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Category: Distribution
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1672 licenciements chez Carrefour: il faut résister!
Hier, le groupe Carrefour a fait connaître sa volonté de licencier 1672 personnes et de fermer 21 magasins en Belgique. Si les médias parlent de bénéfices en baisse, Carrefour a néanmoins réalisé l’an dernier un bénéfice de plus de 400 millions d’euros. Les travailleurs sont sacrifiés pour la soif de profits aveugle des actionnaires. Il faut résister!
Par Jonas
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De nos archives
- 2007: GB : 900 emplois menacés
- 2007: Wal-Mart: le modèle américain
- 2008: Carrefour solde ses employés
- 2008: Nouvelles actions de grève aux Carrefour et nouvelles agressions patronales
- 2008: La colère chez Carrefour ne diminue pas
- 2008: Des huissiers employés pour casser les piquets de grève
- 2008: Carrefour – Une lutte à l’issue décisive pour l’avenir
- 2009: Les syndicats contre Carrefour (et la limitation du droit de grève)
- 2009: Protestation contre les attaques sur le droit de grève
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Des rumeurs circulaient déjà depuis quelques jours au sujet d’un nouveau plan d’assainissement chez Carrefour. Une chose était claire, il était question de centaines de licenciements. Carrefour s’ajoute à la liste des multinationales présentes en Belgique qui ont dévoilé des plans de “ restructuration” : Opel, Bayer, Inbev,… à un moment où des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes se trouvent déjà sans emploi.
Et puis la nouvelle est tombée: 1.672 personnes risquent de perdre leur emploi et 21 magasins de fermer d’ici au 30 juin. Les sites concernés sont ceux de Bruges, Middelkerke, Zwijnaarde, Malines, Westerlo, Genk, Eupen, Kuurne, Mouscron, Renaix, Casteau, Haine-St.- Pierre, Jumet, Gand, Courtrai, Anvers, Maaseik et Maasmechelen. En plus, 10 magasins doivent être franchisés et 20 cédés à la famille Mestdagh. Le dépôt de Ternat (de Logistics, un sous-traitant), qui compte un personnel de 270 personnes, va également fermer. Ternat Logistics fournit surtout les hypermarchés. Il est encore question de geler les salaires des travailleurs qui sont sous la Comité Paritaire 312 (concernant les ouvriers et employés des grands magasins).
Des licenciements prémédités
La direction craignait qu’un tel plan d’économie ne soit considéré comme totalement inacceptable par le personnel mais aussi par l’opinion publique. C’est pour cela que ces licenciements ont été préparés des mois durant en faisant circuler toutes sortes de scénarios catastrophe. Il y a déjà plusieurs mois, on a lancé une rumeur selon laquelle le groupe Carrefour dans sa totalité pourrait quitter la Belgique, rumeur destinée à susciter une peur telle que le personnel accepte plus facilement le plan d’économie actuel.
Les chiffres de la comptabilité de la chaîne ont aussi été consciemment falsifiés. Au nouvel an, la direction a retiré de Carrefour-Belgique au moins 1 milliard d’euros afin d’artificiellement appauvrir la société. Le quotidien flamand De Standard déclarait ce lundi: “ en jouant avec les flux monétaires, on peut le rendre vendable (le plan d’assainissement, ndlr)… Carrefour a retiré de l’argent de la société en Belgique pour que les syndicats négocient maintenant avec une entreprise «pauvre». Du fait même que l’argent est parti, Carrefour est en quelque sorte moins vulnérable au chantage social.”
Le tantième plan d’austérité
En termes de plans d’assainissement, Carrefour n’en est pas à son coup d’essai. Ces dernières années, la multinationale en a lancé toute une série. Une méthode éprouvée est de fermer les magasins (16 en 2007) pour les revendre ensuite à des indépendants. Le personnel peut être éventuellement ré-accepté, mais avec des salaires beaucoup plus bas et une plus mauvaise protection syndicale. Mais le personnel plus âgé est alors éliminé: trop d’ancienneté et trop d’expérience syndicale.
Carrefour a entre-temps continué à recevoir des bénéfices avec la location de son installation et les droits de vente. De beaux bénéfices donc, et aucune charge sur un personnel qui pourrait en plus protester contre l’exploitation!
Un autre moyen par lequel Carrefour sacrifie son personnel pour ses actionnaires est de donner un autre statut aux travailleurs des nouveaux sites. Ainsi, il y a quelques années, un nouveau site a ouvert à Bruges, la Tour Bleue. Mais ce qui était surtout nouveau, c’était les conditions de travail du personnel. Au lieu d’être sous la commission paritaire 312, la commission des supermarchés, le nouveau personnel est tombé sous la commission paritaire 202.01, pour le commerce de détail indépendant. La direction a ainsi pu économiser 25% sur ses coûts de personnel. En plus, les travailleurs étaient contrôlés par caméra et il n’y avait pas de délégation syndicale.
Il n’est pas étonnant que ces emplois low-cost n’aient pas été très populaires parmi les chercheurs d’emploi brugeois, il a été nécessaire de ‘collaborer’ avec la VDAB (équivalent flamand du Forem). Tous les chômeurs brugeois ont été invités à une bourse à l’emploi à la Tour Bleue pour accepter un travail dans ce Carrefour. Celui qui refusait ces conditions perdait immédiatement ses allocations. L’esclavage moderne, c’est quelque chose de ce genre!
Répression
Trends/Tendance a fait connaître ce lundi que le Conseil d’Administration qui devait annoncer les licenciements serait protégé de près. Un service de sécurité a été spécialement engagé contre les employés qui n’auraient pas été d’accord de se tenir à l’écart. Cela illustre déjà en soi la manière dont Carrefour traite son personnel, surtout s’ils ne sont pas d’accord avec l’exploitation: la répression est un atout.
Là non plus, Carrefour n’en est pas à son coup d’essai. La chaîne a déjà démontré dans le passé à quel point elle méprisait le droit de grève en le foulant allègrement des pieds. Quand le personnel était en grève pour protester avec raison contre des restructurations, les piquets de grève de travailleurs et de clients n’ont rencontré de Carrefour que des coups de téléphone d’intimidation, des huissiers, des requêtes unilatérales, des astreintes, la violence physique de la direction et même la violence policière.
