Category: National

  • Crise économique et crise d’idées

    Interview de Jean-Claude Marcourt (PS) accordée au journal Le Soir

    Sous le titre-citation «C’est un choc. On réagit», le ministre wallon de l’économie a déballé ses idées sur la crise dans l’édition du 16 octobre du journal Le Soir. Marcourt nous apprend ainsi que le PS déposera bientôt une batterie de propositions de lois. On se réjouit de les lire, parce qu’en guise d’avant goût, on reste sur sa faim avec cette interview. Marcourt possède bien quelques idées ici et là, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne peuvent prêter qu’à rire lorsqu’on les compare à la gravité de la situation. C’est toujours ça de pris.

    Par Nicolas Croes

    Cela n’a l’air de rien, être ministre de l’économie, mais ça demande des compétences qui ne sont pas données à tout le monde. Ainsi, si vous demandez autour de vous ce qu’on pourrait faire face à la crise, personne ne vous répondra : « Il faut revenir à des règles de base où le système sera moins flamboyant quand il monte et moins destructeur quand il descend. Pourquoi ne pas supprimer la dictature des résultats trimestriels, qui obligent les entreprises à se braquer sur des objectifs à court terme ? Les marchés financiers pourraient se contenter de résultats semestriels.»(1) Combien de diplômes doit-on posséder pour pondre une idée pareille?! C’est certain, une telle mesure règlerait bien des choses… Vous voulez des résultats trimestriels ? Et bien non, uniquement semestriels ! Quel coup porté à ceux dont la soif de profit est à la base de la crise actuelle…

    Ne soyons toutefois pas malhonnêtes, ce n’est pas le seul projet ambitieux que propose Jean-Claude Marcourt. Il déclare encore au journaliste qu’il a «déposé hier sur la table du gouvernement quatre mesures visant à aider les entreprises qui ont besoin de crédits. (…) Bref, nous sommes derrière l’activité économique.»(1) Et c’est bien vrai ! Pour soutenir «l’activité économique», c’est-à-dire les patrons et les actionnaires, on peut toujours faire confiance au PS. Qui a privatisé Belgacom ? Di Rupo. Qui est responsable des assainissements et de la perte de milliers d’emplois dans l’enseignement ? Di Rupo et Onkelinx. Qui a déclaré que diminuer les taxes sur les entreprises créait de l’emploi ? Onkelinx. Qui a voté la déduction des intérêts notionnels avec le MR? Le PS.

    Tout pour les patrons

    Le libre marché et le «capitalisme financier» tant décriés aujourd’hui, le PS les connaît comme on connaît un bon pote (inutile d’insister sur le siège de Di Rupo au conseil d’administration de la banque Dexia, mais faisons-le tout de même un peu). Pourtant, sur son blog, Marcourt affirme que «Le libéralisme du « laissez-faire » vient de démontrer ses limites : George Bush voulait toujours moins d’impôts [slogan bien connu en Belgique], une stimulation à outrance de l’offre et plus d’exposition à la libre concurrence pour être plus compétitif.»(2) Il faut un certain culot pour critiquer cette politique néolibérale dont les principes ont été à la base de celle que le PS a appliqué ici : privatisation de La Poste, Pacte des Générations, etc. D’autant plus de la part du créateur du très néolibéral Plan Marshall. La différence de proportion entre les USA et la Belgique tient moins en la pugnacité des élus et des structures du PS qu’en la force et le degré d’organisation des travailleurs.

    Exagération ? Que nenni ! D’ailleurs, plus loin dans l’interview, Jean-Claude Marcourt précise pour qui bat son cœur : «J’ai lancé une invitation aux représentants du patronat, de l’Union wallonne des entreprises et des Classes moyennes, aux représentants des pôles de compétitivité et des organisations syndicales, à réfléchir ensemble à ce qui se passe : comment soutenir nos entreprises?» Soutenir les entreprises? Qui créé les richesses produites par ces entreprises ? Ce ne serait par hasard pas ces mêmes travailleurs qui luttent pour leur pouvoir d’achat ? Pourquoi accorder des milliards aux entreprises et aux banques et rien à nous?

    Et quand le journaliste du Soir lui demande «craignez vous des mouvements sociaux en Wallonie», il répond : «Le monde patronal ne doit pas y trouver de faux prétexte pour restructurer. S’il y a des difficultés, la transparence des chefs d’entreprises à l’égard des travailleurs sera fondamentale. Il faut faire fonctionner la démocratie à l’intérieur des entreprises. Et puis, la Wallonie n’est pas une terre de gréviculteurs, mais de gens qui veulent travailler.» Quand quelqu’un fait grève, Monsieur Marcourt, ce n’est en rien parce qu’on ne veut pas travailler. C’est parce qu’on ne veut plus travailler sous ces conditions! Et quant à la démocratie dans les entreprises, elle ne sera véritable que quand les travailleurs – ceux qui produisent les richesses – seront les maîtres de leurs lieux de travail et que les patrons et actionnaires – ceux qui volent le fruit du travail des autres – seront du domaine du passé.

    Il ne suffit pas de glorifier les luttes du passé sur son blog pour se dire socialiste, il faut soutenir celles d’aujourd’hui. Un chemin tel que celui suivi par Jean-Claude Marcourt conduit face aux travailleurs, pas à leur côté.


    (1) Le Soir, 16/10/08, « C’est un choc. On réagit »
    (2) Blog de Jean-Claude Marcourt, 25/10/08, Le poker menteur du libéralisme

    Liens:

  • Les revendications syndicales sont aussi politiques

    Les revendications sur le pouvoir d’achat sont non seulement syndicales mais aussi politiques dans le sens où elles s’opposent à la logique néolibérale. Et il est bien difficile d’engager un combat avec une main attachée dans le dos… La lutte syndicale a besoin d’un prolongement politique qui mène ce même combat pour plus de pouvoir d’achat.

    En ce moment, aucune formation politique traditionnelle ne remplit ce rôle. Elles ne considèrent que les intérêts des grandes entreprises et des actionnaires. Un véritable parti de défense des travailleurs irait chercher l’argent là où il est, dans les coffres des banques et des entreprises qui ont réalisé des profits record. A l’époque du Pacte des générations, nous avons pu sentir l’absence d’un tel parti : alors que nous étions 100.000 à manifester contre ce pacte, il ne s’est trouvé presque aucun parlementaire pour voter contre ce pacte et aucun pour soutenir effectivement les actions syndicales.

    Ce vide politique laisse l’espace à toutes sortes de populistes qui prétendent avoir des solutions, mais ne font que poursuivre la politique néolibérale. C’est ainsi que des personnages comme Jean-Marie Dedecker ont pu émerger en Flandre. Même c’est aussi pour cela que des partis comme le PS ou ECOLO peuvent encore jouer un rôle de « moindre mal » malgré leur participation enthousiaste aux politiques de privatisation. Partout en Europe se développent de nouveaux partis de gauche et notre pays ne peut pas faire exception même si ce n’est pas évident d’arriver à la création d’un tel parti large.

