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Category: Amérique Latine
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Pérou: STOP à la soif de profit des multinationales!
Il faut généraliser la lutte pour faire tomber le président Garcia!
Hier après-midi, environ 200 manifestants, principalement des Latino’s, mais aussi une cinquantaine de Belges, ont manifesté devant l’ambassade péruvienne à Bruxelles. De cette façon, ils ont soutenu la mobilisation générale appellée par le "Front de Défense de la Souverainité et de la Vie", composé d’organisations de travailleurs, de paysans et d’indigènes. A la base de cette protestation: un massacre perpétré par la police péruvienne. Celle-ci, ce 5 juin, avait ouvert le feu à partir de plusieurs hélicoptères contre un barrage routier de quelques 5.000 indigènes près de Bagua, dans la région amazonienne. Bilan: plus de 200 blessés et 60 tués.
Rapport et photos par Eric Byl
Depuis le 9 avril, près de 60 ethnies indigènes se mobilisent afin d’abroger 11 décrets gouvernementaux. Ces décrets sont la conséquence d’accords de libre échange (TLC) qui donnent le feu vert aux multinationales pour exploiter les richeses naturelles. La mise est particulièrement importante depuis la récente découverte d’énormes réserves. Des entreprises pétrolières telles que la brésilienne Petrobas, mais aussi des entreprises d’exploitation forrestière et minières, frotent la manche au président péruvien Garcia. La population indigène craint le pillage de la région, la pollution, et la disparition des profits dans les coffres-forts des multinationales, pour ne laisser que des miettes afin d’acheter l’élite locale.
Le Président Alan Garcia est préparé pour aller jusqu’au bout. Dans cette attaque du barrage, des fugitifs ont été poursuivis jusque dans les montagnes, plusieurs ont étés tués chez eux par les balles tirées depuis les hélicoptères. La population a résisté, 38 agents de police ont ainsi été pris en otage, dont 20 tués en réprésaille pour le massacre. Garcia n’en est pas à son coup d’essai. Selon la "Commission de la Vérité", il aurait lors de son premier mandat laissé massacrer plus de 100 prisonniers. Il a aussi laissé ouvrir le feu contre des travailleurs à Retamas et à Casapalca où, à chaque fois, des travailleurs ont étés tués. Ce n’est pas par hasard qu’à la protestation devant l’ambassade, le président Garcia est mis sur le même pied qu’Uribe, de Colombie.
Son objectif est clair: avec une défaite des Indiens, il veut paralyser tout le mouvement social et ouvrier. Cela doit lui permettre de continuer sa politique favorable aux multinationales, faite de libéralisations, de privatisations et d’attaques contre les conditions de salaire et de travail. Garcia instrumentalisera le fait que les Indiens ont tué des agents pour criminaliser le mouvement et encore augmenter la répression. Un autre déroulement aurait pourtant été possible.
En liant l’abrogation des 11 décrets à des revendications s’opposant à la privatisation des ports ou à d’autres revendications pour les travailleurs, le mouvement aurait pu prendre un autre tournant, vers une paralysie générale de toute l’économie et pour finalement obtenir la chute du président Garcia et de sa clique.
Hélas, au Pérou aussi, les syndicats sont pieds et poings liés aux politiciens de l’opposition qui souhaitent surtout la stabilité et ne veulent certainement pas qu’une généralisation de la lutte puisse arriver à une rupture avec le système. C’est ce qui explique que durant 50 jours, les dirigeants syndicaux de la CGT ont laissé à leur sort les indiens, sans aller plus loin que la pression parlementaire et la résistance verbale. L’appel du "Front de Défense de la Souveraineté et la Vie", composé d’organisations de paysans, de travailleurs et d’Indiens, pour une journée nationale de lutte est un pas énorme en avant. Espérons que se soit le début d’un mouvement généralisé.
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Luttons contre l’homophobie!
Une interview de Mariana Cristina, représentante du travail LGBT de Socialismo Revolucionario, notre section-sœur au Brésil réalisée par Pablo N, de Bruxelles à l’occasion de la rencontre internationale qu’a constitué l’école d’été d’Amérique Latine du CIO.
par Pablo N
PN : Bonjour, pour commencer, peux-tu nous expliquer quelle est la situation des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Transsexuels) au Brésil et quel est le sentiment qui règne dans la population à propos de la lutte contre l’homophobie ?
MC : Tout d’abord, l’oppression des LGBT diffère de celle des autres groupes discriminés comme les femmes ou les noirs, car les patrons n’utilisent pas directement cette discrimination pour faire de la plus value. De plus, cette oppression est niée dans la population brésilienne. En effet, pour eux, les LGBT ont les mêmes droits que tout le monde. Pourtant, la réalité nous montre que cette oppression existe. Presque personne n’affirme être homophobe, mais peu acceptent d’avoir un homo dans leur entourage proche. Encore récemment, une recherche a par exemple démontré que si l’on demande à des enfants «qui ils ne voudraient pas avoir comme amis» (c-à-d : un «gros», un «petit»,…) la majorité ne veulent pas d’homosexuels comme amis. De plus, les insultes homophobes sont très courantes. On donne ainsi aux homos des noms d’animaux. La violence est également très présente contre les LGBT, particulièrement contre les transsexuels et les travestis qui pour survivre doivent souvent se prostituer et affronter tous les risques liés à cette pratique. Les lesbiennes, elles, subissent plus une violence domestique, nous n’avons donc pas beaucoup de chiffres. Il est très clair que les LGBT souffrent énormément des discriminations au sein même du cercle familial. Ce qui fait aussi qu’ils ne vont pas en justice, ils pensent que leur problème est un problème individuel et familial.
PN : En Belgique, le mariage civil est légal pour les LGBT, où cela en est-il au Brésil ?
MC : Il y a effectivement un projet de loi qui est discuté… depuis 18 ans. Lula (le Président actuel du Brésil) a promis beaucoup pour la communauté homo comme l’accélération du projet de loi pour le mariage ou encore un programme «homophobie zéro», mais rien n’a été fait. De plus, contrairement aux ONG, nous pensons qu’il ne faut pas s’attarder sur la partie légale ou le mariage, ce n’est qu’une partie de notre lutte.
PN : Je sais que le poids de l’Eglise catholique est très important en Amérique Latine et je suppose qu’il en est de même ici, au Brésil. J’aimerais te demander quelle est la réaction de l’Eglise par rapport à la communauté LGBT ?
MC : L’Eglise catholique est malheureusement un vrai problème dans notre lutte. En effet, au début de cette année par exemple, elle a émis le souhait que l’homosexualité soit détruite cette année. De plus, elle organise aux alentours de la date de la gay pride une «Marche pour la vie» à caractère homophobe avec comme objectif d’avoir une participation plus nombreuse que celle de la gay pride. Heureusement, elle n’y arrive pas. L’Eglise protestante est plus ouverte, elle a voulu lancer une campagne contre l’homophobie, mais suite à une autre campagne pour l’avortement, elle n’avait plus suffisamment d’argent.
PN : Tu as parlé de la gay pride. En Belgique, cela existe également. Malheureusement, elle devient de plus en plus apolitique et commerciale. Une image capitaliste du LGBT y est mise en exemple. Comment cela se passe ici ?
MC : Tout d’abord, il existe aussi un marché «LGBT» capitaliste, que nous appelons «Pink» : beaucoup de produits de luxe, des boîtes branchées, etc. Ce phénomène est tellement répandu qu’on dit que l’homosexuel doit «acheter» son homosexualité. Mais bien sûr, c’est une question de classe. Seuls les riches peuvent se permettre d’«être» véritablement homo. A Rio de Janeiro par exemple, il y a les plages de Copacabana et de Paneima qui sont connues pour le tourisme gay et, comme ce sont des riches qui vont là-bas, ils n’ont aucun problème dans la rue, ils peuvent se tenir par la main, etc. Mais les autres homos brésiliens qui ne peuvent pas se payer des apparts sur ces plages se font agresser en rues.
La gay pride est ici un très grand évènement, chaque année. Elle rassemble plus de 3 millions de personnes (LGBT ou non) et est préparée un mois à l’avance. C’est un évènement très important pour la communauté gay, car c’est le seul jour dans l’année où ils peuvent ouvertement être gays.
PN : Quelle est votre intervention dans le cortège ?
MC : Avant, nous dirigions le «mouvement LGBT socialiste» au nom du PSoL (Parti du Socialisme et de la Liberté). En 2006, nous avions un camion avec des parlementaires du PSoL et nos militants distribuaient des tracts autour d’eux. Malheureusement, après une demi journée, tout le monde est trop drogué ou trop saoul, donc nous avons arrêté l’intervention. Mais en 2007, nous n’avions plus de grosse intervention du PSoL, nous nous sommes contentés de distribuer des tracts de Socialismo Revolucionario. Cette année (en 2008) nous avons fait une intervention avec Conlutas (une nouvelle centrale syndicale de gauche), mais les organisateurs de la gay pride ne veulent pas de politique et ont estimé que le camion de Conlutas n’était pas du «bon format». Alors nous avons organisé un cordon humain pour faire passer le char et les organisateurs ont appelé la police. Résultat : 2 personnes arrêtées et un bras cassé chez nous.
PN : Pourquoi l’intervention avec les PSoL ne prend-elle plus place ?
MC : En fait, avant, nous avions 2 camarades LGBT qui ne militaient que sur le travail LGBT, mais à cause de la trop grande pression dans le mouvement gay pour ne pas avoir une vision de classe, ils nous ont quitté. C’est ce qui a empêché de nouvelles éditions de l’intervention du PSoL et a considérablement affaibli notre travail LGBT. Pour cela, nous faisons très attention à ce que nos membres LGBT militent non seulement pour leur communauté, mais avant tout pour la classe ouvrière.
PN : A propos, quel est votre travail LGBT aujourd’hui ?
MC : Nous sommes en train de nous réorganiser, d’écrire un programme et nous prévoyons une campagne anti-homophobie sur les universités. Nous voulons à l’avenir engager une telle campagne en direction de la classe ouvrière sur les lieux de travail. Nous pensons à travailler à cela avec d’autres organisations dans Conlutas. De plus, ici, à l’école d’été du CIO (d’Amérique Latine) nous avons noué des contacts avec nos camarades chiliens pour un début de travail LGBT international.
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Tous solidaires avec la grève générale des travailleurs guadeloupéens !!
Fin novembre 2008, un mouvement lancé par le collectif ‘contre la vie chère’ s’est développé en Guyane, essentiellement autour de la question des prix élevés des carburants. Sur cette dynamique, le mouvement s’est étendu et a pris de l’ampleur en Guadeloupe. En effet, depuis plus de 20 jours, à l’initiative du collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon (Rassemblement contre l’exploitation outrancière), la mobilisation se renforce, plus déterminée que jamais.
Par Karim
Face à l’arrogance du patronat, la grève générale est massivement suivie et les manifestations quasi quotidiennes sont de plus en plus fortes. Tous les jours des meetings, dans lesquels s’expriment travailleurs, syndicalistes, locataires, retraités, prennent place pour discuter des perspectives du mouvement.
Le Collectif, composé de syndicats, d’organisations politiques ou de quartier, met en avant 149 revendications dont la principale est une augmentation de 200 euros des bas salaires, des retraites et des minima sociaux. Ces revendications sont soutenues par l’énorme majorité de la population de l’île. La remise en cause de la politique néolibérale et de l’asphyxie imposée aux habitants de l’Ile, essentiellement par les grosses multinationales françaises, se développe de jour en jour. Par exemple, des actions de blocage des magasins Carrefour appartenant au groupe Bernard-Hayot, qui dispose d’un quasi-monopole dans l’import, la distribution et l’agroalimentaire, s’organisent contre les profiteurs qui font flamber les prix.
Finalement, après 3 semaines de lutte, le gouvernement s’est enfin résolu à ouvrir des négociations. Celui-ci a accepté la majorité des revendications mais ne veut pas entendre parler de la revendication principale qu’est l’augmentation salariale. L’unité des organisations du collectif ne faiblit cependant pas. Ils sont bien décidés à maintenir la pression sur les patrons comme sur les ministres du gouvernement. Les travailleurs renouent avec la tradition de la lutte de leur classe en rompant avec le traumatisme de 1967. En effet, une lutte d’ampleur avait alors prit place et s’était terminée malheureusement par les journées sanglantes au cours du mois de mai 67, durant lesquelles plus d’une centaine de grévistes furent férocement abattus. Il est donc aujourd’hui important de tirer les leçons de ces évènements.
Nous appelons aussi les travailleurs les plus conscients à aider énergiquement à la création de comités de grève démocratiques pour assurer une organisation efficace de la lutte et préparer le chemin de la victoire.
