Category: Privé divers

  • Après une longue grève, les travailleurs de Bridgestone reprennent le travail

    Vendredi dernier, l’assemblée générale a accepté le projet d’accord entre les syndicats et la direction avec 63 votes pour, 47 contre et une abstention sur un total de 111 présent. Cet accord prévoit le reclassement externe des 8 travailleurs licencié dans des entreprises de la région avec des salaires censé être identiques à ceux qu’ils percevaient à Bridgestone et une prime de départ.

    Ben (Hainaut)

    L’accord prévoit aussi la transformation d’une bonne partie des travailleurs sous CDD en contrat à durée indéterminée. Il y a également une sorte de volet « sécurité d’emploi » pour les 132 ouvriers restant, ainsi que la promesse de la direction de ne plus prévoir de restructuration. Enfin, à tout cela s’ajoute le fait que les syndicats proposeront pour le 15 septembre au plus tard une proposition de CCT 90, permettant la mise en place d’un système de prime nette d’impôt en fonction d’objectif déterminé de production.

    On peut bien évidemment douter de l’utilité du volet « sécurité d’emploi » puisqu’il en existait déjà un avant le conflit et que le patronat de Bridgestone ne l’avait pas respecté mais cet accord est tout de même légèrement meilleur que le précédent. Il est seulement un peu surprenant que les syndicats acceptent une augmentation du rythme de travail pour quelques primes.

    Quel bilan tirer ?

    Si le patron a du faire certaines concessions, c’est grâce à la solidarité et au courage des ouvriers de Bridgestone car ils ont montré une combativité et une capacité de résistance au patronat longtemps oubliée dans la région. Avec 58 jours de grèves, ce conflit est l’un des plus long que la région de Mons Borinage ait connu. Chaque ouvrier de Bridgestone devrait donc reprendre le travail avec fierté et ne pas laisser le management croire que le rapport de force est en sa faveur.

    Cependant, la reprise du travail va être difficile, c’est toujours le cas suite à de pareils conflits, et c’est dans ces moments la qu’il faut se serrer les coudes. Des conflits comme celui-ci sont rares, ils nous permettent de renouer avec la lutte collective, la seule méthode qui paye. Si on en tire les leçons, on peut apprendre vraiment beaucoup grâce à ce type de conflits. Faire le bilan du conflit est donc utile.

    Ce genre de bilan doit être discuté, mais selon nous, l’absence d’assemblée générale régulière et d’un comité de grève a contribué au fait que la grève se termine ainsi. C’est plus pratique d’avoir des assemblées car ça permet à tous les travailleurs de participer. Ensuite, pour contrecarrer les tactiques et les manœuvres du patronat, mettre en place un groupe de travailleurs autour des délégués aurait permis une organisation plus concrète et la possibilité de prendre des initiatives plus facilement. L’une d’elles aurait pu être de mettre en place un système de visites à domicile des travailleurs pour les tenir informé et s’assurer qu’ils n’ont pas trop de difficulté financière ou familiale. Avec de tels mécanismes, la cohésion des travailleurs se trouve renforcée, et aussi bien ceux souvent présent au piquet que ceux qui sont pris par d’autres obligations se sentiraient partie prenante dans le mouvement.

    Sur le piquet, le sentiment qu’on ne gagne pas une grève sur les 10 m² devant l’entreprise était présent. Beaucoup discutait de la nécessité de populariser et d’élargir le soutien au conflit. C’est avec cette idée en tête que les militants du PSL ont essayé d’aider du mieux qu’ils pouvaient. Nous avons participé pleinement au comité de soutien, nous avons distribué des tracts et essayé de populariser la grève sur nos lieux d’interventions habituels. Nous avons fait appel aux délégations et aux syndicalistes avec qui nous sommes en contact pour leur proposer de voter des motions de soutien.

    Au début de l’année, les travailleurs de Bekaert sont rentrés en lutte, et c’est intéressant d’y jeter un œil car la solidarité en dehors de l’entreprise qu’ils étaient parvenus à obtenir nous a fortement impressionné. Ils ont organisé des distributions de tract dans les entreprises du coin et ils ont été discuter directement de leur situation. Peut être qu’on aurait pu faire ça a Bridgestone, on a tous vu qu’il existait des possibilités énormes pour organiser un soutien large dans les entreprises notre région, on a vu beaucoup de délégué, de travailleur et d’habitant de la région montrer des marques de soutien et de solidarité. Le syndicat ou peut être un comité de grève aurait pu organiser ces distributions de tract et ces prises de paroles dans les entreprises du zoning pour organiser le soutien. Et si la proposition d’une grève régionale de solidarité de 24h pouvait paraître téméraire en période de vacance, proposer une manifestation régionale de soutien comme ça été fait à Bekaert aurait été possible.

    Pour un relais politique aux luttes.

    Un point de conclusion dans le conflit, c’est certainement l’isolement de la lutte sur le plan syndical. On sait que sans relais politique, une délégation syndicale est presque irrémédiablement vouée à l’échec. Les relais traditionnels des syndicats ne sont plus prêt à mener la lutte pour défendre chaque emploi. PS et CDH ont beau faire de grandes déclarations, dans les faits ils sont dans tous les mauvais coups contre les travailleurs. Il faudrait que la FGTB et la CSC coupent leurs liens avec ces partis traditionnels. Et pour que nos revendications soient portées au niveau politique, il nous faut un nouveau parti des travailleurs, un parti créé par et pour les travailleurs, un parti de classe qui se fait le porte parole politique des revendications syndicales.

