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Joe Biden ne représente pas la solution contre Trump, il faut construire un nouveau parti !

À l’approche de l’élection présidentielle américaine, la pression monte pour nous faire voter pour Joe Biden afin de mettre Trump à l’écart. Même le New York Times a publié un éditorial intitulé « Pourquoi les socialistes devraient soutenir Joe Biden ». Mais les véritables socialistes ne doivent pas abandonner leur lutte et se soumettre à un “moindre mal” électoral.
Par Keely Mullen, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
J’habite New-york, et au cours du dernier mois, et dans pratiquement chaque conversation que j’ai eu à propos des élections, j’ai entendu le même son de cloche : « Trump c’est une catastrophe, et Biden ne vaut pas beaucoup mieux. Mais je voterai pour Biden parce que je déteste Trump ». Je comprends cette logique. Elle vient de l’envie irrépressible des gens de résoudre le chaos qui nous entoure et de mettre un terme à la croissance de la droite. Mais cette position, bien que tout à fait compréhensible, laisse de côté la situation d’ensemble que les socialistes ont pour obligation d’expliquer. Les médias institutionnels et l’establishment Démocrate affirment religieusement que « revenir à la normale » et combattre la droite signifie qu’il faut donner sa voix au « Démocrate du jour ». Les organisations de gauche, les organisations socialistes et des figures socialistes importantes comme Alexandria Ocasio-Cortez et Bernier Sanders ne devraient pas reprendre docilement cette logique.
Aussi lamentable que soit Trump et malgré ce que sa réelection signifierait pour les travailleurs, des millions d’Américains n’éprouvent absolument aucun enthousiasme à l’idée de voter pour Biden. Dans une telle situation, imaginez qu’au lieu d’avoir cédé et plié le genou devant l’establishment, Bernie Sanders soit en train de faire campagne pour un nouveau parti des travailleurs ! Dans le contexte d’une pandémie globale, d’un soulèvement contre les violences policières racistes, du soutien écrasant pour la revendication d’un système universel de soins de santé (Medicare for All) et une taxe sur les fortunes, cela aurait pu galvaniser des millions de jeunes et de travailleurs. Ça aurait représenté une opportunité historique de briser le carcan qu’est le Parti Démocrate.
A cause du refus de Sanders de poser ces pas en avant, nous assistons impuissants à une compétition entre deux mauvaises options pour les travailleurs, sans nulle part vers où tourner le regard. Les socialistes ont la responsabilité de clarifier les raisons pour lesquelles nous en sommes là et quelles sont les opportunités qui ont été manquées.
Les débats dans la gauche
Dans un article, deux figures majeures des Democratic Socialists of America (DSA) Eric Blanc et Neal Meyer écrivent : « Les socialistes ne peuvent pas empêcher ce cauchemar d’eux-mêmes. Mais nous pouvons – et nous devons – faire partie du mouvement plus large qui peut le faire. Oui, malheureusement, cela signifie de voter pour Joe Biden et de faire le maximum pour convaincre nos amis, nos collègues, nos voisins, nos camarades et notre famille de faire de même – et cela indépendamment de l’endroit où l’on vit. »
Il s’agit d’une rupture par rapport à l’approche pourtant déjà conservatrice adoptée par un certain nombre de personnalités des DSA qui ont signé une promesse appelant à un « vote anti-Trump » sans jamais mentionner le nom de Biden. Les DSA sont une organisation qui n’est pas loin de rassembler 80.000 membres, avec des positions élues dans des gouvernements locaux et d’Etat, mais aussi dans les syndicats ; une telle organisation à l’obligation de diriger la lutte contre l’extrême droite, plutôt que d’y renoncer au simple prétexte qu’il y a une élection qui se prépare.
Il existe des millions de personnes qui en ont ras-le-bol que le Parti Démocrate tienne leur vote pour acquis et qui sont mûrs pour suivre une direction de gauche audacieuse. A ces personnes, Blanc et Meyer répondent que s’organiser pour le compte de Joe Biden est la manière la plus efficace de combattre la droite. Il s’agit d’une tragique capitulation.
Des centaines de millions de dollars se déversent sur les comptes de campagne de Biden, des milliers d’ONG travaillent à convaincre les gens d’aller voter, et des personnalités comme Obama et même Bernie Sanders courent aux quatre coins du pays pour appeler à voter Biden. Et ce serait de la responsabilité de travailleurs désillusionnés, qui ont été abandonnés et méprisés par le Parti Démocrate de faire campagne pour appeler à voter Biden ?
Des centaines de milliers de combattants de la classe ouvrière pourraient être attirés au sein du mouvement socialiste si ce dernier était audacieux et décomplexé. Mais ce qu’ils ne peuvent que constater chez certains membres dirigeants des DSA et même chez Bernie Sanders, c’est encore et toujours la vielle rengaine.
Nous espérons que les membres du rang des DSA écarteront respectueusement les conseils de Blanc et Meyer, et appelleront plutôt à voter pour Howie Hawkins, le candidat socialiste du Parti Vert, afin de montrer concrètement une voie pour sortir du Parti Démocrate. Même si nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qu’il dit, la réponse de Jérémy Gong, membre des DSA, à l’article de Blanc et Meyer est dans son ensemble très positive et nous encourageons les membres des DSA à la lire. Nous accueillerions avec enthousiasme que les sections des DSA se joignent à Socialist Alternative dans nos efforts pour rassembler des coalitions dans nos villes afin de préparer des manifestations de masse et de désobéissance civile si Trump tente de voler les élections.
Si Trump gagne, ce ne sera pas à cause de travailleurs qui ne se sont sentis représentés par aucun candidat et qui ont choisi de ne pas voter. Ce ne sera pas non plus la faute des gens qui auront fait un vote de protestation contre les deux candidats. Ce sera la faute du Parti Démocrate qui, pour vaincre Trump, a choisi comme candidat un représentant des entreprises parfois mentalement confus, alors qu’un candidat capable de galvaniser des millions de personnes était disponible en la personne de Bernie Sanders.
L’élite démocrate a crée Trump
Dans leur article, Blanc et Meyer ne consacrent pas une seule phrase à l’explication du rôle que le Parti Démocrate a joué pour créer l’espace dans lequel Trump et le trumpisme ont pu s’épanouir. Il ne s’agit pas d’un accident : toute investigation poussée sur la logique du « moindre mal » finira par prouver que les décennies d’attaques impitoyables des Démocrates sur les travailleurs ont fertilisé le sol dont on a vu Trump émerger. C’est une leçon historique cruciale que les activistes de la classe des travailleurs se doivent de tirer.
Le 8 novembre 2016, la victoire électorale de Trump sur Clinton et son accession à la présidence a laissé tout le monde bouche bée. Les experts libéraux et leurs instituts de sondage étaient sous le choc, totalement incapables d’expliquer comment leur candidate parfaite, avec des décennies d’expérience à Washington, avait perdu face à un homme d’affaires milliardaire et une star de la télé-réalité. Ils n’ont pas pu comprendre que la montée de Donald Trump, tout comme celle du Tea Party avant lui, reposait sur leur propre incompétence et leur soumission à la classe des milliardaires.
Les démocrates contrôlaient la Maison Blanche et les deux branches du Congrès pendant la pire crise financière que les États-Unis aient connue depuis la Grande Dépression (jusqu’à présent). Avec leur supermajorité, ils ont trouvé toutes les raisons de donner des milliards de dollars aux grandes banques de Wall Street, mais ont haussé les épaules face aux neuf millions d’emplois perdus et aux quatre millions de maisons saisies.
Au cours des huit années qui ont suivi, alors qu’Obama et Biden étaient confortablement installés au pouvoir, la richesse des milliardaires a explosé et les classes ouvrières et moyennes sont restées sur les genoux. Certes, le chômage a diminué – mais la grande majorité des emplois créés sous l’administration Obama étaient des emplois de l’industrie des services, à bas salaire. Les mêmes emplois qui ont maintenant disparu avec l’arrivée du Covid-19 en 2020
L’abandon prévisible des travailleurs par les démocrates sous l’administration Obama/Biden (qui a poursuivi les imprudentes politiques de prêt, de déréglementation et de financiarisation, ainsi que les attaques incessantes contre les acquis des travailleurs qui avaient marqué les présidences Clinton et Bush) a posé les bases de la victoire surprise de Trump en 2016. Ils n’ont pas été capables de motiver les travailleurs à voter pour Hillary Clinton, dont l’élection comme présidente n’aurait signifié que la poursuite des mêmes politiques. Plus de 200 comtés (communes) qui avaient voté pour Obama en 2012 ont voté pour Trump quatre ans plus tard !
Durant sa campagne de 2016, M. Trump a également élaboré le programme xénophobe et réactionnaire qu’il n’a cessé de développer depuis. Les démocrates n’ont pas été en mesure de contester de manière crédible ses idées réactionnaires.
Ainsi, non seulement les démocrates ont déroulé un tapis rouge allant de l’appartement de Manhattan de Trump jusqu’aux marches de la Maison Blanche, mais en plus ils n’ont absolument rien fait pour le combattre pendant les quatre années qu’il a passées là-bas !
Ils ont littéralement déversé l’équivalent d’années d’attention et d’énergie dans le scandale du « Russiagate » et dans des absurdités comme l’Impeachment – se soustrayant ainsi aux véritables combats qui touchent les travailleurs. Ils ont substitué à toute lutte réelle contre Trump des actes symboliques de « résistance » et des tweets impertinents. La nomination sans heurt d’Amy Coney Barret à la Cour suprême, que les démocrates n’ont même pas prétendu combattre, en témoigne de façon déprimante.
Si la gauche veut avoir l’oreille des gens, elle ne peut pas s’aligner derrière le premier cadavre que le Parti démocrate exhibe aux élections. Ce ne ferait que préparer la voie à quelque chose de pire encore que Trump en alimentant les forces qui lui ont donné le micro en premier lieu.
Au vu de l’ampleur de la crise économique en cours, une administration dirigée par Biden pourrait bien être prête à dépenser des sommes significatives d’argent, mais il ne doit y avoir aucune illusion sur le fait qu’il puisse défendre ne serait-ce qu’un semblant d’agenda progressistes. Son administration, ainsi que la plupart des démocrates au Congrès, s’attaquera sans relâche aux travailleurs tout en renflouant les grandes entreprises, en octroyant des subventions aux grandes compagnies d’assurance et en s’opposant à des politiques populaires comme l’assurance maladie pour tous. L’espace pour l’extrême droite s’élargirait très probablement sous une administration Biden, et Trump pourrait très bien continuer à gagner du soutien pour ses idées même s’il perd les élections. En fait, une situation où Trump se déchaînerait en étant libre de rallier sa base en dehors des limites d’une fonction élue pourrait conduire à la création d’un parti d’extrême droite.
