Category: National

  • 3 avril – Bomspotting – Action de masse contre les armes de destruction massive

    Vingt armes nucléaires se trouvent sur la base aérienne de Kleine Brogel, une part des 350 bombes nucléaires tactiques américaines confiées à l’OTAN. Une seule de ces armes a le potentiel de destruction de quatorze «Little Boy», la bombe atomique d’Hiroshima.

    par Liesje (Gand)

    Les armes nucléaires sont les plus puissantes et les plus destructrices des armes de destruction massive à avoir jamais été inventées. Les effets n’en sont contrôlés ni dans l’espace, ni dans le temps, et elles touchent tant les civils que les militaires, sans discernement.

    Les armes stockées à Kleine Brogel datent de l’époque de la Guerre Froide. Elles demeurent maintenant en tant que symbole de la solidarité mutuelle transatlantique entre les partenaires de l’OTAN et pour le maintien d’une force de dissuasion crédible dans le cadre des intérêts impérialistes.

    A la mi-février 2010, Willy Claes, Jean-Luc Dehaene, Louis Michel et Guy Verhofstadt ont fait une déclaration commune plaidant en faveur d’un monde libéré des armes nucléaires. Ils affirmaient que les armes nucléaires dans notre pays “stimulent indirectement la prolifération, et sapent la sécurité de notre pays” et appelaient notre gouvernement à entreprendre des initiatives au sein de l’OTAN pour une désaffectation rapide de ces armes.

    Nous déplorons bien entendu le fait que l’ex-secrétaire général de l’OTAN, les ex-Ministres des Affaires Etrangères et les ex-Premiers Ministres ne se soient pas effectivement positionnés plus tôt sur ce terrain, quand ils étaient au pouvoir… Nous les appelons à plaider maintenant à l’intérieur de leurs partis respectifs pour que leur position soit reprise et traduite en actes. Mais leur intention était-elle autre chose qu’une opération de communication?

    Nous ne pouvons pas faire confiance aux partis et aux dirigeants qui ont déjà tant de fois démontré qu’ils ne défendaient pas nos intérêts. Afin d’éviter une catastrophe nucléaires aux générations actuelles et à venir, nous devons agir nous-mêmes afin d’exercer une pression politique. L’action collective est notre arme la plus forte. C’est pourquoi le PSL participera au Bomspotting du 3 avril, une action de protestation contre la présence d’armes nucléaires à Kleine-Brogel. Nous y défendrons notre appel à des actions et protestations de masse.

    • Pour le démantèlement des armes nucléaires de Kleine Brogel et du monde entier
    • Pour la reconversion sociale de l’industrie de l’armement, des budgets militaires et de la base militaire de Kleine Brogel
  • 2010 – Année européenne de lutte contre la pauvreté

    Les politiciens européens affirment vouloir faire disparaitre la pauvreté, en forte augmentation partout en Europe, tout comme le chômage. Mais le président européen Herman Van Rompuy a demandé aux diri- geants grecs de faire ce que lui-même n’osait pas dans son propre pays: appliquer une politique d’austérité drastique qui va approfondir la pauvreté.

    Le coup d’envoi de cette “année européenne de lutte contre la pauvreté” a été donné fin janvier à Madrid. Il est vrai que l’Espagne a une certaine expérience dans ce domaine avec un chômage à 20%… Au final, il n’y a eu que quelques vagues promesses. Lutter contre la pauvreté doit passer par des efforts visant à rendre “le public plus conscient de la problématique”, l’UE devant quant à elle “rectifier son engagement autour de la pauvreté”. Barroso a déclaré que la pauvreté est “inacceptable” et qu’il était nécessaire d’aller vers une “Europe sociale sans pauvreté”, sans que cela ne signifie bien sûr qu’un revenu minimum européen va être instauré. Les politiciens européens ont simplement conclu qu’il fallait des indicateurs de pauvreté plus clairement définis afin de développer une meilleure vue sur la problématique.

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    Logement social désastreux à Bruxelles

    Une étude consacrée au logement social à Bruxelles démontre qu’en 2008, le nombre net de logements sociaux a augmenté de 12 logements, pour atteindre 38.526. La liste d’attente pour l’attribution d’un logement social a grimpé de 4.000 demandes, pour atteindre le chiffre de 30.207 familles!

    Pour ceux qui vivent du minimex, le loyer sur le marché privé est quasiment inabordable. En 2006, le loyer moyen était de 508 euros par mois! Comme les logements sociaux ne comptent que pour 7,7% du total, l’impact des loyers des logements sociaux est extrêmement limité. Combinés aux faibles revenus, ces loyers très élevés entraînent d’énormes conséquences sociales.

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    Pour une meilleure vue de la pauvreté, ces politiciens n’ont qu’à se balader dans les environs du parlement européen à Bruxelles et y tenter, avec le reste de la population locale, de survivre avec un revenu en-dessous du “seuil de risque de pauvreté” (878 euros pour un isolé). 15% de la population belge vit en-dessous de ce seuil, plus de 25% à Bruxelles. Notre capitale est une ville pleine de contradictions: les 10% des déclarations d’impôt les plus élevées concernent 35% du revenu taxable total.

    Environ 30.000 familles bruxelloises dépendent du minimex et plus de 100.000 Bruxellois reçoivent une allocation de chômage. Dans son rapport de l’année 2009, l’Observatoire pour la Santé et le Bien-être de Bruxelles-Capitale a constaté que “les allocations sont trop basses et n’offrent pas assez de protection pour vivre de façon digne. Malgré les efforts récents, beaucoup d’allocations minimums restent sous le seuil de risque de pauvreté.” Avoir un emploi ne suffit d’ailleurs pas à éviter la pauvreté: à peu près un dixième des travailleurs bruxellois a un revenu se situant sous ce seuil. Pour beaucoup de jeunes, même cela n’est pas accessible: plus d’un tiers des jeunes bruxellois sont au chômage.

    La pauvreté et le chômage se trans-mettent de génération en génération. Plus de 10% des enfants belges vivent dans une famille sans revenu d’emploi, ce qui pour les nouveau-nés monte jusqu’à 28% à Bruxelles! Ces enfants de familles pauvres arrivent plus rapidement dans l’enseignement technique et professionnel, ou quittent l’école avant terme. 44% des jeunes chômeurs de Bruxelles n’ont pas terminé leur scolarité.

    Pour lutter contre la pauvreté, il ne faut accorder aucune crédibilité aux politiciens traditionnels, responsables du démantèlement de la sécurité sociale. Aujourd’hui, après avoir sauvé les grandes banques, ils veulent nous faire payer en rognant encore sur la sécurité sociale. Les belles paroles de la lutte contre la pauvreté ne sont rien face à leur pragmatisme. Et la création de pauvreté est actuellement la norme.

  • 750 personnes assistent à une journée de réflexion sur le socialisme

    Cela faisait longtemps que l’Internationale, le chant du mouvement ouvrier socialiste, n’avait pas retenti avec autant de force dans les murs du Vooruit… Ce samedi, 750 personnes s’étaient réunies dans ce lieu hautement symbolique pour la première Journée du Socialisme. Ancien palais des fêtes du mouvement socialiste à Gand, le Vooruit était le contre-pied socialiste de ce qu’était l’Eglise pour les catholiques. C’était un «temple» pour les travailleurs, l’endroit où ils pouvaient manger et boire à bon marché, avec un théâtre et une salle de cinéma, de l’espace pour les troupes de théâtres et toutes sortes d’activités culturelles, une imprimerie, la rédaction du journal,…

    Par Bart Vandersteene

    Photo: dewereldmorgen.be

    Un enthousiasme généralement partagé…

    Quel évènement! Pour la première fois depuis longtemps, une audience assez large a discuté d’une alternative au capitalisme. Jan Blommaert (un intellectuel de gauche relativement connu en Flandre) a dit à cette occasion que la gauche se réveillait d’une hibernation de 20 ans, commencée à la chute du Mur en 1989. L’effondrement des régimes staliniens, autoproclamés «socialistes», a été utilisé comme la preuve que le socialisme était irréalisable. Le néolibéralisme a alors bombé le torse comme le grand vainqueur et l’unique horizon pour l’avenir de l’humanité.

    Ces 750 personnes réunies à Gand n’ont pas discuté de la nostalgie de ces régimes, mais du socialisme comme la seule façon possible de sortir de la crise du capitalisme. Quelques fausses notes toutefois, comme la prise de parole du bourgmestre de Gand, Termont, connu pour sa facilité à adapter son discours en fonction du public. Son ton était bien différent de celui qu’il utilise dans ses discussions avec le patronat portuaire.

    Sans surprise, il a fulminé contre les charognards du capital financier. La profondeur de la crise du capitalisme s’illustre notamment par le fait qu’il ne faut pas être révolutionnaire, loin de là, pour tenir de tels propos, comme l’ont démontré Obama et Sarkozy. Termont a déclaré que son parti, le SP.a avait «trop facilement» accepté la pensée unique néolibérale et avait été «trop loin» dans les privatisations. Son passage à la Journée du Socialisme n’était qu’une occasion de dépoussiérer son image de gauche. Le jour suivant, il est redevenu bourgmestre de Gand et membre du bureau national du parti social-démocrate flamand d’où proviennent la chasse au chômeur, le Pacte des Générations,…

    A notre avis, c’était une faute de laisser ce politicien prendre la parole en session plénière, surtout en tant que seul représentant d’un parti politique. Cela pouvait donner l’illusion que la table Ronde des Socialistes à l’initiative de la journée voulait faire pression pour pousser le SP.a à gauche. Tout comme le PS du côté francophone, le SP.a utilise toujours le terme de «socialisme» et se réfère aux symboles du mouvement ouvrier socialiste. Mais dans la pratique, PS et SP.a se révèlent être les meilleurs managers du capitalisme.

    … mais aussi du réalisme

    Cette présence regrettable ne change toutefois rien au mérite le plus important de cette journée, à savoir qu’un espace a été créé pour que les socialistes puissent débattre entre eux. Hélas, il ne s’agissait que d’un évènement néerlandophone, ce que nous déplorons fortement.

    Durant cette première journée, certains thèmes difficiles ont été abordés, et des discussions sont parfois restées fort abstraites. Mais à l’avenir, nous devons discuter de la traduction concrète des idées socialistes dans un programme et certains désaccords émergeront peut-être à ce moment. Ainsi se pose la question des appels d’offre, comme avec le «modèle Kiwi». Doit-on oui ou non intégrer cela dans un programme socialiste?

    Nous ne pourrons pas non plus éviter de parler des leçons du socialisme au cours du 20e siècle et reconnaître que le socialisme est aujourd’hui rapidement confondu avec la dictature, le parti unique, la bureaucratie,… Le socialisme du 21ème siècle ne peut être victorieux que s’il prend ses distances vis-à-vis de ces expériences et reconnaît qu’il s’agissait de caricatures tout en ne jetant pas par-dessus bord l’idée d’une économie planifiée.

    Cette journée a remporté un vif succès grâce à la coopération d’organisations existantes (comme le PTB et le PSL) et de beaucoup d’indépendants. La raison qui explique pourquoi différentes centrales syndicales ont soutenu cette journée et pourquoi les nombreux orateurs et le public ont manifesté tellement d’enthousiasme était cette coopération unique de tout ce qui se trouvait à gauche du SP.a et de Groen.

    Cet enthousiasme nous offre un aperçu de ce qui serait politiquement possible si une telle coopération débouchait sur la création d’un nouveau mouvement politique qui, à côté de l’organisation du débat (une première tâche cruciale), serait également en mesure de lancer des campagnes politiques concrètes qui pourraient mener à une campagne électorale qui impliquerait de nombreux jeunes, travailleurs et pensionnés. Cette dynamique pourrait conduire à un nouveau parti qui accueillerait les différents courants existants.

    Les conditions pour pouvoir lancer un tel parti ne sont clairement pas encore là, et cette question est loin d’être claire, mais que cette Journée ne soit pas un évènement unique et doive continuer par la suite est déjà un bon succès. Des initiatives, même locales, seront peut-être prises dans le cadre de la Table Ronde. Toutes ces démarches pour des débats ouverts pourront compter sur notre soutien.

  • 2010 – Qui va payer pour le crash systémique? – Perspectives pour le capitalisme et les tâches du mouvement ouvrier en Belgique (1)

    1. Ce texte est une résolution d’actualité en préparation des Congrès de districts du Parti Socialiste de Lutte qui ont eu lieu fin février 2010. Pour la partie internationale, nous préférons renvoyer à la résolution discutée, amendée et approuvée par le CEI de décembre 2009. En automne, nous organisons notre Congrès national bisannuel. Pour cela, un texte de perspectives à part entière sera préparé. Ce texte-ci ne vise pas à être aussi complet, mais veut indiquer quelques tendances principales afin de mieux préparer le parti à relever les défis des mois à venir.