  • Motion de solidarité avec les travailleurs de Bridgestone Frameries et commentaires

    Les 140 ouvriers de Bridgestone Aircraft Tyres à Frameries, spécialisé en rechapage de pneus d’avion, sont en grève depuis le 11 juin. Ils réagissent ainsi face au licenciement brutal de 8 ouvriers, dont le délégué principal de la FGTB. La direction tente de justifier ces licenciements par sa décision de délocaliser le magasin "pneus" à Zeebrugge dans une entreprise tierce et invoque des raisons techniques et de sécurité. Cependant, il n’y a eu aucun audit, aucun document de non-conformité, aucune justification ou preuve de la nécessité de fermer le magasin.

    En agissant de la sorte, la direction ne respecte pas la dernière convention collective de travail conclue sur le plan de l’entreprise pour les années 2007-2008 et 2009. L’article 1 de celle-ci intitulé "sécurité d’emploi" stipule que: "L’entreprise mettra tout en œuvre en vue d’éviter des licenciements pour raisons économiques et techniques. Si des difficultés surviennent en la matière, il est préalablement instauré un régime de chômage partiel, si possible par roulement."

    Bridgestone n’est pas une entreprise en difficultés. Elle contrôle 50% du marché du pneu pour compagnies aériennes en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Les bénéfices nets après impôts du site de Frameries s’élèvent à quelques 5,2 millions d’euros, dont plus de la moitié a été versé aux actionnaires. L’entreprise a bénéficié de plus d’un milliard d’euros de dons publics: 591.941 euros avec la déduction des intérêts notionnels, 358.559 euros en réductions de cotisations à la sécurité sociale et 189.997 euros en économies au niveau de la formation.

    La direction a quand même réservé une petite récompense :

    • 1 mois de salaire pour les ouvriers ayant moins de 10 ans d’ancienneté;
    • 1,5 mois de salaire pour ceux ayant entre 10 et 20 ans de service;
    • 2 mois de salaire pour ceux ayant plus de 20 ans de fidélité à l’entreprise.

    Ce montant s’ajoute au préavis légal des ouvriers concernés de 28 jours à 210 jours selon l’ancienneté.

    La Direction aurait examiné le reclassement des 8 ouvriers du magasin au service "production". Hélas, cette réflexion, n’a débouché sur rien! Pourtant, il y a 24 prépensionnables dans le service "production" et dans les 12 mois qui viennent, il y a une quinzaine de CDD dont le contrat se termine. On pourrait aussi faire du crédit-temps, et bien entendu organiser le chômage partiel comme exigé par la CTT d’entreprise.

    Mais ce n’était évidemment pas le but de la direction. Elle voulait par contre provoquer une grève afin de changer les relations de force dans l’entreprise et faire ainsi retourner les travailleurs au travail sur les genoux. Il parait même qu’une liste noir d’au moins encore 30 travailleurs circule. Mais la direction ne s’était probablement pas imaginé que la solidarité tiendrait aussi longtemps.

    La semaine dernière, la direction a écrit à tous les travailleurs, les menaçant de reprendre le travail. Après 6 semaines de grève, elle veut sonder combien de travailleurs se trouvent tellement en difficultés qu’ils veulent reprendre le boulot. S’ils sont 20 à 30 à vouloir reprendre, la direction commencera l’offensive avec des requêtes unilatérales et des astreintes afin d’écarter le picket.

    Les grèvistes revendiquent

    • l’annulation des huit licenciements
    • la reprise des travailleurs dans le poste de production
    • le respect de la convention collective de travail du secteur
    • Que les contrats à durée déterminée soient transformés en contrat à durée indéterminée

    Pour marquer votre solidarité avec la grève: route de Bavay, 7080 Frameries, à proximité de l’autoroute. Vous pouvez également faire un don au numéro de compte 035-7064230-52


    Exemple de motion de solidarité

    A renvoyer à Ben ou Lucas.

    Motion de solidarité avec les travailleurs de Bridgestone Aircraft Tyre – Frameries

    Votre lutte, c’est la nôtre!

    • Reprise des huit travailleurs licenciés
    • Respect de la CCT
    • Transformation des contrats à durée déterminée en contrats de durée indéterminée

    Si Bridgestone s’en sort ainsi, d’autres entreprises suivront.

    De la part de: [nom, fonction,…]

  • Solidarité avec les travailleurs de Bridgestone à Frameries – Reportage photos

    Depuis près d’un mois, les 140 ouvriers des 180 travailleurs de Bridgestone à Frameries sont en grève contre le licenciement de huit de leurs camarades. Voici quelques photos prises lors d’une visite d’une délégation de membres du PSL.

    Par Elisa (Hainaut)

  • La grève continue chez Bridgestone à Frameries

    Depuis près d’un mois, les 140 ouvriers des 180 travailleurs de Bridgestone à Frameries sont en grève contre le licenciement de huit camarades suite à l’annonce de fermeture du magasin de stockage de pneu d’avion. Il n’y a pourtant aucune raison valable pouvant justifier de tel licenciement : l’entreprise se porte bien, le profit net après impôt étant de 5 millions d’euros pour l’exercice 2008.