De plus, depuis le début de la semaine, la Martinique est aussi en grève générale, le mouvement s’étendant ainsi aux principales îles des Antilles. Nous en profitons donc pour exprimer notre solidarité sans faille avec la population des Antilles en lutte. Ils nous montrent aujourd’hui l’exemple à suivre. Tous ensemble jusqu’à la victoire !!
Paroles de grévistes :
« Cela fait trop longtemps que nous souffrons. Nous voulons vivre debout. »
« Chercher un travail fixe et correctement payé, c’est comme tenter de décrocher la Lune », résume Cédric, un jeune intérimaire qui dit se sentir « revivre » depuis le début du mouvement.
« Pendant quatre cents ans, les Guadeloupéens noirs sont restés sur le banc des accusés. Il faut changer cela, continuer la lutte pour la dignité et la liberté entamée par le premier esclave qui s’est révolté », explique Djibril, chanteur de reggae.
Sources : Le Monde, L’Humanité, Reuters.
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Mexique : regain de violence avec crise économique en arrière-plan
Jeudi 13 novembre, le Mexique a occupé une place importante dans les actualités, suite aux attaques armées subies par trois bus au Chiapas. Parmi les victimes, 28 Flamands, ce qui explique l’intérêt soudain des médias du nord pour la problématique. La mauvaise volonté de la police est caractéristique et le lien avec les rebelles Zapatistes douteux. Cela fait déjà un certain temps que le Mexique est aux prises avec des problèmes de violence ; les attaques armées contre des bus n’en sont qu’une des formes. La violence relative à la drogue est bien plus problématique.
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Enlèvements
Peu avant notre départ, des protestations de masse avaient eu lieu à Mexico Ciudad contre la violence persistante et croissante depuis des années, les meurtres et les enlèvements. Fin septembre, le Zocalo (une grande place dans le centre historique de Mexico City) a été envahi par un flot de manifestants. Beaucoup portaient de grandes photos de membres de leur famille et d’amis disparus.
Les statistiques ne reprennent pas tous les enlèvements, loin de là. Beaucoup n’osent pas déclarer une disparition. Il arrive souvent que les victimes soient assassinées avant même que la rançon ne soit payée. La crainte de la police a aussi à y voir ; elle est bien souvent impliquée dans ces disparitions et autres violences. Des agents de tous niveaux y sont compromis jusqu’au cou. Durant les neufs premiers mois de cette année, 651 personnes ont été enlevées.
Corruption
Afin de combattre la corruption, le gouvernement Calderon a promis, fin septembre, des prêts sociaux pour les agents intègres. S’ils se laissent quand même corrompre par après, les logements sociaux leur seront confisqués. Les agents de police mexicains, tout comme beaucoup d’autres, sont sous-payés. Ils gagnent à peine 600 à 700 euros et ne reçoivent que peu de considération sociale. Mais ce n’est pas rien qu’une question d’argent ; des agents ont aussi été tués pour avoir refusé leur collaboration, active ou passive, à la mafia. C’est donc aussi une question de survie. La corruption s’est développée avec l’histoire ; elle est en rapport avec la naissance de l’état mexicain. Le PRI a gouverné pendant une période ininterrompue de plus de 70 ans (1929-2000). Pendant tout ce temps, la police a fonctionné dans un état de parti unique et a réprimé toute opposition.
Impunité et assassinats de journalistes
Le Mexique se place dixième au monde sur l’échelle d’impunité. Seulement 1% des délits de violence a été poursuivi avec succès. 14% des assassinats de journalistes. Pour ceux-ci, le Mexique est l’endroit le plus dangereux sur terre ; plus dangereux encore que l’Irak et l’Afghanistan, ravagés par l’occupation et la guerre civile. La moitié des 75 assassinats de journalistes durant ces deux dernières décennies a eu lieu après 2004.
L’assassinat de Brad Will, il y a deux ans, a reçu une grande attention de la presse mexicaine au mois d’octobre. Il était caméraman pour Indymédia et avait sympathisé avec les fédérations de l’enseignement et la coalition de gauche APPO qui s’étaient engagées dans une confrontation avec le gouvernement, à Oaxaca. Il fut abattu alors qu’il filmait les combats de rue à Santa Lucià del Camino. 27 personnes au moins ont perdu la vie lors des répressions qui ont suivi cette révolte. Deux membres d’APPO ont été récemment arrêtés dans le cadre de l’enquête criminelle. Les parents de la victime ont immédiatement déclaré que le gouvernement cherche un bouc émissaire et qu’il refuse de chercher les assassins dans le milieu policier. La commission nationale des droits de l’homme et certains membres du parlement affirment qu’aucune autopsie et aucun examen balistique sérieux n’ont eu lieu. Brad Will n’aurait pas été abattu à une distance de 2 mais bien de 30 mètres. Ceci aurait dû être le point de départ de toute enquête. De plus, le tribunal refuse de traiter l’affaire comme étant l’assassinat d’un journaliste parce que l’homme avait un visa touristique.
Violence en relation avec la drogue
La violence a surtout lieu dans les états du nord, à la frontière des USA. Les bandes sont impliquées dans une lutte pour le contrôle des différentes routes de la drogue. Mais une véritable guerre fait aussi rage entre les cartels de la drogue, l’armée et la police. A Juarez, les criminels n’ont pas hésité à envoyer quatre têtes à la police. L’été dernier, Calderon a augmenté les forces de 40 000 hommes, avec peu de résultat jusqu’à présent. Ceci est l’une des principales raisons des critiques à son égard et de sa chute de popularité. Le grand étalage d’une rare prise, comme celle du gros poisson Eduardo Arellano Felix, n’y changera rien.
Le 3 novembre, on dénombrait 58 assassinats ; le plus grand nombre en 1 jour. Certains d’entre eux étaient des policiers. La semaine dernière, le compteur était à 4 325 pour cette année ; une moyenne de 12 par jour. Pour toute l’année passée, le nombre était de 2000. Sous Fox, une moyenne de 1000 par an. Près de la moitié ont eu lieu dans la ville de Juarez. Un petit millier de policiers suspects y ont été mis à la porte. Ceux qui sont restés ont reçu une augmentation salariale de 35%, dans l’espoir de conserver leur loyauté. Le vide a été comblé par l’armée qui contrôle la ville, à présent.
Pendant longtemps, l’on a pensé que les citoyens, eux au moins, n’étaient pas touchés ; cela a changé le 15 septembre, jour de la fête nationale. Les barons de la drogue ont fait exploser deux bombes à Morelia, Michoacan, l’état dont Calderon est originaire. Le Mexique n’est plus seulement un pays de transit ; de nos jours, la drogue corrompt ; il est devenu un important marché pour la vente. Cela se remarque aussi dans l’image de rue : les ‘narcotiques anonymes’ y poussent comme des champignons.
Police fédérale décapitée
En septembre, le numéro deux de la police fédérale a été assassiné et ce, malgré toutes les mesures de précaution. Chaque nuit, il dormait à un endroit différent et secret, il avait sa propre escorte armée mais il a quand même été liquidé. Et ceci, à Mexico City, où, jusqu’alors, le gouvernement était relativement fort dans sa lutte contre les cartels de drogue du nord.
Le 4 novembre, un avion s’est écrasé dans un parc de Mexico City. Mourino se trouvait parmi les morts. En tant que ministre des affaires intérieures, il était responsable de la police. Selon certains, une organisation malveillante y serait mêlée. Ils soupçonnent la mafia de la drogue. Peu après, le chef de la police nationale a remis sa démission. Le top trois étant hors circuit, la police semble bien se retrouver sans direction.
Crise économique
La situation économique, elle aussi, est dramatique. 8,5 millions de mexicains travaillent à l’étranger, principalement aux USA. Ils sont presque tous peu scolarisés. Maintenant que la récession s’étend, ils sont les premiers à en souffrir. Etant donné qu’ils travaillent souvent illégalement, ils sont des victimes faciles, comme les intérimaires. Ces derniers mois, des centaines de milliers ont perdu leur emploi et sont massivement revenus au Mexique. L’argent qu’ils envoyaient annuellement à la maison, des milliards de pesos, disparaît aussi. Ceci est un coup sérieux pour l’économie mexicaine qui est déjà aux prises avec une inflation colossale. Selon un rapport récent de l’OCDE, c’est au Mexique que le gouffre entre les revenus est le plus grand. Mais cela fera la matière pour un prochain article.
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Morales écrase l’opposition de droite lors du référendum révocatoire
Quelle voie suivre pour la lutte ?
En dépit de ce qu’en disent les médias, le référendum révocatoire du 10 août en Bolivie ne s’est pas soldé par un statu quo. Evo Morales, le gouvernement du Mouvement Vers le Socialisme (MAS – Movimiento Al Socialismo), et les mouvements sociaux ont bel et bien vaincu l’opposition de droite ; en fait, ils l’ont écrasée. Le président Evo Morales et son Vice-Président, Alvaro Garcia Linera, ont été ratifiés avec 67,41% des votes, une augmentation de près de 14% par rapport aux 53,7% de votes avec lesquels ils furent élus en 2005. Ils ont obtenu plus de 50% dans 96 des 112 provinces de Bolivie, et le soutien pour Morales à même dépassé la barre des 2/3 (66,66%), un cap important puisque la droite a sans cesse tenté d’éviter les réformes progressistes et de bloquer le passage de la nouvelle constitution en déclarant que « la démocratie, c’est 2/3 ». La participation à ces élections fut aussi très élevée : 83,33% de la population a voté.
Dans les départements traditionnellement alliés au MAS (La Paz, Oruro et Potosi), Morales a gagné plus de 83%, et dans des endroits supposés mitigés (Cochabamba et Chuquisaca), le président a obtenu respectivement 70,9% et 53,88%. Même dans les états de l’Est contrôlés par la droite, connus comme la « media luna » (la demi-lune), Morales a remporté 52,50% de votes positifs à Pando, 49,83% à Tarija, 43,71% à Beni et, dans le bastion de l’opposition à Santa Cruz, 40,75%.
Un « Oui » pour Morales : un vote en faveur du socialisme, contre la droite.
La victoire impressionnante de Morales n’est pas seulement un mandat populaire pour sa présidence. Elle reflète aussi le véritable désir du peuple bolivien pour le changement fondamental que Morales a promis d’apporter. Les paysans, la population indigène, les travailleurs et les pauvres de Bolivie ont voté « oui » car ils soutiennent la nationalisation complète de l’industrie des hydrocarbures et veulent plus de nationalisations. Ils ont voté « oui » parce qu’ils veulent se débarrasser des gros propriétaires fonciers et distribuer la terre aux communautés indigènes et aux paysans pauvres. Ils ont encore voté « oui » parce qu’ils veulent plus de programmes sociaux, comme la bourse pour les enfants en âge d’aller à l’école (le bon « Juancito Pinto »), et le nouveau programme de sécurité sociale (la « Renta Dignidad ») qui a pour but de garantir un niveau de vie digne de ce nom pour chaque enfant, chaque personne âgée, et chaque personne pauvre.
Maintenant, nous qui sommes dans les mouvements sociaux, nous avons le droit et la responsabilité de réaliser la volonté du peuple, d’élargir et d’approfondir le processus de changement, et de le transformer en une véritable lutte révolutionnaire pour le socialisme.
Premièrement, nous devons exiger un referendum sur la nouvelle constitution écrite par l’assemblée constituante du MAS et mobiliser nos forces pour assurer qu’elle soit approuvée. Bien que cette nouvelle constitution ne soit ni socialiste ni révolutionnaire, elle satisfait de nombreuses revendications émanant des mouvements sociaux, et a beaucoup d’aspects socialistes et révolutionnaires. Elle promet « une participation réelle et vigoureuse de l’Etat et de la société dans l’économie » et « interdit et criminalise les grands propriétaires terriens ». Elle garantit aussi « le droit à la vie et à l’intégrité, à la nourriture, à l’éducation, aux soins de santé, à un habitat et à un logement décent » et « à un travail digne et stable avec un salaire correct ». Aux communautés indigènes, elle garantit « des droits collectifs à une existence libre, à une identité culturelle, à la spiritualité, à la libre détermination, à un gouvernement propre et à un territoire, au sein de l’unité de l’Etat ».
Tout comme en ce qui concernait le référendum révocatoire, nous ne devons pas soutenir la nouvelle constitution comme une fin en soi, mais comme un outil afin d’organiser et de mobiliser les mouvements sociaux, afin de politiser les gens au sujet de la nécessité du dépassement du capitalisme et de la construction d’une société socialiste.
L’opposition ne va pas simplement accepter sa défaite démocratique. Elle va utiliser tout le soutien dont elle peut encore jouir dans les villes de la media luna, ses groupes de choc semi-fascistes et son contrôle économique pour attaquer les mouvements sociaux et le gouvernement du MAS. A présent, ils vont attaquer avec toute l’énergie du désespoir.
