Category: National

  • Il pleut, il pleut bergère…

    En cet automne pluvieux, quelques bonnes nouvelles ne font pas de tort. Ainsi, Le Soir Magazine (1) a publié le hit-parade des 25 familles les plus riches de Belgique. Ils se portent bien ! Pour nous, l’avenir, de radieux, devient bien sombre (les ménages doivent s’attendre à débourser 500 euros de plus l’an prochain pour leurs factures !), et le parapluie de l’index-santé est bien troué face à l’averse de hausse des prix !

    Jean Peltier

    La valse des milliards…

    Premier enseignement du classement de Le Soir Magazine, c’est la bière qui rapporte le plus ! On trouve en effet en n°1 les De Spoelbech (de la brasserie Haacht) et en n°4 les Vandamme (Piedboeuf et Stella Artois), tous désormais bien calés au chaud dans le groupe multinational Inbev, ces deux familles pesant respectivement 3,13 et 1,63 milliards d’euros. Deuxième découverte, l’acier wallon mène à tout… à condition d’en sortir à temps : les Frère (passés depuis au groupe médias RTL-Bertelsmann) sont n°2 avec 2,98 milliards et les Boël (réinvestis dans le holding Sofina) n°4 avec 1,42 milliards. Au milieu on trouve la famille Colruyt, n°3 avec 2,52 milliards d’euros.

    Si Le Soir Magazine a un regard ému pour les petits péchés mignons de ces messieurs-dames (les arbres pour Philippe de Spoelbergh, le vin pour Albert Frère), il n’a pas eu le mauvais goût de dresser en parallèle le hit-parade des milliers de licenciements qui ont jalonné le chemin de ces « riches bien de chez nous »…

    …les trous dans la tirelire…

    On redescend sur terre avec un autre hit-parade. Test-Achats a calculé l’impact de quelques-unes des hausses de prix déjà annoncées pour 2008 sur le budget d’un ménage moyen (2). Ca va faire mal !

    En n°1, le gaz : + 247 euros (75 pour la distribution et 172 pour la consommation). En n°2, l’alimentation : + 140 euros (pain, beurre, lait, poulet, légumes en conserve… et bière, ce qui devrait quand même faire plaisir aux familles Spoelbech et Vandamme). En n°3, l’électricité : + 30 euros. Rien que ces trois postes représentent 417 euros. Test-Achat n’a pas pu chiffrer l’impact de l’essence et du mazout de chauffage parce qu’il est impossible de prévoir quand (ou si) les prix vont se stabiliser un jour. Mais on doit s’attendre à devoir sortir de notre poche un minimum de 500 euros en plus l’an prochain.

    …et le parachute troué de l’index-santé

    Comme on ne peut pas vraiment espérer que les familles Frère, Boël et Colruyt vont y aller de leur poche pour nous aider (elles sont actuellement fort occupées à appuyer les efforts des libéraux pour imposer une nouvelle réforme fiscale en faveur des riches), il reste à se consoler en se disant que l’index absorbera les hausses de prix. Stop, on arrête de rêver. L’index des prix a été tellement bien trafiqué par les gouvernements précédents que l’index-santé (c’est son nom officiel) exclut purement et simplement le tabac, les alcools et les carburants dans son calcul. En plus, la part consacrée dans son calcul aux postes les plus importants – 19% pour les dépenses d’alimentation, 6% pour le loyer, 15,5% pour le logement en général – est largement sous-estimée par rapport a ce qu’ils représentent réellement dans les dépenses des familles populaires.

    Résultat, ces manipulations nous coûtent au bas mot 20 euros net par mois par rapport à la hausse réelle du coût de la vie (3). C’est-à-dire la moitié des augmentations prévues l’an prochain…


    1. Le Soir Magazine du 3 octobre

    2. La Meuse du 16 octobre

    3. La Meuse du 25 octobre

  • Après l’explorateur : Un démineur ou un dynamiteur ?

    Crise gouvernementale :

    Faute d’un gouvernement capable de renouveler les subsides, des centaines d’emplois ont été un temps menacés dans le cadre du Plan fédéral des grandes villes ou encore d’ASBL comme les Restos du Coeur. Une solution provisoire a été trouvée mais l’Orange bleue aura au moins réussi un sacré tour de force : menacer directement des emplois alors même que le prochain gouvernement n’existe toujours pas ! C’est finalement assez symptomatique de l’avenir que nous réservent nos politiciens, qu’elle que soit leur langue (de bois).

    Nicolas Croes

    Depuis le 10 juin, nous avons eu droit à une valse de «carrures» politiques qui n’ont finalement rien pu faire d’autre que d’admettre l’impasse dans laquelle ils se trouvaient. L’informateur Reynders a été suivi du négociateur Dehaene, juste avant le formateur Leterme à qui a succédé l’explorateur Van Rompuy. Et puis quoi ensuite ? Un démineur ou un dynamiteur ?

    On a un peu l’impression d’être dans un de ces vieux films où deux camions se foncent dessus en espérant que l’autre flanchera le premier et sortira de la route. Sauf qu’ici, il manque la vitesse… A tel point que Guy Quaden, le gouverneur de la Banque Nationale, a averti qu’un tel retard dans la formation du gouvernement aura des répercussions économiques. Histoire de déjà prévenir la future coalition qu’elle aura peut-être encore plus à faire en termes d’attaques sociales? Avec la crise des crédits hypothécaires américains qui s’est transformée en crise boursière et financière et s’étend peu à peu au reste de l’économie mondiale, cela fait froid dans le dos…

    Ce qui est certain, c’est que la pression augmente sur les probables partenaires, qui semblent pourtant avoir tout essayé pour n’arriver encore à rien après plus de 100 jours de discusssions. Ecolo a été approché, sans succès. L’explorateur a même fait appel à l’ex-négociateur pour tâter le pouls du Boulevard de l’Empereur. Mais au siège du PS, on est fort peu désireux d’apporter le moindre soutien à Reynders et Leterme. Sans pour autant qu’il y ait de virage à gauche, comme vous pourrez le voir dans cet article. Alors quoi, un démineur ou un dynamiteur ?

