même, lorsque le plus grand parti gouvernementale, les SRs, gagnaient les élections avec plus de 60%. Trotsky dit là-dessus que la révolution de février avait provoqué beaucoup de poussière et avait fait un impact sur, avec quelques mois de retards, beaucoup de valets de maisons et d’écuries. Ceux-ci adhéraient logiquement chez ceux que la révolution de février aveint mis au pouvoir, c’est-à-dire les sociaux-révolutionnaires. Ils n’étaient pas encore conscients du frein que ce parti représentait, ceci ne serait compris généralement qu’après le coup échoué du général Kornilov en août 1917. Trotsky remarquait que les révolutionnaires doivent baser leur politique sur les couches les plus actives et conscientes parce que celles-ci reflètent le mieux les conditions réelles et ne doivent donc pas se baser sur les couches qui ne commencent à s’intéresser au changement qu’avec un certain retard.

    (68) De Tijd, 10 mai 2008, ‘Acties van een minderheid voor meer loon zijn absurd’

    (69) De Standaard, 27 avril 2008, Wij zijn allen ACW’er

    (70) Le Soir, 28 avril 2008, Raid surprise sur grève sauvage

    (71) De Tijd, 21 avril 2007, Hoe wild is wilde stakingsactie

    (72) Le Soir, 21 mai 2008, Grève: les priorités de la ministre.

    (73) Le Soir, 12 août 2008, Pourquoi les bagagistes débrayent en plein coup de feu.

    (74) De Tijd, 16 août 2008, De cruciale rol van bagagesjouwers

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Seconde partie)

    Dans cette partie nous expliquons les racines de la crise économique actuelle. Pourquoi l’Etat Providence, qui a tout de même été un tel succès, n’a plus été tenable? Comment la bourgeoisie a-t-elle changé sa politique économique et a posé les bases des économies de ‘bulles’? Nous concluons cette partie en décrivant les mesures avec lesquelles la bourgeoisie espère pouvoir s’en sortir ainsi que le caractère maniacodépressif qui a également caractérisé la bourgeoisie à l’approche de la grande dépression de 1929. Finalement, nous parcourons la réaction du mouvement des travailleurs sur le plan mondial.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    Les racines de la crise – la valeur du travail

    30. Notre courant a caractérisé la période qui a suivi la crise de ‘73 – ‘75 comme une dépression. Tout le monde n’entend pas la même chose par « dépression » et la signification a en plus changé avec le temps. (1) Nous utilisons la description de Friedrich Engels dans son introduction au Capital: une longue période de stagnation ou de déclin économique caractérisée par un chômage structurellement élevé. Dans son livre Capitalism Unleashed, Andrew Glynn a publié un graphique comprenant les taux de chômage en Europe, au Japon et aux USA entre 1960 et 2004 (2). Aussi bien en Europe qu’au Japon, le taux de chômage entre 1960 et 1975 est resté stable autour de 2%. À partir de ’75, il a quadruplé en Europe pour atteindre 8% au milieu des années ’80 et 10% au milieu des années ’90. Il a diminué par la suite, mais pas au point de retourner au niveau d’avant la crise. En 2007, le chômage européen a atteint provisoirement le point le plus bas de 7,4%. Au Japon, le chômage a grandi constamment à partir de ‘75 pour atteindre 5% en 2000, après quoi il a diminué jusqu’au point le plus bas de 3,8% en 2007 mais en mai 2008, il avait de nouveau augmenté jusqu’à 4,1% (3). Aux USA, le chômage est passé entre ’62 et ’70 de 6% à moins de 4% et a alors augmenté vers presque 10% en 1982. Après une forte diminution jusqu’à moins de 4% début 2000, le taux de chômage s’élève aujourd’hui à 6,1%.(4)

    31. C’est toutefois surtout la diminution du taux de profit et la tendance systématique à la surproduction qui a annoncé la dépression. Sous la pression d’une concurrence sans cesse plus forte, les capitalistes ont été obligés d’installer des machines toujours plus performantes devant être amorties toujours plus rapidement. Les machines, les bâtiments et les matières premières sont appelées capital fixe par Marx parce qu’ils transfèrent leur valeur au produit fini sans ajouter de valeur supplémentaire. Dans le cas des matières premières, ce transfert de valeur est parfois même physiquement perceptible, mais la valeur des bâtiments de l’entreprise et des machines passe de la même manière peu à peu vers le produit fini. Le capitaliste calcule la location qu’il paye pour les lieux d’exploitation et les bâtiments, tout comme il calcule l’amortissement des machines et l’achat des matières premières dans le prix du produit fini.

    32. La valeur des machines et des bâtiments est déterminée, tout comme celle des matières premières, par la moyenne de la quantité de temps de travail socialement nécessaire exigé pour les produire. Si le producteur de matières premières, le propriétaire de l’entreprise et le fournisseur des machines donne un prix plus haut que la valeur moyenne de temps de travail socialement nécessaire pour produire ses marchandises, alors il ne trouve pas d’acquéreur, à moins qu’il ne dispose d’une position de monopole ou qu’il soit arrivé avec ses concurrents à établir un cartel. Mais si, volontairement ou sous la pression d’un grand client, il décide de donner un prix en dessous de la valeur, alors il pourra fermer ses livres de compte après quelque temps ou souffrir de pauvreté. Le prix peut aussi être troublé par un afflux spéculatif de moyens financiers grâce auxquels il dépasse temporairement la valeur réelle. Nous avons ici en fait à faire avec une perturbation, une quantité d’argent qui ne correspond pas à la quantité de marchandises existante et mène inévitablement à un saut inflationniste ou une diminution de la valeur de l’argent.

    33. Dans sa théorie de la plus-value, Marx explique que le secret de l’exploitation capitaliste réside justement dans le fait que le travailleur ne vend pas le résultat de son travail, mais sa capacité à travailler, sa main d’œuvre. Le salaire, le prix payé pour cela par le capitaliste, a été déterminé socialement et concorde avec la valeur de la moyenne de la quantité de main d’œuvre exigée pour entretenir le travailleur et sa famille selon les normes sociales ainsi que pour se reproduire. Avec le terme de salaire, nous voulons bien entendu parler du prix total de la main d’œuvre, le salaire brut, en comptant aussi le salaire perçu sous la forme de contributions sociales et de charges patronales. Pour le capitaliste, il faut organiser les processus de production de telle manière que le travailleur mette à disposition sa force de travail plus longtemps que de besoin pour gagner son salaire. Durant le temps qui reste, le travailleur fournit un travail non-rémunéré ou plus-value. (5) La main d’œuvre est l’unique force de production qui produit plus de valeur que la sienne pour le produit final. C’est pour cela que Marx appelle la main d’œuvre le capital variable. La relation entre la quantité de travail non-rémunéré, ou plus-value, et la quantité de travail payé, ou capital variable, exprime le taux d’exploitation.

    34. Le capitaliste n’est toutefois pas spécialement intéressé par le taux d’exploitation, mais bien par la relation entre son rendement, la plus-value, et son investissement total, capital fixe et variable ensemble. Il n’arrête pas de nous rappeler que nous ne pouvons pas nous imaginer combien il a dû investir avant qu’il n’ait pu lancer la production. Et effectivement, sous la pression de l’irrationnel et non planifié capitalisme de la libre concurrence, le pauvre capitaliste est obligé d’investir une partie toujours plus grande de son capital dans le capital fixe ce qui lui laisse moins pour le capital variable, le capital créateur de valeur. Selon les termes de Marx: la composition organique du capital, la relation entre le capital fixe et le capital variable, se modifie à l’avantage du capital fixe, qui ne crée pas de valeur. Résultat : la quantité de plus-value réalisée par unité de capital investi, ce que Marx appelle le taux de profit, à une tendance continuelle à la baisse (6). En outre, l’immense majorité de la population a, justement parce que le capitalisme est basé sur le travail non-rémunéré, des revenus insuffisants pour consommer toutes les marchandises produites. Les capitalistes sont insuffisamment nombreux pour absorber cette abondance, pour autant qu’ils soient eux-mêmes déjà disposés à consommer les déchets qu’ils produisent pour nous.

    L’essor et la chute de l’Etat-providence

    35. Cela semble paradoxal, mais justement à cause de la force du mouvement ouvrier, cela n’a pas produit de grands problèmes jusqu’au début des années ’70. Pendant l’âge d’or, de 1950 à 1975, les pays capitalistes développés ont connu une croissance annuelle de 4,9%, ce qui est au moins le double de chaque période précédente. On a produit pendant un quart de siècle plus que pendant les trois quarts de siècle précédents. Dans les pays capitalistes développés, entre ’65 et ’73, les salaires réels ont augmenté de 3,5% par an en moyenne, un taux plus élevé que celui de la productivité, qui augmentait annuellement de 3,2%.(7) En dix ans, les salaires en Belgique ont été multipliés par cinq, ce qui correspondait pour les salaires horaires réels à une croissance de 110% entre 1960 et 1970. (8) Pour les 19 pays de l’OCDE, l’allocation moyenne a augmenté de 28% du salaire moyen en 1960 à 35% en 1974 et à 43% en 1979. (9) La politique économique dominante, le keynésianisme qui a conduit à ce qu’on nomme l’Etat-providence, était axée sur la stimulation de la demande, ce qui devait éviter de futures récessions. (10) Les augmentations importantes de salaire, d’allocation et de dépenses publiques, tant pour des services que pour les infrastructures, ont constitué les forces vives pour l’application de nouvelles techniques de production visant à la production de masse.

    36. Ces facteurs mêmes qui avaient tant stimulé la croissance et avaient permis que le capitalisme semblait se dépasser lui-même, tôt ou tard, devaient précisément entrer en conflit avec les limites du capitalisme, devaient se renverser en leur contraire dialectique et devaient freiner chaque développement suivant. (11) Or, la bourgeoisie ne pouvait pas se convertir à tort et à travers à une autre politique économique, partiellement par crainte de la réaction du mouvement ouvrier, partiellement parce qu’elle ne n’en était pas encore sortie elle-même. Pendant 6 ans elle a cherché une alternative adéquate mais entre-temps, la politique économique keynésienne a continué, ainsi que les problèmes que celle-là apportait, comme la stagflation, la combinaison d’un ralentissement de croissance économique et d’une inflation galopante et des dettes publiques en hausse.