Défaire la droite par une vraie politique indépendante des Démocrates
Un véritable combat contre Trump, et les forces réactionnaires qui gravitent dans son orbite, nécessite des mesures décisives. Nous avons besoin que la gauche au sens large s’engage avec audace dans la campagne en faveur de l’assurance maladie pour tous, d’un New Deal vert, d’un soutien covid pour les travailleurs et du définancement de la police. Dans le cadre de la construction de ces mouvements, il est crucial que nous commencions à prendre des mesures pour construire une alternative politique indépendante de gauche en dehors du Parti démocratique.
La véritable « réduction des risques » dans laquelle les organisations et les personnalités de gauche devraient s’engager consiste à mobiliser les rangs les plus larges de la classe ouvrière dans des mouvements de masse et à créer d’urgence un nouveau parti politique avec un programme de défense de la classe ouvrière et une stratégie basée sur la lutte de classe. Un parti qui puisse être un foyer politique pour les millions de gens ordinaires qui ont soutenu Bernie Sanders.
Les organisations et les personnalités de gauche ne doivent pas mener les travailleurs désabusés dans le piège du Parti démocrate. Ils doivent mener, depuis le front, une marche directement vers l’extérieur du Parti démocrate et vers quelque chose de nouveau. Nous devons combattre la droite et la classe des milliardaires, et il n’y a pas de temps à perdre.
Meeting en ligne ce 3 novembre : USA, quelle alternative ?
Venez discuter de quelle alternative nous avons besoin avec les Étudiants de Gauche Actifs – EGA et son organisation sœur aux États-Unis Socialist Alternative. We Won’t Die For Wall Street !Discussion en FR, NL et EN (sous-titres et traduction prévus)[button link=”https://www.facebook.com/events/842674049877137″ type=”big” color=”red”] => Facebook evenement[/button]

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[La Santé en Lutte] Vivaldi : la partition qui sonne faux

Le texte ci-dessous est une analyse de l’accord de gouvernement réalisé par le groupe d’action militant La Santé en Lutte. Nous vous invitons à en prendre connaissance au côté de la déclaration du PSL/LSP “Vivaldi. Un virage social plus qu’insuffisant et sans garantie : la lutte reste nécessaire !”
Le nouveau gouvernement Open VLD-MR-PS-Sp.a-CD&V-Ecolo-Groen dit « Vivaldi » est né.
Avec ce gouvernement viennent des intentions, c’est la « note de formation », l’accord gouvernemental en somme. Nous l’avons (un peu) épluché pour voir si nous y trouverions de belles surprises pour notre secteur.
Augmentation de la norme de croissance budgétaire
La norme de croissance budgétaire de la santé est revue, elle passe de 1,5% à 2,5% à partir de 2022. Cette norme de croissance correspond à l’évolution du budget de la santé. Celui-ci doit augmenter en fonction de l’évolution démographique (vieillissement, natalité,…) de la Belgique. Il doit également pouvoir répondre aux nouveaux défis de santé de notre société.
Bonne nouvelle ? A priori dans un contexte de restrictions si un budget augmente ça ne peut pas en être une mauvaise. Mais est-ce que cela sera suffisant ? Ça reste à voir…
Rappelons cette analyse dans le journal Le Soir (avril 2020) de l’évolution budgétaire de la santé(1) : « En 2012, le fédéral a consacré 21,5 milliards aux soins de santé (les dépenses Inami pour les hôpitaux, les médecins, les autres soignants, les médicaments…), en 2014, on était à 22,4 milliards, soit une hausse réelle des dépenses de 2,01 % par an. En 2015, on grimpe à 23,1 milliards pour atteindre progressivement 26,5 milliards en 2019, soit une hausse de 4,16 milliards (18,6 %) en 5 ans, soit aussi une hausse moyenne annuelle de 3,72 %.
Alors pourquoi toutes ces plaintes sur le budget des soins de santé ? Parce que quand on retire l’indexation (autour de 2 %), le solde ne permet pas, depuis des années, de couvrir la croissance naturelle des besoins (hors nouvelles initiatives). Et parce qu’il y a eu des trains d’économies qui ont fait très mal : 547 millions sous Demotte en 2005, 425 millions sous Onkelinx en 2012 et, évidemment, 900 millions d’euros sous Maggie De Block sur le budget 2017. »
Toujours d’après cet article, pour l’économiste Philippe Defeyt il faudrait minimum une augmentation de 1% de la norme de croissance pour couvrir seulement la hausse des dépenses liées aux évolutions socio-démographiques. Si nous rajoutons à cela les 2% d’indexation nous arrivons à une norme de croissance théorique de 3% pour continuer à couvrir les besoins en soins de santé et ceci en dehors de toute évolution budgétaire permettant de financer des politiques nouvelles de Santé : prévention, réduction des inégalités face aux soins, réduction de la facture patient, développement d’expertises nouvelles, révision des normes d’encadrement, etc. Il ne s’agit donc pas d’un refinancement.
D’autres études avancent qu’il faut une norme de croissance au minimum à 2% pour simplement couvrir les dépenses de santé normale à politique constante.
Si par contre la norme de croissance est considérée en dehors de l’indexation nous devrions voir à partir de 2022 une augmentation de 4,5% du budget de la Santé. Ceci reste encore à voir, nous y serons attentif. De plus, il faudra analyser ce à quoi serviront les montants dégagés et si ces montants sont ponctionnés au détriment d’autres branches de la sécurité sociale.
Enfin, une norme de croissance à 2,5% reste une norme austéritaire. A titre de comparaison, elle était, sous le gouvernement Verhofstadt, de 4,5%. La nouvelle coalition semble vouloir nous vendre une temporisation de la régression budgétaire pour une augmentation « historique »
Surconsommation médicale
Autre objet d’économie : la lutte contre la « surconsommation » médicale. L’autre travail que Maggie De Block avait commencé, celui de la chasse aux prescriptions, sera poursuivit par Franck Vandenbroucke. En effet, un volet sur la « surconsommation » des soins, médicaments et analyses, prend une place importante dans le volet Santé de la note de formation.
L’idée est de responsabiliser les médecins qui prescriraient trop facilement et les patient.e.s qui consommeraient à outrance. Ce concept de culpabilisation individuelle fait fi d’une analyse systémique de notre fonctionnement de soins: lobbying important des entreprises pharmaceutiques sur le corps médical qui pousse ce dernier à prescrire à tout va; diminution du séjour d’hospitalisation rendant le recul clinique plus difficile ; financement des hôpitaux au prorata des actes médicaux ce qui pousse le corps médical et les directions hospitalière à prescrire des examens à tout va; accent sur le curatif plutôt que le préventif; non prise en compte des aspects psycho-sociaux des patient·e·s qui induit une résolution médicamenteuse des problématiques; etc.
Ce n’est donc pas l’individu qui surconsomme c’est le système qui pousse à la surconsommation car celui-ci en retire un intérêt direct : la vente de médicament et les bénéfices des entreprises pharmaceutiques, notamment.
Le gouvernement choisit donc de s’attaquer aux symptômes plutôt qu’à la cause de la maladie de la consommation. Notre nouveau ministre de la Santé continuera t il, comme Maggie De Block, à limiter l’accès à la médecine pour éviter de former des « prescripteurs »? Le désert médical ne semble en tout cas prêt de reculer.
Enfin, comme pour légitimer cette lutte à la surconsommation par la responsabilisation et la culpabilisation des individus, le gouvernement ajoute que « La sous-consommation de soins doit aussi être une priorité ». Sans aucune précision, ni objectif, ni proposition d’actions alors qu’on parle ici de toutes celles et ceux qui n’ont pas accès au système de soins de santé, de toutes celles et ceux qui doivent reporter leur consultation ou la prise de leur médicament car ils n’en ont pas les moyens, de toutes celles et ceux qui ne sont pas soigné·es correctement. Ils et elles méritent plus d’attention que cela.
Par l’importance accordée à la diminution des coûts des soins plutôt qu’à l’augmentation de son accessibilité, nous pouvons voir où le nouveau gouvernement met ses priorités.
En filigrane de cette proposition il faut souligner le prisme libéral de cette formation gouvernementale: considérer le soin comme un bien de consommation justifiant ainsi la mise en place de la tarification à l’acte et imposant ainsi aux soignant·e·s une comptabilité opposée à la philosophie du soin.
1,2 milliards
C’est la grande nouvelle, concernant la Santé, de ce gouvernement : 1,2 milliards pour le secteur ! Indépendamment de la norme de croissance, c’est la promesse d’un refinancement du secteur.
Un cadeau? Vraiment? Détaillons, que représente ces 1,2 milliards ?
Premièrement, dans ces 1,2 milliards, il y a le Fonds des Blouses Blanches : 400 millions d’euros. Ce fonds est en réalité un acquis de lutte et non un cadeau du futur gouvernement. En effet, suite aux grèves et mobilisations de 2019, nous avons obtenu, par le rapport de force, un financement pour de l’engagement de personnel soignant.
Pour se faire une idée, 400 millions d’euros représentent, par exemple, à l’échelle des Cliniques Saint Luc à Bruxelles (5000 travailleur·euse·s) plus ou moins 25 nouveaux engagés. Cela sera, certes, une bouffée d’oxygène pour certaines unités mais on est loin de la révision des normes d’encadrement nécessaire pour garantir la sécurité des patient·e·s. Pour rappel le KCE préconise 5 patient·e·s par infirmièr·e pendant la journée et 8 patient·e·s par infirmièr·e la nuit. Aujourd’hui, en Belgique, ce ratio est en moyenne de 9,4 le jour et de 18,1 la nuit ! Ainsi le KCE prescrit « L’implémentation de ratios patients/infirmier sûrs exige un investissement substantiel » soit l’engagement de 5000 à 6000 ETP. En l’étatsleystème de soins de santé ne garantit pas la sécurité des patient·e·s.
Sans compter que ce Fonds des Blouses Blanches finance prioritairement des soignant·e·s, il n’y a donc pas de financement pour les métiers logistiques, administratifs et hôteliers qui constituent une part importante du fonctionnement de notre système de soins. Ces métiers, précarisés, impactent directement la qualité des soins.