    Vous trouverez plus de précisions sur notre position vis-à-vis de la question nationale dans le dossier de ce journal mais, en définitive, dynamiter les institutions actuelles n’est pas pour nous déplaire. Oui, une communauté profite de la situation. Oui, cette communauté d’intérêt repart sans cesse à l’attaque. Mais cette communauté, c’est celle des riches, celle des patrons et des acti-onnaires. Si Leterme, Reynders, Milquet, Verhofstadt ou Di Rupo patinent autant, ce n’est pas vraiment parce qu’ils sont en désaccord sur la manière de réagir à cette offensive. Ils l’appuient tous mais ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la sauce – toujours fédérale ou davantage régionalisée – à laquelle ils veulent l’assaisonner.

    Cette crise est la leur, aux travailleurs d’apporter leur propre réponse: celle de la solidarité, par-dessus toutes les frontières, y compris linguistiques.

  • PS et Région wallonne. Demotte lave plus bleu ?

    Rudy Demotte, le successeur que s’est choisi Di Rupo comme Ministre-président de la Région wallonne, a donné une interview de rentrée au Soir. Elle illustre à merveille le dicton populaire « Avec un socialiste comme ça, qui a encore besoin des libéraux ? ».

    Par Jean Peltier

    Après avoir rappelé le credo du PS wallon (non au confédéralisme, tout pour le redressement économique wallon), Demotte en arrive aux moyens à employer pour assurer ce redressement. Et le festival commence : « La Wallonie doit redevenir une ‘’terre laborieuse’’. Je serai celui qui y veillera. Qui va libérer le marché ». Un peu surpris par ce mâle discours sarkozyste, le journaliste risque « ‘’Libérer le marché’’, de la part d’un socialiste… ». Demotte appuie alors sur l’accélérateur : « Un socialiste moderne, convaincu de l’importance d’offrir les meilleures conditions aux investisseurs – à commencer par les investisseurs flamands (…). Il faut offrir des garanties aux gens qui détiennent des capitaux et qui sont prêts à investir. L’accord social chez Ryanair récemment est un bel exemple d’une Wallonie aux antipodes de son image conservatrice, grévicultrice, etc. ». Et Demotte assène le coup final « Il faut un nouveau « pacte social wallon », liant mouvement syndical, patronat, responsables publics (qui) renvoie à l’impératif wallon : la prise de conscience (de) ne compter que sur nous-mêmes ».

    Ce nouveau pacte social pour attirer les investisseurs, on voit donc bien ce que cela signifie pour Demotte : ligoter les mains des syndicats en convainquant leurs dirigeants qu’il n’y a pas d’autre moyen que de supprimer les « rigidités » du marché du travail (fini les contrats à durée indéterminée, vive les contrats précaires, la flexibilité des horaires, l’intérim à gogo et la « facilitation » des licenciements) et en réduisant les possibilités de grève (en les faisant bloquer par les dirigeants syndicaux et, si besoin, en imposant le service minimum dans les services publics cher au cdH.

    Les intentions de Demotte sont donc claires comme du cristal au niveau de la Région wallonne. Il continuera – et accentuera – la politique social-libérale qu’a menée Di Rupo. Mais ses déclarations ont aussi une signification au niveau fédéral. Elles sont d’abord une offre de service en bonne et due forme adressée aux partis de l’Orange bleue, et en particulier au CD&V : si vous n’arrivez pas à vous entendre à quatre, le PS est disponible et mener une politique libérale ne nous fait pas peur ! Mais elles montrent aussi quelle « opposition » le PS s’apprête à mener au cas où il ne ferait pas partie du nouveau gouvernement : Là où la droite cherche à passer à force, nous, nous réussissons à rassembler les dirigeants du patronat, des partis et des syndicats autour d’une politique favorable aux investisseurs ». Le PS en champion du libéralisme consensuel contre le libéralisme d’affrontement social !

    Espérons que ces déclarations feront réfléchir ceux qui pensent encore que le PS rejeté dans l’opposition développerait une critique de gauche d’un gouvernement chrétien-libéral et desserrerait le frein qu’il a placé sur la FGTB afin que les syndicats secouent le gouvernement. En candidats permanents au pouvoir et à la gestion néolibérale, les dirigeants du PS n’ont pas la moindre envie de voir les travailleurs dans la rue… même contre la droite !

  • Bye Bye Belgium? Questions / réponses sur la crise communautaire

    La crise politique paralyse la Belgique

    Plus de cent jours après les élections, aucune issue n’est en vue. Journalistes et politiciens étrangers regardent ce spectacle avec stupéfaction, comme The Economist qui a prédit la fin de la Belgique. On peut être plus que certain que les classes dirigeantes des pays européens confrontés à des régions qui aspirent à plus d’autonomie – la Grande-Bretagne, l’Espagne, la France ou encore l’Italie – suivent ces développements avec grande attention.

    Dossier par Anja Deschoemacker

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    Fédéralisme responsable?

    Alors que les deux syndicats juraient leurs grands dieux avant les élections qu’ils s’opposeraient à toute régionalisation du marché de l’emploi, les dirigeants flamands de la CSC – maintenant que “leur” parti a de nouveau la possibilité d’avoir le Premier ministre – laissent désormais la porte ouverte sur cette question. Les déclarations de Cortebeeck prouvent que la direction de la CSC pourrait donner son accord à, par exemple, une proposition de Bea Cantillon (Centre pour la Politique Sociale de l’Université d’Anvers), pour qui on peut transférer partiellement le budget de la sécurité sociale en fixant des objectifs. « Un Etat régional qui par sa politique diminue les dépenses de la sécurité sociale serait recompensé. Un Etat régional qui augmente les coûts sera financièrement puni. » (Knack, 25/07). Elle appelle ça « un fédéralisme social responsable ». Cela serait – suivant la veille tradition belge – présenté comme une victoire à la fois par les nationalistes flamands (« un premier pas vers une régionalisation ») et par les partis francophones (« pas de régionalisation »).