Après avoir été ratifié à Santa Cruz, le préfet Rúben Costas a donné un discours de guerre et de division, abreuvant son auditoire et sa base sociale de haine, de peur et de racisme, et les préparant à une lutte difficile. Il a traité Morales de « dictateur » et de « singe » et a qualifié le gouvernement du MAS comme étant « le plus cruel des terroristes d’Etat de l’ère moderne ». Il a ensuite annoncé la continuation du projet illégal d’autonomie de la media luna (ce qui, légalement, revient à de la sédition), a annoncé des élections pour l’assemblée législative autonome illégale (également de la sédition), a appelé à la création d’une force départementale de police parallèle (encore de la sédition), et a révélé un projet de lancement d’une agence taxatrice départementale en vue de contrôler les ressources économiques (toujours de la sédition) (La Opinion, 11 August 2008). Le reste des préfets de la media luna ont donné des discours semblables.
Le 15 août, cette violence s’est manifestée concrètement après une action de protestation menée par Rúben Costas et par le « Comité civique pour Santa Cruz », où les membres de « l’Union des Jeunes de Santa Cruz » ont attaqué la police et ont littéralement battu le chef de la police et un de ses lieutenants.
Le 19 août, la droite a commencé à utiliser son pouvoir économique pour faire payer aux masses leur soutien à Morales. Les dirigeants de la media luna a mis en route un plan de lockouts patronaux et de barrages routiers, demandant plus d’argent de la nationalisation des hydrocarbures (à laquelle ils se sont opposés tout du long) ; et dans un bref aperçu du futur, ils ont également émis l’idée de réduire le flux de produits alimentaires en direction des départements de l’ouest de la Bolivie.
Mais nous autres des mouvements sociaux, nous sommes l’immense majorité en Bolivie, et nous avons le droit de créer une société socialiste si c’est ce que nous voulons. En réponse à la sédition des préfets et des « comités civiques » de la media luna et des attaques violentes de l’Union de Jeunes de Santa Cruz, nous devrions arrêter, poursuivre et incarcérer toute personne impliquée.
Et même, plus encore, à chaque fois que la droite organise une manifestation ou une action, il est de notre devoir d’y répondre avec toute la force des mouvements sociaux. Si l’opposition attaque nos manifestations, nos leaders, nos marchés et nos habitations, alors nous devons être organisés, mobilisés et préparés à nous défendre, et à les repousser physiquement. Car si nous ne répondons pas de cette manière, alors le fascisme et la droite s’étendront et se renforceront. Mais si nous sommes organisés et mobilisés, alors nous des mouvements sociaux sommes bien plus nombreux, bien plus forts, et capables d’écraser le fascisme en Bolivie.
Les masses sont conscientes de cela et cette pour cette raison que lorsque Morales a fait son discours à La Paz après avoir triomphé contre la révocation, des dizaines de milliers de personnes ont crié : « mano dura, mano dura » (traduit littéralement par « une main dure »), en référence aux actions que nous devrions entreprendre contre l’opposition. Malheureusement, Morales a répondu avec un discours de conciliation et d’unité avec l’opposition de droite : « …cette unité peut être réalisée en liant la nouvelle Constitution Politique de l’Etat avec les statuts autonomistes de [la droite] ». Il a encore déclaré : « Je veux profiter de cette occasion pour saluer et exprimer mon respect aux préfets qui ont obtenu la ratification au référendum ; nous respectons la légitimité dont ils bénéficient, et je les appelle à travailler de manière unifiée. Lorsque nous nous serons unis aux autorités régionales, nous pourrons facilement satisfaire à toutes les demandes des secteurs et des régions du pays » (Evo Morales, 10 août 2008, La Paz).
Mais les préfets racistes qui se battent pour les intérêts du grand patronat, des grands propriétaires terriens, et des multinationales ne méritent pas notre respect. L’ Alternative Socialiste Révolutionnaire (ASR – Alternativa Socialista Revolucionaria, CWI-Bolivie) se bat pour l’unité de la Bolivie, mais il n’est pas possible d’unir les intérêts des grands propriétaires terriens, des patrons et des multinationales avec ceux de la classe ouvrière, des paysans, des indigènes, et de la majorité pauvre. Donner cette illusion est quelque chose d’erroné et de dangereux pour les mouvements sociaux.
Nous avons besoin du socialisme pour unir la Bolivie, satisfaire les revendications de la population et vaincre la droite
L’ASR lutte pour l’unité de classe entre les travailleurs, les paysans, les indigènes et les pauvres de l’ouest et les travailleurs, les paysans, les indigènes et les pauvres de l’est. Jusqu’à présent, les changements effectués par Morales et le gouvernement du MAS ont été progressistes, mais très modérés. La majorité des nationalisations sont en fait des renégociations de contrats qui impliquent le versement de centaines de millions de dollars à quelques-unes des sociétés les plus riches du monde. L’éradication des grandes propriétés n’a toujours pas encore réellement commencé. Le gouvernement n’a redistribué que 500 000 hectares appartenant aux grands propriétaires terriens, mais il s’agissait de parcelles inutilisées, alors que seules 100 familles contrôlent 25 millions d’hectares de terrain tandis que 2 millions de paysans pauvres n’en possèdent que 5 millions (Programme de développement des Nations Unies). Enfin, les programmes sociaux sont une aide, mais ils sont loin de garantir une vie digne à la majorité de pauvres. En résumé, la droite a maintenu quasi tous ses instruments de contrôle sur l’économie, tandis que le peuple bolivien reste pauvre.
Cela est problématique pour deux raisons. D’un côté, la droite peut utiliser son pouvoir économique pour attaquer la majorité pauvre et susciter de la frustration et de la désillusion dans les mouvements sociaux. Nous observons déjà les lockouts et les barrages routiers, qui ont provoqué une nouvelle augmentation des prix des denrées alimentaires. D’un autre côté, la droite peut utiliser ses richesses pour faire des concessions dans certains secteurs ciblés et par là diviser les masses. Une proposition récente de quasi doubler le salaire minimum à Santa Cruz à presque 1.000 Bolivianos par mois (143$) en cas d’obtention de l’autonomie du département illustre bien cette stratégie.
Pour les travailleurs, un salaire minimum de 1.000 bolivianos par mois est nécessaire. Cependant, avec un programme qui permet à la droite de continuer à profiter de la majorité des richesses de la Bolivie, le gouvernement du MAS est impuissant face au populisme de droite. Il n’a pas assez d’argent et doit se contenter de déclarer que les propositions de la droite « ne sont pas viables ».
La même chose s’est produite avec la juste revendication de la classe ouvrière pour un système de pension financé par l’Etat qui garantirait la retraite à 55 ans (l’espérance de vie en Bolivie est de 62,5 ans), ce que le gouvernement a qualifié de « non-viable ». Si le gouvernement du MAS ne trouve pas une manière de répondre au populisme de droite et de satisfaire les justes revendications de la classe ouvrière, il court le risque de perdre le soutien des travailleurs.
Dans le but d’avoir assez de richesses pour remplir les justes revendications des travailleurs, des paysans, des indigènes et des pauvres, nous devons contrôler démocratiquement les ressources naturelles, les forces productives, et la distribution des richesses en Bolivie. Cela nous permettrait de planifier l’économie et d’orienter la production en vue de satisfaire les besoins de base de la population, plutôt que de se concentrer presque exclusivement sur les profits destinés à l’oligarchie et aux sociétés multinationales. Ce sont là les changements dont nous avons besoin : des changements socialistes révolutionnaires.
Pour créer le socialisme, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une victoire lors d’un référendum révocatoire, ni même de l’approbation d’une nouvelle constitution progressiste. Nous devons également être préparés à aller mener dans les rues la lutte contre l’opposition de droite. C’est pour cela que l’ASR appelle à la création de « Comités de défense et de lutte » afin d’ouvrir un espace de débat, de lutter et d’élire des représentants pour organiser les actions sur nos lieux de travail, dans les campagnes, dans les communautés indigènes, dans les quartiers pauvres, et dans les universités. Cela permettra aussi aux bases des mouvements sociaux de mener démocratiquement la lutte et d’unifier leurs actions à une échelle locale, régionale et nationale.
Nous avons gagné le référendum révocatoire. Mais l’opposition de droite ne mourra pas simplement parce qu’elle a perdu son soutien démocratique. Pour remporter la lutte, mettre fin à cette opposition, et résoudre les problèmes de pauvreté et d’inégalité, il nous faut utiliser notre victoire du référendum et profiter de la campagne d’approbation de la nouvelle constitution pour nous organiser en Comités de défense et de lutte, mobiliser pour mettre fin au capitalisme et créer une société socialiste démocratique contrôlée par les travailleurs, les paysans, les indigènes, et les pauvres qui ensemble forment le peuple Bolivien.
"Sans lutte, pas de progrès. Ceux qui professent la liberté mais déprécient l’agitation, sont des gens qui désirent des récoltes sans avoir à labourer la terre, de la pluie sans avoir à subir le tonnerre et les éclairs… Le pouvoir ne cède rien qui n’ait été exigé. Il ne l’a jamais fait, et il ne le fera jamais." – Frederick Douglass
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Bolivie: Référendum frauduleux sur l’autonomie à Santa Cruz
L’opposition de droite et les riches tentent de diviser le pays.
Le moins que l’on puisse dire au sujet du référendum sur l’autonomie qui s’est tenu à Santa Cruz, en Bolivie, c’est qu’il était unique. Le référendum était contrôlé par un collège électoral pro-autonomie, administré par une entreprise privée contractée par les « autonomistes », supervisée par des observateurs électoraux qui étaient également pro-autonomie et enfin couvert par des médias pro-autonomie. Pas besoin d’être un fin observateur pour se rendre compte qu’il s’agit là d’une fraude.
Celso Calfullan, Santiago, CIO Chili, (article publié le 6 mai 2008).
Mais le plus incroyable, c’est qu’après une campagne menée par tous les médias pro-autonomie, après l’intimidation, après les menaces violentes de groupes comme « Unión Juventud Cruceñista » (un groupe avec des caractéristiques fascistes), les « démocrates » de Santa Cruz n’ont pas réussi à atteindre leur objectif. Plus de 50% de la population a voté contre l’autonomie ou s’est abstenu.
Néanmoins, les forces pro-autonomie ont déclaré que 85% des personnes avaient voté en faveur de leur proposition. Même Pinochet, l’ancien dictateur de droite du Chili, qui semble être d’une certaine inspiration aux forces pro-autonomistes en Bolivie, n’aurait pas eu le cran de sortir avec de telles conclusions après un référendum.
Ce référendum sur l’autonomie est la première étape d’un plan réactionnaire. Le mois prochain, d’autres référendums sur l’autonomie auront lieu dans les départements de Tarija, de Beni et de Pando. L’idée sous-jacente est de stopper le gouvernement de Morales et d’empêcher les changements que le gouvernement propose.
Le département de Santa Cruz et ces trois autres départements représentent ensemble deux-tiers du territoire bolivien, un tiers de sa population et plus de 50% du PIB de la Bolivie. Ce plan est également considéré par deux autres départements – Chuquisaca et Cochabamba – qui voudraient suivre les pas des séparatistes.
Le racisme et la division vont de pair
Même s’ils font de leur mieux pour l’occulter, l’attitude « diviser pour mieux régner » et le racisme des partisans de l’autonomie de Santa Cruz ressortent évidement des déclarations de ses dirigeants les plus importants. Les porte-paroles publics des « autonomistes » peuvent à peine cacher leur haine et leur mépris pour Evo Morales (qui est un indigène) quand ils l’accusent d’être un centralisateur, un autoritaire, un radical et un fondamentaliste. Leur slogan principal devrait être : « Pour une Bolivie sans indigènes ».
Le cynisme de ces dirigeants n’a aucune limite. Rubén Costas par exemple, le préfet du département de Santa Cruz, a dit que le référendum sur l’autonomie est une réponse au centralisme du gouvernement. Il est clair que l’objectif des « autonomistes » est de créer une telle tension et une telle polémique qu’on en vienne à une confrontation ouverte, chose qui inévitablement aura des conséquences dans les autres pays de la région.
Mais même avec le contrôle de l’économie et des médias dans les mains des « des autonomistes réactionnaires », ces derniers n’ont pas pu convaincre la majorité de la population de Santa Cruz de leur division et de leurs plans racistes.
L’autonomie de Santa Cruz pour les intérêts de qui ?
Plusieurs observateurs conviennent que l’idée de l’autonomie provient de quelques cent familles qui contrôlent plus de 25 millions d’hectares de terre ainsi que l’industrie agricole, le commerce domestique, les banques et les grands moyens de communication. Ces clans, ainsi que les politiciens qui ont fait partie des anciens gouvernements des ex-présidents comme Gonzalo Sánchez de Lozada, Jorge Quiroga ou Jaime Paz Zamora, sont devenus des adversaires puissants du gouvernement Morales. Ces gens possèdent cinq fois plus de terre que deux millions de paysans et ‘indigènes.