Même les militants politiques et syndicaux qui ont soutenu la lutte des travailleurs de Carrefour ont déjà été confrontés à différentes reprises à la répression brutale de la direction de Carrefour. Le 8 novembre 2008, avec quelques autres syndicalistes un militant de l’ACOD (la CGSP flamande) a été arrêté par la police au Carrefour de Leeuw Saint Pierre. Il a été frappé d’une amende par la suite, en plus d’une taxe-combi.
Même les médias capitalistes et le système judiciaire trouvent parfois que Carrefour exagère tout de même. En décembre 2008, le tribunal de Furnes a ainsi affirmé que la procédure de requête unilatérale utilisée par la direction pour interdire les piquets de grève était illégale.
Il faut résister
Ce n’est pas en comptant sur le tribunal et les médias que nous pouvons remporter la lutte contre les plans d’assainissement de Carrefour. Le personnel et les syndicats doivent organiser la résistance. La lutte paie! C’est ce que de précédentes actions ont déjà démontré dans le passé, y compris à Carrefour.
Ces dernières semaines, les travailleurs de Bayer et d’InBev ont montré l’exemple. Vis-à-vis de la cupidité des capitalistes, en tant que travailleurs et syndicalistes, nous devons avoir une réponse pour riposter. Durant des années, les bénéfices n’ont cessé de grimper, pourquoi devons nous continuer à payer pour ces bénéfices? Carrefour fait toujours un bénéfice net annuel de plus de 400 millions d’euros!
Accepter les exigences de la direction serait interprété comme un signe de faiblesse, et d’autres attaques suivraient encore. Dans les magasins qui ne sont pas aujourd’hui menacés de fermetures, une défaite aurait de lourdes conséquences. Pour tout cela, il faut lutter et résister. Ce mardi après-midi, le Carrefour de Leeuw Saint Pierre a donné le bon exemple en partant en grève. D’autres magasins ont suivi.
Organiser la résistance dans un supermarché est évident. Mais le personnel est divisé dans différentes implantations, et dans les plus petits magasins, le personnel se trouve souvent dans une position plus faible vis-à-vis de la répression et des huissiers. L’organisation de la solidarité entre les magasins et avec les habitants des quartier voisins est cruciale pour une victoire dans cette lutte pour conserver les emplois et les conditions de travail.
Les syndicats doivent aussi élaborer un plan de lutte si Carrefour veut faire passer ses projets en force. Généraliser la lutte vers d’autres magasins, d’autres entreprises et d’autres secteurs sera alors nécessaire.
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IKEA Hognoul: 20 ans de boulot et viré à une table de café!
Trois semaines. Il n’aura fallu que trois semaines à la direction d’IKEA Hognoul pour provoquer une nouvelle grève du personnel contre ses méthodes détestables…
Par Jean Peltier
L’histoire laisse vraiment pantois. Un employé, très apprécié par ses collègues et travaillant chez Ikea depuis 20 ans, est en congé médical depuis trois mois. En fait, il est tombé en dépression suite aux conditions de travail qu’il connaissait: responsable du dépôt, il ne parvenait plus à gérer correctement son service, en manque chronique de personnel.
Jeudi, la gérante du magasin lui a signifié purement et simplement son licenciement. Et elle n’a même pas daigné le convoquer au magasin pour cela: elle lui a annoncé la nouvelle dans un café de Hognoul où elle l’avait fait venir pour une discussion.
En apprenant le licenciement, le personnel du dépôt est immédiatement parti en grève. Et le reste du personnel a suivi quand la gérante a froidement déclaré “Ce n’était plus la bonne personne à la bonne place et il n’y a aucun moyen de le recaser dans un autre service”. Une soixantaine de travailleurs se sont massés devant les caisses, bloquant le fonctionnement de celles-ci. Devant la détermination du personnel, la direction a pris la décision de fermer le magasin.
La direction nationale d’IKEA a du envoyer dare dare son responsable des ressources humaines à Hognoul. Au bout d’une longue réunion de conciliation, la direction liégeoise a été obligée de faire machine arrière toute : elle a cassé le C4 et devra laisser l’employé reprendre son poste.
Cette nouvelle belle victoire de la solidarité du personnel d’IKEA montre à quel point la victoire lors de la dernière grève qui a duré deux semaines en mai-juin a dopé la solidarité et la combativité du personnel. Par contre, il est difficile de savoir si la direction a volontairement tenté d’ouvrir une brèche dans cette solidarité en espérant pouvoir remettre en cause peu à peu les promesses qu’elle a du faire en vue d’améliorer les relations sociales ou si elle n’a simplement rien compris au ras-le-bol du personnel et à sa motivation à ne plus se laisser faire. Mais dans un cas comme dans l’autre, elle a perdu. Et la vigilance sera encore plus de mise à l’avenir du côté du personnel.
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13 jours de grève se terminent sur une belle victoire
IKEA – Hognoul
Jeudi matin, une nouvelle assemblée des travailleurs du siège de Hognoul de la multinationale suédoise de l’ameublement IKEA a approuvé le projet d’accord négocié par la délégation syndicale et a donc décidé la reprise du travail pour vendredi. Et cet accord représente une fameuse victoire dans le climat actuel.