    Les syndicats ne doivent pas se battre pour une division de de la pénurie –résultat de l’écrémage systématique de la richesse produite qu’opèrent patrons et actionnaires – mais doivent mener une lutte contre contre chaque démantèlement social et pour plus de moyens.
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    Mais si la discussion sur l’éclatement de la Belgique se mène ouvertement, les prises de positions en faveur du maintien du pays gagnent en force. A la surenchère communautaire répond le sentiment grandissant que « la récréation est terminée » et qu’il est temps de faire appel à un « véritable homme d’Etat».

    Comment un tel chaos a-t-il pu arriver ? Et que va-t-il arriver maintenant ? Pour nous, socialistes révolutionnaires, s’ajoute la question du programme à défendre. Les revendications nationalistes flamandes – caractérisées par la suffisance, et l’égoïsme – ne sont en aucun cas une option. Mais les « belgicistes » ont-ils pour autant une solution valable ? Pas vraiment… Le MAS/LSP ne défend ni l’élite nationaliste flamande – qui ne veut rien d’autre qu’exploiter plus encore les travailleurs flamands – ni les intérêts de patrons comme Albert Frère (la plus grosse fortune de Belgique) ou encore de la monarchie.

    D’où vient la surenchère communautaire?

    Dans le passé, l’oppression passée de tout ce qui avait trait au flamand a ouvert la voie à l’amertume et la méfiance. Les écoliers flamands apprennent dans leurs cours d’histoire que les Flamands ont dû se battre pour acquérir le simple droit d’utiliser leur langue et ont été souvent trompés quand la lutte imposait des concessions. Dans cette logique, « les francophones » reçoivent aujourd’hui, selon les flamingants, la monnaie de leur pièce.

    Ici, c’est à dessein que « les franco-phones » sont entre guillemets, car il n’existe pas de groupe linguistique homogène. L’élite francophone qui a jadis laissé la Flandre stagner dans le sous-développement est la même que celle qui a durement exploité et opprimé les travailleurs wallons. Ce n’est pas par hasard si Marx a décrit le jeune Etat belge – créé par les grandes puissances européennes comme Etat-tampon contre la volonté d’expansion de la France qui suivit la révolution française – comme un vrai « paradis pour le patronat ».

    La majorité du mouvement flamand a toujours recherché une solution au sein de la Belgique. Aujourd’hui encore, seuls la N-VA et le Vlaams Belang sont séparatistes, mais les études sur l’électorat de ce dernier démontrent paradoxalement qu’il comprend plus d’unitaristes et de monarchistes que d’indépendantistes. La surenchère communautaire n’est donc en rien une lutte consciente pour une Flandre indépendante.

    De l’autre côté, le régionalisme wallon – dont la direction se référait au programme de réformes de structures de la FGTB – est depuis longtemps déjà en déclin. Il faut dire que le rêve d’une Wallonie autonome et « donc plus sociale » a viré en cauchemar face à la croissance du chômage, aux salaires et au niveau de vie en général plus modeste qu’en Flandre, etc.

    La surenchère communautaire est à la fois le résultat de cette histoire et du jeu de poker politique de la classe dirigeante belge. Cette dernière possède le pouvoir économique – et donc le réel pouvoir politique – et mène les partis traditionnels par le bout du nez. Elle a toujours su manipuler les différences de langue et de mode de vie pour faire payer ses profits et ses privilèges à la majorité de la population. Le but n’a jamais été la scission finale de l’Etat. Comme l’expliquait l’écrivain flamand Geert Van Istendael au Soir, on peut tout faire avec un bouc émissaire sauf le tuer, à moins de devenir soi-même responsable. Mais, combinée à la politique antisociale qui engendre toujours plus de manque et de frustration, la surenchère communautaire peut mener à l’exacerbation des tensions nationales.

    Comme l’écrit le journal néerlandais HRC Handelsblad: si le pays se désintègre aujourd’hui, ce sera plus à cause du désintérêt de la population que pour de véritables tensions nationalistes dans les couches larges. Nous sommes du même avis et voyons surtout un jeu politique où la population est réduite à l’état de simple spectateur dans les développements actuels.

    Quels sont jusqu’ici les résultats de la régionalisation?

    La scission de diverses compétences – la communautarisation de l’enseignement ou la régionalisation partielle des villes – a donné d’excellents résultats… pour la classe dirigeante ! Tous les commentateurs politiques sérieux admettent que cela a été une aide précieuse pour « l’assainissement du pays », c’est-à-dire le démantèlement de « l’Etat providence ».

    Depuis presque 20 ans, les partis flamands ont été obligés de gouverner avec le PS. S’ils veulent aller plus loin dans la satisfaction de leurs revendications aujourd’hui, ce n’est que pour améliorer la situation du patronat: un marché de l’emploi encore plus flexible, des conditions de travail et de salaire encore pires, moins de sécurité sociale,… Ce jeu se joue également de l’autre côté de la frontière linguistique. Le PS a de cette manière réussi à être considéré comme un parti d’opposition tout en étant au gouvernement : «nous devons assainir», «nous devons couper dans le budget de l’enseignement», «nous devons chasser les chômeurs», etc «sinon la Flandre scissionnera la sécurité sociale ou même le pays».