    La lutte pour le redressement du bénéfice – les monétaristes reprennent les affaires

    37. Paul Volcker, le président de la Federal Reserve américaine entre août ’79 et août ’87, disait après coup que ‘l’acte individuel le plus important du gouvernement dans la lutte contre l’inflation, a été la défaite de la grève des aiguilleurs du ciel’.(12) Cela a permis au président des Etats-Unis de l’époque de créer les conditions pour la conversion d’une économie de la demande vers une économie de l’offre. Désormais, on ne lutterait plus contre les récessions en stimulant la demande, le pouvoir d’achat, mais en stimulant les producteurs à travers des réductions d’impôts. Reagan était disciple de la « courbe de Laffer » qui estime que la perte des rentrées suite à la réduction d’impôts est amplement compensée par les rentrées supplémentaires qui font suite à la stimulation économique. A la vérité, sous le règne de Reagan, la dette publique des Etats-Unis a augmenté de 700 à 3.000 milliards $. (13) Ce que la grève des aiguilleurs du ciel a été pour les Etats-Unis, la grève des mineurs de mars ’84 à mars ’85 l’a été pour la Grande-Bretagne et d’une certaine manière pour toute l’Europe; si Reagan était devenu champion de la bourgeoisie des Etats-Unis, la dame de fer Thatcher l’était pour la bourgeoisie européenne.

    38. Reagan et Thatcher étaient tous les deux adeptes du monétarisme. Entre ’79 et ’82 le gouvernement Thatcher a augmenté le taux d’intérêt réel de -3% à +4%. (14) Ce ne sont pas seulement les emprunts qui sont devenus plus chers, mais en plus la livre britannique est devenue beaucoup plus coûteuse, ce qui constituait un désavantage pour l’exportation. Le chômage a sauté de 5% en ’79 à 11% en ’83. Le président de la Fed, Volcker, aujourd’hui considéré comme celui qui a refoulé la stagflation, a copié cette politique et a poussé l’intérêt réel entre ’79 et ’83 d’un intérêt légèrement négatif à +5%. Le chômage a grimpé de 5% en ’79 à 10% en ’82, mais en même temps l’inflation a diminué de 13% en ’80 à 3% en ’83. En bref : on avait enfin découvert la méthode et rassemblé la volonté politique pour répercuter la crise sur les travailleurs et leurs familles. Bientôt, la politique monétariste allait devenir la politique économique dominante dans tous les pays capitalistes développés.

    39. Reagan, Thatcher, Volcker et d’autres personnages-clés de l’application et de la capacité à faire accepter des recettes monétaristes n’avaient sûrement eux-mêmes pas prévu jusqu’où leur politique mènerait. Ils avaient lancé une attaque contre les acquis des travailleurs. Le chômage massif avait créé une armée de travailleurs de réserve qui allait bientôt être utilisée pour faire pression sur les salaires et les conditions de travail. La législation du travail devait être assouplie ou supprimée. C’est ce qu’on a appellé la libéralisation, officiellement ‘la libération du travail des limitations nuisibles’ nous dirions plutôt ‘la liberté d’exploiter la main-d’œuvre’. L’intervention de l’Etat était considéré comme indésirable et le “laissez-faire” économique devait finalement conduire à un effet trickle-down (effet de ruissellement) de sorte que, selon eux, les plus pauvres puisse en profiter également. Entre-temps, les services publics ont été assainis ou, dit plus joliment, « responsabilisés ». Ils sont devenus des entreprises autonomes au lieu de services. On les a ainsi préparé aux privatisation, autre caractéristique du néolibéralisme.

    40. Par l’intermédiaire de l’introduction de la flexibilité, on a diminué le travail nécessaire, le travail nécessaire à payer l’achat de main d’œuvre (les charges salariales), et on a renforcé la plus-value ou la quantité de travail non payée. La flexibilisation des contrats de travail, l’introduction du travail à temps partiel, des contrats temporaires ainsi que du travail intérimaire et étudiant ont fait en sorte que les pics de production étaient fournis de façon flexible et que le capitaliste n’était plus obligé de maintenir un certain nombre de travailleurs excédentaires pendant les moments non productifs. L’introduction du travail en équipe et des systèmes continus ont offert la possibilité que les machines soient utilisées à 100% durant leur “cycle de vie”. La surélévation du rythme de travail, soit en accélérant les machines, soit en appliquant des “techniques de management” qui éliminent des moments perdus, comme les pauses pipi, ont fait partie du processus de production de même que l’organisation de la concurrence entre filiales d’une même entreprise pour s’emparer des commandes suivantes. Toutes ces mesures visaient au rétablissement du taux de profit, la quantité de profit par quantité de capital investi.

    La lutte pour le rétablissement du taux de profit – le secteur financier se gonfle

    41. La chute du stalinisme et l’arrivée soudaine et massive de main d’œuvre disponible pour l’exploitation a énormément renforcé le néolibéralisme. La menace de la délocalisation pour arracher des conditions plus favorables pour les patrons existait déjà auparavant, mais cela a largement été renforcé avec la proximité de l’Europe de l’Est d’abord, le développement des pays émergents ensuite, et la possibilité des transferts de données via l’internet. Le secteur financier, surtout, a profité de ces nouveaux développements. Les méthodes de production modernes exigent une recherche toujours plus spécialisée et plus chère, des investissements toujours plus importants qui doivent être amortis sur des durées toujours plus courtes. Cela nécessite la mobilisation d’importants capitaux qui ne rapportent pas toujours immédiatement. Avec la technologie de pointe en matières financières, on a réussi à mobiliser des quantités toujours plus grandes de capital, souvent aussi celui qui était auparavant « endormi ». Ainsi, on est de plus en plus passé, pour les régimes de pensions, à des systèmes de répartition, avec lesquels les employés actuels payent les retraites des retraités actuels, vers des systèmes de capitalisation, avec lequel un capital est constitué, duquel la retraite sera payée. (15) Morgan Stanley estime que les caisses de retraite, le deuxième pilier fiscalement favorisé chez nous, gèrent un actif d’environ 20.000 milliards $.

    42. Le secteur financier a connu un élargissement phénoménal, surtout aux Etats-Unis. En 1982, les sociétés financières fournissaient moins de 5% du total des bénéfices des société après impôts ; en 2007, c’était déjà 41%. Leur part dans la valeur ajoutée a augmenté également, mais beaucoup moins vite, de 8% à 16%. Cela signifie que les marges de bénéfice dans le secteur financier étaient proportionnellement plus fortes que dans le reste de l’économie. (16) Comment est-ce possible? La cause fondamentale a été l’affaiblissement du taux de profit dans la production réelle. De plus en plus de détenteurs de capitaux ont préféré les investissements spéculatifs aux investissements coûteux dans la production réelle. La croissance des investissements est sans cesse retombée dans tous les pays capitalistes développés depuis la fin des ans ’60. Cette chute n’est que partiellement compensée, pour moins de la moitié, par ce qu’on nomme les économies émergentes. (17)

    43. La rentabilité des sociétés non-financières s’est stabilisée ou a baissé dans tous les pays capitalistes développés. (18) A partir du milieu des années ’80, elle a toutefois connu un rétablissement progressif, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela n’était toutefois pas basé, comme dans les années ’60, sur une forte progression de la productivité. (19) Au contraire, c’était principalement une conséquence d’économies brutales, de fortes réductions d’impôt pour les sociétés et d’une plus grande contribution qu’ordinaire de la consommation des particuliers à la croissance, sur base de l’argent bon marché. Aux Etats-Unis, le taux de profit après impôts s’est rétabli jusqu’au niveau des années ’60, mais ce n’était presque uniquement que suite aux cadeaux fiscaux donnés aux entreprises. Cela ne s’est pas accompagné, à l’exception d’une relance éphémère à la fin des années ’90, d’une progression des investissements. (20) Au contraire, les énormes profits, conséquence de l’augmentation du taux d’exploitation et d’un transfert des moyens collectifs vers les entreprises, n’ont pas été utilisés de façon productive, mais surtout spéculative.

    Economie de « bulles »

    44. La globalisation a conduit à la suppression de toute restriction sur la liberté de circulation de l’argent. La vitesse de cette circulation a fortement augmenté avec la technologie. Le capitalisme n’a déjà depuis longtemps plus rien à voir avec le calvinisme. L’idée de reporter la consommation d’aujourd’hui pour investir les moyens économisés afin d’augmenter la production future, et donc de pouvoir ainsi consommer plus à l’avenir, était déjà à l’époque de Marx, considérée comme un pur produit de l’imagination. Marx a décrit comment au sein du capitalisme ce n’est plus la production de marchandises qui est le but du processus de production – pour pouvoir consommer plus – mais bien l’accumulation de capital. (21) Les marchandises n’ont plus constitué l’objectif final de la production mais seulement un moyen de rassembler du capital. La bourgeoisie, dans sa cupidité, a de temps en temps été tellement loin que l’accumulation future était mise en danger. Ainsi, Friedrich Engels a décrit comment la bourgeoisie anglaise a risqué d’épuiser les générations futures en envoyant des enfants de moins de 10 ans dans les usines et les mines.(22) L’excellent film sur Pieter Daens basé sur le livre de L.P. Boon nous montre que la bourgeoisie belge au début du siècle précédent vivait un délire semblable. La globalisation financière a un élément de déprédation similaire. La santé des sociétés, de secteurs entiers, de collectivités entières ainsi que de leur entourage doivent céder à la réalisation de profits à court terme.

    45. Les fonds d’investissement, les caisses de retraite, les sociétés d’investissement, les sociétés d’assurance, les fonds d’Etat, les fortunes privées etc. sont continuellement à la recherche de rendements élevés. Ils se sont d’abord jetés sur les pays émergeants asiatiques, où des produits bon marché sont fabriqués à faibles salaires pour l’exportation vers l’occident. Les populations agricoles ont été expulsées de leur terre et des unités de production ultramodernes ont été implantées dans des villages guères développés. Cela s’est accompagné d’un boom immobilier, généralement financé avec des emprunts dont le remboursement ne poserait aucun problème compte tenu des bénéfices futurs. Au moment où la production s’est heurtée aux frontières du marché, les économies et leurs monnaies se sont écroulées comme des châteaux de cartes. Les autorités ont dû intervenir et la population a payé la facture. Beaucoup de pays ont vu chuter leur monnaie, dont la Malaisie, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Mexique, le Brésil, la Russie et d’autres encore.

