Category: Asie

  • Où va la Chine ?

    Emeutes au Tibet, crise économique, etc. Le régime chinois est un gigantesque paquebot pris dans une tempête et qui commence à craqueler de toutes parts…

    Le Tibet proteste contre l’oppression nationale

    Les récentes émeutes qui ont éclaté au Tibet ont des racines autant ethniques qu’économiques. Dans cette région – la plus pauvre de Chine – les banques, restaurants ou commerces sont le plus souvent contrôlés par des chinois aisés de l’ethnie Han alors que les tibétains sont confrontés au racisme, au chômage et aux brutalités policières. En conséquence, les émeutes ont pu parfois prendre un dangereux caractère ethnique.

    Le régime de Pékin – bien que surpris par la violence du mouvement – a réagi en déployant les forces armées, en bloquant internet et les téléphones portables, en interdisant à tout journaliste indépendant du régime de se rendre sur place,… Tout cela a été accompagné de la plus grande campagne de désinformation que le pays ait connu depuis longtemps.

    Le gouvernement chinois a accusé le Dalaï Lama d’être l’instigateur des émeutes. Mais ce dernier a toujours été plutôt « conciliant » face à Pékin et refuse l’indépendance au bénéfice d’un système similaire à celui de Hong-Kong. Plus marquante encore est son absence totale de critiques face à la situation économique rencontrée par « son peuple ». En fait, l’explosion de la colère tibétaine est plutôt un signe de l’affaiblissement de l’autorité politique du Dalaï Lama et de son gouvernement en exil.

    Nous sommes pour le droit à l’autodétermination du peuple tibétain. Mais dans le cadre du système capitaliste – et vu la situation tant économique que géopolitique de la région – l’indépendance du Tibet ne conduirait qu’à l’asservissement non seulement face à la chine, mais aussi face à l’Inde et aux USA. Les masses tibétaines doivent être maîtresses de leur destinée et doivent donc lutter pour le contrôle de leur économie. Cela ne peut se faire qu’en luttant pour une société socialiste avec une économie démocratiquement planifiée où les moyens de productions appartiennent aux travailleurs, qu’ils soient Hans ou tibétains.

    Le socialisme? La Chine se dirige ailleurs…

    Une telle société est aux antipodes de la Chine actuelle. Après la révolution de 1949, malgré le caractère bureaucratique du régime chinois, l’introduction d’une économie planifiée a apporté nombre d’avantages sociaux (dans le domaine de l’enseignement, de la santé publique, du logement, etc.) Mais aujourd’hui, dans les campagnes, le système de santé n’existe même plus. Et même s’il y avait encore assez de médecins, la population ne pourrait pas s’offrir leurs services. C’est donc sans surprise que se développent régulièrement des foyers d’infections. Ne parlons des transports en commun dans les grandes villes: ceux-ci sont soit volontairement laissé à un stade de développement préhistorique (4 lignes de métro seulement pour tout Pékin) soit soumis au capitalisme. Les compagnies de bus de Pékin se font ainsi concurrence, bien qu’elles appartiennent au même propriétaire : l’Etat. Les prix ne diminuent pas pour autant, bien au contraire. Enfin il est important de préciser que le système scolaire est payant.

    Une société où des services élémentaires tels que les soins de santé ou la scolarité sont soit payant soit absent et où la répression et la brutalité sont quotidiennement présentes ne peut se dire socialiste.

    Une récente pénurie de carburant a pris place car les dirigeants de Pétrochina (tous membres du Parti « Communiste ») voulaient augmenter les prix. Le gouvernement, qui craint une inflation trop forte, a tenté de résister et un bras de fer a donc eu lieu avec à la clé une victoire de la compagnie et des difficultés en plus pour la population victime de la pénurie. Quel est le degré de contrôle qu’exerce encore le gouvernement chinois sur les entreprises? Il est clair que les staliniens chinois quittent de plus en plus l’économie planifiée et que les principes capitalistes régissent des pans toujours plus grands de l’économie.

    Crise économique : Quel impact ?