    Pendant ce temps les riches restent en dehors du collimateur et reçoivent cadeaux sur cadeaux: diminutions de charges et d’impôts, amnistie fiscale,… Les revenus du capital prennent une place toujours plus grande dans la richesse nationale au détriment des revenus salariaux. Mais tant que dure le show communautaire, personne ne pense aux poches qui engloutissent réellement la richesse nationale ! Ce ne sont pas celles des travailleurs, chômeurs et pensionnés wallons, flamands ou bruxellois !

    Dans une situation de ralentissement de la croissance économique mondiale suite à la crise du crédit hypothécaire américain, la surenchère communautaire ne va pas disparaître de si tôt car car il faut bien en faire payer le prix à quelqu’un.

    Le scénario d’une séparation est-il réaliste?

    Cette question se pose surtout à cause de l’impasse actuelle dans les négociations entre les deux « communautés » pour le gouvernement. Mais une séparation devra également être négociée, notamment pour les frontières des Etats, l’avenir de Bruxelles, la division de la dette nationale et de ce qui reste encore du patrimoine national après Verhofstadt I et II. Sans scission négociée, le seul autre scénario est celui d’une guerre civile autour des questions territoriales et surtout autour de Bruxelles et sa périphérie.

    Car une Flandre sans Bruxelles est immédiatement beaucoup moins intéressante. La région bruxelloise est responsable de 20% du PIB belge et sur les 340.000 navetteurs qui travaillent à Bruxelles, il n’y a pas moins de 230.000 flamands. De plus, la Wallonie et Bruxelles sont les partenaires commerciaux les plus importants des entreprises flamandes.

    Une Flandre indépendante qui voudrait garder Bruxelles devrait par contre accepter que cette Flandre soit un Etat bilingue. Et afin d’être acceptée comme membre de l’Union Européenne, la Flandre devrait très probablement souscrire au traité sur les minorités, ce qu’elle refuse de faire jusqu’à présent. Elle devrait alors accorder à la minorité nationale francophone en Flandre des droits ou des facilités et pas seulement dans les communes à facilités actuelles, mais partout où il y a une minorité francophone importante.

    Et là, c’est encore dans l’hypothèse où la population bruxelloise voudrait rejoindre une Flandre indépendante, ce qui est déjà extrêmement improbable dans le cadre d’une scission négociée, mais devient totalement impensable dans un scénario de déclaration unilatérale d’indépendance.

    C’est pour cela que le groupe De Warande (auteur d’un Manifeste pour une Flandre indépendante) ne men-tionne pas Bruxelles et que Bart De Wever (N-VA) place l’indépendance de la Flandre dans un avenir lointain dans lequel la Belgique se serait « vaporée » entre des Etats régionaux presque autonomes et l’Union Européenne.

    Selon le MAS/LSP, ce dernier scénario est utopique : la création d’un véritable Etat européen n’est pas possible dans le cadre du capitalisme car elle présuppose que les différents Etats européens (et les élites économiques qu’ils représentent) stoppent leur concurrence entre eux alors que l’objectif actuel de l’UE est justement un projet dans lequel cette concurrence peut s’effectuer de façon encore plus brutale, entre autres en libéralisant et démantelant totalement les services et les systèmes de sécurité sociale. Et ces dernières années ont été les témoins de bien des problèmes dans la construction de l’UE: le Pacte de stabilité n’est presque plus respecté, il n’existe pas de politique extérieure unifiée, la Constitution est momentanément enterrée, le protectionisme économique réapparaît,…

    Nous pensons donc qu’une scission de la Belgique n’est pas une perspective probable à court terme. D’ailleurs aucune partie du pays ne compte une majorité qui y soit favorable, ni dans la classe dirigeante ni dans le mouvement ouvrier.

    Au contraire des nationalistes flamands, le MAS/LSP n’est pas non plus convaincu de l’inexistence d’un « sentiment belge » ou du fait que les différences culturelles entre la Flandre et la Wallonie soient insurmontables. La différence linguistique masque justement de fortes similarités, des choses qui tombent directement sous le sens des étrangers mais que beaucoup de Flamands et de Wallons ne voient plus derrière les institutions, les politiciens et les médias. On ne connait pas le nombre de « familles mixtes » entre les régions et une scission ferait du tissu économique un gigantesque gruyère.

    Un divorce n’est facile qu’avec consentement réciproque et accord sur la séparation des biens. Sans accord, la scission de la Belgique ne saurait être qu’une grande bagarre. Et dans un tel type de divorce, les politiciens doivent pouvoir compter sur une réelle volonté de séparation auprès de la majorité de leur population, ce qui n’est pas le cas.

    Cette question nationale peut-elle être résolue?

    Le seul lieu où reste encore des traces de l’oppression et de l’humiliation nationale est la périphérie de Bruxelles, où la population d’origine, flamande et moins aisée, est sous pression depuis déjà longtemps, mais ce phénomène est plus une donnée socio-économique qu’une invasion francophone consciente.

    Tout d’abord, les nouveaux arrivants plus aisés ne sont pas seulement des francophones, mais aussi des eurocrates ( il faut noter que les eurocrates néerlandais ne choississent qu’exceptionnellement le côté flamand, vu comme « provincial » et « borné »). Pour arrêter ce développement, la politique actuelle du logement – qui partout donne priorité au plus grand portefeuille – doit être remplacéé par une politique qui offre des habitations sociales confortables et abordables comme garanties à ceux qui veulent rester dans la région. Cependant, tous les nouveaux arrivants ne sont pas riches; bon nombre d’entre eux sont des familles de travailleurs qui souhaitent élever leurs enfants dans une environnement plus vert et plus agréable. Une politique sociale de logement, combinée à une masse de stimulants pour permettre aux populations parlant d’autres langues de s’intègrer dans la communauté locale donnerait de biens meilleurs résultats que la politique actuelle de harcèlement qui a pour effet de pousser tous les francophones dans les bras des partis francophones dont la politque antisociale ne diffère en rien de celle de leurs collègues flamands.

