Category: Afrique

  • Guinée: les putschistes doivent partir!

    La mort du président de la République de Guinée, Lansana Conté, a mené au coup d’Etat de Moussa Dadis Camara. Depuis lors, les mouvements sociaux voulant faire entendre une autre voix sont noyés dans le sang comme le 28 septembre quand l’armée tira à balles réelles des opposants réunis au stade de Conakry tuant 157 personnes.

    Moussa Dadis Camara a depuis été gravement blessé par une tentative d’assassinat et réside au Maroc, les putschistes se disputent le gain et se déchirent sur les méthodes à employer pour maintenir l’ordre. Mais les méthodes ne changent guère.

    La mort du président Lansana Conté, il y a un an, avait semé la confusion parmi les élites au pouvoir et leurs alliés occidentaux (principalement l’impérialisme français). En effet, le pays n’a jusqu’à aujourd’hui jamais connu de démocratie, même de façade. Et sur la fin du régime de Conté, les mouvements ouvriers et sociaux avaient pris de l’ampleur face à l’injustice du régime. Ainsi la grève générale de 2007 a fait trembler le pouvoir. Celle-ci avait été déclenchée notamment pour lutter contre la clémence du pouvoir qui venait de blanchir Mamadou Sylla, homme le plus riche du pays, accusé de corruption et détournement de deniers publics.

    Il y a 1 an, Lansana Conté mourrait et les élites en place se demandaient comment remplir le pouvoir laissé vacant. L’impérialisme et la bourgeoisie décidèrent alors le remplir ce vide par l’armée de peur qu’ils viennent idée aux mouvements ouvriers et sociaux de le remplir eux-mêmes. C’est ce même scénario qui avait amené Conté au pouvoir après la mort de Sekou Touré.

    Depuis lors, les putschistes avec Dadis Camara a leur tête torturent, violent, tuent, massacrent toute opposition comme ce fameux 28 septembre.

    Mais il semblerait que la nouvelle politique de l’impérialisme préfère tuer en silence plutôt qu’à la face du monde. Dadis Camara a presque été assassiné et remplacé par d’autres membres de la junte sans doute moins impulsifs.

    La dictature tue et continuera de tuer pour maintenir le pouvoir capitaliste en Guinée et éviter que les travailleurs puissent faire entendre leur voix; avec Dadis Camaraà sa tête ou n’importer quel autre marionnette.

    À bas la junte en place! Pour l’organisation du mouvement ouvrier et populaire pour leurs droits démocratiques et sociaux!

  • La nouvelle alliance pro-impérialiste entre Kabila et Kagamé scellée avec le sang congolais.

    Au sujet de l’opération Kimia II dans l’est de la RDC.

    Depuis plusieurs mois maintenant, l’opération Kimia II prend place dans l’est de la République Démocratique du Congo. Mise en place par les FARDC et appuyées par les forces onusiennes, l’opération vise à mettre fin aux FDLR, les milices hutues rwandaises. Cette opération qui signifie «paix» en lingala, la langue de l’ouest du pays, vise-t-elle réellement à la stabilité de la région? Cette stabilité est-elle possible?

    Aux origines: le génocide rwandais et les FDLR.

    L’origine des conflits que subit l’est du Congo peut se trouver dans le génocide rwandais de 1994 même si les origines sont beaucoup plus lointaines comme lorsque le colonisateur mit en place la différenciation en hutus et tutsis.

    Les tutsis avaient été favorisés par le colonisateur parce que jugés plus «évolués» par celui-ci, mais surtout parce qu’il faut diviser pour mieux régner, comme dit le dicton. Après le départ des Belges, les élites hutues prirent le pouvoir et, comme une vengeance, organisèrent une oppression de la minorité tutsie qui fuira en partie (200.000 personnes), en 1960, pour l’Ouganda. Dès lors, les tutsis tenteront sans cesse de revenir au pays en s’organisant dans le FPR (front patriotique rwandais).

    En 1994, le FPR avance dans le Rwanda. Dans cette même année président hutu Habyarimana est assassiné. La vengeance ne sait pas attendre, et sur appel de l’élite hutue voyant son pouvoir menacé par le FPR, l’extermination des tutsis prend place. 800,000 d’entre eux mourront des coups de machette des milices hutues. Des hutus jugés comme « traitres » seront aussi exterminés.

    Derrière cette lutte ethnique, qui se transforma en drame indescriptible par son horreur, se cachait des luttes géopolitiques. Ces luttes géopolitiques sont à la source des conflits dans la région et ce sont elles qui continuent de miner la région.

    Alors que les Belges étaient sortis du Rwanda comme des voleurs et par la petite porte, les Français les avaient remplacés comme puissance de «tutelle» du Rwanda indépendant et «hutu». Mais, les Etats-Unis n’acceptaient pas cette situation et visaient à réduire la puissance des pays européens en Afrique pour les remplacer comme puissance néocoloniale. Ils en vinrent alors à soutenir le FPR. Ainsi, sans l’aide des différentes puissances impérialiste pour les différents camps, la lutte ethnique qui sévissait au Rwanda n’aurait pu mener à ce génocide où des membres d’une famille furent obligés de découper à la machette leurs époux, leurs enfants, leurs parents…

    Les milices génocidaires hutues ayant peur de la justice des vainqueurs se réfugièrent alors au Zaïre de Mobutu, en proie à la désorganisation et au chaos et lâché par ses alliés occidentaux faute de «démocratisation» du régime. A l’époque de la lutte contre le «communisme», les dictatures sanglantes étaient sans importances pour l’impérialisme. Mais le début des années ’90 vit la chute de l’URSS et il était désormais souhaitable pour les pantins des USA de se parer d’un masque démocratique. Les FDLR sont les descendants de ces milices hutues.

    La «guerre de libération» de Kabila et les retournements d’alliances.

    Comme Mobutu se refusait à démocratiser son régime (la mascarade de la Conférence Nationale Souveraine n’allait pas assez loin aux yeux de l’Occident), les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, décidèrent de mettre la pression sur le régime pour la démocratisation et le partage de pouvoir avec le soi-disant opposant Tshisekedi.

    Ils demandèrent alors au FPR de Paul Kagamé et à l’Ouganda d’envahir le Congo en utilisant un congolais. Ces deux pays, eux, visaient à ce créer un espace à leur frontière; à faire du Kivu un espace économique et militaire exclusif. C’est ainsi qu’est né l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila, un ex-maoïste, compagnon de Mulele et du Che lors de son escapade au Congo dans les années ’60. Les Etats-Unis jetaient Mobutu hors du pouvoir, les régimes rwandais et ougandais gagnaient la confiance des premiers, exploitaient les minerais de l’est et avaient champ libre pour se venger des hutus installés au Congo. C’est ainsi que les interhamwe (milices génocidaires hutues) s’allièrent à Mobutu contre Kabila, le Rwanda et l’Ouganda organisés dans l’AFDL.

    Malgré les intentions premières de l’impérialisme de se limiter à une pression militaire sur le régime de Mobutu, celui-ci était tellement pourri et sans soutien que l’AFDL put avancer sans grand mal jusqu’à Kinshasa (après un crochet par le Katanga).

    Cependant, une fois Kabila arrivé au pouvoir, ce dernier n’obéit pas comme ils l’espéraient à ses maîtres impérialistes. Ceux-ci décidèrent donc de recommencer l’opération en demandant à nouveau aux régimes rwandais et ougandais d’organiser une armée, pour chasser Kabila cette fois-ci. Ce fut le RCD qui se divisa en RCD-Goma, RCD-Kisangani, etc. Ce fut aussi le MLC de Bemba. Face à cette attaque, les alliances furent renversées et Kabila s’allia aux interhamwe renommés en FDLR pour rompre avec le passé génocidaire, il soutint aussi la création de milices maï-maï, milices «patriotiques».

    Lâché par l’impérialisme car pas assez obéissant, Kabila ne bénéficiait pas non plus d’un soutien populaire actif suffisant pour libérer réellement le pays. En effet, sa politique stalinienne se révolution par étape lui faisait penser qu’il pourrait accueillir les «bons capitalistes» prêts à participer au «développement national». Cette politique l’empêcha de réaliser des avancées significatives pour le peuple, comme une réforme agraire, la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, etc.

    Néanmoins, le peuple congolais, las des guerres résista héroïquement et la population de Kinshasa repoussa d’elle-même les envahisseurs! L’impérialisme arriva quand même à ses fins avec l’assassinat du Mzee (le vieux) Kabila et son remplacement par son fils Joseph Kabila plus docile, plus manipulable et sans principes.

    Accords et désaccords au prix du sang des congolais.

    L’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila et sa volonté d’obéir sagement aux ordres de Washington, de Paris et de Bruxelles (capitales où il effectua ses premières visites officielles) et l’instauration d’un gouvernement 4+1 (composé des hommes de Kabila, du RCD et du MLC) scellèrent la fin de la lutte à mort entre Kagamé et le Congo, les deux régimes étant désormais sous les ordres du même maître.

    Néanmoins, la guerre avait habitué le régime rwandais de Kagamé à profiter des richesses en minerais de l’est du Congo. Depuis, à chaque occasion, Kagamé envoie des milices pour contrôler ses ressources et les exporter au Rwanda pour ensuite les faire parvenir en Occident (c’est le cas principalement du Coltan extrait dans les mines du Kivu et utilisé dans les téléphones portables notamment).

    Chaque fois, ce prétexte fut la présence contenue des FDLR menaçant soi-disant le régime rwandais. Ce fut le cas par exemple en 2008 lorsque Kagamé envoya son ami Laurent Nkunda chasser les FDLR et surtout exploiter les mines du Kivu. Chaque fois, ce sont les Congolais qui subirent ces attaques, se faisant exploiter par les différentes armées de passage. Ainsi les FDLR, le CNDP de Nkunda, les maï-maï,… pillent, violent et tuent les villageois refusant de donner leur récolte, leurs femmes et leur travail pour exploiter les mines.

    Opération Kimia II

    Encouragé par l’impérialisme à travers l’ONU et sa mission en RDC (la MONUC), Joseph Kabila décide d’enlever au régime de Kagamé tout prétexte pour venir répandre l’insécurité au Kivu et accepte d’envoyer les FARDC avec l’aide de la MONUC pour traquer les FDLR. Kabila n’oublie pas que son électorat est à l’est (il est swahili) et que les élections approchent.