Deuxièmement, dans ces 1,2 milliards, il y a le financement de la réforme barémique IFIC : 600 millions d’euros. Ce qui représente une augmentation salariale globale de 5% pour les soins de santé fédéraux. Secteur qui n’a pas connu d’augmentation salariale depuis des années. Cette réforme, amorcée depuis quelques années, était au point mort avant la crise sanitaire. Il aura fallut une pandémie et un mécontentement évident du secteur, pour relancer les négociations.
Celles-ci ont donc abouti, pour le pire et pour le meilleur. En effet, cette réforme va recomposer totalement les évolutions salariales dans le secteur. Certain.es travailleurs.euses vont y gagner, d’autres y perdre.
Enfin, troisièmement, 200 millions vont à un refinancement de la santé mentale.
En somme, là où le nouveau gouvernement présente un refinancement il faut y voir une continuation du travail de lutte et de négociation pour des meilleures conditions de travail. C’est, en réalité, le rapport de force que les travailleur·euse·s ont développé lors des mobilisations et des grèves qui pousse aujourd’hui le gouvernement à céder un peu du terrain.
Enfin, à titre de comparaison, rappelons juste que « de 2015 à 2018, la contribution de l’assurance maladie à l’assainissement budgétaire a été de 2,1 milliards » (Le Soir, septembre 2018).
Marchandisation de la santé
D’autres points sont abordés dans cette note concernant la Santé, notamment la mise en concurrence des institutions via une notation de la qualité des soins. Sorte de ranking des hôpitaux, ce qui se présente comme une « transparence sur la qualité des soins » n’est autre qu’une évaluation de la performance. Ce ranking (classement) mettra la pression sur les travailleur·euse·s, sans budget supplémentaire, pour atteindre des objectifs irréalistes afin de faire mieux que ce qui sera bientôt des « adversaires » : les autres institutions de soins. Nous connaissons déjà ça sur le terrain : gagner des parts de marché (des malades!) pour soigner plus, facturer plus et obtenir plus de financement. Voici maintenant que le nouveau gouvernement se fait le porte parole du management et en fait un projet de législature.
La mise en concurrence des hôpitaux/réseaux est effectives, les méthodes de financement n’ont pas changé. Ce qui signifie que nous devrons continuer à justifier et quémander du financement (DIRHM), avec la charge administrative qu’un tel fonctionnement implique. En effet, notre système marche sur la tête, nous sommes financé selon le travail que nous avons pu réalisé/justifié et non le travail que nous devrions pouvoir faire.
C’est une spirale négative qui pousse à la surfacturation, à la triche sur l’encodage, au développement d’un marché concurrentiel de la maladie. Nos vies ne sont pas à vendre ! Notre santé non plus !
La note de formation aborde également l’inégalité d’accès au soin sans pour autant proposer de solution ni de budget. Dans un contexte marchand il est en tout cas certain que les institutions de soins vont continuer à préférer les patient.e.s avec des gros portefeuille plutôt que les patient.e.s précaires. Lutter contre l’inégalité d’accès au soin c’est lutter contre la marchandisation du système et proposer une alternative égalitaire, public et gratuite. Ca ne semble pas être le projet de la Vivaldi.
Rien n’est dit sur l’endettement des structures de soins, qui, avec la crise Covid, s’est lourdement aggravé. Ceci nous laisse penser que ces dernières vont devoir recourir à des économies pour retrouver l’équilibre. La pression sur les travailleur·euse·s risque très certainement d’augmenter et la qualité du matériel diminuer. Le recours à l’externalisation (marchandisation) des services (lingerie, entretien ménager) est également une menace qui persiste. Obtenir une qualité des soins satisfaisante dans ce cadre promet d’être difficile.
Enfin, l’âge de la pension ne semble pas être remise en question. Nous devrons donc rester en poste jusqu’à 67 ans… ce qui est clairement une aberration. De plus rien n’est dit à propos des métiers lourds…
Pour conclure
Sous des airs de mesures sociales le nouveau gouvernement ne semble pas dévier de la trajectoire de l’ancienne législature. Il poursuit les politiques d’austérité budgétaire et la réforme libérale des soins de santé. Le gouvernement Vivaldi propose une liste de réformes et autre point d’attention sans pour autant offrir les moyens financiers de leur réalisation. Les bonnes intentions ont donc une chance certaine de se transformer en voeux pieux laissant ainsi la marche libérale avancer.
Rappelons à ce propos les intentions de la Suédoise (N-VA, MR, CD&V, Open VLD) lors de ses débuts : « Lorsque le Gouvernement suédois entre en fonction en 2014, il se veut rassurant concernant les soins de santé. L’accord de majorité déclare ainsi vouloir améliorer l’accessibilité, réduire les inégalités de santé, ou encore renforcer la sécurité et la transparence tarifaire. Les réformes s’inscriront dans la continuité des politiques entamées lors de la législature précédente et seront menées dans le respect de la concertation. Beaucoup de déclarations d’intention et rien de bien concret… si ce n’est la réduction de moitié de la norme de croissance du budget de l’assurance maladie » (Le Soir, septembre 2018).
Ceci ressemble beaucoup aux déclarations d’intention du nouveau gouvernement. Nous avons vu ce que Maggie De Block à fait par la suite… Nous craignons très fortement que le secteur ne ressente aucune amélioration significative dans un tel contexte car l’austérité budgétaire semble rester la norme et avec celle-ci la dérive de marchandisation des soins.
En réalité, les seules améliorations ont été obtenues par le rapport de force avec l’Etat. Le secteur, les travailleur·euse·s et la population ont su mettre en avant la nécessité de revoir le budget alloué à notre santé ! Mais ce progrès reste malheureusement marginal.
Depuis des années, nous tous, brancardiers, personnel de l’entretien, techniciens et techniciennes, infirmières et infirmiers, aides-soignants, médecins, patients et patientes, famille de patient, et toute personne concernée, sommes les témoins des choix politiques qui amènent à la lente agonie de la sécurité sociale et à la dégradation de la qualité des soins de santé en Belgique.
Ce sont les politiques néolibérales qui sont responsables de cette souffrance dont nous sommes toutes et tous les témoins directs.
Il nous apparait essentiel de continuer à lutter contre un tel système, dont le nouveau gouvernement se fait l’incarnation. Il faut défendre un refinancement massif du secteur ainsi qu’un changement de paradigme dans les soins.
Nous ne voulons pas soigner les portefeuilles, nous voulons soigner la population !
Nous voulons des améliorations significatives des conditions de travail ainsi que de nos conditions salariales. Nous voulons plus de personnel, plus de salaire et plus d’humanité !
Il faut reconsidérer la gestion de notre système de santé afin de préserver ce qui est notre bien commun à toutes et tous !
Nous vous invitons à consulter nos revendications ici https://lasanteenlutte.org/nos-revendications/
Notre prochain rendez-vous est l’ Assemblée Générale Nationale – Nationale Algemene Vergadering, le 15 octobre à 19h au Tri Postal (Bruxelles-midi), avenue Fonsny 48, Saint Gilles.
Nous laissons le mot de la fin au nouveau gouvernement qui affirme miser « sur l’arrivée de nouveau personnel soignant et son maintien ». Dans le contexte que nous avons décrit il semble très improbable que ce vœux se réalise. Nous resterons néanmoins attentifs aux réformes touchant le secteur et ne manquerons pas de maintenir la pression sur le gouvernement Vivaldi.
A bon entendeur… Luttons ! ✊
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Lénine: le dictateur originel ?

Lénine et Trotsky En pleine exaltation suite à la prise de Bagdad par les troupes américaines le 10 avril 2004, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a proclamé que ‘‘Saddam Hussein rejoint désormais Hitler, Staline, Lénine, Ceausescu dans le panthéon des dictateurs brutaux qui ont été mit en échec’’. Près d’un siècle après la mort de Lénine, les classes dirigeantes le lient toujours aux dictateurs les plus horribles du 20e sicèle. Per-Åke Westerlund (section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière) examine les raisons qui se cachent derrière ces décennies de calomnie.
Vladimir Lénine, le principal dirigeant de la révolution russe, a judicieusement observé à la mi-1917 : «Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de “consoler” les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire». (L’Etat et la révolution)
Lénine est décédé le 21 janvier 1924, étant alors gravement malade et s’étant éloigné du travail politique depuis la fin de 1922. Cependant, depuis sa mort, les classes dirigeantes n’ont jamais essayé de le canoniser. Leur crainte de la révolution russe, «dix jours qui ébranlèrent le monde», les a amené à continuer avec «la plus sauvage malice, la haine la plus furieuse et les campagnes de mensonges et de calomnies les plus scrupuleuses». Jamais avant ou après, les capitalistes n’étaient plus près de perdre leurs profits et leur pouvoir à l’échelle mondiale que pendant la période 1917-20.
Les campagnes anti-léninistes sont utilisées pour effrayer les travailleurs et les jeunes des idées et des luttes révolutionnaires. Pour les socialistes d’aujourd’hui, il faut répondre aux mensonges et aux calomnies dirigées contre Lénine et la révolution russe.
L’image d’une ligne ininterrompue passant par Lénine, Staline, et continuant vers Leonid Brezhnev et Mikhaïl Gorbatchev, est peut-être la plus grande falsification de l’Histoire. Des publications comme ‘Le livre noir du communisme: Crimes, terreur, répression – par Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panne, Andrzej Paczkowski, Karel Bartosek, Jean-Louis Margolin (Robert Laffont, 1997) – ne dit rien sur la politique des bolcheviks dirigés par Lénine ou des décisions prises immédiatement après la révolution d’octobre 1917. Ils cachent les énormes luttes des années 1920, initiées par Lénine lui-même, pour empêcher la montée du stalinisme. Ils ne peuvent pas expliquer la guerre civile unilatérale de Staline menée dans les années 1930 contre quiconque était lié à Lénine.
A l’opposé, l’historien EH Carr fait la distinction entre Lénine et Staline. Il décrit comment le régime de Lénine encourageait la classe ouvrière à participer activement aux affaires du parti et de la nation. Cette position sur la démocratie et les droits des travailleurs était complètement opposée à la dictature établie par Staline. Ce sont les conseils ouvriers, les soviets, qui ont pris le pouvoir en octobre 1917, et ce sont leurs délégués élus et révocables qui formèrent le gouvernement. Les droits des travailleurs, y compris le droit de grève, ont été consacrés. La mise en place de comités d’usine et de négociation collective a été encouragée. Les bolcheviks n’étaient pas favorables à l’interdiction des autres partis, pas même des partis bourgeois, tant que ceux-ci ne rentraient pas en lutte armée. Au début, la seule organisation interdite était les Cent-Noirs, parti proto-fasciste spécialisé dans les attaques physiques contre les révolutionnaires et dans les pogroms contre les juifs.