    Le MAS/LSP n’est pas d’accord avec les nationalistes flamands pour qui la cohabitation des différents peuples au sein d’un Etat est impossible. En soi, le MAS/LSP n’a rien contre un élargissement des compétences des autorités régionales et locales. Mais à la condition que cela soit demandé par une majorité de la population dans la région impliquée et que le but soit d’arriver à une meilleure politique, à une politique sociale qui pourvoit aux besoins de tous.

    Le MAS/LSP défend une démocratie aussi large que possible. Nous reconnaissons le droit à l’autonomie et même à la séparation si cela est demandé par la majorité de la population de la région impliquée. Le MAS/LSP s’oppose par contre à une régionalisation si le but est d’arriver à une politique d’austérité encore plus dure, imposée dans une région pour l’être ensuite dans l’autre. La scission de l’enseignement illustre cette tactique. Pour cette raison, nous nous opposons de façon résolue à la scission de la sécurité sociale, de la politique d’emploi et de la concertation sociale.

    Nous sommes pour un élargissement des droits démocratiques, ce qui signifie entre autres lutter pour le droit à un travail et à des services dans sa propre langue. Le bilinguisme ne peut pas être imposé, seulement stimulé, notamment avec un enseignement de bonne qualité pour tous les élèves. Le MAS/LSP pense que les droits linguistiques des minorités nationales – flamande à Bruxelles et en Wallonie, francophone dans la périphérie de Bruxelles, en Flandre et en communauté germanophone, germanophone en Wallonie – doivent être inscrit dans la Constitution. Une politique linguistique démocratique n’est possible qu’avec assez de moyens. C’est la seule manière de faciliter la cohabitation. La contrainte n’entraîne qu’une résistance aigrie.

    Les droits des immigrés – sur le plan linguistique, mais aussi dans l’enseignement et les autres services – doivent être également inscrits dans la Constitution. Les travailleurs autochtones y ont aussi grand intérêt : c’est justement leur manque de droits qui fait la présence de travailleurs étrangers sur le marché de l’emploi qui fait peser une pression sur tout les salaires.

    Bruxelles-Hal-Vilvorde est le dossier symbolique par excellence. N’importe quelle « solution » – scission et/ou élargissement de Bruxelles – n’en est pas une si on ne tient pas compte des droits de la minorité qui s’y trouve. Ce n’est que si les minorités voient leurs droits garantis qu’on peut arriver à une solution bénéfique pour tous.

    Plus de moyens pour une vraie politique sociale et des droits pour chaque groupe de la population sont les seules véritables conditions pour une cohabitation harmonieuse. Notre pays possède plus qu’assez de richesses pour pourvoir aux droits et besoins de tous les travailleurs et de leurs familles. Mais nos gouvernements choisissent de donner des milliards au patronat sous forme de baisse des soi-disants charges patronales, de diminutions d’impôts pour les riches et de toutes sortes de manoeuvres fiscales.

    En manipulant la question nationale dans le passé et aujourd’hui, la bourgeoisie crée des problèmes de société plus grands encore qu’elle est incapable de résoudre ensuite. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils ne peuvent pas être résolus: avec assez de moyens et une démocratie aussi conséquente que possible les travailleurs peuvent faire en sorte que la cohabitation ne soit pas seulement viable, mais aussi agréable.

    Dans un système où la production des biens et de la richesse est basée sur la soif de profit d’une petite élite qui règne en Belgique à travers les divers gouvernements, il y aura fatalement toujours des besoins non-satisfaits qui mèneront à des luttes diverses. Mais la seule lutte qui peut offrir une issue est celle du mouvement ouvrier pour une société basée sur la satisfaction des besoins de la majorité et qui mette en oeuvre une planification démocratique de l’économie afin de répondre de la façon la plus efficace aux besoins de tous, c’est-à-dire une lutte pour le socialisme.


    La question nationale en Belgique:

    Une réponse du mouvement ouvrier est nécessaire!

    Fin 2005, une Conférence Nationale du MAS/LSP a mené une discussion sur la question nationale en Belgique sur base d’un texte retravaillé par la suite.

    Vous pouvez trouver cette brochure sur www.marxisme.org ou demander une version papier de ce texte à la rédaction!

  • Travailleurs wallons, bruxellois et flamands. Tous ensemble contre la droite

    Au moment de la parution de ce journal, nous n’avons toujours pas de gouvernement. Après plus de cent jours, les négociations ne semblent pas bouger. Les politiciens du Nord montrent du doigt « les Francophones » tandis que ceux du Sud dépeignent « la Flandre » comme un bloc homogène égoïste obnubilé par la scission du pays.

    par Peter Delsing

    Pourquoi les revendications communautaires sont-elles devenues si importantes? Le pays est-il vraiment en voie de scission, comme certains médias et politiciens amateurs de sensations fortes le disent ? Avec la crise politique qui se développe autour de la (non-) formation du gouvernement, c’est devenu un sujet de discussion partout parmi la population, à la maison, dans le train ou au boulot.

    Les politiciens bourgeois, de part et d’autre de la frontière linguistique, ne peuvent pas se vanter d’avoir réalisé grand’chose sur le plan social. Il leur serait difficile d’affirmer que notre pouvoir d’achat a augmenté. Bien au contraire, les manipulations de l’index, la hausse continue du coût du logement et aujourd’hui l’augmentation du prix de beaucoup de produits de base (pain, oeufs, bière, etc.), les salaires et les allocations des travailleurs et de leurs familles ont systématiquement perdu de leur valeur.