    Texte de perspective belge pour les Congrès de District du PSL

    2. Tout comme les années précédentes, l’actualité politique en 2009 a été dominée par la politique socio-économique et les antagonismes nationaux. La bourgeoisie est toujours à la recherche d’un moyen pour augmenter le taux de profit et continue à rechercher le type de mesures que nous avons expliqué amplement dans le texte de perspectives de 2008. Ces mesures comprennent l’élimination du “handicap salarial”, encore plus de flexibilité, la réduction des salaires en augmentant l’offre sur le marché du travail sous peine d’exclusion, l’allongement de la durée de travail et des carrières, et la réduction du nombre de fonctionnaires. En outre, la bourgeoisie souhaite ouvrir de nouveaux domaines au marché “libre” par des partenariats public-privé, la filialisation d’entreprises publiques et la marchandisation des soins de santé et de l’éducation.

    3. A quelques nuances près, tout l’establishment est d’accord sur l’objectif souhaité. La sensibilisation accrue à propos de l’écart croissant entre riches et pauvres depuis l’émergence du mouvement antimondialisation au début de ce millénaire n’y a rien changé. Les désaccords au sein de l’establishment ne portent que sur la méthode pour y arriver. Peu à peu, par voie de consultation, ou “plus vite”, en confrontation directe avec les travailleurs ? Au sein des structures de l’Etat en place ou faut-il d’abord les réformer? Il n’y a pas si longtemps, il semblait que “les mesures nécessaires et urgentes” finiraient en salle d’attente, en attendant un accord sur la conscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et sur la réforme de l’État. Les chamailleries de ceux qui estimaient que cela n’avançait pas suffisamment dans le cadre des structures de l’Etat en place en étaient responsables. Depuis le début de la crise, en septembre 2008, les priorités ont toutefois été réajustées, s’éloignant d’une réforme de l’Etat précipitée, et d’autres aventures, pour aller vers “la solidité tranquille”, tellement caractéristique de la bourgeoisie belge.

    La haute finance sur un terrain glissant

    4. En septembre 2008 s’est brisée l’illusion d’une croissance sans fin basée sur le crédit, où des mastodontes financiers – “plusieurs fois plus puissants que les gouvernements nationaux” – offraient même aux petits épargnants un rendement décent. Tout le monde savait que, de temps en temps, les banques belges se risquaient dans des paris avec des banques d’investissement aux États-Unis. Mais, généralement, on pensait que cela ne se faisait que dans la marge, sans mettre en péril le marché intérieur stable de l’épargnant belge. Pour autant que l’on ait cru à la possibilité d’une Grande Dépression, on s’y attendait essentiellement à Wall Street. Nous serions affectés par des dommages collatéraux mais, ici, à Bruxelles, ce serait limité. Au moins jusqu’à ce qu’il devienne clair sur quelle fine couche de glace la haute finance belge marchait.

    5. Un regard sur la riche histoire économique et financière de la Belgique aurait pourtant pu tempérer cette illusion. Un groupe de chercheurs du Centre d’études pour les Entreprises et la Bourse (SCOB) de l’Université d’Anvers a composé un baromètre de 175 ans de la bourse à Bruxelles. Cela se lit comme un catalogue de crashs boursiers, de récessions et de dépressions. Pourtant, la panique a éclaté lorsque l’action de bon père de famille de Fortis a littéralement dérapé. Au sujet de l’essentiel, tout le monde était d’accord. Il fallait sauver les institutions financières à tout prix. Fortis, Dexia, KBC ont été reconnus comme “banques systémiques” qui, dans leur chute, entraîneraient l’économie belge tout entière. Tout comme la bourgeoisie internationale voulait éviter une répétition de la Grande Dépression par le biais d’opérations de sauvetage sans précédent, les autorités belges voulaient également mettre un plancher sous les institutions financières en effondrement. Ce fut l’avis du gouvernement, de l’opposition, des médias et même des dirigeants syndicaux. La question était : comment?

    6. Selon le Parti Socialiste de Lutte, les “banques systémiques” ne devraient pas faire partie du marché libre. Le secteur financier dans son ensemble devrait être soumis au contrôle de la communauté, par la nationalisation avec indemnisation pour les petits actionnaires exclusivement sur base des besoins avérés. Sur papier, toute la gauche radicale est d’accord. Mais juste au moment où cette exigence pouvait quitter le cadre de la propagande et aurait dû faire partie de l’agitation à l’occasion de la crise bancaire, tous nos collègues s’en sont tenus à “une banque publique”, donc à côté des banques privées. “Rendez nous notre CGER” tentaient certains. Cela donne non seulement une impression enjolivée de ce que la CGER était vraiment, mais cela n’explique pas non plus pourquoi elle a finalement été absorbée par Fortis. C’était pourtant une parfaite illustration qu’une telle banque publique est tenue d’appliquer la même politique que ses concurrents du secteur privé pour survivre dans un monde financier fondé sur la maximisation du profit. Les plus proches de notre position étaient encore certains académiciens, dont le professeur De Grauwe, avec leur appel à la nationalisation temporaire, ce que l’on appelle désormais “conservatorship” ou “la prise en main temporaire par les autorités”. Le Royaume-Uni l’a fait avec Northern Rock, le gouvernement néerlandais avec Fortis, Le Danemark avec Roskilde et les gouvernements suédois, finlandais et norvégien l’ont a fait dans les années 90.

    7. Le gouvernement Leterme s’y est pris autrement. Il essaya encore de mettre sur pied une construction internationale avec les gouvernements néerlandais et luxembourgeois mais, lorsque celle-ci a été coulée habilement par le ministre des Finances néerlandais, la vente à prix bradé de Fortis à BNP-Paribas a été décidée. Ainsi, le gouvernement a agi de fidèlement à la politique traditionnelle de la grande bourgeoisie belge. Dans notre texte de perspectives d’octobre 2008, nous écrivions qu’à chaque fois que sa position était menacée, celle-ci se jette dans les bras de ses homologues des pays voisins. Selon nous, la vente de Fortis à BNP Paribas ne niait pas l’existence de la bourgeoisie belge, mais confirmait sa principale caractéristique. Cela ne signifie pas que la bourgeoisie a pu imposer sa politique sans devoir se battre.

    Le fantôme communautaire est de retour

    8. Le Parti Socialiste de Lutte n’a jamais accepté l’affirmation selon laquelle la bourgeoisie belge avait (presque) cessé d’exister et se serait pour ainsi dire dissout dans un ensemble européen plus large. Ce n’était pas la signification des ventes de fleurons industriels et financiers tels que la Société Générale, La Banque Bruxelles Lambert, Electrabel, Tractebel, et maintenant Fortis. Ces fleurons peuvent bien être absorbés par des groupes plus grands, majoritairement étrangers, via des fusions et des acquisitions, cela ne signifie pas pour autant la faillite de la bourgeoisie belge. Au contraire, elle est devenue actionnaire d’un ensemble plus vaste et plus compétitif. Ceci n’est pas nouveau, c’est aussi vieux que la Belgique elle-même. Longtemps après la révolution belge de 1830, Guillaume d’Orange était encore l’actionnaire de référence de la première institution financière du pays, la Generale Maatschappij, fondée en 1822. La Banque de Belgique créée en 1835 par des révolutionnaires bourgeois belges, dont Ch. De Brouckère, conçue comme un contrepoids à la banque ”Hollandaise”, a pu compter sur le capital français.

    9. Nous sommes également en désaccord avec la thèse selon laquelle le poids économique se trouve maintenant dans les régions ou encore que la politique est devenue “autonome” des intérêts objectifs de la bourgeoisie. Mais nous ne nions pas que la bourgeoisie belge néglige depuis des décennies l’administration de l’Etat et les institutions politiques. Elle a toujours excellé en manque d’initiative et de sens de l’innovation. Economiquement, elle s’est limitée à la gestion financière et laissait le renouvellement industriel et l’innovation principalement aux multinationales. Sur le plan politique, depuis des années, la bourgeoisie n’a plus de représentants directs au sein du gouvernement fédéral et des gouvernements régionaux. Elle fermait les yeux sur le fait que la bourgeoisie flamande plus dynamique donnait dorénavant le ton. Cette “bourgeoisie” flamande, qui est plutôt une petite bourgeoisie, est composée principalement de gestionnaires locaux des multinationales qui se sont installés ici ou de fournisseurs de ces mêmes multinationales. Elle intervient bien directement dans la vie politique. Mieke Officiers (Vlaams Economisch Verbond), Kris Peeters (Unizo), Philippe Muyters (VOKA) et Indgrid Lieten (nommée par Trends “femme d’affaires la plus puissante de Flandre”) ont tous été nommés ministres avant d’avoir été candidats à des élections.

    10. Contrairement à la grande bourgeoisie dont la position matérielle permet “la solidité tranquille”, cette petite bourgeoisie se caractérise principalement par le dynamisme qui bascule vite en impatience, en mécontentement et en apitoiement sur soi, ce que l’on appelle, grâce à Leterme, une nature Calimero en politique. C’est cette petite bourgeoisie flamande qui, dans son zèle à vouloir démanteler l’Etat-providence en “responsabilisant” les régions a si fortement poussé la voie communautaire. Elle s’est trouvée une oreille complaisante dans le CD&V qui traversait sa plus longue période d’après-guerre dans l’opposition, et où une génération “d’hommes d’Etat” qui avaient encore enterré de leurs propres mains le fantôme communautaire des années ‘80, venait de se faire relayer par une nouvelle génération. En cartel depuis février 2004 avec la N-VA, alors presque morte, il a replacé le communautaire à l’ordre du jour. Depuis des années, on nous effraye avec l’incapacité de garantir le financement des retraites, des soins de santé, et de la sécurité sociale en général. Les statistiques nuancent cela. En ’99 les dépenses sociales du gouvernement fédéral étaient de 50,06% du total des dépenses hors charge d’intérêts. Pour 2008, la Banque nationale les estime à 50,5%. Les dépenses de retraite s’élevaient à 19,6% en 1999 contre 19,4% en 2008. Mais tous les politiciens prétendent la même chose. Les syndicats semblent peu convaincus de les contredire. Dans ces circonstances, le raisonnement selon lequel seule une scission communautaire peut garantir la capacité de paiement des soins de santé et des pensions peut faire son chemin.

    Le morcellement politique

    11. La petite bourgeoisie, et par extension les couches moyennes dans la société, est typiquement incapable d’arriver à une politique indépendante. Au contraire, elle est déchirée par des contradictions internes qui s’expriment au travers du morcellement politique. À défaut de réponses basées sur l’opposition dominante dans la société, entre travail et capital, donc en l’absence de véritables réponses, l’électeur oscille entre les innombrables semi-vérités et les mensonges les plus complets. La bourgeoisie elle-même n’est pas en mesure de répondre aux aspirations de l’immense majorité de la population, car elle doit rester compétitive vis-à-vis de ses concurrents. Les dirigeants officiels du mouvement ouvrier n’y sont pas préparés. On peut temporairement cacher cette contradiction dans les apparences, via les Télétubbies (le nom donné aux quatre dirigeants principaux du SP.a, qui reflétait l’idée que l’important était surtout l’emballage, et moins le contenu) où la culture de débat ouvert (ce que Verhofstadt avait mis en avant comme étant la forme d’appliquer la politique, contrairement à Dehaene qui disait toujours “pas de commentaire” aux journalistes), mais tôt ou tard, la réalité rattrape la fiction. Dans une proportion importante de la population cela a provoqué une aversion pour tout ce qui résonne comme faisant partie de l’Establishment. “Ils sont tous les mêmes”, dit-on.

    12. La bourgeoisie et la petite bourgeoisie ont accès à des ressources suffisantes pour populariser leurs idées de par leur position dans la société. Pour le mouvement ouvrier cela exige le rassemblement des forces et une stricte organisation. Si cela est en plus instrumentalisé pour enfoncer la politique de l’establishment dans la gorge des travailleurs, les courants de droite petite-bourgeoise ont la voie libre. Le Vlaams Belang a navigué de victoire en victoire jusqu’en 2004. La Liste De Decker est apparue aux élections de 2007 et, depuis la scission du cartel en septembre 2008, la N-VA a également ramassé le pactole. Selon un sondage réalisé par TNS/Dimarso après les élections régionales de 2009 mais publié récemment, la N-VA aurait eut un potentiel de 31% des voix. Ce n’était pas dû au sentiment flamingant. Au contraire, après 5 années de surenchère communautaire, moins de la moitié des flamands sont pour “un véritable Etat fédéral avec plus de compétences octroyé aux communautés et aux régions”. Seulement 21% sont pour l’indépendance, ce qui est une augmentation. Même parmi les électeurs de la N-VA, seuls 35% veulent l’indépendance de la Flandre et, parmi les 20 sujets proposés comme raison décisive pour le vote des flamands, “les questions communautaires” n’arrivent qu’en 14e position.

    13. TNS/Dimarso estime que le succès de De Wever a des racines plus profondes, c’est-à-dire que la Flandre serait devenue de centre-droit. Il parait que, sur le flan droit, un groupe hésite fortement entre la N-VA, le VB et la LDD. Les “sujets les plus décisifs pour le vote” dans les élections étaient néanmoins la sécurité sociale et les soins de santé mais, au lieu d’aller à l’offensive, les deux partis socialistes consentent que ceux-là coûtent trop cher et qu’il faut assainir. Le flamand n’est pas de centre-droit, il se détourne de l’establishment et, puisqu’aucun parti anti-establishment n’existe à gauche en Flandre, il vote une fois pour l’une ou l’autre illusion petite-bourgeoise.