C’est donc la fin d’une grève qui a duré 13 jours et a été une belle démonstration de la combativité et de l’unité des travailleurs d’Hognoul. Une grève qui trouve son origine dans le ras-le-bol de plus en plus fort des travailleurs devant la détérioration de leurs conditions de travail et les manoeuvres de la direction qui avait tendance à se croire tout permis et à ignorer la délégation syndicale. Comme nous le résumait un travailleur avant l’assemblée, « Depuis quelques semaines, on voyait que l’un après l’autre, les contrats à durée déterminée n’étaient plus remplacés. Cela créait de plus en plus de problèmes d’organisation du travail et de surcharge pour tout le personnel, surtout avec la perspective de l’agrandissement du magasin en été. Puis des caisses en self-scanning ont été installées. Tout cela sans que la direction donne la moindre explication. On était chaque fois mis devant le fait accompli. Et puis brusquement, la direction a annoncé un plan de crise destiné à faire face à une baisse de la fréquentation des magasins : fin des CDD, diminution du travail étudiant pendant l’été quand le personnel prend ses vacances. On s’est rendu compte que tout était planifié depuis des mois au niveau national. Et là, le ras-le-bol a explosé. On est parti en grève spontanément. Les syndicats ont tout de suite reconnu le mouvement. Et ça a duré 13 jours… »
Anne-Marie Dierckx, la déléguée CNE, a ouvert l’assemblée en rappelant qu’après des jours de refus de discussion de la part de la direction, une première réunion a eu lieu mardi avec la direction mais que 13 heures de discussion n’avait pas permis d’arriver à un accord. Mercredi, une nouvelle réunion-marathon de 12 heures a, par contre, fini par aboutir sur un projet d’accord.
De – 10.000 à + 11.000 !
Le point principal tient en deux chiffres. A travers son plan de crise, la direction voulait réduire le volume d’heures de travail prestées à Hognoul de plus de 10.000 heures par an. L’accord de mercredi soir prévoit au contraire une augmentation de 11.336 heures !
Cela se fera essentiellement à travers des modifications aux avenants des contrats de travail (un avenant est un complément au contrat initialement conclu entre le travailleur et la directions ; il porte sur un complément d’horaire, celles-ci étant le plus souvent effectuées dans une formule moins stable et moins avantageuse). Beaucoup d’ouvriers et d’employés travaillant à temps partiel pourraient ainsi « gonfler » le nombre d’heures qu’ils prestent actuellement, et ce avec un contrat amélioré. Des heures en CDD devraient être transformées en CDI et de nouveaux engagements devraient avoir lieu dans les prochaines semaines. Fait important : ce chiffre de 11.336 heures ne sera pas lié à l’évolution du chiffre d’affaires. Même si celui-ci régresse, l’engagement devra être tenu. Le renfort en heures concernera tous les départements. Les CDD récemment non prolongés seront prioritaires pour les embauches futures. Le personnel en vacances sera remplacé comme avant par des étudiants en fonction des besoins des départements.
La direction s’est aussi engagée à respecter les diverses conventions collectives qu’elle avait tendance à prendre un peu à la légère. L’application de l’accord devrait être mise en route immédiatement et être terminée pour le 21 juillet. La délégation syndicale devra être consultée sur l’établissement des nouveaux contrats CDD. La direction a aussi accepté une rencontre mensuelle avec la délégation syndicale pour évaluer l’application de l’accord. Quant au responsable des « relations humaines » à Hognoul qui avait braqué quasiment tout le personnel par son attitude, il devrait être « recadré » par la direction nationale (« On avait d’abord pensé à demander son déplacement dans un autre siège du groupe mais on s’est dit que ce ne serait pas sympa pour les collègues de là-bas » ajoutera avec malice Anne-Marie Dierckx).
Unité et combativité
Cet accord a été présenté comme « historique » par les délégués qui ont pris la parole. Car alors que partout dans le secteur du commerce – et bien au-delà – l’heure est aux compressions de personnel, à l’explosion du chômage technique et aux licenciements, obliger une direction patronale à augmenter le volume de l’emploi est un exploit. Et imposer à cette direction la reconnaissance effective des droits de la délégation syndicale n’est pas une mince victoire non plus. Ces deux points pourraient ouvrir une brèche dans le front patronal qui pourrait être utilisée par d’autres délégations au sein du groupe comme ailleurs.
Il est clair – et tous ceux qui ont pris la parole l’ont souligné – que rien de tout cela n’aurait été possible sans la détermination et l’unité du personnel qui, sans même devoir faire un piquet de grève pour bloquer les portes du magasin, a tenu bon pendant 13 jours de grève, malgré les dégâts dans les portefeuilles de beaucoup d’entre eux. Comme nous l’a dit un délégué, « Cette grève a été plus qu’une affaire d’argent et même d’emploi, une vraie lutte pour la dignité des travailleurs ».
Après une discussion parfois animée sur les diverses mesures et leurs conséquences, le projet d’accord a été mis au vote. Le résultat est clair : sur les 173 bulletins dépouillés, il y a eu 82,1% pour l’accord et 17,9% contre. Une nette majorité pense que l’accord représente le plus qu’on pouvait gagner. Quand à ceux qui on voté non, si personne ne remet en cause les avancées obtenues, il semble que le manque de précisions sur la manière dont seront affectées les heures gagnées a fait hésiter plus d’un. Et beaucoup ont aussi des doutes sur la bonne volonté que mettra la direction pour appliquer correctement cet accord.
Après quelques interventions de remerciements et de félicitations – de la délégation au personnel et du personnel aux délégués – l’assemblée s’est terminée aux accents de « tous ensemble « et de « Motivés, motivés ». Avec un sentiment de victoire qui flottait dans l’air du parking.
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Ikea Hognoul : Après 7 jours, la grève continue
Samedi matin , l’immense parking d’Ikea à Hognoul, sur les hauteurs de Liège, est toujours quasiment désert. La grève entamée pour protester contre les réductions de personnel (alors que le groupe Ikea continue de dégager des profits énormes et qu’à Hognoul une extension du magasin va être ouverte cet été) est massivement suivie. Près du magasin, une grande tente blanche, des drapeaux rouges et verts, une sono et une quarantaine de travailleurs qui discutent. Visiblement, tout le monde est bien décidé à continuer l’action. Une impression que confirment Anne-Marie Dierckx, déléguée CNE, et Pascale Vleugels, permanente SETCa, avec qui nous avons discuté.
Que s’est-il passé jeudi à la réunion nationale entre direction et syndicats ?