    Bref, il faut sceller la paix Kabila-Kagamé encouragée par l’impérialisme et la MONUC sur le sang des congolais du Kivu. Le peuple congolais sert d’agneau pascal au festin de la réconciliation pro-impérialiste de Kabila et Kagamé!

    Depuis lors, les FARDC non payés par un Etat sans moyen, puisque lassant ses richesses pillées par les multinationales occidentales et chinoises, et corrompu jusqu’à l’os se servent eux-mêmes sur le dos des paysans du Kivu.

    Traquer les FDLR est devenu une tâche de second plan pour eux .Les Congolais jusque là exploités par les FDLR se voient désormais exploités successivement par ceux-ci, puis par les FARDC. Face à cette situation, les populations reprennent leurs tristes habitudes et partent sur les routes à la recherche de zones plus tranquilles laissent leurs terres et leur bétail derrière eux.

    La MONUC, soutenant cette initiative de «paix» se contente de dénoncer des exactions «isolées». Mais quelle paix (Kimia) est-ce? C’est la paix de l’impérialisme, la «stabilité» pour le partage des profits de l’exploitation du peuple congolais! Les congolais eux connaissent juste la misère et la guerre du capitalisme.

    Ces guerres et ses exactions sont le résultat de luttes inter-impérialistes, la seule manière de mettre fin à cette situation est de rompre définitivement avec l’impérialisme et le capitalisme. La MONUC, bras armé de l’impérialisme, hors du Congo!

    Pour un Congo libéré de l’impérialisme et la possibilité pour les congolais se diriger leur pays en toute indépendance; indépendance qui passe par la réappropriation des secteurs-clés de l’économie par le peuple congolais!

    Cette lutte, seules les masses pauvres des villes et des campagnes peuvent la mener. Pour la création d’organisations ouvrière et des masses pauvres des villes et des campagnes.

    Pour un Congo socialiste dans une Fédération socialiste des Etats d’Afrique centrale incluant le Rwanda et l’Ouganda, seul gage d’une véritable paix juste et durable dans la région!

  • RDC: Solidarité contre la répression des membres de Parlement Debout

    Depuis le 27 août 2009, tôt le matin, les membres du Parlement Debout (PD) de Furu, un quartier de Butembo, dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo, sont traqués par la police et les FARDC (les forces armées).

    Les FARDC, comme à leur habitude, ne font pas dans la dentelle: maisons saccagées, passages à tabac, arrestations arbitraires, etc. Et tous les habitants de Furu sont victimes de ces agressions. La raison de cela est sans doute très simple: les habitants de Furu soutiennent le PD, le seul groupe à s’opposer à la dictature des commerçants dans la ville.

    Le Parlement Debout de Furu est un groupe de congolais défendant le «petit peuple» de la ville face à la dictature des commerçants et des groupes armés pillant le peuple. Ces derniers mois, le PD a pu arrêter l’insécurité régnait dans le quartier grâce à ses actions d’auto-défense. Ses membres ont notamment désarmé des militaires peu scrupuleux et des bandits armés. Les parlementaires de Furu s’étaient aussi illustrés pour la défense de la population lors des agressions rwandaises et ougandaises contre le Congo.

    Il y a quelques temps, en d’août, le maire de la ville a décidé de limoger le chef de cellule du quartier de Furu sous prétexte de sa proximité avec le PD. Certains mettent en avant que le maire serait jaloux des parlementaires qui seraient plus populaires que lui et chercherait à les éliminer de peur de perdre son siège de maire lors des prochaines élections. Cela est sans doute vrai, mais la vraie raison de cette haine envers le PD est sans aucun doute que celui-ci, contrairement aux autorités de la ville, ne se soumet pas au diktat des commerçants de la ville. En effet, les parlementaires de Furu ont, et à de nombreuses reprises, dénoncé ce fait et organisé des marches contre des commerçants peu scrupuleux des habitants de la ville.

    Suite à ces différentes marches, le maire de la ville a mis le PD hors la loi et a envoyé les FARDC arrêter tous les participants. Certains d’entre eux sont parvenus à s’enfuir mais d’autres ont tout simplement disparus.

    Le PSL et le CIO soutiennent le PD de Furu dans sa lutte pour le peuple et contre les commerçants capitalistes, pour un pouvoir populaire basé sur la force des travailleurs ainsi que sur les paysans.

    Ci-dessous, une banderole utilisée par Parlement Debout dans ses actions. La première revendication porte sur les exportations de minerais illégales, kasindi étant la ville frontière avec l’Ouganda. La troisième revendication s’en prend à la FEC, l’équivalent congolais de notre Fédération des Entreprises Belges.

  • COURRIER des lecteurs: Elections en Tunisie – Quels enjeux et perspectives?

    Le 25 octobre de cette année se dérouleront les élections législatives et présidentielles en Tunisie. Un lecteur de socialisme.be nous a envoyé un article à ce sujet, que nous publions ici.

    1) Enjeux principaux des ces élections et politiques face à la crise économique

    L’enjeu principal de ces élections est politique et consiste à démocratiser la scène politique en Tunisie. Face à la crise économique, il manque une alternative cohérente et fiable pouvant acquérir la conscience des travailleurs, des paysans laborieux et des jeunes. Néanmoins, l’opposition réellement démocratique met l’accent sur la question de l’emploi pour tous, des salaires et de l’augmentation de ceux-ci pour atteindre un niveau convenable, la critique de la politique de privatisation et plus généralement des politiques néo-libérales menées depuis 1986, mais sans proposer une alternative concrète et fiable.

    2) Analyses des principaux candidats et solutions qu’ils avancent dans ces élections

    Pour l’opposition de façade légale (i.e Mouvement des Socialistes Démocrates (MDS), le Mouvement pour l’Union Populaire (MUP), les Verts, le Parti de l’Union Populaire (PUP)), il n’y a pas de revendications concrètes, à moins de réclamer un peu plus de réformes allant dans le sens du «changement» selon le discours du régime en place. Mais l’opposition démocratique (Mouvement Ettajdid, ex Parti Communiste Tunisien –seul parti légalisé-, le Parti du Travail Patriotique et Démocratique et le Parti Socialiste de Gauche (PSG), tous illégaux) a formé une coalition qui se nomme «Initiative Démocratique» et a présenté un candidat, le secrétaire général du Mouvement Ettajdid, Ahmed Ibrahim, qui prétend être le concurrent principal du président Ben Ali en place depuis 1987. Concernant les revendications politiques de cette coalition, elles s’articulent autour de six points essentiels:

    • Promulgation d’une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques;
    • L’arrêt immédiat des pratiques portant atteinte à la dignité humaine, en particulier la torture et le jugement des tortionnaires, ainsi que la réforme du système pénitentiaire selon les normes internationales figurant dans les traités internationaux (ratifiés par le gouvernement tunisien)
    • L’annulation de toutes les lois et législations liberticides et en contradiction avec la constitution et les traités internationaux (aussi ratifiés par le gouvernement tunisien);
    • La levée de toute sorte de liens pesant sur les associations libres et les institutions de la société civile;
    • La révision du code électoral en se basant sur des critères internationaux dans les élections et la formation d’un comité indépendant qui contrôle les étapes des élections, se substituant au ministère de l’intérieur;
    • Pour l’indépendance de la justice vis-à-vis de l’exécutif et du législatif en garantissant l’immunité fonctionnelle des juges ainsi que le respect du principe de la non-révocabilité et l’élection de tous les membres du conseil supérieur de la justice;

    Ces revendications sont purement démocratiques mais abstraites et insuffisantes.

    3) Qui défend les intérêts de quelle classe sociale, voire de quelle fraction de la bourgeoisie?

    En principe, la coalition « Initiative Démocratique » est censée défendre les intérêts des classes populaires (classe ouvrière, classe moyenne et paysannerie) mais va en pratique dans le sens d’une conciliation des classes, soit vers un compromis social avec la bourgeoisie. Quand à l’opposition de façade, elle ne défend que les intérêts de la bourgeoisie, ainsi que le pouvoir en place.

    4) Quelles sont les solutions objectives nécessaires qui s’imposent au monde du travail?

    Pour le monde du travail, ce qui s’impose, c’est:

    • Trouver un emploi et lutter sérieusement contre le chômage et la précarité et le sous emploi qui prend des dimensions inquiétantes;
    • La hausse des salaires, le gel des prix et l’indexation des salaires sur les prix;
    • L’amélioration conditions de travail et l’octroi à tous d’un travail décent;
    • L’arrêt des licenciements et des privatisations;

    5) Comment défendre ces objectifs et avec quels instruments?

    Pour défendre ces objectifs, nous devons utiliser tous les moyens pacifiques et démocratiques nécessaires, tels que l’action syndicale, politique et associative, la grève, les manifestations, et la forgation d’un nouveau parti des travailleurs de masse soudant et défendant réellement les intérêts démocratiques et ouvriers, des paysans laborieux et de la jeunesse.

    6) Cadre dans lequel se déroulent ces élections:

    Concernant le cadre juridique, le code électoral a connu des modifications qui sont nettement en contradiction avec les revendications démocratiques, en particulier la dernière modification qui impose aux partis de l’opposition de présenter comme candidat le dirigeant du parti ayant au moins deux ans d’expérience dans la fonction de dirigeant du parti, ce qui a été considéré par l’opposition démocratique comme une intrusion dans les affaires internes des partis. Selon la coalition de l’Initiative Démocratique, ces élections vont se dérouler dans un cadre juridique très détérioré mais malgré cela, elle va y participer et profiter du maximum possible de la «marge» que procure la loi électorale en vigueur. Cette marge consiste en des possibilités d’action, de contrôle, etc….. et à faire des élections une action politique et non pas une simple routine administrative comme le veut le pouvoir en place. Elle insiste sur trois points essentiels:

    • Le secret électoral qui n’a jamais été respecté auparavant;
    • Le tri des bulletins qui doit se faire en public ainsi que la déclaration des résultats, alors que les expériences précédentes ont montré que ces opérations se déroulent sous le seul contrôle administratif du pouvoir et donc loin d’une surveillance véritable;
    • La sensibilisation des citoyens pour participer à ces élections et la présence d’un nombre suffisant d’observateurs électoraux;

    Enfin parmi les revendications, il y a aussi la libération inconditionnelle de tous les prisonniers de la lutte du bassin minier de Gafsa et quand à la coalition Initiative Démocratique, elle est consciente que ces élections se déroulent dans un cadre juridique truqué, mais selon le porte-parole du Parti Socialiste de Gauche (PSG) Mohamed El Kilani il faut y participer malgré les obstacles, car une telle participation est un moyen de pousser le pouvoir à changer ses positions et à reconnaître des droits à la différence et à la réalisation des acquis démocratiques. Il insiste aussi sur le fait que les élections sont un moyen de communiquer avec la population.