    Ben (Hainaut)

    Beaucoup d’interrogations subsistent concernant ces licenciements. Tout d’abord, il existe des possibilités de reclassement au sein de l’entreprise et, d’autre part, certains travailleurs sont prépensionnables. Si l’on ajoute à cela le fait que le délégué principal fait partie des travailleurs licenciés, on est en droit de penser que la direction teste la combativité des travailleurs. Pour la direction, c’est d’ailleurs d’autant plus nécessaire de part le fait que, chez Bridgestone, le rapport de force est plus favorable aux travailleurs que dans bon nombre d’autres entreprises.

    Dans la région, beaucoup connaissent en effet la combativité des travailleurs de Bridgestone, ils étaient présent lors des actions nationales pour le pouvoir d’achat et l’emploi de ces dernières années, et ceux-ci avaient été capable de mener à la victoire une grève pour des revalorisations salariale il y a deux ans. Cela explique d’ailleurs le nombre important de marque de soutien et de solidarité dont font preuve les travailleurs d’autres entreprises de la région. Il n’y a pour le moment aucune amorce d’accord avec la direction, on est donc en droit de penser au vu de la détermination des travailleurs et de l’arrogance de la direction que le conflit va durer encore quelques semaines.

    Un comité de soutien aux grévistes vient d’être lancé ; le Parti Socialiste de Lutte apportera évidemment toute l’aide et la solidarité qu’il peut aux travailleurs en lutte et appelle qui le peut à participer au comité de soutien en création.


    Adhérez au groupe facebook : «Mouvement de solidarité des travailleurs de Bridgestone Frameries»

  • Occupation d’usine à La Louvière – Solidarité avec les travailleurs de Royal Boch !

    Solidarité avec les travailleurs de Royal Boch !

    Depuis le 18 février, les travailleurs de Royal Boch occupent leur faïencerie louviéroise. Après avoir été placé sous concordat en novembre dernier, le site est aujourd’hui menacé de fermeture. Le dépôt de bilan aurait dû s’effectuer le jeudi 19 février, mais le Tribunal de commerce de Mons l’a reporté d’une semaine. L’entreprise devrait finalement être déclarée en faillite ce jeudi.

    Par Stéphane D. (Hainaut)

    Le site louviérois est confronté à de moins en moins de commandes, la grande majorité de la production étant déjà délocalisée en Pologne, au Portugal et en Thaïlande. Il s’agit déjà de la quatrième faillite sur ces 30 dernières années… Il y a eu jusqu’à 1.600 travailleurs dans cette usine, pour moins d’une cinquantaine actuellement après les différentes restructurations.

    Nous avons pu visiter le site, dont le processus de dégradation, que ce soit l’infrastructure ou les machines, semble toucher à sa fin. Des murs et plafonds qui s’effritent, de nombreuses fuites laissant s’écouler l’eau les jours de pluie, certaines machines toujours utilisées depuis 50 ans, certaines machines « neuves » présentes depuis 2 ans mais qui ne sont pas opérationnelles,…

    Les travailleurs, en chômage économique depuis le 1er janvier, ont décidé d’occuper l’usine. Ils protestent contre la fermeture probable de leur entreprise et, si tel est le cas, pour obtenir un plan social correct qui n’est pas du tout assuré à ce jour. Beaucoup d’entre eux n’ont connu que cet emploi et sont convaincus qu’ils n’en trouveront pas d’autre.

    Ces derniers mois, des repreneurs se sont fait connaître, mais aucun de manière sérieuse. La Région wallonne n’est pas prête pour sauver les emplois de la faïencerie si aucun investisseur privé ne se manifeste. Royal Boch a des dettes à hauteur de 16,3 millions d’euros, dont 12,3 millions sont réclamés par le baron Frédéric de Mevius, administrateur, dont la famille est un des plus grands actionnaires d’ABInbev.

    La crainte des fermetures et des pertes d’emploi est ressentie partout en Belgique, et même dans le monde, et pas uniquement dans cette usine. Seuls, en luttant chacun dans notre coin, nous ne pouvons rien faire. Une lutte d’ensemble doit être opposée à la volonté générale du patronat de faire payer leur crise aux travailleurs. C’est nous qui produisons les richesses, ce n’est pas à eux d’en profiter en nous pressant au maximum avant de nous jeter ! Une marche nationale pour l’emploi serait un bon moyen de commencer à organiser la riposte générale des travailleurs.


    En soutien avec les travailleurs de la faïencerie Royal Boch

    La Cie maritime et l’atelier théâtre «Les eaux vives» présenteront la pièce «Tu vas encore faire pleurer tout le monde» ce mercredi 25 février, à 19h, à la faïencerie occupée par les travailleurs, à La Louvière.

  • Le textile rayé de la carte en Flandre

    Le secteur textile est en train de disparaître en Flandre, envoyant des milliers de travailleurs au chômage. Doit-on simplement accepter ces fermetures et se contenter de négocier de « bons » accords sociaux ? Ou une vraie lutte pour sauver les emplois est-elle possible ?

    Par Benoit (Gand)

    En Belgique, l’industrie textile est un secteur industriel actuellement en grande difficulté. Au premier trimestre 2007, il avait déjà connu une baisse de production de 8 % en moyenne. Ces dernières semaines, plus de 2.000 travailleurs de ce secteur ont été licenciés. En même temps, les directions ont annoncé la délocalisation de certaines productions. L’entreprise Bekaert Textiles, par exemple, a l’intention de produire ses tissus à matelas à moindre coût (lire : à de moins bonnes conditions de travail et de salaire) en Turquie et en Tchéquie.