L’institut national de la réforme agraire (Instituto Nacional de Reforma Agragia – INRA) rapporte que cinq familles détiennent à elles seules un demi-million d’hectares de terres arables. Elles ont aussi l’avantage d’être près du marché et ont donc moins à dépenser en transport que les paysans de l’ouest du pays.
Avec l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales, ces familles ont été confrontées à la possibilité que le nouveau gouvernement effectuerait des réformes pour redistribuer la terre en faveur des indigènes et des paysans, elles ont donc employé leur puissance pour créer un mouvement politique et social qui vise à diviser le pays afin de s’assurer que la nouvelle constitution élaborée par le gouvernement Morales ne soit pas applicable.
Contradictions au sein du gouvernement Morales
Malheureusement, Morales, et d’autres autour de lui, expriment plusieurs des grandes contradictions qui existent parmi le gouvernement. Le gouvernement doit être plus clair en expliquant et prenant effectivement des mesures concrètes pour mettre en application la réforme agraire. La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent et doit garantir le droit à l’autodétermination des peuples indigènes, sans ambiguïté ou négociations vis-à-vis des propriétaires qui occupent le territoire.
La période qui a précédé ce référendum sur l’autonomie aurait dû être le moment durant lequel le gouvernement aurait dû passer à l’offensive en prenant les premières mesures vers la réforme agraire et en expliquant aux paysans indigènes et aux pauvres les objectifs du gouvernement. Cela n’aurait au contraire pas dû être le signal pour entamer des négociations avec les propriétaires.
La situation politique en Bolivie est trop compliquée pour compter avec l’ambiguïté. Ce n’est pas suffisant que le gouvernement affirme que le référendum était illégal quand l’opposition réactionnaire n’ s’occupe pas de la légalité, de la démocratie ou de la constitution puisqu’aucune ne sert à défendre ses intérêts. Le dialogue n’arrêtera pas la conspiration de l’oligarchie. La conspiration réactionnaire doit être brisée maintenant et avant que l’opposition de droite n’aient eu le temps de se renforcer.
Il est clair que la majorité des Boliviens, dans les villes et dans les campagnes, est contre les tentatives de division à l’instigation des parties conservatrices et réactionnaires de la société. La majorité de la population ne peut pas être emprisonnée par une petite minorité d’oligarques.
Nous devons démocratiser le pays
L’unité des travailleurs et des indigènes est fondamentale pour défendre le processus bolivien. Nous ne pouvons pas accepter que la terre soit concentrée dans les mains d’un petit nombre de familles. Nous ne pouvons pas accepter que la majorité des usines soient contrôlées par un petit nombre d’employeurs. Nous ne pouvons pas accepter que les moyens de communication soient concentrés dans les mains de quelques uns. Tout ceci est injuste et totalement antidémocratique.
La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent. Les usines appartiennent à ceux qui produisent. Les médias doivent être au service de la totalité de la population et non pas au service d’une minorité d’oligarques.
Il est impossible d’avancer sans marcher vers le socialisme. Les travailleurs ont besoin d’une démocratie des travailleurs, ils ont besoin d’une société socialiste.
Pour en savoir plus
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Venezuela. La révolution en danger
La défaite d’Hugo Chávez lors du référendum de décembre marque un point tournant du processus révolutionnaire vénézuelien. Le fort taux d’abstention indique une frustration grandissante quant à la lenteur des changements. Dans le même temps, l’opposition de droite a été fortement encouragée par sa victoire. Tony Saunois analyse la situation présente.
Le 2 décembre 2007, Hugo Chávez, président du Venezuela, a malheureusement encaissé sa première défaite électorale depuis sa montée au pouvoir en 1998.
Donner de plus grands pouvoirs au président, autorisant ainsi Chávez à se présenter pour plus de deux mandats, établir ‘le pouvoir populaire’, décrire le Venezuela comme un ‘Etat socialiste bolivarien’, réduire la semaine de travail de 44h à 36h, voilà quelques-uns des 69 amendements proposés pour changer la constitution datant de 1999. Ces amendements ont été rejetés par 50,7 % contre 49,2% des électeurs, et avec un fort taux d’abstention (44%).
Le rejet de ces propositions pose d’importantes questions quant au futur de la révolution et aux dangers faces auxquels se trouvent maintenant la classe ouvrière et les masses. Cela illustre clairement la nécessité pour tous les socialistes, au Venezuela et internationalement, d’analyser la conjoncture actuelle de la lutte contre le capitalisme et les grands propriétaires, ainsi que les tâches que doivent assumer les militants dans le mouvement.
La défaite du référendum représente un pas en arrière pour la classe ouvrière et a aidé à renforcer l’opposition de droite pro-capitaliste. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses membres au Venezuela appelaient à voter OUI au référendum. Et cela en dépit des importantes limitations de ces propositions, comme celles qui tendaient à augmenter les pouvoirs centraux de la présidence, qui permettait ainsi à la droite de dépeindre le régime comme ‘dictatorial’. Mais malgré ces faiblesses, cela aurait été une erreur de donner comme consigne l’abstention ou le boycott, comme certains sur la gauche ont pu le faire, comme par exemple le dirigeant syndical Orlando Chirino. En effet, la victoire du non a eu comme effet de laisser ceux qui appelèrent au boycott plus isolés des activistes, rendant ainsi encore plus difficile de formuler des critiques des imperfections et manquements du gouvernement.
C’est une sérieuse défaite, bien qu’elle ne soit pas décisive. Mais il est aujourd’hui urgent de tirer les leçons de cet épisode si l’on veut pouvoir éviter d’autres défaites -qui risquent de s’avérer plus sérieuses- et faire avancer le processus révolutionnaire.
Comme nous l’avons commenté à l’époque, l’arrivée de Chávez au pouvoir représentait le commencement de changements importants dans la situation internationale. L’élection de Chávez a signifié un rejet décisif des politiques néolibérales qui ont dominé les années 90 suite à la chute des dictatures bureaucratiques et des économies planifiées dans l’ancienne Union Soviétique et l’Europe de l’Est. Son gouvernement n’était en effet pas prêt à capituler face aux exigences de l’impérialisme en appliquant des politiques néolibérales.
Initialement, Chávez ne parlait pas de socialisme mais se limitait à l’idée d’une ‘révolution bolivarienne’. Son régime populiste et nationaliste en est venu rapidement à appliquer des réformes radicales qui sont entrés en conflit avec l’impérialisme US et l’oligarchie dirigeante qui dirigeait le Venezuela depuis des décennies. Ces derniers ont organisé une série de tentatives pour renverser son régime. Chacune de celles-ci – une tentative de coup en 2002, un lock-out patronal en 2002-03, un référendum en 2004 pour essayer de démettre Chávez – a échoué grâce au mouvement spontané des masses soutenant Chávez.
Ces conflits opposants les masses et la classe dirigeante ont provoqué à chaque fois une radicalisation politique. Cela s’est reflété par exemple lorsque Chávez déclara que la ‘révolution’ n’était pas seulement ‘bolivarienne’ mais aussi ‘socialiste’. Il déclara aussi que le Venezuela s’était embarqué sur la route de la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’. Après sa victoire électorale de décembre 2006, il est allé plus loin en annonçant son soutien au programme de transition et au concept de révolution permanente développés par Léon Trotsky.
Compte tenu du contexte d’offensive idéologique dirigée par la classe dirigeante et de ses représentants au sein des anciens partis ouvriers de masse contre le socialisme, ces développements représentaient et représentent toujours des pas en avant importants. Ils ont été reçus de manière très enthousiaste par une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes qui observaient le Venezuela et Cuba – plus récemment, la Bolivie, avec l’élection d’Evo Morales, et maintenant l’Equateur – comme des contrepoids radicaux de gauche face à Bush, Blair et le capitalisme néolibéral.
Pendant que dans d’autres pays, l’application de politiques néo-libérales entraînait des plans d’austérité et des attaques sur les conditions de vie des travailleurs, le gouvernement de Chávez a introduit une série de réformes populaires, que nous soutenions, comme expliqué dans différents autres articles et dossiers (www.socialistworld.net). Elles ont été financées par le haut prix du pétrole sur le marché mondial et la croissance économique, qui a particulièrement été bénéfique pour la classe moyenne.
Pauvreté et aliénation
Quoiqu’il en soit, de nombreux problèmes sociaux persistent, avec un taux de pauvreté qui reste élevé. La frustration qui découle de l’incapacité à résoudre ces problèmes, couplée à la colère par rapport à l’augmentation de la corruption et aux méthodes bureaucratiques ont créé le terreau pour la défaite du référendum. Le taux de chômage est officiellement de presque 10%. L’insuffisance de nourriture, une inflation au dessus des 20 % et l’énorme crise du logement ne peuvent pas être résolus tant que le système capitaliste survit. Le manque de plus de 2,7 millions de maisons, avec environ 1,3 millions d’habitations ressemblant plus à des petites cabanes qu’à des véritables logements, illustre à quel point la situation reste désespérée pour des millions de personnes.
La pauvreté et l’aliénation dans la société se reflètent par le haut taux de criminalité, et plus spécifiquement de meurtres, qui touche essentiellement les grandes villes. En 2000, le ‘taux de meurtres’ s’élevait à 33,2 pour 100.000 comparé à 1,1 au Japon ou encore 5,51 pour les Etats-Unis. Depuis, la situation s’est encore aggravée et aujourd’hui, la capitale Caracas est plus violente que Rio.
En novembre 2007, onze meurtres par jour étaient signalés à Caracas. Environ 1000 personnes ont été kidnappées en 2006 pour ensuite exiger des rançons. La criminalité est aujourd’hui un grand sujet de controverse et le gouvernement est considéré comme avoir été incapable de le résoudre. Certains pourraient argumenter qu’il n’est pas correct de blâmer Chávez concernant ce haut taux de criminalité. Mais le crime existera toujours dans des sociétés qui sont touchées par la pauvreté et le malaise social. En dernière instance, cela ne peut se résoudre qu’en se débarrassant définitivement du capitalisme et des conditions sociales qu’il engendre.
La question de la criminalité est une question cruciale, et il est important pour le mouvement ouvrier de la prendre en compte d’une manière pratique. La police, faisant parti de la machine d’Etat capitaliste, est criblée par la corruption. Les communautés locales doivent s’organiser pour se défendre des attaques criminelles violentes et des gangs. Une des plus grosses faiblesses du mouvement est l’absence d’un mouvement indépendant conscient et organisé de la classe ouvrière et des pauvres. Si un tel mouvement existait, la construction de conseils élus démocratiquement dans les communautés locales pourrait être liée à la formation de comités de défense. Ceux-ci pourraient alors prendre des mesures pour se débarrasser des gangs criminels et offrir une véritable alternative pour tous les jeunes désorientés qui sont attirés par ces bandes.
En finir avec le capitalisme
Les problèmes socio-économiques qui continuent à empoisonner le Venezuela proviennent de la continuation du capitalisme. Les discours de Chávez et la propagande pour un « socialisme du 21ème siècle » ne sont pas un programme qu’on peut appliquer.
Le haut taux de pauvreté, la bureaucratisation et la corruption croissantes, au sein du gouvernement, des directions syndicales et même des organisations sociales et locales, ont exacerbé la colère, la frustration et la déception parmi de larges couches de travailleurs et de pauvres, et particulièrement dans les zones urbaines. Tout cela, ajouté à l’incapacité à faire avancer le processus révolutionnaire, a plongé la situation dans une certaine impasse. La déception est sans doute moins forte dans les zones rurales qui ont pu bénéficier d’un grand nombre de réformes, mais l’ambiance est largement retombée dans les villes.
La cause plus profonde de tout cela provient de l’incapacité à rompre définitivement avec le capitalisme et à établir un gouvernement des ouvriers et des paysans, basé sur une économie socialiste planifiée démocratiquement. Un grand nombre de personnes ont dû se dire que ne pas voter ne représentait pas une menace contre-révolutionnaire immédiate. Cependant, si on ne sort pas de cette impasse, les forces contre-révolutionnaires vont croître et finalement se débarrasser du régime de Chávez.
De nouveaux dangers menacent Chávez et son régime. Puisque les réformes ont largement été financées par un prix du pétrole sans cesse croissant, cette situation peut se retourner par les symptômes d’une crise mondiale. Cela pourrait provoquer une chute des revenus tirés du pétrole, et donc un recul dans les réformes.
Entre ‘74 et ‘79, le régime nationaliste et populiste de centre-gauche de Carlos Andrés Perez avait introduit des réformes sociales significatives qui furent financées par la hausse du prix du pétrole. En ‘79, le baril de pétrole avait atteint les 80$. Peu après, ces réformes devinrent infinançables car une crise faisant chuter le prix du baril à 38$ frappa le Venezuela dans les années ‘80. Le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté explosa de 17% en 1980 à 65% en 1996. C’est un avertissement clair à Chavéz et à la classe ouvrière sur ce qui risque d’arriver si le capitalisme n’est pas remplacé par une économie socialiste démocratiquement planifiée.