    46. L’afflux de capitaux s’est alors redirigé vers les « valeurs sûres » d’Europe et des Etats-Unis. Cela a entraîné la « passion dotcom », la mode des actions dans les technologies de l’information et de la communication. Des entreprises qui n’avaient jamais réalisé de bénéfices ont vu leurs actions grimper à des valeurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité. Le phénomène « asset-inflation », inflation de l’actif financier, s’est produit. Les comptabilités ont été embellies pour garder les actionnaires à bord, il suffit de penser aux scandales autour d’Enron, mais aussi de Lernout et Hauspie en Belgique. A ce moment-là déjà, l’exigence de plus de contrôle avait été stimulée. Mais la surveillance n’a toutefois pas pu empêcher l’éclatement de cette bulle en 2001. En accord avec la politique du gouvernement américain, la Federal Reserve a donc décidé de créer une nouvelle bulle en ouvrant plus franchement les vannes de manière à pousser la crise en avant. Le gouvernement a construit son « twin déficit » pour arriver à un déficit record sur la balance de paiement américaine de -805 milliards $ ou de 6,5% du PIB en 2005 et d’un déficit budgétaire qui a atteint en 2004, 4,7% du PIB. En même temps, la Fed a laissé diminuer les taux d’intérêt de 6,5% au début de 2001 jusqu’à 1,75% fin 2001 et 1% au milieu de 2003 jusqu’à la mi-2004. L’ex président de la Fed, Greenspan, avait reçu le surnom de « serial bubble blower » (faiseur de bulles en série) suite à cela.

    47. Dans le texte de 2006, nous avons cité le FMI. Celui-ci citait comme raison de la croissance de l’époque «une coïncidence exceptionnelle… qui tenait en place l’économie mondiale ces dernières années.» Qu’était donc cette coïncidence ? «Principalement l’approvisionnement en argent bon marché. D’où ? Du gouvernement et de la Federal Reserve, mais cela n’aurait pas suffit. En outre, les budgets et les déficits commerciaux doivent être financés aussi quelque-part. La diminution des investissements a conduit à un surplus d’épargne auprès des entreprises qui a exercé une pression à la baisse sur le taux d’intérêt à long terme. En conséquence, et aussi avec l’effet que cela avait sur les prix des maisons et le patrimoine de famille, la consommation a augmenté.» Ecrivait-on en 2006. En bref : il s’agissait des énormes profits des entreprises qui n’étaient plus réinvestis dans la production, mais au contraire offerts comme emprunts bon marché. Les emprunts bon marché ont stimulé la demande des habitations et ont par conséquent fait monter les prix de maison.(23) Cela a à son tour eu l’effet d’augmenter énormément les secondes hypothèques ou hypothèques de crédit, des emprunts basés sur l’augmentation de la valeur des habitations, ce qui était une pratique courante, surtout aux USA.

    48. C’était un moyen parmi d’innombrables autres d’inciter les travailleurs américains et leurs familles à dépenser non seulement leur salaire présent, mais aussi celui à venir. Et au plus les choses semblent aller bien, au plus une tendance à la prise de risque se développe. Ainsi des personnes « insolvables » ont commencé à obtenir des emprunts. Des emprunts de consommateur, mais aussi des hypothèques « NINJA », des hypothèques accordées aux personnes sans revenu, sans travail et sans actif (No Income, No Job, no Assets). Les emprunts « subprime » ont aussi souvent été utilisés, des emprunts avec un faible taux d’intérêt qui normalement augmente fortement après 2 ou 3 ans, dans l’hypothèse qu’entre-temps, grâce à l’augmentation de la valeur de la maison, il est possible de refinancer l’hypothèque originale avec un autre prêt aux conditions plus favorables. Le risque, pensait-on, peut être reparti en divisant l’emprunt en morceaux emballés dans des actifs, tellement qu’il ne reste presque aucun risque.

    49. Quotidiennement ont été inventés des nouveaux instruments financiers toujours plus complexes, mais qui étaient en même temps une réflexion de la croyance naïve que la fête gratuite ne s’arrêterait jamais. Il n’y a pas que les consommateurs privés qui ont été stimulés pour acheter à crédit, cela a constitué une pratique généralisée des gouvernements pour financer les travaux publics avec les emprunts obligataires qui ont souvent été assurés par les « rehausseurs de crédit » ou des « monolines ». Les fonds de levier et d’autres ont fait des incorporations qui ont été financées avec de l’argent prêté pour plus de la moitié, le « Leveraged buyout » (rachat par levier) (24). Résultat : la consommation du gouvernement et des familles aux USA a été stimulée tout le temps, non pas sur base de revenus réels, mais sur base d’un niveau de dettes historiquement élevé. Les Etats-Unis importent un tiers de plus qu’ils ne produisent.

    Le socialisme pour les riches

    50. On ne peut pas continuer à faires des dettes, tôt ou tard quelqu’un doit payer la facture. Nous avons toujours été convaincus que si les Etats-Unis glissaient en récession, ils allaient entrainer le reste du monde. Des illusions telles que le “découplage”, l’idée que les divers blocs commerciaux seraient devenus des entités autonomes immunisées, ou du moins capables de résister, aux chocs dans les autres blocs commerciaux ont toujours été par nous considérés comme des fantasmes. Les Etats-Unis représentent 25% du produit mondial, trois fois celui du Japon qui est la deuxième économie sur le plan mondial, quatre fois celui de l’Allemagne, la troisième économie mondiale et la plus grande de l’UE-27. De plus, les Etats-Unis agissent depuis des années comme des “acheteurs de dernier recours” pour le reste du monde, le marché qui rachète tout ce que l’on ne peut pas vendre ailleurs. La consommation privée y représente pas moins de 72% du PIB et les autorités et les particuliers empilent les dettes. En 2007, les foyers aux Etats-Unis avaient en moyenne seulement 449$ d’épargne, un quart de celle de 2000 et une dette de 121.650$, presque le double de celle de 2000.

    51. Cette situation ne pouvait pas durer. Les Etats-Unis devaient freiner les dépenses, mais de telle manière que la consommation ne retombe pas complètement. Dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif », écrit en janvier 2008 pour nos Congrès de Districts, nous avons déclaré « Un exercice difficile mais dangereux ».(25) Entre juillet 2004 et juillet 2006, la Federal Reserve (Fed) a augmenté les taux d’intérêt 17 fois consécutivement de 1% à 5,25%, ce tarif a été retenu alors pendant un an.(26) La Fed a ainsi voulu combattre l’inflation sous-jacente, une conséquence de la stimulation systématique de l’économie avec l’émission d’obligations en dollars. L’idée que les banques centrales étrangères allaient vendre leur réserve en dollar, provoquerait une fuite hors du dollar et qu’un scénario comparable à celui des économies émergeantes asiatiques pourrait se produire mais alors aux Etats-Unis était une menace insupportable. Si le dollar perdait toute sa valeur, cela n’entrainerait pas seulement les Etats-Unis, mais toute l’économie mondiale dans une grande dépression. Eliminer ce scénario était une priorité absolue.

    52. La saturation du marché immobilier et l’augmentation des taux d’intérêt ont finalement mené à des problèmes de paiement pour les nouveaux propriétaires. Nous avons déjà largement expliqué dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif » les aspects techniques de la crise des hypothèques à grands risques et de son extension vers d’autres secteurs. Il n’est pas nécessaire de répéter tout cela. Nous voulons juste accentuer que les problèmes de paiement dans le secteur d’hypothèques à grand risques a été l’étincelle dans la poudrière, mais que les problèmes auraient tout autant pu se produire ailleurs. Du moment que la croissance poussée par les crédits avait atteint ses limites, tous les facteurs qui avaient contribué à cette croissance se transformaient dans leur contrepartie dialectique et devenaient des facteurs qui aidaient à approfondir la crise. L’icône de l’investissement Warren Buffet a récemment commencé à appeler la série interminable de nouveaux instruments d’innovation financière des armes de destruction massives financières. L’emballage de risque de paiement via la titrisation s’appelle dorénavant des bombes financières à sous-munitions. Au lieu de garantir la fiabilité des obligations, les rehausseurs de crédit entrainent avec la perte de leur crédibilité des millions d’obligations. On a été témoin d’un credit-crunch, un manque de moyens liquides, parce que les banques n’osaient plus accorder des prêts.

    53. Les autorités ne pouvaient faire autrement que de rouvrir les vannes à argent : en août 2007 en mettant à disposition des centaines de milliards de crédit bons marché, en septembre en baissant le taux auquel la Fed met à disposition des institutions privées des prêts journaliers, le taux d’escompte, et finalement à la mi septembre en réduisant contre son gré le tarif fédéral, c’est-à-dire celui que les banques privées se chargent entre-elles pour des prêts journaliers. Le 10 aout 2007, De Tijd écrivait encore dans son édito : «Les problèmes de divers banques illustrent qu’il ne faut pas sous-estimer les conséquences de la crise hypothécaire américaine (…) Mais les fondements économiques restent forts, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, le marché de l’emploi fort stimule le pouvoir d’achat des familles et la consommation. Beaucoup d’entreprises tournent à font et font des profits élevés. De plus, l’Europe est moins vulnérable pour les cabrioles de l’économie américaine.» Avec ceci, De Tijd était encore nuancé, d’autres journaux moins sérieux décrivaient la crise des hypothèques à grands risques comme une simple bagatelle. En bref, la majorité des commentateurs bourgeois n’avaient pas la moindre idée de ce qui était en train de se produire.

    54. Depuis avril 2008, le taux d’intérêt de la Fed se retrouve de nouveau à seulement 2%, largement en dessous de l’inflation de 3% prévue pour cette année. (26) Nous avons donc de nouveau à faire avec un taux d’intérêt réel fortement négatif. De plus, le gouvernement américain a lancé un paquet de stimulation, de fait un remboursement des taxes, à valeur de 160 milliards de dollar pour stimuler la consommation. Les autorités japonaises ont du utiliser une mesure comparable fin aout 2008. Entretemps la Fed a du intervenir pour cofinancer la reprise de la banque d’affaire en difficulté Bear Stearns par JP Morgan. (27) Un mois plus tôt, le gouvernement du Labour britannique avait été obligé de nationaliser la banque Northern Rock parce qu’on ne trouvait pas de candidat de reprise. Northern Rock est un des plus grands émetteur d’hypothèques du RU, c’est en même temps une banque d’épargne, un assureur et une société de prêt. Le gouvernement avait repoussé systématiquement sa décision depuis septembre 2007 afin d’éviter de créer l’impression d’un retour au Old Labour.

