Category: National

  • Le racisme tue! Seule une politique sociale peut enrayer la croissance de la violence

    De l’emploi, pas de racisme! Tout ce qui nous divise, nous affaiblit !

    La violence raciste et la violence « inutile » ont été au coeur des débats ces dernières semaines. A la Gare Centrale de Bruxelles, Joe Van Holsbeeck a été assassiné pour son lecteur MP3. A Bruges, un groupe de néo-nazis a attaqué deux hommes, dont un est toujours dans le coma. A Anvers, Hans Van Themse a voulu « tuer autant de macaques que possible ». Bilan: deux mortes et une blessée grave. Un peu plus tôt, on avait retrouvé le corps de Mohamed Bouazza, lui aussi probablement victime d’un attentat raciste. Le choc et la colère sont énormes.

    Geert Cool

    Nous ne voulons pas nous limiter à la sympathie et à la colère, mais également examiner ce que nous pouvons faire contre l’augmentation des actes de

    Anvers: Halte à la violence raciste!

    Jeudi 11 mai, Oulemata et Luna, qui n’avait que deux ans, ont été assassiné par Hans Van Themse. Arrivé au centre ville avec un fusil, il a visé et tiré sur des personnes parce que l’une portait le voile et l’autre était noire. Ce drame s’est déroulé dans des endroits très fréquentés, ce qui permet mieux de comprendre pourquoi la violence est devenue très concrète pour de larges couches de la population : « On aurait pu nous aussi être là au même moment ». Le choc créé par ce crime raciste a conduit à une réaction émotionnelle auprès de milliers de personnes.

    De tels meurtres racistes ne pouvaient que provoquer une grande discussion sur la responsabilité du Vlaams Belang et sur le racisme. Bien que l’assassin ait été un raciste passablement déconnecté du monde, nous devons nous demander pourquoi de tels types se sentent aujour-d’hui suffisamment en confiance pour passer à l’acte. La famille de Luna a dit que Hans Van Themse “est un jeune homme qui a été élévé dans un environnement qui s’attache à l’idéologie du Vlaams Belang“. En effet, non seulement le grand-père et le grand-oncle de Van Themse sont allés se battre pendant la guerre sur le Front de l’Est avec les SS, mais son père participe aux activités du Voorpost (le service d’ordre du VB) et sa tante est parlementaire du VB !

    Le VB a évidemment renforcé le courant d’idées racistes, mais la direction de ce parti n’est pas la seule à le faire. Les partis traditionnels se déclarent souvent “anti-racistes”. Cela ne les empêche pas de mener avec enthousiasme une politique d’exclusion et de division. A titre d’exemple, le débat sur la régularisation des sans-papiers est entouré en Flandre d’une rhétorique de répression et de criminalisation de ceux-ci.

    De même, quand on parle de salaires, la comparaison est toujours faite avec les travailleurs des pays à salaires moindres et de plus en plus avec les étrangers qui, avec ou sans papiers, travaillent ici. Patronat et gouvernement font tout pour dresser les travailleurs les uns contre les autres, mais déclarent ensuite que le racisme est mauvais! Ils ne vont évidemment pas nous dire franchement qu’ils veulent s’attaquer à nos salaires afin d’augmenter encore plus leurs profits. Non, ils vont prétendre que c’est à cause des bas salaires des autres travailleurs et pour rester « compétitifs ».

    Le terreau de l’extrême-droite

    La pauvreté augmente

    – risque de pauvreté en Belgique: 15,2%

    – risque de pauvreté des chômeurs: 32%

    – risque de pauvreté des locataires: 24,6%

    Le travail au noir: imposer des salaires plus bas et de moins bonnes conditions de travail

    -En 1998, le travail en noir a été estimé représenter en Belgique entre 12 et 20 % du PIB. La Commission Européenne déclare que ce type de travail est en augmentation partout en Europe.

    -Selon des chiffres de la Direction générale Contrôle des lois sociales, il s’avère que 40 % des entreprises contrôlées est coupable de travail au noir. L’embauche de sans-papiers en fait partie. Des 14.611 entreprises contrôlées en 2002, 547 d’entre exploitaient des sans-papiers.

    Le logement de plus en plus cher

    – Le prix d’un appartement à Saint-Gilles (Bruxelles) a augmenté de 46 % en deux ans (chiffre de 2005).

    – Entre 1997 et 2004, le prix moyen d’un appartement en Flandre a augmenté de 260% (de 45.300 euros à 128.702 euros).

    – Les loyers bruxellois ont augmenté en moyenne de 25 % entre 1998 et 2001et de 70% entre 2001 et 2005.

    Comment lutter contre le racisme?

    La situation difficile dans laquelle se retrouvent beaucoup de travailleurs et de chômeurs et les discours du gouvernement et du patronat offrent un terreau fertile aux opinions racistes et à leur croissance. Alors que la pauvreté grandit (15 % des Belges sont officiellement pauvres), nous devons travailler toujours plus, être plus rentables, dans des emplois toujours plus précaires alors que les richesses augmentent. Le racisme peut ainsi fleurir et s’épanouir.

    A défaut d’instruments pour organiser la lutte contre la politique néolibérale et antisociale, une marge de manoeuvre existe pour l’extrême-droite en tant que moyen d’expression électorale d’un mécontement passif. Il faut forger des instruments de lutte (des syndicats combatifs et démocratiques, un nouveau parti des travailleurs) avec lesquels nous pourrons réclamer des comptes aux vrais responsables plutôt qu’à ceux qui sont encore plus mal lotis que nous.

    Dans une Carte blanche parue dans plusieurs quotidiens flamands sous le titre “Le racisme est notre responsabilité collective”, une série de militants de gauche, de professeurs et de philosophes expliquent qu’il est temps d’une “réflexion collective, politique et sociétale”. Ils déclarent qu’il est nécessaire de se servir de tous les moyens juridiques et politiques possibles contre le Vlaams Belang. Ils demandent aussi que toutes les discriminations soient combattues, notamment au moyens des quotas d’embauche, et que les médias luttent contre le racisme au quotidien.