La contre-révolution stalinienne
Le gouvernement bolchevik s’est avéré être le plus progressiste de l’histoire dès ses premières mesures. Il s’agissait de nouvelles lois sur les droits des femmes, le droit au divorce et à l’avortement. L’antisémitisme et le racisme étaient interdits par la loi. Les nations opprimées avaient le droit de décider de leur sort. C’était le premier état qui tentait de créer un nouvel ordre socialiste, en dépit de terribles conditions matérielles.
L ‘Union soviétique de Lénine et son programme politique ont été brisés par le stalinisme. L’arrivée au pouvoir de la bureaucratie stalinienne signifiait une contre-révolution dans tous les domaines, à l’exception de l’économie nationalisée. Les droits pour les travailleurs, les femmes et les nations opprimées étaient tous placés sous le talon de fer. Au lieu de «disparaître», ce qui était le point de vue de Lénine pour l’appareil de l’État ouvrier, il devînt une machine militaire et policière oppressante aux proportions gigantesques. Le stalinisme était une dictature nationaliste, un organisme parasite vivant sur le corps de l’économie planifiée.
Ce n’était pourtant pas un développement inévitable de la révolution ouvrière. Le stalinisme est né dans des circonstances concrètes: l’isolement de la révolution – en particulier la défaite de la révolution allemande de 1918 à 23 – et l’arriération économique de la Russie. Le stalinisme, cependant, ne pouvait pas prendre le pouvoir sans résistance, sans une contre-révolution politique sanglante. Les purges de Staline et les chasses aux sorcières en 1936-1938 n’étaient pas des actions aveugles, mais la réponse de la bureaucratie à une opposition croissante à son règne. Le principal accusé dans ces démonstrations de pouvoir était l’allié de Lénine à partir de 1917, Léon Trotsky et ses partisans, emprisonnés et exécutés par milliers. Trotsky – qui a défendu et développé le programme de Lénine et des bolcheviks – a été expulsé de l’Union soviétique en 1929 et assassiné sur ordre de Staline à Mexico en 1940. Trotsky est devenu l’ennemi principal du régime de Staline parce qu’il avait dirigé la révolution en 1917 aux côtés de Lénine (alors que Staline avait hésité et était resté en marge). Il a analysé et exposé en détail le régime de terreur de Staline et il avait un programme pour renverser le stalinisme et pour restaurer la démocratie ouvrière.
Les politiciens bourgeois et les sociaux-démocrates d’Europe de l’ouest ont également attaqué Trotsky en tant que leader marxiste révolutionnaire. Ils ont compris que ses idées n’étaient pas seulement une menace pour Staline, mais aussi pour le pouvoir des capitalistes. Pendant les Procès de Moscou en 1936, le gouvernement norvégien n’a pas permis à Trotsky, qui était alors en Norvège, de se défendre publiquement. Lorsque Staline, en 1943, a clôturé l’Internationale communiste (créée en 1918 pour relier des groupes révolutionnaires à travers le monde), afin de parvenir à une alliance avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, le New York Times a déclaré que Staline avait finalement renoncé à l’idée de Trotsky d’en arriver à une révolution mondiale.
L’ancien chef d’espionnage de Staline, Leopold Trepper, a écrit plus tard: “Mais qui a protesté à cette époque? Qui s’est levé pour exprimer son indignation? Les trotskistes peuvent revendiquer cet honneur. À l’instar de leur chef, qui a été récompensé pour son entêtement d’un coup de pic à glace, ils ont combattu le stalinisme jusqu’à la mort et ils ont été les seuls à faire … Aujourd’hui, les Trotskistes ont le droit d’accuser ceux qui hurlaient autrefois avec les loups “. (The Great Game, 1977) Nous pouvons comparer son commentaire avec celui de Winston Churchill, qui, dans les années 1950, a qualifié Staline de «grand homme d’Etat russe».
Avant la contre-révolution politique du stalinisme, la direction de Lénine et Trotsky ne s’orientait pas selon leurs propres intérêts personnels. Leurs principes guidaient leurs actions, surtout pour faire avancer la lutte des travailleurs à l’échelle mondiale. Ils admettaient quand ils avaient dû se retirer ou se compromettre.
Le stalinisme, d’autre part, a utilisé les conditions des années de guerre civile et de famine massive pour construire un système politique entièrement nouveau. La société stalinienne a été décrite comme un idéal parfait, un monde de rêve. La dictature a été introduite, non seulement en Union soviétique, mais dans tous les partis «communistes» à l’échelle internationale. Cela a continué même lorsque l’économie des pays staliniens étaient à son apogée dans les années 1950 et 1960. Les débats et les traditions vivantes du parti bolchevik ont été arrêtées dès les années 1920 et 1930.
C’est seulement dans les discours que le stalinisme était connecté à la révolution, à Marx et à Lénine. Il les a transformés en icônes religieuses parce que cela contribuait à renforcer le régime. La bureaucratie voulait prendre le crédit de la révolution. Le résultat final, cependant, était de discréditer les concepts mêmes du marxisme et du «léninisme» dans l’esprit des travailleurs et des opprimés à l’échelle mondiale. Le «léninisme» est devenu le slogan d’une dictature parasitaire.
Cette falsification stalinienne des idées de Lénine et du marxisme a été acceptée sans contestation par les sociaux-démocrates et les classes dirigeantes à l’international. Ils avaient tout intérêt à cacher les vraies idées de Lénine. Trotsky et ses partisans ont défendu l’héritage politique de Lénine et se sont opposés au culte de la personnalité que Staline a construit. Contrairement aux critiques superficielles des politiciens occidentaux, Trotsky avait un programme scientifique et de classe contre le stalinisme. Trotsky, par exemple, a mis en garde contre la collectivisation forcée de Staline en 1929-1933 (alors que certains propagandistes anti-léniniste affirment que c’était Lénine qui a forcé la collectivisation).
Dans le livre, La Révolution trahie, écrit en 1936, Trotsky explique en détail comment les politiques de Staline sont opposées à celles de Lénine: sur la culture, la famille, l’agriculture, l’industrie, les droits démocratiques et nationaux, etc. Sur tous les problèmes internationaux, le stalinisme a cassé avec le programme et les méthodes de Lénine, tout particulièrement sur la nécessité de l’indépendance de la classe ouvrière dans la révolution chinoise de 1925-27, la lutte contre le fascisme en Allemagne, la révolution espagnole dans les années 1930 et dans toutes les autres luttes décisives. Les commentateurs anti-léniniste d’aujourd’hui, en soulignant que la lutte révolutionnaire est « irréaliste », se retrouve dans le camp de Staline contre Lénine et Trotsky.
1917: Qu’en est-il sorti?
La révolution de février 1917 a renversé le régime dictatorial du tsar. Pourtant, le gouvernement provisoire qui a remplacé le tsar continua les politiques qui avaient conduit à la révolution. Les horreurs de la première guerre mondiale se sont poursuivies, la question foncière est restée sans solution, l’oppression nationale a été intensifiée, la faim dans les villes a empiré, il n’y avait pas d’élections et une répression massive était dirigée contre les travailleurs et les paysans pauvres. Ces développements, à peine mentionnés par les historiens bourgeois, ont jeté les bases du soutien de masse aux bolcheviks et à la révolution d’octobre.
La droite s’appuie sur de simples slogans et sur des livres comme Le livre noir du communisme dans une tentative de calomnier les bolchéviks. Nicolas Werth, auteur du chapitre sur les bolcheviks, esquive la question des politiques menées durant l’automne de 1917. Il passe brièvement les décrets sur la paix et les terres convenus lors du deuxième congrès soviétique, réunion qui a élu le nouveau gouvernement dirigé par Lénine .
C’est à cette occasion qu’ont été adoptées les politiques demandées par les pauvres depuis février et qu’ils ont déjà commencé à mettre en œuvre une redistribution drastique des terres. Ce sont les bolcheviks qui ont effectivement mis en œuvre le slogan des Socialistes Révolutionnaires dans l’intérêt des 100 millions de paysans et sans terre. Les SR avaient un large soutien parmi les paysans, mais se divisaient selon les lignes de classe en 1917. Son aile de gauche a rejoint le gouvernement soviétique – avant d’essayer de le renverser en 1918. Trente mille riches propriétaires, haïs par toutes les couches de la paysannerie, ont perdu leurs terres sans compensation.
Le décret du gouvernement bolchevik sur la paix était une décision historique, espérée par des millions de soldats et leurs familles depuis plus de trois ans. Cet effet de la révolution russe et de la révolution allemande un an plus tard, en mettant fin à la première guerre mondiale (en novembre 1918), est complètement enterrée par les campagnes de calomnies contre Lénine et la révolution.
Werth, dans Le livre noir, écrit que les bolcheviks “semblaient” appeler les peuples non russes à se libérer. En fait, le gouvernement a déclaré toutes les personnes égales et souveraines, a préconisé le droit à l’autodétermination pour tous les peuples, y compris le droit de former leurs propres États et l’abolition de tous les privilèges nationaux et religieux.
Les décisions d’abolir la peine de mort dans l’armée et d’interdire le racisme, qui montrent les intentions réelles du régime ouvrier, ne sont mentionnées nulle part dans Le livre noir. Il en va de même pour la Russie soviétique qui est le premier pays à légaliser le droit à l’avortement et au divorce. Entièrement nouveau, c’était le droit pour les organisations de travailleurs et les gens ordinaires d’utiliser des imprimeries, rendant à la liberté de la presse plus que des mots vides. Le fait que les critiques puissent être soulevées dans les rues est vérifié par de nombreux rapports de témoins. Les mencheviks réformistes et les anarchistes opéraient en toute liberté et pouvaient, par exemple, organiser des manifestations de masse aux funérailles de Georgi Plekhanov et du Prince Kropotkine (respectivement en 1918 et 1921).