    55. La nationalisation a signifié que la dette totale de la Northern Rock, estimée en livres sterling, s’est ajoutée à la dette publique. Celle-ci a augmenté de 37,7% du PIB à 45% ! D’ici 2011, il est prévu de réduire d’un tiers les 6.000 emplois de la Northern Rock. En aout 2008, La Roskilde Bank a été nationalisée, la première nationalisation d’une banque au Danemark depuis 1993. Il ne s’agit évidemment pas de nationalisations de la manière dont nous les envisageons, au contraire, des banques sont assainies avec l’argent de la collectivité afin de revendre les parties rentables plus tard au secteur privé. Certains critiques appellent cela à juste titre le « socialisme pour les riches ».

    Tentative d’exporter la crise

    56. Nous sommes toujours partis de l’idée que si une récession se produisait aux Etats-Unis, ils essaieraient de l’exporter vers le reste du monde. C’est exactement ce qui s’est passé et ce qui semblait réussir initiallement. Cela s’est fait de diverses manières, parfois comme effet secondaire « innocent », parfois comme conséquence d’une politique consciente. Un de ces effets secondaires « innocents » a été le fait que les investisseurs fuiaient le marché immobilier vers des investissements plus sûrs, le marché des matières premières. Il y a donc eu en conséquence une forte augmentation du prix des matières premières ce qui a assuré à son tour un éparpillement de la crise à tous les coins du monde. Evidemment, les croissances de la Chine, de l’Inde et de quelques autres pays ont stimulés la demande, tant pour le pétrole et le gaz que pour la nourriture et d’autres matières premières. Il est vrai aussi que, surtout dans le secteur pétrolier et encore plus dans la production de nourriture, on a trop peu investit pendant des années. De plus en plus de produits alimentaires sont utilisés pour la production de biocarburants.

    57. Mais ceci n’explique que partiellement pourquoi le prix du pétrole a doublé entre 2003 et 2006. Dans cette même période, la demande a connu une croissance de 7 millions de barils par jour. C’est encore moins une explication sur le fait que le prix du pétrole a de nouveau doublé, alors que la demande n’a cru « que » de 2,5 millions de barils par jour. L’élément qui a tellement fait accélérer l’augmentation des prix, qui a provoqué une forte inflection de la courbe, qui a transformé une croissance quantitative en une explosion qualitative du prix, a été le fait que de plus en plus de grandes institutions financières, de fonds de pensions, de fonds d’investissement, etc. se sont présentés sur le marché des contrats à termes pour les matières premières. Ils y ont « investi » des capitaux qui ont poussé les prix des matières premières à crever le plafond. Les matières premières semblent bien en route pour devenir la prochaine bulle, maintenant que celles de l’immobilier et du marché d’action se dégonflent. (28) La spéculation n’est certainement pas le seul facteur qui explique la montée des prix des matières premières. C’est plutôt le facteur qui manquait encore afin d’amener une série de données quantitatives au point où cela a conduit à un changement qualitatif et a fait pencher la balance. Un autre facteur « innocent » qui a fait que la crise a été exportée au reste du monde a été le fait que partout dans le monde des banques avaient investi dans des hypothèques à grand risque, ce qui fait qu’ils ont déjà perdu 500 milliards $ d’investissements.

    58. La chute contrôlée, si pas mise en scène, du dollar était un essai conscient d’exporter la crise. C’était une bénédiction pour l’économie américaine et une malédiction pour le reste du monde. Le dollar faible, qui était lors du deuxième trimestre 2008, 11,6% meilleur marché que lors deuxième trimestre 2007 en comparaison avec les monnaies des six partenaires commerciaux les plus importants, a assuré une forte croissance de l’exportation américaine. Dans le deuxième trimestre, l’exportation était de 2,4% du PIB. Sans l’exportation, l’économie américaine n’aurait pas connu une croissance sur base annuelle de 1,9% mais un rétrécissement de -0,5%. Des 13 multinationales de la bourse du Dow Jones, le chiffre d’affaire sur le marché domestique au deuxième trimestre de 2008 a connu une baisse moyenne de -2,5%, alors que le chiffre d’affaire dans le reste du monde a connu une croissance moyenne de 15% Dans ce même trimestre, on est arrivé au constat effrayant que la zone euro (15 pays) a connu son premier rétrécissement, de -0,2%, depuis sa création. Les économies de l’Allemagne, de la France et de l’Italie ont toutes connues un recul. Les économies néerlandaise et espagnole y ont tout juste échappé. (29) La deuxième économie d’Europe, celle du RU, aurait connu une croissance de 0%, et reculerait selon l’OCDE tant au troisième qu’au quatrième trimestre de -0,3 et -0,4%. Le Japon a connu une forte baisse de -0,6%. Voilà pour le « découplage ».

    59. Celui qui pensait pouvoir conclure que les Etats-Unis sortiraient du ravin économique et – illusion sous-entendue – sortiraient en même temps le reste du monde des sables-mouvants peut l’oublier. Il est vrai que les prix du pétrole et d’autres prix de matières premières ont reculé plus fortement qu’attendu. On dit que c’est à cause de la peur d’une récession et de la baisse de la demande qui l’accompagnerait. Le fait que les spéculateurs des matières premières ont vu la « bonne nouvelle » issue de l’économie américaine pour encaisser plus de gains est au moins aussi important. Ceci a encore été stimulé par le fait que le gouvernement américain avait laissé entendre qu’il n’allait pas délaisser les sociétés géantes en prêt hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae. S’il s’avère que l’économie américaine fonctionne quand même de manière plus mauvaise, la baisse des prix des matières premières peut être inversée dès que les investisseurs reprennent la fuite vers les contrats à termes des matières premières. Indépendamment de tout ça, l’ouverture des robinets financiers a assuré qu’à terme le dollar doit perdre encore beaucoup de valeur et que par conséquent l’inflation ne va pas s’évaporer tout de suite. Mais entretemps, le dollar a gagné en attractivité, non pas à cause de la force de l’économie américaine, mais à cause de la faiblesse du reste du monde et surtout les garanties de l’autorité la plus forte sur le plan mondial.

    La bourgeoisie est maniacodépressive

    60. En septembre, les autorités ont été obligées d’appliquer la plus grande nationalisation de l’histoire avec la prise en « conservatorship » (la mise en dépôt) de Freddie et Fannie. Les deux peuvent compter sur une ligne de crédit de chacun 100 milliards de dollar. Cela a mené à des réactions euphoriques sur les bourses : le gouvernement américain était prêt à se porter garant. Apparemment, on n’avait pas compris la gravité de la situation. L’autorité américaine ne peut se permettre ce type d’intervention de manière illimitée. Une chaine de faillite dans les secteurs financier serait même pour elle intenable. A peine quelques jours plus tard, on y était. La demande d’un accord juridique par Lehman Brothers afin de se protéger de ses créanciers a provoqué la panique. C’est une des plus anciennes entreprises de Wall Street, la troisième banque d’affaire du pays. L’action a chuté de 60$ en mai 2007 vers 3,45$ au moment de cette demande. Parallèlement, la plus grande banque d’affaire du monde, Merill Lynch, a été reprise par la Bank Of America afin d’éviter un scénario semblable à celui de Lehman Brothers. Par ailleurs, American International Group (AIG), le plus grand assureur américain en termes d’actifs, a demandé un crédit de 40 milliards de dollar à la Fed. AIG a été repris et recevait une ligne de crédit de 85 milliards de dollars.

    61. La prétention que la Chine et plus particulièrement des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) allaient pouvoir reprendre le rôle moteur de l’économie mondiale, a été écartée. La Chine a un PIB de presque la taille de celui de l’Allemagne, mais la consommation privée n’y représente pas 60%, seulement 30% du PIB. Ensemble avec l’Inde, la consommation y est de plus ou moins 1.600 milliards de dollars, presque autant qu’en France. De plus, la croissance chinoise s’explique principalement par le fait que la Chine est un peu la salle des machines du reste du monde. La Chine sera donc touchée par le rétrécissement hors de proportion de ses marchés d’exportation. Depuis octobre 2007, les actions à la bourse de Shanghai ont perdu deux tiers de leurs valeurs, le marché immobilier est en rétrécissement et la croissance de l’importation a fortement diminué, un signe que l’économie s’affaiblit. De plus, la Chine est de plus en plus confrontée à la compétition des pays voisins où les salaires sont encore plus bas. Ainsi, Adidas a décidé de se retirer à cause des salaires trop élevés.

    62. Trotsky explique dans son «Histoire de la Révolution russe» que le matérialisme ne nie pas l’existence de conscience, de sentiments, et d’état d’esprit, mais les expliquent justement. Les mois précédents, nous avons vu changer de plus en plus vite l’état d’esprit d’économistes bourgeois, de politiciens et de journalistes, passant de l’euphorie à des crises de paniques. En psychologie, on a un terme pour cela : la maniacodépression. Il y a des précédents historiques, comme la situation de 1926 jusqu’au grand Crash de 1929. Dans une interview pour la chaine télévisée américaine ABC, Greenspan a expliqué les causes de cet état d’esprit : «Nous devons admettre qu’il s’agit ici d’un évènement qui ne se produit que une fois toutes les 50 années ou probablement même qu’une fois par siècle, il n’y a pas de doute que je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Ce n’est pas encore fini et ça va durer encore quelques temps.»

    63. Chaque intervention de la Fed ou d’autres banques nationales provoque un sursaut sur les marchés. Les interventions se suivent à un rythme de plus en plus élevé et deviennent de plus en plus audacieuses. A chaque fois que les autorités prennent l’initiative de mettre hors jeu des managers et des actionnaires, c’est la fête. La confiance des capitalistes dans leur propre système a complètement disparu. Ils vont mendier chez les autorités pour les sauver aux frais de la collectivité. C’est de cette manière que la nouvelle époque s’annonce. Mais nous ne sommes qu’au début de la crise, aux prémices d’un tremblement de terre annoncé. Au fur et à mesure que la crise financière s’étendra vers l’économie réelle, l’impact de la crise se fera sentir. Trotsky a fixé l’attention sur le fait que ce ne sont ni la croissance ni le recul de l’économie qui stimule la lutte des classes, mais plutôt le passage d’une situation à l’autre. Nous sortons d’une période où l’avidité des directeurs d’entreprises et des actionnaires a même dû être critiquée par des commentateurs bourgeois ; la bourgeoisie a perdu sa confiance dans sa capacité à gérer le système ; la petite-bourgeoisie et les groupes moyens sont ruinés par la crise ; et la classe ouvrière exigera sa part du gâteau.