    Avec de telles mesures, on peut prédire que le racisme ne diminuera pas. Car c’est la politique néolibérale qui doit clairement être mise en cause et combatue. Face au chômage parmi les immigrés et les jeunes, il faut une redistribution du travail: 32 heures sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.

    Des opinions racistes ne peuvent être combattues que sur base d’une telle lutte unifiée. Lors des piquets et actions contre le Pacte des Générations, ce qui était demandé en premier lieu à un travailleur, ce n’était pas de quelle origine il était, mais plutôt quelle était sa volonté d’action contre les attaques sur nos pensions.

    L’absence d’alternative politique pour les travailleurs permet au racisme de croître. De nouveaux procès contre le VB ne vont pas y changer grand chose, au contraire. La meilleure arme pour combattre le racisme est la création d’un nouveau parti des travailleurs capable de lier la lutte quotidienne à un programme politique visant à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et de leurs familles. En nous battant ensemble pour nos droits, les véritables responsables des problèmes politiques vont se démasquer. Et il sera clair alors qu’il ne s’agit pas du voisin d’origine marocaine, mais des patrons dont les profits exorbitants sont fait sur notre dos à tous.

    Transformer le mécontentement passif en résistance active, voilà à la fois le défi pour un nouveau parti des travailleurs et la seule possibilité de lutter efficacement contre la croissance électorale continue de l’extrême-droite.

    La tristesse est-elle d’Anvers?

    Le conseil communal d’Anvers a essayé de dominer entièrement les protestations. La Marche Silencieuse du 26 mai avait comme slogan principal “ Het verdriet is van A ” (Jeu de mot : La tristesse vient de vous/ la tristesse vient d’Anvers). La Gazet Van Antwerpen a écrit que le slogan « était associé à la campagne de promotion de la ville d’Anvers avec la lettre « A » ensoleillée. C’est pourquoi un autre slogan plus neutre aurait été plus adéquat.”

    Le conseil communal d’Anvers veut intégrer la tristesse et la colère face aux meurtres dans sa campagne publicitaire alors qu’il affirme vouloir éviter la récupération politique… Et ce n’était qu’après une forte insistance des familles des victimes qu’un slogan contre le racisme a été ajouté !

    En solidarité et en sympathie avec les familles des victimes, nous n’avons pas voulu manifester contre l’interdiction d’opinions allant à l’encontre du conseil communal qui a organisé la marche. Mais c’est aussi à cause de notre sympathie et de notre solidarité que nous voulons nous organiser pour mener une politique efficace contre le racisme et le terreau sur lequel il peut se développer.

    Pour cela, nous devons aller à contre-courant d’un conseil communal qui s’intéresse surtout aux projets de prestige et aux campagnes publicitaires et pas aux attentes réelles des travailleurs et leurs familles.

  • Néoliberalisme = plus de pauvreté. En Belgique aussi

    Classé au 9e rang mondial du dernier rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement sur 177 pays, la Belgique serait un pays où il fait bon vivre! De quoi justifier probablement les désirs du patronat de diminution de salaire et autres sérieux coups de dents sur nos conditions de vie.

    Nicolas Croes

    Un eldorado du bien-être, la Belgique? Sur une population de 10 millions d’habitants, 1,5 million vit dans la pauvreté. 15% de pauvres (officiellement…) dans un des pays les plus développé au monde! Alors qu’en 1994, 59.461 personnes avaient recours à l’aide de la Banque Alimentaire, il s’agissait en 2004 de 104.000 personnes!

    En terme de scolarisation, notre pays fait très fort également puisque 1 jeune sur 8 quitte le circuit scolaire sans diplôme secondaire. L’enseignement élitiste que nous prépare joyeusement nos dirigeants aidera à modifier cette donnée dans le sens, bien sûr, qui permettra à nos entreprises de profiter encore plus d’une main d’oeuvre non-qualifiée corvéable à merci.

    Avoir un emploi n’est déjà plus synonyme d’être à l’abri du besoin. Actuellement, c’est 6% des travailleurs qui vivent sous le seuil de pauvreté.

    Sous la pression des luttes des travailleurs, et profitant d’une situation économique plus favorable, le pouvoir d’achat des belges avait doublé entre 1958 et 1979, pour s’effondrer ensuite. Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas récupéré le niveau de 1979 alors que selon la Banque Nationale de belgique, les entreprises ont connu une progression de bénéfices de 24% en 2004.

  • Ne pas politiser le débat revient à laisser la voie libre aux politiciens traditionnels

    Autour du meurtre de Joe

    Durant tout le déroulement de l’affaire, l’ensemble des politiciens n’a eu de cesse de demander que la politique soit muette sur ce sujet, ce qui ne les a cependant pas empêché d’être omniprésents dans les colonnes de la presse ou dans les reportages des informations télévisées. L’idée d’empêcher toute récupération politique de ce triste événement revenait à laisser cette récupération uniquement aux mains des partis politiques traditionnels.

    Nicolas Croes

    Ainsi, le lendemain de la Marche Silencieuse du 23 avril qui a rassemblé 80.000 personnes dans un même sentiment de solidarité avec la famille de la victime et de rejet de cette violence qui peut sembler absurde, on a pu lire dans les colonnes du Soir les réactions d’Elio Di Rupo et de Didier Reynders.

    Le président du PS et bourgmestre de Mons a ainsi pu mettre en avant la nécessité de renforcer la police de proximité… avant de parler de l’exemple de Mons où cela a été fait et où « ça va bien ». Au-delà du fait qu’un habitant de cette ville peut rapidement se rendre compte que ça ne va pas aussi bien qu’il le proclame, une telle déclaration dans la presse à l’approche des communales ressemble furieusement à de la récupération politique.

    De même Didier Reynders a pu parler de tout et de rien (« il faudra travailler à plus de sécurité par rapport aux jeunes », « l’arrestation des coupables doit intervenir le plus rapidement possible »,…) en terminant par « gare à toute tentative de récupération politique. On a évité ça jusqu’à présent, que ça continue ». Voilà une belle demande de la part de quelqu’un qui, étant à Washington pour une réunion du Fonds Monétaire International, ne pourrait pas autant en profiter que d’autres s’il était laissé plus d’opportunités de débattre politiquement de cette affaire.