    Jusqu’il y a peu, les dirigeants chinois pensaient que la crise des subprimes ne les menaceraient pas, mais leur prévisions sont maintenant nettement plus pessimistes. La Chine exporte beaucoup vers les USA, et la crise qui s’y développe est un problème d’autant plus préoccupant que la monnaie chinoise a gagné 20% en un an par rapport au dollar et les exportations sont donc plus coûteuses. Il est vrai que la moitié des exportations chinoises restent sur le continent asiatique, mais tous ces pays exportent eux aussi beaucoup vers les USA. S’ils ne peuvent plus y exporter leur production, ils n’importeront plus celle de la Chine.

    En Chine, 90% des logements sont privés (contre 60% en Europe), ce qui entraîne une augmentation du coût de la vie. Les travailleurs doivent s’endetter pour payer leur logement, mais les prix ne cessent d’augmenter. Jusqu’à quel point les travailleurs chinois pourront-ils rembourser? Il est en fait très probable que la crise – en plus de se transmettre – se reproduise en Chine.

    Cette crise est la hantise des dirigeants chinois. Les 10% de croissance annuelle constituent leur meilleur argument pour convaincre le peuple du bien fondé de leur politique. Dans l’hypothèse où la croissance tomberait sous les 7%, le pays serait en récession économique. Le Parti « Communiste » peut à l’avenir se décomposer, sous la pression des protestations sociales massives et des tendances vers l’autonomie au sein de la bureaucratie régnante et de la population.

    Les marxistes doivent dans cette situation soutenir les revendications pour l’obtention des droits démocratiques, mais en les liants à la renationalisation de l’économie, cette fois sous le contrôle des travailleurs.


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  • Misère, révolte, répression et grande politique

    Tibet

    Depuis le 10 mars, de violentes émeutes ont éclaté au Tibet. Le mécontentement s’est ensuite propagé dans les provinces voisines. Le régime dictatorial «communiste» a alors employé les grands moyens: verrouillage de quartiers entiers de la capitale Lhassa, déploiement de plusieurs milliers de policiers, violences généralisées,… Il y aurait eu une centaine de morts.

    Par Thibaud Mertens

    « Il y aurait », car seuls les médias chinois sont autorisés et leur point de vue n’est pas des plus objectifs… Le Dalaï Lama a initialement appelé à la retenue mais, devant les réactions internationales, il a critiqué plus durement Pékin, même si ses revendications se centrent sur la préservation de l’identité culturelle tibétaine. Rien sur les conditions misérables dans lesquelles vit « son peuple » dans ce qui est la région la plus pauvre de Chine. Est-ce si étonnant ? Quel serait son intérêt à voir une révolte des travailleurs, quelle serait son influence après cela ?

    Pourquoi une telle médiatisation des troubles au Tibet alors qu’en Chine les manifestations des travailleurs et paysans passent largement inaperçues ? Tout simplement parce les multinationales ont besoin de l’exploitation des travailleurs chinois pour maintenir leurs profits et que, pour que cette exploitation continue, des violences policières (et autres) sont nécessaires.

    Dans le même ordre d’idée, ce n’est pas par philanthropie que le monde s’intéresse au Tibet : les grandes puissances se battent pour le contrôle des richesses de la région et tout ce qui peut déstabiliser la Chine est utile. Bien évidemment, ces manœuvres en sous-main ne sont pas accompagnées de vraies critiques du système chinois.

    En résumé, tout le monde ira aux JO !

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  • Le Tibet en éruption !

    La répression brutale rencontre une faible réaction des gouvernements étrangers.

    Des milliers de membres de la police paramilitaire et de soldats ont été déployés à Lhassa, la capitale tibétaine, après les protestations les plus sérieuses contre la domination chinoise depuis presque 20 années. Plus de 80 personnes ont été tuées et des centaines ont été blessées selon les groupes tibétains en exil, alors que pour les sources officielles de la Chine et de la Région autonome du Tibet, il y a eu tout au plus 16 tués, dont trois jeunes tibétains qui sont « morts en sautant d’un toit ».