    L’accélération de la lutte des classes va encore s’intensifier

    64. Nous constatons déjà une résistance croissante de la part de la classe ouvrière. Lorsque nous avons expliqué en 2001 que le mouvement antimondialiste n’était que le précurseur d’un mécontentement plus profond de la classe ouvrière, le frémissement du feuillage avant l’orage, nombreux étaient ceux qui étaient en désaccord. Selon certains, le mouvement antimondialisation était une affaire petite-bourgeoise à laquelle ils refusaient de participer. “Ce qui est nécessaire, c’est un mouvement communiste et pas un mouvement antimondialisation” expliquait Kris Merckx – une assertion qui a depuis lors été absurdement inversée. D’autres considéraient l’anti-mondialisme comme une alternative plus progressiste au mouvement ouvrier, ne voyants pas le lien entre les jeunes antimondialistes et les ouvriers “conservateurs”. Ils nous reprochaient une vue bornée, ne saisissants eux-mêmes la diversité de la classe ouvrière.

    65. Depuis lors, il n’y a plus un continent qui n’a pas été marqué par la lutte des classes. Au premier rang, l’Amérique Latine, où les recettes néolibérales ont été appliquées de la manière la plus brutale. Dans l’histoire, la lutte des classes a été voilée plus d’une fois par des conflits religieux, nationalistes ou ethniques puisqu’en exploitant ces heurts, la classe dominante assurait sa domination. En Amérique Latine, l’émancipation de la population indigène a accompagné la lutte des classes. Sous la pression des masses, des dirigeants populistes ont été élus et poussés à gauche au Venezuela, en Bolivie, à l’Equateur, au Nicaragua et au Paraguay.

    66. Mais l’énergie des masses n’est pas illimitée. Si les masses ne s’organisent pas à reprendre l’initiative au lieu de se limiter à faire pression et si les dirigeants populistes ne rompent pas avec le capitalisme, la réaction reconstituera ses forces. Nous avons déjà reçus les premiers avertissements, par exemple le rejet de la nouvelle constitution de Chavez, mais pour l’instant la réaction est trop faible pour reprendre l’initiative. Ailleurs, des personnalités ont étés élues avec une image de gauche puisque c’était la seule possibilité pour la bourgeoisie d’assurer ses intérêts, comme au Brésil, au Chili et en Argentine. Justement dans ces pays, nous avons vu comment des travailleurs ont construit et testé des nouvelles formations telles que le PSOL et Conlutas au Brésil. En Colombie, le gouvernement réactionnaire gagne du soutien populaire grâce à la tactique criminelle des FARC. Ainsi, le pays est la tête de pont de l’impérialisme américain.

    67. Partout dans le monde, les travailleurs et leurs familles paient le prix des défaites de leur classe. Cela est le plus prononcé au Moyen-Orient, où la lutte des classes a souvent été écrasée sous les conflits armés de l’impérialisme et des diverses milices religieuses réactionnaires. Mais même là où les conflits ont été les plus sanglants, nous constatons que entre deux flambées de conflits militaires, la classe se relève à chaque fois du moment que les partis en lutte sont épuisés. Nous l’avons vu au Liban, à Gaza, et même en Irak. L’Egypte a connu ces dernières années une vague de grève après l’autre et même dans les postes avancés de l’impérialisme dans la région, en Israël et en Turquie, on a vu systématiquement des flambées de lutte des classes contre les élites dirigeantes affaiblies.

    68. En Afrique, la classe paie les demi-défaites et les demi-victoires avec de la pauvreté extrême, la guerre civile, les conflits ethniques et les pogroms contre les immigrés, ceci en Afrique du sud qui fut dans le passé le théâtre d’un mouvement héroïque contre l’apartheid. L’Asie aussi a connu ses émeutes ethniques et ses pogroms, ses conflits religieux, sa corruption et ses conflits frontaliers. Mais en Asie également, la classe commence à s’organiser, dans beaucoup de cas dans une forme élémentaire, parfois seulement à travers des forums sur internet, parfois au niveau de l’entreprise, parfois dans des syndicats et de plus en plus aussi sur le plan politique.

    69. Le mouvement antimondialisation avait déjà démontré que l’autorité du néolibéralisme était fortement minée chez une minorité importante principalement de jeunes. L’énorme fossé entre riches et pauvres, entre nations riches et pauvres et à l’intérieur de ces nations, en était à la base. C’était justement le recul de ce fossé dans la période d’après guerre qui était l’argument principal contre la possibilité de répétition de la dépression.(30). 1% des américains les plus riches avait, avant le crash de 1929, 15 à maximum 19% du revenu total, après le crash et surtout dans la période d’après-guerre, cela est descendu jusqu’au point le plus bas de 7,5% au début des années 70. Mais depuis, cela a remonté pour atteindre dans la deuxième partie des années ‘90 à nouveau 15% et 18% en 2006. (31) Même des économistes bourgeois renommés ont avertit pour le danger que ceci minerait la légitimité du marché libre. L’appel au « changement » est devenu de plus en plus fort.

    70. C’est sur cela que le candidat présidentiel du parti démocrate Obama a basé sa campagne. Un capitalisme sans les exagérations qui étaient tellement frappantes pendant la période l’administration Bush. Mais Obama risque d’être rattrapé par les évènements. Des promesses vagues pouvaient stimuler les états d’esprit tant que l’appel au changement avait pour but d’éviter un danger menaçant. Du moment que la crise des hypothèques à grands risques a frappé, que 2,5 millions de propriétaires ont été dépossédés de leurs maisons et que 600.000 américains ont perdu leur emplois, la nécessité de changement vague s’est transformée en un besoin de mesures concrètes. En septembre 2008, la perte d’emploi s’est encore fortement accélérée, ce qui fait que dans les premiers 9 mois de 2008, 750.000 emplois ont déjà été perdus.

    71. Cela peu sembler contradictoire, mais la politique de confrontation de Sarah Palin (32) y répond mieux que les promesses vagues d’Obama. En ironisant sur le soi-disant idéalisme d’Obama – «qu’est-ce qu’il fera après avoir arrêté les mers et avoir sauvé la terre ?» – et le fait qu’il regarde de haut les travailleurs – dont il ne comprend pas la volonté de porter des armes -, elle a de nouveau donné de l’espoir aux républicains. Mais si demain elle est confrontée aux 27.000 grévistes de Boeing, qui savent très bien que le carnet de commande est plein et que l’entreprise a fait un profit de 13 milliards de dollars l’an passé, il faudra plus qu’un peu de bon sens et de double morale venant d’une petit ville provinciale d’Alaska.

    72. En Europe aussi, la radicalisation d’une avant-garde de syndicalistes, bloqués par le manque de volonté de leurs dirigeants syndicaux de généraliser leur lutte sur le plan national, s’exprime souvent par un détour politique. Le PRC en Italie, l’IU en Espagne, le Bloc de gauche au Portugal, depuis peu aussi Syriza en Grèce, et bientôt la LCR en France l’expriment. Cela ne manque pas de combativité aux travailleurs allemands, pensons à la grève des conducteurs de train pour une augmentation salariale, mais à une direction qui est prête à confronter le patronat. Ensemble avec les attaques brutales dans le cadre de l’Agenda 2010 sous le SPD qui est descendu dans les sondages à 28% et n’est mathématiquement plus capable de former une majorité rouge-verte, ceci explique le nouveau phénomène Die Linke qui obtient entretemps 10% dans les sondages. L’existence de Die Linke a stimulé la combativité, la confiance et la conscience politique des travailleurs allemands.

    73. Aux Pays-Bas, les travailleurs font un détour comparable vers le Socialistische Partij. Pendant la manif européenne contre la directive Bolkestein au printemps 2005, nous avons vendus beaucoup de journaux à des néerlandais uniquement parce qu’il y avait « socialistisch » dans le titre. Hélas, le soutien pour le SP néerlandais reste principalement passif, surtout aussi parce que le parti fait tout pour que cela reste ainsi. Partout en Europe, la lutte des classes est enflammée. Parfois par des grèves radicales dans un secteur tel que les conducteurs de train en Allemagne ou les infirmiers en Finlande. Parfois par des grèves générales comme en Grèce, parfois par des manifestations massives. Dans ce processus, les travailleurs cherchent de manière alternée des solutions sur le plan syndical et, s’ils sont bloqués sur ce terrain là, sur le plan politique.

    74. La distribution inégale des richesses était encore supportable tant qu’il y avait de la croissance dans l’économie et qu’une partie des travailleurs pouvait se consoler avec l’illusion, qu’un jour ce serait leur tour. Mais avec le début de la crise, sachant que les patrons se sont bien remplis les poches, et se sont envolés avec les profits des dernières années, beaucoup de travailleurs ne sont pas prêt à payer la crise annoncée. Cela explique la lutte sociale croissante et la croissance des formations de gauche. Cela s’exprimera à travers une révolte dans les syndicats existants et le remplacement de la bureaucratie pourrie par de nouveaux dirigeants qui seront très vite testés dans la pratique. Là où cette voie est coupée, de nouvelles formations seront formées, avec des hauts et des bas. La recherche du moindre mal, souvent caractéristique de ces dernières années, fera place à la recherche de réponses qui peuvent signifier des avancées réelles. La discussion sur les perspectives, le programme, la stratégie et la tactique, gagnera en importance.