    Les politiciens ne peuvent pas dire non plus qu’ils ont amélioré la sécurité de l’emploi: une entreprise rentable comme Janssen Pharmaceutica vient de licencier 688 salariés. Ont-ils contribué à réaliser une combinaison meilleure entre le travail et la famille? La pression au travail, le stress et le manque d’épanouissement individuel sont devenus la norme. A la fin de la route toujours plus longue (à cause du Pacte de Solidarité), c’est une pension au rabais qui nous attendra.

    Le seul thème sur lequel la plupart des politiciens, y compris ceux du PS et du SP.a, souhaitent encore se positionner, c’est le thème communautaire. Tout serait la faute, selon les cas, des Flamands ou des francophones. Ce jeu politique est scandaleux, si on prend en compte les problèmes sociaux réels qui existent dans la société et le clivage toujours plus important entre les riches et les pauvres.

    Nous ne pensons pas qu’une scission de la Belgique est aujourd’hui à l’ordre du jour, même si cela peut devenir un scénario bien réel si nous laissons faire les politiciens actuels. Suite à l’excitation que font monter les médias, le soutien à la division du pays aurait, selon les sondages, augmenté de part et d’autre de la frontière linguistique. C’est un développement bien inquiétant pour les travailleurs. La majorité de la population n’a rien à gagner dans les jeux communautaires qui dominent le débat actuel.

    Du côté flamand, les partis de droite, et derrière eux beaucoup de petits patrons, espèrent pouvoir imposer des mesures d’austérité importantes en Wallonie, à Bruxelles… et en Flandre par le biais de la régionalisation. Le VOKA (l’organisation du patronat flamand) veut scissionner les caisses de chômage avec une politique envers les chômeurs differenciée selon les régions. Ils espèrent ainsi briser plus facilement la résistance des syndicalistes à leur politique antisociale.

    Mais, du côté francophone, le front « communautaire » n’est pas plus « social » : tant le MR et le CDH que le PS se sont déjà prononcés en faveur de restrictions au droit de grève, comme chez Ryanair. Leur résistance à une régionalisation accrue vient des difficultés économiques que connaissent la Wallonie et Bruxelles et de leur inquiétude face au rythme élevé et à l’ampleur des mesures d’austérité que veulent imposer les partis flamands. Mais pas du tout d’une opposition de fond à cette politique d’austérité.

    Il est clair que la période à venir sera marquée par des crises économiques et de nouvelles et dures mesures d’austérité. Tous les salariés de Belgique, qu’ils soient flamands ou francophones, doivent se préparer aux attaques du patronat. Cela ne sera pas possible si la droite et ses laquais nous divisent. Pour un nouveau parti des travailleurs, contre la droite et la politique antisociale, participez au CAP dans votre région, informez-vous des idées du MAS/LSP. Organisez-vous pour défendre les intérêts de tous les travailleurs. Rejoignez-nous !

  • Stop au racisme contre l’Islam

    Il y a quelques temps, l’organisation “Stop the Islamisation of Europe” (SIOE), un rassemblement d’organisations européennes anti-islamiques (y compris entre autres le parti anti-islamique danois SIAD et le groupe britannique No Sharia Here), a annoncé vouloir organiser une manifestation contre « l’Islam ». Après de nombreuses mésaventures, ils ont déclaré que, malgré l’interdiction, il va quand même y avoir une manifestation.

    Lorsqu’on leur demande les raisons pour lesquelles l’Islam est le thème de leur manifestation, ils répondent que l’Islam est une religion violente, et qu’il faut la combattre. Cette conclusion ne tient évidemment pas compte ni de l’histoire de l’Islam, ni de celle des autres religions. Nous n’allons pas plaider pour une interdiction du christianisme à cause de l’Inquisition en Espagne. Nous allons encore moins organiser une manifestation contre le judaïsme à cause de la nature répressive du régime israélien.

    En tant que marxiste nous ne défendons pas les religions en soi mais nous défendons toutefois le droit de pratiquer ses croyances et nous nous opposons avec force à ceux qui voudraient manifester contre l’Islam. Ce qu’ils font, ce n’est pas manifester contre certains courants fondamentalistes, ils agissent à l’encontre de toute la population originaire d’un pays dont la religion dominante est l’Islam. Cela n’est rien de moins que du racisme.

    Ce qui est frappant ici, est le rôle du VB dans cette affaire. Dewinter a non seulement offert Coveliers comme avocat pour combattre l’interdiction de la manifestation, mais aussi et surtout son service d’ordre (Voorpost) pour accompagner la manif et s’assurer de son bon déroulement. Mais cette dernière proposition a été refusée par les organisateurs. Nation appelle aussi à cette manifestation. Le soutien que le VB a porté à cette manifestation est certainement un scandale, mais ce n’est en tout cas pas une surprise.

  • Le syndrome de Stockholm d’Herman De Croo

    Connaissez-vous le Syndrome de Stockholm ? C’est le fait qu’après une longue cohabitation forcée, les vicitimes d’une prise d’otages en viennent souvent à éprouver plus de compréhension voire même de sympathie pour leurs gardiens ou ravisseurs que pour les policiers qui les ont libérés.

    Herman de Croo a rencontré ce Syndrome. Il pense même avoir grâce à lui trouvé la solution pour les négociations gouvernementales difficiles : simplement continuer à négocier.

    Il l’a expliqué le 6 août au Standaard : « Lors de ces négociations, il arrive quand même un moment où apparaît le syndrome de Stockholm. On mange ensemble, on demande comment vont les enfants, la tenue vestimentaire n’est pas toujours aussi formelle,… à la longue, cet espace de négociations devient un deuxième chez-soi. Ce facteur d’habitude provoque un rapprochement des différentes parties et alors il est temps de passer à la deuxième phase du processus mental : la prise de distance vis-à-vis de sa base. »

    La base est donc prévenue. Les bons négociateurs sont donc ceux qui, entre la poire et le fromage, cocufient leur électeurs et leurs militants avec le chef du parti d’en face. Notons que cela fait longtemps que les patrons jouent à ce jeu avec les permanents syndicaux…

  • Où est l’opposition à la politique néolibérale?