    14. Dans la partie francophone du pays également, une petite bourgeoisie tente de combler le vide qui est créé par la discrétion de la bourgeoisie et la capitulation des représentants traditionnels du mouvement ouvrier. Elle se concentre à Bruxelles, au Brabant Wallon et favorise l’axe Namur-Luxembourg contre l’axe traditionnel Charleroi-Liège. Elle recherche la même politique de confrontation que son homologue flamand, mais elle espère la réaliser dans le cadre de la Belgique unitaire. Le PS dans l’opposition serait une réforme de l’Etat en soi, selon elle, mais cela suppose d’abord que le PS soit rejeté dans l’opposition et ce ne serait qu’un début, parce que comment, sans le PS, refréner les syndicats à Bruxelles et surtout en Wallonie ?

    Le dirigeant de la nation

    15. Les libéraux francophones ont toujours obtenu de bons résultats aux élections à Bruxelles mais, en 2007, ils ont aussi rattrapé le PS en Wallonie. Tout comme ce fut le cas en 1999 lorsque le CVP a reçu une claque électorale historique en pleine crise de la dioxine, de nombreux analystes perdent les pédales en ce moment. En 1999, beaucoup pensaient que le VLD reprendrait le rôle du CVP comme instrument politique principal de la bourgeoisie. En 2007, ils pensaient que le PS était fini et que, dorénavant, le MR reprendrait le rôle dirigeant dans la partie francophone du pays. Dans les deux cas, le PSL était en désaccord avec cette analyse. Le poids électoral joue bien entendu un rôle important pour déterminer quelle formation politique peut s’élever au rang de dirigeant de la nation. Mais l’implantation locale, les liens avec la société civile composée des syndicats, des mutualités, des associations de femmes, des mouvements de jeunesse, des organisations patronales,… jouent aussi un rôle. Et on doit par ailleurs prendre en compte la capacité à créer un climat stable dans lequel la bourgeoisie peut tranquillement poursuivre son activité principale, à savoir faire du profit. Sur ces plans là, tant le VLD après la crise de la dioxine que le MR après 2007 ont fait fortement défaut. Pour les entreprises, c’était la fête fiscale avec Reynders aux finances mais, pour le reste, le MR n’a pas pu aller de l’avant.

    16. Le cartel flamand a gagné les élections en 2004, en 2006 et de nouveau en 2007. Ce n’est qu’alors que les problèmes ont commencé, car bien que la bourgeoisie se positionne très discrètement jusqu’aux limites de la négligence, elle a équipé le système belge d’innombrables clignotants et sonnettes d’alarme. Celui qui veut bricoler avec la structure complexe de l’Etat, doit s’attendre à une course d’obstacles aves des majorités spéciales, des conflits d’intérêt et des procédures de sonnette d’alarme et devrait déterminer l’ordre du jour suffisamment à l’avance. En bref: la grande bourgeoisie n’a pas quitté le navire non surveillé tel que certains voulaient le croire. Leterme a été élu pour opérer la “bonne gouvernance” au niveau fédéral “sur le modèle flamand”. Pour cela, il voulait cinq minutes de courage politique pour scissionner l’arrondissement électoral de Brussel-Halle-Vilvoorde et négocier une réforme de l’Etat, comme conditions nécessaires pour responsabiliser les régions – c’est-à-dire la Wallonie et Bruxelles. Reynders a été élu pour opérer cette responsabilisation des régions dans le cadre de la structure belge. Ces deux positions étaient irréconciliables.

    La bourgeoisie remet de l’ordre

    17. Aussi bien Leterme que Reynders veulent mettre la Wallonie et Bruxelles au rationnement. Leterme via une réforme de l’Etat pour laquelle l’implication du PS est nécessaire. Reynders sans réforme de l’Etat, mais cela ne peut se faire que sans le PS. Après 200 jours de négociation et trois mois de gouvernement intérimaire Verhofstadt III, Leterme I a quitté mollement les starting-blocks dans la composition que nous avions attendue immédiatement après les élections de juin 2007 : l’orange-bleue complétée par le PS. Ce gouvernement n’a avancé ni sur BHV, ni sur la réforme de l’Etat, ni sur le dossier des demandeurs d’asile et, en fait, pas non plus sur le budget. En outre, il a été confronté à une semaine d’action pour le pouvoir d’achat lors de laquelle 80.000 à 100.000 syndicalistes sont descendus dans les rues. A l’approche des élections, le CD&V s’était mis dans une position impossible mais, en même temps, il n’y avait pas d’alternative sous la main. Cela doit avoir été un soulagement lorsque la N-VA a décidé elle-même en septembre 2008 de quitter le cartel. Tant que les équilibres sociaux et économiques fondamentaux, les conditions pour pouvoir encaisser les bénéfices, ne sont pas mis en péril, la bourgeoisie belge est prête à laisser passer plein de choses. Cela a changé brutalement fin septembre 2008 lorsque la crise économique a frappé notre pays.

    18. La nervosité de la bourgeoisie concernant la chamaillerie communautaire augmentait au fur et à mesure que la crise économique internationale s’approchait de notre pays. Il était de plus en plus clair qu’elle allait devoir intervenir. L’occasion immédiate pour cela était la quasi-faillite de Fortis. Que la petite bourgeoisie défie la domination politique de la bourgeoisie, passe encore. Mais qu’elle ose essayer d’avoir voix au chapitre concernant l’une des institutions financières les plus importantes, ça va trop loin. Des petits actionnaires, dont probablement aussi quelques vrais petits, à côté d’une couche moyenne mécontente de gens bien aisés et quelques familles fortunées plus ou moins affaiblies, essayaient, via la justice et des réunions d’actionnaires bruyantes, d’arrêter la vente à BNP-Paribas dans l’espoir d’obtenir un accord plus favorable. Jamais auparavant, l’establishment du pays ne s’est autant bagarré devant les caméras. Non seulement les actionnaires, mais aussi les juges et les politiciens s’entredéchiraient publiquement. Finalement, il a fallu faire pas mal de sacrifices expiatoires au sommet de Fortis, mais aussi de la Justice et du gouvernement.

    19. Cela n’aura pas scandalisé beaucoup de syndicalistes. Que la soi-disant séparation des pouvoirs ne soit pas plus qu’une façade, tous ceux qui ont été confronté, lors d’actions de grève, à des requêtes unilatérales et des astreintes, le savait déjà. Cela ne nous étonnerait pas du tout s’il y a eu intervention politique dans l’arrêt Fortis. Dans la presse, on a même suggéré que l’on pouvait “passer commande de prononcés” auprès de Francine De Tandt, la présidente du Tribunal de Commerce de Bruxelles. La rumeur confirme ce que beaucoup de syndicalistes ont longtemps soupçonné dans de nombreux conflits de travail. Quoi qu’il en soit, la bourgeoisie a vu sa chance de mettre Leterme sous “conservatorship” et de le remplacer par une figure plus loyale envers la bourgeoisie belge, moins liée à la jeune génération CD&V très profilée sur le plan communautaire, qui est d’office déjà en fin de carrière et qui, en plus, aurait l’effet de modérer une partie de l’aile flamingante du CD&V puisqu’il est le frère d’Eric Van Rompuy. Interrogé sur ce qu’il a réalisé au cours de son mandat de Premier ministre qui n’a pas duré plus longtemps qu’un an, Van Rompuy a répondu lui-même, juste avant son départ en décembre dernier : “Je n’avais rien à faire. Aucun changement n’a été demandé, mais la stabilité”. Et puis : “Je correspondait par coïncidence à l’état d’esprit en Belgique à ce moment là. En 2009, le royaume de Belgique avait besoin de cela.”

    Destruction économique

    20. Pour la bourgeoisie, il était grand temps de reprendre les choses en mains. Selon De Tijd, l’année boursière 2008 a été la pire depuis 1832. La crise économique a fait rage comme une tempête sur l’économie belge. Celle-ci s’est rétrécie pendant 4 trimestres consécutifs à partir du troisième trimestre de 2008. En 2009, la consommation privée a chuté de -1,6%, les investissements de -4,1% (-7,3% en Flandre) et les exportations de -12,1%. On estime que le PIB aurait chuté de -3,1%, le plus mauvais chiffre depuis la Deuxième Guerre mondiale. En Septembre 2009, la production industrielle a baissé de -12,9% par rapport au même mois en 2008. L’industrie de la construction a accusé une baisse plus lente dans la même période, de -4%, en raison de la réduction temporaire du taux de TVA de 21 à 6%. En 2008, pour la première fois, plus de 8.500 faillites ont été enregistrées ; en 2009 leur nombre s’élevait à 9.515 et, pour 2010, on s’attend à 10.500 faillites. Surtout en Flandre, l’an dernier, leur nombre a augmenté de 17,5% soit 4.590 faillites ou 1 faillite sur 127 entreprises actives. En Wallonie, il y en avait 2.734, soit une augmentation de 13% ou 1 entreprise sur 100. A Bruxelles, c’était une légère diminution de -0,14%, mais cela représente quand même 1 entreprise sur 64 qui tombe en faillite. Le nombre de nouvelles entreprises créées a aussi fortement chuté.

    21. Le chômage a monté en flèche. La Banque nationale l’estime à 53.000 en 2009 et s’attend à 89.400 en plus pour l’année 2010. Le “taux de chômage harmonisé” était de 7% à la fin de l’année 2008, 7,9% fin 2009 et la Banque nationale s’attend à 9% en 2010. Selon l’Institut pour un Développement Durable (IDD), le taux de chômage atteindrait 14,6% en 2010 ; selon la presse, nous serions au même niveau que “le niveau record des années ‘70”. Il ne s’agit pas ici du “taux de chômage harmonisé” utilisé par Eurostat qui est une sous-estimation grossière, mais des données administratives compilées par le bureau du Plan, comprenant les chômeurs âgés qui sont dispensés de l’inscription en tant que demandeur d’emploi. Selon ces chiffres, la Belgique n’avait pas 560.000, mais plus de 650.000 chômeurs. L’affirmation selon laquelle le nombre de chômeurs dans les années ‘70 était aussi élevé qu’aujourd’hui est tout simplement fausse. Soit les journalistes n’ont pas lu le rapport, soit ils ont déformé la réalité. En 1970, il y avait moins de 100.000 chômeurs en Belgique. C’est seulement en 1980 que le cap des 300.000 chômeurs a été pour la première fois dépassé. Le rapport indique que le chômage est devenu structurel et tendanciellement croissant à partir de la fin des années ‘70 et que le nombre de chômeurs en 2010 dépassera le cap de 750.000, un record historique pour la période étudiée.

    22. Les chiffres de l’IDD sont confirmés par le Groupe de travail sur le développement durable du Bureau fédéral du Plan. Ces rapports peuvent être trouvés ici et ici.

    23. Pour faire face à cela, la bourgeoisie avait besoin de stabilité. Avec Van Rompuy et sa “solidité tranquille”, elle disposait de personnel politique appropriée. Au niveau national, cette politique de la bourgeoisie belge se traduit dans ce que l’on appelle le modèle belge, c’est-à-dire éviter les problèmes et trouver des moyens pour les contourner. Malgré la rhétorique de modération de ces dernières décennies, les longues listes d’attente pour, entre autres, les soins aux handicapés ou des logements sociaux, les autorités belges ont trouvé depuis fin septembre 2008 de nombreux moyens pour soutenir le secteur financier. Le total de l’intervention publique dans le secteur bancaire en Belgique s’élevait à 26,7% du PIB, contre une moyenne de 11,5% dans la zone euro. Pas moins de 21 milliards d’euros ont été dépensés en injections de capitaux, prêts et prêts relais. Ainsi la dette publique en 2008 est-elle passée de 84% à 89,7%, au lieu de diminuer à 83,4%. En garanties de dettes, principalement des garanties publiques pour les prêts interbancaires, le gouvernement a accordé 16,3% du PIB, comparé à une moyenne de 8,7% pour la zone euro. Comme il est supposé que le risque existe que cela mène à de vraies dépenses publiques, ce n’est pas incorporé dans le budget, ni dans la dette publique, jusqu’à ce que quelque chose se passe mal. Enfin, le gouvernement belge a repris pour 4,2% du PIB de crédits toxiques, comparé à une moyenne de 0,6% dans la zone euro.