Anne-Marie : Cette rencontre nationale entre s’est terminée sur un clash complet. La direction a voulu s’en tenir à un ordre du jour national et a refusé de discuter de la situation à Liège. Dans ces conditions, les représentants syndicaux sont sortis. Un préavis a été déposé en front commun syndical pour les six sièges belges avec une échéance de deux semaines. Dans l’heure, la direction d’Ikea qui jusque là refusait le moindre pas en avant a demandé un bureau de conciliation qui se tiendra mardi. Vendredi, nous avons tenu une assemblée du personnel sur le parking. Une grande majorité a décidé de poursuivre le mouvement jusqu’à mardi, y compris en durcissant le mouvement.
Comment expliques-tu qu’Hognoul soit parti le premier à l’action ?
Anne-Marie : D’abord, il y a une forte tradition syndicale combative et une bonne unité entre la CNE et le SETCa. Puis il y a la structure un peu particulière du personnel. A Hognoul, les contrats à durée déterminée représentent 20% de travailleurs alors que cette proportion est beaucoup plus faible à Bruxelles et en Flandre. Donc supprimer ces emplois fait beaucoup plus mal à Liège et a suscité une réponse plus rapide du personnel. Mais il est clair qu’ailleurs, le licenciement des CDD ouvrira rapidement la voie à celui de CDI. Le siège d’Arlon est parti en même temps que nous et a fait deux jours de grève. Mais la pression y est énorme : le direction a organisé elle-même des assemblées du personnel en affirmant que ce serait une grève sauvage, ce qui est faux puisqu’un préavis court depuis des mois et que les travailleurs qui partent en grève sont couverts par le syndicat. Maintenant, les choses se mettent à bouger avec le dépôt du préavis national. Une délégation de la LBC (CNE flamande) est venue apporter sa solidarité ce matin. Ils vont faire circuler un tract dès mardi et des actions pourraient avoir lieu rapidement.
Comment réagissent les clients ?
Anne-Marie : Les réactions des clients ont été très compréhensives. Encore aujourd’hui, il y a des gens qui ne savent pas qu’on est en grève et qui passent pour faire leurs courses mais ils sont très sympathiques avec nous parce qu’ils comprennent qu’avec moins de personnel, le service à la clientèle va immanquablement en souffrir.
La direction a reconnu dans la presse que chaque jour de grève lui coûte 3.000 clients. Comment expliquer une telle obstination de sa part à ne pas discuter ?
Anne-Marie : Depuis des mois, la direction écoute mais n’entend pas. Je pense qu’ils veulent casser l’organisation syndicale mais la force de la réponse en front commun les a contraint à une position de repli.
Pascale : Samedi dernier, la journée de grève leur a coûté 500.000 EUR. Et pourtant, ils n’ont pas bougé les jours suivants. La direction rêve effectivement de casser le syndicat à Liège. Elle espérait que nous resterions isolés mais elle a obtenu l’effet contraire.
Cette fois-ci, la direction n’a pas fait appel aux tribunaux pour obtenir des astreintes. Pourquoi?
Pascale : Mais parce qu’il n’y a pas de piquet qui interdise l’entrée ! La porte d’entrée pour le personnel reste grande ouverte. Mais, à part les cadres, personne n’entre ! Les travailleurs sont massivement en faveur de la grève, ils le redisent à chaque assemblée. Il y a un tel ras-le-bol des conditions de travail que tout le monde veut que les choses changent. Bien qu’il a déjà beaucoup donné avec cette première semaine de grève, le personnel reste très déterminé.
Comment se passe la grève ?
Pascale : Passer une semaine sur un parking n’a rien d’évident. On s’organise pour tenir, la tente permet de se reposer un peu, de discuter à l’aise. La grève unit aussi les travailleurs. Vu la taille du magasin et les cloisonnements internes, il y a des tas de gens qui ne se connaissent pas. Avec la grève et le piquet ici, ils se rencontrent et se connaissent maintenant mieux. On reçoit pas mal de visites de délégations de notre secteur mais aussi d’autres secteurs. Là, pour le moment, il y a un délégué de Colruyt qui a pris une journée de grève pour venir nous soutenir.
Qu’est-ce qui est prévu pour la suite ?
Pascale : Nous tiendrons une nouvelle AG du personnel mercredi matin pour débattre des résultats du bureau de conciliation de mardi. Mais il est clair que cette grève se fera au finish et qu’on ne lâchera pas si on n’a pas de résultats satisfaisants. Là où on est arrivé après une semaine, on ne va pas reculer.
Montrez votre solidarité avec les travailleurs d’Ikea :
- Signez la pétition de soutien qui figure sur le site www.petition.be sous l’onglet IKEA
- Faites signer cette pétition autour de vous (vous pouvez la télécharger mais aussi l’obtenir auprès des grévistes ou auprès des membres du PSL).
- Venez rendre visite au piquet sur le parking d’Ikea à Hognoul (accueil chaleureux garanti 24 h sur 24).
- Solidarité avec les travailleurs d’Ikéa!
- Solidarité avec les travailleurs d’Ikéa – Reportage photos
- INTERVIEW: "C’est une véritable guerre de fond qui a été lancée dans le secteur de la distribution." Réalisée en novembre 2008 au piquet de l’IKEA d’Hognoul
- 10 novembre 2008: rapport du piquet à l’Ikéa d’Hognoul
- 10 novembre 2008: reportage-photos du piquet
- 31 octovre 2008: Grève à l’IKEA d’Hognoul
- Rubrique "Distribution" de ce site
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Solidarité avec les travailleurs d’IKEA!
Hier matin, nous nous sommes rendus à l’IKEA d’Hognoul, en région liégeoise, où le personnel est en grève depuis vendredi. Alors que la magasin va avoir près de 6.000 m² de surface en plus, la direction a décidé de supprimer 50 emplois… Pour les travailleurs, IKEA utilise le prétexte de la crise pour restructurer.
Reportage photos
Quand nous arrivons sur le piquet, l’acceuil est fraternel. Nos tract, avec en en-tête "Devons-nous payer pour leur crise?" sont bien reçus et font écho à un sentiment largement partagé par les travailleurs. Le plan de crise d’IKEA, des "mesures préventives" selon la direction, passe très mal. En 2008, IKEA avait réalisé un chiffre d’affaire de 87 millions d’euros. Pour l’instant, les prévisions parlent d’un chiffre d’affaire équivalent à 87% de celui de l’année dernière pour 2009, soit 80 millions d’euros. "La crise a bon dos", nous explique Jean-Marie Lefevre, délégué CSC-CNE.
