Category: Amérique Latine

  • Cuba : Solidarité avec le peuple cubain contre l’impérialisme et la restauration capitaliste

    Il faut défendre les acquis de la Révolution cubaine !

    La pénurie de médicaments, ainsi que la crise économique croissante aggravée par la pandémie, a généré un mécontentement croissant parmi les travailleurs cubains, qui sont descendus dans la rue le 11 juillet. La bureaucratie du Parti communiste (PC) au pouvoir a qualifié les manifestations de contre-révolutionnaires et de pro-impérialistes. D’autre part, l’impérialisme et les médias de droite ont tenté de présenter ces manifestations comme étant une « lutte pour la démocratie à Cuba » (ce qu’ils traduisent bien sûr par « une lutte pour le capitalisme »). Ces deux caractérisations sont loin de la réalité.

    Réaction d’Alternative Socialiste Internationale

    Les manifestations de dimanche dernier, en particulier celles qui ont pris place dans la région de San Antonio de los Baños, près de La Havane, sont les plus importantes depuis la révolution de 1959, et ne sont comparables qu’au “Maleconazo” du 5 août 1994, lorsque des milliers de Cubains ont manifesté sur le Malecon de La Havane dans le contexte de la « période spéciale » de crise économique qui a suivi la chute du mur de Berlin. Cette fois, les causes de la crise sont différentes, aggravées par le blocus américain criminel de l’île, et par la crise sanitaire qui entraîne une baisse du tourisme, « la locomotive de l’économie » comme l’a décrit le Premier ministre, Manuel Marrero (Voir La locomotora de la economía de Cuba es el turismo | Expreso).

    Que se passe-t-il à Cuba ?

    Des centaines de Cubains sont descendus dans la rue dimanche dernier, exigeant que le gouvernement Diaz-Canel résolve le problème de l’approvisionnement en nourriture et en médicaments qui affecte l’île. Bien entendu, comme nous l’avons souligné, la pénurie de médicaments et d’aliments est le résultat du blocus que les États-Unis maintiennent contre l’île, et qui l’empêche de s’approvisionner en produits de ce type. À cela s’ajoutent les coupures d’électricité et l’inflation croissante, résultat des réformes de libéralisation économique entrées en vigueur au début de cette année, qui ont entraîné une augmentation des prix de 300% dans le cas de l’électricité et jusqu’à 12% dans le panier alimentaire de base.

    C’est ce contexte de crise économique et d’augmentation des cas de Covid qui a conduit des milliers de Cubains à descendre dans la rue. Par conséquent, les manifestations, contrairement au discours de l’impérialisme américain et du régime cubain, expriment le mécontentement contre les effets des mesures de libéralisation économique, qui menacent les acquis de la Révolution cubaine sur l’île.

    La politique économique dite “Ordenamiento Monetario”, qui impliquait l’abolition de l’une des deux monnaies cubaines, le peso convertible cubain (CUC), n’a pas eu les résultats escomptés et a entraîné d’importantes hausses de prix. Et ce, bien que les pensions aient été augmentées de 500 % et les salaires de 525 %, passant de 400 pesos cubains à 2.100 pesos cubains par mois, pour compenser l’impact de ces mesures. Lors de la promotion de ces mesures, les autorités ont elles-mêmes anticipé une augmentation généralisée des prix ou une inflation de 160%, ce qui signifie, par exemple, une augmentation du prix du pain rationné quotidiennement de 5 cents à un peso. En plus de ces mesures, la Banque centrale de Cuba a fixé un taux de change de 24 pesos cubains (CUP) par dollar. En termes réels, cela a signifié une dévaluation du peso cubain de 2.400 % si l’on tient compte du fait que l’ancien peso cubain (CUP) était évalué à un dollar américain pour les entreprises d’État.

    La nouvelle guerre froide et la restauration du capitalisme

    La situation économique, aggravée par la pandémie, n’est pas seulement un accident malheureux. L’économie planifiée mise en place à la suite de la révolution a permis de nombreux gains pour la classe ouvrière et les pauvres, notamment en matière de soins de santé et d’aide sociale, mais elle a été mal gérée par l’élite bureaucratique qui comptait sur le soutien de l’URSS. Cette situation économique a empiré de façon spectaculaire après l’effondrement de l’URSS et la perte consécutive d’importantes subventions.

    Les sanctions américaines sont alors devenues un facteur beaucoup plus dominant. En conséquence, le régime du PC, peu disposé à céder son pouvoir à une véritable démocratie ouvrière, a choisi de mettre en œuvre la voie des « réformes économiques » et une politique « d’ouverture » économique promue depuis plus d’une décennie, appelée à tort « socialisme de marché », qui s’inspire de la restauration capitaliste en Chine. Il ne s’agit pas d’une question secondaire, mais d’un élément absolument central du processus qui se déroule sur l’île et qui explique la détérioration accélérée des conditions économiques et sociales des masses, dans le but d’attirer les investissements capitalistes.

    L’influence de la Chine sur les événements à Cuba et en Amérique latine n’est pas mineure. En effet, une partie de la gauche à travers le continent considère avec intérêt et admiration le « modèle chinois ». Cependant, comme l’a expliqué précédemment Alternative Socialiste Internationale, la Chine d’aujourd’hui ne représente pas une alternative au capitalisme. Au contraire, elle en est l’expression la plus brutale, avec une répression impitoyable des syndicats et une exploitation féroce de la main-d’œuvre. Cela a permis des taux de croissance économique élevés, de 8% en moyenne au cours de la dernière décennie, mais dans le contexte de la crise économique mondiale, cela ne pourra pas être maintenu sans entrer de plus en plus dans des contradictions.

    En d’autres termes, la libéralisation économique de l’île inspirée par le « modèle chinois » non seulement n’apportera pas de changement positif à la situation économique de Cuba, mais fera naître de nouvelles et plus grandes contradictions économiques, politiques et sociales qui s’exprimeront à nouveau dans les rues de l’île. Contrairement à ce que certains pensent, la Chine n’agit pas pour aider Cuba ou l’Amérique latine en favorisant, par exemple, la diversification productive de la région, mais au contraire dans l’intérêt du capital chinois. Cela renforcera les chaînes de dépendance basées sur un modèle reposant sur les matières premières et le tourisme, sans alternatives de développement productif. Cela ne fera que condamner Cuba et l’Amérique latine à de nouvelles difficultés dues au sous-développement.

    Liberté pour Frank García Hernández et les autres prisonniers politiques

    Les manifestations du 11 juillet dernier ne sont donc pas en ce sens dirigées « contre le socialisme » comme les médias impérialistes le prétendent et encore moins « contre-révolutionnaires » comme les a qualifiées Diaz-Canel. Au contraire, elles expriment un véritable mécontentement face à une crise économique et sanitaire aggravée par les contre-réformes capitalistes de ces dernières années. Ces mobilisations ont été brutalement réprimées par la police. Des militants communistes et d’autres activistes de gauche ont été emprisonnés, comme Frank García Hernández, qui a été arrêté dans l’après-midi du 11 juillet et placé en résidence surveillée le lundi 12 juillet.

    Alternative Socialiste Internationale exige la libération de Frank García Hernández et des autres prisonniers politiques de l’île. Nous soutenons la lutte des travailleurs et du peuple cubains pour leurs revendications légitimes et nous appelons au renforcement de la lutte contre l’impérialisme et le capitalisme en construisant une alternative véritablement socialiste qui lutte à la fois contre les manœuvres impérialistes contre Cuba et contre la restauration capitaliste sur l’île.

    Une alternative socialiste pour Cuba et l’Amérique latine

    L’impérialisme parle du prétendu « échec du socialisme », dans un contexte de troubles politiques mondiaux évidents, et le régime cubain tente de présenter ses réalisations comme étant socialistes et communistes. Mais le socialisme n’a jamais été établi à Cuba. La révolution cubaine de 1959, qui a renversé le capitalisme sur l’île, a établi un État reposant sur des conquêtes historiques pour le peuple opprimé de l’île, qui a inspiré à juste titre des centaines de millions de personnes à travers l’Amérique latine et le monde. Mais si la révolution a obtenu des conquêtes importantes, celles-ci ont non seulement été limitées, mais sont aujourd’hui ouvertement en danger face à la crise actuelle, qui résulte des années consécutives d’isolement.

    Comprendre cela est crucial afin de lutter à la fois pour la défense des conquêtes des travailleurs cubains face à l’offensive impérialiste et également contre les trahisons du régime cubain et ses réformes procapitalistes. Pendant des années, l’isolement de la révolution cubaine a été le problème majeur de l’île face au blocus économique.

    La situation actuelle n’a pas commencé avec les contre-réformes du modèle chinois de « socialisme de marché », mais celles-ci ont aggravé la situation. Elle survient de plus à un moment où l’impérialisme a besoin d’une plate-forme pour lancer une contre-offensive non seulement à Cuba, mais aussi contre le glissement vers la gauche qui s’opère dans l’ensemble de l’Amérique latine. Il existe un risque réel que ces manifestations soient instrumentalisées par l’impérialisme et la droite cubaine.

    Il est donc important que les manifestants issus de la classe ouvrière élaborent un programme politique clair qui trace une ligne de démarcation entre les revendications dans l’intérêt de la classe ouvrière et des pauvres et les tentatives parasitaires de l’impérialisme d’utiliser le mécontentement pour servir ses propres objectifs. Dans un premier temps, ces revendications doivent inclure la lutte contre l’inflation et les pénuries alimentaires en plaçant les prix et le système de distribution sous le contrôle de comités élus de la classe ouvrière, en renforçant le système de santé pour assurer la vaccination pour tous et en lançant une campagne de solidarité ouvrière internationale visant à briser les sanctions américaines. Les manifestations doivent être organisées par des comités élus démocratiquement et composés de travailleurs et de pauvres.

    Comme il fallait s’y attendre, en réponse aux protestations, le gouvernement Diaz-Canel a appelé ses partisans à défendre la révolution. La révolution doit effectivement être défendue. Mais la classe ouvrière défendra les conquêtes de la révolution en sa faveur, tandis que l’élite dirigeante défend sa domination et ses privilèges tout autant que sa nouvelle politique économique basée sur la libéralisation et la privatisation. Cette politique ne sert pas les intérêts des masses.

    Pour défendre les acquis de la révolution, il ne suffit pas de mettre fin aux privatisations et à la libéralisation, il faut aussi instaurer une démocratie ouvrière à tous les niveaux. Cela signifie que la révolution doit s’étendre à d’autres pays pour mettre fin à l’exploitation capitaliste et briser les blocus impérialistes. Y parvenir exige de mettre un terme au règne de la bureaucratie qui dirige le régime.

    La défense de la révolution cubaine et de ses acquis ne peut être que la tâche des masses, à Cuba et dans le monde, organisées démocratiquement en assemblées sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les écoles, etc. C’est là que doit être discutée la voie à suivre, non seulement pour défendre les conquêtes de la révolution, mais aussi pour les étendre et améliorer la situation économique et politique du pays. Cela nécessiterait un processus de démocratisation réelle, à la base, qui pourrait clairement défier la propagande des « démocraties » capitalistes.

    La seule alternative pour les travailleurs cubains est d’approfondir le processus révolutionnaire sur l’île et d’assurer son extension à la région et dans le monde. Cela n’est possible que par la construction d’une alternative politique pour les travailleurs, une alternative démocratique et combative qui lutte contre le blocus et l’offensive impérialiste ainsi que contre la capitulation de la bureaucratie et la restauration capitaliste que celle-ci dirige. Cette alternative internationaliste doit assumer la tâche de défendre la révolution contre l’impérialisme et contre la restauration capitaliste non seulement sur l’île, mais dans le monde entier. C’est ce que nous nous proposons de construire en tant qu’Alternative Socialiste Internationale, afin de favoriser la lutte anti-impérialiste sur le continent et la lutte pour une Fédération socialiste d’Amérique latine.