Malheureusement, certains dans la gauche socialiste n’ont envisagé ce problème que pour le traiter de sectaire ou d’inutilement détaillé. Mais maintenant, confronté à ce brusque retour de manivelle du référendum, ils prennent conscience un peu tard des dangers et commencent à s’en faire l’écho. Cela s’illustre par le fait que la Tendance Marxiste Internationale (IMT), qui avait cherché à agir comme conseiller bénévole d’Hugo Chávez, a critiqué, suite à la défaite du référendum, une dangereuse « illusion, qui existe parmi la direction et les masses elles-mêmes, que la révolution serait une espèce de marche triomphale qui pourrait éviter tous les obstacles ». (Alan Woods, La révolution vénézuélienne à la croisée des chemins, 11 janvier)
Cependant, le groupe vénézuélien de la IMT semble avoir été victime de ce danger précisément, sous-estimant les dangers auxquels doivent faire face les masses et la possibilité de contre-attaque de la part et d’engranger des succès de la part de la contre-révolution. Deux jours avant le référendum, un article publié sur le site de IMT prédisait : « Et nous ne doutons pas que la décision de la majorité sera en faveur du OUI… La victoire du OUI le deux décembre est le premier pas dans ce sens. »
L’avertissement du référendum
Les conséquences de l’incapacité à en finir avec le capitalisme commencent à éroder l’enthousiasme pour Chávez et son régime. Il faut souligner que 44% se sont abstenus lors du référendum et le nombre de personnes ayant voté « oui » est de trois millions inférieur au nombre d’électeurs de Chávez lors des élections présidentielles de décembre 2006. Le nombre de votant pour le oui était même inférieur d’un million au nombre d’adhérents revendiqué par le parti récemment lancé Partido Unificado Socialista de Venezuela (PSUV).
De plus, le NON a triomphé dans les 9 états les plus peuplés des 23 et dans 13 des villes les plus grandes, y-compris Caracas. Le OUI a triomphé dans les 14 états les plus ruraux et les moins peuplés. Dans la capitale, des anciens bastions chavistes, comme Petare, Caricuao et Catia ont enregistré un vote substantiel pour le NON et un haut taux d’abstention. Mais surtout, la droite a pu engranger 300.000 votes de plus que lors de la dernière élection présidentielle.
Les signaux d’alerte auraient pu être vus lors de la dernière campagne présidentielle en décembre 2006. En dépit du fait que Chávez ait gagné avec une claire majorité, la droite, l’opposition pro-capitaliste, a commencé à se fédérer autour de Manuel Rosales et en est ressortie renforcée. La campagne électorale a été marquée par de plus gros meetings de la droite et un niveau de participation plus faible de la part des supporters de Chavez. Les masses se rallieront derrière Chávez lorsque la menace d’une défaite apparaîtra comme un scénario sérieux.
Le faible niveau d’activité et de participation dans la campagne électorale illustre une croissance du sentiment de colère et de frustration face à l’incapacité à pousser le processus révolutionnaire en avant. Malgré l’enthousiasme immense qui a résulté des réformes dans la santé, l’enseignement et dans l’approvisionnement de nourriture, la continuation du capitalisme a provoqué un taux de chômage élevé, des pénuries de nourriture, une inflation croissante, une crise massive du logement et une bureaucratisation et une corruption en hausse. En plus de ces problèmes sociaux, il faut souligner l’explosion du nombre de crimes, et spécialement de crimes violents, qui a commencé à mener à la frustration, et même à la désillusion parmi certaines parties des supporters de Chávez.
Ces questions ont permis à l’opposition de droite de ramener des tranches entières de la classe moyenne sous sa bannière. La menace d’une victoire de la droite aux élections présidentielles avait provoqué un renforcement du soutien à Chávez. Mais cette fois cette menace directe n’a pas été vue par les masses dans le référendum pour changer la constitution. Bien qu’il reste une véritable marge de manœuvre à Chávez et qu’il gagnerait probablement les élections si elles devaient se tenir aujourd’hui, cette défaite est un sérieux avertissement des processus qui commencent à se mettre en place.
Résurgence de la droite
Les effets des problèmes socio-économiques ont été renforcés à cause de quelques erreurs commises par Chávez et dont l’opposition a su jouer, utilisant la peur des gens et plus spécifiquement de la classe moyenne. Ils ont accusé Chávez de bâtir une « dictature déguisée ». Le CIO a averti que la décision de refuser à RCTV sa licence (une station radio-télévisuelle de droite pro opposition) permettrait à l’opposition de se réunifier et de se réorganiser. Nous écrivions : Malheureusement, le refus de renouvellement de la licence de RCTV, à cause de son timing et de la manière dont il a été fait, est une erreur tactique du gouvernement de Chávez dont l’opposition pourra jouer ». (RCTV et la question des médias, 20 juillet 2007) Cette question est devenue un point central autour duquel l’opposition de droite a été capable de mobiliser et de redynamiser ses forces. De larges manifestations ont été lancées avec le soutien de couches d’étudiants de la classe moyenne autrefois inactives.
Ces inquiétudes se trouvèrent renforcées par certains des amendements proposés à la constitution de 1999, qui servaient à renforcer le pouvoir de la présidence sans contrepoids démocratique et comprenaient de forts éléments bonapartistes. La limite du nombre de fois qu’un candidat pouvait être élu allait être effacée et le mandat présidentiel allait être prolongé de 6 à 7 ans – comme c’était le cas en France durant la cinquième république de Charles de Gaulle. Un état ouvrier démocratique ne peut être assimilé à un régime bonapartiste. Dans un véritable état ouvrier démocratique, al question de savoir formellement qui est président et pour combien de temps serait immatérielle. Cependant, le Venezuela n’est pas une démocratie ouvrière et cette question a été perçue par certaines couches de la société comme une attaque sur les droits démocratiques et a été utilisée comme une arme par l’opposition.
Le président, et non le parlement, devait aussi obtenir le pouvoir de nommer tous les officiers de l’armée. Il devait aussi obtenir le pouvoir de désigner de nouvelles zones géographico-politiques, comme des municipalités fédérales, et de nommer les différentes autorités censées les administrer. Il n’existait pas de définition du niveau de pouvoir de ces nouvelles autorités et districts territoriaux. D’autres propositions telles que la suppression du « droit à l’information » dans le cadre d’une déclaration d’état d’urgence par le président. Les socialistes défendent le droit pour le gouvernement Chávez de prendre toutes les mesures nécessaires à l’empêchement de toute tentative de prise de pouvoir par la droite, à travers un autre coup d’état par exemple. Mais ce ne sont pas des questions constitutionnelles, en les traitant comme telles le gouvernement offre à la droite le bâton pour lui taper dessus. Alors que l’opposition dynamisait ses supporters de la classe moyenne, des pans des supporters traditionnels de Chávez se retrouvaient désorientés dans la campagne.
Tout cela s’est retrouvé encore renforcé par une colère montante contre la bureaucratie et son approche « par le haut », par l’absence d’un véritable système démocratique ouvrier et d’une participation consciente et active des masses à la lutte. Les supporters de Chávez n’étaient pas prêts à aller de l’avant, ni à soutenir le NON, ils se sont pourtant tenus à l’écart des bureaux de vote. Selon des rapports de nos membres au Venezuela, beaucoup le regrettent aujourd’hui.
Une des tâches auxquelles sont confrontés les masses et les marxistes dans n’importe quelle révolution est de parvenir à gagner le soutien des couches moyennes dans la société (étudiants, petits commerçants,…) qui sont aussi exploitées socialement et économiquement par le capitalisme. Le mouvement révolutionnaire socialiste a besoin de les convaincre de qui sont leurs véritables ennemis et qu’ils n’ont rien à craindre du socialisme. Au contraire, une société socialiste peut leur offrir une solution à leurs problèmes et développer leurs talents et leurs capacités. Malheureusement, l’attitude adoptée par Chávez a donné l’arme qu’il fallait à la droite pour les récupérer.
Les marxistes ne considèrent pas vulgairement la classe moyenne et tous ceux qui ont voté NON comme une masse réactionnaire homogène. Cette approche erronée a été amplifiée par le IMT immédiatement après le référendum. Woods a simplement dénoncé « les petits commerçants, les étudiants « gosses pourris des riches », les employés gouvernementaux, pleins de ressentiment face aux avancées de la « plèbe », les pensionnés nostalgiques « des bons vieux jours » de la quatrième république… Ces éléments apparaissent comme une force formidable en termes électoraux, mais dans la lutte des classes, leur poids est pratiquement nul ». (La défaite du référendum – Qu’est-ce que cela signifie ? 3 décembre 2007)
Ce revirement a revigoré l’opposition et montre clairement la menace croissante de la contre-révolution. D’un autre côté, on n’en est pas encore au point d’une défaite décisive pour le mouvement. La droite pourrait regretter cette tactique, car elle pourrait provoquer une réaction des masses et pousser le mouvement plus à gauche. Il reste encore du temps pour tirer les leçons nécessaires, ce qui permettra de renverser le capitalisme et de définitivement en fini avec lui.
Mais il existe une nouvelle urgence, une course contre le temps : la contre-révolution essayera de capitaliser sur la situation d’impasse actuelle. Un brusque changement dans la situation économique et une chute du prix du pétrole pourrait accélérer ces développements et donner l’opportunité à la droite de se renforcer et de préparer le terrain pour une défaite plus décisive de Chávez et des masses.
Il est urgent de tirer le bilan des luttes des travailleurs, des jeunes et des masses des différentes étapes traversées par la lutte depuis la venue au pouvoir de Chávez. A cela, il faudra ajouter les leçons cruciales de la classe ouvrière internationale pour aider les travailleurs et les jeunes à tirer les conclusions nécessaires pour s’assurer la défaite définitive de la contre-révolution et pour s’assurer que la transformation socialiste et démocratique de la société puisse continuer.
Le pouvoir économique
Tout en clamant son soutien pour la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’, en pratique, Chávez a essayé de construire une économie et un Etat parallèles, côte-à-côte avec les monopoles et la machine d’Etat existants. Bien que Chávez ait augmenté l’intervention de l’Etat dans l’économie, il n’a nationalisé ni les grandes banques ni les monopoles, qui demeurent dans les mains du privé. Jusqu’à présent, il a limité les nationalisations à l’aciérie Venepal, ainsi qu’aux compagnies de télécommunication et d’électricité, CANTV et EDC.
Malgré les attaques hystériques contre Chávez de la part de l’impérialisme américain, suite à la croissance économique dans le secteur privé, ce dernier compte à présent pour une plus grande part dans l’économie que ce n’était le cas avant l’arrivée au pouvoir de Chávez.
Malgré les menaces verbales de Chávez de nationaliser les banques, il ne l’a pas fait. Basés sur une croissance du crédit qui a surtout bénéficiée aux classes moyennes, les résultats des banques vénézueliennes ont de quoi rendre jaloux l’ensemble du monde bancaire. Les profits réalisés dans le secteur bancaire ont crû de 33% en 2006. Les retours sur investissement ont dépassé de 33% la norme internationale.
Les supermarchés d’Etat ‘Mercal’, tout en vendant de la nourriture bon marché pour les pauvres, sont dans une logique de compétition avec les grosses chaînes de magasins et de supermarchés d’alimentation. Même si sous certaines conditions –dans le cas d’une situation de double pouvoir par exemple- des éléments d’économie parallèle peuvent être utiles et permettre de réaliser quelques progrès, une telle situation ne peut jamais durer indéfiniment.
Pour les marxistes, une situation de double pouvoir peut émerger lorsque la classe dominante n’a plus le contrôle de l’économie ou de l’Etat, du fait que son pouvoir est contesté par un mouvement révolutionnaire parmi la classe des travailleurs. Tout en concurrençant la classe dirigeante, devenue incapable de diriger la société, la classe ouvrière n’a cependant pas encore pris le pouvoir entre ses mains et imposé une défaite décisive aux capitalistes. Cette situation se conclut toujours soit par la prise du pouvoir par les travailleurs, soit par le rétablissement du contrôle de la classe dirigeante.
Les capitalistes se battront jusqu’au bout afin d’empêcher le secteur étatique d’assumer un rôle de plus en plus important dans ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée, et ne tolèreront jamais de se voir retirer les leviers de leurs pouvoirs économique et politique. Si c’est nécessaire, ils recourront même à la dictature militaire brutale afin d’empêcher un tel mouvement de se développer. Pourtant, procéder à une incursion graduelle de l’Etat dans l’économie capitaliste est exactement ce que Chávez a essayé de faire. Parallèlement, il a laissé le pouvoir économique décisif dans les mains des capitalistes, qui l’ont utilisé par exemple pour imposer des pénuries de café, de riz, de haricots et d’autres aliments de base, comme riposte face aux prix des produits contrôlés par l’Etat.