    L’hypocrisie des politiciens traditionnels a tout simplement été révoltante dans le suivi de cette affaire, et le gouvernement n’était pas en reste. Pour un gouvernement bloqué depuis de nombreux mois et duquel rien ne sort si ce n’est des preuves de l’incapacité à répondre aux attentes des travailleurs et de leurs familles (ce dont ils n’ont globalement que peu à faire), il s’agissait là d’un moyen à bon marché pour se montrer apte à quelque chose d’autre qu’à appliquer les plans d’austérité du patronat. La presse a ainsi été unanime pour féliciter le trio qui assure dans la crise (titre d’un article du Soir du 26 avril), trio composé du chef du gouvernement Verhofstadt, du ministre de l’Intérieur Patrick Dewael et de la ministre de la Justice Laurette Onkelinx. Il faut dire qu’il s’agissait d’une histoire de gestion de la communication, et si il y a bien un domaine dans lequel nos politiciens professionnels excellent faute d’avoir un véritable programme à défendre autre que celui des patrons, c’est bien celui-là.

    Il y avait également la crainte de voir l’appareil politique aussi décrédibilisé qu’en 1996 à l’époque de la Marche Blanche. Un proche du Premier ministre a d’ailleurs déclaré que « son obsession était d’éviter la comparaison avec les évènements de 1996, l’affaire Dutroux, la marche Blanche, quand le « système » était mis en cause, les politiciens cloués au pilori pour leur indifférence.…».

    Par contre, en terme de proposition pour régler véritablement le problème, c’est-à-dire pas seulement s’occuper du moment présent, mais s’atteler à ce que de pareilles douleurs n’arrivent plus à personne, le gouvernement remontre l’étendue de son décalage avec la situation réelle. On peut résumer les propositions effectuées par ces mots : répression, répression, et encore de la répression. Laurette Onkelinx, actuellement Ministre de la Justice, montre décidément plus d’enthousiasme à créer de l’emploi à la police (3.200 supplémentaires) qu’à en préserver dans son secteur à l’époque où elle était Ministre de l’Enseignement. Alors qu’il y a quasi-unanimité pour dénoncer le fait que plus de répression ne permettra pas de régler le problème – tout juste de faire baisser la pression de la rue (mais peut-être est-ce là sa véritable intention ?) – ce cruel rappel des licenciements dans un enseignement dont le manque de moyen a été éclairé par cette crise tombe mal. Mais aucun journaliste ne mentionne ce genre de chose, et c’est parfois dans le courrier des lecteurs que l’on peut avoir les meilleurs articles…

    De plus personne ne sait actuellement ou trouver l’argent de cet « ambitieux » projet. A force d’avoir octroyé baisses de charges sur baisses de charges au patronat, le gouvernement n’a presque plus rien, et certainement pas pour améliorer nos conditions de vie qui ne cessent de se détériorer. En cas de protestations trop importantes contre la casse de nos acquis sociaux, des services public, etc, les policiers et cameras supplémentaires, si l’on arrive à les payer, seront d’une utilité précieuse pour nos dirigeants…

    Le premier ministre Verhofstadt disait espérer que le signal de la Marche Silentieuse aurait comme résultat une diminution de la violence au sein de la jeunesse. En ce sens, la manifestation n’est pour lui qu’à voir que comme un appel à la responsabilité. D’après Verhofstadt, c’est la responsabilité individuelle des parents – qui doivent avoir assez de temps pour s’occuper de leurs enfants – qui est primordiale. La responsabilité du gouvernement ne se limiterait qu’à augmenter la répression.

    Mais la raison pour laquelle beaucoup de familles, et pas seulement polonaises, ont en Belgique peu de temps disponible pour leurs enfants est que ces fammilles doivent travailler toujours plus afin de survivre. Comment Verhofstadt pense-t-il résoudre cela? En attaquant encore les salaires? Le pouvoir d’achat des travailleurs Belges a déjà bien diminué ces vingt dernières années, et de nouvelles coupes salariales n’auront comme résultat que d’accroître encore le temps de travail nécessaire à garder un même niveau de vie.

    Tant le renforcement de la répression que la vitesse à laquelle les politiciens ont annoncé la création d’une nouvelle prison pour jeunes sont en contradiction flagrante avec les besoins du secteur de l’accompagnement de la jeunesse. Ce manque de moyens a été illustré au début de cette année par les actions effectuées par ce secteur en Flandres. Si au nord du pays les cas d’application d’accompagnement de jeunes « difficiles » ont augmenté de 25%, le budget, lui, n’a pas évolué en conséquence. Au vu de cette situation, les problèmes ne peuvent que s’amplifier.

    La construction de nouvelles prisons pour jeunes est finalement fort révélatrice de la politique actuelle: une politique qui ne s’occupe que des conséquences des problèmes au lieu de s’attaquer à leurs causes.

  • 80.000 manifestants après la mort de Joe Van Holsbeeck. Une manifestation de solidarité impressionnante

    Ce dimanche 23 avril, une manifestation à travers les rues de Bruxelles a rassemblé 80.000 personnes, expression de la solidarité envers la famille et les amis de Joe Van Holsbeeck tout autant que de la condamnation unanime de cette violence inutile. Quelques membres du MAS/LSP étaient présents dans le même élan de solidarité. De cette Marche Silencieuse pouvait se faire entendre un puissant cri appelant à une société plus sûre, plus sociale, plus solidaire.

    Si la thématique de la sécurité était bien sûre évoquée par toutes les personnes avec qui nos militants ont engagé une conversation, très peu mettaient en avant la nécessité de renforcer la présence policière. Plutôt que de répression, c’était la nécessité de plus de prévention qui était fortement présente dans les discussions, notamment par l’intermédiaire de notre enseignement. Quant aux causes de cet acte, c’est la frustration de l’absence de moyens face à une société qui ne cherche qu’à promouvoir la possession matérielle qui était unanimement évoquée.