    24. L’OCDE a également cartographié l’étendue des mesures de redressement, ce que l’on appelle “fiscal packages”. Les États-Unis ont introduit le plan de relance de loin le plus large, à peu près 5,6% du PIB de 2008. En termes relatifs, seuls la Chine (6,2%) et le Brésil (5,6%) l’ont dépassé. Dans la zone euro, le Luxembourg et l’Espagne ont le plan de relance le plus important en termes relatifs à 3,9% du PIB en 2008. En Allemagne et en Finlande aussi, l’impact cumulé des plans de relance est estimé à plus de 3% du PIB de 2008. Le plan en Belgique est estimé à 1,4%. C’est devenu une série de mesures visant à limiter les dégâts. Les plans de redressement belges se lisent comme un catalogue de réductions des charges, entres autres sur le travail en équipes et le travail de nuit, l’exemption du précompte professionnel, des incitations fiscales, des accélérations d’investissements publics,… pour un total de 1,76 milliard d’euros. Et aussi un ensemble de “mesures pour le pouvoir d’achat” d’un montant de 1,9 milliard €, dont 1,15 milliards pour l’indexation des barèmes d’imposition, qui avait déjà été promise depuis longtemps, et une réduction sur les factures d’énergie, une augmentation des pensions les plus basses, et des “jobkorting”, ainsi que la liaison au bien-être des allocations sociales, qui avait aussi déjà été promise depuis longtemps. La seule mesure pour le pouvoir d’achat vraiment nouvelle était l’augmentation des allocations de chômage temporaire.

    25. Pendant que les entreprises instrumentalisaient la crise pour pouvoir restructurer à leur gré, le gouvernement faisait chanter les dirigeants syndicaux sur les négociations interprofessionnelles (AIP) pour 2009-2010 sur les salaires, en les liant à l’accord sur la liaison des allocations sociales au bien-être, la simplification des plans d’emploi, l’augmentation de l’allocation des nombreux chômeurs techniques et la réduction fiscale sur les heures supplémentaires et les primes d’équipe. Les dirigeants syndicaux ont abandonné leur revendication d’augmentation du salaire brut et accepté une norme salariale limitée à l’indexation, pourvu qu’un bonus salarial de 125 € en 2009 et de 250 € en 2010 soit payé. De plus, un financement par enveloppe a été introduit, ce qui fait qu’un meilleur accord dans un secteur doit être compensé par un accord moins bon dans un autre. En contrepartie de cette “concession”, les patrons ont reçu une réduction de charge supplémentaire linéaire pour le travail en équipes et les heures supplémentaires. Au total, cette “proposition” rapporte plus d’1 milliard € de moyens publics aux patrons. Selon le rapport du Conseil central de l’Economie (CCE), le tout compris, ces diminutions des charges patronales et des subsides salariaux rapportent comparé en ’96 au patronat 8,4 milliards d’euros en 2009, alors qu’en 2008, c’était 7,8 milliards d’euros. Cette année-ci, cela devrait atteindre 8,9 milliards d’euros. Ainsi, les subventions salariales incluent également les chèques-services qui coûteraient à la communauté près d’1 milliard d’euros cette année-ci.

    26. Ce qui a eu lieu l’année dernière était un transfert sans précédent de la richesse de la communauté vers les entreprises et les institutions financières intoxiquées par leur dépendance aux jeux d’argent. Pour l’instant, il semblerait qu’ainsi, la chute libre de l’économie se soit arrêtée. Les prochaines années, nous devrons payer la facture dans les entreprises et les services publics. Les salaires, les pensions, les indemnités de maladie, les allocations de chômage,… rien ne pourra échapper à la vague d’assainissements. Les spéculateurs sont déjà de retour au travail. 2009 a de nouveau été une année de taureaux à la bourse (un courant haussier en bourse est symbolisé par le taureau et un courant baissier par l’ours). Avec la spéculation, les prix des matières primaires montent de nouveau en flèche. Les restrictions sur les parachutes dorés et les bonus, dont on a beaucoup parlé, restent marginales. En même temps, le pouvoir d’achat continue à être miné par le chômage de masse et le tissu industriel est affecté de façon permanente. Autrement dit, l’injection massive dans le monde financier et entrepreneurial a été principalement puisée dans l’économie réelle et pompée dans le virtuel, où les bulles gonflent à nouveau. Combien de telles opérations de sauvetage l’économie réelle peut-elle se permettre ? “Toutes les flèches ont été en effet tirées, toute la poudre est épuisée”, expliquait dans De Tijd Peter Vanden Houtte d’ING.

  • 2010 – Qui va payer pour le crash systémique? – Perspectives pour le capitalisme et les tâches du mouvement ouvrier en Belgique (2)

    Texte de perspective belge pour les Congrès de District du PSL (2)

    Les syndicats emprisonnés entre espoir et désespoir

    27. Les dirigeants syndicaux se sont laissés piégés par la logique du gouvernement et du patronat. Cette logique consiste à minimiser les dégâts en s’inclinant devant les patrons et en partageant la pauvreté. Comme Caroline Ven, chef de cabinet du Premier Ministre, le disait : “Il est beaucoup plus important qu’un nombre important de personnes puisse se mettre au boulot plutôt que les ‘happy few’, qui ont encore un emploi, reçoivent un peu plus.” Celui qui ne respecte pas cette fable là, on lui reproche d’avoir un manque de sens de responsabilité. C’est ce qui est arrivé à la FGTB lorsqu’elle organisait une journée nationale d’action le 6 octobre 2008. Via son président Cortebeeck, la CSC a condamné ces actions comme étant prématurées, et elle a été rejointe par Herwig Jorissen, président de la centrale flamande du métal de la FGTB. De nombreux travailleurs sont ouverts à ce raisonnement. La crainte de la fermeture et du chômage est profonde. De plus, il faut se poser la question de savoir si beaucoup croient qu’avec ces syndicats, une lutte peut être gagnée. La crise a sans doute provoqué un état d’esprit fataliste parmi une partie des travailleurs. Beaucoup espèrent que la crise passera et trouvent que, entre-temps, mieux vaut rester tranquille en attendant un astre plus favorable, même si cet espoir n’est pas exempt de scepticisme.

    28. Cette attitude et la vague de faillites et de restructurations qui avait déjà commencé en été 2008 explique pourquoi l’accord salarial de la fin décembre 2008 ne s’est pas heurté à beaucoup de résistance. Le CCE s’attend pour 2009 à une augmentation des coûts salariaux de 3,5%, soit moins que prévu en Allemagne (3,7%) ou aux Pays-Bas (5,6%). Pour les salaires horaires des conventions collectives (donc les vrais salaires), une augmentation de 3% est attendue, contre 4% en Allemagne et 4,5% aux Pays-Bas. Pour 2010, le CCE prévoit une augmentation salariale de 0,3% contre 1,8% en Allemagne et 1,5% aux Pays-Bas. Cette même attitude explique probablement aussi pourquoi, en première instance, l’on a réagit de façon assez tiède aux nombreuses provocations patronales, fermetures et restructurations. Beaucoup de travailleurs étaient bien conscients que la demande de leur production avait considérablement diminuée. Du côté patronal, au début, difficile de voir une attitude prudente. Fin 2008, il pleuvait des procédures judiciaires pour rendre impossible la tenue des piquets de grève. Des procédures de requête unilatérale, des astreintes et des huissiers ont été déployés chez Carrefour, Cytec, UCB, Elie, et autres. Chez IAC (Italian Automotive Center, le distributeur de Fiat dans notre pays), l’entreprise a été restructurée de manière à mettre à la porte les 12 militants syndicaux protégés. Les actions contre cela ont été saisies pour licencier pour “faute grave”.

    29. La plupart des délégations syndicales ont suivi la politique des dirigeants syndicaux qui consistait à ne certainement pas provoquer une plus grande réaction du patronat afin d’éviter le pire. Si l’un de nos militants n’avait pas mis le couteau sous la gorge de la délégation syndicale pour qu’elle réagisse, le producteur de fil d’acier Bekaert aurait réussi à clôturer son site à Hemiksem sans aucune résistance. Ce n’était pas de la combativité qui manquait aux travailleurs, mais la confiance en soi de pouvoir inverser la tendance à travers des actions. La manifestation pour l’emploi du 24 janvier a été transformée, malgré les grandes annonces, en cortège funèbre. Chez Bekaert à Aalter, un piquet de solidarité devait empêcher le déménagement de 32 nouvelles machines. Dans d’autres entreprises aussi, c’était souvent l’intervention de quelques militants combatifs qui menait à une certaine résistance acharnée, parfois avec du soutien de l’extérieur. Ce fut le cas à Bridgestone à Frameries. Les travailleurs y ont fait grève pendant 58 jours contre le licenciement planifié de 8 salariés dont le délégué principal. En Juillet 2009, un conflit s’est produit à l’intercommunale liégeoise TECTEO, notamment sur l’extension des heures de travail sans augmentation de salaire, l’augmentation de l’âge des prépensions, la menace de 229 licenciements et la création d’une nouvelle filiale. Après des mois d’action, une version légèrement améliorée du plan a été signée par la FGTB. En Belgique on n’en est pas venu à des formes d’actions plus radicales telles que vues dans d’autres pays, comme des occupations d’entreprises et des “séquestrations” de patrons.

    30. Généralement, cela se limitait à des marches funèbres et à l’allongement des négociations. Chez Opel, la délégation espérait pouvoir éviter la menace de fermeture par le lobbying politique ; on a surtout évité des actions. 10.000 emplois directs et indirects sont pourtant en jeu. Fin 2009, la direction de DHL a annoncé le déménagement de 788 emplois à Bonn, Leipzig et/ou Prague. Les syndicats n’ont pas fait plus qu’élaborer leur propre plan de business avec lequel ils veulent prouver qu’il serait économiquement beaucoup plus intéressant pour DHL de sauvegarder le quartier général de DHL Express à Diegem. Plein d’illusions, ils ont annoncé que le Ministre-président flamand Peeters avait promis de soutenir ce plan pourvu qu’il soit viable. Heureusement, 2009 s’est terminée par une victoire éclatante. Bayer a annoncé à la mi-octobre un assainissement de 10% par une combinaison de gel des salaires et d’allongement de la durée du travail. Les syndicats l’ont refusé. La discussion s’est accélérée lorsqu’une offensive conjointe a été lancée par les politiciens, le patronat et les médias. Le message était : “Assainir ou fermer”. Pour Peeters, c’était l’occasion idéale d’illustrer son point après la débâcle d’Opel: celui qui est disposé à économiser sera récompensé par des investissements. Mais la délégation de Bayer a tenu bon. Au cours de nombreuses réunions du personnel, elle a soudé l’ensemble du site derrière sa position. Elle a construit un front de tous les syndicalistes de la chimie d’Anvers. Elle a demandé et reçu le soutien de ses collègues allemands et s’est assuré le soutien des coupoles syndicales. La direction a dû reculer. Les négociations seront reprises plus tard et ceci sans compromettre les conditions de travail et de salaire. Mais il ne faut pas reposer sur nos lauriers. L’année 2010 avait à peine commencé que la direction d’Inbev annonçait plus de 300 licenciements.

    La formule de la réussite du chômage temporaire

    31. Selon l’ONEM, en novembre 2009, pas moins de 1,35 millions de belges auraient reçu l’une ou l’autre allocation, une petite centaine de milliers de plus qu’un an auparavant. L’augmentation s’est surtout produite chez les hommes. Le nombre de chômeurs masculins indemnisés par l’ONEM augmente 2,5 fois plus vite que le nombre de femmes. C’est principalement parce que l’industrie et le transport des biens, entres autres les ports et les aéroports, sont sévèrement touchés par la crise. Les services, et surtout les services subventionnés, où ce sont surtout des femmes qui travaillent, ont mieux résistés. Par ailleurs, l’emploi via des chèques-services, où les femmes sont majoritaires, a continué à fortement monter. Cela signifie également que ce sont surtout des emplois mieux rémunérés qui ont disparus, tandis que des emplois plus bon marché et féminisés ont été sauvegardés. En Flandre, le chômage a connu une forte augmentation à 23,8%, plus qu’en Wallonie (4,9%) et à Bruxelles (9,5%). La part de l’industrie dans l’emploi flamand recule de 23,2% en 2007 à 20,8% en 2014. Bruxelles connaît une baisse relativement plus importante des services commerciaux, des crédits et des assurances. Ces trois secteurs représentent plus de 60% de la chute de l’emploi à Bruxelles. En Wallonie, la crise touche surtout l’industrie manufacturière : -8,3%. La cause en est le poids relativement plus important des biens intermédiaires dans l’industrie wallonne. La part de la Flandre dans la population totale de chômeurs belges a augmenté de 39,3% en juin 2008 à 42,4% en juin 2009. Un cinquième des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, c’est-à-dire plus de 120.000, sans compter les 45.000 jeunes ayant quitté le système scolaire et qui sont en stage d’attente. Selon les jeunes ACV (CSC flamande), c’est une augmentation de plus de 35%.

    32. Durant l’année écoulée, des milliers d’entreprises ont fait appel au système de chômage temporaire pour les ouvriers. Pour compenser la perte de production due à la crise, elles ont stationné une partie de leur personnel pendant quelques temps dans le chômage temporaire, aux frais de l’ONEM, donc de notre sécurité sociale. Ainsi, elles ont pu économiser sur les coûts salariaux sans devoir licencier les ouvriers concernés. L’ONEM estime que le budget total de l’année pour le chômage temporaire atteint 1,06 milliard d’euros, soit près de 600 millions d’euros de plus que l’an dernier. En 2009, il y avait en moyenne 60.700 chômeurs temporaires par jour. De plus, en novembre, 8.910 avaient droit à une allocation de l’ONEM après suspension de leur contrat de travail. Au mois d’août, lorsque cette mesure anticrise a été introduite, ils n’étaient que 1.205. La question est de savoir dans quelle mesure ce groupe de chômeurs temporaires pourra effectivement reprendre le travail.