Ces pénuries ont joué un rôle important dans la campagne que l’opposition a mené en vue du référendum. Dans un sondage réalisé en novembre 2007, 75% des Vénézueliens pensaient que les pénuries de nourriture étaient volontairement suscitées par le patronat afin de saboter l’action du gouvernement. Cependant, dans un sondage entrepris dans la semaine précédant le référendum, une majorité accusait l’inefficacité et la corruption du gouvernement.
Il est impossible d’assagir un tigre en retirant une à une chacune de ses griffes. De la même manière, il est impossible de retirer les capitalistes du contrôle de l’économie en grapillant graduellement un secteur après l’autre. Dans les faits, Chávez n’a même pas été jusque là. L’économie du Venezuela est hautement monopolisée. Cinq grosses familles oligarchiques – Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton et Phelps – ainsi que quelques grandes banques, contrôlent les secteurs décisifs de l’économie, à l’exception du pétrole. Aucun de ces conglomérats n’a été touché par Chávez.
Le fait de ne pas avoir nationalisé ces monopoles laisse à la classe dominante le contrôle de l’économie. Résultat : durant le récent boom économique, qui avait notamment vu une augmentation des dépenses de l’Etat en faveur de différents programmes publics, des profits gigantesques ont été réalisés. Dans le même temps, les capitalistes ont eu tout le loisir d’organiser le sabotage économique afin de miner l’action du gouvernement.
Les signes d’un ralentissement
L’ensemble de ces facteurs se sont reflétés dans le référendum. Pourtant, au lieu de réaliser que cette défaite reflète la frustration, la déception et une certaine impasse dans la situation actuelle, ce sont au contraire les masses qui sont accusées d’un ‘manque de compréhension’. Dans son émission télévisuelle hebdomadaire, ‘Alo Presidente’ du 6 janvier, Chávez affirme reconnaître que la population, ainsi que l’appareil d’Etat, ne sont pas “preparés pour faire face à ce qu’impliquait la réforme constitutionnelle, à savoir un renforcement du socialisme”. Plus menaçant, il déclara qu’ils (les habitants de Caracas et d’autres villes) “…ont une dette envers moi. Je l’ai noté dans mon agenda. Nous allons voir s’ils me paieront cette dette ou pas”. (Spanish daily paper, ABC, 9 décembre 2007)
Cette méthode d’analyses des reculs et des défaites fait écho à celle qu’utilisaient les dirigeants des partis communistes et socialistes réformistes lors de mouvements révolutionnaires historiques, tels que le Chili en 1970-73 ou la révolution espagnole dans les années ’30. Ces derniers justifiaient leur inaptitude à rompre de manière décisive avec le capitalisme en prétextant que les masses n’étaient ‘pas prêtes’ et que cela allait ‘provoquer’ la réaction.
Ayant dans un premier temps accusé le manque de compréhension des masses pour la défaite, Chávez a finalement conclu qu’il n’avait pas d’autre choix que de ‘ralentir la marche des événements’: “L’avant-garde ne peut pas se séparer des masses. Sa place est avec les masses! Je veux rester avec vous, et pour cette raison, je dois ralentir le rythme.” (6 janvier)
Les marxistes n’adoptent pas une approche sectaire vis-à-vis des masses, et ne peuvent ignorer le niveau de conscience et de compréhension politique existant. Cela aurait pour résultat d’avancer des slogans et des initiatives politiques qui ne seraient pas compris, et couperaient les révolutionnaires des larges masses. Les marxistes s’engagent activement dans le dialogue politique, dans l’échange des idées et des expériences, et mettent en avant des slogans et des revendications qui peuvent aider les masses à avancer dans leur lutte, et à tirer les bonnes conclusions sur le type de programme, de tâches et de méthodes nécessaires pour aboutir au socialisme.
Mais utiliser cela comme un argument pour ‘ralentir la marche de la révolution’ est quelque chose de tout à fait différent. Ce ‘ralentissement’ inclut un remaniement ministériel en janvier. Il s’agit surtout de redistribuer les portefeuilles ministériels parmi les ministres actuels. Un élément significatif, cependant, est le fait que l’ex-vice-président, Jorge Rodriguez, a été délogé et remplacé par l’ancien ministre du logement, Ramón Carrizales. La nomination de Rodriguez il y a un an avait été annoncée à l’époque comme un tournant à gauche dans la ‘route vers le socialisme’.
Il est probable que le ralentissement du rythme des réformes débute par un relâchement des contrôles sur les prix que le gouvernement avait précédemment introduits. En les desserrant, le gouvernement espère pacifier ses relations avec les producteurs et distributeurs du secteur de l’alimentation, qui avaient réagi en créant des pénuries dans la distribution. Il s’agissait de purs actes de sabotage, auxquels le gouvernement s’était montré incapable de réagir en nationalisant ces compagnies.
Derrière ce ‘ralentissement’, Chávez tente d’établir un ‘consensus national’ et d’apaiser les capitalistes. Dans l’émission ‘Alo Presidente’, Chávez argumentait : “Nous devons procéder à des améliorations dans le cadre de nos alliances stratégiques. Nous ne pouvons pas nous laisser dérouter par des tendances extrémistes. Nous ne sommes pas des extrémistes et ne pouvons l’être. Non ! Nous devons rechercher des alliances avec les classes moyennes, y compris avec la bourgeoisie nationale. Nous ne pouvons cautionner des thèses qui ont échoué dans le monde entier, comme l’élimination de la propriété privée. Ce ne sont pas nos thèses.”
En d’autres termes, ayant essuyé une défaite lors du référendum, Chávez en conclut qu’un accord doit être recherché avec la classe dominante. Les socialistes ne prônent pas l’élimination de toute la propriété privée, comme par exemple la nationalisation de tous les petits magasins ou la réquisition des maisons des particuliers. Néanmoins, il est nécessaire de nationaliser les monopoles et les banques qui dominent l’économie, et d’introduire une démocratie ouvrière dans le cas où une planification socialiste prend forme. Chávez a également annoncé l’amnistie pour certains personnages impliqués dans l’organisation du coup d’état de 2002, et ce afin “d’envoyer au pays un signal clair comme quoi nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences”.
Il n’y a pas de troisième voie
Chávez revient en fait à la position qu’il défendait avant qu’il n’embrasse l’idée du socialisme, celle d’une ‘troisième voie’. Cette thèse s’appuie sur la vision erronée comme quoi il serait possible, en travaillant main dans la main avec l’aile ‘progressiste’ de la classe capitaliste, d’en finir avec la pauvreté et la corruption, et de développer une forme de ‘capitalisme plus humain’. Cette idée fait écho à la ‘théorie des deux stades’ avancée dans le passé par les staliniens et certains socialistes réformistes. Ces derniers prétendaient que, dans les pays semi-coloniaux, avant qu’il ne soit possible de renverser le capitalisme, il était nécessaire de développer l’industrie et l’économie en collaboration avec les capitalistes ‘progressistes’, postposant ainsi la question du socialisme aux calendes grecques.
De telles idées ont mené à la défaite du mouvement ouvrier durant la guerre civile espagnole, ou encore au Chili en 1973, et n’ont jamais abouti à la moindre victoire. A l’époque contemporaine, la classe dominante des pays semi-coloniaux est liée à l’impérialisme et est incapable de développer la société. Cette tâche retombe sur les épaules du mouvement ouvrier, aidé des autres classes exploitées par le capitalisme, et fait partie intégrante de la transformation socialiste de la société.
Ce n’est pas la première fois que Chávez tente d’apaiser les classes dominantes. Il s’agit en réalité d’une répétition de ce qu’il avait mis en avant suite à la défaite du coup d’état entrepris en 2002 par la réaction. Il demanda alors au peuple de rentrer chez lui, appelant à l’unité nationale et à la construction d’un ‘consensus national’.
Même le IMT a été obligé de reconnaître le caractère erroné d’une telle politique : “‘Aidé’ par ses conseillers réformistes, le président a tiré certaines mauvaises conclusions du référendum”. (Woods, La révolution vénézuelienne à la croisée des chemins, 11 janvier) Mais il est évident que Chávez porte une part importante de responsabilité également.
Woods déclare que “Chavez a bien compris le fait que la révolution a besoin de franchir ce saut qualitatif”. (Rencontre avec Hugo Chávez, Avril 2004) Encore une fois, dans La nationalisation de Venepal : qu’est-ce que cela signifie? Woods assure ses lecteurs que “Le président Hugo Chávez a révélé constamment un instinct révolutionnaire infaillible”. (21 janvier 2005) Pourtant, aucune de ces caractéristiques n’est perceptible dans les ‘mauvaises conclusions’ tirées par Chávez.
Chávez, parlant lors du congrès d’ouverture du PSUV nouvellement formé, fut forcé de reconnaître que le gouvernement restait paralysé par ‘l’inefficacité, la bureaucratie et la corruption’. Il insista également sur la nécessité de résoudre les “problèmes persistants tels que le crime, les pénuries alimentaires et l’inflation.”. “Pourquoi le lait a-t-il disparu? Pourquoi est-ce que la sécurité reste un tel problème…Pourquoi n’avons-nous pas été capables de limiter la corruption (sans parler de l’éradiquer)?”
Ces questions sont d’une importance cruciale. Malheureusement, la réponse de Chávez se limite à l’affirmation selon laquelle l’année 2008 sera l’année des ‘trois R’ : ‘révision, rectification et relance’. Pourtant les problèmes qu’il identifie ne se résoudront pas en ‘ralentissant la révolution’…
La conscience de classe se développe
Quelques jours plus tard, Chávez semblait repartir vers la gauche. Dans ‘Alo Presidente’ du 20 janvier, se référant aux pénuries alimentaires, il brandit la menace de la nationalisation de la terre et des banques. Ce n’est pas la première fois qu’il menace les banques ou d’autres secteurs de nationalisation, et rien ne nous certifie que ces menaces vont être mises à exécution. Ce n’est pas un hasard si ces menaces ont été faites pendant le congrès du PSUV; elles seront utilisées pour tenter de couper l’herbe sous le pied de certains activistes qui critiquent le tournant à droite de Chávez. En même temps, cela illustre que son régime peut toujours balancer vers la gauche et adopter des mesures de gauche plus radicales, y compris la nationalisation.
La bureaucratie et la corruption sont des problèmes cruciaux auquel le mouvement fait face aujourd’hui au Vénézuela. Pourtant, sans un système de démocratie et de contrôle ouvriers, un véritable bataille contre ces problèmes est irréalisable. Cela reflète une des principales faiblesses du mouvement. Accomplir une révolution socialiste demande l’organisation consciente et indépendante du mouvement ouvrier, soutenu par la jeunesse, les couches pauvres des villes, les sections radicalisées de la classe moyenne et par tous ceux qui sont opprimés par le capitalisme. Du fait de sa conscience de classe collective, qui se développe et s’affermit grâce au rôle qu’elle joue dans la production, la classe ouvrière a besoin de jouer ce rôle dirigeant décisif.
Jusqu’à présent, cela n’est pas reflété d’une manière pleinement consciente et organisée au Venezuela. Sans ce contrôle conscient et constant de la base, le développement de méthodes bureaucratiques monte inévitablement à la surface, et cela dans n’importe quel mouvement ouvrier ou révolutionnaire. Depuis le début, Chávez et les dirigeants du mouvement ont adopté une approche unilatérale, du sommet vers la base. Le régime s’est contenté du support des masses – et les a lancés dans la lutte lorsque la menace de la contre-révolution était clairement posée – mais les masses n’ont pas consciemment pris la direction du mouvement.
La fondation du PSUV peut offrir une importante opportunité de construire un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière; un tel parti, doté d’un programme révolutionnaire socialiste, peut devenir une arme importante afin de faire avancer le processus révolutionnaire. Au moment où nous écrivons ces lignes se tient le premier congrès du parti, auquel participent 1.600 délégués (et qui est prévu de durer jusqu’à deux mois!) Le PSUV revendique plus de cinq millions de personnes inscrites pour rejoindre le parti, bien qu’il ne soit pas clair si ce sont des gens désirant réellement construire un parti socialiste, ou plutôt des gens enregistrés par les organisateurs locaux à partir du registre des électeurs. Si le PSUV se veut être un instrument pour porter une révolution victorieuse, alors il aura besoin de membres actifs, et pleinement impliqués dans les débats et les prises de décision; un tel parti ne peut se limiter à une addition de tous les partis pro-Chávez déjà existants. Le droit de se constituer en tendances, et de permettre le débat démocratique seront des éléments essentiels pour faire de ce parti une arme efficace pour la classe ouvrière, et pas un instrument docile au service de la politique du gouvernement.