    Le souvenir de la Marche Blanche en 1996 vient de suite à l’esprit. La Marche Blanche était bien sûre plus grande, surtout grâce aux mobilisations qui la précédèrent, mais il s’agissait là également d’une expression spontanée et justifiée d’un sentiment de mécontentement vis-à-vis de la sécurité en général au sein de notre société.

    Bien des parents présents à ces manifestations étaient inquiets de notre futur, mais aussi et surtout de celui de nos enfants. C’est un fait que la société d’aujourd’hui devient de plus en plus dure et incertaine. L’insécurité s’installe dans tous les aspects de la vie des travailleurs et de leurs familles, que cela soit par rapport à l’emploi, au revenu, au logement, à la santé, aux pensions, à l’intégrité physique,…

    Une violence inutile

    La médiatisation de ce meurtre a donné l’opportunité à presque tous les politiciens traditionnels de donner leur avis sur les faits, tout en niant la « récupération politique ». Ils étaient cependant bien tous présents dans la presse, en s’abstenant bien entendu de faire une seule remarque critique sur la politique de ces 20 dernières années.

    Beaucoup de discussions ont eu lieu sur la violence inutile et la nécessité de l’endiguer, mais jamais il n’y a eu d’explication sur la raison pour laquelle un tel phénomène peut se développer. Une société incapable de donner un sens utile à la vie doit en payer le prix.

    Un courrier de lecteur dans le journal flamand « De Standaard » disait : « Il y a 50 ans, quand j’étais encore enfant, il n’y avait pas d’insécurité objective ou subjective. Mais il y avait partout des gardiens. Dans les parcs il a y avait des gardiens. Dans les gares, des contrôleurs de tickets et de voies. Dans les trams et les bus des chauffeurs et des contrôleurs de tickets. Dans les grands bâtiments publics des concierges, même dans les ascenseurs il y avait du personnel… Maintenant on paie des gens pour être sans emploi à la maison, et toutes ces tâches n’existent plus. Ces gens se trouvent exclus et ils ne participent pas à la vie sociale. Est-ce mieux ? »

    Ce courrier de lecteur exprime les changements survenus dans la société ces 20 dernières années. Les services publics ont été « rationalisés », occasionnant à la fois la suppression de dizaines de milliers d’emplois et la diminution de services publics. Il n’est que trop facile d’évoquer la responsabilité parentale lorsqu’on constate qu’au même moment des crèches sont fermées, ou rendues moins accessibles, qu’il y a des assainissements dans l’enseignement, et que de nombreux parents sont forcés de s’adapter à des horaires de plus en plus flexibles pour des salaires de plus en plus bas. En Belgique, 15% de la population est sous le seuil officiel de pauvreté, ce qui est trop facilement expliqué par la responsabilité individuelle de ces pauvres. Cela n’explique en rien pourquoi ce chiffre a doublé depuis 7 ans.

    De véritables socialistes sont pour une sécurité sociale forte, ce qui implique bien plus que des allocations et des assurances. Cela implique aussi le fait d’avoir une place dans la société, de vivre dans un milieu sain et sûr, de travailler et de vivre dans une situation stable,… Ces éléments de sécurité ont fondu comme neige au soleil durant les 20 années précédentes.

    Sécurité pour tous

    La seule réponse des politiciens traditionnels face à l’inégalité croissante est plus d’inégalité et de répression. La résistance contre cette inégalité est de plus présentée comme « conservatrice ». En France, lors du mouvement contre le CPE et la précarité, des jeunes et des générations plus âgées se sont mobilisées contre l’insécurité de l’emploi pour la jeunesse. Une rédactrice de « De Standaard », Mia Doornaart, a osé décrire ce mouvement comme « un réflexe conservateur ». Elle disait également que « Les étudiants d’aujourd’hui vont connaître moins de sécurité, mais plus de défis. »

    De véritables socialistes veulent lutter pour plus de sécurité pour tous. Dans la société actuelle, seules comptent la compétition et la maximalisation des profits. Dans ce processus, des couches sans cesses plus larges de la population se retrouvent misent de côté, ce qui mène à une société plus dure. Mais pour la classe dirigeante, cela n’est aucunement un problème. Augmenter la répression n’aboutira pas à une solution.

    La lutte contre la violence inutile est la lutte pour un bon avenir pour tous. Un futur dans lequel un MP3 ne sera pas une raison pour tuer. Pour cela, on ne peut pas accorder sa confiance aux politiciens traditionnels qui ont déjà démontré l’étendue de leur incapacité.

    Il faut rompre avec la logique du système actuel et de ses représentants politiques.

  • Budget de l’Etat : le dessous des cartes

    Continuant sur sa lancée entamée en 1999, la majorité socialiste-libérale continue à réduire le déficit du budget de l’Etat. Pas de quoi pavoiser pour autant…

    Xavier Dupret

    Pour la septième année consécutive, le gouvernement annonce un budget en (relatif) équilibre avec un besoin de liquidités pour financer le déficit budgétaire (ce que les spécialistes appellent le « solde net à financer ») s’élevant à seulement 0,9% du Produit Intérieur Brut (PIB). Tout irait-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes? Pas si sûr…

    Car la dette du passé continue à peser lourdement sur les finances publiques belges. C’est ainsi que le remboursement de la dette s’élève à plus de 25,5 milliards d’euros, soit une augmentation de près de 5% par rapport à l’an dernier. Si on additionne le « solde net à financer » à cet énorme poids de la dette, on obtient ce que l’on appelle le « solde brut à financer ». Celui-ci s’élève à 28,2 milliards d’euros et a connu une augmentation de… 64% depuis 1999. Ce qui signifie que, depuis toutes ces années, on bouche un trou pour en creuser un autre. D’un côté, on réduit le déficit du budget. Et de l’autre, avec les moyens ainsi libérés, on rembourse avec entrain la dette. Mais ce petit jeu n’a rien d’innocent.