    Selon nous, la force la plus importante doit provenir de la base syndicale, celle qui mène les actions pour le pouvoir d’achat et l’emploi. Avec et autour de cette base, un parti qui reprenne les revendications syndicales est nécessaire : il nous faut un parti syndical.

  • Les véritables enjeux de la course au leadership wallon

    Guéguerre entre le MR et le PS

    Souvenez-vous. C’était le soir des élections du 10 juin 2007. Didier Reynders claironnait à qui voulait l’entendre qu’il avait fait « bouger le centre de gravité en Wallonie » après avoir appris que son MR était devenu le premier parti francophone. Et Reynders s’est pris à rêver d’un gouvernement chrétien/libéral – l’Orange bleue – dont il serait l’artisan.

    Par Thierry Pierret

    Un tel gouvernement aurait eu pour tâche de mener une offensive plus résolue contre les travailleurs et leurs familles. Et de clamer bien fort à l’attention des partis flamands qu’il avait déjà réalisé une réforme de l’Etat en mettant le PS hors jeu.

    Mais le CD&V/NVA ne l’entendait pas de cette oreille. Il tenait absolument à sa réforme de l’Etat. A tel point que les négociations se sont enlisées et que l’Orange bleue chère à Reynders a pourri sur pied. Pour « stopper le compteur de la crise » – dixit le Napoléon du MR – Reynders a dû se résoudre à l’impensable: le retour du PS au gouvernement fédéral. Pour justifier cette volte-face, il n’a pas arrêté de dénoncer le « cartel PS/CDH » indécollable. Et de rappeler à plusieurs reprises que la coalition actuelle n’était pas celle de son choix. En coulisses pourtant, Reynders avait pris des contacts pour élargir au MR la coalition PS/CDH à la Région wallonne et à la Communauté française. Cela aurait permis au MR d’être partie prenante du « dialogue de Communauté à Communauté » qui semblait devoir se mettre en place avant le 15 juillet. Et puis patatras! La pseudo-démission d’Yves Leterme a tout remis en cause. Le dialogue de Communauté à Communauté était au point mort.

    Dès lors, Reynders n’avait plus d’autre choix que de renouer avec un discours de rupture. Dans son interview de rentrée au journal Le Soir, il étrille ses « partenaires » PS et CDH au gouvernement fédéral. Il tire à boulets rouges sur le bilan de la coalition PS-CDH à la Région wallonne et va jusqu’à dire que « la Wallonie est au coeur du mal belge ». Il récidive dans une interview à La Libre Belgique des 13 et 14 septembre où il annonce son ambition de faire bouger une seconde fois le centre de gravité en Wallonie lors des prochaines élections régionales. Il y dénonce pêle-mêle les errements de la politique en matière d’enseignement, d’économie, de logement social, d’urbanisme et de gouvernance. Il utilise même le terme infâmant de « politicaille ». Puis il ajoute: « Or nous avons besoin d’un changement profond. Et encore plus si on croit à l’unité de la Belgique. Parce que l’écart qui se creuse entre le Nord et le Sud accroît les tensions, évidemment. Baisser les charges sur les entreprises, qui en a le plus besoin? Mais la Région qui a le plus besoin de créer de l’activité, c’est évident! ».

    Rattraper la Flandre par une politique de dumping fiscal et social : Reynders veut réduire l’écart entre le Nord et le Sud en élargissant celui qui existe entre les riches et les pauvres ! On ne saurait mieux exprimer la vocation antisociale de la réforme de l’Etat envisagée par les partis traditionnels. Il est grand temps de faire “bouger le centre de gravité de la politique” vers le mouvement social autour du pouvoir d’achat.

  • Leur budget et le nôtre

    Le système financier mondial que gouvernements et multinationales ont transformé en casino aux portes grandes ouvertes est aujourd’hui en pleine crise. Les effets sont dévastateurs sur le niveau de vie des populations partout dans le monde et l’inflation galopante ne fait qu’annoncer une année 2009 bien plus difficile encore pour la grande majorité d’entre nous. Depuis juin, plus de 3.000 travailleurs ont déjà perdu leur emploi en Belgique, uniquement dans les grandes entreprises ! Le nombre de faillites a atteint un niveau record cet été : plus de 1.800 entreprises en faillite de juin à août 2008, soit près de 23% de plus par rapport à la même période en 2007. (1)

    Stephane Delcros

    Au milieu de tout ça, Leterme – qui avait mis en avant sa «bonne gouvernance» lors de sa campagne électorale – doit aujourd’hui essayer de trouver 5 milliards d’euros s’il veut arriver à un équilibre pour son budget 2009.Mais de quel type de budget avons-nous besoin ? Dans l’intérêt des travailleurs, de la majorité de la population donc, ce dont nous avons besoin, c’est d’un budget qui permette une augmentation réelle du salaire brut et des allocations, qui se donne les moyens d’entreprendre une construction massive de logements publics de qualité, mais aussi d’écoles et d’hôpitaux gratuits et accessibles à tous ! Un budget qui aille puiser dans les superprofits des entreprises pour financer notamment la création d’emplois via une réduction du temps de travail à 32 heures par semaine sans diminution de salaire !

    Mais on connaît les recettes employées pour l’élaboration des budgets par les gouvernements ces dernières années : priorité absolue aux diminutions de charges pour les entreprises en finançant celles-ci par des « trucs » comme la vente de bâtiments appartenant à l’Etat, c’est-à-dire à la collectivité. Bref, un transfert d’argent de nos poches à celles des patrons !

    Mais cette recette a fait long feu : la plupart des bâtiments publics ont été vendus et, là où les gouvernements précédents pouvaient compter sur une croissance économique autour de 3%, celle-ci ne devrait atteindre péniblement que 1,6% en 2008 et même 1,2% en 2009.(2) Et la crise boursière actuelle pourrait en plus obliger le gouvernement à devoir débourser de l’argent supplémentaire pour renflouer l’une ou l’autre banque. Si Leterme veut essayer de tenir ses promesses du style « le pouvoir d’achat ne diminuera pas ! », alors le titre du film pourrait vite devenir : « Et pour quelques milliards de plus »…

    Nous savons déjà tous comment le gouvernement va vouloir trouver l’argent : en « assainissant » au maximum, sur le dos des travailleurs et de leurs familles. Des diminutions du nombre de fonctionnaires sont ainsi déjà à l’ordre du jour. Mais les coups les plus durs ne viendront probablement pas avant les élections régionales et européennes – et peut-être fédérales – de juin 2009. Tous les partis traditionnels connaissent aujourd’hui une crise plus ou moins profonde, et il est clair qu’aucun d’entre eux n’a envie d’être vu comme le responsable des assainissements à venir. On peut compter sur eux pour continuer la surenchère communautaire.

    Nous avons besoin d’un budget qui réponde réellement aux besoins des travailleurs et de leurs familles, pas de nouvelles baisses de charges patronales ! Un tel budget ne peut exister qu’en se donnant réellement les moyens de changer un système qui donne la priorité aux riches et à leurs profits.


    (1) Direction générale statistique et information économique, août 2008.

    (2) Bureau du Plan, septembre 2008.