    • Non aux politiques du régime en faveur du marché et de la restauration capitaliste. Pour le contrôle ouvrier de la production, des prix et de la distribution.
    • À bas l’intervention impérialiste. À bas le blocus.
    • Pour la libération immédiate des travailleurs et des militants socialistes et communistes emprisonnés.
    • Pour la défense des acquis historiques de la révolution cubaine et une direction véritablement socialiste.
    • Pour une démocratie radicale par en bas, afin de remplacer le règne de la bureaucratie : pour une véritable démocratie ouvrière.
    • Pour l’unification de la lutte anti-impérialiste et de la lutte pour une démocratie socialiste : pour une Fédération socialiste d’Amérique latine.
  • Pérou. Victoire de Pedro Castillo : seule une mobilisation de masse assurera un changement radical

    Aucune concessions au capital !

    Par Marcos Ariel, partisan d’ASI en Argentine

    La profonde crise économique, la grande polarisation sociale et la radicalisation des secteurs les plus pauvres du Pérou se sont exprimées lors des élections présidentielles avec le triomphe de l’enseignant rural et candidat du parti “Pérou Libre”, Pedro Castillo, contre la candidate néolibérale d’ultra-droite, Keiko Fujimori.

    Ce triomphe est un coup dur non seulement pour tous les partis de droite péruviens mais aussi pour les projets de la droite sur tout le continent. Il s’ajoute également au tournant radical et au processus de lutte massive que connaît l’Amérique latine avec l’élection constituante au Chili après l’insurrection populaire de 2019 et la grande lutte du peuple colombien contre le gouvernement d’Ivan Duque.

    Ces élections ont eu lieu non seulement en pleine pandémie qui a frappé très durement le pays, avec son système de santé très précaire après des décennies de néolibéralisme, mais aussi en pleine crise institutionnelle et de discrédit des partis traditionnels. Cela s’est traduit par une énorme atomisation électorale au premier tour avec 18 candidats à la présidence, et dans lequel un inconnu, Pedro Castillo, a créé la surprise en arrivant en première position.

    Son élection est le produit de la lassitude envers les politiciens traditionnels et le statu quo, tout autant que le résultat de la dynamique ouverte par les mobilisations massives au Pérou en 2020. Avec ses propositions de changement radical, telles que la convocation d’une assemblée constituante pour remplacer la constitution néolibérale de 1993, la nationalisation des industries clés, une deuxième réforme agraire, l’allocation d’une grande partie du PIB à la santé et à l’éducation ainsi que la distribution des richesses (“plus aucun pauvre dans un pays riche” était son slogan de campagne), outre un discours simple et une image d’”homme humble”, Castillo a su toucher le “Pérou profond” composé de paysans et d’indigènes, historiquement relégués au second rang et condamnés à vivre dans la pauvreté.

    Dans les zones rurales et la jungle, il a remporté une victoire écrasante. Par exemple, dans la région d’Apurimac, il a gagné avec 81,4% contre 18,5% pour Keiko, de même à Ayacucho avec 82,2% contre 17,7%, ainsi qu’à Cusco, Arequipa, etc. Cependant, sa victoire représente également l’indignation d’autres secteurs populaires, comme les travailleurs des villes, de plus en plus appauvris.

    Au second tour, il a bénéficié du profond rejet du “Fujimorismo” (Keiko est la fille et l’héritière politique d’Alberto Fujimori, l’ancien dictateur) qui s’est exprimé dans le mouvement #NOAKEIKO. Il a également obtenu le soutien de Verónica Mendoza de Juntos por el Perú (une autre candidat de gauche qui s’était présentée au premier tour), du Frente Amplio et d’autres organisations de gauche, ainsi que des syndicats.

    Les capitalistes : surpris, puis effrayés

    La bourgeoisie a d’abord été surprise, puis effrayée. Elle a orchestré une campagne d’intimidation au second tour, mettant en place une véritable “politique de la terreur” avec laquelle elle cherchait à effrayer la population. Avec un déluge d’attaques du style : si Castillo gagne, “les communistes prendront votre maison”. Ils ont même utilisé le massacre perpétré dans la région de Vraem (une zone dominée par les groupes de trafiquants de drogue) pour tenter de salir Castillo. Cette campagne maccarthyste a été encouragée par tous les grands médias qui sont allés jusqu’à licencier des journalistes qui refusaient de faire campagne pour Keiko.

    Ils ont également voulu instiller l’idée que Keiko Fujimori représentait la défense de la démocratie, contre le communiste Pedro Castillo. Dès la fin de l’élection, ils ont manœuvré en publiant un sondage de sortie des urnes désignant Keiko comme la gagnante. Mais ils ont échoué lamentablement. Les millions dépensés n’ont pas suffi à tordre la volonté d’un peuple lassé des gouvernements de droite et déterminé à utiliser les élections pour imposer un changement politique.

    La victoire, produit de la mobilisation de masse

    Face à la crise ouverte par les mobilisations de masse de novembre 2020 qui ont fait tomber le président illégitime Manuel Merino, la bourgeoisie a répondu en convoquant des élections présidentielles pour 2021, cherchant ainsi à détourner la colère du peuple et à mettre fin à la crise. Mais elle n’a pas pris en compte le fait que le peuple ne voulait pas seulement un changement de président mais aussi un changement de système. C’est pourquoi nous considérons que le triomphe électoral de Castillo est un produit de ces mobilisations. Bien qu’il ne soit pas un résultat direct de l’action de masse, il exprime la recherche continue des masses pour un changement radical en votant pour le candidat qui avait les propositions les plus radicales.

    La mobilisation ne s’est pas terminée avec les élections, mais s’est poursuivie d’une autre manière lors des rassemblements massifs de la campagne de Pedro Castillo. Le dimanche même de l’élection, non seulement les gens sont allés voter massivement, mais une fois le scrutin clos et face à la possibilité d’une fraude électorale pour imposer Keiko, il y a eu une marche spontanée vers le bureau de dépouillement. Cette mobilisation s’est poursuivie les jours suivants jusqu’à ce que le triomphe de Castillo semble garanti. Le maintien de cette volonté de mobilisation (hier pour chasser un président, aujourd’hui pour en mettre un autre en place) peut être la seule garantie que Castillo respectera les mesures radicales promises.

    Rappelons que le peuple péruvien a vécu une expérience avec l’ancien président Hollanta Humala, qui a suscité l’espoir de millions de personnes mais s’est soldé par une déception. La différence est que maintenant Castillo va gouverner au milieu d’une crise mondiale où il n’a pas beaucoup de marge de manœuvre économique. Soit il effectue rapidement les changements politiques et économiques promis, soit son gouvernement sera en crise encore plus rapidement que celui de Humalla, d’autant plus qu’il gouverne grâce à la mobilisation des masses.

    Pas de concessions ! Construire une mobilisation de masse pour un changement radical

    Malheureusement, les premiers signaux pointent dans une direction décevante. Les déclarations de Castillo visent à calmer la bourgeoisie en “maintenant le dialogue avec les différents secteurs d’entrepreneurs” et en indiquant que son gouvernement respectera la propriété privée et même que tous les changements qu’il apportera s’inscriront dans le cadre de la constitution actuelle.

    Nous avons entendu des bruits similaires de la part des conseillers de Castillo, comme Pedro Francke, qui a déclaré à plusieurs reprises que “nous n’avons pas envisagé dans notre plan économique des nationalisations, des expropriations, la confiscation de l’épargne, des contrôles de change, des contrôles de prix ou des interdictions d’importation” ou Andres Alencastre, qui a déclaré que la réforme agraire prévue n’envisage pas d’expropriations de terres.

    Le modèle économique promu par Pedro Castillo, qualifié d’”économie populaire de marché” et qui n’interfère pas avec les intérêts des multinationales et des grandes entreprises nationales, profitera davantage au marché qu’au peuple. Comme l’a dit le célèbre socialiste péruvien Carlos Mariátegui, “les bourgeoisies nationales voient dans la coopération avec l’impérialisme la meilleure source de leurs profits”.

    Outre ces importantes limites politiques, il est nécessaire de souligner et de critiquer les positions très problématiques que Castillo a défendues par rapport à des questions fondamentales telles que le droit à l’avortement libre et le mariage LGBT+ (il s’est ouvertement opposé aux deux). Ce n’est qu’en comprenant la nécessité de défendre et de rassembler les revendications légitimes de tous les opprimés, autour d’un programme de transformation de la société, qu’il sera possible de construire une nouvelle société.

    Le triomphe de Castillo signifie un pas en avant pour les aspirations populaires et ouvre la possibilité de mettre en œuvre de grands changements. Mais pour cela, il ne doit pas céder ni faire confiance à la bourgeoisie ou à l’impérialisme, comme le disait Che Guevara “pas même un tout petit peu”. C’est pourquoi sa première mesure doit être d’appeler à une assemblée constituante révolutionnaire pour enterrer la vieille constitution néolibérale. Il s’agit d’une des principales revendications issues des manifestations de novembre 2020, qui permettrait aux paysans, aux peuples indigènes, aux travailleurs, au mouvement féministe, au mouvement pour les droits des LGBT et à tous les secteurs du mouvement ouvrier de s’exprimer et de voter pour une nouvelle Constitution.

    Mais nous devons également lutter pour les changements économiques nécessaires, tels que la nationalisation de tous les secteurs stratégiques de l’économie qui sont aux mains de la bourgeoisie, et les placer sous le contrôle des travailleurs. C’est la seule façon de garantir une véritable répartition des richesses qui signifie plus d’emplois, de santé et d’éducation. Et aussi de mettre fin au modèle de production extractiviste qui pollue et pille la nature.

    La situation au Pérou présente aux révolutionnaires d’énormes défis et opportunités pour construire une véritable organisation de gauche qui, sans sectarisme mais aussi sans opportunisme, favorisera la mobilisation populaire, l’unité de la classe ouvrière et les mouvements de masse. Une telle gauche mènera la lutte politique non seulement contre la droite mais aussi contre les secteurs réformistes qui ne veulent pas promouvoir des changements radicaux. Toute l’énergie des masses péruviennes doit être organisée pour aller au-delà des réformes proposées par Pedro Castillo. Elle doit aller vers la destruction de cet état capitaliste et avancer dans la construction d’un gouvernement ouvrier et construire le socialisme au Pérou et dans le reste de l’Amérique latine. Notre organisation internationale ASI (Alternative Socialiste Internationale) est entièrement au service de cette tâche passionnante.

  • Colombie : La grève générale déclenche un soulèvement de masse

    Après plus de deux semaines d’un soulèvement populaire qui s’est étendu à tous les coins du pays, la Colombie reste en révolte ouverte. Les gaz lacrymogènes, les balles en caoutchouc et les balles réelles n’ont jusqu’à présent pas réussi à dissuader les masses. Elles en sont arrivées à la conclusion que la seule façon de sortir de leur misère sans fin est la lutte de masse contre le gouvernement de droite actuel et le système pourri qu’il représente.

    Par Darragh O’Dwyer, Socialist Alternative (section d’Alternative Socialiste Internationale en Angleterre, Pays de Galles et Ecosse), article initialement publié le 14 mai sur internationalsocialist.net

    La rébellion a débuté le 28 avril par une grève générale appelée par le Comité national de grève (un groupe composé des principales fédérations syndicales et d’autres organisations) en réponse à la proposition de réforme fiscale du président de droite Ivan Duque. La “loi de solidarité durable” aurait fait passer une partie de la classe moyenne et des travailleurs salariés dans une tranche d’imposition plus élevée. La TVA devait également être élargie pour couvrir un plus grand nombre de biens et de services auparavant exonérés. Bien qu’elle ait été présentée comme bénéficiant aux sections les plus pauvres de la société, il est rapidement devenu clair ce qu’elle signifiait réellement : une tentative de faire supporter les coûts de la pandémie par les masses.

    Mais nous ne sommes pas à une époque où des attaques aussi frontales contre les travailleurs et les pauvres peuvent être menées sans conséquences graves. La réponse des masses colombiennes démontre avec force le type de résistance auquel la classe dirigeante peut s’attendre en cette période de crise capitaliste profonde.

    Une victoire initiale

    Bien qu’une seule journée d’action ait été initialement prévue, la grève générale a déclenché un mouvement d’une ampleur et d’une intensité qui ont dépassé de loin les attentes des directions syndicales. La bureaucratie et les partis d’opposition se sont retrouvés à la traîne des masses à maintes reprises. Le 1er mai, les appels au calme n’ont pas été entendus et les protestations ont continué à s’étendre et à prendre de l’ampleur.