Il poursuit: "La détérioration des conditions de travail que l’on prévoit est inacceptable. 50 emplois sont supprimé, dont tous les CDD, des heures de travail sont supprimées, les malades ne sont plus remplacés, de même que les travailleurs en formation, des pauses sont jetées à la poubelle,… la liste est longue. On demande aussi une grande polyvalence et mobilité interne aux travailleurs en remplacement d’un service "coup de feu" maintenant supprimé. Tout cela alors que la surface du magasin va passer de 33.000 m² à environ 39.000!"
"L’ambiance est mauvaise depuis longtemps déjà. La communication est pitoyable et on n’a vraiment pas l’impression d’être grand chose pour la direction. Au début de la semaine passée, nous avons tenu des assemblées générales pour informer le personnel. Les problèmes sont à tous niveaux. Au national, la délégation n’est pas respectée. Les Conseils d’Entreprise reportent sans cesse les points que nous voulons discuter. Et puis, au niveau local, il y a ce fameux plan de crise, très drastique, alors que tous les magasins IKEA en Belgique rapportent de l’argent."
Vendredi, les travailleurs décident alors spontannément de débrayer. L’une d’entre eux nous explique "Pour agrandir, les conditions étaient de 50 emplois en plus, pas en moins! Pourtant, IKEA est toujours en bénéfice. Et puis, derrière cette attaque contre nous, c’est aussi la clientelle qui est visée. Le service aux clients va être déprécié. D’ailleurs, ils sont nombreux à le comprendre, même si parfois ils ont fait un long voyage pour arriver ici" La délégation syndicale s’est de suite rangée derrière les travailleurs, mais au delà du magasin, ou du secteur de la distribution, chacun comprend bien que la problématique est beaucoup plus globale.
"Beaucoup de clients sont aussi solidaires parce qu’ils ont eux-mêmes des problèmes. Ici, le mal-être est présent partout dans la société, et on doit tous réagir." Ici et là, on parle encore de la manifestation du 15 mai dernier, à l’appel de la Confédération Européenne des Syndicats, avec le regret qu’il n’y a pas de perspective pour une véritable lutte généralisée. Un plan d’action discuté dans les entreprises pour éviter que les travailleurs ne doivent payer la crise aurait indéniablement du succès.
Un autre point de discussion a bien entendu concerné le prolongement politique des luttes. Peu de travailleurs parlent du PS, et la moindre référence au Pacte des Générations ou aux Intérêts Notionnels suffit à faire fondre la moindre illusion, et l’appel pour un nouveau parti des travailleurs reçoit beaucoup d’attentions.
Aujourd’hui, une réunion a leiu avec la direction. L’affaire reste à suivre…
- INTERVIEW: "C’est une véritable guerre de fond qui a été lancée dans le secteur de la distribution." Réalisée en novembre 2008 au piquet de l’IKEA d’Hognoul
- 10 novembre 2008: rapport du piquet à l’Ikéa d’Hognoul
- 10 novembre 2008: reportage-photos du piquet
- 31 octovre 2008: Grève à l’IKEA d’Hognoul
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Solidarité avec les travailleurs d’IKEA! – Reportage photos
Hier matin, nous nous sommes rendus à l’IKEA d’Hognoul, en région liégeoise, où le personnel est en grève depuis vendredi. Alors que la magasin va avoir près de 6.000 m² de surface en plus, la direction a décidé de supprimer 50 emplois… Pour les travailleurs, IKEA utilise le prétexte de la crise pour restructurer.
Rapport du piquet
- INTERVIEW: "C’est une véritable guerre de fond qui a été lancée dans le secteur de la distribution." Réalisée en novembre 2008 au piquet de l’IKEA d’Hognoul
- 10 novembre 2008: rapport du piquet à l’Ikéa d’Hognoul
- 10 novembre 2008: reportage-photos du piquet
- 31 octovre 2008: Grève à l’IKEA d’Hognoul
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Protestation contre les attaques sur le droit de grève
Ce mercredi, environ 400 militants de la FGTB et de la CSC ont manifesté en front commun devant le palais de justice de Mons pour défendre le droit de grève et soutenir les avocats des Syndicats. Ces derniers étaient venus là pour défendre une requête en tierce opposition contre l’ordonnance prise le 24 octobre 2008 par le président du tribunal de première instance de Mons. Sur requête unilatérale du groupe Carrefour, le juge avait prononcé une ordonnance préventive interdisant aux travailleurs et à leurs délégués d’empêcher ou restreindre l’accès aux magasins de l’enseigne par des piquets de grève. Les huissiers pouvant ordonner à la police de déloger les grévistes et infliger des astreintes de 1000 €. (Pour plus de renseignement sur les raisons du conflit, voir cet article)
Par Ben et Michel (Mons)
400 militants en rouge et vert se sont rassemblés dès 10h à l’appel du front commun syndical. L’esprit, quoique bon enfant, était particulièrement combatif. Des délégations du Hainaut étaient présentes, mais aussi de Liège, de Bruxelles ou de Flandre : des travailleurs, des délégués, des permanents, des Métallo CSC, des CGSP, des affiliés de TRANSCOM, des chômeurs, des membres du SETCa et du BBTK, des pensionnés, des conjoint(e)s. Au-delà des frontières sectorielles, syndicales, communautaires, d’âge ou de statut professionnel, ces militants sont venus montrer aux juges et aux avocats patronaux que la grève est un droit, que la justice n’a pas à s’immiscer dans les conflits sociaux et que les travailleurs n’ont pas l’intention d’accepter que l’on s’attaque à leurs acquis sans broncher.
Le message a été suffisamment clair : «On ne laissera personne remettre en cause ou restreindre, pour quelque raison que ce soit, notre droit à faire grève !»