Malheureusement, le PSUV a été formé du sommet, Chávez nommant un comité comprenant deux anciens généraux chargés de le mettre sur pied. En janvier, Jorge Rodriquez fut nommé responsable de la ‘coordination générale du PSUV’. Le CIO soutient le combat pour un PSUV pleinement démocratique avec un programme révolutionnaire socialiste.
La démocratisation des syndicats et la construction de comités démocratiquement élus sur les lieux de travail, afin d’établir un système de contrôle ouvrier, font partie des tâches les plus urgentes. De tels comités doivent être également mis sur pied dans les quartiers ainsi que dans l’armée. Structurés et coordonnés au niveau local, régional et national, ces comités pourraient constituer la base d’un gouvernement ouvrier et paysan. A travers la nationalisation des cinq banques et conglomérats familiaux, un plan démocratique et socialiste de l’économie pourrait ainsi être mis sur pied.
Cela ouvrirait la possibilité de forger des liens avec le mouvement des masses en Bolivie et, accompagné de la construction d’une démocratie ouvrière à Cuba, pourrait permettre le développement d’une fédération socialiste démocratique de ces différents pays. Cette perspective pourrait à son tour constituer un tremplin pour stimuler la révolution socialiste à travers l’ensemble du continent latino-américain. Une telle voie demeure la meilleure garantie afin d’assurer la défaite de la réaction qui, comme le récent référendum l’a illustré, peut reprendre du poil de la bête tant que le capitalisme ne sera pas renversé.
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La Bolivie à un moment crucial
De violentes confrontations peuvent survenir
En novembre et décembre de l’an dernier, la Bolivie était au bord de la guerre civile. L’opposition de droite des provinces orientales riches en gaz avait déclaré l’autonomie en protestation contre la nouvelle Constitution. Ils ont appelé à une grève générale, amenés des gangs armés dans les rues et menacé de casser le pays. Les Ponchos Rojos, un mouvement indigène armé, est venu en soutien du gouvernement. Bien que, depuis lors, la menace de guerre civile s’est amoindrie, la faillite de Morales à rompre avec le capitalisme signifie que la situation pourrait entrer dans une spirale hors de tout contrôle au cours des prochains mois.
En prenant fonction l’année dernière, Evo Morales, le président bolivien, avait promis de « refondre » le pays, une demande de longue date du mouvement ouvrier et social, en réécrivant la Constitution.
En Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique Latine, la classe ouvrière, la paysannerie pauvre et la population urbaine pauvre souffrent d’une pauvreté et d’un dénuement bien plus extrêmes que n’ont à subir leurs frères et sœurs du reste du continent. Tandis que plus que la moitié de la population bolivienne vit sous le seuil de pauvreté, les 10% les plus riches reçoivent 40% des revenus du pays.
Récemment, une inflation élevée affectant particulièrement les prix des denrées alimentaires a aggravé la pauvreté dans la région andine. Les services de santé déclarent que 30% des enfants péruviens souffrent de malnutrition chronique. Ce chiffre atteint 90% dans certains villages, principalement habité par le peuple indigène, dans le département péruvien d’Apumaric. Les enfants de quatre ans ont presque une tête de moins que la taille qu’ils devraient avoir à cet âge selon les standards de croissance. La situation est tout aussi choquante en Equateur et en Bolivie.
Les développements politiques en Bolivie, bien qu’ils n’aient pas le même impact international, sont aussi importants que ceux au Venezuela. Les organisations indépendantes des travailleurs boliviens sont, pour des raisons historiques, plus développées qu’au Venezuela. En tant que force politique, ils sont moins influencées par les partis politiques réformistes tels que le MAS (le Mouvement pour le Socialisme, fondé en 1997) dirigé par le président Evo Morales.
L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales l’année dernière, en tant que premier président indigène dans un pays avec une majorité indigène, a ouvert la voie à des développements dramatiques. La grande masse du peuple attendait du gouvernement Morales qu’il dirige une rupture décisive avec le système capitaliste. Le gouvernement du MAS, arrivé au pouvoir dans un contexte de mouvements de masses puissants qui avaient balayés plusieurs présidents de droite, a réalisé certaines des attentes de la classe ouvrière et des pauvres et a présenté quelques réformes.
La renégociation des contrats concernant le gaz avec les multinationales en mai 2006, qualifié avec erreur de « nationalisation », a été le changement le plus radical opéré par le gouvernement. Morales, cependant, a hésité devant l’exigence principale du mouvement de masse : l’exigence d’une rupture décisive avec le système capitaliste.
Impasse
L’impasse actuelle autour d’une nouvelle constitution illustre qu’une politique qui tente de calmer l’élite riche est extrêmement dangereuse pour le mouvement de masse. La politique gouvernementale de « un pas en avant, deux pas en arrière » a permis à l’opposition de se réorganiser tout en permettant à la mobilisation et à l’énergie des masses de s’évaporer temporairement. La faiblesse du gouvernement a incité l’agression de la classe dirigeante bolivienne et a conduit le pays au bord de la guerre civile. Pour la presse internationale et les commentateurs, le gouvernement doit engager des pourparlers et trouver un accord avec l’opposition de droite. Ils prêchent un statu quo qui est aussi insupportable pour les masses qu’il est inacceptable pour l’élite dirigeante. Pour le gouvernement Morales, le statu quo signifie l’exploitation, la pauvreté, et la discrimination pour la masse de la population au profit de l’élite dirigeante « blanche ». Pour l’élite, il représente une menace persistante à leur pouvoir économique et politique et, avec les organisations de masse des pauvres intactes, une menace continue pour leur règne.
Le gouvernement du MAS d’Evo Morales a installé une assemblée constitutive le 6 août 2006 pour écrire une nouvelle Constitution. L’opposition de droite a immédiatement employé la concession du gouvernement – selon laquelle n’importe quelle Constitution proposée doit être acceptée par les deux tiers de l’assemblée – pour saboter des procédures.
Après 16 mois de travail, l’Assemblée Constitutionnelle, suspendue pendant sept mois durant cette période, n’a pas réussi à trouver un accord sur un simple article de la nouvelle Constitution. Le gouvernement du MAS a tenté de conclure un accord avec les représentants politiques de l’élite bolivienne, a fait appel à l’unité nationale, a organisé des protestations de masse pour faire pression contre elle, mais a vu l’opposition se renforcer durant ce processus.
La date limite pour les travaux de l’Assemblée Constitutionnelle était le 14 décembre 2007, la majorité composée du MAS a décidé avant cette date de rouvrir la session de l’Assemblée dans une caserne militaire près de la ville de Sucre pour approuver une ébauche de Constitution. Les partis d’opposition ont boycotté cette réunion, clamant que cette réunion était illégale. Le MAS a voté pour la nouvelle Constitution qui sera soumise à un référendum à la fin de cette année.
Menace de guerre civile
Le 15 décembre, deux Bolivie ont pris les rues : la Bolivie indigène, pauvre et ouvrière pour soutenir Evo Morales le jour où la nouvelle Constitution a été proposée au parlement, la Bolivie riche, propriétaire foncière et « blanche » a marché dans les rues de Santa Cruz pour célébrer la déclaration d’autonomie par cet état et trois autres (Pando, Tarija et Beni). Ces quatre états détiennent 80% des réserves de gaz et de pétrole du pays. Ils ont été soutenus par les gouverneurs de Cochabamba et de Chuquisaca.
Les aspirations à l’autonomie ou au séparatisme de la part de l’élite riche bolivienne n’a rien à voir avec le droit à l’auto-détermination généralement soutenu par les marxistes pour les nations opprimées et les minorités. Cette demande provient de l’élite riche en vue d’essayer de saboter n’importe quelle tentative de changement social en Bolivie. Ils ont menacé Morales de garantir l’autonomie ou à faire « face à la réalité que la Bolivie aura de nouvelles frontières ».
L’aile droite emploie la question de l’autonomie de la région la plus riche de la Bolivie, tout comme elle a employé la polémique sur la ville qui devrait être la capitale du pays, pour exposer la faiblesse du gouvernement morales et casser l’unité du mouvement social. L’opposition a déjà partiellement réussi à monter les populations pauvres de différents Etats les unes contre les autres.
Ces six Etats avaient appelé à une « grève générale » en novembre pour protéger leurs privilèges et protester contre la nouvelle Constitution. Pendant la « grève générale », ils ont mobilisé des troupes semi-fascistes et fascistes prêtes à casser les organisations sociales et les représentants politiques des travailleurs et des pauvres.
Il est clair que la réaction est armée jusqu’aux dents et qu’elle veut plonger le pays dans l’abîme de la guerre civile si cela est nécessaire pour protéger leurs privilèges. Dans cette défense féroce de leurs propres intérêts, ceux du capitalisme et des propriétaires terriens, le racisme et la haine historique contre le peuple autochtone refont surface. L’attitude de cette oligarchie est illustrée par cet employeur de Santa Cruz qui a demandé à un journaliste espagnol : « Viens, dis-moi,… Comment avez-vous réussi à diviser le peuple indigène ? »
Une victoire de l’aile droite conduirait à une dictature capitaliste, à une vicieuse contre-révolution qui essayerait de casser non seulement le parti de Morales, mais aussi toutes les organisations sociales des travailleurs, des pauvres et des paysans.
L’élite regarde comment mener sa vengeance contre la classe ouvrière et les pauvres en raison de la « guerre de l’eau », de celle du gaz, du renversement de leurs présidents et de la victoire de Morales. Si elle réussi, elle renverrait le mouvement en arrière pour des décennies.
Les troupes réactionnaires armées de la jeunesse de Santa Cruz doivent être confrontées au mouvement des travailleurs et des indigènes. Nous les appelons à suivre l’exemple de « La Coordinadora de Juventudes Anti-Fascista » (la Coordination Anti-Fasciste) à Cochabamba, une initiative prise par la section bolivienne du CIO.
La Coordinadora est un comité rassemblant les différentes organisations ouvrières et sociales pour organiser la défense du mouvement social, de ses sièges, des voisinages et de ses manifestations. Des comités de ce type, avec des représentants démocratiquement élus, ont besoin d’être installés partout en Bolivie.
La coordinadora a démontré ce qui est possible. Le 4 décembre, ils ont organisé une manifestation de 10.000 personnes à Cochabamba avec l’appui de plus de 15 organisations comprenant des syndicats, la fédération des travailleurs terriens et différents groupes de jeunesse.
Les peuples indigènes
La reconnaissance et les droits des peuples indigènes sont des thèmes centraux en Bolivie, comme dans beaucoup d’autres pays latino-américains. La majorité indigène – majoritairement pauvre et ouvrière – a été brutalisée et opprimée durant des siècles d’impérialisme, d’exploitation par les propriétaires terriens et par le capitalisme.
Quand la Bolivie a proclamé son indépendance et sa première Constitution en 1825, tout le monde a acquis le droit de vote. Tout le monde, excepté le peuple indigène qui représentait alors approximativement 90% de la population. La nouvelle Constitution proposée par Evo Morales reconnaît pour la première fois les droits et les langues des 36 peuples indigènes qui habitent en Bolivie.
La détermination du peuple indigène à lutter pour un changement révolutionnaire et la conscience de cette importance a été démontrée quand Morales, en février 2007, a décidé de céder à la pression de la droite qui a exigé que les Ponchos Rojos renoncent à leurs armes. Felipe Quispe, un dirigeant Aymará, a défendu le droit d’être armé en disant : « Nous sommes en danger. Ils vont nous désarmer et c’est de l’escroquerie. Grâce à nos Mausers (fusils), Evo Morales est président. Sans nos armes, nous n’aurions pas été capables de battre l’armée à Warisata [ pendant la « guerre de l’eau »] le 10 septembre 2003. Avec ces armes, nous avons renversé Gonzalez Sánchez de Losada [ ex-président qui s’est sauvé aux USA en 2003] ».
La nouvelle Constitution a également promis la participation « réelle et vigoureuse de l’Etat et de la société dans l’économie » ; elle interdit et punit le pouvoir des propriétaires terriens ; elle garantit le « droit à la vie, à la nourriture, à l’éducation, à la santé et au logement décent et adéquat ». En outre, elle offre le « droit de travailler à un salaire juste ».
Tous ces éléments sont positifs mais sont, dans les conditions du capitalisme, impossibles à obtenir pour la majorité du peuple. Néanmoins, le CIO appelle au « OUI » lors du référendum sur la nouvelle Constitution. Une victoire serait une défaite pour la droite et cela donnerait plus de confiance aux masses dans leur capacité à lutter.
Cependant, la question la plus importante demeurera non résolue car la classe régnante de la Bolivie gardera dans ses mains la richesse et les moyens pour produire cette richesse. Morales et le gouvernement du MAS mènent le mouvement des masses vers la ruelle aveugle de l’essai de parvenir à un accord avec la classe dirigeante en construisant un « capitalisme des Andes ».