    Des manifestations combatives ont éclaté dans 250 villes et villages. Une grande partie du pays reste paralysée en raison des blocages. Rassemblant dans ses rangs toutes les catégories d’exploités et d’opprimés, le mouvement est un panorama de la diversité des luttes en Colombie. Travailleurs, étudiants, femmes, paysans, indigènes, afro-colombiens, militants LGBTQI, écologistes, tous unis contre un ennemi commun. L’arsenal de tactiques de division et de domination de l’élite colombienne – du racisme à la « peur du rouge » – s’est avéré inefficace pour faire dérailler l’insurrection.

    Le 2 mai, le mouvement a remporté sa première victoire lorsque Duque a retiré le projet de loi si détesté. Le jour suivant, son architecte, le ministre des finances Alberto Carrasquilla, a démissionné, touché par la disgrâce. Mais tout espoir que ces concessions calment la colère de la rue s’est rapidement évaporé. Le mouvement s’est radicalisé davantage et une série d’autres revendications ont été reprises, qui reflètent toutes la compréhension que le projet de loi n’était que la partie visible de l’iceberg. Parmi celles-ci figurent l’arrêt de la privatisation des soins de santé et du système des retraites, la gratuité de l’enseignement supérieur, la fin de la répression d’État et la démission de Duque.

    La pandémie enflamme la fureur des masses

    Ce qui se passe en Colombie est une réémergence, à un niveau plus élevé, du mouvement de masse qui avait eu lieu en novembre 2019 dans le cadre de la vague de révoltes anti-néolibérales qui a secoué l’Amérique latine et balayé le monde entier. Comme ailleurs, la propagation du Covid-19 a interrompu les développements en cours, mais cela ne pouvait être que temporaire. Le mécontentement qui a éclaté dans les rues en 2019 a continué à couver dans le contexte d’une pandémie qui a fait des ravages dans toute la région.

    Avec 3 millions de contaminés recensés et près de 80.000 décès, la Colombie a subi l’une des pires crises sanitaires au monde. Les confinements stricts ont eu un impact économique dévastateur sur un pays où 62% de la main-d’œuvre est employée dans le secteur informel. Le chômage a plus que doublé, 500.000 entreprises ont fermé leurs portes et, l’année dernière, l’économie s’est contractée de 7 %. La catastrophe sociale qui s’en est suivie a plongé 3,6 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté, portant le nombre total à 21 millions, soit 42 % de la population. La malnutrition et même la famine, qui ne sont pas nouvelles dans le pays le plus inégalitaire d’Amérique du Sud, sont montées en flèche.

    La pandémie a non seulement exacerbé les inégalités au sein des nations, mais elle a également creusé le fossé entre pays riches et pays pauvres. Si les premiers n’ont pas échappé aux coups de boutoir, les seconds ne disposent pas des mêmes ressources pour atténuer les pires effets de la crise. La dette de la Colombie a grimpé de 20 milliards de dollars l’année dernière, mais le gouvernement de droite de Duque a voulu assurer aux investisseurs qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

    Comme l’indique un article de Bloomberg : « Contrairement aux nombreux pays qui continuent d’emprunter et de dépenser pour stimuler la croissance au milieu de la pandémie, la Colombie a désormais pour priorité de tenir à distance les vigiles des obligations et de convaincre les sociétés de notation qu’elle est l’un des rares crédits de qualité d’investissement en Amérique latine. »

    Autrement dit, la classe dirigeante colombienne, liée par mille fils à l’impérialisme américain, n’a pas osé insulter les intérêts des multinationales, des banques et des financiers. Au lieu de cela, elle s’est employée à vider le peu qui restait dans les poches de la classe ouvrière et des pauvres.

    Bien sûr, la Colombie n’est pas un cas isolé. La pandémie a plongé toute la région dans la tourmente économique, sociale et politique. L’année dernière, des manifestations explosives du Guatemala au Paraguay ont révélé la rage qui existe sous la surface. Les succès électoraux de la gauche en Bolivie et au Pérou montrent également que de plus en plus de personnes sont à la recherche d’une alternative. Confrontés aux mêmes conditions intolérables que les masses colombiennes, les travailleurs, les jeunes et les opprimés de toute l’Amérique latine pourraient bien adopter les mêmes méthodes de lutte militante. Tous les matériaux inflammables sont là pour une explosion sociale à l’échelle du continent et, comme le titre d’un récent article de CNN l’indiquait, « les manifestations sanglantes de Colombie pourraient être un avertissement pour la région ».

    « Le gouvernement est plus dangereux que le virus »

    Même une pandémie enragée ne pourrait pas empêcher les masses de descendre dans la rue. La Colombie traverse son moment le plus sombre, enregistrant actuellement quelque 15.000 cas et 400 décès par jour. Le fait que le mouvement se soit développé en dépit de cette situation donne un aperçu des conditions désespérées auxquelles beaucoup sont confrontés. L’espoir d’un avenir sans misère s’est éteint et le sentiment qu’il n’y a rien à perdre est omniprésent.

    Certaines pancartes donnent un aperçu de cet état d’esprit : « Le gouvernement est plus dangereux que le virus », « Nous en avons assez de survivre, nous voulons vivre », « Je préfère mourir dans la lutte que vivre dans la misère ».

    La répression de l’État

    Et beaucoup de personnes sont mortes dans la lutte. Si les chiffres officiels de l’État sont moins élevés, les organisations de défense des droits humains font état d’au moins 40 morts aux mains des forces de l’État, de plus d’un millier de blessés et de centaines de cas de manifestants qui ont « disparu ». La police a également sexuellement agressé des femmes – une méthode ignoble mais courante pour dissuader les éléments les plus radicaux de descendre dans la rue.

    À l’instar des carabiniers au Chili, la police antiémeute colombienne, l’ESMAD, est désormais reconnue pour ses méthodes particulièrement brutales. La revendication radicale de leur démantèlement s’est maintenant généralisée. Tirer à bout portant sur les manifestants, faire foncer des véhicules sur les manifestations et terroriser sciemment les quartiers populaires sont quelques-unes des nombreuses formes de répression qu’ils ont exercées sur les masses.

    Tout cela n’est pas une démonstration de force mais de faiblesse, trahissant la peur d’un soulèvement populaire qui frappe le capitalisme colombien en plein coeur. Pour exercer son contrôle, la classe dirigeante ne peut compter que sur la force brute. Mais chaque coup de matraque, chaque balle tirée et chaque tir de gaz lacrymogène fait prendre conscience que l’État n’est pas une force neutre mais un outil de domination de classe. Loin de briser le mouvement, ces expériences ont forcé les manifestants à tirer les conclusions les plus radicales sur ce qu’il convient de faire.

    Cali – l’épicentre de la lutte

    C’est à Cali, la troisième plus grande ville de Colombie, que la lutte a atteint son stade le plus avancé. Les quartiers ouvriers sont sous le contrôle de comités de quartier avec des éléments d’auto-organisation. Dans certains, des repas sont préparés collectivement pour les manifestants et des soins médicaux de base sont fournis. Sans surprise, c’est aussi là que l’État a frappé le plus fort. La grande majorité des décès enregistrés ont eu lieu ici et, comme le montre une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, des hélicoptères de la police ont tiré sur la foule.

    Pour se défendre, les jeunes ont transformé de la ferraille en boucliers pour faire face aux gaz lacrymogènes et aux balles. La défense a également pris la forme de La Minga, une caravane d’indigènes qui a héroïquement fait le voyage jusqu’à Cali pour rejoindre la lutte et offrir une protection aux autres manifestants. L’unité inspirante entre ces secteurs a davantage alarmé l’élite. Des paramilitaires d’extrême droite se faisant passer pour des citoyens ordinaires effrayés ont ouvert le feu sur les manifestants indigènes, le tout sous l’œil complice de la police.

    La résistance à Cali a été si forte que le président a effectué deux visites d’urgence et a ordonné un déploiement accru de troupes pour démanteler les barrages qui isolent une grande partie de la ville. Malgré sa faible cote de popularité, Duque et son parti, le Centro Democratico (dirigé par l’ancien président l’archi-réactionnaire Alvaro Uribe), ont redoublé d’efforts pour diaboliser le mouvement en le qualifiant de voyous et de vandales afin de justifier le bain de sang.

    L’impérialisme américain et la classe dirigeante colombienne

    Le mouvement met également Biden dans une position délicate, lui qui, depuis son entrée en fonction, a tenté de se distancer de la politique étrangère plus manifestement belliqueuse de Trump. Revalorisant l’impérialisme américain dans une rhétorique de la démocratie et des droits humains, il subit des pressions pour condamner le gouvernement Duque. D’autre part, les États-Unis ont d’importants intérêts économiques et géopolitiques en Colombie que Biden veut protéger contre l’impérialisme chinois qui a récemment renforcé son influence dans la région. « Je suis le type qui a mis en place le Plan Colombie » s’est vanté Biden lors de la course à la présidence de l’année dernière.

    Ce Plan Colombie est une intensification de la « guerre contre la drogue ». Il s’agit d’une campagne de contre-insurrection contre les FARC et d’autres groupes de guérilla de gauche engagés dans une guerre civile de plusieurs décennies contre l’État colombien. Les États-Unis ont fourni aux gouvernements de droite successifs de l’argent, des armes et des formations pour intensifier une offensive militaire et idéologique contre non seulement les groupes de guérilla, mais aussi l’ensemble de la gauche et du mouvement ouvrier. En fait, cela a également conduit à la création de l’ESMAD, qui terrorise aujourd’hui les manifestants avec des fusils de fabrication américaine et des gaz lacrymogènes.

    Les FARC, affaiblies, ont entamé des négociations de paix avec le gouvernement Santos en 2012 et un traité de paix historique a été signé en 2016, qui a conduit à la démobilisation et au désarmement des anciens guérilleros. Contrairement aux paroles souvent citées de Benjamin Franklin, l’accord était très certainement une « mauvaise paix ». Depuis 2016, plus de 600 dirigeants de mouvements sociaux et ex-guérilleros ont été massacrés – un rappel effrayant que le système est incapable de résoudre ses propres problèmes.

    Tout ceci n’est que le dernier chapitre de l’histoire ensanglantée du capitalisme colombien, loué par la classe dirigeante du monde entier comme la démocratie la plus stable d’Amérique latine. Avec le soutien de l’impérialisme américain, le niveau de violence exercé par l’État colombien (et les forces paramilitaires d’extrême droite avec lesquelles il collabore régulièrement) dépasse celui de certains des régimes les plus despotiques de l’histoire. Ceux qui sont dans la rue aujourd’hui comprennent que la réalisation d’une paix véritable est complètement liée à la lutte contre Duque et Uribismo. Les liens historiques d’Alvaro Uribe avec les paramilitaires de droite sont bien connus, ce qui illustre les liens profonds entre les politiciens, les grandes entreprises et les cartels de la drogue.

    La gauche, le CNP et la voie à suivre

    Cet assaut prolongé et sanglant contre la classe ouvrière et ses organisations a certainement fait des ravages. La Colombie est l’endroit le plus dangereux au monde pour un syndicaliste, avec plus de 3.000 assassinats au cours des trois dernières décennies. Aujourd’hui, le taux de syndicalisation n’est que de 4 %. De même, la classe ouvrière et les opprimés ne bénéficient d’aucune représentation politique réelle. En regardant la Colombie d’aujourd’hui, on pourrait penser que les masses possèdent des réserves d’énergie infinies, mais ce n’est pas le cas. À un certain moment, une stratégie politique est nécessaire pour mener les choses à leur terme.

    Nombreux sont ceux qui espèrent que Gustavo Petro, ancien membre du groupe de guérilla M-19, sera à la hauteur. Petro est arrivé deuxième derrière Duque dans la course à la présidence de 2018 alors qu’il a mené une campagne audacieuse qui a donné une expression au mécontentement bouillonnant des travailleurs et de la jeunesse et a brisé une impasse électorale pour la gauche. Le fait qu’un ancien guérillero – qui fait face à un barrage constant de propagande de droite – soit désormais le favori pour remporter les élections de l’année prochaine reflète une profonde radicalisation et un glissement vers la gauche de la société. Néanmoins, la conscience des couches les plus avancées du mouvement actuel a surmonté le léger programme social démoratique de Petro et son manque de confiance dans les masses pour mener une lutte révolutionnaire contre le capitalisme.