    Un budget “équilibré” ?

    33. Le résultat de toutes ces largesses se laisse deviner. Déjà en 2008, toutes les autorités belges avaient ensembles un déficit budgétaire de -1,2%. Pour 2009, cela s’élève à -6,1% (-5,1% pour le gouvernement fédéral) et, pour 2010, on s’attend à un déficit de -5,4%. La dette totale est passée de 89,8% du PIB en 2008 à 98,1% en 2009 et 102% en 2010. Conséquence: il faut économiser drastiquement. Mais de telle manière que l’économie ne soit pas de nouveau enfoncée. Van Rompuy l’a compris. Le gouvernement fédéral espère réaliser d’ici 2013 la norme de Maastricht de -3% et atteindre un équilibre en 2015. Mais l’Europe veut que le déficit soit déjà ramené à -3% en 2012. Il fallait donc regarder ce qu’allait donner la confection du budget pour 2010-2011. Si l’on en croit la FGTB et la CSC, c’était encore raisonnable. La FGTB estime même que l’on a entendu ses positions et tenu compte de la mobilisation de 12.000 travailleurs à Charleroi le 9 octobre 2009 et de la concentration – docile – de 2.500 militants à Bruxelles. Le démantèlement social que l’on craignait ne s’est pas réalisé, conclut la FGTB. Le trou de la sécurité sociale, estimé à 4,6 milliards, serait compensé par une dotation de l’Etat.

    34. Mais il est difficile d’appeler ce budget “équilibré”. Les nouveaux impôts, tels que les droits d’accise sur le diesel, seront crachés par la grande masse, les contributions des banques et du secteur énergétique seront répercutées sur les ménages, les assainissements dans l’administration mèneront à des pertes d’emplois. Le 15 mai 2009, 50.000 syndicalistes avaient manifestés à Bruxelles avec la Confédération européenne des syndicats pour revendiquer que ce ne soient pas les travailleurs qui paient la crise. Nous avions alors quelque chose d’autre en tête que ce budget. “On pourrait parler ‘d’équilibre’ si un Etat qui sait donner 25 milliards pour la crise bancaire pouvait également le faire pour les besoins sociaux qui continuent à grandir après déjà 30 ans de sous-financement”, avions-nous écrit dans la “l’Alternative socialiste”. “Cela signifierait que des moyens doivent être investis pour résoudre les problèmes de la grande majorité de la population, tels que la hausse du chômage et de l’insécurité de l’emploi ; l’augmentation de la pauvreté qui prend souvent des formes bouleversantes ; des coûts de logement très élevés qui pousse les familles à économiser sur tout le reste ; des longues listes d’attente, des pénuries de personnel et des infrastructures défectueuses dans presque tout le secteur social et celui des soins de santé ; etc. Cela n’a pas eu lieu”. En fait, même la marge de croissance de 4,5% dans les soins de santé n’a pas été sauvegardée. Cette partie de la sécurité sociale devrait en effet compléter les déficits créés dans d’autres parties de la sécurité sociale.

    35. De plus, les interventions structurelles dans ce qui nous reste encore comme État-providence sont déplacé de 2012 à 2015/2017. D’ici là, les défenseurs “prudents” des intérêts du patronat espèrent que l’économie se redresse, mais aussi que le mouvement ouvrier sera “moins nerveux” et, surtout, que le gouvernement sera renforcé. Ils ont aussi appelé à des élections régionales et fédérales simultanées afin d’avoir suffisamment de temps pour pouvoir compléter cette attaque structurelle. Le budget illustre que le gouvernement est conscient de la puissance potentielle de la classe ouvrière. Ses critiques ultralibérales pensent que cette puissance est encore gérable, mais ils se trompent. La dernière chose dont le capitalisme belge, bien tourmenté aujourd’hui, a besoin, c’est d’un mouvement généralisé – dans ce sens, Van Rompuy fait bien son boulot en évitant chaque provocation, même si tous les patrons n’en sont pas convaincus aujourd’hui. Les réactions prudemment positives de la part des directions nationales de la CSC et de la FGTB semblent indiquer qu’il y est arrivé, pour le moment. Van Rompuy n’a été Premier ministre que pendant une année de sa carrière, mais c’était celle où l’économie à connu son plus grand effondrement dans l’histoire d’après-guerre. Sa réalisation principale, en fait son unique réalisation, c’est le fait qu’il a amené le calme. La “solidité tranquille” est apparemment une qualité qui s’apprécie aussi au-delà des frontières du pays. Sa capacité à faire des compromis a déjà été citée comme argument principal pour sa nomination en tant que président du Conseil de l’Europe.

    La faiblesse des instruments politiques

    36. La bourgeoisie belge est, tout comme ses homologues européens, confrontée à un énorme problème. Trente années d’assainissements ont minés l’autorité de ses institutions. Aucune combinaison politique ne peut encore être vraiment appelée «forte ». Il est de plus en plus difficile, sinon impossible, de former une majorité au niveau fédéral avec deux familles politiques seulement. Le gouvernement fédéral est une coalition de cinq partis, mais depuis l’éclatement du cartel CD&V/N-VA, il n’a plus la majorité côté flamand. Pour former un gouvernement flamand, au moins trois partis sont nécessaires pour obtenir une majorité. Après les élections régionales de 2009, une continuation de la tripartite classique était devenue particulièrement difficile. Le Sp.a et l’Open-VLD avaient tous deux perdus les élections. Le CD&V avait réussi à sauver les apparences. Mais continuer la tripartite avec de tels résultats, même si le Premier ministre fédéral Van Rompuy insistait pour cela, semblait inapproprié pour le ministre-président Peeters. Selon lui, il a encore essayé de former un quartet, mais les autres partis n’en voulaient pas. Il a donc décidé d’échanger l’Open-VLD par le grand gagnant du scrutin, la N-VA. Il a ainsi placé une bombe à retardement communautaire sous son gouvernement. Bien qu’il faille remarquer que De Wever aie déjà fortement levé le pied.

    37. C’est une donnée classique que, en période de crise, une première réaction soit de voter de manière traditionnelle. Les électeurs qui, en d’autres périodes, se laisseraient séduire par des expérimentations, choisissent alors pour la sécurité et la stabilité. Le président du MR Reynders ne l’avait pas compris et continuait à insister sur la nécessité de réformes structurelles sans le PS. Di Rupo en a fait l’enjeu de ces élections: un gouvernement social qui limite les dégâts de manière humaine avec le PS ou un gouvernement fortement antisocial avec le MR, mais alors sans le PS. Bingo. En Wallonie, le PS n’est pas seulement redevenu le plus grand, mais créait immédiatement un fossé de 10% avec le MR. Par ailleurs, Ecolo s’est rapproché du MR. Après ces élections, le CDH est encore plus dépendant du PS. Un gouvernement de deux partis est mathématiquement possible en Wallonie, mais confortable, ça, c’est autre chose. Tactiquement, cela n’aurait pas été intelligent de ne pas reprendre le grand vainqueur des élections, Ecolo, dans le gouvernement. En Wallonie et dans la communauté française, le PS dirige des coalitions de trois partis avec le CDH et Ecolo. Il a fallut quelque temps avant qu’Ecolo comprenne que ce n’était pas lui mais le PS qui dirige ce gouvernement.

    38. La composition d’un gouvernement à Bruxelles est une véritable performance. C’est une coalition à six partis avec le PS, Ecolo et le CDH et avec le CD&V, le VLD et Groen. Bien qu’en 2009 le MR aie de nouveau obtenu le plus grand nombre de sièges, après avoir obtenu un siège de moins que le PS en 2004 et, ceci, pour la première fois depuis la formation du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale (depuis 2005, le Parlement de la Région), le parti a de nouveau été relégué dans l’opposition. La formation de la coalition en Wallonie était probablement aussi liée à cela. Au sein du MR, la défaite électorale et la cure d’opposition a fait monter le mécontentement au sujet de la ligne politique dure de Reynders. Que le FDF, qui avait pourtant soutenu Reynders dans son essai gagner le candidat populiste de droite Aernoudt, annonce en plus la mise sur pied de sections en Wallonie pour mettre plus d’attention sur les problèmes sociaux, a été mal avalé par beaucoup de “libéraux-sociaux”. Pour le moment, ces contradictions ont été cachées mais, lorsqu’en mars, les négociations officielles sur BHV vont recommencer, l’unité du MR sera mise à rude épreuve.

    Du fédéralisme de combat au fédéralisme de coopération

    39. La bourgeoisie veut à tout pris une solution pour BHV et ce ne sera pas une scission immédiate sans compensation. D’où le fait que le remplacement du nouveau Président européen Van Rompuy par Yves Leterme au poste de Premier ministre ait été précédé par une consultation par le “Médiateur royal” Martens qui, fin 2008, avait déjà été “Explorateur royal”. Martens voulait d’abord des garanties que les partis de la majorité soient suffisamment prêts à aboutir à une position négociée sur BHV. Un cinquième conflit d’intérêt, qui serait cette fois lancé par le Parlement de la Région Bruxelles-Capitale, doit être évité à tout prix. Cela signifierait d’ailleurs que les partis francophones à Bruxelles devraient utiliser leur majorité contre les néerlandophones, ce qui est exactement ce contre quoi ils protestent à juste titre au niveau fédéral. De plus, un tel conflit d’intérêt pourrait diviser le gouvernement bruxellois, ce à quoi le ministre-président Picqué, mais pas seulement lui, n’est pas préparé. Laisser simplement la situation suivre sont cours, comme le plaide Maingain ou, du côté flamand, De Wever, avec l’intention de voter la scission majorité flamande contre minorité francophone, serait un scénario catastrophe. Martens doit avoir reçu des réponses suffisantes puisque, avant le réveillon, Leterme a pu prendre ses fonctions.

    40. Au cours de son précédent mandat, on avait déjà essayé de mettre le Premier ministre Leterme à l’abri du vent communautaire : avec le “Conseil des sages”, qui avait négocié le fameux accord sur les cacahuètes communautaires et, plus tard, par la négociation directe de communauté à communauté, qui avait été coulée lorsque Marino Keulen du VLD refusait pour la deuxième fois, le 24 novembre 2008, de nommer les candidats-bourgmestres de Kraainem, Linkebeek et Wezembeek-Oppem. Cette fois-ci, Leterme est protégé sur son flanc communautaire par nul autre que le “Commissaire Royal” Jean-Luc Dehaene. Celui-ci doit préparer un accord sur BHV d’ici fin mars qui sera proposé pour adoption aux présidents de partis et au Premier ministre. D’ici Pâques, l’accord devrait être fait. Si cela ne se fait pas, on peut éventuellement voter une loi d’urgence afin de pouvoir organiser le prochain scrutin, mais tout sera fait pour éviter ce scénario.

    41. Le renvoi dans l’opposition au niveau régional tant du MR que du VLD, ne facilitera pas un accord. “Ce sera tabou contre tabou”, avertissait Maingain, “la scission contre l’élargissement de Bruxelles”. Le PS n’a pas raté l’occasion d’augmenter les tensions au sein du MR en accusant Maingain de vouloir couler les négociations communautaires. En tout cas, quelque chose devra être donné en échange de la scission de la circonscription électorale, vers laquelle une majorité de francophones est peu à peu convaincue que l’on va. Ce sera probablement quelque chose dans le sens du quasi-accord de Verhofstadt. Celui-ci prévoyait entres autres des droits électoraux pour les francophones dans la périphérie bruxelloise, des compétences limitées pour la communauté française dans la périphérie, le remplacement de l’exigence de bilinguisme des fonctionnaires à Bruxelles par le bilinguisme du service, la scission de l’arrondissement judiciaire de BHV et de l’argent supplémentaire pour le rôle de capitale et international de Bruxelles. Il ne serait pas surprenant que la nomination des trois bourgmestres de la périphérie, à condition de quelques promesses de respecter la loi, ferait partie d’un accord. Quelle est l’alternative ? Nommer quelqu’un sans électeurs ? À Kraainem et Wezembeek-Oppem, les listes francophones unitaires des candidats-bourgmestres ont chacune reçu 76% en 2006 contre 24% pour les listes unitaires flamandes. A Linkebeek, la liste unitaire flamande a obtenu 16%, une liste exclusivement francophone 24% et la liste du candidat-bourgmestre qui s’appelait “ensemble-samen”, 60%! Il est possible que la nomination des bourgmestres soit échangée contre un agenda de changement constitutionnel qui rendrait possible une réforme de l’Etat sous un prochain gouvernement. Un accord serait alors plus digeste pour la N-VA.