Au troisième congrès soviétique, le premier après octobre 1917, la majorité bolchevik a augmenté. Le nouveau comité exécutif élu lors de ce congrès comprenait 160 bolcheviks et 125 sociaux révolutionnaires de gauche. Mais il y avait aussi des représentants de six autres partis, dont deux leaders mencheviks. La démocratie soviétique s’étendait dans toutes les régions et tous les villages, où les travailleurs et les paysans pauvres établissaient de nouveaux organes du pouvoir, des soviets locaux qui renversaient les anciens dirigeants. La loi soviétique signifiait que certains groupes privilégiés plus petits dans la société n’avaient pas le droit de vote : ceux qui embauchaient d’autres personnes à but lucratif ou vivaient sur le travail d’autres, des moines et des prêtres, et des criminels. Cela peut être comparé à la plupart des pays européens où, à cette époque, la majorité des travailleurs et des femmes manquaient de droits syndicaux, ainsi que du droit de vote.
Lénine a expliqué l’importance historique de la révolution : “Le premier au monde (rigoureusement parlant le deuxième, puisque la Commune de Paris avait commencé la même chose), le pouvoir des Soviets appelle au gouvernement les masses, notamment les masses exploitées. Mille barrières s’opposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures; celles- ci sont tranchées par la Bourse par les banques). Et les ouvriers savent et sentent, voient et saisissent à merveille que le parlement bourgeois est pour eux un organisme étranger, un instrument d’oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l’organisme d’une classe hostile, d’une minorité d’exploiteurs ».
Dans le même temps, Lénine avait toujours une perspective internationaliste. Il a même mis en garde contre l’utilisation de l’expérience russe comme modèle à suivre partout : « La démocratie prolétarienne, dont le gouvernement soviétique est l’une de ses formes, a apporté un développement et une expansion de la démocratie sans précédent dans le monde, pour la grande majorité de la population, pour les personnes exploitées et travailleuses ». « Que les exploiteurs soient privés du droit de vote, c’est, notons-le, une question essentiellement russe, et non celle de la dictature du prolétariat en général » (La révolution prolétarienne et le Renégat Kautsky, 1918).
Lénine a noté qu’une victoire pour la classe ouvrière « dans au moins un des pays avancés » changerait le rôle de la révolution russe : « La Russie cessera d’être le modèle et deviendra une fois de plus un pays arriéré » (Le gauchisme : la maladie infantile du communisme, 1920).
Une « Croisade » anti-soviet
À Pétrograd, les représentants des travailleurs ont pris le pouvoir en octobre, presque sans effusion de sang. En tout cas, les bolcheviks étaient trop indulgents avec leurs ennemis. A Moscou, les généraux qui ont tenté d’arrêter les travailleurs armés n’étaient pas emprisonnés s’ils promettaient de ne pas récidiver !
D’autre part, les ennemis de la révolution russe agissaient selon la devise : contre les bolcheviks toutes les méthodes sont permises, a noté Victor Serge dans son livre, L’An 1 de la Révolution Russe (1930). D’abord, ils espéraient que l’armée écraserait le nouveau gouvernement directement après octobre. Lorsque cela a échoué, ils ont provoqué des soulèvements et des sabotages, tout en réarmant une armée «blanche» contre-révolutionnaire.
Les nationalités opprimées- les pays baltes, la Finlande, l’Ukraine, etc. – avaient été dominées par le gouvernement provisoire mis en place en février 1917. Compte tenu de la possibilité d’une autodétermination nationale après octobre, la bourgeoisie nationale s’est distinguée et non par le souhait pour l’indépendance, mais en invitant les troupes impérialistes à attaquer le gouvernement révolutionnaire. En Ukraine, l’armée allemande a exprimé sa gratitude en interdisant la « rada » (parlement) qui l’avait invitée. Les droits nationaux n’étaient pas garantis en Ukraine jusqu’à ce que le pouvoir soviétique sous les bolcheviks ait prévalu.
L’auteur suédois anti-Léniniste, Staffan Skott, prouve sans conteste l’effet libérateur de la révolution, et comment cela a été écrasé plus tard par Staline: « Sous le tsar, les langues ukrainienne et biélorusse n’étaient pas autorisées. Après la révolution, la culture indépendante dans les deux pays s’est développée rapidement, avec la littérature, le théâtre, les journaux et l’art. Staline, cependant, ne voulait pas que l’indépendance n’aille trop loin et devienne une véritable indépendance. Après les années 1930, il n’y avait pas beaucoup de littérature ukrainienne et biélorusse – presque tous les auteurs avaient été abattus ou envoyés dans des camps de prisonniers pour mourir ».
Après octobre, « les gens de l’aile gauche des socialistes révolutionnaires » ont été les seuls à coopérer avec les bolcheviks, écrit Werth dans le Livre noir du communisme, pour créer une impression d’isolement bolchevik. Mais il doit admettre qu’à la fin de 1917, il n’y avait pas d’opposition sérieuse capable de contester le gouvernement. La faiblesse de la violence contre-révolutionnaire, à ce stade, donne également une image fidèle des intentions des bolcheviks. Si l’objectif de Lénine était de commencer une guerre civile – ce que le Livre noir et d’autres prétendent – pourquoi la guerre civile n’a-t-elle pas commencée avant la seconde moitié de 1918 ?
Au premier semestre de 1918, un total de 22 individus ont été exécutés par les « Rouges » – moins que dans le Texas sous le gouverneur George W. Bush. La politique pacifique dominait encore. Il y avait des débats animés dans les soviets entre les bolcheviks et les autres courants politiques.
Cependant, la caste d’officier et la bourgeoisie en Russie et internationalement étaient déterminées à agir militairement. La guerre civile en Finlande au printemps 1918, où les blancs ont gagné au prix de 30 000 travailleurs et de paysans pauvres tués, était une répétition générale de ce qui se passerait en Russie. Dans le but d’envahir et de vaincre la révolution russe, une nouvelle alliance a rapidement été formée par les deux blocs impérialistes qui étaient en guerre les uns avec les autres pendant trois ans (15 millions sont morts dans la première guerre mondiale). La propagande de guerre britannique contre l’Allemagne a totalement ignoré l’invasion allemande de la Russie au printemps de 1918.
C’est Churchill qui, en 1919, a inventé l’expression « la croisade antisoviétique des 14 nations ». À cette époque, le gouvernement soviétique était entouré par les généraux blancs, Pyotr Krasnov et Anton Dénikine, au Sud, l’armée allemande à l’Ouest et les forces tchèques à l’Est.
La majeure partie de l’invasion a eu lieu en 1918. Des troupes britanniques sont arrivées au port de Murmansk, au nord-ouest de la Russie, en juin. Deux mois plus tard, les forces britanniques et françaises ont pris le contrôle d’Arkhangelsk, les États-Unis s’y sont joins plus tard. Les États-Unis, avec 8 000 soldats et le Japon avec 72 000, ont envahi Vladivostok dans l’Extrême-Orient en août. Les forces allemandes et turques ont occupé la Géorgie, plus tard sous contrôle britannique. La Géorgie est devenue la base de l’armée du général Denikin. Entre autres, la Roumanie était une légion d’anciens prisonniers de la République tchèque, de Pologne, de Hongrie, de Bulgarie et des pays baltes.
Le 30 août 1918, le chef bolchevik, Moisei Uritsky, a été assassiné, et Lénine a été gravement blessé lors d’un attentat. Deux mois plus tôt, l’aile droite des socialistes révolutionnaires avait tué un autre bolchevik, V. Volodarsky, commissaire de presse pour le soviet de Pétrograd. La souplesse croissante des partis d’opposition fut de nouveau prouvée à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Les bolcheviks ont perdu leur majorité dans le soviet de Bakou, où les mencheviks et les socialistes révolutionnaires ont accueilli les troupes britanniques pour « établir la démocratie ». Contrairement à la mythologie, les dirigeants bolcheviks ont démissionné pacifiquement, mais ont ensuite été arrêtés et exécutés sur l’ordre du général britannique W Thompson. Les réalités de la guerre civile ont triomphé de la préparation des bolcheviks pour offrir aux autres partis la possibilité de gagner une majorité dans la classe ouvrière.
La « terreur rouge » proclamée par les bolcheviks en septembre 1918 n’avait rien de commun avec ce que l’on appelle aujourd’hui le terrorisme. La « terreur rouge » était publique, convenue par le pouvoir soviétique et dirigée contre ceux qui avaient déclaré la guerre contre le gouvernement et les soviets. C’était en défense de la révolution et de la libération des opprimés, contre l’exploitation impérialiste des colonies et des esclaves.
Les exemples de la Finlande et de Bakou ont montré jusqu’à quel point la « terreur blanche », les généraux contre-révolutionnaires, étaient prêts à aller. Même Werth dans Le Livre Noir est obligé de se référer à l’ambiance dans le camp blanc : « En bas avec les Juifs et les commissaires », était l’un des slogans utilisés contre Lénine et Grigori Zinoviev, un bolchevik proéminent (finalement inculpé dans l’un des procès spectacle de Staline et exécuté en 1936). La brutalité de la guerre civile en Ukraine ne peut s’expliquer que par l’antisémitisme de la contre-révolution. Les soldats blancs se battaient sous des slogans tels que « l’Ukraine aux Ukrainiens, sans bolcheviks ou juifs », « Mort à l’écume juive ».
L’Armée rouge a écrasé les soulèvements cosaques qui étaient liés aux forces de l’amiral Alexandre Kolchak. Le livre noir prétend que les cosaques étaient particulièrement persécutés, mais leurs intentions étaient claires et sans compromis : « Nous les cosaques … sommes contre les communistes, les communes (l’agriculture collective) et les juifs ». Werth estime que 150.000 personnes ont été tuées dans les pogroms antisémites conduits par les troupes de Dénikine en 1919.
Une autre alternative?
En Russie en 1917 et les années suivantes, il n’y avait aucune possibilité d’une « troisième voie » entre le pouvoir soviétique et une dictature réactionnaire de la police militaire. Les menchéviks et les socialistes révolutionnaires, en particulier, ont quand même essayé de le tester. Déjà pendant la première guerre mondiale, les principales parties de la direction menchevique avaient capitulé et ont rejoint le camp chauviniste ou patriotique, soutenant la Russie tsariste dans la guerre impérialiste. Lorsque les soviets ont dissous l’Assemblée constituante en janvier 1918, les deux parties ont entamé des négociations avec des représentants français et britanniques. En coopération avec le Parti des Cadets bourgeois (Démocrates constitutionnels), ils ont créé une nouvelle assemblée constituante à Samara, en Russie du Sud-Ouest, en juin 1918, sous la protection de la République tchèque. Cette assemblée a dissous les soviets dans la région. Des massacres ont été menés contre les bolcheviks. Même les journaux de l’assemblée elle-même se référaient à « une épidémie de lynchages ».