    De la même manière, le Comité National de Grève (CNP), dirigé par la bureaucratie syndicale, ne constitue pas la direction que le moment exige actuellement. Le lundi 10 mai, le CNP a rencontré Duque mais n’est pas parvenu à un accord. Les mobilisations de masse se sont poursuivies à un rythme soutenu. Pourtant, le fait que le comité se soit même assis à la table du président alors que le pays reste militarisé et que le sang des manifestants tache les rues a provoqué la colère de beaucoup.

    Cela met en évidence le gouffre entre la direction officielle et les sections les plus combattives du mouvement qui font réellement avancer la situation. Le CNP n’a pas coordonné correctement l’action, n’a pas proposé une stratégie qui s’appuie sur la force des masses qui, si elles étaient mobilisées ne serait-ce qu’à la moitié de leur potentiel, pourraient faire tomber Duque en quelques minutes.

    Les formes embryonnaires d’auto-organisation observées à Cali et ailleurs donnent un aperçu du type d’organisation qui est réellement nécessaire. Des comités populaires doivent être créés dans les quartiers, sur les lieux de travail, dans les universités, dans les communautés paysannes et indigènes pour planifier et coordonner les actions locales, y compris l’organisation de l’autodéfense. Ces comités doivent ensuite être liés entre eux par des assemblées régionales et nationales. De cette façon, le véritable moteur du mouvement peut prendre l’initiative, discuter démocratiquement de la meilleure façon d’aller de l’avant et convenir collectivement d’un programme et d’une stratégie qui peuvent indiquer un moyen de sortir de la crise.

    Pour nous, cela signifie l’extension de la grève à tous les secteurs de l’économie pour arrêter complètement et indéfiniment la production et lutter pour un programme incluant les revendications suivantes :

    • A bas la répression ! Enquête et punition des responsables ! Dissolution de l’ESMAD !
    • Non aux contre-réformes et autres mesures néolibérales ! Non à la privatisation de la santé ! Vaccins et santé publique garantis pour toutes et tous ! Aide d’urgence pour toutes celles et ceux qui en ont besoin ! Que les capitalistes et les super-riches paient pour la crise !
    • A bas Iván Duque et le système politique et économique qui le soutient !
    • Pour un gouvernement des travailleurs et des masses opprimées.

    Colombia Resiste – Solidarité internationale

    La solidarité du mouvement international de la classe ouvrière est absolument cruciale. Les faibles mots de condamnation des gouvernements capitalistes ne signifient rien. Biden et d’autres sont les défenseurs loyaux d’un système économique à l’origine de toutes les souffrances qu’endurent actuellement les masses colombiennes. Mais l’héroïsme et l’ingéniosité des manifestants, en particulier des jeunes, sont une source d’inspiration pour la classe ouvrière et les opprimés dans toute l’Amérique latine et au-delà.

    C’est pourquoi Alternative Socialiste Internationale (ASI) s’est engagée à construire une campagne de solidarité internationale pour soutenir la révolte de masse en Colombie et toutes celles et ceux qui font face à la répression. Les socialistes, les syndicalistes, les militants antiracistes et féministes du monde entier sont solidaires du soulèvement héroïque des masses colombiennes. Nous luttons contre le même système économique mondial qui n’engendre que misère, violence et destruction écologique.

    C’est précisément pour cette raison que nous nous organisons au niveau international – un parti mondial qui relie les luttes de la classe ouvrière et des opprimés sur tous les continents, unis dans un mouvement commun de rupture avec le capitalisme et l’impérialisme.

  • Défaite d’Andres Arauz aux élections présidentielles équatoriennes

    La défaite d’Andres Arauz aux élections présidentielles équatoriennes est une défaite pour la gauche. Mais derrière cette défaite se cache un contexte de conflit de classe croissant. Un “troisième tour” de lutte dans les rues sera nécessaire pour définir la direction politique du pays dans la prochaine période.

    Par Mauro Espinola, Alternativa Socialista (section mexicaine d’Alternative Socialiste Internationale)

    La défaite partielle de la gauche aux élections en Équateur, remportées par le banquier conservateur Guillermo Lasso, ne reflète que partiellement la situation politique du pays. Au-delà du triomphe de la droite à l’élection présidentielle, il y a le début d’un important processus de recomposition de la gauche équatorienne après l’insurrection d’octobre 2019. Par exemple, malgré le triomphe de la droite à la présidence, “Correismo” (le large mouvement politique de gauche associé à la présidence réformiste de Raphael Correa) a dans le même temps remporté les élections à l’Assemblée nationale, avec 48 sièges de 137, 35%, ce qui en fait le plus grand groupe parlementaire de l’Assemblée.

    Ces résultats montrent non seulement la position de faiblesse de Lasso lorsqu’il s’agit de gouverner le pays ou de propulser les attaques néolibérales contre le peuple équatorien, mais aussi la faiblesse politique de la gauche équatorienne malgré l’insurrection d’octobre 2019. La contradiction entre la représentation politique de la classe ouvrière et la férocité de la lutte des classes signifie qu’un ” troisième tour ” devra être combattu dans les rues dans les mois et années à venir.

    La crise politique précédente

    Un aspect central pour comprendre la situation politique contradictoire de l’Équateur, qui va s’étendre et s’exacerber pendant le gouvernement Lasso, est la crise politique que traverse l’Équateur depuis 2018, lorsque l’ancien président Lenin Moreno s’est lancé dans une campagne contre Correa, son ancien allié politique. Cette crise s’est aggravée à la suite des mesures économiques de Moreno, telles que la fin de la subvention aux hydrocarbures, qui ont entraîné des révoltes massives en octobre 2019 menées par la Confédération des nationalités indigènes d’Équateur, la CONAIE et les syndicats. À cela s’ajoute le fait qu’au début de la pandémie de Covid-19, la gestion de Lenin Moreno a été l’une des pires au monde, ce qui a signifié l’effondrement du système de santé à Guayaquil, la capitale économique de l’Équateur, avec des dizaines de corps abandonnés dans les rues alors que les morgues étaient pleines.

    Dans ce contexte de crise, alors que la cote de popularité de Lenin Moreno est inférieure à 10%, 16 candidats se sont présentés au premier tour des élections présidentielles du 7 février. Ce fait montre la profonde crise politique que traverse l’Équateur. Lors de ce tour, Andrés Arauz a obtenu 32,7% des voix, tandis que le banquier et candidat de la droite, Guillermo Lasso, a obtenu 19,74%. Très près derrière (et sur fond d’allégations crédibles de fraude électorale au profit de Lasso), on trouve Yaku Pérez, du parti indigène Pachakutik, avec 19,38%, et Xavier Hervas, de la “Gauche démocratique”, avec 15,97%. Ces résultats ont montré l’énorme discrédit de l’establishment équatorien, y compris le mouvement autrefois hégémonique dirigé par Correa.

    Comme nous l’avons souligné dans un article après le premier tour : « Mais contrairement à la rhétorique de Correismo, qui cherche à rendre Lenin Moreno responsable de la situation en le considérant comme un traître, la vérité est que cette crise est née du gouvernement même de Rafael Correa. Il faut non seulement rappeler que Lenin Moreno était le candidat choisi par Correa lui-même pour lui succéder, mais aussi que le gouvernement de Correa a supervisé l’imposition d’une série de projets extractivistes, notamment d’hydrocarbures dans les territoires indigènes de l’Amazonie équatorienne. » Ecuador Elections: A Defeat for the Right, An Opportunity for the Radical Left (5 March 2021) 

    Qui est responsable du triomphe de Lasso ?

    Une fois les résultats des élections publiés, l’une des premières thèses avancées pour expliquer la défaite d’Arauz a été de désigner Yaku Pérez et Pachakutik comme responsables du triomphe de Lasso. Sans reconnaître une quelconque erreur de Correismo, et par extension du “progressisme” latino-américain en général, les auteurs de cette thèse tentent de simplifier le résultat des élections sans examiner de plus près la situation politique. Ils ont souligné à juste titre les incohérences de Yaku Pérez et ses positions terribles sur le coup d’État en Bolivie en 2019 (qu’il a soutenu par des déclarations) et même le financement par les États-Unis de diverses ONG environnementales étroitement liées aux secteurs indigènes, mais sans expliquer pourquoi Correismo a perdu son autorité politique parmi les peuples indigènes.

    Bien sûr, l’appel à un vote “annulé” par Pachakutik et Yaku Pérez a été une erreur majeure, qui a facilité le triomphe de Lasso. Un appel à un vote critique pour Arauz aurait pu signifier la défaite de la droite et du banquier Lasso, comme une étape stratégique pour assurer de meilleures conditions politiques pour le peuple équatorien et une base à partir de laquelle lutter pour la satisfaction de ses demandes sans se subordonner à la politique du Correismo. Cependant, la position de Pachakutik n’explique pas l’augmentation du soutien à Lasso, qui est passé de 19% à 52% entre le premier et le second tour. Alors que Yaku a obtenu 19% des voix au premier tour, les votes nuls au second tour étaient de 16%, ce qui signifie en termes réels que l’appel de Yaku aux votes nuls a eu moins d’impact que sa candidature au premier tour. Même cela suppose que tous ceux qui ont annulé leur vote ont effectivement voté pour Yaku au premier tour, ce qui est tout simplement extrêmement improbable.

    Alors que le vote de Lasso a augmenté entre le premier et le second tour d’environ 33%, celui d’Arauz n’a augmenté que de 14,94%. Cette croissance, inférieure de moitié à celle de Lasso, reflète en fait l’énorme mécontentement suscité par les années de correismo au pouvoir. Correa lui-même l’a noté dans une interview réalisée par Ana María Roura de la BBC, reconnaissant certaines erreurs, notamment la nomination de Lenin Moreno comme candidat en 2017.

    ” Même si… il nous a trahis, nous l’avons désigné et il a été le pire président de l’histoire. Ils ne nous ont pas pardonné pour ça et maintenant ils disent ‘ah, ils présentent un nouveau candidat pour nous, mais pas cette fois, on ne va pas voter pour lui, on va voter pour le banquier’. Donc, je pense que c’est une des explications”. Rapael Correa

    Il s’agit là d’un aspect crucial. Si la position de Pachakutik et de Yaku Pérez a influencé le résultat électoral, elle n’est pas la cause fondamentale de la défaite d’Arauz, mais plutôt les erreurs de Correismo. Outre l’erreur reconnue par Correa (la nomination de Lenin Moreno), il faut également souligner son silence face à la dénonciation par Yaku Pérez de la fraude au premier tour dans au moins sept provinces. La découverte et l’annulation de cette fraude auraient pu signifier la défaite de Lasso au premier tour. Ce silence n’était pas une coïncidence, bien au contraire. Pour les dirigeants correistas qui dénoncent aujourd’hui avec véhémence Perez, il était stratégiquement préférable que Lasso gagne le premier tour car ils pensaient qu’il serait plus facile de le battre que Pachakutik. De cette façon, le silence de Correa et de Correismo a également été complice du triomphe de Lasso, car le fait d’avoir demandé le dépouillement de 100 % des votes là où Pachakutik a dénoncé des fraudes aurait pu non seulement garantir la défaite de Lasso au premier tour, mais aussi lui assurer le soutien de ces secteurs au second tour, le 11 avril.

    Une défaite partielle, une opportunité pour la réorganisation de la gauche équatorienne !

    Le triomphe de la droite néolibérale n’est pas un triomphe absolu. Au contraire, ce n’est qu’une défaite partielle des opprimés équatoriens, plus un produit de la confusion et de l’absence d’une alternative radicale et conséquente capable de convaincre la majorité sur la base d’un projet et d’un programme de gauche pour rompre avec la dépendance à l’impérialisme, à l’extractivisme et au capitalisme, que par un virage à droite des travailleurs équatoriens. Contrairement au fatalisme de ceux qui voient dans le triomphe de Lasso la fin de l’histoire et la montée de la droite, la victoire du corréisme à l’Assemblée suscite précisément le scénario inverse. Cette contradiction apparente exprime d’une part le mécontentement à l’égard du Correismo et, d’autre part, une tentative de le surmonter.