    (1) La définition standard d’une « récession » est aujourd’hui qu’il faut deux trimestres ou plus de croissance économique négative. Cette définition ne prend pas en considération un paquet de facteurs. Pour l’économie mondiale on prend aussi par exemple la croissance de la population et on parle alors d’une récession sous les 2% de croissance. En outre, il est difficile de déterminer le début d’une récession sur base des données trimestrielles. Le « National Bureau of Economic Research » (NBER) défini une récession comme « la période dans laquelle l’activité économique a atteint son pic et commence à diminuer jusqu’au moment où l’activité atteint son point le plus bas. Si l’activité augmente de nouveau, on parle d’une période d’expansion. ». Au sujet de la définition de la « dépression », il existe aussi d’innombrables interprétations. Avant la seconde guerre mondiale, chaque ralentissement économique était appelé une « dépression ». Le terme « récession » a été introduit pour distinguer les plus petits tassements économiques de « la grande dépression » des années ‘30. Avec le terme de dépression, on parle donc d’une période de tassement économique qui dure longtemps et est plus profonde qu’une récession. Techniquement, on parle aujourd’hui d’une dépression si la croissance est négative de 10% et d’une grande dépression si celle-ci s’élève à -25%. Entre novembre ‘73 et mars ’75, le PIB des USA avait chuté de 4,9%. Voir aussi: http://economics.about.com/cs/businesscycles/a/depressions_2.htm

    (2) Capitalism Unleashed Fig. 2.1 page 26

    (3) http://www.imf.org/external/datamapper/index.php

    (4) Le Soir 6 septembre 2008

    (5) Comme Marx l’a expliqué, la bourgeoisie améliore sans cesse sa façon de cacher l’exploitation, de lui donner un caractère anonyme. Essayez de trouver qui a combien de parts d’une société en mains… Pour calculer le taux d’exploitation, nous devons décompter du résultat net d’une entreprise les amortissements (du moins si les capitalistes n’accélèrent pas l’amortissement des machines), les subsides, le prix des matières premières, la location des bâtiments et des terrains ainsi que les coûts salariaux totaux, et partager le résultat par les coûts salariaux. Le taux d’exploitation est encore le mieux approché par le relation entre les frais de personnel et la valeur ajoutée (la valeur des marchandises et des services produits diminue avec la valeur des marchandises et des services utilisés dans le processus de production – donc non pas les salaires payés au « facteur de production » travail). Le site du gouvernement fédéral en donne un aperçu, malheureusement uniquement pour la période ’99- ’04. Pour calculer le taux d’exploitation, on doit retirer de la valeur ajoutée les frais de personnel (pour obtenir la plus-value ou le travail non-rémunéré) et diviser le résultat par le coût des salaires ou travail rémunéré. Pour l’industrie totale, pour 626.000 travailleurs, cela donne une moyenne de taux d’exploitation de 63,4% c.-à-d. que pour chaque centaine d’euros de travail rémunéré, il y a 63,4 euros de travail non-rémunéré. Dans le textile, il s’agit de 45% et dans le chimie, où se trouvent les meilleurs salaires, 105%. Dans l’Horeca, où la productivité est un peu plus basse, mais les salaires aussi, le taux d’exploitation s’élève à 72% des salaires. http://www.statbel.fgov.be/figures/d422_nl.asp

    (6) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248 – 251 et Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 136 – 146

    (7) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248.

    (8) Els Witte, Yan Craeybeckx & Alain Meynen, Politieke Geschiedenis van België, 2005, p. 335.

    (9) Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 4

    (10) Dans le Militant, n°7, de février 1996, nous avons publié un dossier sur l’Etat-Providence en Belgique sous le titre «Essors et chute de l’Etat-Providence ».

    (11) A cette époque, certain pensaient que le capitalisme avait surmonté ses contradictions internes fondamentales, la propriété privée des moyens de production et l’existance d’Etats-Nations. Ernest Mandel parlait de capitalisme tardif et considérait le mouvement ouvrier comme étant « bourgeoisifié ». Dans l’internationale dont il était le principal dirigeant, une discussion enragée a duré 10 ans entre ceux qui s’orientaient vers la guerilla et ceux qui plaidaient pour la construction de partis révolutionnaires classiques. Ils ont même été jusqu’au point de plaider pour la guerilla urbaine en occident, ce qui a donné l’occasion au PCF en 1968 de les qualifier de « gauchistes » et de les isoler. Déjà au début des années ’60, lorsque Mandel commençait à peine à formuler sa théorie du capitalisme tardif, Ted Grant lui a répondu au nom de notre courant avec la brochure Will there be a slump?

    (12) Le 3 août 1981, le syndicat des aiguilleurs du ciel des Etats-Unis a déclaré une grève pour de meilleures conditions de travail et pour la semaine de travail de 32 heures. Ainsi, le syndicat était en infraction vis-à-vis d’une loi de 1956 qui détermine que les syndicats dans les services publics n’ont pas de droit de grève. Cette loi n’avait généralement pas été appliquée. Le président nouvellement élu (4 novembre 1980) Ronald Reagan a déclaré que cette grève constituait une menace pour la sécurrité nationale et a ordonné la reprise du travail. Reagan savait que des remplaçants étaient formés en secret et a posé un ultimatum de reprise de travail de 48h. Le 5 août, 11.345 aiguilleurs du ciel ont été directement licenciés et exclus des emplois publics pour une période de trois ans (période par la suite raccourcie). Ils ont d’abord été remplacés par des non-grevistes, des contremaitres, des cadres des aéroports et dans certains cas par des aiguilleurs de petites localités et des militaires, en attendant la fin de la formation des remplaçants. Le 22 octobre, la reconnaissance du syndicat a touché à sa fin.

    (13) Lou Cannon, Michael Beschloss, Ronald Reagan: The presidential portfolio: history illustrated from the collection of the Ronald Reagan library and museum, p.128.

    (14) Le taux d’intérêt détermine le prix auquel l’argent est mis à disposition. Ici, le taux d’intérêt directeur, le tarif que les banques s’octroient entre elles pour des prêts quotidiens.

    (15) Contrairement au système de pension basé sur la capitalisation, les systèmes de répartition sont insensibles aux fluctuations des marchés financiers. Ils sous-entendent également un plus grand degré de solidarité que les systèmes de capitalisation individuels. Après la grande dépression et la deuxième guerre mondiale, les systèmes de répartitions ont par conséquent connu un essor. Ils étaient considérés commes des acquis de la lutte des classes. En Belgique, après la guerre, un système de pension mixte a été introduit avec la loi du 28 décembre 1944. La partie du financement par la répartition est devenue de plus en plus importante. Dans le système de pesnsion des ouvriers, le système de pension par capitalisation a été aboli à partir du premier janvier 1954. Pour les employés, cela s’est fait graduellement à partir de 1957 et définitivement le premier janvier 1968. Voir : www.vrouwenraad.be/dossier/2006/genderwetswigzer/soc_zek_werkn.pdf; Dans des pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Islande, les provisions de pension sur base de capitalisation représentent plus de 130% du PIB de ces pays. La Grande-Bretagne et l’Irlande se trouvent dans une moyenne de 50 à 100% du PIB. En Allemagne, en France, en Belgique et dans la plupart des pays de l’Europe du sud et de l’est, ils représentent moins de 20% puisque les systèmes de répartitions jouenent encore un rôle plus important. The Nederlandse Bank, kwartaalbericht, juni 2008.

    (16) Financial Times, 5 février 2008, Why is it so hard to keep the financial sector caged?

    (17) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.86

    (18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.136, 141, 146

    (19) Voir p.19, mais pour une vue plus générale, Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.14

    (20) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.134

    (21) K. Marx, Salaire, Prix et profit.

    (22) F.Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre.

    (23) Le 18 mars, le New York Times s’est demandé si les prix des maisons aux USA allaient suivre le même chemin qu’au Japon entre 1984 et 1999.

    (24) Le Monde, 23 juin 2008, Les fonds d’investissement en quête de moralité. « Leveraged buyout » est la méthode de reprise d’une entreprise avec un minimum de capital propre. La reprise est basée principalement sur des emprunts. Les actifs ou les propriétés de l’entreprise concernée sont utilisés comme caution. Plus tard, l’emprunt devra être repayé par l’entreprise. Généralement, l’entreprise est fortement réorganisée et partitionnée, après quoi des parties sont revendues afin de repayer les emprunts et les obligations tout en gardant un profit après l’opération.

    (25) Ce texte est publié intégralement sur marxisme.net dans “documents internes”, mais malheureusement uniquement en néerlandais pour le moment.

    (26) La Libre a publié un graphique dans son édition du 23 janvier 2008

    (27) Bear Stearns était l’une des plus grandes banques d’affaires sur le plan mondial. La banque avait été créée à New York en 1923. A la fin de 2006, elle employait 13.500 personnes.

    (28) A travers des contrats à termes, des acheteurs s’engagent à acheter une quantité de matières première à un prix fixe à un moment déterminé, pendant que le producteur de matières premières accepte de livrer à ce prix au même moment. Ainsi, le producteur se protège-t-il contre de trop grands changements de prix, pendant que l’acheteur sur le marché des contrats à termes espère qu’au moment où l’achat s’applique le prix sera plus élevé. Les investissements par des spéculateurs dans les matières premières auraient connu une croissance de 13 milliards de dollar en 2003 à 260 milliards de dollars en 2008. MO*, septembre 2008, Over geldhonger en lege magen.

    (29) De Tijd, 16 août 2008, Europa op het randje van recessië.

    (30) JK Galbraith, 1954, The Great Crash 1929.

    (31) The economist, 24 juillet 2008, Workingman’s blues

    (32) Sarah Palin est la candidate vice-présidente républicaine, la colistière de McCain.

  • 2008 – Une année historique

    De nouvelles opportunités s’ouvrent pour la lutte socialiste et la construction du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière désire exprimer ses meilleurs vœux de Nouvel An aux membres de ses sections et groupes dans le monde entier, ainsi qu’à ses sympathisants et à ses lecteurs. L’année 2008 fut une année extraordinaire, aussi mémorable – bien que d’une manière différente – que 1968, ‘l’année des révolutions’, dont nous avons commémoré le quarantième anniversaire au cours des douze derniers mois, de même que le quatre-vingt-dixième anniversaire de la révolution allemande.

    socialistworld.net

    On se souviendra de cette année comme étant celle qui a marqué pour les marxistes de la plupart des pays la fin du marasme politique. Avec l’effondrement des économies planifiées, abruties par une bureaucratie étouffante, en URSS et en Europe de l’Est il y a deux décennies et le triomphe apparent du capitalisme, les travailleurs du monde entier se virent dire qu’il n’y avait aucune alternative à ce système. La plupart des dirigeants des syndicats et des partis colportèrent le mensonge que la coopération avec les patrons était la seule voie à suivre, plutôt que la lutte contre eux.

    Malgré les avertissements des marxistes, dont les idées étaient perçues comme ‘dépassées’, le capitalisme semblait promettre une croissance sans fin. Cette croissance était basée sur des niveaux jamais vus de dettes personnelles et publiques, accompagnées d’un côté par la guerre, la guerre civile et une pauvreté de masse, de l’autre par une richesse obscène et la corruption. Le fossé entre riches et pauvres, à la fois au niveau national et international, doit avoir largement surpassé le fossé déjà effarant qui avait été décrit par Marx et Engels, il y a 150 ans. La dégradation et la destruction du système écologique planétaire, perpétrée par les deux mastodontes du capitalisme et du stalinisme, approche d’un point de non-retour.

    Maintenant, avec la cohue suscitée par l’effondrement tragique des principales institutions financières et des marchés immobiliers, suivie d’un repli de l’économie réelle, on entend de plus en plus l’acceptation de la part des analystes capitalistes que Marx avait raison, et on remarque un regain d’intérêt pour ses idées. Les ouvrages socialistes regagnent en popularité, au fur et à mesure que les banquiers et les politiciens capitalistes s’attirent le courroux des travailleurs et des jeunes.