  • Le cartel flamand butte sur les frontières de leur propre politique

    Ce qui avait déjà été prédit par beaucoup est maintenant arrivé avec environ un an de retard : le cartel CD&V – N-VA s’est scindé plus rapidement que BHV. Ce nouvel épisode du feuilleton politique est le résultat inévitable de la guerre de position communautaire qu’ont connu ces derniers mois et années.

    Par Bart Vandersteene

    Avec le cartel flamand, le CD&V est redevenu après les élections de 2007 la formation politique flamande la plus importante. La crise qui a suivi la défaite électorale de 1999, quand le CD&V avait obtenu seulement 20,54% au sénat, semblait définitivement du domaine du passé. Avec un score de 31,58% au sénat, le parti chrétien-démocrate flamand était le parti traditionnel le plus important et Yves Leterme, qui à ce moment là personnifiait encore la « bonne gouvernance », avait reçu 733.643 voix de préférence. Peu reste aujourd’hui encore debout de cette image, même si le cartel obtient encore dans les sondages presque 30%.

    Le cartel avait déclaré qu’il allait rapidement remettre les francophones à leur place après les élections et réaliser une grande réforme d’Etat. La N-VA suit une stratégie de confrontation qui doit démontrer l’impossibilité du système belge de fonctionner correctement. Ce n’est pas neuf. Par contre, c’était nouveau de voir entrer à ce point dans cette logique le CD&V, le parti de la gestion par excellence pendant des années, afin qu’il redevienne incontournable.

    La rupture a été préparée

    Jusqu’à cet été, Leterme était le fer de lance du cartel flamand et il a lui aussi dû recevoir des coups pour les échecs consécutifs des négociations communautaires. Le nouveau projet de laisser les communautés « dialoguer », a laisser de côté Leterme pour que Kris Peeters puisse se mouiller. Le Premier ministre flamand a donc lui aussi perdu sa « virginité communautaire ».

    Leterme a pu de cette manière pu rester à l’arrière-plan et transférer la crise du gouvernement fédéral au gouvernement flamand. Le SP.a, dans l’opposition au niveau fédéral, n’a pas eu de problème à marcher dans cette nouvelle voie. C’était beaucoup plus compliqué pour la N-VA, car pour tout le monde il était devenu plus que clair qu’arriver à une réelle réforme d’Etat pour juin 2009 via ce dialogue n’était pas possible. La question était donc de savoir si la N-VA allait continuer à participer encore longtemps au gouvernement fédéral et flamand. Le congrès de la N-VA du 21 septembre a sans surprise repoussé les propositions des trois intermédiaires. Les dominos sont alors tombés les uns après les autres : le retrait de la confiance au gouvernement fédéral (duquel la N-VA ne fait plus partie), la crise au gouvernement flamand et l’appel du SP.a et du VLD au retrait du ministre Bourgeois pour arriver à une rupture du cartel.

    Après une année de mortification, le CD&V s’est enfin débarrassé de son partenaire radical. Cela va donner encore beaucoup de choses à discuter dans le CD&V. La N-VA se présentera comme les meilleurs Flamands chez les nationalistes. Et après ? Les partis francophones vont tout les quatre considérer la disparition de la N-VA du cartel comme une victoire et il n’est pas à exclure qu’ils accepteront plus facilement un compromis maintenant que ces séparatistes ont disparu de la table de négociations. Le CD&V argumentera que sa tactique par étape négociées produit des résultats en opposition à la politique de confrontation de la N-VA. Il ne doit pas être exclut qu’il y ait un accord-cadre pour une future réforme d’Etat pour les élections du 7 juin 2009. Il est cependant fortement douteux que BHV et le cas des 3 bourgmestres francophone de la périphérie y figurent.

    Quid de la N-VA?

    Au congrès de la N-VA, une grande euphorie était présente vis-à-vis de la fermeté au niveau des principes, mais elle disparaitra rapidement quand on commencera à réfléchir au sujet de l’avenir. Le parti exclut aujourd’hui de participer à un cartel dans lequel un partenaire au gouvernement fédéral ou régional et l’autre non. L’idée de participer indépendamment aux prochaines élections a la préférence d’une grande partie du cadre du parti, mais cela comporte beaucoup de dangers. Il ne faudra pas longtemps aux souvenirs des élections de juin 2003 de revenir à la surface. A ce moment, la N-VA n’avait dépassé le seuil électoral qu’en Flandre Occidentale pour obtenir un siège (4,85% pour toute la Flandre). Avec un seul parlementaire et aucun sénateur, une solution de rechange a été cherchée et trouvée avec un cartel avec le CD&V. L’importance de ce cartel avait été démontrée fin 2006, quant Jean-Marie Dedecker, après un flirt éphémère, a été mis de côté de la N-VA pour ne pas brusquer le partenaire de cartel.

    Au sein des partis petits-bourgeois comme la LDD ou la N-VA, l’accent est beaucoup plus mis sur le rôle de l’individu. Les personnalités arrogantes et les comptes à régler pèsent par conséquent souvent plus lourdement qu’auprès des partis traditionnels. Même si la N-VA arrive à genoux chez la LDD, il semble improbable que Dedecker donne suite à une proposition de coopération. Sa position est fondamentalement différente de l’époque où la N-VA l’a rejeté au profit du cartel. Maintenant, le parti personnel de Dedecker se trouve au dessus des 10% dans les sondages tandis que la N-VA ne dépasse le seuil électoral dans aucun. La concurrence entre les formations de droite avec à côté de la N-VA la LDD et le Vlaams Belang n’est pas non plus à l’avantage de la N-VA, malgré ses nombreux militants et une base mieux organisée. Une nouvelle défaite électorale, en n’obtenant pas le seuil électoral, peut annoncer pour la N-VA la fin du parti. De Wever est-il préparé à aller discuter avec ses membres de cette perspective ?

    Qu’arrivera-t-il dans les semaines et mois prochains ?

    Sans les sièges de la N-VA, la famille démocrate-chrétienne possède encore 34 sièges, face à 41 pour les libéraux. En échange de la conservation de son poste de Premier ministre, Leterme va devoir payer un prix. Le gouvernement ne dispose même plus d’une majorité parmi les néerlandophones au sein du parlement fédéral. Avec un partenaire imprévisible tel que Didier Reynders, c’est un recette d’instabilité. Mais il sera tenté d’éviter de nouvelles élections avant celles de juin 2009.

    La présidente du SP.a Caroline Gennez dit qu’elle n’est pas prête à dépanner le gouvernement fédéral en formant une tripartite, comme en Flandre. Dans la pratique pourtant, en participant au dialogue entre communautés, le SP.a permet à Leterme de commencer le boulot. L’opposition du SP.a va donc être constructive pour prouver d’être prêt à de nouveau participer à un prochain gouvernement. Il reste donc peu d’autre choix que de laisser Leterme I jusqu’en juin 2009 dans l’espoir d’arriver alors à un accord-cadre au sujet d’une réforme d’Etat.

    Chaque perspective sur la politique doit toutefois tenir compte de la période turbulente sur le plan social qui se trouve devant nous. Les conséquences de la crise économique et de la politique budgétaire peuvent tout gâcher pour Leterme & Co. Une classe ouvrière en marche pour le pouvoir d’achat et le travail va pousser ses revendications au gouvernement alors que selon la logique néolibérale du gouvernement, des assainissement sont nécessaires. Une fois les thèmes sociaux à l’avant-plan, le caractère asocial et néolibéral des partis au gouvernement sera clair. Ils vont probablement tenter d’éviter cela autant que possible avant les élections.