    Bien que Rafael Correa lui-même n’ait pas tardé à garantir à Lasso une “gouvernance” sans heurts, la crise économique internationale déclenchée par la pandémie et les politiques de droite que Lasso fera avancer, inciteront à nouveau les travailleurs et les indigènes équatoriens à descendre dans la rue. Dans ce contexte, la garantie de Correa de permettre la “gouvernance” de Lasso sera une expression de plus des concessions de Correa à la droite et à la bourgeoisie équatorienne.

    Dans ce scénario, marqué par la crise économique et sanitaire, la réorganisation de la gauche équatorienne est essentielle pour combattre les attaques que Lasso lancera en tant que président de l’Equateur. Pour cela, il est essentiel de construire une organisation démocratique et combative, dans laquelle les décisions politiques sont prises démocratiquement et non pas par tel ou tel leader. Une organisation armée d’un programme socialiste qui soulève également la lutte contre l’impérialisme et la droite, ainsi que la lutte pour les droits de la communauté LGBTQ, des peuples indigènes et contre l’extractivisme et la défense de l’environnement.

    Comme nous l’avons écrit à la suite du premier tour :

    “En Equateur, et sur tout le continent, l’unité de lutte des peuples indigènes avec le mouvement ouvrier est une condition préalable stratégique pour le développement d’un mouvement capable de vaincre le système.

    Cette unité doit être placée au centre d’une nouvelle gauche. Il est également indispensable d’élever les revendications des travailleurs de la campagne et de la ville, et de construire avec eux un programme qui lie la lutte concrète pour ces revendications avec la transformation radicale de la société, pour une transformation socialiste. Cela permettrait à son tour une plus grande cohésion politique de l’organisation et un plus grand contrôle de la base sur ses candidats, évitant ainsi des dérapages regrettables comme ceux de Yaku Perez.

    La lutte contre l’extractivisme et la défense de l’environnement ne peut rester une simple dénonciation ; elle nécessite un plan et un projet de transition économique pour briser les chaînes de dépendance auxquelles le capitalisme mondial a soumis l’Amérique latine, la transformant en fournisseur de matières premières et de main-d’œuvre bon marché. Cela implique non seulement que les travailleurs prennent les rênes de l’économie en Equateur, mais aussi un programme régional et mondial. La lutte contre l’extractivisme n’est pas possible dans une seule communauté, ni dans un seul pays : elle nécessite l’alliance et la solidarité des travailleurs au niveau international.

    L’extractivisme n’est pas un problème local mais fait partie de la division du travail du capitalisme mondial. Par conséquent, la seule alternative contre lui (qui menace non seulement les territoires indigènes mais aussi l’environnement) est de construire une alternative internationaliste qui soulève cette question dans le cadre de son programme, en reliant et en articulant cette demande avec les demandes des travailleurs ruraux et urbains, des indigènes, des femmes, de la communauté LGBT+ et des opprimés en général selon les lignes socialistes. C’est précisément ce que nous défendons au sein de l’Alternative socialiste internationale.”

  • Argentine : L’avortement légalisé! Un triomphe pour le mouvement de la « Marée verte »

    Maintenant, il nous faut nous organiser autour du féminisme socialiste !

    En un jour historique, le matin du 30 décembre et après 12 heures de débat, le Sénat argentin archaïque a approuvé la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVE) par 38 voix contre 29.

    Par Marcos Ariel, partisan d’Alternative Socialiste Internationale en Argentine

    Lorsque le résultat du vote a été annoncé, les milliers de militantes et militants de la « Marée verte » – le mouvement féministe de masse qui lutte pour le droit à l’avortement depuis des années – qui assistaient à une veillée devant le Congrès et sur plus de 120 places dans toutes les provinces du pays, comme s’ils n’étaient qu’une seule personne, au milieu des célébrations, des larmes et des embrassades, ont éclaté en un joyeux chœur : « C’est la loi [le droit à l’avortement] ! »

    Cette lutte a franchi une étape importante en 2005, avec la création de la Campagne nationale pour un avortement légal sûr et gratuit (La Campaña), qui sert d’espace de coordination à la majorité des organisations féministes du pays. Mais la véritable explosion a eu lieu en 2018, lorsque la question a été débattue au congrès et dans l’ensemble de la société. Ce fut l’entrée en scène de toute une génération d’adolescentes : les « pibas » qui sont maintenant le moteur de cet immense mouvement. L’utilisation du foulard vert comme symbole de la lutte pour l’avortement légal et comme hommage au foulard des « Mères de la Place de Mai », qui se battent pour les 30 000 personnes qui ont « disparu » pendant la dictature militaire, est devenue populaire parmi les manifestants – qui ont été appelés « grands foulards ».

    Cette victoire est le produit de la lutte collective de trois générations féministes qui ont donné vie à la Marée verte. Le mouvement va continuer à s’étendre car il reste encore à lutter pour l’application effective de la loi, contre les limitations que le texte juridique lui-même contient et contre les obstacles que les réactionnaires opposés aux droits des femmes vont tenter de mettre en place.

    En outre, cet immense triomphe a non seulement un impact sur tous les coins de l’Argentine mais aussi sur le reste de l’Amérique latine, comme on l’a déjà vu au Chili où le Congrès va entamer le processus d’une loi dépénalisant l’avortement. Il sera donc important d’organiser des manifestations pour soutenir la lutte des femmes dans toute l’Amérique latine, jusqu’à ce que le mouvement féministe secoue le continent tout entier

    Une défaite majeure pour l’Eglise catholique

    Dans toute l’Amérique latine, la religion a un grand pouvoir, et tout particulièrement en Argentine où l’Église catholique est fortement liée à l’État. Elle reçoit des millions de subsides de l’État. Avec nos impôts, nous payons les salaires des prêtres et subventionnons leurs écoles privées. Tout cela alors qu’eux-mêmes sont exonérés d’impôts ! Cette église s’est historiquement opposée à tous les droits. Elle était contre la loi qui interdisait l’esclavage, contre la loi de la scolarité obligatoire, contre la loi sur le vote des femmes, le divorce, le mariage pour les couples de même sexe, contre l’éducation sexuelle, et maintenant tous ses secteurs, des plus réactionnaires aux progressistes « prêtres pour les pauvres », sont opposés à la légalisation de l’avortement. Avec le pape François, qui vient d’Argentine, à leur tête, ils ont fait un lobbying vigoureux contre l’avortement et ont été battus.

    Mais ce sont aussi les autres églises, notamment les églises évangéliques, qui ont été vaincues. Suite notamment aux terribles actes pédophiles des prêtres catholiques, ces églises ont gagné beaucoup d’influence, surtout auprès des couches les plus pauvres de la population. Cette victoire nous renforce pour le prochain combat que nous avons devant nous : la séparation de l’église et de l’État.

    Concessions aux réactionnaires

    La célébration de ce triomphe ne doit pas nous faire perdre de vue que la loi approuvée n’est pas celle qui a été élaborée collectivement par « La Campaña », mais celle du président Alberto Fernandez qui contient plusieurs aspects négatifs empirés à chaque étape de l’adoption du projet de loi.

    Face à la marée verte massive, avec une population de plus en plus favorable au droit à l’avortement et son adversaire à la présidence, Mauricio Macri, qui y était opposé, Alberto Fernandez a dû inclure l’avortement légal dans ses promesses de campagne. C’est une promesse qu’il a tenté de rompre jusqu’en 2020. D’abord, il a mis de côté le projet de loi élaboré par « La Campaña », et a produit le sien. Pour rassurer les réactionnaires, il a présenté, avec le droit à l’avortement, une loi pour la « protection de la maternité » par laquelle l’État subventionnera pendant mille jours toute mère qui décide d’avoir son enfant.

    Avec l’avènement de la pandémie, il s’en est servi comme excuse pour éviter de discuter du projet de loi au Congrès car, selon lui, il y avait d’autres questions plus importantes. Une fois la quarantaine décrétée, il a déclaré qu’elle ne pouvait pas être traitée car cette question génère la discorde et nous, les Argentins, devrions être unis contre le virus. De plus, des milliers de personnes se mobilisaient pour briser le confinement. Au milieu de l’année et au moment où le confinement a été assoupli, sa nouvelle excuse était que le système de santé n’était pas préparé. Enfin, il a déclaré qu’en 2020, il n’y avait pas de temps pour s’occuper du projet. Mais, à l’approche du mois de décembre, et devant la nécessité de voter sur l’ajustement des pensions demandé par le FMI, il a décidé de permettre que la loi sur l’avortement soit discutée en même temps que la loi sur l’ajustement des pensions. Le centre du débat est ainsi passé de quelque chose de régressif à quelque chose de progressiste.

    Une fois le projet de loi présenté, d’autres modifications négatives lui ont été apportées, la plus grave étant de faciliter l’« objection de conscience » ; en permettant aux travailleurs sociaux, aux cliniques et aux établissements de santé privés de refuser de pratiquer une interruption de grossesse si tous leurs professionnels, protégés par leurs croyances religieuses, se déclarent objecteurs. C’est très grave, surtout dans les villages de l’intérieur du pays où il y a pénurie de médecins. Cette pratique est déjà utilisée par des groupes anti-choix pour refuser de se conformer à la loi, comme cela s’est produit récemment dans la province de San Juan, où l’un des deux plus grands hôpitaux publics a déclaré qu’il ne procéderait pas à des interruptions de grossesse parce que tous ses gynécologues sont des objecteurs de conscience. Le projet initial de « La Campaña » non seulement n’incluait pas l’objection de conscience, mais l’interdisait.

    D’autre part, la loi approuvée sanctionne par des peines de prison de 3 mois à un an, toute personne enceinte qui pratique un avortement après la 14e semaine de gestation. Le projet « La Campaña » ne prévoyait aucune pénalisation.

    Puis, au dernier moment et lorsqu’aucune modification ne pouvait plus être apportée, le Président s’est engagé à supprimer de l’article 4(b) la « santé intégrale » de la personne enceinte comme cause d’avortement. Cela écarte, par exemple, la santé psychologique ou sociale et viole le concept de santé intégrale établi par l’OMS et ratifié par l’Argentine dans les conventions internationales sur les droits de l’homme.

    Malheureusement, la direction de « La Campaña », politiquement liée au parti au pouvoir, le Frente de Todos, a laissé passer tous ces revers sans appeler à la mobilisation tout au long de l’année. La mobilisation était nécessaire pour faire pression sur le gouvernement et, avec la distanciation sociale appropriée et dans le respect des mesures sanitaires, elle a était possible, comme l’ont démontré d’autres secteurs qui sont descendus dans la rue pour faire valoir leurs droits. Ainsi, le gouvernement, ne sentant que la pression active des secteurs anti-choix, avec l’excuse que des concessions étaient nécessaires pour obtenir les votes au Congrès, a cédé de plus en plus. C’est un faux argument de toute façon, puisque le Frente de Todos dispose de la majorité au Sénat. S’ils avaient vraiment la volonté politique, ils auraient pu voter sur l’ensemble du projet de loi « La Campaña » et en bloc, comme ils l’ont fait pour la loi sur l’ajustement des pensions pour obéir au FMI!

    Pour que la loi soit valable, elle doit être approuvée par le président et inscrite dans la législation. Cette étape de la réglementation est importante car ce n’est qu’alors que nous saurons exactement comment la loi sera appliquée : si le libre accès sera garanti dans le système public, comment seront gérés les patients des cliniques privées qui sont « objecteurs », comment le processus de déclaration des « objecteurs » sera effectué, etc. Nous pouvons nous attendre à ce que d’autres modifications négatives soient incorporées, elles sont déjà demandées par certains sénateurs.

    Nous devons nous organiser autour du féminisme socialiste

    Indépendamment des limites de la loi qui a été adoptée, ce triomphe renforce la Marée verte qui continue à se propager et gagne le soutien de plus de personnes qui étaient auparavant contre l’avortement et qui ont maintenant changé de position. En témoigne le petit nombre de personnes qui ont été mobilisées par le camp anti-avortement, même dans les provinces où l’église a le plus de poids. Ils sont de plus en plus sur la défensive.