    42. En tout cas, Leterme s’est fortement assagit. Plus question de fédéralisme de combat, ni même de la “stratégie du pourrissement”, de la doctrine Maddens, dont l’objectif était d’amener les francophones dans une position où ils deviennent eux-mêmes demandeurs d’une réforme de l’Etat encore moins favorable pour eux. Même Peeters prétend bien vouloir utiliser au maximum les compétences flamandes, mais ne pas être en faveur de la doctrine Maddens. Leterme a changé de cap et plaide maintenant pour le “fédéralisme de coopération”. Au sujet de BHV, il laisse une ouverture en disant que des éléments d’une future réforme de l’Etat en feront peut-être partie. Il se dit aussi favorable à des élections régionales et fédérales simultanées, une position que Peeters ne partage pas. Enfin, il souligne que les dépenses des autorités locales, des communautés et des régions ont fortement augmentées, de sorte qu’elles ont recruté plus de fonctionnaires, alors que les pensions sont assumées par le gouvernement fédéral. Une réforme de l’Etat devra donc également “responsabiliser” les communautés et les régions par la reprise de dépenses fédérales, même sans que cela ne nécessite un changement constitutionnel.

    Des assainissements dans les services publics

    43. De toute façon, tous les gouvernements vont devoir économiser. “La reprise économique doit être la priorité absolue pour tous les niveaux, y compris pour moi”, a déclaré M. Leterme à ce sujet. Et, plus loin : “il est de notre devoir de collaborer avec tous les gouvernements du pays et les partenaires sociaux, de travailler ensemble pour résoudre la crise et, pour le moment, nous le faisons obligatoirement dans le cadre du partage des compétences telles qu’elles existent aujourd’hui.” L’orientation est claire, mais cela se fait de manière mesurée, en s’assurant à tout prix que les syndicats soient à bord. Des idées sont lancées, mais dès qu’il y a une opposition, les plans sont modifiés. Ce fut le cas avec la proposition de la direction de La Poste d’engager des “facteurs de quartiers” à bas salaire. Après un appel à la grève générale, le projet a été retiré, mais la direction est venue avec une version légèrement améliorée, parlant cette fois-ci “d’auxiliaires de distribution”. A la SNCB, un scénario semblable se déroule concernant la filialisation de la section marchandise.

    44. Le ministre de la Défense De Crem, qui veut fortement amaigrir l’armée et la rajeunir, a dû adapter son plan original concernant les casernes de Bastogne et d’Arlon et le recrutement de militaires dans le Hainaut. Il veut partiellement faire payer le rajeunissement de l’armée par la sécurité sociale. A partir du premier janvier, des jeunes peuvent faire un service militaire volontaire. Pendant six mois, ils recevront une solde pour 7 euros par jour en plus de l’allocation familiale ou de l’allocation de chômage. C’est une question ouverte de savoir si le ministre de la Justice De Clerck va pouvoir réaliser beaucoup d’assainissements. Dans les prisons, il y a une pénurie de capacité de 2.000 cellules. Depuis des années, le personnel se plaint d’être en sous-effectif. La sécurisation, y compris des palais de justice, exigent des investissements importants. Cela ne sera pas résolu seulement avec de la rationalisation. Le gouvernement prétend qu’il veut lutter contre la fraude fiscale mais, fin 2009, tant l’affaire Beaulieu, qui dure déjà depuis 19 ans, que l’affaire KBLux, qui dure depuis 14 ans, sont tombées. Ensembles, elles représentent 800 millions € de fraude fiscale. Le secrétaire d’Etat Devlies qui est supposé organiser la lutte contre la fraude fiscale et sociale a, comme il fallait s’y attendre, surtout fait des progrès concernant la fraude sociale. Son objectif est de récupérer 1 milliard € par an d’ici la fin de la législature ; en octobre, il en était à 400 millions €.

    45. Le gouvernement fédéral devrait réaliser le plus gros de ses assainissements sur ses fonctionnaires. Dans les 10 prochaines années, pas moins de 28% partiront en pension, soit 150.000. Selon la FEB, les autorités pourraient fonctionner avec 68.000 fonctionnaires en moins, principalement en ne remplaçant pas le personnel, un assainissement en quelque sorte “silencieux”. Dans les finances, entre 2004 et 2008, pas moins de 2.000 emplois ont disparu, mais cela a été compensé, puisque 2.800 emplois ont été ajoutés dans le département de la justice tandis que les effectifs ont augmenté dans les soins de santé. Depuis ’97, le nombre de fonctionnaires chez Belgacom a diminué de 42%, à La Poste de 20%, à la SNCB de 8% et à la Banque nationale de 17%. En matière de soins sociaux (53%) et de santé (26%), leur nombre a fortement augmenté. En Flandre, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 10% au cours des 10 dernières années, surtout à De Lijn et au VDAB (FOREM/Actiris en Flandre). En Wallonie, ils ont connu une croissance aussi forte mais en cinq ans. Dans les villes et communes, la croissance était de 20% et de 25% dans les CPAS. C’est évidemment dû au nombre croissant de missions. Economiser là dedans risque de provoquer des catastrophes sociales. Ainsi, le nombre de pauvres en Belgique a énormément augmenté à plus de 1,5 millions de personnes. Le nombre de gens dépendants du revenu d’intégration a pour la première fois dépassé le cap des 100.000 en 2009, augmentant surtout à Bruxelles et en Wallonie, mais de plus en plus aussi en Flandre. Le nombre de personnes ayant droit à un revenu garanti pour les personnes âgées de plus 65 ans a augmenté en Flandre de 18% entre janvier 2007 et janvier 2009.

    46. Si le gouvernement fédéral réussi à faire passer une partie des dépenses pour les pensions des fonctionnaires aux autorités inférieures, ce serait un allègement considérable de la facture fédérale. Au niveau du gouvernement fédéral, les recettes fiscales des 7 premiers mois de 2009 étaient inférieures de 18% à celles à la même période en 2008, une perte de 9,9 milliards €. De cette perte, il n’a pu transférer que 675 millions €, soit moins de 7%, vers les régions et les communautés, mais elle a dû verser 1,1 milliard € de plus à la sécurité sociale par rapport à 2008. La région wallonne a officiellement une dette publique de 4,4 milliards €. Un chiffre qui est d’ailleurs contesté par le MR qui affirme que la vraie dette serait plus de 11,5 milliards d’euros, cachée par une construction financière. La Région de Bruxelles-Capitale aurait une dette d’environ 1,9 milliard €, mais presque tout le monde est convaincu que la région doit être refinancée d’urgence. La Région flamande, qui avait assainit ses dettes en 2008, s’attend pour 2010 à une dette de 5,9 milliards €, ce qui élimine complètement 15 ans d’efforts budgétaires. Le budget flamand n’est d’ailleurs pas non plus exempt de comptabilité créative. L’Europe estime ainsi que le BAM (le plan de mobilité anversois) devraient être inclus dans les comptes flamands. Déjà en 2009, le gouvernement flamand a voulu assainir 250 millions €, mais finalement le déficit budgétaire a été de 200 millions plus élevé que les estimations de Muyters. En 2010, le gouvernement flamand veut épargner 1,5 milliard € sur le “jobkorting”, l’enseignement et la formation, l’environnement, la nature et l’énergie, et la mobilité et les travaux publics. Il est vrai que de plus en plus de gens qui travaillent pour les autorités sont des contractuels, dont les pensions sont à un autre régime que celles des fonctionnaires ; mais comment les communautés pourraient dans ces conditions financer elles-mêmes les pensions de leurs propres fonctionnaires, ça, cela reste encore un mystère.

    47. Dans les communautés, les gouvernements appliquent leur zèle d’assainissement de la même manière que l’autorité fédérale. On lance des idées. Si aucune réaction n’arrive, les assainissements sont très vite encore augmentés. Par exemple, pour De Lijn, une économie de 40 millions d’euros était proposée mais, comme il n’y a pas eu de résistance syndicale, ce montant a été augmenté à 60 millions d’euros. Le ministre de l’enseignement Smet a dressé une liste d’assainissements possibles dans laquelle les syndicats peuvent choisir. En 2010, il veut économiser 70 millions € et, en 2011, cela peut augmenter à 140 millions d’euros ; mais dans les classes, parait-il, on ne sentira pas ces économies. Sa collègue francophone Simonet, avec sa proposition d’augmenter le nombre d’heures de cours et l’âge de la pension, s’est heurtée à une résistance des syndicats plus forte qu’attendue. Grâce, entres autres, à la réaction rapide et ferme de la part de certains enseignants, notamment ceux l’Athénée royal Da Vinci à Bruxelles. Le plan a été retiré, mais des assainissements s’élevant à 12 millions d’euros en 2009 et 44 millions d’euros en 2010 sont préservés.

    Grève générale inhérente à la situation

    48. Vu la prudence avec laquelle il met en œuvre les économies, le gouvernement a jusqu’à présent réussi à maintenir les dirigeants syndicaux à bord. La peur du chômage incite de nombreux travailleurs, en particulier dans le secteur privé, à se modérer dans l’espoir de limiter les dégâts. Les délégations syndicales qui refusent de suivre la logique des assainissements peuvent, avec une bonne préparation et une argumentation construite patiemment autour d’une alternative élaborée, compter sur un large soutien à la base et une sympathie parmi la couche la plus consciente des travailleurs. Dans certaines centrales et régions, le cadre moyen des syndicats est sensible à cela. Les dirigeants syndicaux nationaux sont obligés d’en tenir compte. Les derniers mois ont montré que le lobbying politique et la technologie juridique de pointe ne sauve pas d’emplois, par opposition à la résistance ferme et bien réfléchie. Actuellement, cette tendance est loin d’être dominante, mais il est possible qu’elle gagne en importance dans les prochains mois. Si un combat plus large ne se fait pas, des actions spontanées plus radicales ne sont pas à exclure. Des occupations d’entreprises et des séquestrations de patrons, comme début janvier chez Inbev à Jupille, ne sont alors pas à exclure. Nous devons tout de même faire attention aux actes de désespoir qui peuvent isoler les militants concernés des couches plus larges du mouvement ouvrier.

    49. Dans le service public, la peur du chômage joue beaucoup moins. L’approche très prudente des différents gouvernements est inspirée par la conscience de l’impact social large que des grèves dans les services publics pourraient causer. La capacité des syndicats à contrôler leurs membres n’est pas illimitée. C’est effectivement ce que les dernières années ont montré à plusieurs reprises, malgré la désorganisation assurée par le sommet du syndicat. Cela peut et cela va encore prendre du temps, mais il est peu probable que les gouvernements soient capables d’imposer leurs économies supplémentaires sans provoquer de mouvement généralisé. Une grève générale, qui pourrait plus probablement être mise en route dans les services publics mais pourrait s’étendrait au secteur privé, est inhérente à la situation. Nous devrons nous y préparer. Des assainissements dans l’enseignement peuvent également provoquer la réaction des étudiants et/ou des élèves qui, à leur tour, peuvent aussi faire bouger le personnel.

    50. La crise du capitalisme touche tous les segments de la société. Des problèmes sociaux existants sous la surface sont la conséquence d’un système archaïque qui ne répond plus aux connaissances scientifiques et techniques de l’humanité, mais qui n’est pas préparé à faire place à une gestion plus rationnelle de la production et des besoins des êtres humains. L’oppression des minorités, l’exploitation extrême des femmes et des jeunes, l’exclusion des faibles, la négligence des malades et des personnes âgées, la dégradation des villes, les sans-abri qui tentent de survivre dans le froid, la famine, la guerre et la destruction de la planète pour le pur profit en sont une expression. Ces problèmes peuvent de moins en moins être combattus dans le cadre du capitalisme. Le fait qu’une société privée soit devenue responsable de l’épuration des eaux usées d’une ville comme Bruxelles et qu’elle puisse faire chanter le gouvernement en laissant des déchets dans nos cours d’eau, est une illustration étonnante de l’absence totale d’humanité. Et le fait que la ministre responsable Ecolo laisse passer cela pendant sa participation à la conférence internationale sur le réchauffement climatique à Copenhague est incompréhensible. Après ce crime, le fait qu’une entreprise puisse continuer à gérer la station de traitement l’est tout autant. C’est la même logique que celle des entreprises qui sont en conflit pour l’exploitation des matières premières présentes sous la calotte glaciaire qui est en train de se passer à une échelle micro sous notre nez. Ca, c’est le capitalisme.

    51. L’autorité politique de ce système est fondamentalement touchée. La prise de conscience que nous vivons dans une société de classes connaît un renouveau. C’est actuellement encore surtout un sentiment plutôt qu’une vraie conscience. La recherche d’alternatives, toutefois, va créer une situation plus favorable pour la construction d’un parti de lutte clairement socialiste. Le sentiment présent dans la société va avoir un effet révoltant sur une partie de la jeunesse, et cette couche sera la plus ouverte à nos idées socialistes révolutionnaires. Nous ne pouvons pas laisser passer cette nouvelle génération. Au même moment, nous devons immédiatement orienter cet enthousiasme de ces jeunes vers le mouvement des travailleurs et éviter que cet enthousiasme ne se transforme en impatience et en tendance anarchisante. Beaucoup de travailleurs seront attirés par la volonté de lutte et la dynamique de notre parti, sans pour autant être d’accord à avec notre point de vue révolutionnaire. Pour eux, nos portes doivent être grandes ouvertes ; une fois membre du parti, nous pouvons patiemment expliquer l’ensemble de notre programme.