    Ces fermetures s’expliquent par le recul des ventes dans des pays qui sont les débouchés les plus importants du textile belge : 15% en Grande-Bretagne (notamment à cause de la position très faible de la livre sterling face à l’euro) et même 30% en Espagne. De plus, il est probable que ces deux pays entrent bientôt officiellement en récession. Une baisse des investissements ou de la consommation là-bas aura également des répercussions ici sur la demande de main d’œuvre dans le secteur textile. La suite logique est une spirale négative de baisse des salaires et du pouvoir d’achat ainsi qu’une augmentation du chômage.

    « Comme au chantier naval Boelwerf et pour les mines, on laisse purement et simplement tout tomber »

    Face à la vague de licenciements de ces dernières semaines, les politiciens n’avaient visiblement pas de solution à apporter ; ils n’en ont donc rien dit. Et pourtant, c’est toute une région qui est sinistrée. La fermeture de Domo, à Zwijnaarde, a signifié la perte d’emplois pour 91 ouvriers et 47 employés. Chez Uco, à Gand, 393 personnes ont perdu leur boulot ; la production déménage en Roumanie. Chez Beaulieu, à Wielsbeke et à Ninove, 387 emplois ont volé à la trappe. Une semaine plus tard, Bekaert Textiles, à Waregem, a fermé à son tour : 281 emplois disparus. Et ce n’est pas encore fini.

    Lors de la journée d’action pour le pouvoir d’achat, les travailleurs du textile ont manifesté à Gand. Dans les discours, l’accent a été mis sur l’obtention de bons accords sociaux, mais aucune proposition claire n’est venue pour éviter les fermetures. Pourtant, le MAS pense que c’est possible en se servant des bénéfices engrangés ces dernières années pour maintenir l’emploi et mettre la production sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes. Pour une perte de plus de 2.000 emplois, seuls 158 travailleurs devraient être recasés ? Que fait-on des années d’expérience des autres travailleurs ? Où doivent-ils aller ?

    Quel chemin suivre ?

    Les faillites placent les travailleurs dans une position délicate parce qu’il serait soi-disant impossible de continuer à faire tourner l’entreprise. Mais si l’on considère les bénéfices de Bekaert par exemple, on obtient une tout autre image. Début août, cette entreprise a annoncé une augmentation du bénéfice net de 73% en 2007 pour atteindre 126 millions d’euros. Avec cette somme, des tas d’emplois peuvent être créés en plus des emplois existants. Pourtant, les licenciements ont été « justifiés » parce qu’il n’y avait pas assez de bénéfices.

    Il existe pourtant des exemples de lutte réussie pour le maintien des emplois dans des entreprises condamnées. Ainsi, les Forges de Clabecq, une entreprise métallurgique du Brabant wallon, a été sauvée après une longue lutte acharnée à la fin des années ’90. Cette lutte, animée par une délégation syndicale très combative, s’est maintenue jusqu’à la reprise par le groupe Duferco.

    Comme le disait Roberto D’Orazio, le délégué principal FGTB, « Cela fait des années que l’on essaye de convaincre les travailleurs de ce pays que les fermetures sont inévitables. Le système mène sans interruption une campagne consciente et programmée de démoralisation. Le message est simple : regardez autour de vous, la résistance des travailleurs est un coup d’épée dans l’eau. Mais à Clabecq, cela s’est passé autrement. Dans nos esprits, il n’y avait pas de place pour l’exclusion, le chômage, la privation et l’injustice. Et finalement, notre combat a connu un une issue positive: le redémarrage de l’usine… »

  • Grève des bagagistes à l’aéroport de Zaventem

    Depuis dimanche soir, les bagagistes de la société Aviapartner de l’aéroport de Zaventem étaient partis en grève pour protester, entre autres, contre la surcharge de travail due au manque structurel d’effectifs, contre les horaires inhumains et pour de meilleurs conditions salariales. Rapidement, les salariés bagagistes de la société Flightcare -l’autre société de traitement de bagages présente à Zaventem- avaient débrayé à leur tour, en solidarité avec leurs collègues.

    Mardi après-midi, les nouvelles propositions de la direction avaient été rejetées au cours d’un référendum par une large majorité de 70% des travailleurs d’Aviapartner, de 58% chez Flightcare, exprimant clairement la détermination des travailleurs à ne pas se contenter de maigres concessions. Une majorité des deux tiers étant pourtant requise pour poursuivre la grève, une partie du personnel de Flightcare avait repris le travail en fin de journée. L’ensemble des bagagistes ont finalement repris le travail au cours de la nuit, suite à un accord intervenu entre syndicats et direction d’Aviapartner, qui prévoit entre autres de remplacer un certain nombre de contrats temporaires et de contrats à temps partiel en contrats à durée indéterminée et à temps plein.

    Dès le début de la grève, tous les médias du pays se sont empressés de cracher leur haine contre les grévistes « preneurs d’otages » et leur « grève sauvage », remettant une fois de plus en cause le droit de grève par l’introduction d’un service minimum. Le vieil outil de la division des travailleurs (grévistes= travailleurs méchants / voyageurs = bons travailleurs qui pestent contre les travailleurs méchants) battait son plein dans les colonnes des journaux. La palme de la mauvaise foi revient sans doute à l’édito de Bernard Demonty (Le Soir de ce mardi 12 août), affirmant qu’ « en cette période de pouvoir d’achat réduit, un, deux ou trois jours de vacances qui s’envolent, c’est encore plus douloureux qu’hier ». Certes, la crise du pouvoir d’achat rend de plus en plus difficile pour beaucoup de familles de se payer des vacances, et beaucoup doivent rogner sur leur budget pour pouvoir s’offrir un peu de repos une ou deux semaines par an. Mais tout le cynisme vient du fait que ce même journal ne s’est pas gêné pour fustiger les actions syndicales que de nombreux travailleurs ont menées ces derniers mois pour exiger une augmentation de leur pouvoir d’achat !