    La base du mouvement est consciente que cette victoire n’est pas un cadeau du gouvernement, mais le résultat de la mobilisation et de la lutte et que le combat pour la mise en œuvre effective du droit à un avortement légal, sûr et gratuit doit se poursuivre. Nous devons nous battre chaque fois qu’un hôpital refuse de pratiquer une intervention, ou chaque fois qu’un juge veut mettre un prisonnier en prison pour des avortements pratiqués après la 14e semaine.

    Pour continuer à avancer, il est également nécessaire de s’organiser politiquement en un mouvement féministe cohérent, qui ne tombe pas dans l’opportunisme kirchneriste péroniste (la tradition politique à laquelle appartient Alberto Fernandez), ou dans un féminisme sectaire de petite bourgeoisie qui ne voit pas la nécessité d’une lutte de masse. Si ces courants féministes ont de l’influence, la grande avant-garde qui a émergé dans la lutte pour l’avortement légal regroupe également naturellement les forces du mouvement ouvrier qui défendent ce droit depuis des décennies.

    Cette nouvelle génération de jeunes militantes et militants rejoint la lutte sans préjugés politiques, libérée des liens et de la discipline rigide imposés par les bureaucraties péronistes et autres. Ils et elles se tournent rapidement vers la gauche et s’inscrivent dans d’autres luttes comme celle contre le changement climatique. Issus de la classe ouvrière et de la classe moyenne de plus en plus appauvrie, ils et elles se battront également dans les rues pour que la crise économique ne soit pas payée par les travailleuses et les travailleurs.

    Les limites du Front de gauche (une alliance électorale d’organisations de gauche avec une représentation au Parlement) dues au fait qu’il n’intervient pas de manière unitaire et avec une politique commune l’empêchent de profiter pleinement du nouvel espace qui s’est ouvert. Ce grand espace politique est propice à l’émergence d’une organisation féministe, socialiste et internationaliste à l’image de la campagne internationale ROSA lancée par Alternative Socialiste Internationale. C’est pourquoi nous vous invitons à vous engager avec nous dans la construction de grandes organisations féministes et socialistes en Argentine et dans le reste du monde pour la tâche colossale qui est la nôtre : mettre fin à ce système capitaliste et patriarcal et construire une société socialiste dans laquelle, comme l’a dit Rosa Luxemburg, nous serons socialement égaux, humainement différents et totalement libres.

  • ¡ Es ley ! L’avortement légal en Argentine remporté grâce à la lutte !


    Le Sénat argentin vient d’approuver la loi pour l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines, avec 38 voix pour, 29 contre et une abstention. Quelle victoire, l’année 2020 se termine bien ! C’est la preuve encore une fois, que seule la lutte paie !

    Par Celia (Bruxelles)

    Cette victoire sans précédent est le résultat d’un mouvement féministe de masse phénoménal et tenace qui a accumulé les manifestations, les occupations, les grèves,… Des millions de personnes sont descendues dans la rue pour réclamer de manière combative et sans compromis un avortement sûr, légal et accessible à toutes celles qui en ont besoin.

    Des milliers de personnes avaient encore bravé les interdictions de rassemblement pour attendre le résultat et assurer un dernier coup de pression sur le Sénat. Ce n’est pas la première fois cette année que les masses sortent dans la rue en Argentine. Ce fut encore le cas en août dernier, contre les conséquences du confinement imposé sur la précarité, contre la crise économique et contre les réformes du système judiciaire du président Fernandez.

    C’est une année importante pour tous les peuples d’Amérique latine. Ce fut une année caractérisée par la crise économique, par la crise sanitaire, par les politiques austéritaires de la classe dominante, mais aussi par les mobilisations de masse et une répression digne des dictatures latinos.

    Après le referendum pour changer la Constitution gagné au Chili, après les élections remportées par le MAS en Bolivie malgré une tentative de coup d’Etat, après des manifestations de masse en Colombie et en Équateur, c’est au tour de l’Argentine de remporter une victoire importante pour toutes les femmes de la classe opprimée. En effet, en Amérique latine, l’avortement n’est réellement légal qu’à Cuba, en Uruguay, dans la ville de Mexico, dans l’Etat mexicain de Oaxaca et en Guyane… et maintenant, en Argentine !

    Ce que revendiquent les féministes argentines depuis plusieurs décennies, c’est un droit fondamental mais pas seulement : « Une éducation sexuelle pour pouvoir décider, la contraception gratuite pour ne pas devoir avorter, l’avortement légal pour ne pas mourir » (1). L’avortement est un privilège de classe s’il n’est pas légal. « Selon le gouvernement, entre 370 000 et 520 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dans le pays de 44 millions d’habitants, où 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications lors de ces opérations. » (2) Nombreuses sont celles qui en meurent, qui en restent traumatisées, blessées. Mais encore plus nombreuses sont celles qui n’ont pas pu avorter.

    Il y a celles qui ne voulaient pas d’enfants à ce moment-là, avec cette personne-là, mais elles n’avaient pas assez d’argent pour acheter un moyen de contraception. Il y a celles qui savaient pertinemment qu’elles n’auraient pas les moyens d’élever un enfant, qu’il grandirait dans la précarité et la misère. Il y a celles qui ont été violées mais qui n’ont pas eu le choix que de garder l’enfant.

    Pouvoir élever un enfant en lui donnant ce dont il a besoin est également un privilège de classe. La volonté des féministes argentines et la nôtre, a toujours été de pouvoir réellement choisir. Choisir d’avoir un enfant ou pas, choisir quand on le veut, choisir avec qui on le veut. Quand on n’a pas l’argent pour la contraception ni pour subvenir aux besoins de l’enfant, tout devient plus compliqué, le vrai choix n’existe pas réellement.

    Nous avons besoin de vraies mesures et d’investissements publics massifs : contraception gratuite ; crèches gratuites ; avortement légal et gratuit ; accès gratuit à l’enseignement ; cours sur le consentement, le genre et les relations à l’école ; augmentation des salaires et du salaire minimum ; diminution collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires,…

    Nous savons déjà qu’avec la loi votée aujourd’hui « un établissement de santé pourra se déclarer “objecteur” (de conscience) mais il aura l’obligation d’orienter la patiente vers un autre établissement »(3). Il est aussi question d’un “plan des mille jours” qui « entend également “renforcer l’accès aux soins pendant la grossesse et lors des premières années de vie d’un enfant” pour les familles en situation de vulnérabilité financière »(4). Le mouvement féministe devra donc encore se battre pour que, dans la pratique, l’avortement soit accessible à toutes, réellement gratuit et en toute sécurité. Avec la pandémie qui ravage et affecte de manière disproportionnée la classe ouvrière et les pauvres, avec les discriminations contre les femmes et les violences sexistes qui s’aggravent dans ce contexte, nous avons besoin d’un féminisme qui soit résolument anticapitaliste et socialiste.

    Cette lutte est exemplaire et aura un impact international. Elle montre qu’il est possible d’arracher des victoires à la droite conservatrice. Elle nous montre également comment mener la lutte pour le droit à l’avortement. C’est dans toutes les sphères de la société que s’est construit le mouvement, dans les écoles, les quartiers, dans la rue, avec des manifestations de masse depuis 30 ans, des grèves, des assemblées,… Le mouvement féministe a pris les meilleurs instruments du mouvement ouvrier pour gagner cette lutte. Après le referendum gagné en Irlande en 2018, c’est un autre pays qui nous montre qu’il s’agit d’une lutte fondamentale et internationale.

    Les travailleuses étant surreprésentées en première ligne dans les soins de santé, l’éducation, le nettoyage et l’alimentation dans le monde entier, il est clair que la classe ouvrière, les jeunes, les personnes de couleur et les femmes pauvres continueront à être en première ligne de la lutte des classes et des luttes féministes dans les mois et les années à venir, comme nous l’avons vu de manière si inspirante en Argentine.

    Organisons-nous dans chaque pays pour que la loi soit appliquée partout, gratuitement et jusqu’à 18 semaines. Combattons également le système capitaliste qui ne pourra jamais être féministe ! Construisons une alternative à ce système, une alternative sans discriminations, sans sexisme, sans racisme, sans profit. Une alternative socialiste !

    1) Educación sexual para decidir, anticonceptivo para no aborta, aborto legal para no morir.
    2) https://www.francetvinfo.fr/societe/ivg/argentine-le-congres-adopte-la-loi-legalisant-l-avortement_4238209.html
    3) https://www.rtbf.be/info/monde/detail_l-argentine-legalise-l-avortement-apres-un-vote-historique?id=10663311
    4) https://information.tv5monde.com/terriennes/argentine-une-loi-sur-la-legalisation-de-l-avortement-nouveau-devant-les-parlementaires

  • Pérou. Le président issu d’un coup d’État illégitime renversé par les masses


    Pendant que ces politiciens se battent pour plus d’argent et de pouvoir, la classe ouvrière et les pauvres du Pérou subissent l’une des pires crises de ces dernières décennies. Des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues du Pérou pour protester contre la destitution illégitime du président péruvien Martín Vizcarra.

    Par Emily Culver, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux Etats-Unis)

    Ce coup d’État est intervenu après des années de troubles politiques. Lors de la dernière élection présidentielle, en 2016, le centriste Pedro Pablo Kuczynski (PPK) avait remporté de justesse la victoire contre la candidate de droite Keiko Fujimori, fille de l’ancien dictateur emprisonné, Alberto Fujimori. Keiko Fujimori a refusé de concéder l’élection et a entamé une lutte de pouvoir acharnée entre le président et le Congrès, qui était dominé par son parti politique. Le Congrès a réussi à forcer PPK à se retirer en 2017 sur la base d’accusations de corruption et son vice-président, Vizcarra, a pris la présidence.

    Vizcarra a profité de la colère générale contre la corruption du Congrès pour gagner à lui l’opinion publique péruvienne. Son gouvernement a commencé à travailler sur une réforme électorale qui interdirait aux candidats ayant des affaires judiciaires ou pénales en cours de se présenter au Congrès. Il y a eu une lutte de pouvoir constante entre le Congrès et Vizcarra qui a conduit à la fermeture du Congrès par Vizcarra en septembre 2019. De nouvelles élections ont été convoquées et un nouveau Congrès a été élu.

    Crises politique, économique et du COVID

    Malheureusement, le nouveau Congrès était aussi corrompu que le précédent, 68 des 130 représentants étant accusés d’une forme ou d’une autre de corruption ou de meurtre. Ce nouveau Congrès ne voulait pas perdre son immunité et s’est également battu contre le gouvernement de Vizcarra. Le gouvernement, de son côté, a égalemet lutté pour une réforme de l’enseignement pour soumettre les universités privées à plus de réglementation. Certains membres du Congrès sont impliqués dans ces écoles privées, il s perdraient eux-mêmes de l’argent dans le cadre de cette réforme. Craignant qu’ils ne perdent des bénéfices et ne soient punis pour leurs crimes, le Congrès s’est efforcé de faire disparaître Vizcarra. Ils n’ont pas eu assez de voix en septembre, mais ont gagné le 9 novembre avec 87 des 130 membres du Congrès.

    Pendant que ces politiciens se battent pour de l’argent et du pouvoir, la classe ouvrière et les pauvres péruviens subissent l’une des pires crises depuis des décennies. Comme le reste du monde, le Pérou a été durement touché par le coronavirus. Le pays a fait la une des journaux pour avoir le taux de mortalité le plus élevé au monde lié au virus. En réponse à la récession économique qui en a résulté, la seule aide a consisté en deux primes de 223 dollars accordées aux familles les plus pauvres du Pérou. Le processus pour recevoir ces primes a été rendu compliqué, empêchant beaucoup d’entre elles d’obtenir l’aide dont elles avaient désespérément besoin.

    La colère collective contre la corruption, l’instabilité politique et l’inégalité économique a attiré les manifestants dans la rue. Composés principalement d’étudiants universitaires et de jeunes, les manifestants se sont unis autour de revendications visant à protéger les droits démocratiques au Pérou et à garantir la tenue des prochaines élections d’avril 2021.