L’argument final de la campagne anti-Léniniste et antirévolutionnaire est que le « communisme » a tué plus de 85 millions de personnes – l’anticommuniste, RJ Rummel, dit 110 millions. Mais même un examen des chiffres donnés dans Le Livre Noir contrecarre la revendication que le stalinisme et le régime de Lénine étaient une seule et même chose. Stéphane Courtois affirme que 20 millions de victimes du communisme ont été tuées en Union soviétique. Pour la période 1918-23, cependant, le nombre de victimes serait « des centaines de milliers ». Ce chiffre de la guerre civile peut être comparé, par exemple, aux 600 000 morts par les bombardements américains du Cambodge dans les années 1970, ou les deux millions de tués à la suite du coup d’Etat militaire en Indonésie dans les années 1960. Le Livre noir place la responsabilité de toutes les victimes de la guerre civile en Russie, y compris les 150 000 assassinés dans les pogroms organisés par l’armée blanche, sur Lénine et les bolcheviks. Selon Serge, 6 000 ont été exécutés par les autorités soviétiques dans la deuxième moitié de 1918, alors que la guerre civile faisait rage, moins que le nombre de morts en une seule journée à la bataille de Verdun lors de la première guerre mondiale.
Dans leur « comptage des morts », les universitaires anti-léninistes finissent par enregistrer que la plupart des décès « causés par le communisme » énumérés dans Le Livre Noir ont pris place sous Staline ou des régimes staliniens subséquents. Cela, cependant, ne change pas la position de Courtois ou d’autres anti-communistes. Ils ne mettent pas en garde contre le stalinisme, mais contre « le désir de changer le monde au nom d’un idéal ».
L’Armée rouge l’a emporté durant la guerre civile en raison du soutien massif de la révolution socialiste, tant en Russie qu’à l’étranger. C’était la menace de la révolution à la maison qui obligeait les puissances impérialistes à se retirer de la Russie. Dans les six mois suivant le lancement de l’Internationale communiste en 1918, un million de membres s’y sont joints. La moitié d’entre eux vivaient dans des pays et des régions précédemment régis par le tsar russe. Les nouveaux partis communistes à l’échelle internationale n’ont cependant pas l’expérience des bolcheviks, qui ont construit le parti au cours de deux décennies de luttes, la révolution en 1905, le soutien massif des bolcheviks en 1913-14, etc. Les défaites des révolutions dans le reste de l’Europe – surtout en Allemagne – ont jeté les bases du stalinisme. Il est maintenant temps pour une nouvelle génération de socialistes d’apprendre les vraies leçons de Lénine et des Bolcheviks, en prévision des événements imminents.
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Pologne : Le report de la loi anti-avortement nous donne le temps de nous préparer

Nous ne savons pas quand ces projets de loi seront effectivement discutés, mais s’ils le sont à la fin ou après la fin de le confinement, cela signifie que nous devons nous préparer à un été très chaud dans les rues – en luttant pour nos droits.
Le Sejm vient d’envoyer le projet de loi sur l’interdiction de l’avortement et d’autres projets de loi de droite aux commissions parlementaires pour qu’elles poursuivent leurs travaux, malgré le fait que le PiS dispose de la majorité et de circonstances favorables pour faire passer des lois anti-femmes sans résistance de la rue.
Nous ne savons pas quand ces projets de loi seront effectivement discutés, mais s’ils le sont à la fin ou après la fin de le confinement, cela signifie que nous devons nous préparer à un été très chaud dans les rues – en luttant pour nos droits.
Il est temps de discuter des droits reproductifs que nous voulons et de l’éducation sexuelle que nous voulons dispenser à l’école. ROSA Polska défend le droit à l’avortement légal sur demande, à des soins gynécologiques complets entièrement pris en charge par le fonds national de santé, ainsi qu’à une éducation sexuelle couvrant, entre autres, la différence entre le sexe et le genre et la notion de consentement.
Nous pensons que ces droits ne peuvent être effectifs sans les ressources nécessaires pour les rendre accessibles à tout le monde – c’est-à-dire que nous avons besoin de plus de ressources pour les services publics tels que les soins de santé, l’éducation et les services sociaux afin de garantir à la fois des ressources matérielles décentes dans ces secteurs et une rémunération décente pour les travailleurs publics. ROSA Pologne soutient pleinement les récentes luttes du personnel enseignant et des travailleuses et travailleurs sociaux et les demandes continues du personnel hospitalier.
Nous tenons à remercier tous les militantes / militants et alliées / alliés internationaux de ROSA et d’ISA qui ont répondu à notre appel à la solidarité, en provenance de 15 pays sur les 5 continents.
Nous avons besoin d’un féminisme qui se bat non seulement pour l’adoption de lois au parlement mais aussi pour des changements fondamentaux dans la société, pour des moyens d’appliquer nos droits et pour une vie meilleure pour des millions de femmes. À cette fin, nous devons lutter contre le capitalisme – un système qui divise les gens en classes et perpétue les inégalités. C’est le sens du féminisme socialiste. Contactez-nous si vous êtes d’accord !
#nieZamkniecieNamUst #ROSAPolska #piek?okobiet #NoAbortionBanPoland #LegalnaAborcja #SocjalistycznyFeminizm

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Le coronavisrus dans les maisons de repos : témoignage d’un infirmier

Depuis des années, nous menons une bataille dans le secteur des soins pour obtenir davantage de moyens et de personnel. Cette bataille est livrée avec tous les gouvernements de ce pays. Dans notre intérêt ainsi que celui des personnes qui nous sont confiées. Aujourd’hui, tout le monde constate les conséquences du sous-financement de la santé : des morts inutiles et des personnes gravement malades.Par Jan, infirmier, Louvain
Cela fait quatre semaines que les maisons de repos ont été mises en quarantaine, ce qui a entraîné de strictes restrictions quant aux personnes qui peuvent encore entrer et sortir. Ces restrictions visaient à empêcher les personnes âgées très vulnérables d’être infectées par le coronavirus. Ces dernières semaines, un flux continu de documents a développé des règles plus strictes sur la façon de traiter le linge propre et sale, les cadeaux, la nourriture,… que les familles ont continué à apporter à leurs parents et grands-parents.
Mais la plus grande source de risque pour les personnes âgées et le personnel sont, bien sûr, les personnes qui apportent involontairement le virus dans les maisons de repos, dont le personnel qui entre et sort pour venir travailler. Les nouveaux résidents qui, malgré le confinement, sont toujours admis en provenance des hôpitaux et d’autres maisons de repos présentent également un risque d’infection. Les chambres vides représentent une dépense pour les maisons de repos, ce qu’elles cherchent à éviter y compris en période de coronavirus. Pourquoi les autorités n’ont-elles pas créé de système de compensation pour cela ?
Le personnel des maisons de repos a probablement représenté la plus grande source d’infection pour les résidents ces dernières semaines, ce qui a entraîné une explosion du nombre de personnes âgées malades et de décès. Il est à craindre que de nombreux membres du personnel des maisons de repos souffrent de conséquences psychologiques dans les années à venir.
Le gouvernement flamand porte une grande responsabilité à cet égard, en plus, dans une moindre mesure, des conseils d’administration. Ils se sont révélés incapables de faire face à une telle crise sanitaire.
Bien entendu, contrairement aux hôpitaux, les maisons de repos ne disposent pas de personnes ayant une formation scientifique, comme des virologistes, des hygiénistes, des épidémiologistes et des infirmières hautement spécialisées, pour gérer de manière indépendante l’organisation des soins et la préparation de tout le personnel à la crise. La direction aurait dû demander l’aide des hôpitaux. Un employeur est le premier responsable de la sécurité sur le lieu de travail.
Cependant, c’est le gouvernement flamand qui porte la plus grande responsabilité. Il n’a pas fourni d’équipements de protection individuelle pour le secteur, tels que des masques buccaux, des gants et des vêtements de protection jetables. Il n’a pas fourni de formation adéquate pour apprendre à travailler avec ces matériels. Il n’a pas non plus fourni suffisamment de tests pour dépister le personnel infecté ou détecter les résidents potentiellement infectés. Et, surtout, il a détruit les secteurs sociaux pendant des années, rendant peu attractif de travailler dans le secteur.
Quatre semaines trop tard, le ministre Beke présente un plan de crise. Ce n’est que maintenant qu’il propose les premiers kits de test pour avoir une idée de l’ampleur du problème des infections. Maintenant que probablement des milliers de personnes ont déjà été infectées, et maintenant que plusieurs centaines sont déjà mortes.
Un autre problème apparaît déjà. De nombreuses personnes âgées malades ne veulent pas vivre à tout prix, mais veulent mourir dans la dignité. Cependant, une oxygénothérapie et des médicaments suffisants pour prévenir l’essoufflement ne semblent pas garantis.Ce secteur n’a pas besoin d’un plan de crise élaboré par un gouvernement qui ne peut que nous apporter la misère, la mort et de nouvelles mesures d’austérité. Ce dont ce secteur a besoin, c’est un plan de crise pour protéger son personnel et ses résidents. Nous ne pouvons pas compter sur Wouter Beke et le gouvernement flamand pour cela. La colère blanche devra à nouveau se faire entendre, et avec force !

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Une recherche scientifique libérée de la soif de profits

C’est au biologiste américain Jonas Edward Salk que l’on doit l’invention du premier vaccin contre la poliomyélite. Salk n’a jamais breveté son vaccin afin d’en permettre une plus large diffusion. Lorsqu’il lui a été demandé en interview qui détenait le brevet, il a répondu : ‘‘Eh bien, au peuple je dirais. Il n’y a pas de brevet. Pourrait-on breveter le soleil ?’’
- Ceci est une partie du programme plus global du PSL face à la crise du coronavirus auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.
Ces considérations sont aux antipodes de l’approche des multinationales pharmaceutiques que se sont lancées dans la course au médicament du coronavirus dans le but de s’approprier la poule aux œufs d’or avant la concurrence. Entre 2000 et 2018, 35 géants pharmaceutiques ont réalisé ensemble un bénéfice net de 1.900 milliards de dollars dans le monde ! Le groupe pharmaceutique américain Gilead Sciences a ainsi vu ses actions augmenter de 22% (l’équivalent de 12 milliards de dollars) dans les premiers temps de la crise mondiale du coronavirus puisqu’il semblerait qu’un de ses produits initialement développé contre l’Ebola, le remdesivir, pourrait traiter des symptômes du Covid-19. Les motivations du groupe pharmaceutique ne sont pas un mystère : il n’hésite pas à faire payer jusqu’à 2.000 dollars un mois de traitement contre le VIH aux Etats-Unis. Même en temps de pandémie, les entreprises ne renoncent pas à la recherche de profit.