    Après les élections de 2009, on pourra alors démarrer avec une nouvelle composition – un gouvernement stable qui exigera probablement la participation des trois partis traditionnels – et commencer l’application du programme de la bourgeoisie belge. Une grande réforme d’Etat, dont il est possible d’avoir un cadre pour les élections, il est établi, peut alors rendre la politique néolibérale plus efficace en compliquant la résistance de la classe ouvrière. Nous ne pouvons accorder aucune confiance en ces partis néolibéraux. La classe ouvrière a besoin de son propre parti pour défendre ses revendications sur le terrain politique.

  • Wallonie- Bruxelles. L’avenir en France ?

    Le rattachisme a fait un carton cet été dans la presse francophone. Tout a commencé le 29 juillet quand Le Soir a titré « Un Wallon sur deux se verrait bien français ». Le Journal du Mardi a embrayé, en faisant sa couverture sur « La tentation française » tandis que Le Vif consacrait un long article intitulé « Et si la Belgique éclatait… » à analyser ce qui se passerait si les Wallons devenaient Français, de l’instauration d’un impôt sur la fortune au changement de couleur des plaques routières. Pourquoi un tel emballement ?

    Par Jean Peltier

    Le prétexte immédiat a été la publication dans Le Soir du 29 juillet des résultats d’un nouveau sondage sur la crise communautaire. Celui-ci permet de mesurer l’ampleur de l’évolution des esprits un an après les élections et le début de la crise politico-communautaire. 93% des Wallons pensent aujourd’hui que la crise est grave. Plus frappant : alors qu’un précédent sondage en janvier montrait que 16% des Wallons pensaient que la Belgique allait disparaître, ce chiffre est monté six mois plus tard à 23% tandis que le nombre d’indécis a triplé de 6 et 18%. Et surtout, ce nouveau sondage révèle qu’en cas d’éclatement du pays, 49% des Wallons seraient favorables au rattachement de leur région à la France, alors qu’ils n’étaient que 29% au début de l’année !

    Evidemment toute l’hypothèse rattachiste repose sur un petit détail : c’est qu’il faut d’abord que la Belgique éclate ! On en est encore loin. Le patronat n’en veut pas, les syndicats n’en veulent pas, les partis n’en veulent pas et la grande majorité de la population n’en veut pas. Seul le Vlaams Belang est officiellement indépendantiste (mais il est en relative perte de vitesse). Tout le reste du mouvement autonomiste flamand (l’organisation patronale des PME, la N-VA, la Liste Dedecker, une partie du CD&V,…), même s’il s’est radicalisé, en reste à une perspective « confédéraliste » qui viderait l’Etat belge d’une grande partie des pouvoirs qui lui reste sans pour autant le faire disparaître.

    D’autre part, la réalisation du rattachement serait tout sauf une partie de plaisir. Il faudrait négocier pour la séparation un accord sur tous les points qui n’auraient pu être résolus auparavant dans le cadre belge : comment fixer les nouvelles frontières (avec des référendums locaux ou pas), répartir la dette publique énorme de la Belgique,… Il faudrait régler la question de l’avenir de Bruxelles. Il faudrait obtenir l’accord de l’Union Européenne (qui n’aurait aucune envie que l’éclatement de la Belgique ouvre la voie à des revendications d’indépendance de la Catalogne, de l’Ecosse, du Pays Basque,…). Autre chose que des « détails » !

    Le fait que l’hypothèse rattachiste prend du poids est certainement le résultat de ce qui est perçu au sud comme l’arrogance et l’agressivité des politiciens flamands. Mais il traduit aussi le fait que l’autre alternative en cas d’éclatement de la Belgique – une indépendance de la Wallonie, avec ou sans Bruxelles – n’est pas perçue comme réaliste. Beaucoup de Wallons craignent qu’une telle indépendance couplée à l’arrêt des transferts financiers fasse plonger l’économie wallonne au niveau de la Calabre ou de la Slovaquie. En ce sens, le succès naissant du rattachisme montre aussi l’échec de l’establishment wallon (y compris des « ultra-régionalistes » au sein du PS et de la FGTB) à faire naître une vraie « nation » wallonne.

    Le rattachisme reste aujourd’hui une perspective marginale. Mais si la crise politique larvée continue tout au long de l’année (ce qui est prévisible) et que les élections de 2009 ne clarifient pas la situation (parce qu’elles débouchent soit sur un statu quo général, soit une radicalisation au profit de la droite dure flamingante), la négociation de la fameuse réforme de l’Etat risque de devenir encore plus difficile et certainement plus explosive. Mais ce n’est que si un chaos politique s’installait durablement que l’hypothèse de la fin de la Belgique deviendrait un peu moins… hypothétique !

  • Pas de fin en vue pour la crise politique

    Les vacances sont presque finies. Fin septembre, la N-VA tiendra un congrès où elle retirera sans doute son soutien au gouvernement. En attendant, les mauvaises nouvelles économiques pleuvent. Leterme a déclaré qu’il ne croit plus aux dates-butoirs. Mais les occasions de blocage au sein du gouvernement ne vont certainement pas manquer au cours des prochains mois.

    Anja Deschoemacker

    L’équipe Leterme va-t-elle survivre aux congrès du CD&V et de la NV-A ? Va-t-elle pouvoir fabriquer un budget qui tienne la route ? Des négociations communautaires vont-elles pouvoir vraiment commencer alors qu’on en est encore à se bagarrer sur qui peut participer à cette concertation : les deux « Etats régionaux » imaginaires (Flandre et Wallonie) dont parlent les partis flamands ou toutes les structures importantes de la Belgique, donc les trois Régions (y compris Bruxelles) et les trois Communautés (y compris la germanophone) ? Le gouvernement va-t-il pouvoir jouer un rôle actif dans les négociations sur les salaires qui s’annoncent ?

    La seule chose qu’on peut dire avec un peu de certitude est que tous les partis traditionnels craignent aujourd’hui des élections et que le gouvernement va faire tout qui est dans en son pouvoir pour tenir en place. Pour les politiciens professionnels du gouvernement, des élections signifient évidemment mettre en danger leur propre pouvoir d’achat ! Mais surtout les patrons les poussent à ne pas jeter le pays dans le chaos au moment où leurs profits sont mis sous pression par la crise économique.

    Avec ce nouveau budget, comme avec celui de l’an dernier, le gouvernement va certainement encore multiplier les promesses non chiffrées. La nécessité de faire quelque chose pour les revenus les plus bas est encore plus forte après cet été d’inflation record. Mais, en même temps, les patrons hurlent comme des enfants gâtés pour réclamer plus de cadeaux. Et on ne sait pas encore ce que le gouvernement pourra dépenser, alors qu’il devra peut-être aussi renflouer des banques fragilisées par les conséquences de la folle chasse aux profits qu’elles ont menée ces dernières années.