    Violence et répression d’État

    La brutalité policière contre les manifestants a été extrême. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour empêcher de larges groupes de manifestants de se rassembler et pour les empêcher de s’approcher du bâtiment qui abrite le Congrès. Une tactique cruciale utilisée par les manifestants a consisté à décentraliser la marche depuis le centre de Lima, en encourageant les groupes de quartier à organiser leurs propres manifestations, ce qui a empêché les policiers d’être concentrés dans une seule partie de la ville.

    Le 14 novembre, au cours de l’une des plus grandes manifestations que le Pérou ait connues depuis des décennies, le gouvernement local de Lima a éteint les lumières des rues du centre-ville, provoquant le chaos et la confusion parmi les manifestants. La violence instiguée par la police a tragiquement causé la mort de deux jeunes manifestants et blessé des dizaines d’autres. De nombreux Péruviens enragés par la réaction de la police ont demandé au président Merino et à son cabinet de démissionner.

    Vague de révolte contre le néolibéralisme

    Les groupes de manifestants se sont en grande partie formés spontanément. La violence interne causée par le conflit entre l’État péruvien et la guérilla maoïste du Sentier lumineux dans les années 1990 a éliminé de nombreuses structures politiques de gauche dans le pays. Cela a entraîné une méfiance généralisée à l’égard de tout homme politique ou mouvement social de gauche.

    Cependant, cette nouvelle génération de manifestants s’inspire des récents soulèvements anti-néolibéraux qui ont eu lieu dans toute l’Amérique latine. En particulier, les manifestations qui ont eu lieu l’année dernière dans le Chili voisin et qui ont abouti à l’abolition de la constitution de Pinochet ont été un exemple pour les Péruviens.

    Les revendications pour une nouvelle constitution péruvienne ont commencé à être vues à la fois sur les médias sociaux et sur les pancartes portées par les manifestants. L’actuelle constitution péruvienne a été rédigée sous la dictature d’Alberto Fujimori en 1993. L’expérience de la lutte contre ce coup d’État injuste pourrait jeter les bases d’un mouvement organisé dirigé par les jeunes à l’avenir.

    Le matin du 15 novembre, Manuel Merino a quitté la présidence, contraint par la force des protestations des cinq derniers jours, et particulièrement dans la nuit du 14 novembre. Les protestations se sont poursuivies tout au long du 15 novembre, les Péruviens réclamant de plus en plus que justice soit rendue pour les manifestants assassinés et qu’une nouvelle constitution soit adoptée.

    Ce n’est que par le biais d’un mouvement ouvrier organisé que les Péruviens pourront détruire le système qui ne fonctionne que pour les riches et les corrompus. Solidarité avec les Péruviens qui se battent dans les rues ! Battons-nous ensemble pour une Amérique latine unie et socialiste !

  • Chili. La Constitution de Pinochet rejetée par référendum, une victoire qui ouvre la voie à de nouvelles luttes !

    Le peuple chilien a donné un nouvel exemple de sa conscience et de sa force ce dimanche 25 octobre. La Constitution héritée de la dictature de Pinochet a été rejetée par 78% des électeurs lors du référendum qui a réuni 7,5 millions de personnes, soit le taux de participation électorale le plus élevé de l’histoire du pays.

    Par Andre Ferrari, Liberdade, Socialismo e Revolução (section brésilienne d’Alternative Socialiste Internationale)

    Les électeurs ont également rejeté le Parlement actuel en optant en majorité (79 % des voix) pour que la nouvelle Constitution soit rédigée par une Convention constituante élue à 100 % par le peuple. La proposition rejetée exigeait que la moitié de la Convention constituante soit composée de parlementaires actuels.

    La proposition approuvée signifie également l’adoption de la parité de genre dans ce nouvel organe constitutif qui sera élu en avril 2021, ce qui représente une réalisation importante et sans précédent.

    Ce référendum représente une avancée majeure dans la lutte pour enterrer les restes de la dictature meurtrière de Pinochet qui avait combiné néolibéralisme et terrorisme d’État et a largement survécu aux 30 années d’une “démocratie” limitée et impopulaire, depuis la fin de la dictature militaire en 1990.

    Ce résultat ne constitue pas seulement une défaite pour la droite “pinochiste”. C’est aussi une claque pour tous les hommes politiques qui se disent « démocrates » et qui, même après la fin de la dictature, ont refusé le moindre changement sérieux dans le système politique, économique et social du pays.

    L’énorme inégalité sociale et l’absence de droits fondamentaux – tels que l’accès à l’éducation, à la santé et à la retraite – ont fini par provoquer une puissante explosion sociale, déclenchée par l’augmentation des tarifs du métro de Santiago. Depuis lors, le peuple chilien est descendu courageusement dans la rue avec une énorme détermination à se battre.

    La conquête de ce dimanche résulte de la lutte massive, inlassable, héroïque et radicale de la jeunesse, des femmes, du peuple mapuche et de toute la classe ouvrière chilienne.

    Le soulèvement de masse a illustré la force qui est celle de la classe ouvrière et de tous les opprimés. Cette force a affronté la répression sauvage, lâche et meurtrière des carabiniers (police militaire chilienne) et à l’arrestation de milliers de militants. Elle est également parvenue à renverser le gouvernement et la classe dirigeante du Chili.

    La bataille ne fait que commencer

    Mais la bataille ne fait que commencer. L’urne ne remplace pas une véritable lutte dans la rue, sur les lieux de travail et dans les quartiers. La mobilisation de masse doit se poursuivre pour la fin de la répression d’État, pour la libération des plus de deux mille prisonniers politiques et pour la punition des responsables des morts, des blessés et des autres conséquences de la répression.

    En tant que personne directement responsable de la lâche répression, Piñera doit maintenant descendre. On ne peut pas accepter qu’il y ait un processus constituant véritablement démocratique sous un gouvernement aussi autoritaire et anti-populaire.

    La lutte doit également se poursuivre contre les manœuvres et les pièges créés pour museler et contenir la volonté du peuple dans le processus constituant. C’est le cas de l’exigence des deux tiers pour l’approbation des articles de la nouvelle Convention constituante, qui pourrait offrir aux secteurs de droite et conservateur un veto sur les propositions les plus progressistes.

    À l’heure actuelle, il est nécessaire d’approfondir l’organisation par en-bas grâce à des assemblées populaires dans les quartiers, les écoles et les lieux de travail, afin de discuter du type de nouvelle constitution nécessaire et de la manière dont elle devrait représenter une véritable rupture avec le système politique et économique actuel du Chili. Il faut que les représentants populaires élus en avril soient le résultat de cette organisation, de ce débat et de cette mobilisation à la base.

    Nous n’accepterons rien de moins qu’une constitution qui garantisse l’éducation publique, la santé et la retraite pour toutes et tous. Une constitution qui garantisse les droits des femmes et des peuples indigènes. Une Constitution qui défende l’environnement. Une Constitution qui place les ressources naturelles et les secteurs clés de l’économie sous le contrôle des travailleurs. Que les super-riches paient pour la crise et la garantie de l’emploi, des salaires et de la démocratie pour les travailleurs !

    C’est avec la lutte de masse que le processus constituant a été ouvert ; c’est avec la lutte de masse qu’il pourra être utilisé pour transformer radicalement la société. Pour cela, il est nécessaire de construire une alternative socialiste révolutionnaire.

  • Bolivie : Défaite électorale pour les auteurs du coup d’Etat de l’an dernier

    La seule issue est la lutte de masse

    Nous publions ci-dessous une première brève réaction suite à la défaite électorale décisive infligée aux auteurs du coup d’État de 2019 contre le gouvernement d’Evo Morales en Bolivie. Une analyse plus détaillée suivra bientôt.

    Déclaration de Liberdade, Socialismo e Revolução (LSR), section brésilienne d’Alternative Socialiste Internationale)

    Les élections du 18 octobre en Bolivie représentent une défaite évidente de la droite latino-américaine et de l’impérialisme américain, de leurs complots, de leur de coup d’État, de leur autoritarisme, de leur racisme et de leur mépris des droits du peuple.

    Ceux qui ont défendu le coup d’État et la répression meurtrière de novembre 2019 ont été catégoriquement répudiés par la grande majorité des électeurs. Nous accueillons avec enthousiasme cette défaite de la droite.

    La victoire électorale du MAS (Mouvement vers le socialisme) et de Luis Arce Catacora n’aurait pas été possible sans la puissante mobilisation des masses, qui a culminé en août dernier. C’est la lutte directe, les barrages routiers et les manifestations de masse qui ont bloqué la voie du coup d’État et garanti que ces élections puissent avoir lieu. Nous devons en tirer toutes les leçons.

    Sans la force de la rue, il ne sera pas possible de gouverner selon les aspirations populaires et, par conséquent, de promouvoir des transformations sociales profondes et radicales. Au lieu de chercher la réconciliation avec les dirigeants du coup d’État, il faut se reposer sur la mobilisation populaire des travailleurs, des paysans et des indigènes.

    En Bolivie, au Brésil et dans toute l’Amérique latine, nous devons nous préparer à une lutte qui sera difficile, mais qui peut et doit être victorieuse. Allons de l’avant ensemble et avec nos frères et travailleurs boliviens et latino-américains du monde entier !

  • Colombie : nouvelle vague de protestation contre les meurtres policiers

    Le soir du 8 septembre, la police a assassiné un habitant de Bogota, Javier Ordoñez. Une vidéo de son assassinat brutal, alors qu’il était tazé à dix reprises, s’est rapidement répandue, provoquant une colère généralisée en Colombie. Ce meurtre s’ajoute aux 61 autres massacres perpétrés jusqu’à présent en 2020 par la police, alors que plus de 152 dirigeants syndicaux et de mouvements sociaux ont été assassinés de même que plus de 200 anciens membres des FARC tués après leur retour à la vie civile.

    Par David Sanz Villamil, SAV (ASI-Allemagne)

    Dans les jours qui ont suivi, des mobilisations militantes contre les violences policières ont éclaté. Ces événements présentent une grande similitude avec les protestations contre les violences et les meurtres policiers aux États-Unis. La réponse de la police colombienne a été encore plus violente qu’aux États-Unis.

    Ce n’est pas le premier cas où les forces de police colombiennes ont dépassé les limites durant la pandémie, sans parler des nombreuses fois où elles l’ont fait auparavant. Mais la cruauté affichée dans la vidéo, ajoutée aux dizaines de situations de même nature qui ont été divulguées et combinée à la misère croissante ainsi qu’à la démission du gouvernement expliquent le caractère de masse des mobilisations contre la police de Bogota qui ont commencé immédiatement après ce meurtre.

    Les 9 et 10 septembre, les manifestants ont refusé d’obéir aux ordres des autorités de se disperser. La police a réagi avec une force excessive à la simple présence des manifestants dans les rues, divers rapports faisant état de 13 morts et de plus de 200 civils blessés, dont 72 par balles. Trois femmes ont été enlevées et violées dans des commissariats de police et on ne peut que se demander à qui elles vont s’adresser pour porter plainte concernant ces horribles incidents. Les manifestants ont résisté à la présence de la police et auraient blessé 194 personnes et brûlé 45 petits postes de police, connus en Colombie sous le nom de CAI, à travers Bogota, la capitale du pays.

    Des vidéos et d’autres preuves ont révélé les actions de la police. La police a tiré avec des armes à feu d’un modèle non conforme au lieu d’utiliser ses propres armes, de sorte qu’il était impossible de remonter jusqu’à eux. Des agents provocateurs déguisés et armés ont été envoyés dans la foule pour créer un chaos généralisé et justifier l’usage excessif de la force. Il n’y a aucune excuse acceptable pour que la police tire à balles réelles sur les manifestants, que ce soit avec des armes conformes ou non.

    Une police irresponsable

    Les forces gouvernementales sont incontrôlables de puis longtemps. La police colombienne fait partie du ministère de la défense et non des ministères de la justice ou de l’intérieur. Cela permet à la police d’être jugée par les tribunaux militaires spéciaux, au lieu des tribunaux civils ordinaires. Cela ne respecte pas la constitution colombienne, qui déclare que la police est une institution civile. De nombreux pays souffrent toutefois d’abus policiers alors que la police a un caractère civil, ce qui indique que la solution doit dépasser le simple respect de la constitution.