    Que dire, par exemple, de la page 3 qui rend compte des réactions prises sur le vif auprès de différents voyageurs présents à l’aéroport durant la grève ? Sur les quatre personnes interrogées, trois sont contre la grève et la dernière indifférente. « Je n’ai aucune empathie pour les grévistes », dit la première. « Un peu dur comme début de vacances », affirme le deuxième. « Les voyageurs sont une fois de plus pris en otages », enchaînent les troisièmes. Les médias voudraient dresser l’ensemble de l’opinion contre les grévistes de l’aéroport qu’ils ne s’en seraient pas pris autrement. Non pas que nous voulions nier les frustrations que peuvent engendrer les retards ou déviations de vol pour les voyageurs qui avaient reservé leur avion ces jours-ci. Mais les questions à se poser sont les suivantes : 1) qui est fondamentalement responsable de cette situation ? 2) la grève se fait-elle contre les voyageurs ou dans leur intérêt ? 3) les voyageurs sont-ils tous farouchement opposés à l’action de grève et insensibles aux revendications des bagagistes ?

    Tentons de répondre à ces questions…

    Grève sauvage ou travail sauvage ?

    La société FlightCare a décidé, pour l’exercice 2007, d’affecter la somme de 7.992.837 € à la rémunération de ses actionnaires. Soit une augmentation de 17,02% par rapport aux dividendes distribués au titre de l’exercice 2006. (Source: Banque Nationale de Belgique). En comparaison, le salaire moyen d’un bagagiste tourne autour des 1200 euros. En ce qui concerne les conditions de travail, le tableau n’est pas plus rose. Un des travailleurs du check-in nous expliquait qu’en général, les bagagistes ne font pas long feu au sein de la société, du fait de l’énorme pression au travail et « des horaires de fou », pour reprendre ses propres termes. Cette même personne nous expliquait également que si, par le passé, l’équipe de bagagistes chargée de décharger un avion était au nombre de 6 ou 7, ils ne sont plus que 2 ou 3 actuellement pour effectuer la même quantité de travail. Ces informations sont corroborées par Jan Dereymacker – de la CNE, le syndicat chrétien- qui affirme qu’ « il est rare qu’une personne travaille ici plus de cinq ans d’affilée, car les conditions de travail et les horaires sont pénibles. » Les horaires difficiles, résultat direct du sous-effectif, sont en effet particulièrement criants et sont un des points de revendications central des travailleurs : flexibilité sans cesse revue à la hausse, horaire différent chaque jour, heures supplémentaires non-payées, connaissance des horaires mensuels seulement une semaine à l’avance, suppression des pauses pour des raisons de rentabilité,…

    Ce ne sont pas les travailleurs qui prennent les voyageurs en otage, mais bien la direction des deux compagnies qui prend ses propres travailleurs en otage et les presse comme des citrons pour en tirer un maximum de profit. Tout cela se fait au détriment non seulement des salariés, mais aussi des conditions de sécurité et de confort alloués aux voyageurs. Si, par exemple, les voyageurs doivent attendre autant de temps avant de récupérer leurs bagages après l’aterrissage, qui en est responsable ? Les bagagistes qui ne font pas leur boulot assez vite, ou la direction qui refuse d’engager plus de personnel ?

    Info ou intox ?

    En ce qui concerne la vision relayée par les médias, représentant tous les voyageurs comme des « mangeurs de grévistes », nous avons pu nous rendre compte par nous-mêmes que la réalité est quelque peu différente. Les quelques passagers avec qui nous avons pu discuter, malgré les désagréments que pouvaient entraîner les retards ou déviations de leur vol, exprimaient de la compréhension quant aux raisons qui avaient poussé les travailleurs à partir en grève, l’un deux affirmant même que « de toute façon, ils n’ont pas d’autre choix pour se faire entendre », un autre qu’ « à leur place, j’aurais probablement fait pareil », ce dernier nous ayant même acheté un exemplaire de notre journal l’Alternative Socialiste. Et lorsque nous avons croisé des journalistes de la RTBF, qui venaient d’interroger un manager de la compagnie, et que nous leur avons demandé pour pouvoir exprimer notre point de vue sur la grève, ils nous ont répondu « que ce n’était pas leur travail d’interroger des voyageurs, qu’une autre équipe était responsable pour ça. » Etrangement, quand nous avons rencontré cette autre équipe, elle ne daigna pas nous interroger non plus; visiblement elle n’était intéressée que par les voyageurs anti-grève…

    Les perturbations engendrées par la grève, largement étalées dans les médias jusqu’à l’écoeurement, ne peuvent masquer la similitude entre la situation que connaissent les bagagistes de l’aéroport de Zaventem et celle présente dans de nombreux secteurs. Cette grève des bagagistes ne peut en aucun cas être déconnectée des luttes qui ont pris place ces derniers mois partout dans le pays. Voilà pourquoi il est important que tous ces travailleurs puissent compter sur notre pleine solidarité.

  • Grève à Luminus: Le CAP est solidaire.