    Les négociations salariales s’annoncent très difficiles. Les « partenaires sociaux » vont-ils réussir à conclure un accord (ce qui n’a pas été le cas il y a deux ans parce que la direction de la FGTB n’a pas réussi à trouver une majorité dans ses rangs) ? Ou se dirigera-t-on vers une situation comme celle qu’a évoquée récemment (1). Cortebeeck, le président de la CSC, dans laquelle les secteurs devraient négocier séparément au printemps, ajoutant qu’un tel scénario serait « en faveur des secteurs forts, mais au détriment des secteurs plus faibles ».

    Le gouvernement va essayer par tous les moyens de faire payer la crise par les travailleurs et les allocataires sociaux. Au sein du gouvernement – comme de l’opposition parlementaire –personne ne mettra en avant le fait que les entreprises ont fait des profits record les dernières années et qu’on devrait utiliser cet argent pour protéger la population contre la hausse du coût de la vie et contre un nouvel élargissement de la pauvreté. En même temps, les partis traditionnels vont continuer à faire tourner sous nos yeux la grande roue communautaire. Avec les élections régionales et européennes – et peut-être fédérales – en vue, il va pleuvoir des provocations. Pourtant – parce qu’ils n’ont pas d’autre choix – ces partis finiront sans doute par aboutir à un accord, bien que cela ne se passera probablement qu’après les élections de juin 2009.

    Mais, d’ici là, nous devons lutter pour imposer nos propres revendications : un budget qui réponde aux besoins des gens qui vivent de leur salaires et de leurs allocations et une augmentation réelle du salaire brut en plus de l’index. Et nous devons nous préparer à faire face à des attaques encore plus sérieuses, une fois qu’un nouveau gouvernement disposera après juin 2009 d’une période de quatre années sans élections.


    1. Interview au Knack, 20 août 2008
  • De Crem engage une aventure militaire

    Les aventures de Crembo en Afghanistan

    Le gouvernement a beau être paralysé par la guéguerre communautaire que se mènent les partis traditionnels, il a quand même réussi à se mettre rapidement d’accord pour augmenter l’implication militaire de notre pays dans l’occupation de l’Afghanistan. La logique guerrière de De Crem a été suivie par ses collègues qui ont ainsi confirmé De Crem dans son rôle de nouveau bichon de Bush.

    Le conseil des ministres a approuvé la proposition de De Crem d’envoyer quatre avions F16 et cent militaires pour six mois dans le sud de l’Afghanistan. Ils vont participer là-bas à des situations de combat et entreprendre des actions à risque. Jusqu’à maintenant les troupes belges intervenaient surtout dans la garde de l’aéroport de Kaboul, ce qui était bien moins dangereux que la nouvelle mission à Kandahar.

    Sur la base de Kandahar, ils coopéreront avec les Français et les Néerlandais et pourront aussi participer à l’opération « Enduring Freedom » (Liberté Durable), une décision qui doit surtout plaire à Bush. Dans des situations d’urgence, les F16 pourront aussi voler au dessus du Pakistan. Enfin l’opération de va pas durer quatre mois comme prévu au départ, mais au moins six.

    Cet élargissement de la participation belge à la guerre et à l’occupation de l’Afghanistan vient à un moment étonnant. D’une part, parce qu’au même moment le Ministère de la Défense a du reconnaître qu’il avait encore dans ses tiroirs pas mal de factures non payées et que le budget de la Défense allait être largement dépassé cette année. Et d’autre part, parce que la guerre en Afghanistan (comme celle en Irak) est sans issue pour Bush et ses copains.

    Avec sa politique actuelle, De Crem, le Rambo du plat pays, marche gaillardement derrière les conservateurs va-t-en-guerre regroupés autour de Bush. Au moment où des centaines de millions de gens attendent impatiemment la fin de l’ère Bush, De Crem rejoint le club en déclin des bichons de Bush. Un autre membre de ce club, Sarkozy, est actuellement sur le grill à l’occasion de la mort de 10 soldats français en Afghanistan fin août. Avant cela, il avait déjà fait transférer des troupes supplémentaires dans ce pays malgré les sondages qui montraient que deux-tiers des Français y étaient opposés.

    En approuvant les propositions de De Crem, tous les partis du gouvernement – les libéraux, les chrétiens mais aussi le PS – prennent la responsabilité de la politique de guerre que De Crem veut mener. Les critiques de l’ancien Ministre de la Défense André Flahaut (PS) n’ont pas empêché ses camarades de parti dans le gouvernement se suivre De Crem.

    Un premier détachement est parti le 3 août avec le but de commencer réellement la mission en septembre. L’intervention militaire en Afghanistan va coûter cette année 5,2 millions d’euros. Alors qu’il n’y a soi-disant pas de moyens pour améliorer le pouvoir d’achat, on en a trouvé sans problème pour participer à la politique de guerre de Bush. De Crem espérait limiter l’opposition à cette mesure en la faisant passer en urgence au conseil des ministres en plein été. Vu que ce sont des actions militaires risquées que les soldats belges vont entreprendre en Afghanistan, ce ne sera sans doute qu’une question de temps avant le retour du premier cercueil qui revient. Entendra-t-on encore beaucoup l’arrogant De Crem à ce moment ?

  • Scandale de l’amiante. Envoyés à la mort

    SCANDALE DE L’AMIANTE

    Envoyer une équipe d’ouvriers enlever quatre tonnes d’amiante, un produit hautement cancérigène et potentiellement mortel, sans protection et quasiment à mains nues, ce s’appelle un assassinat. Et se débarrasser des débris sans prévenir personne de ce qu’on va en faire, c’est étendre le risque à toute une population.

    Jean Peltier

    L’affaire incroyable qui vient d’être révélée par le Parquet de Bruxelles trouve son origine dans l’opération de rénovation de plusieurs bâtiments industriels menée à Anderlecht en juin 2007. Il semble que la plus grande partie de ces travaux se soient déroulés suivant les règles mais, dans un des bâtiments, l’entrepreneur a laissé les ouvriers retirer quatre tonnes d’amiante au karsher, au grattoir et à mains nues, sans les avertir du danger, sans protection et sans autorisation environnementale. L’amiante a également été transportée de manière illégale mais on ignore où elle a été conduite.

    "L’institut belge pour la gestion de l’environnement (IBGE) a été informé par le témoignage anonyme d’un responsable de la sécurité. Après un an d’enquête, nous avons déjà pu retrouver cinq ouvriers, mais nous sommes à la recherche d’au moins un autre homme, le chef d’équipe", a expliqué lors d’une conférence de presse ce jeudi Patrick Carolus, magistrat spécialisé en environnement au parquet de Bruxelles. La recherche est difficile car les ouvriers provenaient d’Europe de l’Est et ont depuis lors quitté le pays. "Ce chef d’équipe pourra sans doute nous expliquer comment se sont déroulés les travaux. Qui a donné l’ordre de retirer l’amiante? Est-ce que l’équipe savait de quels matériaux il s’agissait? Ce sont des questions auxquelles nous aimerons trouver une réponse. De plus, tous les ouvriers doivent subir rapidement une série d’examens pour savoir ce qu’il en est de leur santé" a poursuivi le magistrat.