    La position de la gauche tunisienne est divisée sur la question de la participation aux élections. Ceux qui ont boycotté les élections voient dans la participation à celles-ci un moyen de cautionner le pouvoir sachant que ces élections ne sont pas vraiment libres et plurielles.

    7) Marxistes en Tunisie :

    Ceux qui se réclament du marxisme en Tunisie sont marqués soit par le stalinisme soit par le maoïsme, et défendent généralement des revendications «transitoires» démocratiques mais négociées avec le pouvoir, ou purement démocratiques et sociales mais abstraites. Il manque donc une alternative socialiste authentique cohérente et conséquente élaborée par et pour les travailleurs, les paysans laborieux et la jeunesse ainsi qu’un véritable parti de masse des travailleurs défendant un programme démocratique et socialiste. Les marxistes en Tunisie défendraient donc l’alternative socialiste en tant que seule alternative réelle et viable et capable d’apporter réellement les solutions démocratiques et des acquis sociaux réels et durables dans un pays néo-colonial tel que la Tunisie. Ils défendraient des mesures telles que l’annulation de la dette, l’annulation des politiques néo libérales, comme la renationalisation des secteurs essentiels ayant été privatisés, un emploi décent pour tous et correctement rémunéré et effectué dans de bonnes conditions, ainsi que les libertés démocratiques élémentaires telles que la liberté d’expression et d’association, le libre discours, la liberté de circuler, l’inviolabilité du domicile et du secret de la communication, etc…. ainsi que bien sûr la fin des pratiques portant atteinte à la dignité humaine.

    Il est donc grand temps de surmonter les amalgames politiques qui divisent la gauche et les démocrates authentiques et d’élaborer pour cela une vision et une plateforme autour d’un programme authentiquement démocratique et socialiste.

  • Afrique: Élites corrompues, seigneurs de guerres et propriétaires terriens combattus par la classe ouvrière et les pauvres.

    Après une période de croissance économique rapide, l’Afrique a été sévèrement frappée par la crise économique. Le pronostic du FMI pour l’Afrique en 2009 est une croissance économique de 2%. Il s’agit d’un important ralentissement d’un taux de croissance de 5,2% en 2008 et représente une sévère récession dans de nombreux pays africains. En Afrique du Sud, une des plus grande économies et des plus développées du continent, avec 5% de croissance annuelle depuis 2004, est maintenant en recul de 1,8% pour le premier trimestre 2009. l’Angola représente le changement le plus radical, avec un taux de croissance de 14,8% en 2008 et maintenant réduit à -3,6%.

    Par-Ake Westerlund, Rattvisepartiet Socialisterna (CIO – Suède)

    La crise a plongé les États à travers le continent, après quelques années de surplus, à une augmentation rapide du déficit du compte courant et du du budget de l’État. Le changement dans la situation économique, avec une récession dans la production économique a intensifié les attaques sur les emplois. Dans le secteur minier, 360 000 emplois ont été perdus en République Démocratique du Congo. Dans le premier trimestre 2009, 25 000 mineurs ont perdu leur emploi en Afrique du Sud. Des luttes éclatent dans les ports, comme les dockers en Algérie, au Ghana et en Cote d’Ivoire qui se battent pour leurs emplois et leurs conditions. Des mouvements de chômeurs commencent à s’organiser notamment en Namibie et en RD Congo.

    C’est un massacre pour les emplois dans le secteur public puisque le gouvernement fait des coupes dans une tentative désespérée dans les dépenses et augmentent les privatisations.

    La récente visite d’Obama au Ghana visait à présenter un tableau optimiste de l’avenir du pays qui a nouvellement découvert la richesse pétrolière et la stabilité politique. Ce point de vue n’est pas partagé par les travailleurs et les jeunes, qui ont récemment manifesté contre le gel du recrutement dans le secteur public.

    Les travailleurs du secteur public, dont les infirmière namibiennes, les enseignants au Gabon, les travailleurs des soins de santé en Afrique du Sud, et les académiques universitaires au Nigeria ont pris des action de grève contre les attaques sur les salaires et les conditions, les privatisations et les pertes d’emploi.

    Arrogance, mentalité coloniale

    Les contributions à la discussion sur l’Afrique ont mis en avant la nécessité de mettre derrière soi la mentalité coloniale et l’arrogance des média capitalistes, qui présentent l’Afrique comme un panier sans espoir avec des problèmes auto-infligés. Les conditions auxquelles font face la plupart des pauvres et de la classe ouvrière du continent sont barbares; le capitalisme est incapable de pousser la société en avant et de fournir un niveau décent de vie pour la majorité.

    Dans des économiques comme celle du Nigeria, la société recule. Les routes de Lagos sont diminuées pendant la saison des pluie apportant le chaos du trafic comme elles ne sont pas maintenues. Les fonctionnaires dans les État fédérés n’ont pas vu leur salaire payé depuis plusieurs mois et les rapports des syndicats indiquent que 50 travailleurs sont morts de faim.

    La crise du SIDA est catastrophique pour l’Afrique, avec 40% de la population adulte du Botswana infectée et 1000 personnes mourant chaque jour en Afrique du Sud. La crise climatique cause famine, inondations et déplacements de millions de gens. La rareté de l’eau, du carburant, de la nourriture et d’autres besoins basiques conduisent aux tensions entre communautés.

    La situations désespérée conduit beaucoup à chercher une sortie individuelle au cauchemar de l’existence. L’année dernière, 67 000 migrants « illégaux » ont traversé d’Afrique vers l’Europe à travers la Méditerranée.

    Dans des pays comme la Somalie, le Soudan, la RD Congo, les groupes armés et les milices remplissent le vide politique. Beaucoup de ces groupes sont supportés par des gouvernements corrompus ou reflètent le soutien pour le fondamentalisme religieux. Les forces capitalistes utilisent ces conflits comme une opportunité pour exploiter les ressources naturelles et vendre des armes. Les groupes armés misent sur le chômage, la frustration et le désespoir des jeunes, augmentés par les tensions ethniques et religieuses.

    La force du mouvement ouvrier varie d’un pays à l’autre mais l’assaut des patrons, des élites politiques corrompues, des seigneurs de guerre et des propriétaires terriers soutenus par les puissances capitalistes et les multinationales, est combattu par la classe ouvrière et les pauvres.

    Grève de 70 000 ouvriers de la construction en Afrique du Sud.

    En Afrique du Sud, qui a une riche tradition de lutte ouvrière, commence la riposte. La semaine dernière (par rapport au 13/07/09, NDT), 70 000 ouvriers de la construction travaillant sur les stades de la prochaine Coupe du Monde sont partis en grève revendiquant une augmentation de 13% de leur salaire. La presse mondiale s’est focalisée sur le danger que la construction pourrait ne pas être terminée pour la proche Coupe du Monde.

    L’Afrique a longtemps été le champ de bataille des puissances concurrentes comme la France, les États-Unis, la Grande Bretagne et anciennement l’Union soviétique. La Chine cherche désormais a augmenter son influence, étant dépendante à hauteur de 33% pour son approvisionnement en pétrole. La Chine est vue par certains comme un partenaire amical, vu son investissement dans les infrastructures, la ré-ouverture des usines et des mines et la construction de palais pour les gouvernements en échange de contrats lucratifs et de l’accès à la terre. Toutefois, pour les masses, elle sera considérée comme une puissance d’exploitation, comme l’ont montré les attaques contre les fonctionnaires chinois et les manifestations contre les patrons.

    Alex Rouillard de la Gauche Révolutionnaire (CIO en France), résumait la discussion, mettant en avant la nécessité d’apprendre des échecs et des erreurs des partis communistes staliniens et des mouvements de libération nationale qui ont été incapables de renverser l’impérialisme et le capitalisme dans la région et dont les leaders, un fois au pouvoir, sont devenus des marionnettes des puissances principales. Cela a été vu avec la direction de l’ANC (African National Congress, parti de Nelson Mandela, Tabo Mbeki, etc.) en Afrique du Sud qui a conduit les politiques néo-libérales et s’est enrichie sur le dos du combat contre l’apartheid. Alex a aussi pointé l’échec des méthodes de guérilla au Congo et dans les autres pays africains.

    Il y a la nécessité de construire des organisation de masses, des syndicats et des partis politiques qui sont capables de mener des combats unifiés des travailleurs et des pauvres contre le capitalisme et l’impérialisme. Cette tâche est embrassée par les sections du CIO au Nigeria et en Afrique du Sud. Au Nigeria, le Democratic Socialist Movement (Mouvement Socialiste Démocratique) pousse les dirigeants des syndicats à décider des actions contre le gouvernement et le patronat. Malgré une série de grèves générales depuis 2000, qui ont mobilisées les masses, les dirigeants syndicaux sont réticents à défier le capitalisme. Les camarades du DSM jouent un rôle dirigeant dans la Education Rights Campaign (Campagne des Droits de l’Enseignement), qui a été l’épine dorsale des étudiants pour les actions de solidarité, les grèves dans les universités conduisant à l’arrestation de militants CIO. Le CIO a pour but de renforcer ses forces de tout le continent africain en se livrant à toutes les luttes des travailleurs, des pauvres et des jeunes.

  • Quelles perspectives pour l’Afrique?