Aujourd’hui, la recherche scientifique dans le domaine pharmaceutique est à la croisée des chemins. Morcelée entre public et privé, elle est prise en étau par la logique d’austérité et de profit. Les conséquences du sous-financement dans le public et l’obligation de résultat exploitable dans le privé entravent fortement le potentiel existant, de même que la logique de concurrence à tous les niveaux. Si l’on veut connaître des bonds dans la connaissance fondamentale et appliquée pharmaceutique, nous n’avons pas d’autre choix que de libérer la recherche scientifique. Le séquençage de l’entièreté du génome humain au début des années 2000 n’a pas tenu les promesses affichées en termes de molécules innovantes. Aujourd’hui, seule la coopération et la mise en commun des différents travaux des équipes de recherches peut faire avancer la science.
En Belgique, il est totalement scandaleux que l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du pays, GSK, ait annoncé au début de l’année une restructuration qui pourrait coûter plus d’un millier d’emplois ! Cela illustre à quel point il est problématique de laisser ce secteur vital être la proie de l’avidité des grands actionnaires. Notre santé compte moins que leurs dividendes.
L’ensemble du secteur doit être aux mains du public afin que les travailleurs et la population dans son ensemble puissent décider démocratiquement de de ce qui est produit et de quelle manière. Cela permettra de réduire les prix, d’éliminer les pénuries de médicaments et de rassembler les efforts pour développer de nouveaux vaccins. Il s’agit d’une nécessité car le COVID-19 ne sera pas la dernière pandémie dans ce contexte de destruction des écosystèmes favorable à leur développement.
Nous exigeons :
- Un financement public massif de la recherche scientifique.
- L’abrogation des brevets.
- Un soutien clair aux initiatives de partage d’informations et d’organisation de la coopération scientifique.
- Que la recherche et le développement ne soient pas détachés de la production et de la distribution des outils de santé tels que le matériel médical, les médicaments et les vaccins.
- La nationalisation sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité du secteur pharmaceutique et bio-médical.
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Refinancement massif d’urgence des soins de santé

L’importance des soins de santé n’a jamais été aussi évidente aux yeux de larges couches de la population. Ce soutien doit être saisi pour exiger des investissements massifs pour un service de santé efficace qui ne peut pas gérés comme une entreprise dans un but de profit.
- Ceci est une partie du programme plus global du PSL face à la crise du coronavirus auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.
Depuis plus de trente ans, les gouvernements ont limité les budgets des soins de santé, empêché des étudiants en médecine ayant réussi leurs études d’exercer via le numérus clausus, limité le nombre de lits des services hospitaliers, sous payé l’ensemble du personnel tant médical que para-médical ou technique,… Avec l’argument d’équilibrer les budgets. La situation budgétaire des soins de santé est telle que l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles a lancé un appel aux dons pour être en mesure de disposer d’une dizaine de respirateurs supplémentaires ! La politique néolibérale a donc contraint nos hôpitaux à faire la manche au tout début de cette crise sanitaire.
Les conditions de travail ont été rendues telles qu’une grande partie des infirmières et infirmiers ne pratiquent réellement ce métier que durant une période de 5 à 10 ans. Tout juste avant le début de la crise du coronavirus, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) et la KU Leuven ont rendu publique une étude qui constatait qu’une infirmière ou infirmier sur quatre n’est pas satisfait de son travail, que 36% sont menacés d’épuisement professionnel et que 10% envisagent de quitter la profession. Selon cette même étude, la pénurie de personnel qui en découle assure qu’une infirmière ou un infirmier d’un hôpital belge s’occupe en moyenne de 9,4 patients, alors que l’on admet généralement, à l’échelon international, que la sécurité du patient n’est plus assurée au-delà de 8 patients par infirmier.
Ensuite, la marchandisation du secteur a poussé les directions hospitalières à externaliser et précariser des services essentiels au bon fonctionnement de la structure hospitalière alors qu’aujourd’hui, plus que jamais, un personnel logistique, administratif et hôtelier en nombre, formé, motivé est nécessaire.
Nous avons besoin d’un système public de soins de santé qui dispose de suffisamment de moyens pour coordonner les différents niveaux des soins de santé, jusqu’aux maisons médicales de quartier, et qui intègre également les soins à domicile. Ce système doit également intégrer les soins de santé mentaux pour faire face non seulement à l’explosion récente des burnouts et épuisements professionnels, mais également aux multiples problèmes psychologiques qui vont découler du confinement et du travail intensif réalisé dans les entreprises en activité.
Nous exigeons :
- L’arrêt immédiat de toutes mesures d’économies dans le secteur de la santé.
- Un refinancement massif du secteur pour faire face à cette crise et dans l’objectif de permettre à chacune et chacun de bénéficier d’un accès à des soins de santé gratuits et de qualité, en commençant par les victimes actuelles du coronavirus.
- Que les emplois dans le secteur des soins de santé soient plus attractifs : pas de prime unique, mais une augmentation de salaire pour le personnel et l’augmentation des salaires les plus bas jusqu’à au moins 14 euros de l’heure.
- L’instauration générale de la semaine des 30 heures et la réduction collective du temps de travail, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, y compris pour le personnel en télétravail.
- Une embauche massive de personnel supplémentaire et la réintégration des services externalisés au sein de l’ensemble du secteur de la santé, avec de bons contrats de travail et de bonnes conditions de salaire.
- Le développement d’un service public national de soins de santé sous contrôle et gestion des travailleurs du secteur et de la collectivité.
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Un plan public de dépistage systématique et la sécurisation de l’approvisionnement des hôpitaux

La meilleure manière de mettre fin à la panique et de permettre à chaque personne de se déplacer en toute sécurité est d’assurer le dépistage systématique de la population. L’efficacité de cette approche a déjà été démontrée dans divers pays, mais pour que ce potentiel soit pleinement saisi, il faut en planifier l’application à une échelle globale. Alors que la période où l’on contamine le plus autour de soi est celle qui précède l’apparition des symptômes, même le personnel soignant n’est toujours pas dépisté ! La communauté scientifique a sonné l’alarme pendant deux mois, mais rien n’a été fait pour anticiper des tests massifs en Belgique. Cette négligence est criminelle.
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L’élaboration d’un plan public de dépistage systématique et à plusieurs reprises s’impose, avec l’isolement des personnes positives et la mise en quarantaine des personnes avec lesquelles elles ont été en contact. Ce plan de dépistage public doit commencer par le personnel toujours en activité : personnel soignant, des maisons de repos, de l’alimentation, travailleurs sociaux en contact avec les sans-abris et les sans-papiers,… Aucun lieu de travail ne doit être remis en activité sans qu’un dépistage soit assuré pour tout le personnel. Dans les écoles, ce dépistage doit être également assuré pour tous les élèves. C’est la seule façon d’éviter la discorde entre ceux qui veulent rouvrir ces écoles dans l’intérêt des enfants (ou parce que la prise en charge à domicile est trop lourde) et ceux qui ne veulent pas le faire par inquiétude légitime.
Cela exige évidemment de disposer de suffisamment de tests. Pour parvenir à cet objectif, le libre marché et la propriété privée des moyens de production est un obstacle majeur. Des entreprises refusent de divulguer la recette de composants pour des tests, à l’image de la société Roche Diagnostics, afin de préserver leurs profits, même en temps de grave crise sanitaire. Il en va de même pour le gel hydro-alcoolique, les masques, les vêtements de protection, les appareils respirateurs,…
Des stocks existent pourtant dans différentes entreprises privées du pays, très certainement dans le secteur chimique. D’autre part, la réorientation de l’activité de multiples entreprises est possible pour faire face à la pénurie. Des entreprises comme Safran Aeroboosters (ex-Techspace aéro), la Sonaca et la FN Herstal se sont par exemple mises à la fabrication, limitée, de respirateurs et de pièces de rechange.
Tout le matériel qui peut servir les efforts du personnel soignant doit être réquisitionné sans délai. De la même manière, les usines dont la production peut être réorientée pour sécuriser l’approvisionnement des hôpitaux doivent être réquisitionnées dans un plan de confection massif de matériel. Nous ne pouvons pas laisser les décisions à ce sujet à la discrétion des patrons. Personne ne sait mieux que les travailleurs quelles sont les ressources disponibles et comment la production peut être adaptée aux besoins d’aujourd’hui. Les représentants du mouvement des travailleurs, les délégations syndicales, doivent être mandatés pour révéler les stocks cachés dans les entreprises et garantir leur réquisition immédiate ! Ceux qui refuseraient de s’y plier devraient être démis de leurs fonctions et poursuivis en justice.
Sur ce plan, la faillite des autorités est à deux niveaux. Tout d’abord, la politique d’austérité a laissé le pays dans une situation d’impréparation totale et meurtrière. Pensons à ces 6 millions de masques FFP2 détruits en 2019 et dont le stock n’a pas été renouvelé ! Ensuite, les autorités se sont révélées incapables d’assurer la réorganisation de la production pour faire face à l’épidémie. Il ne faut pas y voir de l’incompétence, mais simplement le respect de la logique du marché libre capitaliste.
Nous exigeons :
- L’élaboration d’urgence d’un plan public qui assure le dépistage systématique et à plusieurs reprises de toute la population, y compris les sans-abris et les sans-papiers, en commençant par les travailleurs des lieux de travail essentiels encore en activité.
- La saisie immédiate des réserves de matériels qui font défaut dans la lutte contre le coronavirus, sans achat ni indemnisation à l’exception des cas où l’entreprise démontre, en présentant sa comptabilité, qu’une indemnisation est nécessaire pour éviter la faillite et après approbation des représentants des travailleurs de l’entreprise en question.
- Les meilleurs outils dont nous disposons pour faire l’état des lieux de ce qui est caché dans les réserves des entreprises, ce sont les ce sont les travailleurs et leurs représentants, les délégations syndicales. Une campagne à cette fin doit être lancée par les organisations syndicales.
- L’ouverture de la comptabilité des entreprises, en premier lieu à leurs travailleurs ainsi qu’aux experts externes de ces derniers, afin de juger de la pertinence on non d’une indemnisation.