    Alors que jamais les grosses entreprises ne se sont portées aussi bien, les coups pleuvent sur les travailleurs. Ce mardi, les travailleurs de la SPE (Société de Production d’Electricité) étaient en grève pour protester contre le plan de restructuration particulièrement brutal de la direction. Le CAP était présent à leur piquet de Liège.

    Ces travailleurs produisent l’électricité vendue sous le nom de « LUMINUS ». Si la direction arrive à faire passer son plan, ils seront 30% de moins à assurer la production dans le Sud du pays. Cela signifie que 47 emplois vont disparaître « pour toujours plus de profits, au mépris des travailleurs », comme l’explique le tract du front commun FGTB-CSC. Ce plan est de plus une rupture d’un protocole d’accord datant de 2005. On sait à quel point les directions sont promptes à s’assoir sur les promesses faites aux travailleurs…

    Cette restructuration a été rendue publique le 31 janvier 2007. Depuis lors, 15 réunions entre le personnel et la direction ont eu lieu, desquelles rien n’est ressorti si ce n’est l’arrogance de la direction. Lors de ces négociations, la direction avait proposé de diminuer les licenciements de 30% du personnel à 20%. Solidaire de chaque emploi, les travailleurs ont voulu continuer les discussions, face à quoi la direction a décidé unilatéralement d’appliquer le plan initial à partir du 1er juin.

    Pour les travailleurs, cette restructuration a une logique visant à éliminer les anciens contrats. Trois contrats différents existent déjà, et la différence salariale entre le premier et le troisième est de 40% ! « On vire et on engage des sous-statuts » dénonce un gréviste. « C’est la crainte à long terme pour la lutte, nous serons de moins en moins à défendre ces anciens statuts et leur élargissement aux autres travailleurs » dit-il encore.

    De l’arrogance de la direction, il en est encore question au sujet des sous-traitants. Le directeur Luc Sterks a récemment déclaré à la presse « oui, à Liège, nous engageons ». Foutaises, répondent les travailleurs de la SPE qui dénoncent, aux même titre que les sous-traitants présents au piquet, des jobs précaires à 1.000 euros le mois dans des conditions épouvantables. Ecoutés, enregistrés, parqués dans des « box à lapins », personne ne s’étonne de la rotation du personnel. « Nous sommes peu nombreux à tenir plus de quelques mois » nous dit, épuisée, l’une des travailleuses de l’entreprise de sous-traitance CALLIT. Pendant le piquet, cette entreprise cherchait d’ailleurs des cars pour emmener ses travailleurs bloqués par les grévistes de la SPE bosser à Hasselt…

    Accompagnant la casse sociale, la casse écologique.

    Les conséquences de cette restructuration seront nombreuses, et concernent également l’écologie. Car la production « verte » assurée par les centrales hydrauliques sera délaissée au profit des centrales thermiques (qui fonctionnent au gaz, au nucléaire,…). Des milliers de tonnes de CO2 supplémentaires (250.000 exactement) seront chaque année déversées dans notre atmosphère pour la seule soif de profit de la direction et des actionnaires. A l’heure où s’enchaînent les débat sur l’environnement et le protocole de Kyoto, cette décision se distingue par son mépris de l’avenir des travailleurs et de leurs enfants qui auront à vivre sur une planète combien déteriorée si les choses continuent à ce rythme. Cette préocupation est d’ailleurs bien présente parmi les travailleurs. « J’ai des enfants, que va-t-on leur laisser ? » nous explique avec angoisse un gréviste.

    Une autre politique est nécessaire !

    Inévitablement, il est question de la politique et des politiciens traditionnels. Nos tracts sont très bien acceuillis et permettent d’engager la discussion sur d’autres thèmes. Le communautaire si cher à nos politiciens ? « On s’en fout » répondent en choeur plusieurs travailleurs, « on essaye d’abord de joindre les deux bouts ». Et si peu de gens réagissent « beaucoup ne se rendent compte de rien en étant trop la tête dans leurs problèmes, ça devient grave ». Il est difficile de voir à quel point nos tracts ont été bien reçus, mais nous n’avons eu que des réponses positives, il est évidemment difficile de défendre la politique des partis traditionnels quand on est convaincu de partir en grève…

  • 2.500 euros d’astreinte pour faire respecter ses droits…

    Kintetsu – Liège Airport

    Fin juin, la direction de la société Kintetsu, une société japonaise de traitement logistique de fret aérien, a annoncé sa volonté de délocaliser sa succursale liégeoise vers les Pays-Bas. Cela concernait les 18 travailleurs employés directement par la firme et une vingtaine d’autres en sous-traitance.

    Nicolas Croes

    Lors d’une réunion de conciliation, les travailleurs se sont rendus compte que la société avait renoncé à prolonger son bail fin mars sans avertir ses employés de la future fermeture du site, ce qui est contraire à la loi sur les fermetures d’entrteprises. Les syndicats ont donc demandé à voir les procès-verbaux des conseils d’administration ainsi que les bilans de ces 5 dernières années. En vain. Finalement, un préavis de grève a été déposé pour protester contre le manque de communication, qui se faisait uniquement par l’intermédiaire d’avocats, ralentissant considérablement toute réponse de la direction, mais aussi contre les conditions de licenciement et de prépension.