    Des socialistes authentiques

    Si les nationalisations et le keynésianisme reviennent à la mode, en tant que seule manière de ‘sauver’ le capitalisme, alors la tâche des socialistes et des communistes tels que ceux qui sont membres du CIO est d’élaborer des revendications en faveur de mesures socialistes authentiques. Les groupes et sections du CIO ont milité énergétiquement en faveur de nationalisation qui soient effectuées entièrement dans l’intérêt des travailleurs : non aux secrets d’affaires, non aux licenciements, non aux coupes salariales, pour le partage du travail et la mise en place d’un système de comités élus de représentants ouvriers aux niveaux locaux et nationaux, afin de contrôler de gérer l’économie et la société.

    Alors que des centaines de milliers de travailleurs de l’automobile sont licenciés et que des millions de gens doivent faire face aux deux fléaux que sont le chômage et la perte de son foyer, c’est le combat contre le système lui-même qui doit être mis à l’ordre du jour. Les membres du CIO partout dans le monde sont impliqués dans des campagnes afin de construire de véritables partis ouvriers massifs de lutte. Le CIO lui-même a fait la preuve qu’il était un outil précieux afin de tirer les expériences des nouveaux partis que nous avons vu se développer en Europe et en Amérique latine, ce qui a été illustré par des discussions animées, rapportées sur notre site socialistworld.net, lors de la réunion du Comité Exécutif International du CIO en novembre 2008.

    Jusqu’à la fin de cette année, les membres du CIO se sont investis dans les événements tumultueux en Grèce et en France, où les jeunes des écoles et des universités représentent les prémices de la lutte de masse à venir. En Italie aussi, la colère des travailleurs face aux perspectives pour 2009 approche de l’ébullition. Des explosions de lutte des classes sont inévitables. Leur timing, étendue et devenir ne sont pas prévisibles, mais ceux parmi nous qui visent à donner le maximum de leur temps et de leur effort au développement de ces luttes doivent s’y préparer !

    Une courte période de repos est bienvenue pendant les congés du Nouvel An, là où c’est possible. Mais comme l’ont démontré de récents articles parus sur notre site international, dans certains pays – tels que le Pakistan, le Kazakhstan, l’Inde, le Sri Lanka ou encore le Nigeria – il n’y a aucune trêve dans les batailles politiques et économiques quotidiennes.

    Au fur et à mesure que s’intensifie la lutte des classes, de plus en plus d’énergie et de dévouement sera requis et de plus en plus de forces seront recrutées à la cause de la révolution socialiste. Les journaux et sites du CIO, qui commencent déjà à gagner en popularité au fur et à mesure que la récession se fait amère, exigent des ressources humaines et financières qui doivent être trouvées (des dons de Nouvel An peuvent être envoyés au CIO via notre site web international).

    Espoirs et attentes

    Les événements dramatiques qui se sont passés lors des élections américaines ont aussi marqué un point tournant. La victoire d’Obama a suscité des espoirs et des attentes chez des millions d’Américains ainsi que chez de nombreuses personnes parmi les laissés-pour-compte et les exploités du monde entier. Les travailleurs espèrent que la nouvelle administration apportera un changement – vis-à-vis de l’Iraq, de Cuba ou même du Moyen-Orient. Mais il est clair que le nouveau cabinet Obama ne représente pas une rupture par rapport au règne du big business. La guerre en Afghanistan va se poursuivre et malheureusement, sous le capitalisme, toutes les réformes et les mesures de « protection » qu’Obama pourra mettre en œuvre ne garantiront pas un avenir sûr pour la classe salariée américaine, qui reste potentiellement la plus puissante du monde, et encore moins pour les masses du monde entier en général. La population laborieuse de Chine découvre aussi, à prix fort, que le capitalisme n’est pas la solution, au vu du ralentissement de leur économie que rien pourtant ne semblait pouvoir entraver.

    Des explosions immenses sont imminentes dans le monde entier ; des vagues révolutionnaires peuvent se développer rapidement dans toute une série de pays. La tâche de membres du CIO est de comprendre, expliquer, organiser et agir en conjonction avec les désirs et besoins de la classe salariée et des pauvres. Rien n’est automatique. Mais, après les vingt dernières rudes années, l’heure est venue pour les idées du socialisme de prendre chair, et pour construire de nouveaux mouvements et partis de lutte de masse.

    Le moral des sections et groupes du CIO, de même qu’au centre du CIO à Londres, révèle une confiance et un enthousiasme accrus. Nos idées et nos méthodes sont correctes. Nos nombres vont se multiplier à la chaleur des événements. Nous remercions tous ceux qui nous ont apporté leur aide – petite ou grande – au cours des dernières années, et attendons avec impatience les défis de 2009. Nous appelons bien entendu tous nos lecteurs à nous rejoindre dans la lutte pour un monde socialiste.

    En raison des congés, l’activité sur nos sites va être quelque peu réduite. Elle reprendra dès début 2009, notamment avec une analyse de Peter Taaffe (Secrétaire Général du Socialist Party (CIO- Angleterre et Pays de Galles) quant aux événements de l’année passée et aux perspectives pour le mouvement ouvrier en 2009.

  • Nouveau livre: “Socialism and left unity” par Peter Taaffe

    Le nouveau livre «Socialism and left unity – A critique of the Socialist Workers Party» est un livre intéressant à plus d’un titre chez nous aussi, en illustrant les idées et la méthode de notre organisation. Ce livre écrit par le secrétaire général du Socialist Party (notre parti-frère en Angleterre et au Pays de Galles) prend base sur une polémique avec le SWP, une organisation qui se réclame également du trotskisme et qui n’est maintenant plus représentée en Belgique.

    Certains penseront peut-être qu’il vaut mieux ne pas entrer en confrontation avec un autre courant de gauche dans un livre qui traite justement de l’unité de la gauche. Cette opinion est une expression du besoin d’un prolongement politique pour le mouvement ouvrier et de l’idée que l’unité des formations de gauche existantes pourrait constituer une étape dans cette direction. Mais pour parvenir à une véritable unité, nous devons toutefois également examiner pourquoi des désaccords existent et quelles méthodes appliquent les différentes organisations. À défaut de quoi, un enthousiasme temporaire pour l’unité peut rapidement tourner en une plus grande désunion. Malheureusement, il y a beaucoup d’exemples de tentatives de construction d’une nouvelle formation qui n’ont pas finalement pas été jusqu’au résultat souhaité.

    Le livre de Peter Taaffe est aussi un ouvrage intéressant pour les militants de notre pays. En Belgique, il n’existe plus d’organisation-sœur du Socialist Workers Party britannique depuis qu’il y a un peu plus de dix ans, en 1997, l’organisation Socialisme International a été exclue du fonctionnement international du SWP parce qu’une majorité de ses membres avait refusé d’aller militer dans les rangs du PS. Différents militants de SI ont alors rejoint les rangs du MAS/LSP et ont joué, et jouent encore, un rôle dirigeant dans notre parti. Mais il pourtant intéressant de voir sous l’angle d’une confrontation d’idées comment fonctionne le centralisme démocratique dans notre internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, et comment nous avons analysé la période des années ‘90.

    L’évaluation de la période des années ’90 est un désaccord important entre notre organisation et le SWP. A partir de l’idée que les Etats staliniens du Bloc de l’Est étaient du ‘capitalisme d’Etat’, le SWP a affirmé que la chute du stalinisme ne représentait pas spécialement une défaite pour le mouvement ouvrier. Cela devait au contraire mener à plus de possibilités pour le mouvement ouvrier et à plus de potentiel pour la gauche dans les années ‘90 comparé aux années ’80 et même aux années ‘70. Nous avons rejeté l’idée du ‘capitalisme d’Etat’ et avons défendu que les régimes du Bloc de l’Est étaient des Etats ouvriers bureaucratiquement dégénéré ou déformés. Nous avons bien entendu toujours rejeté l’élément dictatorial du stalinisme, mais il y avait il y avait aussi des éléments progressifs dans l’économie planifiée. Cela a été particulièrement visible et clair après la chute du Bloc de l’Est et la chute fulgurante du niveau de vie pour la majorité de la population.

    Peter Taaffe parle dans son livre de l’inconséquence historique des conceptions du SWP. Alors que cette organisation a sauté dans un soutien sans aucune critique d’Ho Chi Minh au Viêt-nam, elle avait un avis fort différent face à la Corée du Nord. Aucune déclaration théorique n’a jamais expliqué cette approche différente, et la raison pour laquelle le SWP a crié lors de manifestations des slogans favorables à un dirigeant ‘capitaliste d’Etat’ comme Ho Chi Minh reste inexpliquée. Cette approche du (précurseur du) SWP était purement un moyen de surfer sur l’opinion publique parmi les étudiants.

    La définition des régimes du Bloc de l’Est comme du ‘capitalisme d’Etat’ a bien entendu aussi eu des conséquences extrêmes au moment de la chute de ces régimes. Que signifiait cette chute du stalinisme pour la conscience et les possibilités pour la gauche ? Le SWP a affirmé que la chute du stalinisme ne minerait pas les possibilités pour la gauche en déclarant aussi que les années ‘90 pouvaient être considérées comme «des années ‘30 plus lentes». La défaite pour le mouvement ouvrier représentée par la chute du stalinisme (c’est-à-dire par la disparition des éléments progressifs dans ces régimes et par l’offensive idéologique de la bourgeoisie) a eu des conséquences extrêmes et a nécessité une adaptation des méthodes des marxistes pour faire face aux nouvelles conditions. Peter Taaffe se réfère alors à une expression de Trotsky à propos d’une estimation incorrecte d’une période ; Trotsky a comparé cela à un fou qui chante un chant d’anniversaire à un enterrement et vice-versa. Cela peut s’appliquer au SWP face à la période des années ‘90, une période erronément présentée comme une ère de radicalisation et de possibilités pour la gauche révolutionnaire.