- La réquisition des usines dont les lignes de production peuvent être réorientées pour fabriquer massivement : masque, gel hydroalcoolique, bouteilles d’oxygènes, masques et cordons respiratoires, etc.
- L’expropriation et la nationalisation sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité des entreprises qui spéculent sur le matériel médical ou qui profitent de la crise pour augmenter leurs prix.
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Passer de la contestation à la victoire par une lutte offensive
L’austérité permanente affecte la majorité de la population de plusieurs manières: pénuries dans les soins de santé, manque de logements abordables, services publics insuffisants, infrastructures défaillantes, pensions de misère, salaires en retard sur le coût de la vie, charge de travail insoutenable,… Ce qui entraîne des actions de protestation chez les chauffeurs de bus de De Lijn, dans le secteur culturel flamand, parmi le personnel soignant à Bruxelles (surtout) et à Liège et dans les services publics locaux bruxellois. La question cruciale est de savoir comment transformer cette colère en victoire. Entrer en lutte de manière organisée est essentiel, mais cela ne suffit pas en soi. Nous devons également nous appuyer sur un programme de changement social qui s’affine et s’améliore au degré des enseignements de la lutte et qui peut gagner à lui une couche croissante de la société. Nous devons combiner un meilleur rapport de force sur le terrain et les lieux de travail avec la traduction politique des revendications du mouvement des travailleurs, des éléments qui se renforcent mutuellement.
Par Geert Cool
Le PTB veille à faire entendre notre voix au Parlement
L’arrivée de 43 membres du PTB dans les divers parlements lors des élections du 26 mai fut un grand pas en avant pour faire entendre la voix du monde du travail. Chose effrayante pour de nombreux politiciens. Sur quelle planète vit donc Kris Peeters (ancien ministre CD&V et maintenant eurodéputé), qui a fait part au quotidien Het Laatste Nieuws du choc qu’a été pour lui un voyage à Londres sans chauffeur, ni personne pour lui arranger son déjeuner et devant lui-même chercher l’emplacement de son hôtel sur Google Maps ? (1) Quel contraste avec les députés du PTB qui ne conservent que l’équivalent du salaire moyen d’un travailleur. Quand les élus du PTB parlent de pénurie dans les soins de santé ou sur le rail, ils et elles parlent de situations concrètes connues, contrairement aux politiciens bourgeois déconnectés de la vie quotidienne de la population.
Avec son amendement sur un fonds d’urgence de 67 millions d’euros par mois pour le secteur de la santé, le PTB a marqué des points à la Chambre. Le fait qu’il n’y ait pas de gouvernement fédéral signifie que les chiffres du budget de l’année dernière seront utilisés pour gouverner, c’est le système des ‘‘douzièmes provisoires’’ qui fournissent un douzième du budget annuel de 2018 pour chaque mois. Un gouvernement en affaires courantes qui ne dispose pas d’une majorité n’est évidemment pas en position de force. Cela ouvre un espace pour des initiatives telles que l’amendement déposé victorieusement par le PTB. Cela exercera également une pression sur les autres partis qui se sont prononcés en faveur d’une augmentation des ressources consacrées aux soins de santé pendant la campagne électorale. Le PTB a fait à juste titre référence à la vague de colère des blouses blanches dans les rues, ce qui a accru la pression.
Rompre avec le carcan budgétaire
La principale critique de la droite était que ces moyens supplémentaires creusent le déficit du budget. En d’autres termes, on manque d’argent. La droite ‘‘oublie’’ de parler des milliards d’euros qui disparaissent chaque années en cadeaux fiscaux pour les grandes entreprises. Sur Radio 1, on a demandé à Peter Mertens (président du PTB) si des propositions similaires étaient prévues pour d’autres secteurs en difficulté. L’occasion était excellente de parler des déficits sociaux dans la société. Malheureusement, la réponse de Peter Mertens respectait les restrictions budgétaires. ‘‘Non, c’est pour un secteur qui en a grand besoin. (…) Nous n’allons pas faire ça tout de suite.’’ Et 67 millions sur un douzième provisoire de 16 milliards d’euros, c’est une somme limitée : ‘‘Ne paniquez pas.’’ (2) Ces ressources supplémentaires pour les soins de santé représentent une rupture avec la tendance de ces dernières années. Mais la question de savoir comment nous allons faire respecter les revendications du mouvement des blouses blanches et des autres secteurs en difficulté reste entière. Comment se préparer pour le prochain gouvernement fédéral qui, s’il reste enfermé dans la camisole de force budgétaire, proposera de nouvelles économies sur les soins de santé et la sécurité sociale ? Et qu’en est-il de l’austérité régionale, déjà très concrètes en Flandre et à Bruxelles et inévitables à en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles lors des prochains contrôles budgétaires ?
Rompre avec le carcan budgétaire est indispensable, il faut s’y préparer. La meilleure manière d’y parvenir, c’est par une mobilisation qui veille à impliquer le plus grand nombre possible de travailleurs. Au cours des négociations gouvernementales en Wallonie, le PTB aurait été en meilleure position s’il avait organisé des réunions régionales, des débats publics et des actions autour des revendications centrales défendues par la FGTB. Cela aurait pu montrer clairement que l’incapacité à parvenir à des gouvernements de gauche ne venait pas d’un refus principiel de participer au pouvoir, mais d’un refus du PS et d’Ecolo de briser le carcan budgétaire.
Imposer le changement par la lutte de masse
Nous ne pourrons pas faire l’économie de la construction d’un bon rapport de forces. Des victoires telles que ce fonds d’urgence de 67 millions d’euros pour les soins de santé renforcent la confiance. Les pétitions, les actions ludiques, les brochures,… peuvent jouer un rôle dans la popularisation de nos revendications et la construction d’actions plus décisives, telles que les grèves qui défient directement le pouvoir économique parce qu’elles touchent les profits(3). Toutes les grandes conquêtes sociales proviennent de luttes de masse: la journée des 8 heures, le suffrage universel, les congés payés, la sécurité sociale,… n’ont pas été acquises grâce à de bonnes initiatives parlementaires, mais par des mouvements de masse qui ont menacé le capitalisme.
Les grands changements proviennent d’un mouvement de masse de la classe des travailleurs capable de paralyser la vie économique. Le mouvement de la jeunesse pour le climat a adopté l’idée des grèves. Le British Collins Dictionary a déclaré que la ‘‘grève du climat’’ était le ‘‘mot de l’année’’ (4) Les mouvements de masse sont à l’ordre du jour à travers le monde et ils ont un effet de contagion. Nous ne construisons pas un rapport de force en nous concentrant uniquement sur une minorité active, mais en impliquant des couches plus larges de la population.
Un programme de changement de société
Les conquêtes sociales furent possibles dans la période de croissance d’après-guerre, où la paix sociale était achetée par des concessions à la classe ouvrière. Ce n’est plus possible dans le contexte actuel de crise et de nouvelle récession imminente. Attendre l’arrivée d’un gouvernement fédéral pour défendre nos revendications par des actions syndicales est une tactique qui ne tient pas compte de la fin du modèle de concertation. Le renforcement de la présence du PTB au Parlement peut être utilisé pour stimuler et organiser la résistance dans la rue. Il est illusoire de penser que des mesures parfaitement légitimes telles qu’une pension minimale de 1.500 euros par mois seront facilement obtenues et que c’est une simple question de volonté politique. Nous devrons nous battre sur le terrain. Le PTB dit : ‘‘Pour nous battre au parlement sur la pension à 1,500 euros, nous avons besoin de votre soutien’’ . La présence du PTB au parlement est une donnée importante. Mais le centre de gravité du changement est dans la rue et dans les entreprises . Dans le passé, le Parti Ouvrier Belge (POB) et le Parti Socialiste Belge (PSB), les ancêtres des actuels PS et SP.a, estimaient que tous les changements se produiraient grâce au Parlement. La lutte pour le suffrage universel a été desservie par cette approche où les grèves ne visaient qu’à relâcher un peu de pression avant de chercher un compromis parlementaire. Lorsque les mineurs sont partis en grève au début des années ’30, la social-démocratie a tenté de contrôler le mouvement en présentant à plusieurs reprises un projet de loi pour la nationalisation du secteur. Cela ne fut pas suffisant pour empêcher le mouvement de grève de 1932. Même des propositions et des actions très progressistes peuvent être contre-productives si elles ne visent pas à organiser et à renforcer la lutte sur le terrain, à partir de la base.
Cela peut se faire en liant un programme de transformation socialiste de la société à chaque revendication concrète et à chaque mesure directe. Comme l’a souligné Rosa Luxembourg dans sa critique du POB : ‘‘Même si une situation politique particulière peut amener temporairement le parti ouvrier de chaque pays à se mobiliser davantage pour certains objectifs de son programme que pour d´autres, c´est bien la totalité de notre programme qui reste le fondement permanent de notre combat politique’’ (5). Si nos propositions soulignent toujours la nécessité d’une transformation socialiste, ce n’est pas par routine. C’est la réflexion du constat objectif que la consolidation des conquêtes sociales et l’obtention de nouveaux acquis fondamentaux entrent en conflit avec le capitalisme. Tout au long de la lutte pour des réformes, ce à quoi nous participons avec enthousiasme, nous entendons renforcer le soutien en faveur d’une rupture anticapitaliste. Par exemple, nous soulignons depuis des années qu’un plan massif d’investissements publics dans les services publics et les infrastructures nécessite de rompre avec le carcan budgétaire.
Tous les économistes soulignent la menace d’une nouvelle récession. Les porte-parole du capitalisme eux-mêmes disent que leur système est dans l’impasse. Le mouvement des travailleurs et la gauche ont traversé une période difficile de triomphalisme néolibéral ces 30 dernières années. Mais cette période touche à sa fin. Ce triomphalisme est aujourd’hui absent des discours des porte-paroles du capitalisme. Il est temps pour nous de passer d’une position défensive à une lutte offensive pour une transformation socialiste de la société.
NOTES
1. Het Laatste Nieuws 27 oktober 2019
2. Radio 1, De Ochtend 19 oktober 2019. Te bekijken op https://www.youtube.com/watch?v=hBDO72qqpS8
3. Etude du Washington Post https://www.washingtonpost.com/politics/2019/10/24/we-checked-years-protests-countries-heres-what-we-learned-about-working-class-democracy/
4. https://www.theguardian.com/books/2019/nov/07/climate-strike-named-2019-word-of-the-year-by-collins-dictionary
5. “Rosa Luxemburg et les socialistes Belges”, Anne Vannesse, Ed. Cimarron, 2018