    Le 22 septembre, les travailleurs sont partis en grève… pour recevoir le 25 une ordonnance du Tribunal de première instance de Liège. Celle-ci ordonnait « vu l’extrême urgence et l’absolue nécessité » de laisser libre accès au site et d’interdire à toute personne non-autorisée par la direction de pénétrer dans les locaux administratifs sous peine d’une astreinte de 2.500 euros par personne et par infraction ! Remarquons ici le rôle « conciliateur » de la justice, puisque les avocats de la société avaient demandé des astreintes de 10.000 euros…

    Il reste à apprécier les citations dont était parsemée la requête de la société telles que « le conflit du travail ne peut porter atteinte à l’employeur d’exploiter son entreprise commerciale ou industrielle ». Que reste-t-il alors aux travailleurs pour faire pression sur un patronat uniquement obnubilé par ses profits? Jouer aux cartes en signe de protestation?

    Il faut réagir aux attaques contre le droit de grève! Une argumentation juridique peut être élaborée, mais la meilleure réponse est évidemment la solidarité.

    A chaque attaque contre le droit de grève doivent répondre plus de grèves encore, les problèmes ne manquent pas dans les entreprises pour étendre les revendications à plusieurs sites. Mais pour cela, il faut sortir de la logique de « syndicats de services » et renouer avec les traditions du syndicalisme de lutte par lequel tous nos acquis ont pu être obtenus.

  • 50e anniversaire de la catastrophe minière de Marcinelle

    50e anniversaire de la catastrophe minière de Marcinelle

    Le 8 août 1956, la plus grande catastrophe minière que la Belgique ait connue se produit dans la mine du Bois du Cazier, à Marcinelle (près de Charleroi). Elle fait 262 victimes, de douze nationalités différentes, dont plus de la moitié sont des italiens. Cinquante ans plus tard, les causes du drame – les mauvaises conditions de travail et le manque de sécurité – sont toujours d’actualité… même si la grande presse n’en parle guère.

    Marie Francart

    Rappel des faits

    Le 8 août, à 8h10 du matin, 274 mineurs viennent de se mettre au travail, lorsqu’un ouvrier-encageur qui travaille dans la mine, commande la remontée de wagonnets de charbon vers la surface. Un des chariots, mal engagé, dépasse de la cage métallique qui le hisse et accroche, lors de sa remontée, une poutrelle. Celle-ci sectionne deux câbles électriques à haute tension, une conduite d’huile sous pression et un tuyau d’air comprimé. Les boiseries s’enflamment aussitôt. Attisé par l’action d’un ventilateur, l’incendie se propage, répandant des gaz carboniques mortels dans les galeries où travaillent les mineurs, à une profondeur de plus de 900 mètres. C’est ainsi que ce qui aurait pu être un simple incident technique s’est transformé en véritable catastrophe.

    L’épais nuage de fumée noire qui sort du puits alerte rapidement le personnel de surface ainsi que les proches des mineurs qui viennent s’accrocher aux grilles du puits afin d’obtenir des nouvelles de leur parent prisonnier du brasier. Malgré le travail acharné et de longue haleine (pendant 2 semaines) des équipes de secours, seuls 6 mineurs – remontés quelques minutes après le drame – sortiront vivants de la mine. Les 262 autres mineurs périront, asphyxiés par le monoxyde de carbone.

    Mépris de la classe ouvrière

    Tandis que les journalistes (cet événement est un des premiers à être retransmis en direct à la télé ) et les autorités (le roi Baudouin lui-même se déplace pour l’occasion !) peuvent accéder à l’entrée du puits par la grande porte, les familles des victimes sont repoussées derrière les grilles d’entrée. Elles y restent des journées entières, dans l’espoir de quelque nouvelle… en vain. Ce n’est que le soir ou le lendemain qu’elles ont accès aux informations, par le biais de la radio ou des journaux.

    Pour les familles dont les proches ne sont pas retrouvés rapidement, c’est le drame : plus de salaire mais pas d’indemnité non plus tant que la victime n’est pas officiellement déclarée « décédée ». On peut imaginer la détresse de ces familles, loin de chez elles, qui non seulement ont perdu un être cher mais, en plus, ne perçoivent plus de revenu.

    Solidarité de classe

    Alors que l’administration tergiverse sur le montant des indemnités et les personnes qui y ont droit, les familles se retrouvent dans des situations de plus en plus précaires. Heureusement, la solidarité s’organise : d’abord celle des autres mineurs, et rapidement, celle de toute une population qui se mobilise, et pas seulement en Belgique. Ainsi, la radio française « Europe 1 » lance une vaste opération de soutien aux familles des victimes de la catastrophe : des conducteurs sont envoyés pour sillonner la France entière afin récolter de l’argent et dans certaines villes, ils trouvent le lieu de rendez-vous de l’action « noir de monde ». Cette opération à elle seule permet de récolter 25 millions de francs belges. Une somme rondelette, pour l’époque !

    « Chronique d’une catastrophe annoncée »

    Bien que la catastrophe du Bois du Cazier ait marqué les mémoires par son ampleur et sa médiatisation, elle est loin d’être le seul accident minier qu’ait connu la Belgique. D’après les ‘’Annales des Mines de Belgique’’, l’extraction de charbon (en Belgique) a causé la mort par accident de 20.895 ouvriers entre 1850 et 1973. Au Bois du Cazier, l’accident de 1956 n’était pas le premier non plus : Giuseppe Di Biase, un mineur qui a travaillé au Bois du Cazier pendant 7 ans, a déclaré lors du procès qu’en 1952 un accident avait déjà eu lieu, en beaucoup de points semblables à celui de la catastrophe. Selon Alain Forti et Christian Joosten, les auteurs de ‘’Cazier judiciaire, Marcinelle, chronique d’une catastrophe annoncée’’, « La vraie question ne consistait pas à savoir si une catastrophe pouvait se produire au Bois du Cazier, mais bien quand elle se produirait. » En effet, tous les présages du drame étaient réunis : wagonnets mal entretenus et sujets à de fréquentes pannes, manque de communication entre le fond et la surface, négligence des ingénieurs – qui toléraient la proximité immédiate d’électricité, d’huile et d’air comprimé – ainsi que manque de formation des travailleurs, en particulier de ceux qui travaillaient à des postes-clefs.