    Face aux mesures musclées qui ont été proposées par les négociateurs de l’Orange bleue et aux empoignades lors des négociations pour la formation du gouvernement, le manque d’opposition digne de ce nom a été frappant. Les rares déclarations et critiques sont restées étonnament mesurées et prudentes.

    Plusieurs partis espèrent sans doute encore être invités à la table des négociations pour la formation d’un gouvernement ou, au moins, pour la réforme de l’Etat. Le SP.a a déjà dit qu’il était prêt à faire l’appoint pour arriver à une majorité des deux-tiers pour une réforme de l’Etat tandis que le PS monterait volontiers dans un gouvernement.

    Il n’était donc pas question de montrer une véritable opposition aux propositions qui ont déjà été lancées. Caroline Gennez, la nouvelle présidente du SP.a, a déclaré : « Vu que la majorité n’y croit pas elle-même, l’opposition n’a pas beaucoup de travail ». On pourrait penser que c’est l’occasion idéale d’avancer des alternatives, mais c’est évidemment là que le bât blesse.

    La sortie de Gennez sur le « gouvernement pour le grand capital » que voulait mettre en place Leterme ne valait que pour la prolongation des centrales nucléaires. Pour le reste, la social-démocratie a repris à son compte la défense des intérêts patronaux. Luc Van Den Bossche (SP.a) a insisté sur la nécessité d’une formation rapide du gouvernement parce qu’une impasse « enterre la position concurrentielle de notre pays ». Pour sa part, le PS trouvait que le projet en matière de budget était insuffisant parce qu’on y tenait compte d’un déficit au lieu de couper davantage dans les dépenses. Avec de telles « critiques », on voit que l’option d’une tripartite reste donc bien ouverte.

    Il y a bien eu des critiques verbales, notamment de la part de Groen, sur le fait que la note du formateur « n’était pas à la hauteur ». Groen et Ecolo sont prêts à négocier leur appui éventuel à une réforme de l’Etat. La réaction d’Isabelle Durant au flirt poussé de son parti avec des grosses pointures du MR a été de dire que si Ecolo n’était pas enthousiaste à propos de l’Orange bleue, il n’en reste pas moins que « nous sommes des gens de dialogue ».

    Le Mouvement Ouvrier Chrétien a déclaré que « l’état des lieux concernant l’agenda social » ne les « rassurait pas ». Il a appelé les négociateurs à élaborer un programme « socialement juste ». La FGTB a déclaré qu’elle n’était « pas en faveur » des mesures proposées parce qu’elles sont taillées sur mesure pour le patronat.

    Les mesures antisociales des partis pressentis pour former le gouvernement ont pourtant de quoi susciter une réplique plus cinglante sur les plans syndical et politique. Les réactions des soi-disant partis d’opposition démontrent clairement que les travailleurs n’ont plus aucune représentation politique. Rien d’étonnant à ce qu’ils tournent de plus en plus le dos aux politiciens traditionnels et parfois à « la politique » en général.

    Si nous ne réagissons pas nous-mêmes aux attaques qui se préparent contre notre niveau de vie, les néolibéraux iront de plus en plus loin dans leur offensive. On a besoin d’une opposition active. C’est une tâche importante à laquelle doit s’atteler une initiative comme le CAP.

  • Derrière la bagarre communautaire se cache une unité néolibérale

    Partout en Europe des gouvernements de droite dressent des plans ou prennent des mesures pour miner le niveau de vie des travailleurs, pour démanteler encore plus la sécurité sociale et pour limiter les possibilités de résistance collective contre ces mesures.

    Geert Cool

    Dans notre pays aussi, tous les partis traditionnels veulent mener une telle politique, et cela quelle que soit la coalition gouvernementale qui sortira finalement du jeu. Les partis flamands demandent une régionalisation plus forte pour pouvoir mener en Flandre une politique néolibérale plus dure. Les partis francophones s’y opposent mais déclarent qu’ils sont eux aussi prêts à mener des attaques aussi dures à condition que ce soit dans le cadre fédéral.

    L’enjeu ne manque pas d’importance. Depuis le début des négociations, on parle d’instaurer un service minimum lors de grèves dans le transport public. L’organisation des élections sociales de 2008 est mise en danger par la résistance à la création de conseils d’entreprise dans les entreprises à partrir de 50 travailleurs.

    La dernière note du formateur Leterme affirmait que la croissance des dépenses pour la sécurité sociale devrait être inférieure à celle de la croissance économique. Les diminutions des charges patronales seraient de cette manière payées par ceux qui vivent d’une allocation ou qui ont besoin d’une intervention de la sécurité sociale. Pour cela, les libéraux plaident, entre autres, pour une limitation légale dans le temps de l’allocation de chômage tandis que le CD&V propose une régionalisation de la politique d’ « activation » des chômeurs… afin d’aboutir dans la pratique à limiter la durée de l’allocation de chômage !

    Les partis bleu et orange du coté flamand revendiquent aussi, entre autres, la régionalisation d’une partie des conventions collectives. La CSC avait déjà fait remarquer au début de la mission du formateur qu’il y avait sur la table des propositions bien concrètes pour des diminutions des charges patronales tandis que les mesures sociales (comme la liaison des allocations sociales au bien-être), déjà bien limitées, n’étaient pas du tout concrétisées.

    Du côté francophone, l’échec des négociations pour la formation d’une coalition par Leterme a été mis sur le compte des revendications flamandes tandis que, du côté flamand, on montrait du doigt l’inflexibilité des francophones et surtout du CDH. Plusieurs dirigeants des libéraux flamands ont enfoncé encore un peu plus le clou en dénonçant le caractère « gauchiste » du CDH. Un parei l reproche montre surtout à quel point le programme du VLD est antisocial et néolibéral.