    Si sa responsabilité est prouvée, "l’entrepreneur risque jusqu’à un an de prison et une amende pouvant atteindre 500.000 euros. S’il s’avère qu’une logique économique prévalait et que le but était d’épargner de l’argent, des peines très lourdes vont être requises", a encore ajouté le magistrat.

    Ce fait divers – qui n’a pas semblé très important pour les journalistes puisque la RTBF et les quotidiens n’en ont parlé qu’un seul jour – est pourtant extraordinairement révélateur du monde dans lequel la capitalisme nous fait vivre : la concurrence qui amène les patrons à comprimer leurs coûts au maximum, y compris au détriment de la sécurité et de la santé des travailleurs ; l’exploitation forcenée de travailleurs étrangers qui, dans un secteur comme la construction, n’ont souvent pas de papiers, pas de contrat, pas de sécurité sociale et donc aucun suivi médical ; et les dangers écologiques que ces mêmes patrons font tout pour dissimuler ou minimiser (pendant des dizaines d’années, les « maîtres de l’asbeste » ont dissimulé le danger, avec la complicité des gouvernements, malgré les preuves scientifiques et médicales).

    L’assassin silencieux

    L’amiante est un des produits industriels les plus dangereux qui existe. Vu ses qualités isolantes (sur le plan thermique et acoustique), sa facilité d’utilisation et son faible coût, il a été pendant plus d’un siècle un des matériaux les plus utilisés dans le secteur de la construction, particulièrement en Belgique, que ce soit pour couvrir des toits, carreler des sols, isoler des plafonds et des gaines de chauffage central, filtrer l’air dans les métros,… Mais, avec le temps, il s’effrite en longues fibres aisément respirables qui sont extrêmement dangereuses pour la santé. Car l’amiante provoque l’asbestose et le cancer du poumon et de la plèvre (enveloppe externe des poumons). Ces maladies se caractérisent d’abord par un essoufflement qui s’accentue avec le temps – même si le patient n’est plus en contact avec l’amiante – jusqu’à la suffocation. L’évolution est lente mais irréversible : le patient finit par mourir dans d’atroces souffrances. Il n’existe aucun remède !

    Si l’asbestose et le cancer du poumon apparaissent après une exposition prolongée à l’amiante – et touchent donc essentiellement les travailleurs de l’amiante -, le cancer de la plèvre peut aussi frapper en dehors du milieu du travail. Il suffit parfois pour être atteint d’avoir été très peu en contact avec de l’amiante, et cela 20 ou 40 ans auparavant …Si le nombre de victimes parmi les travailleurs de l’amiante se compte déjà par milliers, le pire reste encore à venir. D’une part parce que, pour les travailleurs de l’amiante, il peut parfois s’écouler 20 ou 30 ans entre l’exposition au matériau et la maladie, d’autre part parce qu’en ce qui concerne le grand public, ce n’est lorsque le matériau contenant de l’amiante commence à s’user ou à se détériorer que des fibres se libèrent insidieusement, contaminant aujourd’hui des personnes qui ne développeront un cancer que dans 30 ou 40 ans ! Alors, si des bureaux et des écoles sont contaminés par l’amiante ou si, comme à Anderlecht, des tonnes d’amiante ont été déménagées et abandonnées on ne sait où, on peut imaginer le drame que cela pourra déclencher dans le futur…


    Il y a un an, le dossier de l’amiante avait déjà animé la rentrée scolaire, suite à l’interview d’un enseignant dénonçant la présence d’amiante dégradé dans les écoles. Nous avions alors publié un dossier sur ce sujet que nous reproduisons ici.

    ECOLES. Alerte à la bombe

    Article par Marie Francart

    Lorsque le dimanche 2 septembre, un enseignant – qui a préféré garder l’anonymat par crainte de sanction disciplinaire – dénonce lors de l’émission télévisée « Controverse » (sur RTL-TVI), la présence d’amiante dégradé dans de nombreux bâtiments scolaires, cela fait l’effet d’une bombe !

    Tout a commencé en 2004, lorsque ce prof du sud du pays a eu la désagréable surprise de découvrir un morceau de faux plafond sur le sol de sa classe. L’analyse des débris révèle la présence d’amiante. Inquiet, l’enseignant commence à se renseigner et constate que son école est littéralement truffée d’amiante. Il alerte ses collègues et la direction, en vain. « C’est un sujet tabou » dénonce-t-il : les enseignants ont peur de faire du tort à leur école et les syndicats ne s’intéressent pas au problème. Malgré ces obstacles, le prof poursuit sa petite enquête et découvre que de très nombreuses écoles de la Communauté française et en particulier les constructions préfabriquées recèlent d’importantes quantités d’amiante. Fort de ce constat, il fustige « la politique actuelle du gouvernement Arena qui consiste à «gérer » le risque avec des moyens insuffisants, sans même avoir fait un inventaire complet de la situation, plutôt qu’à l’éradiquer au nom du principe de précaution. C’est de la non-assistance à personne en danger ! »

    Cette « bombe » fait exploser de colère Marie Arena, la ministre de l’Enseignement obligatoire : elle exige de savoir de quelle école il est question et dénonce ces « déclarations sensationnalistes : « Comment est-il possible d’agiter de tels éléments et de faire peur aux parents à la veille de la rencontre scolaire ? » Selon la ministre, ce professeur ferait peur à la population pour rien et la situation serait sous contrôle. Vraiment ?

    Selon le député Ecolo Yves Reinkin, aucun inventaire de la présence d’amiante dans les écoles du Hainaut n’a encore été réalisé. En ce qui concerne les autres bâtiments de la Communauté française, les documents transmis par l’administration révèlent que certains inventaires n’ont jamais été réalisés ou qu’ils ont été égarés ! D’après les parlementaires Ecolo, la Ministre n’a aucune idée du nombre d’écoles, de crèches et de centres sportifs qui sont concernés par le problème de l’amiante. Elle n’est pas en mesure non plus de fournir des renseignements précis quant aux désamiantages réalisés, au planning des futurs travaux, au volume et à l’origine des budgets qui seront nécessaires. Considérant que la Ministre « traite la présence d’amiante dans les bâtiments qui relèvent de sa compétence avec un laxisme irresponsable », Ecolo a déposé une proposition de résolution enjoignant le Gouvernement à agir.

    L’amiante : minéral magique …

    L’amiante ou asbeste est une roche naturelle qui désigne six variétés de métaux de structure fibreuse qui sont des silicates hydratés (1). L’exploitation industrielle de l’amiante remonte au 19e siècle. Très vite, ses qualités isolantes (sur le plan thermique et acoustique), sa facilité d’utilisation – il s’allie facilement à d’autres substances telles le ciment, la peinture, le papier, le caoutchouc… -, sa résistance mécanique significative et son faible coût le transforment en un des matériaux les plus utilisés dans le secteur de la construction.