    Vincent Kolo, Hong Kong, article publié le mardi 18 mars sur chinaworker.info

    Les protestations ont commencé il y a plus d’une semaine et ont culminés dans une émeute importante dans la capitale tibétaine ce vendredi 14 mars où plus de 300 maisons et magasins ont été brûlés selon les sources officielles. Le dimanche 16 et le lundi 17, les protestations se sont répandues aux régions tibétaines des provinces voisines de Sichuan, Qinghai et Gansu, et un sitting d’une centaine d’étudiants tibétains a même eu lieu dans un parc du district de Haidian, dans la capitale chinoise, Pékin.

    A moins de cinq mois des Jeux Olympiques, la dictature chinoise semble avoir opté pour une répression massive et rapide des protestations tibétaines en comptant sur de faibles protestations de la part des puissances étrangères capitalistes qui dépendent de plus en plus de la Chine économiquement. Comme cela était prévisible, les USA, l’Union Européenne et d’autres gouvernements ont émis les « inquiétudes » habituelles ; mais ont également fait clairement entendre que les protestations tibétaines et la répression n’affecteront en rien leurs relations avec Pékin.

    Dans la région, les gouvernements indien et népalais, où l’ancienne guérilla maoïste a quatre ministres au gouvernement, ont usé de la force contre les manifestations de solidarité avec les protestataires tibétains. À Lhassa, les derniers rapports indiquent que les recherchent se font maison par maison pour trouver les « émeutiers » dans les quartiers tibétains de la ville, les médias officiels qualifiant l’opération de « guerre » contre les forces séparatistes (c’est-à-dire pour l’indépendance). Un état de loi martiale larvé existe à Lhassa et dans d’autres secteurs tibétains et des rapports non confirmés relatent la mort ce dimanche 16 mars de huit protestataires tibétains dans la région d’Aba, dans la province de Sichuan.

    Plutôt que de restaurer la «stabilité», la nouvelle démonstration de terreur d’Etat (peut-être calculée pour « pacifier » le Tibet avant que les jeux olympiques ne commencent en août) ne fera qu’empirer une situation déjà explosive. La jeunesse tibétaine – issue pour la plupart des campagnes où vivent toujours les trois quarts de la population tibétaine – mène une existence de plus en plus désespérée à Lhassa et dans d’autres villes où elle espère trouver du travail, mais ne rencontre que la discrimination, le harcèlement brutal de la police et la concurrence exacerbée des colons chinois Han pour chaque travail.

    En dépit d’un développement spectaculaire du secteur de la construction et d’une économie qui a connu l’an dernier une croissance de 13.8%, la Région autonome du Tibet connaît un des fossés les plus grands entre riches et pauvres, les Tibétains de souche étant dans le deuxième groupe. Les revenus du Tibet, principalement rural, sont seulement équivalents à un tiers de la moyenne pour la Chine dans son ensemble. Tandis que de riches Chinois Han conduisent des voitures étrangères de luxe dans les villes comme Lhassa, nombreux sont ceux qui, dans la jeunesse tibétaine, sont forcés de se tourner vers le crime ou la prostitution. L’afflux de commerçants Han et de petites entreprises, caractéristiques de ces dernières années, a accéléré l’ouverture de la nouvelle ligne de chemin de fer, mais cela n’a en fait que marginalisé plus encore les pauvres tibétains. Alors que l’ethnie tibétaine compose encore officiellement 78% de la population de Lhassa, si on prend en compte les travailleurs issus d’autres provinces ainsi que les soldats de l’Armée Populaire de Libération, il y a alors une majorité de 60% de Han dans la capitale tibétaine.

    Protestations dirigées par la “clique du Dalai Lama”?

    Il est extrêmement difficile de dire exactement ce qui se passe en raison du contrôle du régime sur les médias et l’information. Les journalistes étrangers ainsi que les équipes TV de Hong Kong et de Macao ont été expulsés du secteur et leurs films ont été confisqués. L’association des journalistes de Hong Kong (Hong Kong Association of Journalists) a émis une protestation au sujet du traitement de ses membres, dont beaucoup ont été retenus pendant des heures par les autorités chinoises avant d’être enfin libérés.