    Le remboursement de la dette de l’Etat représente en effet une dépense improductive dans la mesure où elle ne bénéficie qu’aux seuls banquiers qui perçoivent des intérêts sur le capital. Sachant que les profits des grandes banques belges se sont élevés, cette année, à 9,8 milliards d’euros, on ne trouvera guère matière à se réjouir des réalisations financières de la coalition violette. Et ce n’est pas tout hélas! Car, si le remboursement de la dette ne profite qu’aux seuls capitalistes du secteur financier, le budget de l’Etat, couvre, lui, l’ensemble des besoins de la nation. En clair, ce gouvernement favorise les profits du secteur bancaire en négligeant les besoins sociaux de la population.

    Et dire que depuis 10 ans, «on» nous présente cette politique comme inévitable et que chaque famille politique représentée au Parlement a fait sien ce credo. Pensée unique, parti unique!

    (NDLR : les chiffres cités dans cet article ont été repris sur le site du SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie : http://statbel.fgov.be/figures/d45_fr.asp)

  • Pour un nouveau parti des travailleurs! Mais pourquoi alors construire aussi un parti révolutionnaire?

    Le Mouvement pour une Alternative Socialiste/Linkse Socialistische Partij appelle depuis longtemps déjà à la création d’un nouveau parti qui puisse reprendre la bannière de la défense des travailleurs des mains des partis "socialistes", bien plus habitués à tenir des stylos de luxe pour signer des accords honteux avec le patronat qu’à revêtir les gants de la lutte.

    Nicolas Croes

    Mais un parti révolutionnaire, tel que celui que nous construisons depuis des années en Belgique et au niveau international, ne pourrait-il pas porter ces gants?

    Les révolutionnaires ont presque toujours été minoritaires dans la société. Faut-il voir là une preuve de la faillite des idées révolutionnaires? Non, il s’agit plutôt de l’expression de la puissance de l’idéologie dominante dans une société, c’est-à-dire celle de la classe dominante, celle de la bourgeoisie. Ce n’est que lorsque les contradictions du système d’exploitation capitaliste apparaissent au grand jour que l’espace se créé pour une large pénétration des idées révolutionnaires au sein des masses.

    Le révolutionnaire italien Antonio Gramsci comparait ainsi le capitalisme des pays développés à une forteresse protégée par un champ composé de mines aussi diverses que l’influence néfaste de la presse bourgeoise, la mainmise de la religion sur les esprits ou l’intégration des directions syndicales ou des partis ouvriers dans la gestion du capitalisme.

    Mais quand on parle de partis ouvriers, on ne peut que constater avec quel enthousiasme PS et SPa ont emprunté le chemin du néo-libéralisme, délaissant les travailleurs et les chômeurs pour se tourner de plus en plus vers les classes moyennes aisées et remplaçant l’activité régulière de leurs militants par les « coups de pub » des bureaux de communication.

    Abandonnés, laissés pour compte, attaqués par ceux-là même qui hier encore prétendaient les défendre (à défaut de l’avoir fait), les travailleurs se sentent désorientés. Cependant, peu d’entre eux sont déjà prêts à tirer des conclusions révolutionnaires de leur situation. Ils ont besoin d’un échelon intermédiaire, d’un moyen par lequel chaque travailleur pourra faire son expérience sur un terrain politique cadenassé aujourd’hui par les défenseurs du patronat. Et cet outil indispensable pour repartir à l’assaut face aux attaques qui ne cessent d’arriver, c’est un nouveau parti de masse des travailleurs.

    Des partis allant dans ce sens peuvent rapidement obtenir des succès en terme de nombre de membres, de soutien de syndicalistes ou même de percée électorale (ce qui est déjà le cas dans plusieurs pays, voir l’article qui parle des cas allemands et hollandais).

    Mais le rôle des révolutionnaires ne se limite pas à aider à construire de tels partis. Car il ne suffit pas de s’opposer à la politique néo-libérale pour résoudre les problèmes qui se posent aux masses des travailleurs chaque jour forcés de courber l’échine. Des problèmes d’orientation peuvent apparaître rapidement. Ainsi, le SP hollandais participe à des coalitions locales qui ont pris des mesures de privatisation et c’est également le cas du PDS en Allemagne. En Italie, la direction du Parti de la Refondation Communiste (PRC), sous la pression de la volonté de vaincre Berlusconi, est entrée dans la coalition sociale-libérale de Romano Prodi et s’affirme prête à rentrer dans un gouvernement « de gauche ». Mais en lieu et place d’une politique de gauche, les partis dominants de cette coalition veulent opter pour une politique libérale modérée.

    L’acceptation de la logique du système capitaliste ne peut mener qu’à plus encore d’oppression pour les travailleurs. Une orientation socialiste conséquente, et donc révolutionnaire, est à terme le seul moyen d’éviter de brûler sa crédibilité.. Cela exige un parti démocratique, mais également efficace, donc réellement collectif où l’ambition personnel est transformé en ambition collective. Un nouveau parti des travailleurs se doit d’organiser la lutte sur le terrain, car c’est là, dans les entreprises, les écoles, les quartiers, que se trouve la véritable majorité et pas dans les petites manoeuvres au parlement.

    Pour que cette orientation puisse démontrer la gigantesque étendue de son potentiel, les forces révolutionnaires doivent non seulement rester organisées au sein de ces nouveaux partis, elles doivent aussi s’y renforcer et peser de tout leur poids dans le travail pratique. « Une once de pratique vaut mieux qu’une tonne de théorie », disait Lénine, et après un siècle, cette réflexion n’a rien perdu de sa justesse. Les discussions et débats sur le socialisme ne sont pas des palabres sur un futur hypothétique, mais un moyen indispensable d’orienter les luttes d’aujourd’hui!