Et aux petits bourgeois, néolibéraux et autres populistes de droite qui hurlent à qui mieux-mieux que le travailleurs (wallon ?) n’aspire qu’à faire la grève pour ne rien foutre, une pancarte disait «Je ne vis pas pour faire la grève, je la fais pour vivre».
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Par ici, les limousines
Carrefour
Cette brève est parue sous la signature de Jean-Claude Jaillette dans le magazine Marianne n°602 du 1er novembre. Si elle ne concerne que Carrefour en France, elle ne manque pas de piquant au vu de ce qui ce passe dans le groupe en Belgique…
Ils n’ont rien compris à la crise, chez Carrefour. D’un côté, le groupe sous-paie ses employés, pratique pour laquelle il vient de se faire condamner : 429 salariés d’Ecully et de Givors touchaient moins que le Smic horaire. Verdict : 1,287 million d’euros d’amende. De l’autre, il renouvelle tous les véhicules attribués aux directeurs des magasins.
L’information, révélée par la CGT-Carrefour, vaut son pesant de privilèges : 300 limousines à 40.000 euros pièce ont été commandées chez BMW er Mercédès. "Les salariés de Renault et Peugeot mis au chômage technique apprécieront", ironise le syndicat. Le groupe justifie la dépense par un urgent besoin de réduire les émissions de CO2. Ouf ! A défaut de se soucier de l’injustice sociale, Carrefour se préoccupe de la planète.
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Des huissiers employés pour casser les piquets de grève
Le porte-parole de Carrefour était on ne peut plus clair le weekend passé: avec une requête unilatérale et des astreintes juridiques, l’entreprise peut briser un piquet de grève. Ce n’étaient là que des mots mais samedi, à la filiale de Carrefour de Sint-Pieters-Leeuw, les ordonnances du juge ont effectivement été notifiées de façon arbitraire à des personnes présentes. Parler à un client devant le magasin suffisait pour se voir notifier une contrainte.
Par Geert Cool
Des dizaines de militants syndicaux et de sympathisants ont reçu de telles ordonnances des huissiers qui avaient reçu du juge la compétence de recourir à la force publique pour interdire chaque empêchement ou chaque obstacle à l’entrée des locaux, du parking,… Tomber en panne sur le parking tombait donc également sous la compétence des huissiers qui peuvent dès lors imposer une astreinte.
Tiré par les cheveux? Et bien non, car cela faisait partie de la décision juridique remise aux militants syndicaux. La direction de Carrefour a fait appel à quelques avocats du cabinet Claeys & Engels pour casser la grève. Une requête a été dressée dans laquelle trois arguments sont utilisés:
- violation de la liberté de commerce, d’industrie et du droit de propriété,
- violation du droit de travail et de salaire des travailleurs non-grévistes et
- violation du droit au travail des tiers entreprises et clients.
Base juridique: un décret de… 1791
Le principal argument est celui du droit d’industrie et de commerce. Les avocats se basent pour cela sur le décret D’Allarde de 1791 (introduit chez nous après l’annexion à la France en 1795). La raison pour laquelle les ordonnances de ce décret ont aujourd’hui force de loi chez nous nous échappe. A partir du décret D’Allarde, il n’y a qu’un petit pas vers une autre loi datant de 1791, la loi Le Chapelier qui déterminait que chaque attroupement de travailleurs était interdit parce que cela allait à l’encontre du «libre exercice de l’industrie et du commerce». C’est exactement le raisonnement que Carrefour suit et qui, curieusement, a été soutenu par les juges bruxellois.
Nous ne sommes donc pas les seuls pour qui ces attaques contre le droit de grève datent du 18e siècle… Le premier et principal argument des avocats de Claeys & Engels commence par une référence au décret D’Allarde. Mais alors que, en 1791, cette loi était liée à une interdiction des travailleurs de s’organiser, elle est aujourd’hui liée aux «faits établis» qui vont de pair avec cette organisation. «Des actes qui empêchent l’employeur de se servir de l’entrée de l’entreprise sont des faits établis qui portent atteinte au droit de la liberté d’entreprise», selon un juriste auquel se réfère la requête.
La base juridique reste donc à ce jour limitée à un principe général datant de 1791 ainsi qu’à l’interprétation de ce principe par un juriste et au fait que cette interprétation a été suivie par un juge liégeois. C’est un peu faible comme réponse sur le droit de grève et comme base juridique, mais cela a laissé le juge en question de marbre. Ce dernier a ainsi approuvé sans rechigner la requête de Carrefour.
Comme autre argument, on peut lire le droit de propriété garanti par la Constitution. Est-ce que ce droit a été remis en cause par les piquets de grève? Pour autant qu’on le sache, les militants syndicaux présents n’ont procédé à aucune collectivisation (sans parler de nationalisation). L’argument que la pleine jouissance de la propriété est entravée par des travailleurs qui bloquent une entreprise est en fait utilisé pour faire rentrer des non-grévistes. Apparemment, le patronat voit la force de travail des non-grévistes comme faisant également partie de sa propriété…
On en vient au deuxième argument: la violation du droit de travail et de salaire des non-grévistes. Pour cela, Carrefour se base sur l’article 23 de la Constitution, dans lequel on trouve par ailleurs également le droit de chacun à «mener une vie digne de l’être humain». Tout le monde «a droit au travail et au libre choix de travail professionnel dans le cadre d’une politique générale d’emploi qui vise, entre autres, à garantir un niveau d’emploi aussi haut et stable possible, le droit à des conditions de travail et de salaire raisonnables, aussi bien que le droit d’information, de concertation et de négociations collectives».
Pourquoi Carrefour ne reconnait-elle pas le droit à un salaire raisonnable aux travailleurs de la filiale de la Tour Bleue à Bruges? Pourquoi Carrefour ne reconnaît-elle pas le droit de concertation et de négociations collectives en présentant l’action comme un droit individuel et non pas collectif? C’est évidemment un peu faible d’attaquer sur base d’une disposition qu’on ne suit pas soi-même…
Enfin arrive le dernier argument: «les faits établis violent le droit de travail des tiers entreprises et clients». Pour cet argument, aucune disposition légale n’est citée. Pour résumer, la base juridique est donc un principe général datant de 1791 et une interprétation très unilatérale de l’article 23 de la Constitution. Le droit de grève et le droit de mener des actions collectives doivent s’effacer devant cela.