    Ces deux dernières années, beaucoup de changements ont eu lieu dans la situation objective en Afrique. Il s’agit là de l’impact de la crise qui a créé un changement brusque avec le passage d’économies à croissance rapide à des économies pour le moins en récession. Le cas de l’Angola illustre la profondeur de ce virage : d’une croissance du PIB de 14,8% en 2008, le pays prévoit une contraction de son PIB de –3,6% en 2009.

    Rapport des discussions à l’école d’été du CIO-2009, par Baptiste (Wavre)

    Désastre pour les conditions de vie causé par les politiques néolibérales

    Néanmoins, la période de « boom économique » qui a précédé la crise n’a pas vu une hausse du niveau de vie de la population. La croissance néolibérale s’est ici aussi accompagnée au contraire d’une dégradation des conditions de vie, avec une augmentation du niveau de pauvreté comme règle générale. Et cet océan de misère et de pauvreté causé par les politiques néolibérales a été la toile de fond de émeutes de la faim du début de l’année 2008. La spéculation sur les denrées alimentaires et l’absence d’investissements publiques dans l’agriculture ont vraiment poussé à une extrême ce que le néolibéralisme pouvait représenter en terme de condition de vie pour les populations d’Afrique, mais aussi du reste du monde.

    Dès lors qu’une récession prend place, les conditions de travail se dégradent encore plus brutalement. Les illustrations de cela sont dramatiques. Dans certains états du Nigeria, les travailleurs ne sont plus payés depuis 7 mois, ce qui a amené certaines personnes à mourir de faim sur leur lieu de travail même. Au Zimbabwe, le chômage atteint 90%, et l’état sanitaire est tel qu’une épidémie de choléra fait rage. L’inflation a atteint en juillet 2008 un taux de 231 millions de pour cent, les fonctionnaires ne sont plus payés qu’en pitances et l’espérance de vie est tombée à 36 ans ! Ces deux exemples illustrent dans quel mesure la crise du capitalisme et sa nuisance pour des populations crée la base pour l’introduction d’éléments de barbarie dans la société.

    Désastre pour le développement économique causé par les politiques néolibérales

    Une caractéristique de cette crise est l’augmentation rapide d’un chômage de masse. Avec les conditions de sécurité sociale précaires quand elles ne sont pas inexistantes en Afrique, cela se traduits par des dizaines de milliers de travailleurs mis à la rue parfois même au sein d’un seul secteur. En Zambie, un quart des travailleurs dans les mines de cuivre ont perdu leur emploi ; or les mines de cuivre (privatisées) sont la principale réserve du pays et représente deux tiers des revenus des exportations pour ce pays. Au congo, plus de 360 000 travailleurs ont perdu leur emploi depuis le début de la crise pour le seul secteur minier !

    Le développement de la structure économique de la plupart des pays est tel que si un secteur, souvent de la matière première, est touché c’est toute la santé économique du pays qui est dans le rouge, car cet unique secteur a souvent un poids prédominant sur l’ensemble de l’économie. C’est là une conséquence désastreuse des politiques néolibérales que sont les ajustements structurels du Fonds Monétaire International. Les émeutes de la faim constituaient la premier signe du désastre humanitaire que sont ces politiques, et aujourd’hui cela se reflète aussi au niveau industriel avec la crise.

    Un autre exemple industriel du désastre des politiques néolibérales menées par les impérialistes est celui du Gabon. Alors que les ressources en hydrocarbures, qui pèsent pour la moitié du PIB, arrivent à épuisement pour 2020, rien n’a été fait en terme de reconversion industrielle, d’investissements publiques… Cela au moment où la mort d’Omar Bongo, un symbole de la Françafrique, rappelle les nombreux procès que celui-ci a sur le dos pour cause de détournement d’argent public.

    Désastre pour la situation écologique causé par les politiques néolibérales

    La situation écologique fait partie intégrante de ce panorama désastreux. Le seul changement climatique est un facteur d’instabilité dans un grand nombre de pays africains, car soit il cause des sécheresse, soit il cause des inondations, et donc des migrations de populations. De telles migrations sont rapidement des sources de tension sous le capitalisme. Cela s’illustre déjà par la politique de pression de la part de l’Union Européenne sur les pays méditerranéens en vue de contrer les migrations.

    Mais les migrations ne sont pas les seules conséquences de la crise écologique : les incapacités agricoles de sols vont augmenter, et l’impact de ceci sera d’autant plus grand en Afrique que le démantèlement (conséquence des politiques néolibérales « conseillées » par le FMI) des structures agricoles a été grand. Ainsi si en 1960 l’Afrique avait une production vivrière permettant une autosuffisance alimentaire, aujourd’hui plus de 25% des denrées alimentaires doivent être importées.

    On le voit bien, la crise écologique dans le secteur agricole est pieds et poings liés aux politiques néolibérales qui ont été menées ; et les émeutes de la faim de l’an passé l’illustre fortement. Faut il encore noter que cette crise de la faim, si elle ne donne plus lieu à des émeutes massives et généralisées aujourd’hui, continue de se développer : on recense dans le monde 1 milliard de personnes sous alimentées, un chiffre en augmentation et pour lequel l’Afrique contribue fortement.

    Parallèlement à la crise alimentaire, il faut mentionner la crise de l’eau qui a les mêmes racines que la crise de l’eau : les politiques néolibérales et leurs conséquences désastreuses sur les conditions de vie et sur l’environnement, et la dégradation de ce dernier ne fait qu’enfoncer le clou sur les dégradations des conditions de vie. Ainsi, les monocultures intensives ont sapé la fertilité générale des sols, ce qui provoque des défrichements pour augmenter la surface exploitable. Mais ce défrichement massif (aussi dans le but du commerce du bois) entraîne un épuisement des nappes phréatiques, ce qui accentue la difficulté d’accès à une eau potable.

    Un continent dominé par une dictature des impérialismes

    Les impérialistes ont systématiquement soutenu des dictateurs frauduleux, corrompus et qui protégeaient les intérêts de ces mêmes capitalistes. Historiquement, les impérialismes américains et européens ont été les principaux présents en Afrique, bien qu’aujourd’hui la Chine gagne de plus en plus d’influence avec une augmentation des investissements. Avec la crise et le changement dans les rapports de force entre grandes puissances qu’elle entraîne, la concurrence entre ces grandes puissances s’intensifie, ce qui intensifie par la même occasion la corruption et l’implantation militaire. Et quand cette présence impérialiste n’est pas directe, le FMI représente un moyen très profitable d’exploitation capitaliste de l’Afrique.

    L’actualité politique à Madagascar illustre la manière dont les différents impérialistes se disputent les ressources d’un pays, en l’absence d’une réponse d’un mouvement ouvrier organisé et indépendant des dirigeants capitalistes. Marc Ravalomanana, qui était arrivé au pouvoir avec le soutien de USA en est aujourd’hui chassé par Andry Rajoelina, soutenu lui par la France. Ravalomanana, au pouvoir depuis 2002, est complètement discrédité parmi la population à cause de sa politique ultra-libérale. Les écarts de revenus se creusent continuellement dans l’île et un mouvement de protestation a été déclenché après la révélation de la cession a une multinationale sud-coréenne, Daewoo Logistics, de 1,3 million de terres cultivables. Ainsi, Madagascar exportera pour la Corée du Sud du Maïs alors que le Programme alimentaire mondial fournit chaque années 600 000 tonnes de vivres, et que 50 des enfants de moins de 3 ans souffrent de carences alimentaires.

    Ces politiques néolibérales amorcent des mouvements de lutte, mais en l’absence d’un mouvement ouvrier organisé indépendant de la bourgeoisie, ces luttes sont récupérées pour les impérialistes qui se disputent les ressources des pays en Afrique.

    La présences des capitaliste chinois peut être perçue parfois comme un moindre mal à l’égard d’autres puissances. Cela est du à une approche moins méprisante par rapport à d’autres puissances qui considèrent l’Afrique comme une véritable poubelle pour déchets nucléaires. La Chine représenterait ainsi pour certains un « contrepoids » par rapport à ces autres impérialistes, en investissant dans le développement d’infrastructures comme les transports. Néanmoins, ces investissements ne sont pas le reflet d’une charité ou solidarité chinoise mais le reflet d’une approche des impérialistes chinois en concurrence avec les autres puissances, et ces investissements n’ont pas d’autre but que celui de faire du profit. A terme, le rôle de la Chine n’est pas celui d’une puissance progressiste, mais à travers sa concurrence avec les autres puissances la Chine aura aussi un rôle dans le développement des conflits.

    Une augmentation des conflits armés dont la source est la concurrence entre impérialistes

    Le rôle de ces impérialistes est central dans la responsabilité des conflits de ces dernières années, avec l’utilisation de la tactique du « diviser pour mieux régner ». Le conflit Hutu-Tutsi a démontré quelle dimension catastrophique les conséquences d’une telle présence impérialiste pouvait prendre. A travers les conflits ethniques apparents, il est question derrière cela d’une bataille pour le contrôle des ressources. Et cette bataille est bien souvent menée par les puissances impérialistes à travers des milices opposées.

    La dernière année a vu une remontée des luttes armées entre différents groupes dans la région du Congo. L’idée derrière chacun de ces groupes est d’occuper une partie de territoire pour pouvoir jouir de ses ressources. Nkunda a ainsi d’abord été soutenu par le Rwanda avant que celui-ci ne se retire finalement, sous pression des impérialistes en europe. Cela illustre à quel point ces groupes armés sont un relais du combat entre les impérialismes sur le terrain, où ce sont les travailleurs et la population civile en général qui en payent le plus lourd des dégâts. Ainsi la guerre au Kivu a tué près de 5,4 millions de personnes. En Somalie, 61 attaques de pirates sont recensées depuis le début de l’année 2009. La région est contrôlée dans la pratique par les milices islamistes, dont l’influence et le soutien sont renforcés avec l’intervention des impérialistes.

    Le continent africain est vraiment dominé par la dictature de l’impérialisme. Les déclarations de Sarkozy mentionnant que « le problème des africains est qu’ils n’arrivent pas à se projeter dans le futur » illustrent le caractère raciste du regards des dirigeants des différents impérialismes présents en Afrique. Un tel panorama indique un futur assez sombre pour l’Afrique, mais il ne faut sous-estimé la remontée des luttes et de la conscience qui s’amorce dans la période actuelle.