    Car, dans les gouvernements wallons et francophones, le CDH ne mène pas une politique qui soit dans les intérêts des travailleurs. C’est le ministre CDH André Antoine qui, avec ses plans de privatisations, a été à la base de la grève à l’aéroport de Charleroi fin juin. C’est aussi le même Antoine qui menaçait en mars de licencier purement et simplement les chauffeurs du TEC Namur-Luxembourg qui avaient participé à une grève « sauvage » à Onoz…

    Quel que soit le gouvernement qui finira par sortir des discussions actuelles, il est clair qu’il voudra imposer une politique d’austérité dure. La difficile formation de ce gouvernement montre à nouveau que les travailleurs et leurs familles n’ont pas de grand parti qui défende leurs intérêts. Nous ne pouvons qu’assister comme de simples spectateurs au mauvais show organisé par les politiciens traditionnels.

    Il est grand temps de construire une alternative, un instrument politique qui soit capable d’organiser la résistance contre la politique néolibérale et de donner à cette résistance une traduction politique. Le Comité pour une Autre Politique est une tentative humble, mais importante, dans cette direction. Coopérez avec les membres du MAS à la construction du CAP.

  • Leterme échoue: Le “bon gérant” ne gère plus… (sans doute à suivre)

    74 jours après les élections, après cinq semaines de négociations, Leterme a du admettre sa défaite. Ce qui va se passer ensuite n’est toujours pas clair au moment où Alternative Socialiste part à l’impression. La plupart des médias affirment qu’une coalition Orange Bleue continue à avoir la préférence mais les discussions sur des formules alternatives reprennent vigueur.

    Anja Deschoemacker

    En fait, la classe dirigeante a obtenu le 10 juin un énorme cadeau bien inattendu : pour la première fois en 20 ans, un gouvernement pouvait être formé sans le PS francophone. Reynders avait alors crié victoire et il pensait que son argument – « un gouvernement sans PS est une réforme de l’Etat en soi » – serait assez convaincant pour que le CD&V laisse tomber l’essentiel de ses revendications communautaires.

    Et si on regarde les revendications qu’avance l’Union des Classes moyennes flamandes Unizo – au premier rang desquelles figure la régionalisation de la politique du marché de l’emploi – cela aurait pu être le cas. Tout comme les autres organisations patronales, Unizo réclame une « modernisation du marché de l’emploi » (comprenez : un démantèlement des acquis du mouvement ouvrier) mais elle pense l’obtenir plus rapidement au moyen d’une régionalisation accrue. La Flandre pourrait ainsi pousser sur l’accélérateur et approfondir sa réforme du marché de l’emploi, pour pouvoir ensuite mettre encore plus de pression sur la Wallonie. La logique de Reynders est que, débarassé du PS, on pourrait désormais faire cela directement à l’échelle de tout le pays.

    Mais les choses ne sont évidemment pas aussi faciles que cela. Car le MR n’est pas nécessairement capable d’imposer les mêmes concessions au mouvement ouvrier que le PS.

    Avant les élections, tout le monde s’attendait à ce que le prochain gouvernement soit dominé d’un côté par le CD&V et de l’autre par le PS. Le PS se serait certainement contenté de monnayer son accord à une réforme de l’Etat (bien sûr accompagnée de concessions aux revendications francophones) contre des compensations sociales. Il aurait certainement pu obtenir l’accord du CDH et d’Ecolo et convaincre la FGTB et la CSC d’accepter ce marché.

    Le seul scénario auquel les Etats-majors des partis flamands prêts à participer à un gouvernement s’étaient préparés afin de couper plus durement, plus profondément et plus structurellement dans les dépenses sociales était donc une régionalisation accrue – baptisée « responsabilisation ».

    Puis sont tombés les résultats des élections… Le CD&V, et Leterme lui-même, avait crié trop fort pour réclamer une réforme de l’Etat pour laisser ensuite cet objectif être réduit à rien ou presque. Aujourd’hui, le blocage est donc profond, avec d’un coté des partis flamands qui ont pris des engagements électoraux fermes et qui doivent obtenir quelque chose – au moins la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, au prix des concessions nécessaires – et de l’autre coté des partis francophones pour qui accepter de grandes concessions communautaires avec le PS dans l’opposition signifie en réalité préparer un suicide politique aux élections régionales de 2009.

    Ce n’est pas la première crise communautaire que connaît la Belgique et ce ne sera sans doute pas la dernière non plus. Un compromis sera certainement trouvé – qui sera sans aucun doute très compliqué et très technique – parce tous les partis qui sont représentés au parlement (y compris ceux qui ne sont repris dans aucun scénario de gouvernement, comme le Vlaams Belang et la Liste De Decker) sont convaincus que la politique néolibérale doit être poursuivie.

    Le MAS/LSP n’a jamais été un défenseur du royaume unitaire de Belgique, qui n’a d’ailleurs jamais été un Etat au service de la population travailleuse. Nous soutenons les revendications communautaires qui répondent de manière correcte aux problèmes créés par la politique conservatrice de la bourgeoisie belge – comme le droit d’avoir accès réellement à des services dans sa propre langue tant à Bruxelles que dans sa périphérie.

    Mais les surenchères communautaires des partis qui ont l’ambition de former un gouvernement et de la soi-disant opposition n’ont rien à voir avec cela. Leur seul objectif est de semer la division parmi les travailleurs dans l’espoir de pouvoir appliquer une politique encore plus dure au service des riches. Pour éliminer l’oppression, quelle soit basée sur la langue ou sur l’origine, les travailleurs ne peuvent avoir aucune confiance dans les politiciens du patronat – qu’ils soient flamands, wallons ou bruxellois – mais seulement en eux-mêmes en s’organisant indépendamment de la bourgeoisie.

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