Ampleur de la disposition
Les avocats de Carrefour demandent au juge de préciser la mission de la police pour que celle-ci ne se limite pas à la protection de l’huissier. «Il est donc utile de préciser sa mission (celle du pouvoir public) et de lui ordonner de donner suite aux ordres que l’huissier de Justice lui donne, si nécessaire en utilisant la contrainte physique pour assurer l’entrée pacifique des bâtiments.» Qui décide donc des missions de la police? Le patronat!
L’ampleur et la durée de la disposition constitue un autre point particulièrement grossier: la durée de validité est d’un mois, dès le 17 octobre, et peut être rallongée si la crainte existe que d’autres «faits établis» puissent être «commis». Jusqu’au 16 novembre, il est interdit aux militants de mener une action à une filiale de Carrefour sur le territoire de l’arrondissement juridique de Bruxelles. A Sint-Pieters-Leeuw, l’huissier a déclaré à un militant arrêté que «mener une action» peut être interprété largement : faire ses courses suffit. C’est littéralement qu’a déclaré ce huissier! Que cette menace puisse de cette façon violer «le droit du client» et «d’accès à l’entreprise» n’est sans doute qu’une coïncidence toute ironique.
Le fait qu’une intervention juridique est préventivement demandée est tout aussi contestable. Le professeur Gilbert Demez de l’UCL (université de Louvain-la-Neuve) déclarait encore début 2006 dans une interview au quotidien Le Soir que de telles interventions préventives de la justice constituent un dépassement du pouvoir juridique. Il ajoutait encore qu’une intervention juridique n’est utilisée que comme moyen de pression patronal, où ce n’est pas tant la protection des droits qui est en jeu que la limitation du droit de grève. Le professeur Demez était d’opinion que limiter les moyens d’action du «contrepouvoir social» mène à une forme de «dictature»…
La base du droit de grève
Ce n’est qu’après la Première Guerre Mondiale que le droit de faire grève et de se syndiquer ont été reconnus en Belgique, bien évidemment dans le contexte des mouvements qui ont suivi la guerre, dont la Révolution russe était un des points culminants. Partout en Europe se développaient des mouvements et les travailleurs se sont révoltés dans différents pays. La bourgeoisie avait peur de la force du mouvement ouvrier organisé et elle a donc dû faire des concessions.
Ainsi a entre autres été instauré le suffrage universel (masculin uniquement), mais la liberté syndicale a aussi été reconnue. En 1921 une loi a garanti «la liberté d’organisation». En même temps, une loi antigrève a été abolie (le fameux article 310 de la loi pénale qui interdisait tout attroupement à une entreprise) et la journée des 8 heures (ainsi que la semaine de travail de 48 heures) a été introduite.
Le droit de grève est le fruit de la lutte des travailleurs et a plusieurs fois été reconnu juridiquement (entre autres dans la Charte Sociale de l’Europe). Les piquets de grève et les barrages routiers font partie du droit de grève et du droit de s’organiser. Cela a été confirmé par plusieurs Cours de justices en Belgique (notamment la Cour de Cassation en 1997 ou la Cour d’Appel à Anvers en 2004).
Le droit de mener des actions collectives ne peut tout simplement pas être limité. Le Comité Européen des Droits Sociaux a jugé il y a quelques années dans un rapport sur la Belgique que les piquets de grève pacifiques font partie du droit garanti de mener des actions collectives, des astreintes contre un tel piquet de grève ne sont donc pas acceptables.
Mettre sur pied des piquets de grève et même des barrages routiers fait partie de la liberté d’expression. D’ailleurs, dans le cas des barrages routiers, nous ne sommes pas les seuls à les considérer comme partie intégrante de la liberté d’expression. La Cour Européenne de Justice, qui n’est pas connue pour ses sympathies avec les idées du socialisme, a déclaré que la liberté de manifester (y compris les barrages routiers) ne peut être limitée que de façon exceptionnelle (arrêt de Schmidberger du 02/08/2003). La liberté d’expression lors d’un barrage routier a priorité sur le libre trafic de marchandises et de personnes, a déclaré la Cour.
Juridiquement, il y a donc une base pour défendre le droit de grève, alors que celle sur laquelle se reposent les casseurs de grève est très, très, limitée. Néanmoins, ces derniers semblent toujours obtenir gain de cause chez les juges. Seuls quelques juges échappent à l’attrait de l’illusion que c’est eux qui décident dans des conflits collectifs. Qu’il s’agit bien d’une illusion est évident : ce sont les patrons qui décident, qui utilisent la justice pour pouvoir recourir à des huissiers ou qui encore peuvent considérer la police comme leur propre milice privée.
Il faut une campagne
L’utilisation des astreintes pendant les grèves a déjà plusieurs fois mené à des protestations. En 2002, une pétition syndicale a rassemblé 80.000 signatures et syndicats et patronat ont négocié pour conclure un «gentlemen’s agreement», un accord qui n’est pas imposable. Dans cet accord, le patronat a promis d’éviter de recourir à des interventions juridiques. Il ne reste rien de cet accord.
Pour la défense du droit de grève, nous ne pouvons pas compter sur la justice, le patronat ou les politiciens traditionnels. Nous soutenons évidemment chaque pas pour la défense du droit de grève, mais il va falloir construire un rapport de force avec lequel on peut en pratique imposer que les patrons n’osent plus utiliser de requêtes unilatérales. Voilà comment le droit de grève a été obtenu et voilà comment il va devoir être défendu.
Evidemment, il est important de convaincre tous les travailleurs de participer à la grève: s’il n’y a plus de non-grévistes, les huissiers peuvent se mettre eux-mêmes aux caisses de Carrefour. A coté de cela, la force du nombre est importante : notifier une contrainte à 50 ou 100 personnes est encore faisable pour un huissier. Mais que faire s’il y a 1.000 militants ou plus au piquet? Ce n’est pas une option théorique, un appel des syndicats avec une mobilisation générale à une filiale de Carrefour dans la région bruxelloise aurait très certainement un grand effet.