    L’issue en Afrique se trouve aussi dans la lutte des classes

    Cet élément qui est systématiquement sous estimée par les médias officiels est la lutte des classes en Afrique, livrant ainsi une Afrique caricaturée où la politique est constituée par les conflits ethniques et les prises de pouvoir par des présidents corrompus. Pourtant cette lutte des classes est bien présente, en atteste la lutte récente en Afrique du Sud où 300 000 ouvriers de la construction se sont mis en grève. Il n’y a pas que le secteur de la construction qui s’est mis en grève, les travailleurs de l’enseignements, les dockers et les employés du secteur public se sont mis en lutte. Ces 3 derniers secteurs sont d’ailleurs souvent concernés par des luttes actuellement pour toute l’Afrique.

    La situation générale du mouvement ouvrier aujourd’hui en Afrique est précaire. Par le passé, le stalinisme a eu une influence assez profonde en Afrique, à travers le soutien à tel ou tel pays. Ce soutien était l’application par les staliniens de leur théorie des 2 stades, parfois étendue à 3 stades pour le cas de l’Afrique du Sud. Ces 3 stades sont : fin de l’apartheid, développement d’un capitalisme « noir », et le socialisme qui arrive naturellement tel un nouveau-né après une gestation de 2 stades. Une telle stratégie politique a permis que le capitalisme soit maintenu avec la fin de l’apartheid, illustrant les effets dévastateurs pour le mouvement ouvrier qui ont suivi. Le déclin du stalinisme et l’augmentation corrélée des politiques néolibérales à partir des années ’90 n’ont fait que mettre en veilleuse la possibilité pour un mouvement ouvrier indépendant de se développer.

    Un impact du poids du stalinisme passé en Afrique est que les méthodes des coups d’état a supplanté celle d’un mouvement révolutionnaire lors des luttes d’indépendance. De plus les conditions de vie étant très difficiles, de nombreux mouvements de guérilla ont émergé, surtout sous l’influence des maoïstes. Néanmoins, la victoire de tels mouvements n’ont jamais abouti à ne serait-ce qu’à des gouvernements plus progressistes sur le long terme, ce qu’illustre de manière dramatique le Zimbabwe aujourd’hui. Lors de la victoire de tels mouvements, les organisations qui sont souvent purement militaires ne font que transférer leur appareil sur celui de l’état en place. Sous pression de la confrontation avec les impérialistes, ces gouvernements issus de la guérilla peuvent être amenés à durcir leur politique vers la gauche en nationalisant certains secteurs clefs de l’économie. Mais ces nationalisations sont réalisées par un appareil d’état en place, et les travailleurs n’y jouent aucun rôle ce qui développe une bureaucratie qui va défendre ses intérêts non dans le sens du socialisme mais dans le sens d’une gestion du capitalisme, ce dernier pouvant assurer les privilèges pour cette couche bureaucratique.

    Pas de révolution par étapes ou dans les maquis, seul le mouvement ouvrier a les moyens de proposer une alternative socialiste au capitalisme

    Lorsque le CIO revendique des nationalisations, nous lions de manière absolue cette revendication à celle d’un contrôle démocratique des travailleurs et des couches de la population concernées par l’entreprise en question. Cela est indispensable pour aboutir à une économie planifiée de manière démocratique. Au contraire, la gestion par une bureaucratie va se développer en frein pour la lutte vers le socialisme car cette caste bureaucratique trouvera ses intérêts immédiats des les compromis avec les bourgeoisies voisines, de manière à garantir ses privilèges. C’est pourquoi nous pensons aussi que le socialisme ne peut aboutir que sur le plan international.

    Cet internationalisme est à distingué de panafricanisme. Ce dernier ne représente pas une alternative au capitalisme pour les masses laborieuses, mais une réaction primaire à l’impérialisme. Nos camarades sur place ont à répondre sur ces différentes questions : impérialisme, tactique de la guérilla ou des 2 stades, panafricanisme… dans le but de construire un mouvement ouvrier organisé indépendant de la bourgeoisie pour lutter contre les politiques capitalistes.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière possède 2 sections clefs en Afrique : au Nigeria et en Afrique du Sud. L’Afrique du Sud est la puissance économique dominante, avec un PIB de loin le plus important d’Afrique devant l’Algérie et le Nigeria (la somme des PIB de l’Algérie et du Nigeria n’atteint pas celui de l’Afrique du Sud). La politique menée par l’ANC, le principal parti du pays et au pouvoir depuis 1994, est clairement désastreuse (la lutte récente en est une preuve) ; mais beaucoup d’illusions persistent vis-à-vis de ce parti bien que son soutien s’érode continuellement année après année. Les revendications augmentent d’ailleurs dans les syndicats pour une rupture des liens avec l’ANC.

    L’Afrique du Sud est un pays clef pour le continent

    De toutes les puissances émergentes, bon nombre d’économiste considèrent l’Afrique du Sud comme la plus vulnérable. Et cette instabilité politique croissante s’est illustrée avec la lutte pour le pouvoir à l’ANC entre Jacob Zuma et Thabo Mbeki. Zuma a remporté cette bataille ainsi que les élections récentes malgré une absence d’un véritable programme, et les grèves actuelles et autres mouvements de lutte apparaissent vraiment comme un test pour lui.

    Cette absence de programme peut s’illustrer par ces déclarations récentes de Jacob Zuma : « Ceux qui étaient racistes en Afrique du Sud ne savaient pas ce qu’ils faisaient (…) la situation est assez positive et les médias sont trop critiques, j’appelle à plus de patriotisme de leur part ». L’ANC n’offre aucune perspective d’avenir pour les jeunes et les travailleurs. Cette déclaration illustre aussi le désastre pour le mouvement ouvrier que constitue la théorie stalinienne du socialisme par étapes.

    Parallèlement, Zuma se retrouve en face d’autres problèmes de taille : 1000 personnes meurent du sida chaque jour en Afrique du Sud et la situation économique est telle qu’il n’y a plus de matériel pour soigner les malades. Des opérations chirugicales sont annulées faute d’avoir du désinfectant ! Une telle situation dans les soins de santé a été la cause d’une grève dans ce secteur, qui a d’ailleurs été critiquée par Jacob Zuma. Les 14 000 médecins du secteur public réclamaient une hausse de salaire de 50%, et bien que la grève pour les médecins ne soit pas autorisée, 400 d’entre sont néanmoins parti en grève. Et c’est toute la fonction publique qui menace de faire une grève dans les mois qui viennent.

    Les luttes en Afrique du Sud ne datent pas d’hier, ces dernières années en ont vu d’autres d’ampleur. Ainsi, en juin 2007 a eu lieu la plus grosse grève de l’histoire de l’Afrique du Sud dans les services publiques ; et en août 2008 eut lieu une grève générale contre la faim. Inévitablement, la question d’une alternative politique va se poser et prendra le dessus sur les illusions envers l’ANC.

    Les syndicat et le PC ne mettent aucune alternative en avant, avec des revendications comme celle d’une baisse du taux d’intérêt. Une conséquence d’un manque d’alternative politique de masse s’illustre avec le basculement des tensions sociales sur le terrain communautaires. Ainsi, suite à des attaques racistes qui ont causé 60 morts, 150 000 zimbabwéens ont été déplacés. Il n’existe pas de soutien pour ces attaques parmi les travailleurs en Afrique du Sud, mais c’est le résultat d’une politique de diviser pour mieux régner et l’absence d’une alternative pour les masses face à ça.

    Un potentiel pour un nouveau parti des travailleurs au Nigeria

    Au Nigeria, l’instabilité caractérise la dernière période. En 2007 eut lieu une grève très soutenue, mais les directions syndicales ont été incapables de la développer et ont suivi une logique de concertation avec le gouvernement. Ce gouvernement à déclaré une hausse des dépenses pour son budget de 2009. Néanmoins, celui-ci présente en réalité une séries de coupes : diminution d’un tiers dans le budget à l’éducation, de 20% pour le budget alloué aux soins de santé et de 66% pour les transports !

    Le pétrole est une ressource clef pour le Nigeria, la production pétrolière représente jusqu’à 90% de ses recettes. La privatisation annoncée de ce secteur et la manière dont la gestion de l’exploitation pollue le delta a ravivé les tensions dans le delta du Niger sur la question du partage des revenus du pétrole. L’exploitation pétrolière dans le delta du Niger est entravée par des attaques sur les pipe-line ; la production passant d’une rythme habituel de 3 millions de barils par jour à 1,5 millions de barils par jour. La responsabilité de ces attaques est revendiquée par le Mouvement pour l’Emancipation du Delta du Niger. Le gouvernement a ainsi lancé une offensive militaire d’ampleur dans la région, avec comme objectif déclaré « la lutte contre les terroristes », mais dans la pratique les conséquences de cette offensive se font surtout ressentir par la population civile.

    Nos camarades au Nigeria (DSM) dénoncent les méthodes de terrorisme de cette organisation, les travailleurs de la région payant finalement le prix de l’offensive du gouvernement à côté du fait que les prises d’otages et les explosions de bombes cassent les mobilisations parmi les travailleurs. De plus, l’argument de la reconstruction des infrastructures peut être utilisé par le gouvernement pour promouvoir la privatisation. Bien qu’un tel argument ne soit pas fondé, il illustre que la destruction des infrastructures ouvre une porte au gouvernement pour l’instrumentaliser contre les intérêts des travailleurs et créer la division au sein de ceux-ci.

    Cela ne signifie pas pour autant que le DSM soutient la politique du gouvernement. Que du contraire, nos camarades militent pour une société socialiste et avance des revendications pour un contrôle démocratique, par les travailleurs et la population des ressources de la région, à l’opposé d’un contrôle par une élite que celle-ci soit une société privée ou issue d’une milice armée. De plus, nos revendications contre la privatisation est accompagnée d’une revendication pour un salaire minimum équivalent à 350€/mois. Parallèlement, nos camarades du Nigeria mènent une campagne pour un Nouveau Parti des Travailleurs, un tel parti de masse serait une arme pour les travailleurs pour répondre aux politiques néolibérales et avancer toutes ces revendication sur une échelle plus large.