    52. La FGTB wallonne, surtout, joue sur ce sentiment avec sa campagne “Le capitalisme nuit gravement à la santé”, mais ne lie pas cela à un plan d’action. Au début de l’année 2010, la FGTB a mis en avant de façon inattendue un “plan de relance”. “Supprimer le chômage économique et le crédit-temps et mettre l’argent épargné dans l’introduction des quatre jours de travail par semaine”, met en avant sa secrétaire générale Anne Demelenne. Pour le financement, la FGTB plaide pour la mise sur pied d’une banque publique et d’une taxe sur les transactions boursières. Au niveau européen, selon la FGTB, cela peut rapporter 135 milliards d’euros. En outre, le syndicat remet en cause les politiques d’activation des chômeurs. Les patrons se disent scandalisés par ces “formules magiques absurdes”. La ministre du travail Milquet se demandait pourquoi la FGTB n’avait rien dit de tout cela dans les négociations. Le quotidien De Standaard a suggéré que ces déclarations étaient liées à la réélection de De Leeuw et Demelenne à la tête de la FGTB au Congrès de juin prochain. Mais, même si c’est le cas, cela signifie seulement que la direction de la FGTB pense qu’une majorité de sa base est pour la mise en place de telles mesures. Nous nous réjouissons de ces propositions, pour autant que cela n’implique pas une réduction de notre salaire mensuel. Mais si cette proposition n’est pas liée à un plan d’information, de mobilisation et d’action pour l’imposer, cela risque seulement de renforcer le scepticisme présent dans la base.

    53. Sauf si la FGTB pense pouvoir réaliser son plan de relance par voie politique. Mais pour cela, elle ne pourra pas compter sur ceux qui sont toujours les partenaires politiques privilégiés des syndicats : le Sp.a et le PS pour la FGTB et le CD&V pour l’ACV et, occasionnellement, les partis verts pour les deux. Ceux-ci ne sont même pas préparés à arrêter les assainissements. Seul le PS tente de jouer sur les propositions de la FGTB avec son plaidoyer pour des prix maximaux pour 150 produits, augmenter le revenu minimum et stopper la chasse aux chômeurs. Nous verrons jusqu’où cela mène cette fois-ci. Les liens entre les directions syndicales et ces partis veillent à ce qu’ils n’aient pas une autre réponse à la crise que les soins palliatifs. Une partie de la classe va, en connaissance de cause, continuer à voter pour ces partis. Une autre partie de la classe sera attirée par des illusions populistes. Mais il existe sans doute aussi une partie croissante qui attend un parti de gauche plus ferme en réponse à la crise. C’est une couche qui n’est pas encore prête à choisir un courant spécifique radical plus à gauche, qui est à la recherche d’un parti de lutte, mais pas encore un parti révolutionnaire. Nous devons faire tous les efforts pour stimuler le développement d’un tel type de parti de lutte large, sans nécessairement suivre n’importe quelle initiative mort-née. La composition sociale d’un tel parti sera décisive. Beaucoup de travailleurs qui s’appellent consciemment non-révolutionnaires, seront des alliés dans la lutte plus conséquents que beaucoup de soi-disant anticapitalistes.

    Il est impossible de prédire exactement le cours des prochains mois et années. Ce n’est pas non plus notre tâche. Nous avons estimé les développements les plus probables, ainsi que ceux qui sont moins probables, car nous devons absolument être préparés à aussi tirer profit de ceux-ci s’ils surviennent. Ces dernières années, nous avons réussi à construire un petit parti dynamique avec un début d’implantation dans le mouvement ouvrier, dont nous avons déjà pu goûter les premiers fruits l’an dernier. Les mois et années à venir seront beaucoup plus favorables. Il est de notre devoir collectif de profiter au maximum de ces opportunités.

  • Affaires, attaques contre les travailleurs,… Est-ce cela le “Bel avenir du socialisme”¹ selon le PS?

    Depuis le début de la crise économique – et principalement lors des 1er mai, où le PS met un point d’honneur à se “rapprocher” des travailleurs – les pontes du Parti “Socialiste” dénoncent la “crise libérale”. Mais qu’a-t-on eu du PS depuis lors? Des affaires, des annonces d’austérité budgétaires et… le rire de Michel Daerden.

    Par Stéphane (Liège) et Nicolas Croes

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    Manifestation de la CES le 15 mai 2009: le PS défile avec l’autocollant de la campagne de la FGTB wallonne Le capitalisme nuit gravement à la santé. Tout comme sur les paquets de cigarette, l’avertissement est sur le produit nocif…

    La bonne vieille recette néolibérale

    Et ce rire, il est bien nécessaire pour tenter de faire passer la pilule. C’est sans doute ce que s’est dit Di Rupo en envoyant Daerden au gouvernement fédéral s’occuper des pensions. Ce qu’il a encore dû se dire, c’est qu’en tant que réviseur d’entreprise, Michel, il connaissait les sous et il savait comment en économiser. Aujourd’hui, voilà qui est bien utile pour le gouvernement.

    Tout bon comptable qu’il soit, Daerden n’est guère imaginatif. Et pour équilibrer les budgets des prochaines années, il s’est contenté de ressortir les bonnes vieilles recettes néolibérales. Dans son Livre vert des pensions, il parle de «reporter l’âge effectif de la retraite de trois ans» en «décourageant les mécanismes de départ anticipé à la retraite»(2). C’était déjà l’objectif du Pacte des Générations, mais les résultats sont, aux dires de Daerden, «décevants». Pourquoi donc? Entre autres parce que le salaire des travailleurs âgés serait… trop élevé! Il nous faut donc nous orienter vers un deuxième Pacte des Générations. Les «pistes de réflexion» avancées dans ce fameux Livre vert sont de s’attaquer au système des prépensions, d’accorder des diminutions fiscales ou des subsides pour l’engagement de travailleurs âgés, de prendre en charge par l’Etat une partie des salaires des plus de 50 ans,…

    Et non, tout cela n’est pas la réponse cynique d’un Reynders volontairement aveugle fasse aux dizaines de milliers de pertes d’emplois et aux 800.000 chômeurs annoncés pour 2011. Ce n’est pas non plus le discours d’un Modrikamen pour qui des salaires sont toujours trop élevés (et tant pis pour les travailleurs qui tombent sous le seuil de pauvreté ou dans l’endettement). C’est ce qu’annonce un ministre qui se dit «socialiste», sans que personne de son parti ne trouve quelque chose à redire.

    Attention, ce n’est pas de sa faute! Le vieillissement a un coût, comprenez-vous, et le fonds de vieillissement ressemble à une chaussette trouée. Mais d’où il vient ce trou? Bon, OK, c’est la crise. Les entreprises ferment. Les travailleurs sont licenciés, ils paient donc moins d’impôts (les patrons aussi, mais eux, ça fait déjà longtemps, et ce n’est pas parce que leur revenu diminue…). Sans blague, la réalité, c’est que cela fait 30 ans qu’on troue la chaussette, à coups de politiques néolibérales.

    Dans ce processus de pillage de la collectivité, les «camarades» de Michel Daerden n’ont pas été les derniers. Aujourd’hui encore, ils refusent de remettre quoi que ce soit fondamentalement en cause. La Déduction des Intérêts Notionnels, par exemple, c’est un coût estimé à 4 milliards d’euros pour 2008 uniquement, et au bénéfice exclusif des patrons (3). Ce système est évidemment sorti du crâne de Didier Reynders, mais il a été voté par le PS sans le soutien de qui bien d’autres mesures néolibérales n’auraient pas pu voir le jour si facilement. Toujours maintenant, le PS continue d’estimer que ce système ne pose pas de problème. Il suffirait juste de l’aménager en interdisant son application aux entreprises qui licencient. C’est bien maigre, et ce ne sont aussi que des paroles. Le PS sait que personne ne suivra parmi les autres partis et il se garde bien de dire qu’il conditionne sa participation gouvernementale à cette modification. C’est une opération de relations publiques, rien de plus.

    En résumé, la recette néolibérale, c’est donner 4 milliards d’euros aux riches, dire qu’il manque 4 milliards et les réclamer ensuite aux travailleurs et aux pauvres. C’est ce que Michel Daerden fait aujourd’hui, dans la droite ligne de l’orientation réelle de son parti.

    Double langage

    Le PS appelle à une «économie enfin sortie des griffes des spéculateurs, une économie qui crée de l’emploi et rend possible un modèle social élevant le bien être durable des populations.» (4) Dans différentes villes, plusieurs projections gratuites du dernier film de Michael Moore (Capitalism : a love story) ont été organisées par le PS, avec petite présentation d’Elio. On a même pu voir des individus comme Jean-Claude Marcourt arborer l’autocollant de la campagne de la FGTB wallonne «Le capitalisme nuit gravement à la santé». Voilà pour la galerie.

    5-6 avril 1885, 125 ans après la fondation du Parti Ouvrier Belge Quelque chose a-t-il fondamentalement changé?

    En 1865, Karl Marx parlait ainsi de la Belgique: «La Belgique est le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés». En avril 2009, l’OCDE classait la Belgique au même rang que Monaco, le Luxembourg et le Liechtenstein sur la liste des endroits favoris des riches pour éviter de payer des impôts.

    Le POB et son successeur, le Parti Socialiste Belge, a durant longtemps fait fonction de mécanisme de contrôle face aux excès du capitalisme. Ce parti, les travailleurs s’en sont saisis comme d’un instrument pour défendre leurs intérêts dans le domaine politique (malgré le fait que sa direction était dès le début acquise au capitalisme). La lutte pour le suffrage universel a constitué une première étape. Mais les luttes qui se sont déroulées pour la journée de huit heures, pour les congés payés, pour un système de sécurité sociale,… ont aussi pu compter sur une traduction politique.

    125 ans après la fondation du POB, la classe des travailleurs se retrouve sans abri. Le PS et ECOLO ont été séduits par les sirènes du néolibéralisme et acceptent la logique du marché dit «libre». Ils se présentent même comme les meilleurs gestionnaires de ce marché «libre». En 1885, les travailleurs des mutualités, des syndicats et des coopératives avaient pris l’initiative de fédérer les groupes politiques locaux existants en un grand parti de la classe ouvrière. Lancer un tel processus est à nouveau nécessaire aujourd’hui.

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    Dans les faits, Laurette Onkelinx n’hésite pas à louer le gouvernement «socialiste» grec qui «travaille à éviter la faillite» (5). Ce «travail» est constitué du gel des salaires du secteur public, de suppressions de primes (qui composent une grande partie des salaires), d’une augmentation des impôts sur le carburant, le tabac et l’alcool, du remplacement d’un travailleur sur cinq dans la fonction publique ou encore de l’augmentation de l’âge d’accès à la retraite de deux ans. Voilà une belle vision de la façon dont le PS pense que l’on peut «éviter la faillite» d’un Etat. C’est exactement de cette manière que les patrons et actionnaires veulent que cela se passe, et c’est exactement cela que le PS est disposé à faire. Plus que cela, il a plus que tout autre les moyens de le faire, il a ses liens avec les directions syndicales et garde son image de prétendu «moindre mal». En d’autres termes, le PS est le mieux placé pour faire passer la pilule prescrite par les patrons.

    Pour un nouveau parti des travailleurs

    Dans de nombreux pays en Europe et ailleurs, des syndicalistes, des travailleurs, des allocataires sociaux, des militants politiques, etc. ont dit «ASSEZ!» et ont lancé des initiatives pour construire de nouveaux instruments politiques pour les travailleurs et leurs familles. Avec toutes leurs différences, leurs défauts et leurs victoires, des partis comme le NPA en France ou Die Linke en Allemagne ainsi que des initiatives comme la TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition – Coalition de syndicalistes et de socialistes) en Grande Bretagne représentent des pas importants posés vers la constitution de nouveaux partis des travailleurs de masse, pour autant bien sûr que les opportunités soient correctement saisies, comme l’illustre l’effondrement du PRC en Italie après sa participation gouvernementale.

    Chez nous comme ailleurs, nous avons un besoin urgent d’un prolongement politique pour les luttes des travailleurs, également afin d’éviter que les directions syndicales ne se cachent derrière l’absence de choix à gauche pour soutenir le «partenaire privilégié». Le PS remercie ce soutien à coups de poignards dans le dos de la population.


    (1) «Le bel avenir du socialisme» est le titre du dernier livre de Paul Magnette, ministre du climat et de l’énergie et personnalité montante au sein du parti socialiste.

    (2) Le Soir du 11 février 2010

    (3) De Morgen du 10 décembre 2009

    (4) Sommet européen et «Stratégie UE 2020», www.ps.be, mis en ligne le 10 février 2010

    (5) Le Soir, 13-14 février 2010.