  • “C’est une connerie de dire que nos salaires sont trop élevés”

    Cette déclaration n’est pas faite par Xavier Verboven (FGTB), ni par Luc Cortebeeck (CSC), mais par le professeur d’économie de Louvain Paul De Grauwe, un des économes libéraux belge les plus connu et ex-sénateur du VLD. Au moment où tous les partis traditionels, et le Vlaams Belang, disent avec le soutien de la presse bourgeoise que les coûts salariaux sont trop haut en Belgique et poussent à une modération salariale, ce professeur dit que c’est une connerie…

    Karel Mortier

    …et qu’il s’agit d’une « stratégie cachée » des employeurs pour faire augmenter encore leurs profits. « Si les employeurs disent que les coûts salariaux sont trop hauts, ils disent en fait qu’ils veulent faire plus de profits. Pourtant, ces entreprises ont fait de solides profits ces dernières années. Qu’on arrête donc cette connerie sur les coûts salariaux trop élevés. »

    Les entreprises font des profits records d’année en année et les salaires des managers swinguent à mort, mais on doit néanmoins croire que les salaires des travailleurs sont trop élevés. Apparemment même quelques économes libéraux se rendent compte que ce n’est pas correct. Les salaires des managers et des politiciens, selon eux-mêmes, sont par contre trop bas. Selon Marcel Rottiers de Towers Perrin les topmanagers belges « doivent rattraper un retard » sur leurs collègues à l’extérieur qui gagnent encore bien plus. Il prévoit alors que les salaires des managers en Belgique vont encore augmenter. Aujourd’hui les topmanagers en Belgique gagnent en moyenne 1 million de dollars, mais apparemment ce n’est pas encore assez.

    Le président de la Chambre Herman De Croo (VLD) prend l’occasion de la publication des salaires confortables des managers des entreprises de l’Etat pour dire: «Je constate que le premier (ministre) et moi gagnons la moitié de, par exemple, Jannie Haek (administrateur délégué de la SNCB). C’est trop peu. Je trouve que les politiciens dirigeants pourraient gagner plus. » Ceux qui disent sans cesse que les coûts salariaux sont trop importants n’ont visiblement aucun problème avec le fait que leurs propres coûts salariaux crèvent le plafond.

    Le SP.a qui, par l’intermédiaire de son porte-parole Frank Vandenbroucke, a ouvert l’attaque sur les salaires des travailleurs et qui, pour la tantième fois, a donc ridiculisé ces partenaires « priviligiés » à la FGTB, essaye de mettre le professeur dans un coin « extrème-libéral », selon la stratégie de Vande Lanotte durant les actions contre le Pacte des Générations qui avait déclaré que celui qui se détourne de la « gauche » (en parlant du SPa !) se tourne vers la droite. Vandenbroucke n’a pas trouvé mieux que d’avouer que la sécurité sociale a été dépouillée pour faire baisser les coûts salariaux. « De plus, ces dernières années, on a appliqué des diminutions de charges monumentales, entre autre avec de l’argent de la sécurité sociale. Ce n’était pas destiné aux augmentations salariales, mais pour la compétitivité. » Cette dernière décennie, le pouvoir d’achat de la majorité des travailleurs a par contre baissé, donc l’argent n’a certainement pas disparu dans les poches des travailleurs, mais dans ceux des actionnaires des entreprises, qui n’ont pas utilisés les diminutions de charges pour employer des travailleurs supplémentaires, mais pour augmenter leurs profits. La FEB dit par contre que « ce que De Grauwe dit est plus extrème que ce que déclarent les gens de la gauche du débat. » Plus extrème que Frank Vandenbroucke ? Il faut le faire !

    Il est clair que les partis bourgeois et les organisations d’employeurs sont emmerdés par la déclaration du professeur. Car cette déclaration vient à un moment où le gouvernement essaye d’imposer la modération syndicale aux syndicats en préparation des négociations interprofessionnels prochaines en essayant de venir à la conclusion d’un accord-cadre. Le but est de faire diminuer les salaires bruts sans (immédiatement) toucher aux salaires nets en diminuant aussi les impôts. Le problème, c’est qu’avec cela la baisse des revenus de l’Etat va finalement quand même être mise sur le dos des travailleurs par une augmentation des impôts et la diminution des allocations ou des services sociaux.

    Ceux qui reprochent aux syndicats d’être irresponsables et de penser à court terme, n’ont pas de problèmes pour vider les caisses de la sécurité sociale pour temporairement satisfaire la soif de profits des patrons. Si même un top-économe libéral, collaborateur régulier du Financial Times, dit que les coûts salariaux ne sont pas un problème en Belgique et que tout cela va dans le sens d’un agenda «caché » de la FEB pour faire augmenter encore les profits de leurs membres, il est clair que les syndicats ne peuvent pas concéder le moindre pouce aux gouvernement et employeurs.

  • Les raisons cachées des poussées communautaires

    Les prochaines élections fédérales auront lieu dans un an et demi mais un parfum de campagne électorale flotte déjà dans l’air. Et, comme toujours en Belgique, ce parfum a de très forts relents de surenchère communautaire.

    Jean Peltier

    La principale raison de ce climat de pré-campagne est que le gouvernement Verhofstadt 2 cafouille fréquemment et n’avance plus guère. Certes, il a fait passer son Pacte de Solidarité entre les Générations mais il a dû, devant les grèves et les manifestations, l’amender et modérer sérieusement ses ambitions de « réforme ». Depuis lors, le projet d’un Pacte de Compétitivité, qui devrait inclure blocage des salaires et nouveaux tripatouillages de l’index, a été envoyé à de laborieuses discussions entre patrons et syndicats. On reste à des années-lumière de l’objectif avancé fièrement par Verhofstadt en 2003 de créer 200.000 emplois nouveaux en quatre ans et les taux de chômage ne bougent pas. Pour le reste, chaque ministre annonçant à grand fracas une « idée nouvelle » – les chèques-mazout, le blocage des loyers,… – se trouve rapidement contredite par un autre.

    La coalition libérale-socialiste paraît donc bien fatiguée mais personne ne pense réellement qu’une autre formule, en particulier le retour à la formule « classique » chrétiennesocialiste, aurait plus de punch et de succès, vu la ressemblance frappante des orientations et des programmes entre tous les grands partis. Dès lors, chaque parti a tendance à se replier sur le domaine qui coûte le moins et peut rapporter le plus électoralement: les déclarations communautaires incendiaires.

    Du côté flamand, les propositions fusent à jet continu. Le CD&V veut mettre le paquet pour que la Flandre se dote de sa propre Constitution. Vande Lanotte, le nouveau président du SP.a, veut régionaliser rapidement la politique de l’emploi,… Côté francophone, ces revendications sont présentées systématiquement comme la preuve que les Flamands bien portants et égoïstes veulent abandonner à son sort une Wallonie appauvrie et embourbée dans les difficultés économiques.