    Le potentiel pour un nouveau parti des travailleurs est très grands au Nigeria, bien que la construction d’un squelette à travers le développements des mouvements parmi les travailleurs reste un défi. En Afrique du Sud, une telle construction est déjà plus avancée, comparable à la situation d’autres continents. De plus, l’Afrique du Sud, par sa position économique, a un rôle à jouer pour le reste de l’Afrique mais cela ne signifie pas qu’il n’est pas nécessaire de construire un mouvement ouvrier organisé et indépendant de la bourgeoisie dans le reste de l’Afrique, que du contraire !

    La lutte pour le socialisme en Afrique est un défi, mais cette lutte est la seule alternative pour sortir de la misère capitaliste

    La faiblesse que constitue un mouvement ouvrier faible s’est reflété lors des manifestations contre la faim, où il n’y avait pas de liaison avec des revendications plus larges pour la classe des travailleurs, ce qui se traduit par l’éparpillement de luttes isolées les unes des autres. Néanmoins, un mouvement est d’autant plus fort et des acquis d’autant plus arrachés que les liens parmi les différentes couches sont forts. Inversement, l’isolation des luttes est une brèche pour la classe dirigeante pour mener sa tactique de « diviser pour mieux régner ». Il est important de considérer les revendication autour des travailleurs comme centrales, bien que la classe ouvrière de certains pays soit numériquement faible. De par la position dans la production qu’elle occupe la classe ouvrière a le rôle central, moteur dans la lutte pour une société socialiste, et les intérêts des masses pauvres doivent être liées à ce mouvement ouvrier.

    Des luttes de masses vont émerger du fait de la crise. Mais une différence par rapport à un continent comme l’Europe, c’est la « facilité » avec laquelle des organisations indépendantes du mouvement ouvrier peuvent voir le jour de manière officielle. Nous ne cautionnons pas la méthode de guérilla comme un moteur pour la révolution, tout comme nous ne pensons pas non plus qu’un soutien extérieur va régler le sort des populations en Afrique. L’établissement de noyaux durs dans de grandes villes est un premier pas, les premiers os du squelette pour un mouvement ouvrier organisé indépendant et proposer aux masses l’alternative socialiste à la place de la misère proposée par le capitalisme. Le CIO a pour objectif de renforcer ses forces dans tout le continent de l’Afrique en se livrant à toutes les luttes des travailleurs, des pauvres et des jeunes.

  • [video] Interview de Weizman (Afrique du Sud)

    A la réunion du Comité Exécutif Internationale du Comité pour une Internationale Ouvrière, nous avons fait une interview de Weizman, de notre organisation en Afrique du Sud Democratic Socialist Movement. Nous avons avec lui abordé la situation dans ce pays et entre autres la scission survenue dans l’ANC.

  • Rapport sur la situation à Sidi Ifni, Maroc

    Sidi Ifni, ville côtière de 20.000 habitants au Sud du Maroc, a connu les 7 et 8 juin 2008, puis à nouveau les 18 et 19 août 2008 deux vagues de répression extrêmement violentes en guise de réponse à un mouvement social qui revendique, depuis le début des années 2000, une réelle politique de développement de la région ainsi qu’une extension et amélioration des services publics.

    Par Mourad

    Le mouvement se renforce à partir de 2005: en août, une manifestation de plus de 10.000 personnes obtient l’affectation d’un chirurgien à l’hôpital, deux ambulances et la promesse de travaux d’infrastructures portuaires et urbaines. Il se structure en Secrétariat local Sidi Ifni – Aït Baamrane élabore un cahier revendicatif porté par la population. C’est du sein même de ce mouvement qu’ont émergé des groupes comme Attac Ifni et l’Association Nationale des Diplômés Chômeurs au Maroc qui, depuis leur création, font le lien entre les problèmes vécus localement par les habitants d’Ifni et les politiques globales néo-libérales capitalistes, telles qu’elles se déclinent au Maroc aussi.

    Le contexte

    Il faut savoir que la ville de Sidi Ifni est restée plus longtemps que les autres villes marocaines sous le joug colonial espagnol et n’a été rétrocédée au Maroc qu’en 1969. Ville alors florissante, elle connaît depuis un processus de marginalisation et de paupérisation. Administrativement déclassée et rattachée à la province d’Agadir en 1970, Sidi Ifni ne bénéficie pas des mêmes subventions que les villes voisine et elle vivote aujourd’hui de tourisme, de la pêche encore concédée et de l’argent envoyé par ses émigrés. Le taux de chômage actuel y dépasse les 30%. L’absence de perspectives incite nombre de jeunes à s’embarquer clandestinement vers les Canaries voisines (28 heures de traversée) ou l’Espagne.

    En revanche, les ressources halieutiques de la région attisent les convoitises de lobbies économiques extérieurs à la ville, ayant de très fortes connexions avec l’appareil sécuritaire du Royaume. Ifni voit passer le poisson mais n’en récupère pratiquement plus aucun bénéfice et même les postes de travail du port bénéficient essentiellement à une main d’œuvre extérieure à la région.

    Cela explique pourquoi, exaspérée par les promesses non-tenues et l’absence de réponses à ses demandes, la population a décidé, à la fin mai 2008, de bloquer l’accès au port, ce qui a déclenché en retour, à partir du samedi 7 juin, une répression d’une rare violence menée par les plus hautes autorités sécuritaires, ceux-là mêmes qui exerçaient tout au long des «années de plomb» et qui se trouvent avoir des intérêts directs dans le secteur de la pêche dans la région.

    Le fil des évènements

    Deux évènements ont provoqué le durcissement du mouvement :

    • Des attributions de postes au sein de la municipalité, entachées de népotisme
    • Un regain d’activité au port d’Ifni qui a fait se demander «comment tant de poisson peut arriver tous les jours au port et nous crevons de faim et restons chômeurs ?»

    Le 30 mai, à la suite d’un rassemblement de protestation, des dizaines de jeunes, soutenus par la population, partent bloquer les accès du port et empêchent la sortie des camions frigorifiques chargés de poissons destinés à être traités et conditionnés à Agadir.

    Le 2 juin, les autorités demandent l’ouverture de négociations avec les manifestants, mais elles n’aboutissent pas et dès le lendemain le groupe de bloqueurs grossit tandis que les femmes de Sidi Ifni organisent des marches de solidarité et ce plusieurs jours durant.

    Dans la nuit du 6 au 7 juin, des forces de l’ordre venues de plusieurs régions du Maroc investissent la ville, par air, par terre et par mer. Plus de 4.OOO hommes de différents corps de répression bloquent les issues de la ville, dispersent violemment le piquet de blocage du port cependant qu’ils investissent les maisons des quartiers populaires, cassant les portes et le mobilier, faisant main basse sur tout ce qui a de la valeur, terrorisant les familles au saut du lit, arrêtant à tour de bras, violentant et terrorisant les femmes, transformant les écoles en casernes.

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    Chapeaux bas devant les femmes d’Ifni

    Les femmes d’Ifni sont, comme dans bien d’autres régions du Maroc, souvent reléguées dans l’espace et les tâches domestiques et ne sortent dans la rue que couvertes d’un tissu ou d’un foulard symboles de leur décence et de leur réserve.

    Mais elles ont largement adhéré au mouvement de contestation et ont fait preuve d’un sens politique et d’un courage impressionnant. Premières victimes de la dégradation des services publics, notamment de santé, de la hausse des prix et de la disparition du poisson varié et bon marché des étals, les premières elles ont organisé des marches pour bien montrer que le bocage du port n’était pas une action minoritaire et isolée. Suffoquant de colère et de honte, elles n’ont pas hésité à témoigner, malgré les tabous, devant la presse, les télévisions, les enquêteurs, des viols et de toutes les violences physiques et verbales qu’elles ont subies.

    Alors que les forces de l’ordre quadrillaient la ville et occupaient les rues, elles sont sorties, toutes en noir, les chairs encore meurtries des coups de matraque et de godillots, pour reprendre possession de la rue et libérer l’espace public. Cette irruption des femmes sur la scène publique et politique aura de toute évidence des répercussions profondes et prolongées et constitue déjà la première victoire de la révolte de Sidi Ifni.

    Dans les rues, la police matraque et tire des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Plusieurs témoins font état de morts, sans qu’il soit possible encore à ce jour de confirmer ou d’infirmer cette information. L’arrestation de Brahim Sebaalil et sa condamnation à 6 mois de prison, pour «diffusion de fausses informations» alors qu’il avait annoncé l’existence de morts lors d’une conférence de presse, visant bien évidemment à étouffer ce point. Des groupes de jeunes gagnent les montagnes environnantes, cependant que dans les commissariats, les personnes arrêtées par centaines sont soumises à des tortures et à des violences inouïes. La plupart seront relâchées, mais une dizaine sont inculpées et 4 sont transférées à la prison d’Inezgane. Les photos des tortures feront vite le tour du monde via Internet, des cas de viols sont dénoncés. A la télévision, le premier ministre, Abbas el Fassi, déclare qu’il ne s’est rien passé à Sidi Ifni.

    Jouant son rôle d’aide aux citoyens de façon continue, tout de suite après la répression qui s’est abattue le samedi 7 juin, Attac Maroc s’est immédiatement associée à d’autres forces pour lancer une campagne d’information et de solidarité sur le mouvement d’Ifni. L’Etat et la presse aux ordres ont immédiatement désigné Attac et l’Association Nationale des Diplômés Chômeurs au Maroc (ANDCM) comme les associations fauteuses de troubles.

    Trois commissions d’enquête ont été constituées. La première, diligentée par l’Organisation Marocaine des Droits de l’Homme, s’est rendue à Ifni quelques jours après les évènements, en compagnie d’un représentant du gouverneur de la région Souss-Massa et a été de toute évidence beaucoup plus à l’écoute des représentants des autorités que des habitants de la ville. Tout en reconnaissant l’évidence d’une forte répression policière, son rapport s’est centré sur les pertes occasionnées par le blocage du port et a minimisé les violences subies par les habitant(e)s.

    La deuxième commission, désignée par le Parlement, s’est rendue à Ifni à la fin du mois de juin mais n’a toujours pas rendu ses conclusions.