  • Onkelinx et Vandenbrouke: Sauver le marché libre en démantelant la sécurité sociale

    Le dogme néolibéral du marché libre n’est plus. Même des anciens ”ultras” plaident maintenant pour exercer un contrôle sur les “excès” du système. On entend des voix en faveur d’un rôle plus actif pour l’Etat. Quiconque s’attendait à ce que leurs Eminences social-démocrates saisissent cette chance afin de restaurer l’idée d’Etat-providence – voire de socialisme – se trompent. Au contraire, les sociaux-démocrates grecs du PASOK ont promis, sous le contrôle de l’Europe, de serrer la vis aux salariés, allocataires sociaux et pensionnés. Plus près de chez nous, la Ministre PS des Affaires «sociales», Laurette Onkelinx, a décidé de mettre la main sur notre salaire brut, et le socialiste bleu Vandenbroucke (SP.a) veut “un assainissement budgétaire tel qu’on n’en a pas connu dans notre pays en 40 ans”.

    Edito de l’édition de mars de Lutte Socialiste, par Eric Byl

    Selon le journal De Tijd, “les Belges” d’aujourd’hui sont déjà redevenus aussi riches qu’avant la crise. Un ménage «moyen» disposerait d’un patrimoine déclaré d’environ 365.000 euros. De plus, l’économie souterraine est estimée dans notre pays à 20% du total (dans toute la Zone Euro, il n’y a qu’en Grèce et en Italie que c’est pire). Si nous «répartissons» cela entre toutes les familles, cela voudrait dire que le patrimoine ménager «moyen» s’élève à presque 450.000 euros. Malgré la crise, il n’y a donc pas moins, mais bien plus de richesses qu’auparavant. Avant que le lecteur ne sorte de ses gonds; il est clair que cette richesse n’a jamais été aussi injustement répartie. Derrière la dénomination de “Belges” il y a quelques super-riches, beaucoup de Belges «moyens» et un nombre croissant de pauvres. Même avoir un emploi ne protège plus de la pauvreté – emploi qui est d’ailleurs de plus en plus difficile à obtenir.

    Onkelinx et Vandenbroucke ne savent que trop bien que, selon le Conseil Central de l’Economie (CCE), les patrons ont empoché 8,4 milliards d’euros l’an dernier en baisses de charges et en subventions salariales. L’année précédente, ce chiffre n’était “que” de 7,8 milliards d’euros. A ce sujet, pas un mot. A la compétitivité de “nos” entreprises, il est interdit de toucher. Mais que faut-il faire alors ?

    Onkelinx veut un “deal”, un nouveau pacte social pour remplacer celui qui a suivi la seconde Guerre mondiale. Elle veut réduire la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale à 50% (contre 66% actuellement). Ce serait une forte baisse des coûts salariaux et, puisque nous n’en sentirions pas l’effet sur notre salaire net, Onkelinx pense pouvoir s’en tirer ainsi. Elle espère pouvoir compter sur le consentement des dirigeants syndicaux lors des prochaines négociations autour de l’accord interprofessionnel. Nous voilà prévenus.

    Ces cotisations sociales ne sont rien d’autre que notre salaire différé. Notre bas de laine collectif en cas de maladie, d’invalidité, pour les allocations familiales, les pensions et le chômage. Si les cotisations sociales baissent, les allocations devront baisser, ou d’autres sources de financement devront être envisagées. Et vu qu’Onkelinx veut réaliser cela avec le MR, nous savons déjà qui va payer. Son ancien collègue Vandenbroucke a déjà rédigé 34 pages de «choix stratégiques». Il veut faire un appel à quiconque est «apte à la solidarité et la redistribution». On l’entend déjà venir. Parce que des choix budgétaires doivent maintenant être effectués, dit-il, nous devons d’abord nous concentrer sur «la protection de base». Il veut donc, comme les vrais libéraux, dégrader la sécurité sociale pour en faire un simple «filet de sauvetage social». En fin de compte, Vandenbroucke trouve que l’Etat-providence est un luxe que nous ne pouvons nous permettre que si nous payons beaucoup plus et recevons beaucoup moins. Leurs Eminences social-démocrates se présentent en véritables experts – hélas pas en protection sociale, mais bien au contraire en dépouillement de notre système social.

  • A nous les sacrifices, à eux les profits? – Nous ne voulons pas payer leur crise!

    Pas moins de 800.000 chômeurs à l’horizon 2011, voilà de quoi on parle. Pas assez d’emplois, pas assez d’argent pour engager! Même pas assez pour garder ceux qui travaillent déjà… et trois fois plus de licenciements en 2009 par rapport à une année «normale». On ne sait rien faire, sauf serrer les dents bien fort. C’est la fatalité de la crise… Et quoi, on nous prend vraiment pour des idiots! On doit avaler ça sans broncher?

    Par Nicolas Croes, article tiré de la première page de l’édition de mars de Lutte Socialiste

    On doit continuer à accepter le dogme de la «compétitivité»? Le diktat de la libéralisation? Le marché «libre» élevé au rang de religion? Dans les faits, tout ce catéchisme nauséabond de la «liberté d’entreprendre», c’est 356.000 personnes surendettées en Belgique. C’est encore 1.470.000 personnes sous le seuil de pauvreté, mais 8 milliards d’euros donnés gracieusement aux entreprises, chaque année. A Opel, 2.600 personnes vont perdre leur job, alors qu’Opel Belgium a réalisé 3,4 millions d’euros de bénéfices. Pas suffisant… Combien de drames se cachent derrière les chiffres?

    Et puis il y a les morts. Nous ne voulons pas instrumentaliser la mémoire des victimes de l’effroyable catastrophe ferroviaire de Buizingen, cependant qui osera dire que la libéralisation n’a pas une responsabilité écrasante dans ce drame? Entre 2004 et 2006, le nombre de cheminots est passé de 42.000 à 38.000, avec des cadences infernales pour les travailleurs restant. La combinaison du report de la charge de travail de ces 4.000 travailleurs et de l’augmentation du trafic, cela fait mal.

    Cette pression croissante, nombreux sont ceux qui la ressentent : 7% des Belges prennent quotidiennement des médicaments, simplement pour pouvoir dormir. Ne parlons pas des mauvaises journées. En 2008, quatorze millions de boîtes de calmants et de somnifères ont été écoulées dans notre pays, une consommation en hausse constante. Quel ridicule! Alors que des centaines de milliers de personnes sont sans emploi et sans perspectives, des dizaines de milliers d’autres travaillent 45 heures par semaine, 60, voire même plus. Chômage, pauvreté, cadences infernales, services publics de moindre qualité, voilà notre quotidien.

    Par contre, du côté des banques, ça va mieux. Après une grosse frayeur et un sauvetage sur le dos de la collectivité, Fortis (maintenant filiale de BNP-Paribas) a contribué à hauteur de 261 millions au bénéfice global du groupe. ING-Belgique, également soutenue par l’Etat, a réalisé un profit de 1 milliards d’euros en 2009, 56% de plus que l’année précédente! Pendant ce temps, nos services publics se dégradent.

    Comme l’a cruellement illustré la catastrophe de Buizingen, les intérêts des travailleurs et des usagers vont de pair. Résistons de la même manière: ensemble! Ni les belles promesses, ni une commission parlementaire sur cet catastrophe ne seront suffisantes. Il nous faut une stratégie de lutte! Ripostons et portons l’assaut contre ce système et sa logique où les assainissements passent avant notre sécurité. Battons-nous pour une autre société, une société socialiste!


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  • Pollution de la Senne: Ministre verte + politique bleue = eaux noires !

    Ces dernières semaines, Ecolo a été attaqué de toutes parts à propos de la pollution de la Senne. Les eaux usées de plus d’un million de Bruxellois ont été déversées dans la rivière sans être purifiées. La ministre responsable, Huytebroeck (Ecolo), a nié toute responsabilité et rejeté la faute sur la société Aquiris.

    Par Tim (Gand)

    Par contre, le fait qu’un service important comme la purification de l’eau soit attribué au secteur privé n’a pas été remis en question. Ecolo ne voit visiblement pas de problème à poursuivre une politique libérale. Leurs équivalents flamands de Groen! non plus, comme l’a encore montré récemment l’intégration des « libéraux de gauche » et nationalistes flamands du SLP (ex-Spirit) dans leur parti.

    Le scandale des eaux d’égout non traitées qui se déversaient dans la Senne est la conséquence directe de la mise sur pied du Partenariat Public-Privé (PPP). Une entreprise privée, Aquiris, dont l’actionnaire principal est la multinationale française Veolia, a construit la station d’épuration et a le droit de l’exploiter pendant 20 ans. En retour, le gouvernement bruxellois paie une contribution publique annuelle.

    Veolia (ex-Vivendi) est une multinationale française qui, en 2008, a fait un chiffre d’affaires de 36 milliards d’euros et un bénéfice de 1,9 milliard d’euros. Partout dans le monde, l’entreprise essaie de profiter des privatisations des transports publics et des distributions d’eau. Pour emporter ces contrats, elle est prête à aller très loin : dans plusieurs pays, elle a été condamnée dans des affaires de corruption. Des politiciens locaux ont été soudoyés pour privatiser les services publics et les céder à Veolia pour trois fois rien.

    C’est pourtant avec cette entreprise – via sa filiale Aquiris – que le gouvernement bruxellois a choisi de collaborer en 2001 pour l’exploitation de la station d’épuration de Bruxelles-Nord. La pollution de la Senne montre où se situe l’important pour Veolia : Aquiris trouvant que l’argent public était insuffisant pour maintenir les installations de traitement des eaux, elle a laissé des centaines de milliers de litres d’eaux usées couler pendant des jours. Les contribuables de Bruxelles et l’environnement sont les victimes de la soif de profit de Veolia et du mouvement de privatisation mené par les politiciens.

    La mise sur pied du PPP, qui constitue la base de ce scandale environnemental, a été approuvée par les partis verts et socialistes, tant francophones que flamands. Ce scandale montre l’échec du « capitalisme vert ».

    La seule solution est la nationalisation immédiate de l’ensemble du programme de traitement des eaux, sans compensation pour Veolia. Le contrôle des eaux usées doit être dans les mains de la collectivité, des travailleurs des stations d’épuration, des riverains et des organisations environnementales. Il nous faut une enquête publique sur la responsabilité de ce scandale environnemental.

  • Non à la taxe au kilomètre!

    A la suite des Pays-Bas, il est maintenant question d’instaurer en Belgique aussi une taxe au kilomètre. L’idée est que les automobilistes payent individuellement pour chaque kilomètre sur les autoroutes. Cette mesure, présentée comme un moyen de protéger l’environnement en responsabilisant les automobilistes, est une taxe asociale.

    Les Pays-Bas ont été les premiers à introduire une taxe au kilomètre, qui s’appliquera à partir de 2012 à la place d’une taxe de circulation. Le tarif de base s’élèverait à 3 euros par kilomètre, montant qui pourrait être plus élevé aux heures de pointe et atteindrait les 6 à 7 euros d’ici 2018. Les chauffeurs étrangers payeraient également à partir de 2018. Ce principe serait basé sur un système d’enregistrement électronique.

    Ce débat est arrivé dans notre pays, mais on ne parle pas ici de la suppression de la taxe de circulation, cette nouvelle mesure serait donc une taxe complémentaire. Le PSL a un certain nombre de remarques contre cette idée.

    Premièrement, cette mesure sert avant tout à individualiser un problème collectif. Le problème de mobilité n’est pas causé par les travailleurs. Ce n’est pas par plaisir que ces derniers passent des heures dans des embouteillages. Le problème de mobilité est lié à la façon de réfléchir au sujet du transport dans ce système: tout doit être soumis aux intérêts à court terme des grandes entreprises.

    A la place de rendre responsables les usagers pour les problèmes d’embouteillage et de pollution, de bien meilleurs résultats pourraient être obtenus avec des transports en commun étendus et gratuits. Cela créerait beaucoup d’emplois tout en réglant le problème de circulation. Mais pour cela nous devons remettre en cause le système de production tel qu’il est actuellement organisé.

    La flexibilisation et la recherche de profit entraine beaucoup de transport inutile sur les routes. Notamment au niveau des marchandises. Nous devons mettre en place et développer des alternatives qui s’opposent au transport par camion, très polluant. Par exemple, la proposition de filialiser b-Cargo (transport de marchandises par train) est un pas dans la mauvaise direction: cela n’aura pour conséquence que de diminuer le transport de marchandises par rail en augmentant le transport par camion sur les routes. Une taxe au kilomètre n’empêchera pas ce gaspillage.

    Nous avons un autre problème avec cette proposition: son caractère asocial. Un millionnaire dans sa limousine payera autant qu’un étudiant dans sa voiture d’occasion. L’étudiant pourrait même payer plus en raison de sa voiture plus vieille et plus polluante.

    C’est une manière asociale de lever des impôts, en faisant porter le coût sur toutes les épaules, indépendamment du fait de savoir quelles sont les plus faibles et les plus robustes. Nous nous opposons à de semblables taxes. C’est pour cela que nous nous opposons aussi à toute TVA sur les biens de première nécessité.

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