    Dès lors, en retour, tous les partis francophones se sont remis à rouler des mécaniques sur le thème bien connu « Wallons et Bruxellois unis, nous n’accepterons aucune nouvelle réforme institutionnelle que les Flamands voudraient nous imposer et on verra bien leur tête après cela». Le tout emballé dans de nobles considérations sur le maintien de la solidarité entre les régions et les personnes, la défense des plus faibles, la lutte contre le séparatisme et l’intolérance,… Au cours des deux derniers mois, tous les partis francophones, PS, MR, CDh, FDF et même Ecolo, ont entonné le même refrain guerrier.

    Cette touchante unité des partis dans chaque région n’annonce pourtant rien de bon pour les travailleurs, au Sud comme au Nord. Car le raisonnement commun des dirigeants francophones est simple. «La Wallonie va mal économiquement. Il n’y a pas de salut en dehors de gros investissements venant du secteur privé (que le Plan Marshall de Di Rupo est sensé attirer). Il faudra au moins vingt ans pour redresser la région. Pendant ce temps, pas question d’accepter des réformes institutionnelles qui entraîneraient une baisse des transferts financiers venant de Flandre, notamment en matière de sécurité sociale, parce que cela plomberait les projets de relance. Mais, quoiqu’il arrive, pendant ces vingt ans, il va falloir continuer à se serrer la ceinture et utiliser les rares armes qui nous restent (les salaires sont plus bas en Wallonie qu’en Flandre !) pour séduire le patronat».

    Côté flamand, ce n’est pas mieux. Car si la situation économique y est – relativement – meilleure, dirigeants patronaux et politiques savent que la moindre crise économique réduirait cet avantage à peu de choses, relancerait l’attrait des délocalisations et ferait grimper le chômage. Dans cette perspective, l’attrait d’une plus grande autonomie vis-à-vis de la Wallonie est moins de pouvoir garder un peu plus d’argent flamand dans les caisses régionales que d’affaiblir le mouvement syndical flamand et le contraindre à la modération en le coupant des « bastions durs » wallons.

    Se laisser gagner par la fièvre communautaire montante serait dramatique pour le mouvement syndical et les travailleurs. Seule une lutte commune peut permettre de bloquer la poursuite d’une politique néo-libérale qui fait – et fera – autant de dégâts dans les trois régions.

  • ÉNERGIE: Nos intérêts ne sont pas les leurs

    Un sommet européen vient de se tenir à Bruxelles. Au menu: la politique énergétique. Le consommateur, à l’heure des grandes manoeuvres spéculatives, y trouvera t-il- son compte? On peut en douter…

    Xavier Dupret

    Energie: du monopole public au monopole privé…

    La construction européenne, basée sur le libre-échange, a entrepris, dès 2002, le démantèlement des monopoles nationaux en vigueur dans les Etats-Membres. Le projet européen de libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz poursuit plusieurs objectifs: favoriser l’émergence d’un marché européen de l’énergie unifié, accroître la compétitivité des entreprises européennes du secteur de l’énergie face à leurs concurrents internationaux, faire profiter les consommateurs (professionnels en particulier) des baisses de prix sur le marché de l’énergie entraînées par la restauration de la libre concurrence. On fera remarquer, dès le départ, que la baisse des tarifs concerne en priorité les gros consommateurs (les entreprises).

    En laissant les coudées franches à de grands groupes, on risquait de favoriser l’apparition de monopoles privés au niveau européen, non sans conséquences d’ailleurs. « Les résultats observés sur les marchés européens sont mitigés au regard des objectifs initiaux : forte volatilité des prix de l’électricité sur plusieurs marchés européens, recrudescence croissante des incidents » (1.) Ce genre de remarque permet de voir où le bât blesse. C’est qu’avant la libéralisation, l’existence de monopoles trouvait son explication dans les investissements nécessaires à la mise en oeuvre de la production d’énergie. Au total, la libéralisation aura juste permis un transfert de propriété du public vers le privé. A la clé: une perte de contrôle démocratique sur le secteur de l’énergie.

    Electrabel: la poule aux oeufs d’or

    La libéralisation a eu très vite ses effets sur le marché intérieur belge. C’est ainsi qu’Electrabel est passé sous le contrôle de Suez pour en devenir le pôle d’électricité. Le passage a été progressif. Au départ, Suez, groupe de service aux collectivités et spécialisé dans l’énergie, détenait déjà 50,1% des parts de la société belge. En août 2005, les actionnaires minoritaires ont été dégagés et Electrabel est passé sous le contrôle total de Suez. Cette stratégie de consolidation répondait à un souci de protection. Enel (Ente Nazionale per l’Energia Elettrica), la société nationale italienne d’électricité, principal producteur d’énergie électrique du pays, a fait connaître son souhait de se porter acquéreur d’Electrabel qui est très rentable puisque ses centrales sont amorties depuis longtemps.

    Evidemment, pour capter Electrabel, il fallait passer par Suez qui n’a jamais voulu lâcher la poule aux oeufs d’or. Résultat des courses : après avoir fait l’objet d’une tentative de rachat par ENEL, Suez a décidé de fusionner avec Gaz de France (GDF). Suez restera français, Electrabel aussi.