    La troisième commission constituée de 14 organisations de droits humains et du mouvement social a fait le constat des violences, viols et exactions subis par les habitant(e)s, pointé les zones d’ombre et rédigé un certain nombre de recommandations.

    Cahier revendicatif des habitants d’Ifni

    • Soins gratuits et de qualité
    • 0ctroi de cartes de la solidarité nationale aux familles pauvres
    • Versement des indemnités sociales aux ayant-droits des familles des victimes de la colonisation
    • Création de plusieurs unités industrielles dans la région afin de fournir de l’emploi aux jeunes
    • Construction d’un centre de formation aux métiers de la mer au bénéfice des jeunes
    • Octroi des permis maritimes aux jeunes chômeurs pour qu’ils puissent travailler sur les bateaux de pêche
    • Généralisation effective de la pesée électronique à la criée
    • Ouverture d’une enquête sur les dysfonctionnements existant au port
    • Octroi de permis de pêche traditionnelle aux chômeurs (un permis par personne et non pour 3 personnes comme cela se pratique)
    • Réserver un quota de pêche aux habitants de la région
    • Exécution des projets inaugurés sur le papier lors de la visite royale (assainissement, électricité, routes) malgré leur inadéquation
    • L’appel au boycott des élections législatives de 2007 avait été massivement suivi.

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    La résistance continue

    La répression qui s’est abattue sur Sidi Ifni n’est pas inédite au Maroc. Depuis 1965 et la violente répression des lycéens de Casablanca, d’autres dates aussi sombres jalonnent l’histoire du Maroc: 1981, 1984, 1994 … et aujourd’hui encore de nouveaux charniers apparaissent.

    Ce qui est nouveau, c’est que cette fois une telle violence n’a pas raison de la colère des habitants. Cinq jours après le «samedi noir» du 7 juin, une manifestation de plusieurs centaines de femmes en noir reprenait possession de la rue. Le 15, c’est une marche monstre de 12.000 personnes qui sillonne pendant plusieurs heures les rues de Sidi Ifni, avec la participation d’une caravane de solidarité venue de tout le Maroc. L’opération est rééditée le 22. Depuis, inlassablement la population se mobilise, quartier par quartier et continue à présenter ses revendications et à réclamer l’ouverture de réelles négociations, avec comme préalable la libération des prisonniers et l’arrêt des poursuites pénales.

    Le 18 août, de nouveau, des manifestants décident de bloquer l’accès au port. La répression est immédiate et de nouvelles arrestations ont lieu, mais le mouvement reste très offensif, réclamant la libération des prisonniers, la satisfaction de ses revendications économiques et sociales, la poursuite des responsables des violences policières, le respect de la dignité des habitants. Cependant, les autorités manient la carotte et le bâton, le ministre de l’Intérieur multipliant les menaces et les arrestations tout en annonçant que différents projets seront mis à l’étude et en tentant de fissurer l’unité des habitants en organisant des réunions consultatives sans réel mandat avec des notables et des représentants de la société civile choisis par les autorités.

    Leçons d’Ifni

    Le mouvement qui se déroule à Ifni est riche d’enseignements et constitue un test tant pour le mouvement ouvrier et social que pour le gouvernement. Il pose des questions qui débordent largement le cadre de ce petit port naguère un peu assoupi et s’insèrent non seulement dans un mouvement social qui s’étend dans tout le sud marocain, mais aussi dans le débat qui parcourt le mouvement ouvrier international.

    En effet, il pose les questions fondamentales des politiques de l’emploi et du développement local, de l’accès à des services publics de qualité et de leur fonctionnement, mais il pose également les questions du rapport entre l’Etat et les citoyens et plus largement de la démocratie ainsi que de la nature de l’Etat et du camp qu’il représente. Les Ifniouis réclament de l’Etat qu’il assume ses fonctions: assurer aux citoyens des services publics accessibles pour tous et de qualité, promouvoir une politique de l’emploi reposant sur des perspectives réelles de développement local, rendre des comptes à la population sur son action.

    Se heurtant à une fin de non recevoir, il n’est pas étonnant qu’ils aient boycotté massivement les dernières élections législatives, marquant par là leur colère d’être ignorés par l’Etat central mais aussi leur défiance vis-à-vis des partis tout aussi éloignés des préoccupations des citoyens. Répondre à de telles préoccupations de fond par la seule politique de la matraque ne peut qu’approfondir les rancoeurs et creuser encore le fossé profond qui sépare le pouvoir de la population.

    Mais dans le même temps, les Ifniouis ne se complaisent pas en lamentations et pratiquent une forme de démocratie directe totalement inédite dans ce pays – et dans bien d’autres – s’imposant dans le débat municipal et régional en tant qu’acteurs à part entière. Ils redonnent ainsi son plein sens au mot «citoyenneté» tellement galvaudé dans les discours de gauche et de droite, dans la presse et par les ONG.

    Il y a donc fort à parier qu’ils ne se contenteront pas du replâtrage des politiques dites de lutte contre la pauvreté comme ils ne se laisseront pas embobiner par des projets de développement qui satisferaient encore une fois les intérêts non pas de la population ni des travailleurs mais des gros bonnets de la pêche ou les multinationales du tourisme qui ont déjà manifesté leurs convoitises sur la région. Car ce qui est nettement posé derrière leur mobilisation, c’est la question de qui contrôle réellement et du contrôle ouvrier et populaire sur les politiques publiques et de la démocratie.

    Ces enjeux sont d’autant plus importants que d’autres villes, dans le sud du Maroc, connaissent des mouvements d’ampleur similaire et sur des revendications de même nature, où la question de la dignité apparaît comme centrale (citons les luttes des populations de Tata, pour des services de santé gratuits et de qualité, les luttes des habitants de Bouarfa contre la surfacturation de l’eau, les luttes des mineurs contre des conditions de travail et de salaire à peine imaginables, et plus récemment les habitants de Bouizakarn…).

    Leur lutte est exemplaire et a une portée qui dépasse largement les limites de la ville, de la province et du Maroc.

    C’est pourquoi, sur le plan national et international la solidarité s’organise afin de faire de Sidi Ifni une victoire contre l’arrogance et l’égoïsme du capitalisme. Mais la victoire définitive contre cette arrogance ne pourra être amenée qu’avec l’alternative socialiste car il n’y a qu’avec une telle alternative qu’un pays comme le Maroc pourra être réellement démocratique, vu que dans les pays dominés les bourgeoisies locales sont trop inféodées à l’impérialisme et donc de par leur système incapable d’apporter l’indépendance de fait et le développement économique et social, et aussi vu que le socialisme implique le contrôle démocratique des travailleurs et des usagers, soit de la population, sur les richesses et moyens de productions à tous les échelons quant à comment produire, en quelle qualité et quantité, comment redistribuer ces richesses et biens.

    Puis, grâce au contrôle sur les moyens de production tels que les usines, les ports et autres biens de productions de richesses, biens et services par ceux qui y travaillent et qui les utilisent, il sera possible de répartir le travail entre toutes les mains disponibles et qui en font la demande, les moyens d’existence étant en possession de ceux qui les travaillent et les utilisent. Ainsi, par exemple, ce ne sera que grâce à la possession des hôpitaux et cliniques par les personnels et les usagers et la population qu’il sera possible d’obtenir des soins gratuits et de qualité, et une telle possession collective ne peut être issue que de l’alternative socialiste. C’est pourquoi, en définitive, les droits de la population de Sidi Ifni comme du reste de tout le Maroc ne pourront être obtenus que par l’authentique socialisme démocratique, qui n’a rien à voir ni avec le social libéralisme de l’USFP ni avec le stalinisme des organisations stalino-maoïstes marocaines ou des régimes de l’ancienne URSS et des pays de l’Est.


    Liste des personnes maintenues en détention et déférées devant la cour d’appel d’Agadir

    Mohamed El Ouahadani , Ahmed Boufim, Zinelabidin Radi, Abdelkader Atbib, Brahim Bara (Attac), Hassan Agharbi (Attac), Abdelmalek Idrissi, Zakarya Rifi (ANDCM), Khadija Zyane (CMDH), arrêté à Layoune le 26 août, en plus d’une autre personne à l’identité inconnue.

    D’autres sont poursuivis mais en liberté provisoire : Fayçal Moukhilif, Khalil Ezzin, Mounir Zakarya, Abderrahmane Ben Ahmed, Abdellatif Makiza, Bouchaib El Ghati, Khalid Bouchra, Brahim Boumrah, Hassan Moumni (Attac).

    Par ailleurs, Brahim Sebaalil (CMDH) a été jugé à 6 mois de prison et est actuellement à la prison de Salé.

  • Côte d’Ivoire: Lutte victorieuse contre l’augmentation des prix de la nourriture !

    Lutte victorieuse contre l’augmentation des prix de la nourriture !

    L’augmentation des prix de l’alimentation est un phénomène mondial. En Afrique, les protestations augmentent, couronnées de succès en Côte d’Ivoire.

    Jan Rybak, Sozialistische LinksPartei, section autrichienne du CIO

    Les travailleurs et les pauvres de Côte d’Ivoire ont prouvé que la lutte contre l’augmentation des prix est non seulement possible, mais aussi qu’elle peut être victorieuse.

    Des centaines de milliers de personnes, principalement des femmes, ont manifesté dans les rues d’Abidjan – la capitale de la Côte d’Ivoire – contre l’augmentation massive des prix de la nourriture et du carburant. La manifestation a été confrontée à une réponse brutale de la part de la police, qui a chargé la foule et a employé des gaz lacrymogènes. La police a aussi tiré sur la foule et a ainsi tué une femme et sérieusement blessé dix autres personnes.

    La foule s’est défendue en brûlant des pneus, tout en appelant la police à les rejoindre dans leurs protestations. Après deux jours de protestations de masse, le président Gbagbo a été forcé de céder et a donc réduit le prix des denrées alimentaires de base et de l’essence.

    L’augmentation importante des prix des principaux aliments signifie que chaque jour la famine touche plus de personnes. Josette Sheeran, responsable du programme alimentaire mondial de l’ONU, a commenté l’apparition d’un nouveau genre de crise alimentaire : « Nous voyons plus de faim dans les villes que jamais auparavant. Nous remarquons régulièrement qu’alors qu’il y a assez de nourriture sur les étagères, les gens sont affamés parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acheter. »

    Des protestations similaires à celles de Côte d’Ivoire augmentent partout à travers l’Afrique. Dans des pays comme le Cameroun, le Burkina Faso et le Sénégal, des mouvements de protestation semblables contre l’augmentation des prix de la nourriture ont eu lieu ces dernières semaines.