Cette expression a été inventée par Alvaro Garcia Linera, vice-président bolivien, pour signifier un capitalisme plus égal et plus juste qui favoriserait le développement social au lieu de la production pour le bénéfice d’une minorité. Cette idée tout à fait fausse prépare une défaite plus dévastatrice que la précédente. Chavez a perdu son propre référendum au sujet des changements dans la Constitution vénézuélienne. Le recours à des demi-mesures, éviter de prendre le pouvoir économique et politique hors des mains de la classe dirigeante capitaliste et de l’impérialisme, tout cela invite la contre-révolution et la défaite de la classe ouvrière et des pauvres.
L’année prochaine, les masses boliviennes seront invitées à voter non seulement sur la Constitution, mais également sur d’autres questions. Morales a lancé l’idée d’un « referendum de rappel » pour lui-même et les neuf gouverneurs des provinces. Il espère pouvoir se débarrasser des gouverneurs pro-opposition par les urnes ou au moins employer la menace d’un référendum de rappel pour parvenir à un accord avec l’opposition au sujet de sa demande d’autonomie.
C’est une stratégie dangereuse car elle compte sur une mobilisation quasi-permanente des masses, sans fournir aucun changement radical des conditions de travail et de vie. Elle donnera également à l’opposition différents points pour rassembler ses forces et pour leur permettre de fabriquer et employer la confusion pour faire dérailler le mouvement social. Toute ceci a lieu dans un contexte d’augmentation des prix des denrées alimentaires, de la pénurie de pétrole pour la population et du sabotage économique par l’élite dirigeante.
Il semble que le gouvernement de Morales et les gouverneurs des provinces sont parvenu à un accord provisoire pour passer en revue la Constitution et négocier plus d’autonomie pour les régions. La menace immédiate de la guerre civile a reculé. Cependant, une confrontation violente pourrait éclater plus tard car il n’y a aucune sortie de l’impasse actuelle pour les masses ou pour l’opposition.
Revolution
La revendication d’une assemblée constitutive révolutionnaire doit être portée avec force en Bolivie, par l’organisation de comités de masse dans les usines, les lieux de travail, les quartiers, les localités et les organisations de la classe ouvrière et de la paysannerie.
Les représentants à l’assemblée constitutive révolutionnaire devraient être élus par les travailleurs et les masses paysannes, soumis à la révocation et être contrôlés par les comités qui les ont élus. L’assemblée devrait plaider la réalisation de la nationalisation complète de grandes propriétés et des principales industries ainsi que l’introduction d’une économie démocratiquement planifiée. Une assemblée constitutive révolutionnaire concrétiserait la demande d’un « Gouvernement Ouvrier et Paysan », une revendication historique du mouvement ouvrier bolivien.
Seul un programme révolutionnaire et socialiste peut réussir à changer la société de façon décisive en fonction des intérêts de la masse de la population.
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Venezuela. Chavez a perdu le référendum sur les réformes constitutionnelles.
Au Venezuela, le référendum constitutionnel auquel avait appelé Hugo Chavez ce 2 décembre s’est malheureusement et tragiquement soldé par une défaite. Pour la première fois en neuf années, Chavez a perdu une élection. L’opposition de droite tentera de s’approprier cette victoire, qui va l’encourager et la renforcer. Cette défaite pour Chavez est un avertissement concernant la menace de la contre-révolution.
Karl Debbaut, Comité pour une Internationale Ouvrière, Londres
Le résultat est que 50.7% des participants ont voté « Non » aux changements proposés, tandis que 49.2% y étaient favorables. Le taux d’abstention a été de 44%. Par rapport aux dernières élections, les présidentielles de décembre 2006, Chavez a perdu 3 millions de voix en convainquant 4 millions de personnes du « Oui ». Il s’agit là d’un nombre de voix inférieur aux 5 millions d’adhérents revendiqué par le PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezela) créé cette année pour rassembler l’ensemble des partis politiques membres de la majorité présidentielle ! La droite, par contre, a gagné 300.000 voix en comparaison de l’élection de décembre 2007.
Contradictions
Ce résultat est un recul pour le gouvernement vénézuélien et son projet de « socialisme du 21ème siècle ». Chavez a proposé 69 changements à la Constitution adoptée lors du référendum de 1999. Les changements les plus importants proposés étaient la suppression de la limite concernant la réélection du président, l’instauration de la journée de 6 heures et la reconnaissance des conseils ouvriers et des conseils communaux. La nouvelle Constitution aurait également renommé le Venezuela comme « République Socialiste Bolivarienne ». La raison fondamentale de cette défaite réside dans les contradictions et les faiblesses du programme et des méthodes du gouvernement et de la direction du mouvement. En dépit des importantes réformes progressistes dont ont bénéficié les sections les plus pauvres de la société, le capitalisme subsiste avec des problèmes sociaux désespérés et une bureaucratie grandissante.
La situation sociale au Venezuela fourmille de contradictions. L’économie vénézuélienne est en plein boom, mais ce sont principalement l’élite dirigeante et la classe moyenne qui en profitent. En même temps, le gouvernement, tout en introduisant des réformes sociales qui ont bénéficié aux couches les plus pauvres, n’a pas pu réduire significativement la pauvreté ou le crime. Le fossé entre riches et pauvres persiste et la situation dans les régions les plus pauvres de Caracas s’est même détériorée. En 2006, Caracas était victime de 5 meurtres par jour. En novembre passé, ce taux était passé en moyenne à 11 meurtres par jour, majoritairement dans les quartiers pauvres. Tandis que les riche et la classe moyenne peut s’offrir le dernier cri de la technologie et manger dans les restaurants les plus fins, la plupart des gens souffre de la pénurie de nourriture causée par les grands producteurs et distributeurs de nourriture.
Les récents sondages d’opinion ont indiqué que 75% de la population a eu à souffrir de cette pénurie. Il arrive fréquemment que le lait, le riz, les haricots et d’autres produits alimentaires de base soient indisponibles dans les supermarchés soutenus par l’Etat. Le gouvernement a été incapable de résoudre ce problème. Il n’a pas pris des mesures pour exproprier ceux qui sabotent l’économie et le plan de production de nourriture. Au lieu de cela, il a augmenté la dépendance du Venezuelas des importations, ce qui a affecté l’opinion publique. Le mois dernier, un sondage a révélé que 75% des Vénézuéliens pense que la pénurie de denrées alimentaires est due aux employeurs, qui essayent de cette façon de saboter le gouvernement. La semaine dernière, avant le référendum, le même sondage a établi que la plupart des Vénézuéliens critique le manque d’efficacité et la corruption du gouvernement. La frustration et la colère contre les conditions sociales et la bureaucratie gouvernementale croissante s’est notamment exprimée par une faible participation au référendum de la part des couches les plus pauvres de la population. La mobilisation et la participation des riches et de la classe moyenne des districts de l’est de Caracas a par contre été conséquente.
L’économie vénézuélienne est dominée par cinq grandes familles oligarchiques (Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton, et Phelps) qui contrôlent notamment la production de nourriture. Il ne peut y avoir aucune solution durable à la crise créée par capitalisme aussi longtemps que ces familles resteront aux commandes de l’économie. Un gouvernement socialiste nationaliserait leurs industries sous le contrôle des travailleurs. Mais jusqu’ici, le gouvernement ne s’est pas préparé à le faire. L’opposition pro-impérialiste cherchera à utiliser le résultat du référendum pour déstabiliser plus encore le Venezuela et pour revenir sur les réformes en faveur des pauvres du gouvernement Chavez et sur l’idée de socialisme. Cela n’aura pas seulement un effet au Venezuela, mais également très probablement sur les gouvernements réformistes de Bolivie et d’Equateur. Cuba a averti la semaine dernière qu’une défaite de Chavez dans le référendum pourrait avoir des répercussions sur l’île. Selon le journal espagnol El Pais, Cuba reçoit 7 milliards de dollars d’aide de la part du Venezuela.
Opposition renforcée et crise politique pour les partis pro-Chavez
Après les élections présidentielles de décembre 2006, le gouvernement Chavez a opéré un tournant vers la gauche, en renforçant le message du socialisme et en nationalisant la compagnie de télécommunication CANTV et la compagnie d’électricité « Electricidad De Caracas ». Chavez a également parlé de Trotsky et de sa théorie de la « révolution permanente ». Nous avons applaudi à ces étapes, mais avons précisé que pour que ces nationalisations aient réellement un effet, il était nécessaire de placer les secteurs principaux de l’économie sous le contrôle des travailleurs et de commencer à établir démocratiquement un plan de production. Cela ne s’est pas produit.
Au contraire, le processus de décision « du haut vers le bas » et l’approche administrative et bureaucratique continue de caractériser l’administration Chavez. Les nationalisations et l’introduction de la cogestion dans quelques usines sont un exemple de cette approche. Alors que les travailleurs ont pu pour la première fois donner leur avis sur la manière dont leur entreprise est dirigée, le gouvernement a tenter de garder le contrôle de ce processus en nommant la majorité des directeurs. A chaque fois qu’un conflit s’est développé entre des syndicalistes indépendants de l’UNT et des ministres du gouvernement ou la bureaucratie, le gouvernement a imposé sa volonté. Chavez a menacé ces syndicalistes en disant qu’il n’était pas en faveur de l’indépendance des syndicats et qu’ils devraient tous rejoindre le nouveau parti, le PSUV.
Chavez a déclaré à plusieurs reprises que le PSUV doit être construit comme une organisation démocratique, c’est-à-dire construit et contrôlé par la base. Cependant, il a continué à insister sur le fait que les partis de la coalition pro-Chavez devraient se dissoudre et rejoindre le PSUV. Les partis qui ont refusé de se plier à ce mot d’ordre ont été isolés et parfois qualifiés de pro-opposition, même quand ce n’était clairement pas le cas, comme avec le Parti Communiste du Venezuela. Maintenant que des sections locales ont été installées et que les délégués ont été élus pour la conférence de fondation, il est clair que cette conférence sera contrôlée du dessus par les politiciens venus des autres partis pro-Chavez.
Cette approche de haut en bas est un avantage pour l’opposition, qui affirme que Chavez veut installer un régime de parti unique suivant le modèle cubain. Ces accusations ont commencé à recevoir un écho plus large en raison de la bureaucratisation et de la corruption de l’entourage de Chavez et des craintes de l’imposition d’une « dictature rampante ».
D’autres actions, comme le retrait de la licence de RCTV (une station de télévision pro-opposition qui avait notamment joué un rôle lors du coup d’Etat contre Chavez en 2002), ont également été des éléments sur lesquels l’opposition a pu jouer en lui permettant d’augmenter les craintes de la classe moyenne et d’autres personnes envers la menace d’atteintes à la démocratie et aux droits démocratiques. « L’affaire RCTV » a été une opportunité utilisée par l’opposition pour se regrouper et se réorganiser. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (parti révolutionnaire international auquel le MAS/LSP est affilié, NDLR) avait averti de ce danger dans un article « RCTV et la question des médias » en juillet 2007.
Et maintenant?
Le résultat du référendum est un coup pour le gouvernement Chavez. Ce n’est toutefois pas une défaite décisive et cela ne signifie pas que l’opposition pro-USA va pouvoir prendre les commandes du pays ou renverser immédiatement le gouvernement. Mais les conséquences peuvent être que Chavez va se déplacer vers la droite en renforçant la contre-révolution. Mais si la droite tente d’aller à l’offensive, cela pourrait provoquer une confrontation durant laquelle les masses pourraient conduire le mouvement encore plus loin vers la gauche.
La défaite lors de ce référendum va renforcer et encourager la droite contre-révolutionnaire, c’est un avertissement sérieux à la classe ouvrière et aux masses. Des mesures d’urgence doivent être prises. Une campagne décisive contre la bureaucratie doit être lancée. Le syndicat doit prendre la direction en établissant des comités démocratiquement élus dans les lieux de travail et les quartiers pour mettre en avant les revendications des travailleurs et appuyer la campagne contre la bureaucratie. Ces comités pourraient commencer à organiser une force contre les institutions d’Etat corrompues en établissant un véritable système de contrôle des travailleurs dans les entreprises. La classe ouvrière doit pousser ses propres exigences de manière indépendante et établir ses propres organisations capables de défendre les travailleurs et les réformes du gouvernement.
Il ne peut y avoir aucun socialisme sans nationalisation des secteurs-clés de l’économie et sans que l’économie ne soit sous le contrôle direct des travailleurs. Il ne peut y avoir aucun socialisme sans démocratie des travailleurs. Ce récent recul subi par Chavez illustre que c’est à la classe ouvrière et à ses organisations de jouer le rôle central dans la lutte pour défaire la réaction et instaurer le socialisme.