    Le problème de la responsabilité de la police va au-delà de la manière dont ses actions sont jugées, car il est tout simplement très rare qu’elles soient jugées en premier lieu. Tout comme dans beaucoup d’autres pays, le gouvernement dépeint les policiers comme des héros de la patrie et des protecteurs de la communauté, ce qui contraste fortement avec la réalité et la fréquence des violences et des abus qu’ils font subir à la population.

    Mais même en tenant compte des traditions des autorités colombiennes, le gouvernement de droite d’Iván Duque est allé au-delà de l’éloge et de la défense des forces de “l’ordre”. Le président Duque a déclaré que les forces de police “ont gagné le cœur des Colombiens grâce à leur culture du respect et de la bravoure” après la mort de Javier Ordoñez, ce qui ne peut guère être interprété autrement que comme une moquerie au regard de l’histoire de cette institution.

    Le ministre de la défense, Carlos Holmes Trujillo, est allé plus loin en excusant de manière préventive les excès commis par les policiers lors des manifestations, affirmant que les manifestations ont un caractère systématique et ont été infiltrées par des membres de la guérilla de gauche et des groupes anarchistes et terroristes ne cherchant qu’à provoquer violence et destruction.

    Comme il est d’usage dans la rhétorique de droite, Javier Ordóñez a déjà été déclaré persona non-grata à titre posthume par les réactionnaires colombiens, son alcoolisme le privant de son droit à un procès équitable. Il rejoint ainsi la longue liste des victimes d’abus des forces armées, dont Dylan Cruz, tué l’année dernière dans une manifestation d’un coup de feu à la tête, action justifiée par son vandalisme présumé. Le viol de trois adolescentes indigènes par des soldats a été justifié par l’affirmation dégoûtante que ces filles étaient à la recherche d’aventures sexuelles. Au cours de la répression brutale du début des années 2000, 10.000 jeunes hommes ont été assassinés par l’armée, qui a prétendu à tort qu’ils étaient des guérilleros.

    2020 : Une année de malheur pour la classe ouvrière

    L’explosion de colère populaire est enracinée dans la situation colombienne. Alors qu’un confinement réussi a entravé les premiers effets de la pandémie COVID-19, le gouvernement n’a pas voulu agir pour endiguer la hausse du chômage et la baisse des opportunités d’emploi dans une économie nationale essentiellement informelle, ce qui a placé le peuple colombien dans une situation désastreuse.

    L’un des pays les plus fertiles du monde – rarement, voire jamais, frappé par la famine – a vu beaucoup de ses citadins souffrir de la faim exclusivement parce qu’ils n’avaient plus d’argent pour acheter des provisions afin de subvenir aux besoins de leur famille. Des serviettes rouges sont accrochées aux fenêtres lorsque des personnes en difficulté appellent à l’aide leurs voisins. Il n’est pas très surprenant que les mesures strictes de confinement auxquelles s’opposent les personnes qui ont désespérément besoin de travail et les vendeurs de rue dans tout le pays aient été le prétexte de brutalités policières répétées.

    Les appels à un “revenu de base” ont été largement ignorés par le gouvernement, et le peu qu’ils ont donné – sous la forme d’une prime unique aux plus pauvres du pays correspondant à la moitié du salaire minimum – était insuffisant pour une personne isolée, encore plus pour une famille.

    Si la violence généralisée n’a jamais vraiment disparu, elle s’est accélérée cette année, avec la longue liste de massacres visant particulièrement les militants sociaux, écologistes et syndicaux ainsi que les anciens membres des FARC.

    Une longue histoire de violence d’Etat

    L’ancien président Álvaro Uribe Vélez, de 2002 à 2010, était un populiste de droite qui a privatisé des pans entiers de l’économie et mené une guerre brutale contre les guérillas avec un recours généralisé aux escadrons de la mort militaires et surtout paramilitaires. Les soldats recevaient des primes pour les guérilleros qu’ils tuaient. L’armée a tué des milliers d’innocents en réclamant des primes. Uribe commentait “s’ils ont été tués, ce n’est pas pour avoir été chercher du café”. Uribe était populaire auprès du président américain George W Bush, qui l’a félicité pour sa “guerre contre la drogue”, bien qu’il soit soupçonné d’être impliqué dans ce trafic de drogue et alors que la Colombie est restée au centre de la production de cocaïne.

    Son successeur, le président Santos, a négocié un accord de paix avec les guérillas. Cependant, son successeur, l’actuel président, Iván Duque Márquez, est un protégé d’Uribe et n’a pas poursuivi le processus de paix. Au lieu de cela, des escadrons de la mort paramilitaires de droite parcourent à nouveau les terres en grand nombre, en particulier dans les régions anciennement contrôlées par les FARC, et les enlèvements et les menaces de “nettoyage social” deviennent systématiques dans de nombreuses communautés rurales et petites communes dont les membres sont soupçonnés d’avoir des penchants de gauche.

    Les promesses d’alternatives à la production de coca dans les campagnes ont eu pour résultat, au mieux, des efforts anémiques. Les efforts d’éradication de la coca, qui impliquent souvent des pulvérisations aériennes de glyphosate qui empoisonnent l’eau et provoquent des maladies, n’ont jamais vraiment cessé pendant les périodes de pandémie, opposant la population rurale à la police et aux forces militaires.

    La droite a intensifié sa violence après qu’Uribe ait été assigné à résidence en août, accusé de corruption et de falsification de témoins. La réponse d’Uribe a été d’appeler à la résistance nationale contre le “virus de la jeunesse des FARC” et les juges.

    Les forces militaires ont été utilisées pour soutenir la police dans la répression à Bogota, car les frontières entre la police et l’armée sont floues. On ne peut s’empêcher de se demander si l’État a déclaré la guerre à la classe ouvrière pour qu’une telle action ait lieu.

    Le vieil adage selon lequel il ne faut pas gâcher une crise était à l’esprit de Duque pendant cette pandémie, car il a saisi cette occasion pour instaurer l’état d’urgence dans le pays et commencer à lancer des décrets sans participation des autres branches du gouvernement.

    Parmi ces décrets figurent la permission accordée au personnel militaire américain de se rendre en Colombie, de multiples allégements fiscaux pour les entreprises du secteur privé et des prêts généreux pour les grandes entreprises et les propriétaires terriens. Les décrets qui bénéficieraient directement à la population générale étaient rares et l’un d’entre eux est tristement célèbre pour ne pas avoir été signé correctement par les ministres, qui n’ont pourtant eu aucun problème à signer les autres.

    Ces actions ont été facilitées par le fait que le parti Centro Democrático (CD), fondé par Uribe, a réuni une coalition majoritaire au Sénat, et que ses membres, qui sont également des amis personnels du président, occupent les sièges de procureur de l’État, d’avocat de l’État et de “défenseur du peuple”, qui sont chargés de surveiller le comportement du président et de ses ministres.

    Avec ces événements et bien d’autres, il n’est guère surprenant que la frustration refoulée de la population ait produit une puissante réaction aux abus flagrants commis par les forces de l’État.

    La résistance sociale

    Le peuple colombien a résisté aux gouvernements de droite. Lors des élections régionales, le parti de Duque a subi des défaites embarrassantes, notamment dans les deux plus grandes villes, Bogota et Medellín. Duque a cependant continué à mener sa politique.

    En novembre, une grève nationale a été déclenchée par les comités syndicaux nationaux et de nombreux groupes d’opposition, dont certains présents au parlement. Le “Comité pour la grève nationale” a clairement appelé à s’opposer aux institutions impérialistes financières et de développement. Les revendications comprenaient l’opposition aux attaques contre la législation du travail, contre les impôts, contre les pensions et contre les services publics, des attaques qui allaient toutes signifier une augmentation ud coût de la vie pour les travailleurs et les pauvres. Il s’agissait également de s’opposer à la constitution d’un conglomérat des plus grandes institutions financières et de l’État.

    Même si les objectifs de la grève n’ont pas été atteints, il s’agissait des plus grandes manifestations antigouvernementales en quatre décennies, entre novembre 2019 et janvier 2020. Elles ont effrayé le gouvernement et l’ont incité à reporter ses attaques contre le mouvement ouvrier. Des débrayages et des manifestations ont eu lieu dans tout le pays, dans tous les grands centres urbains. Ils ont été accueillis par une forte répression policière et les rapports faisant état de l’activité d’agents provocateurs ont accru l’indignation populaire alors que les principaux médias, absolument en accord avec le gouvernement, essayaient de délégitimer les protestations.

    Le couvre-feu et le confinement lié à la pandémie ont mis sur pause les manifestations. Aujourd’hui, six mois après la fin de ce mouvement, la poudrière du mécontentement social a explosé sous la forme d’une mobilisation contre les abus de la police.

    Quelles sont les revendications populaires ?

    Ce mouvement n’a pas d’organisation claire et il n’y a pas de groupe de dirigeants précis à sa tête. Il s’agit d’une expression spontanée de l’indignation populaire. Pourtant, certains appels ont résonné sur les médias sociaux. Une chose est claire : les gens veulent une réforme de la police.

    Trois choses spécifiques ont été fréquemment mentionnées dans ces protestations ainsi que dans les mouvements passés : l’appel à l’abolition de l’Escadron mobile anti-perturbation (ESMAD) qui possède des véhicules militaires et constitue la partie la plus répressive de la police, la démilitarisation générale des forces de police (en interdisant à la plupart d’entre elles de porter des armes à feu et en limitant les types d’armes à feu auxquelles elles ont accès) et le transfert des institutions policières au ministère de l’intérieur afin que le système spécial de justice militaire ne couvre pas leurs abus.

    Le gouvernement ne cédera pas à ces exigences et l’indignation populaire contre le gouvernement et la police semble augmenter de jour en jour. Des manifestations de masse ont lieu dans les grandes villes comme Medellín et Carthagène. Le Comité national de grève a appelé à des manifestations dans tout le pays. Il est probable que les revendications s’étendent au-delà de la réforme de la police, avec des appels à une certaine forme d’allocation de secours pour les masses et un renversement de nombre des récentes attaques contre la classe ouvrière, qui bénéficient d’un soutien populaire accru.

    La situation du plus grand allié des États-Unis en Amérique du Sud devient de plus en plus instable, le gouvernement de droite et ses alliés perdent leur crédibilité à un rythme sans précédent. Cela n’a pas empêché Mike Pompeo, le secrétaire d’État de Trump, de faire l’éloge de Duque lors d’une récente visite sans dire un seul mot au sujet des violations des droits humains en Colombie. Le remarquable soutien des Etats-Unis à la Colombie dans la prétendue guerre contre le trafic de drogue a été accueilli avec ridicule par le peuple colombien, bien conscient que la Colombie est le plus important producteur de cocaïne au monde et les Etats-Unis le plus gros acheteur.

    Le soutien populaire à Gustavo Petro, candidat de gauche à la présidence de l’année dernière, est à son plus haut niveau mais la confiance dans le processus électoral s’est effondrée. Une chose que beaucoup de gens craignent dans cette situation est une plus grande répression de la part du gouvernement actuel pour compenser sa perte de contrôle sur la situation. Il y a également un risque de fraude électorale pour les prochaines élections. Si Petro était élu, il serait le premier président de gauche de l’histoire de la Colombie, et il ne fait aucun doute que la réaction ne perdrait pas de temps à se battre pour rendre son gouvernement aussi inefficace que possible.

    Une chose est sûre : La Colombie est plongée dans une crise sociale et économique qui ne peut que s’aggraver, une crise sans issue capitaliste. Le besoin de construire un soutien pour une alternative socialiste, au sein des mouvements de masse des travailleurs, des jeunes et de tous les opprimés, lié à une lutte sur tout le continent pour une fédération socialiste de peuples libres, n’a jamais été aussi grand.

    Il est à noter que les gouvernements du monde entier n’ont pas critiqué les meurtres et les massacres en Colombie. Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) se bat pour mettre en évidence l’hypocrisie des gouvernements qui parlent des droits humains dans certains pays mais pas dans d’autres, dans la lutte pour une véritable solidarité internationaliste de la classe ouvrière.

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