Comment réagir face à un huissier?
A côté du droit de mener des actions collectives, il y a aussi des possibilités de résister à un huissier qui veut imposer une astreinte. Un huissier présent à un piquet ne peut pas simplement demander la carte d’identité d’un participant pour effectivement notifier la contrainte. La police n’a droit à faire un contrôle d’identité que pour une infraction ou un crime (par exemple perturber l’ordre public). L’huissier doit pouvoir s’identifier et prouver qu’il est compétent pour l’arrondissement juridique en question. S’il ne peut pas le prouver, il ne peut rien notifier.
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Ikéa – Hognoul : Rapport du piquet de grève
Ikea Hognoul. Il est 9 heures du matin. Il pleut. Le grand parking est quasiment désert. Devant les portes du magasin, un piquet vert et rouge bloque l’entrée. A quelques dizaines de mètres de là, une vingtaine de travailleurs, des représentants de la direction, un huissier. Cela vous rappelle quelque chose ?
Rapport par Jean Peltier
Et bien oui, il y avait déjà eu grève chez Ikea vendredi 31 octobre. Et ce lundi, les travailleurs ont remis cela. Il faut dire qu’ils ont le chic pour bien choisir leur jour (la pluie mise à part). Vendredi 31, la veille d’un weekend férié, la perte de chiffre d’affaire pour le seul magasin d’Hognoul était estimée à 1 million d’EUR. Et comme ce lundi est la veille d’un jour férié et que pas mal de gens ont pris congé, on peut penser que le bas de laine d’Ikea va encore en prendre un coup.
Au piquet, l’accueil est toujours aussi sympathique (café, cake et même une goutte d’alcool de framboise !). La discussion s’engage rapidement. Une nouvelle grève, une semaine et demie après la première, cela veut dire que rien n’a bougé ?
«Non, les choses ont quand même avancé» nous répond avec un sourire Annick Sangiorgi, déléguée principale SETCa. «La direction a donné certaines réponses satisfaisantes. Ainsi, plus question à l’avenir d’imposer du travail de nuit sans avoir eu d’abord une concertation avec le syndicat. Par contre, sur la prime bonus, il n’y a pas d’accord. La direction nous a présenté un schéma pour le calcul de cette prime : celui-ci repose d’une part, sur le chiffre d’affaire réalisé et d’autre part, sur le montant du « transtype » (un poste chiffrant la casse de matériel, l’utilisation de matériel en stock pour les décorations,…). Suivant les résultats – plus ou moins bons – de ces deux postes, trois « scénarios » seraient possibles : bas (la prime serait de 350 EUR maximum), moyen (500 EUR maximum) ou haut (720 EUR). Il s’agit évidemment de montants brut et pour des temps plein. Nous pouvions discuter sur base de ce principe de calcul, mais nous voulions que le minimum soit fixé à 500 EUR». Un autre militant approuve avec humour «Quand tu vois d’un côté les bénéfices faits par Ikea depuis des années et que tu regardes de l’autre côté ce qui reste en net pour un gars qui travaille à temps partiel hors d’une prime annuelle brute de 500 EUR pour un temps plein, tu te dis qu’on n’exagère quand même pas. Mais, à les écouter, c’est comme si on allait les empêcher de fêter Noël s’ils devaient nous payer cette prime!»
La direction et les syndicats ont tenu – chacun de leur côté – des assemblées du personnel pendant deux jours. «Lors de nos AG, nous avons présenté l’état des négociations et les propositions de la direction» poursuit Annick. «Nous avons organisé un vote en expliquant que voter Non signifiait automatiquement refaire une journée de grève. A Hognoul, nous avons eu 73% de Non sur 228 votants. Il fallait aussi que 3 des 6 magasins votent pour la grève : il y en a eu 4! »
Pourtant la direction a multiplié les pressions sur les travailleurs, en particulier sur ceux qu’elle supposait les plus vulnérables : les temps partiels et les contrats à durée déterminée. Malgré cela, le soutien à la grève est incontestable. «C’est un vote qui est bien réfléchi. Pour beaucoup de gens, ce n’est pas évident de faire grève. D’autant plus qu’il y a plus de 2/3 de travailleurs à temps partiel et qu’une journée de grève, ça peut faire mal au portefeuille. Mais il y a des moments où il faut savoir se positionner clairement et les travailleurs l’ont fait».
Anne-Marie Dierckx, déléguée CNE, est du même avis. «A Arlon, beaucoup de travailleurs sont des frontaliers français et luxembourgeois qui ne sont pas syndiqués. Et pourtant les travailleurs ont voté la grève à 80%. A Zaventem, le blocus est complet. A Anderlecht, le résultat était un peu plus mitigé mais ils ont décidé de suivre le mouvement. Il n’y a que les magasins de Wilrijk et de Ternat qui devraient ouvrir aujourd’hui.» Pour Anne-Marie, la direction cherche à gagner du temps en appelant les travailleurs à la patience. «Elle dit qu’elle ne peut rien mettre de plus sur la table parce qu’elle veut conserver une marge pour faire face à ce qu’elle devrait concéder dans le nouvel Accord Interprofessionnel.» Une patience que n’ont pas les travailleurs qui voient tous les jours leur pouvoir d’achat rogné par la hausse des prix….
A Hognoul, la direction n’a pas fait appel à la justice contre le piquet. Elle a quand même essayé de négocier avec les syndicats l’entrée de travailleurs non-grévistes dans le magasin en échange d’une promesse de ne pas essayer d’ouvrir les portes de celui-ci au public. Une proposition fermement rejetée par les délégations syndicales. Comme le dit Philippe Dekeukelier, permament CNE, «Si on laisse entrer des non-grévistes aujourd’hui, demain il n’y aura plus moyen de faire grève. Un piquet de grève est indispensable pour empêcher la direction de faire pression sur les plus vulnérables.»
Un message ferme approuvé et applaudi par le piquet. La journée sera longue mais la détermination reste entière.
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