    L’amiante a servi pour couvrir des toits (simili-ardoises :Eternit) carreler des sols (dalles) isoler des plafonds et des gaines de chauffage central, mais aussi pour filtrer l’air (dans les métros), préparer l’asphalte des revêtements routiers, etc. Le nombre de produits différents pour lesquels on a utilisé de l’amiante est estimé à plus de 3.000. On l’a même utilisé pour fabriquer des grille-pains, des filtres à cigarettes et pour filtrer le vin. En 1929, la Belgique utilisait 20.000 tonnes d’amiante par an, en 1978 elle en consommait plus de 70.000. La Belgique était d’ailleurs en huitième place dans le monde pour l’utilisation de l’amiante (2).

    … ou poison mortel

    L’amiante a la propriété de se séparer en fibres extrêmement longues et fines. Leur longueur peut être 100 fois supérieure à leur épaisseur. Or, plus une fibre est longue et fine, plus elle est respirable et donc dangereuse pour la santé. L’amiante se révèle cancérogène pour l’homme. Elle peut causer 3 types de maladies. : l’asbestose, le cancer du poumon et le mésothéliome ou cancer de la plèvre (enveloppe externe des poumons). Ces maladies se caractérisent d’abord par un essoufflement qui s’accentue avec le temps – même si le patient n’est plus en contact avec l’amiante -, ensuite vient un halètement et finalement une suffocation qui mène à l’agonie. L’évolution est lente mais irréversible : le patient finit par mourir dans d’atroces souffrances. Il n’existe aucun remède !

    Tandis que l’asbestose et le cancer du poumon apparaissent après une exposition prolongée à l’amiante – et touchent donc essentiellement les travailleurs de l’amiante – , le mésothéliome par contre peut aussi frapper en dehors du milieu du travail. Il suffit parfois pour être atteint d’avoir été très peu en contact avec de l’amiante, et cela 20 ou 40 ans auparavant …Si le nombre de victimes parmi les travailleurs de l’amiante se compte déjà par milliers, le pire reste encore à venir. D’une part parce que, pour les travailleurs de l’amiante, il peut parfois s’écouler 20 ou 30 ans entre l’exposition au matériau et la pathologie, d’autre part parce qu’en ce qui concerne le grand public, ce n’est lorsque le matériau contenant de l’amiante commence à s’user ou à se détériorer que des fibres se libèrent insidieusement, contaminant aujourd’hui des personnes qui ne développeront un cancer que dans 30 ou 40 ans ! Alors, si les écoles sont contaminées par l’amiante, on peut imaginer le drame que cela pourra déclencher dans le futur…

    Des décennies de mensonges…

    Aujourd’hui une directive européenne interdit totalement l’usage de l’amiante. Mais elle ne date que de 2005. Pourtant, les dangers liés à l’amiante en matière de santé sont connus depuis longtemps. Dès les premières années de l’exploitation industrielle de l’amiante, des pathologies étaient déjà apparues. Ainsi, en 1900, deux médecins anglais signalent une « fibrose diffuse » chez un ouvrier mort à 34 ans. En 1906, un inspecteur du travail à Caen signale 50 décès dans une filature d’amiante. Cette année-là, d’autres cas de décès par asbestose sont signalés. A partir de 1925, on entreprend de réelles études statistiques sur l’asbestose et on découvre chez les travailleurs de l’amiante, 40 % de morts par cancer. (POUR) La loi de 1952 qui régit le dépistage de l’asbestose dans les entreprises travaillant l’amiante « imposant toutes les mesures requises pour la santé et la sécurité des travailleurs », prouve clairement qu’aussi bien l’Etat que les patrons connaissent parfaitement les dangers de l’amiante.

    Mais, pendant des années, les « maîtres de l’asbeste » dissimulent le danger, avec la complicité des gouvernements. Malheureusement, la loi de 1952 et les soi-disant mesures de prévention ne changent pas grand chose aux conditions de travail des ouvriers : il y a trop de profit à gagner.

    C’est aussi la conclusion à laquelle arrive Michel Verniers, délégué syndical de l’entreprise Coverit (filiale du groupe Eternit) à Harmignies, près de Mons, qui a fermé ses portes en 1987. Quelques années après la fermeture de l’usine, il est intrigué par le nombre anormalement élevé de décès de ses anciens collègues, et commence à tenir une liste des décès et à faire des recherches sur l’amiante. Il constate que, sur les 220 travailleurs de l’usine, 116 sont morts et 49 sont malades. Vivian Lescaut, lui aussi ancien travailleur de Coverit, explique que les ouvriers n’étaient pas conscients des dangers de l’amiante, vu qu’à l’époque aucun d’entre eux n’était malade. Les patrons eux savaient, mais, faisaient tout pour nier le problème : lorsqu’à fin des années 70, des journalistes sont venus dans l’usine et ont prévenu les ouvriers des risques que l’amiante représentait pour la santé, le patron les a mis dehors et à dit aux ouvriers qu’il ne fallait pas écouter les journalistes, que c’était de la désinformation (3).

    C’est toujours la même chanson…

    Le discours des patrons de Coverit rappelle étrangement celui que nous sert aujourd’hui la ministre à propos de l’amiante dans les bâtiments scolaires : on aurait bien tort de s’inquiéter, tout est sous contrôle… C’est faux, parce que l’amiante est omniprésente dans certains bâtiments scolaires, en particulier dans les fameux R.T.G. préfabriqués, construits dans les années ‘70 (les années d’or de l’amiante) prévus pour faire face au baby-boom de l’après-guerre. Ces constructions étaient provisoires, conçues pour une durée de vie de 30 ans tout au plus. L’amiante y est présente dans les chaufferies, les appuis de fenêtre, les tableaux, les cloisons de séparation, les faux-plafonds et même les toits.

    Les sceptiques rétorqueront que l’amiante n’est pas dangereuse lorsqu’elle reste figée dans la matière ; ce n’est que lorsqu’elle se libère dans l’atmosphère qu’elle est hautement toxique. En effet, mais il suffit de visiter les « préfabs » des écoles pour comprendre que ces bâtiments ont largement dépassé leur temps de vie et qu’ils sont dans un état d’usure et de délabrement avancé. Il y a donc bel et bien un problème d’amiante dans les écoles. Et ce n’est pas quelques encapuchonnages (il s’agit d’enrober l’amiante pour l’empêcher de se libérer) qui vont régler ce vaste problème.

    Que faire ?

    Il faut d’urgence établir un inventaire complet de l’amiante présent dans toutes les écoles de tous les réseaux. Ensuite, il est impératif de procéder à un désamiantage total, à effectuer avec toute la précision et les précautions nécessaires à ce genre de travail, suivi d’une démolition de tous les bâtiments insalubres qui sont « provisoires » depuis plus de 30 ans. Et enfin, il faut ériger de nouveaux bâtiments propres, écologiques et bien isolés qui permettront par ailleurs de réduire très fortement la consommation d’énergie. Mais cela coûtera cher, très cher, et la Communauté française n’a pas d’argent. Cela fait des années que le MAS met en avant la nécessité d’un refinancement de l’enseignement qu’il faut ramener à 7 % du PIB. Cet argent servirait non seulement à mieux encadrer les élèves, mais aussi à les recevoir dans des écoles dignes de ce nom et qui ne risqueraient pas de mettre leur santé en péril. Le désamiantage du Berlaimont a coûté plus d’un milliard d’euros et pourtant, les autorités n’ont pas hésité à le faire. La vie et la santé de nos enfants et de nos enseignants vaut-elle moins que celle des euro-députés ?