    Ce qui s’est produit en Côte d’Ivoire est une victoire pour les travailleurs et les pauvres. Cela va élever leur confiance ainsi que leur conscience et pourrait ouvrir la voie pour de nouvelles protestations et mouvements de masse.


    Pour en savoir plus:

  • Cameroun : Grève générale de masse contre la hausse des prix

    Interview d’un socialiste camerounais

    Une grève de masse conte la hausse des prix de l’essence, de la nourriture et d’autres produits de base a paralysé la plupart du Cameroun depuis le lundi 25 février. Quelques concessions mineures ont été accordées mardi soir par le gouvernement (telles que de baisser le prix de l’essence de 600 a 594 francs camerounais) dans une tentative de mettre un terme a la grève, mais sans succès. Du gaz lacrymogène a été lancé sur les manifestants à Douala et à Yaoundé, la capitale, et on dit qu’au moins six personnes ont été tuées.

    Naomi Byron

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    Courrier de lecteur

    Ne pas confondre émeutes et grève générale

    Le titre du dernier article sur la grève au cameroun ne reflète pas correctement la réalité.

    En fait, il n’y a pas eu de grève générale au Cameroun, mais une grève des transporteurs (chauffeurs de taxi pour la plupart), remarquablement suivie. Au moins là-bas, la question du "droit au travail" lors d’une grève ne se pose pas, ou alors à coup de barres de fer dans le pare-brise…

    Il a bien été question d’une extension du mouvement vers le 27/2, mais le syndicat des transporteurs a vite baissé son pantalon quand il a vu que le mouvement lui échappait, et contre une réduction symbolique du pris du carburant (6 FCFA). A propos, le Franc camerounais n’existe pas, il s’agit du franc CFA, monnaie commune à plusieurs pays de la région. 1000 FCFA = 1,5 €.

    Toujours est-il que la grève a empêché beaucoup de travailleurs de rejoindre leur poste…

    Certains ont sans doute refusé de faire 10 km (ou plus) à pied par solidarité, mais on ne peut pas parler de grève générale décidée et organisée consciemment par la classe ouvrière camerounaise dans son ensemble.

    Par contre, l’article passe sous silence certains aspects moins réjouissants de ce mouvement, tels que:

    – Emeutes et pillages dans les quartiers populaires de Douala (capitale économique) et dans d’autres villes

    – Violences et vandalisme dans ces même quartiers.

    – Répression policière dont le bilan, difficile à évaluer, tourne autour d’une vingtaine de morts.

    En conclusion, d’après les nombreux témoignages que j’ai pu récolter, il n’y a pas eu de grève générale, mais une grève sectorielle très bien suivie, sur laquelle s’est greffée un large mouvement de révolte spontanée et anarchique, alimenté par l’inflation galopante et les provocations du pouvoir (projet de modification de la constitution, fermeture d’une chaîne de télé indépendante…).

    Je ne critique pas ici ce mouvement spontané ni même ses manifestations les moins reluisantes, je dis simplement qu’il faut qualifier correctement ces développements.

    Car c’est justement, comme l’explique le camarade camerounais, l’absence d’alternative politique réelle et cohérente, qui donne lieu à ce type de mouvement sans direction ni but précis.

    La conséquence est très claire : aucune avancée pour les revendications de la population, et une répression féroce en prime. Seul point positif, il n’y a pas eu de dérapage ethnique au Cameroun.

    Dans un pays ou la corruption règne en maître, la construction d’un parti ouvrier intègre et indépendant du pouvoir est plus difficile mais d’autant plus indispensable si l’on veut qu’un jour les travailleurs puissent venir à bout des parasites qui les dirigent et des autres serviteurs zélés de l’impérialisme européen.

    J.L.
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    Ce mouvement montre le pouvoir immense que possèdent les masses laborieuses et les pauvres lorsqu’ils entrent en action. Cela fait trop longtemps que le gouvernement de Paul Biya, qui dirige le pays depuis 1982, est resté impuni tandis qu’il ignore la pauvreté et les luttes de la population, qui s’est trouvée de plus en plus désespérée, tandis que l’élite corrompue se remplissait les poches. La situation est aggravée par la faillite des partis d’opposition à réellement représenter les intérêts des travailleurs et des pauvres. Ce mouvement de grève est une réelle opportunité, non seulement pour forcer le gouvernement à baisser les prix, mais aussi pour le début de la fondation au Cameroun d’un parti de masse des travailleurs et des pauvres, basé sur la lutte.

    Naomi Byron (Parti Socialiste d’Angleterre et du Pays de Galle) a pu interviewer Charles Pa Douala:

    « Depuis ce matin (le 26 février), plus aucune voiture ne bouge, et toute activité a stoppé, parce que les gens ne peuvent pas aller au travail. Les routes sont barricadées par la population avec des morceaux de bois et toutes sortes de matériaux, à l’exception de quelques-unes ou les véhicules de la police et de l’armée peuvent passer. Les routes ont été transformées en terrain de football par les enfants. »

    « Il n’y a aucune activité; toutes les boutiques sont fermées. Aujourd’hui seulement, il y a une certaine tolérance – les gens qui vendent de la nourriture ont eu l’autorisation d’ouvrir, mais hier, ils ne pouvaient pas parce que même les magasins d’alimentation étaient bloqués. »

    « Au début, c’est le syndicat des chauffeurs de transport qui a organise la grève a cause de la hausse du prix de l’essence, mais maintenant tout le monde est impliqué. Maintenant que la population a repris la grève, nous demandons la fin de la hausse du coût de la vie. Les prix doivent être abaissés, ceux du pétrole comme ceux des denrées de base comme le savon, l’huile et la farine. »

    « Le prix de l’essence monte tous les mois. Ce qui a vraiment énervé les gens, c’est que le jour de notre victoire contre la Tunisie (pendant la Coupe de football des nations africaines), tandis que nous faisions la fête, le prix du pétrole a encore été augmenté. Certains d’entre nous veulent que le Cameroun soit éliminé de la Coupe des nations, parce que lorsque notre équipe nationale est en train de jouer, tout le monde est content de regarder le match et personne ne s’implique dans les luttes politiques. »

    « En ce moment, le pain coute toujours 150 FC, mais le prix a en fait augmenté parce que les boulangers ont diminué la taille du pain, même si le gouvernement prétend que le volume est resté identique. Le prix de l’huile de palme, dont nous nous servons pour cuisiner, est passé récemment de 500 à 750 FC, alors que nous avons les palmiers qui la produisent ici, au Cameroun. »

    « Le savon, jusqu’il y a peu, coutait encore 250 FC, mais il est maintenant à 350 FC alors que la plupart des Camerounais vivent avec moins d’un dollar par jour. Avec ces hausses de prix, nous ne pouvons plus rien acheter, même pas du savon. C’est pour ça que le gens sont si motivés par cette grève. »

    « Hier, il y avait étonnamment très peu de violence de la part de la police. La police a laissé les manifestants tranquilles, se contentant d’accompagner les cortèges et de modérer les actions. Hier après-midi, dans un quartier de Douala, la foule est parvenue à capturer 21 policiers et les a gardés plusieurs heures avant de les laisser partir. Mais aujourd’hui (mardi 26 février), ils sont venus avec des véhicules armés et des lacrymos pour disperser la foule. Dès qu’ils voient une manifestation, ils tentent de la disperser. La police et l’armée n’ont pas besoin d’utiliser la force, ils ont besoin d’utiliser le dialogue. Mais parce que les décisions ne viennent pas d’eux-mêmes, ils sont obligés de suivre les ordres d’en haut. Cependant, on nous a dit : si vous voyez un officier qui utilise la violence, ne résistez pas ; trouvez simplement son nom et son adresse, et on s’en occupera. Les flics le savent, ils ont tous très peur. »

    « Juste maintenant, à la prison New Bell a Douala, il y avait une grande foule de gens qui se dirigeaient vers la prison, disant qu’ils allaient défoncer les murs et libérer les prisonniers, mais ils ont été interceptés, avec des tirs de semonce pour les dissuader d’avancer. Ils voulaient rentrer dans la prison parce qu’il y a beaucoup de dirigeants du gouvernement qui ont été emprisonnés parce qu’ils ont volé de l’argent de la collectivité; la foule disait que ça ne valait pas la peine de les laisser en prison, mais qu’il valait mieux aller les rechercher et les forcer à rendre l’argent qu’ils ont volé au pays. »

    « Le gouvernement doit tenter de baisser les prix. Ils disent qu’ils n’ont pas un contrôle total sur l’essence, qu’ils ne peuvent pas simplement diminuer les prix comme ça et qu’on doit leur laisser le temps. Mais on leur a donné une liste des prix auxquels les marchandises devraient être vendues pour satisfaire les gens. C’est la solution que nous recherchons. Tant que rien n’est fait, la grève continuera aussi longtemps qu’il le faut. Jusqu’à demain, s’il n’y a aucun développement favorable, les marchés resteront fermés, mais mardi, on les laissera s’ouvrir pour que les gens puissent acheter à manger; le reste de la journée, nous continuerons la grève. C’est un mouvement très populaire, d’un genre qu’ont n’a jamais vu auparavant au Cameroun. C’est une grande première ! »

    « Aujourd’hui, les gens n’ont que très peu de confiance dans les figures de l’opposition, parce qu’ils ont leurs propres problèmes. Ils se concentrent sur la campagne contre la nouvelle constitution proposée par le gouvernement (qui permettrait au président Biya de rester au pouvoir après son mandat actuel qui doit expirer en 2011) mais nous, le peuple, disons que le coût de la vie est trop cher. C’est pourquoi les chefs de l’opposition refusent de diriger ce mouvement, parce qu’ils ont leurs propres intérêts à défendre, tandis que les masses continuent à construire le mouvement tandis que nous discutons. C’est plus puissant que ce que quiconque aurait cru. »

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