    Cette évaluation a mené à une approche très propagandiste et optimiste de la part du SWP dans cette période. Cela a indubitablement mené à court terme à un certain nombre de succès, mais cela a continuellement plus poussé le SWP dans des problèmes à plus long terme. Cela apparaît aussi avec la crise que traverse maintenant cette formation en Grande-Bretagne. L’évaluation fausse de la période des années ’90 pour la gauche a aussi mené à une approche optimiste en matière d’unité de gauche et le SWP a voulu beaucoup trop vite centraliser ces initiatives (de préférence sous son propre contrôle). Dans le livre Socialism and left unity, il est aussi question de la manière dont le SWP est intervenu dans le mouvement anti-globalisation et dans le mouvement anti-guerre avec une approche et un contenu minimaliste. D’autres critiques intéressantes sont aussi évoquées dans d’autres domaines de fonctionnement comme le travail syndical. Il est frappant de voir comment cette organisation a assez facilement changé d’avis et d’approche sans une seule déclaration pour expliquer quoi que ce soit. Aucune évaluation n’est faite des erreurs passées, une nouvelle orientation arrive simplement sans aucune discussion.

    Cela révèle un deuxième problème, celui du fonctionnement interne et de l’aspect démocratique du centralisme démocratique. En opposition au Comité pour une Internationale Ouvrière, l’IST (la tendance internationale autour du SWP) n’a pas d’organe international démocratiquement élu et c’est du dessus que les décisions sont prises sur la manière de fonctionner. L’ancienne section belge de l’IST l’a vécu fin des années ’90 quand un appel est venu de Londres pour fonctionner au sein du PS. Les membres ont refusé d’appliquer cela et la section belge de l’IST a été tout simplement exclue. Notre internationale, le CIO, a peu d’expérience avec les exclusions. Cela n’est arrivé que deux fois au cours des dernières années et il s’agissait à chaque fois de mesures disciplinaires (en 1998, le Labour Party Pakistan a été exclu pour avoir abusé des moyens financiers des ONG et la direction de notre section ukrainienne a été exclue il y a quelques années pour cause de fraude).

    Peter Taaffe donne avec ce livre une parfaite image de notre évaluation des années ’90, de notre attitude face à la question de l’unité de la gauche dans le contexte britannique mais aussi au sujet à l’intérieur de Die Linke en Allemagne et vis-à-vis de notre application du centralisme démocratique sur le plan international et national. Cela rend ce livre tout aussi intéressant pour les marxistes qui ne sont pas directement confrontés au fonctionnement du SWP.


    “Socialism and leftwing unity – A critique of the Socialist Workers Party”, 100 pages, 7,5 euros, disponible en anglais uniquement. Vous pouvez passer commande via redaction@lsp-mas.be ou via le n° 02/345.61.81.

  • Aidez-nous à mettre le MAS à l’ordre du jour !

    Du 12 au 14 décembre, le Mouvement pour une Alternative Socialiste va vivre son 11e Congrès national depuis février 1992. Ce Congrès s’inscrit dans une période de crise profonde pour le capitalisme. La bourgeoisie essaie par tous les moyens possibles de sauver son système, en recourant largement aux moyens de l’Etat, rompant ainsi avec ses propres règles néolibérales.

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    > Version pdf de cet appel
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    Les travailleurs et leur famille sont clairement les grandes victimes de cette crise, et tous les moyens invoqués par la classe dominante pour soi-disant sauver l’économie ne font que pousser un peu plus loin dans la misère l’immense majorité de la population mondiale. Aux Etats-Unis, des centaines de milliards de dollars ont été injectés par l’Etat pour renflouer les banques, pour collectiviser les pertes. Les travailleurs américains n’ont à nouveau pas eu droit à leur part du gâteau et des centaines de milliers d’entre eux ont été forcés de quitter leurs maisons, qu’ils ne pouvaient plus payer. La crise financière a peu à peu fait place à la crise économique avec des centaines de milliers de pertes d’emplois perdus dans les secteurs de la finance, de l’automobile, de l’aéronautique, de la construction, du transport, des soins de santé,…

    En Belgique aussi, le gouvernement, habituellement si frileux pour dépenser le moindre euro, n’a pas hésité cinq minutes avant d’offrir plus de 20 milliards d’euros au total pour sauver Fortis, Dexia, Ethias et KBC de la faillite. Et pour sauver l’emploi et en créer de nouveaux ? Pour assurer des allocations décentes ? Pour assurer des soins de santé, des logements, des transports publics de qualité et à prix abordable ? Pas un euro, bien évidemment.

    Depuis le début de cette année, les travailleurs luttent pour des salaires et des allocations plus élevées. Nous avons vécu une énorme vague de grèves et d’actions spontanées dans les secteurs métallurgique, pharmaceutique, pétrochimique, alimentaire, de la fonction publique, du non-marchand,… et ceci malgré le frein sur ces actions joué par les directions syndicales. La combativité est donc certainement présente. Une combativité à laquelle le patronat répond d’ailleurs de plus en plus avec des attaques sur le droit de grève, notamment par l’envoi d’huissiers et de policiers pour casser les piquets.

    Ces 20 dernières années, le socialisme a été poussé dans la défensive. Pendant toute cette période, nous avons mené une lutte pour sauvegarder nos idées, notre programme. Mais les idées socialistes sont aujourd’hui en train de ressurgir. En Allemagne, les ventes du « Capital » de Karl Marx ont déjà triplé cette année par rapport à 2005. Actuellement, selon les sondages, Die Linke pourrait devenir la troisième force politique du pays. De temps en temps, la gauche a droit à plus d’attention médiatique, comme le montre la couverture actuelle et l’engouement pour Olivier Besancenot en France, crédité de 13% dans certains sondages. Mais cela ne remplace pas la nécessité d’un parti capable de réellement changer la société. En Amérique latine, nous avons toujours dit que la position de Chavez n’était pas tenable à long terme sur base capitaliste. Avec la crise actuelle, le choix à faire entre capitalisme et socialisme va devenir sans cesse plus insistant.

    Le CIO et le MAS/LSP doivent donc plus que jamais mettre leurs idées et leur programme en avant. Cette nouvelle période nécessite un caractère plus affirmé de notre parti, un profil plus clair. C’est la raison pour laquelle, lors du Congrès national, nous voulons aussi donner un nom de parti à notre organisation du côté francophone. Et c’est aussi pourquoi, à partir d’aujourd’hui, nous devons plus investir dans la propagande.

    Nous devons aujourd’hui construire nos forces pour être capable d’accueillir ces jeunes et ces travailleurs qui se radicaliseront demain. Mais pour ce faire, nous avons évidemment besoin de temps, d’énergie, mais aussi d’argent. Nos membres ont déjà fait d’énormes efforts sur ces trois terrains et nous avons toujours pu compter sur le soutien régulier de beaucoup de sympathisants. Mais de nouveaux besoins s’imposent et nous espérons donc, à l’occasion de notre Congrès National, que nous pourrons à nouveau compter sur votre soutien.

    En 2006 et 2007, nous avons pu récolter plus de 15.000€ de dons lors de nos Conférences. A chaque fois, nous avons pu compter sur beaucoup de dons petits et moyens, mais aussi sur certains plus élevés. Cette année, notre objectif est de récolter au minimum le même montant.

    Une partie de cette somme sera directement utilisée à la construction de notre Internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO). Par exemple, 500€ seront immédiatement versés pour la construction de nos sections en Amérique Latine et 3.000€ seront donnés à l’appel financier général du CIO.

    Dans le contexte actuel, nos sections-sœurs à travers le monde ont un énorme potentiel de croissance et des tâches immenses à accomplir. En Amérique Latine, évidemment, mais aussi aux Etats-Unis, où l’énorme enthousiasme autour de la campagne de Barack Obama témoigne d’un regain d’intérêt pour le débat politique, pour une politique qui défende les travailleurs. Sans aucune illusion de leur part dans le nouveau président démocrate, nos camarades ont devant eux, là-bas aussi, une ouverture pour les idées socialistes. En Asie et en Afrique aussi, là où, entre autres, la famine et la malnutrition, aggravée par la crise alimentaire, a causé et cause toujours la mort de millions de personnes, et où la crise économique actuelle fait des ravages, parallèlement à l’augmentation des conflits interethniques.

    Mais les tâches en Europe et dans notre pays ne sont pas moins grandes. L’argent récolté grâce à cet appel financier servira donc aussi à la construction du MAS/LSP. Par exemple, les élections approchant, lors de notre campagne préélectorale qui consiste en la récolte de milliers de signatures de parrainage nécessaires, nous voulons être capable de distribuer un tract du même type que celui de notre campagne autour du pouvoir d’achat et de l’emploi.

    Nous appelons donc tous nos membres à faire un don (ou une promesse de don) le plus grande possible et/ou, pour ceux qui le peuvent, à augmenter leur cotisation mensuelle de membre. Nous faisons également cet appel à nos sympathisants. Si vous le voulez et le pouvez, faites un don ou une contribution mensuelle de sympathisant via un ordre permanent bancaire mensuel de soutien au MAS/LSP. Avec cet appel, nous ne te demandons ni plus ni moins que de t’investir dans la construction d’un parti avec l’objectif de réaliser ensemble une société socialiste.

  • Lancement de l’année politique au MAS/LSP

    Samedi 13 septembre 2008

    Environ 70 camarades ont participé au secrétariat national du MAS/LSP au meeting et au barbecue de lancement de notre année politique. A cette occasion, dans une ambiance fraternelle et optimiste quant aux prochains défis qui nous font face, notre nouveau matériel de campagne sous le slogan "Tous ensemble pour le pouvoir d’achat et pour l’emploi" a été présenté.

    Au cours du meeting, trois orateurs ont pris la parole: Els Deschoemacker, qui a abordé la situation politique internationale et internationale sur base de laquelle notre activité va prendre place; Boris Malarme, qui a parlé du rôle crucial de nos campagnes parmi la jeunesse et de leur potentiel; et enfin notre camarade allemand Claus Ludwig, conseiller communal à Cologne, a parlé des mobilisations contre le congrès anti-islam du 20 septembre prochain contre lequel nous mobilisons en Belgique également.

    Enfin, nous avons ensemble pu savourer un excellent barbecue. Les participants sont repartis plein d’énergie et d’enthousiasme vers leurs sections avec le nouveau matériel et la teneur des discussions à faire partager à chaque camarade.


    CALENDRIER de nos campagnes:

    • De la colère à l’action organisée: Résistance Internationale!
    • 20 septembre: Manifestation contre un Congrès anti-islam organisé avec la participation du Vlaams Belang
    • 4 octobre: Action contre la conférence du Front National à Molenbeek (BXL)
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes

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    Versez votre don ou un soutien mensuel (par ordre permanent bancaire) sur le compte n° 001-2260393-78 avec la communication « don ».

    Pour toute information supplémentaire, n’hésitez pas à nous contacter : info@socialisme.be ou finances@lsp-mas.be.
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