    Justice de classe

    En mai ’59 s’ouvre le procès de cinq protagonistes du drame devant le tribunal correctionnel de Charleroi. Les avocats des parties civiles, dont beaucoup sont communistes, espèrent obtenir la condamnation pénale des ingénieurs et arracher au gouvernement la nationalisation de l’industrie charbonnière. Mais la Justice ne penche pas de ce côté-là de la balance (ce qui ne nous surprend pas) : les ingénieurs sont acquittés et la nationalisation n’aura jamais lieu. Lorsque, suite au procès en appel en 1961, un seul ingénieur est condamné, on a l’impression qu’il est le bouc émissaire idéal. Car, si la faute avait été imputée à un ouvrier-mineur, les patrons auraient fini par devoir admettre que les ouvriers étaient trop peu formés ou envoyés au fond prématurément, ce qui aurait sans doute suscité un mécontentement social et peut-être des grèves. Par ailleurs, s’en prendre aux patrons risquait de nuire à l’appareil d’Etat qui avait encore besoin l’extraction de charbon pour faire tourner l’économie.

    La terrible révélation des conditions de vie des mineurs

    Une des conséquences de la catastrophe a été de mettre en lumière les conditions de travail et de vie inhumaines et dégradantes que connaissaient les mineurs, majoritairement italiens. Entre 1946 et 1949, 77.000 Italiens ont été recrutés pour venir travailler dans les charbonnages belges, alors que la mine faisait fuir la plupart des Belges. En plus des conditions de travail très pénibles – pour effectuer leur travail, les mineurs doivent ramper dans les veines de charbon -, ils connaissent des conditions de vie particulièrement précaires. Ils sont littéralement parqués dans des baraques qui avaient servi de camps pour prisonniers pendant la deuxième guerre mondiale et qui leur sont attribuées en échange d’un loyer !!! Ces baraques ne sont pourvues ni de toilettes, ni d’eau courante. Evidemment, elles ne sont pas isolées si bien qu’on y cuit en été et qu’on y gèle en hiver. Pour couronner le tout, les Italiens sont souvent victimes de mépris et d’attitudes racistes de la part de Belges, qui vivent dans des conditions à peine meilleures qu’eux. Quoiqu’il en soit, à l’époque, tous les mineurs, qu’ils soient belges ou immigrés, sont considérés comme des parias et se sentent honteux de leur métier.

    L’après-Marcinelle

    La tragédie de Marcinelle a provoqué une véritable prise de conscience dans la population belge. Dorénavant, les mineurs ne sont plus considérés comme des parias mais deviennent des héros du travail, respectés et même glorifiés.

    L’ampleur de la catastrophe et surtout sa médiatisation ont contraint les patrons à revoir les conditions d’extraction et l’Etat à imposer une réglementation plus contraignante (règles de sécurité plus strictes, élévation de l’âge d’admission pour un travail de fond à 16 ans au lieu de 14). Cependant, les véritables travaux de modernisation qui étaient indispensables pour améliorer les conditions de travail et de sécurité des mineurs n’ont jamais été effectués, car, un an à peine après le drame, les premiers puits wallons commencent à fermer pour cause de non-rentabilité. Fin des années ’70, il ne reste plus une seule mine en activité en Belgique.

    La mine est fermée, les accidents de travail continuent

    Une page de l’histoire économique et sociale belge est tournée. Bien qu’aujourd’hui, la presse fasse ses choux gras avec le cinquantième anniversaire de l’Evénement, la plupart des documents ne font que relater les faits ou proposent des interviews « émotionnantes » de témoins du drame mais ne proposent pas d’analyse des causes de la catastrophe et refusent de désigner les véritables responsables : les patrons de l’industrie minière. Plus grave, ils présentent la catastrophe comme un fait inéluctable, une sorte de catastrophe naturelle, qui appartient désormais au passé et qui n’a plus aucun lien avec notre monde d’aujourd’hui.

    Or, d’après la FGTB, il y a eu, pour la seule année 2004, 198.861 victimes d’accidents de travail en Belgique et le nombre d’accidents mortels s’élevait à 195, dont 24 lors de la catastrophe à Ghislenghien. Ces chiffres prouvent bien que, malgré l’amélioration des conditions de vie et de sécurité sur les lieux de travail depuis cinquante ans, les accidents de travail restent un fléau qui menace un grand nombre de travailleurs. Et cette situation ne risque pas de s’améliorer avec l’accentuation de la flexibilité (des journées de 10 heures multiplient les risques liés à la fatigue et à l’inattention), la pression de la concurrence (qui amène bien des patrons à rogner sur les dépenses d’entretien et de sécurité) et la privatisation des services publics (comme le montrent les multiples accidents mortels de chemins de fer en Grande-Bretagne depuis leur privatisation). La lutte pour des conditions de travail décentes reste tout autant d’actualité au 21e siècle qu’elle l’était au 19e et au 20e.

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