    1. repris de « Le point sur l’amiante », www.ecoconso.be de la Région wallonne
    2. données citées dans le dossier «Danger amiante » de l’hebdomadaire « Pour » n°217, 27 juillet 1978
    3. voir « Mortelle amiante », dans le mensuel « La Gauche » n°20, février 2006
  • Qui croit encore ces gens-là ?

    Les politiciens traditionnels embourbés de crise en crise

    L’inflation atteint un niveau record en Belgique : 5,1% en mai alors que la moyenne de l’Union Européenne est de 3.6%. Le coût du logement a doublé depuis 2000, aussi rapidement que dans les pays voisins. La Belgique est un paradis pour gros fraudeurs ; les riches volent chaque année 30 milliards d’euros à la collectivité. Nos retraites sont parmi les plus faibles d’Europe et 40% des pensionnés seront sous le seuil officiel de pauvreté d’ici 2016. Mais nos politiciens ne s’occupent que de BHV, des corridors, des bourgmestres francophones de la périphérie, des droits d’inscription,…

    Bart Vandersteene

    Stoppez ce cirque!

    Ce genre de titre a été utilisé même dans les journaux flamands après la tentative des partis flamands de scinder unilatéralement BHV au parlement début novembre. Plus de neuf mois plus tard, le cirque continue. Les mécanismes qui empêchent un groupe linguistique d’imposer une décision à un autre sont entrés en vigueur et on est passé aux négociations après avoir roulé des mécaniques. Au cours des neuf derniers mois, l’attitude de la majorité de la population est passée de la contrariété à l’indignation. La colère et l’incompréhension grandissent aujourd’hui. Le fossé entre ce que les gens souhaitent et ce que racontent les politiciens n’a presque jamais été aussi grand. Le petit monde qui gravite dans et autour de la rue de la Loi se trouve à des lieues des préoccupations réelles des familles ordinaires.

    Les sondages d’opinion démontrent pourtant que plusieurs années de campagne et de propagande communautaires n’ont pas provoqué de changement fondamental dans l’opinion publique. Selon le dernier sondage d’opinion, seuls 9 % des Flamands sont partisans du séparatisme, environ le même chiffre qu’au cours des précédentes décennies. Nous ne pensons pas que ce soit spécialement l’expression d’un lien émotionnel fort vis-à-vis de la Belgique et tous ses symboles (Etat, drapeau, maison royale,…). C’est surtout l’expression du sentiment général que la division du pays ne se passerait pas sans grosse casse, que l’autre groupe linguistique n’est pas le problème fondamental dans cette société mais que lors d’une scission, quelque soit le côté, c’est l’homme de la rue qui sera le dupe.

    Une réforme d’Etat pour qui ?

    A défaut de crédibilité dans le domaine social, les partis traditionnels essayent de donner un emballage social à leurs positions sur la réforme d’Etat. On nous dit que tout cela a pour but de défendre les générations futures – alors que, pour eux, seules comptent les marges bénéficiaires du trimestre suivant !

    Il est frappant de remarquer qu’aucun parti francophone ou néerlandophone ne veut mettre un terme aux milliards d’euros de cadeaux que reçoit le patronat (sans pour cela devoir satisfaire à des conditions contraignantes), au fait que la sécurité sociale est sapée par les transferts de financement vers le capital ou aux innombrables autres mesures antisociales. On parle au Nord comme au Sud de la question communautaire comme d’une question d’importance cruciale pour l’avenir de nos enfants, mais leur avenir est en fait vendu aux sociétés comme Suez, Microsoft, Ford,… Les politiciens belges s’arrachent ensuite les cheveux pour savoir comment utiliser les maigres moyens restants.

    Les partis flamands veulent aller plus loin que les francophones avec leurs réformes. Cela n’a rien à voir avec un caractère plus social des partis francophones, mais bien avec un autre contexte, d’autres rapports de forces et donc d’autres sensibilités.

    Fondamentalement, les partis bourgeois francophones réclament juste le droit de décider comment et à quel rythme organiser leurs attaques sociales, comme autour de la chasse aux chômeurs par exemple, alors que les partis flamands veulent imposer leur vision.

    Pas d’espace pour des mesures favorables au pouvoir d’achat ?

    Entre 80 et 100.000 manifestants. Des actions, des grèves et des manifestations partout. Les agriculteurs eux aussi en action. Le gouvernement ne veut cependant pas offrir plus que ce qui est déjà prévu avec l’indexation automatique des salaires pour le pouvoir d’achat. Et si on parle encore d’indexation, c’est parce que les syndicats ont clairement fait savoir qu’il était absolument hors de question d’y toucher. Pourtant, l’indexation a été déjà bien minée, entre autres pour plus de 300.000 employés soumis à la commission paritaire 218 qui n’ont plus droit qu’à une seule indexation par an et qui doivent attendre maintenant encore une demi-année avant que leurs salaires puissent faire un peu plus face aux augmentations des prix de ces derniers mois.

    Le budget du gouvernement se trouve déjà depuis longtemps dans le rouge. Les gouvernements Verhofstadt ont pu maintenir un certain équilibre au cours de ces cinq dernières durant une période de croissance économique, mais uniquement en reportant beaucoup de factures sur les générations suivantes. Le gouvernement actuel doit prendre des mesures dans une conjoncture beaucoup plus défavorable. La question est alors : d’où viendra l’argent ? Electrabel a clairement fait comprendre que les 250 millions d’euros que lui réclame le gouvernement seront répercutés sur la clientèle. De cette manière, chaque mesure sera payée par nous-mêmes.

    Quoi après le 15 juillet ?

    Les élections suivantes (en 2009) sont bien trop proches pour que la rhétorique électorale s’arrête. Aucun parti ne veut apparaître comme le perdant et la discussion contre l’autre groupe linguistique est la seule manière avec laquelle les différents partis peuvent se distinguer. Autrefois des moyens étaient libérés pour faire digérer un accord avec un peu de sucre. Aujourd’hui il n’y a plus de marge financière pour payer un accord, et pas uniquement parce que le cartel flamand ne veut pas libérer un euro pour payer la scission de BHV.

    En ce sens, il n’y a rien d’extraordinaire à ce que les négociations traînent maintenant depuis plus d’un an. Il n’y a quasiment plus d’espace pour un compromis à la belge. Les élections continuent à se rapprocher et personne ne va faire de concessions à l’autre. Il est donc difficile de prédire ce qui se passera le 15 juillet ou après. Ce qui est certain, c’est que nous aurons la même instabilité politique et que les politiciens seront toujours aussi éloignés des problèmes auxquels sont confrontés les gens ordinaires.

    Le mouvement ouvrier a urgemment besoin de faire entendre sa propre voix politique au sein du débat. Quand donc se développera un courant au sein du mouvement ouvrier chrétien CSC et du mouvement ouvrier socialiste FTGB pour remettre en cause la politique antisociale des CDH, CD&V, PS et SPa et pour lancer un appel pour un nouveau parti des travailleurs?

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