    De l’eau dans le gaz en Belgique

    Outre l’électricité, Suez est également, en Belgique, à la tête du principal réseau de stockage et de distribution de gaz, via ses filiales Fluxys et Distrigaz. Le projet de fusion avec GDF -qui vend du gaz en direct en Belgique et qui y est aussi le second producteur d’électricité via sa filiale SPE (qu’il contrôle avec le britannique Centrica) – aboutirait, donc, à la création d’un monopole énergétique. Evidemment, les garanties pour le consommateur sont des plus minces. L’Europe du libre marché n’aura pas eu pour effet, chez nous, d’accroître la concurrence, bien au contraire. Et à quelques mois des communales, ça fait désordre. D’où l’intervention du Premier Ministre. Les pistes avancées sont soit une cession d’actifs en Belgique par GDF et Suez soit le démantèlement pur et simple d’Electrabel. La solution préconisée par les libéraux flamands – et les écologistes francophones ! – tendrait plutôt à casser Electrabel avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer. Car si le secteur belge de l’électricité devait se caractériser par un grand nombre d’opérateurs individuels, le principe de concurrence reposerait aussi par une renégociation des acquis des travailleurs du secteur, compression des coûts oblige. Pour rappel, le bénéfice d’Electrabel a grimpé de 60,4% l’année dernière. Décidément, cette Europe n’est pas la nôtre…

    (1) 10ème session du cycle de conférences de politique énergétique organisé conjointement par le Commissariat général au Plan, Paris, février 2004

  • Libéralisation des marchés: Ce sont les actionnaires qui y gagnent, pas nous!

    Et vous, vous vous en sortez ? Depuis la libéralisation du secteur télécom, nous avons le choix entre 26 opérateurs et 65 tarifs. Pour fournir l’énergie, nous disposons de 6 fournisseurs privés différents, en plus de 9 intercommunales mixtes et de deux sociétés de contrôle. Depuis le 1er janvier, nous avons la possibilité de passer par plusieurs sociétés privées pour un envoi postal de plus de 50 grammes. Le transport ferroviaire de marchandises a déjà été libéralisé et le transport de voyageurs s’y prépare aussi.

    Eric Byl

    Tout cela serait, paraît-il, avantageux pour “le consommateur”, c’est-à-dire vous, moi et nos familles. Mais, pour sortir de cette jungle des fournisseurs et des tarifs, le consommateur devra être quelqu’un de super-informé, ayant beaucoup de temps libre, capable de déchiffrer les contrats jusque dans les petites lettres et disposant d’une connexion au réseau internet. Combien de personnes répondent à ces critères ? Sur le « marché de l’électricité », seuls 12% des usagers ont changé de fournisseur (De Morgen, 14.01.2006). Et une personne sur deux a déjà constaté des problèmes, allant de factures vagues ou erronées à un mauvais service après-vente en passant par l’absence de factures intermédiaires (De Standaard, 13.01.2006).

    Profits nets 2005

    • Suez: 2,08 millards d’€, 48% de plus qu’en 2004
    • Electrabel et Distrigas: 1,28 millard d’€, 79% de plus qu’en 2004
    • Nuon: 1,14 millard d’€, 18% de plus qu’en 2004 Les actionnaires de Nuon ont reçu 322 million d’€ en dividendes, contre 119 million d’€ en 2004
    • La moitié des utilisateurs ont connu des problèmes après avoir changé de fournisseur d’énergie: facture en retard, double facturage, …
    • Pannes électriques avec 5 cm de neige tombée!
    • 22.000 « compteurs de budget » en 2005 contre 11.600 entre 2002 et 2004
    • 10.800 emplois perdus à Belgacom en 10 ans

    En Flandre, où la libéralisation du secteur de l’énergie s’est appliquée plus tôt, le parti «socialiste» (SP.a) commence à réaliser qu’il y a un problème et constate que “souvent les défavorisés sont victimes de leur ignorance… Souvent ils ne savent même pas qu’ils sont libres de chercher un fournisseur d’énergie bon marché”. (De Standaard, 25.05.2005). Présenté de cette manière, il semblerait que c’est parce que nous sommes des crétins que nous payons trop ! Les fournisseurs ne montrent pas plus de respect : l’année passée, 36.000 foyers ont vu leur électricité coupée par leur fournisseur et n’ont plus droit qu’à la fourniture minimum des distributeurs, soit 7,5% de plus que l’année précédente. En 2004, 2.250 foyers ont subi une coupure totale. Les chiffres pour 2005 ne paraîtront qu’au milieu de 2006, mais on sait déjà que ce nombre à fortement augmenté. Une nouvelle expression est née en Flandre : les « energiearmen », les “pauvres à cause de l’énergie”.

    Mais il y a aussi des « riches à cause de l’énergie ». En 2005, le profit net de Belgacom a été de 959 million d’€, dont 500 millions ont été versés aux actionnaires. Bellens, le patron de Belgacom, reçoit chaque jour un salaire comparable au salaire mensuel de 6 membres du personnel. Et, ici aussi, ce sont d’autres consommateurs – ceux qui travaillent ou qui ont travaillé dans les sociétés actuellement libéralisés – qui ont fait les frais de la fête : entre 1996 et juin 2005, le personnel de Belgacom à diminué de 24.309 à 13.569 travailleurs, ce qui a coûté aux contribuables 250 millions d’€ en allocations et en pertes de rentrées.

    Ce n’est pas mieux ailleurs. A La Poste travaillent actuellement 35.000 postiers, 9.000 de moins qu’il y a 10 ans. Chez Electrabel, le personnel a manifesté pendant Batibouw contre le non-respect de la garantie d’emploi pourtant inscrite depuis 40 ans dans les conventions collectives. Rien d’étonnant alors qu’en terme de services, la libéralisation soit une affaire foireuse, au point qu’à l’occasion des nombreuses pannes d’électricité qui se sont produites au cours de cet hiver, Freddy Willockx, le bourgmestre de St. Niklaas, a pu déclarer : “Je me demande si je vis en Amérique Latine ou en Europe Occidentale”.

    Ces derniers jours, on commence à discuter ouvertement, au gouvernement et dans la presse, de l’échec de la libéralisation du marché d’électricité. Pas à cause de ses conséquences antisociales (il ne faut pas rêver !), mais parce qu’Electrabel renforcera encore son monopole de fait si la fusion entre sa société-mère Suez et Gaz de France a lieu. Vande Lanotte, président du SP.a, affirme avoir la solution: “Il faut refaire la libéralisation du marché d’énergie”. Non merci, Monsieur, on a déjà donné. Ce que nous voulons, c’est un vrai service public accessible à tous, de bonne qualité et à prix raisonnable. Mais, pour cela, il faudrait oser tailler dans les profits de tous ceux qui se sont enrichis grâce à la libéralisation.

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