    La censure s’étend aussi à Internet ; non seulement des sites étrangers comme « YouTube » sont maintenant bloqués pour la durée des troubles tibétains, mais même le journal britannique « Guardian » ou d’autres sites d’information subissent momentanément le même sort que celui dont chinaworker.info fait régulièrement l’expérience. Sur les blogs et les forums chinois, n’importe quelle mention du Tibet est rapidement effacée par les censeurs. Dans le monde d’Internet, Tibet a déjà cessé d’exister !

    Le régime de Pékin est impliqué dans une guerre de propagande pour vendre sa version des événements à l’opinion publique chinoise ainsi qu’au reste du monde. Mais l’expulsion de tous les témoins indépendants – même les touristes – démontre clairement que la version des événements présentée par le régime ne peut pas être crédible. Les médias d’Etat ont été remplis de contes sinistres relatant des attaques vicieuses contre des civils Han. Le régime veut désespérément isolé les protestataires tibétains d’autres groupes opprimés – travailleurs qui combattent les fermetures d’usines, ceux qui protestent contre la pollution, les paysans qui résistent aux saisies de terre – dont les luttes entraînent une semblable réponse violente de la part de l’Etat chinois.

    Si la version officielle des événements était véridique, les autorités s’assureraient que les journalistes étrangers et les témoins oculaires la corroborent. Mais ils ont visiblement quelque chose à cacher. Selon le dicton, « la vérité est la première perte de la guerre ».

    Pékin accuse la « clique du Dalaï » d’avoir incité les protestations, une référence au chef spirituel bouddhiste tibétain et à son gouvernement en exil en Inde. Ce n’est clairement pas le cas. Plutôt que de revendiquer l’indépendance, le Dalai Lama a adopté une attitude conciliante envers Pékin en espérant une forme d’autonomie plus grande au sein de la Chine dans le style de celle dont jouit Hong Kong. Mais cette stratégie, qu’il appelle la « voie du milieu » est de plus en plus rejetée par les couches les plus radicales de la population tibétaine, en particulier la jeunesse.

    A l’instar de l’occupation israélienne et de la répression en Palestine qui ont miné l’autorité des plus « modérés » (c.-à-d. des pro-capitalistes et des organismes pro-occidentaux palestiniens comme le Fatah), l’explosion actuelle de la colère tibétaine est un signe de l’affaiblissement de l’autorité politique du Dalaï Lama et de son gouvernement en exil. Ces « guides » en exil ont basé leur stratégie sur l’obtention de l’appui des gouvernements étrangers, de l’ONU et d’autres agences capitalistes et impérialistes afin d’exercer une pression sur Pékin. Cela a été un insondable échec dans un monde où gouvernements et chefs d’entreprise se concurrencent de plus en plus les un les autres pour se soumettre à la dictature chinoise en échange de gains économiques.

    Les faiblesses du mouvement tibétain ont maintenant ouvertement éclaté. Un porte-parole du Congrès Tibétain de la Jeunesse a déclaré que le Dalaï Lama, en refusant de réclamer un boycott des Jeux Olympiques et en renonçant à la violence, était « dépassé » par l’humeur des Tibétains. Un instituteur tibétain de Dharamsala, en Inde (où se trouve le siège du gouvernement en exil), a déclaré à l’agence de presse AFP : « en ce moment, le Dalaï Lama est en dehors du processus. C’est un mouvement du peuple Tibétain ».

    Quelques couches de la jeunesse tibétaine regardent et approuvent la lutte de guérilla au Népal alors qu’au lieu de la lutte armée rurale menée par les maoïstes népalais, c’est en fait un mouvement de protestation urbain de masse ainsi qu’une grève en avril 2006 qui a mis fin au règne de la monarchie absolue.

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    Ci dessus: En Inde, répression de protestations tibétaines

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    Voilà le contexte qui se trouve derrière la dernière explosion des protestations. Le sentiment d’être trahi par le monde extérieur et abandonné par les dirigeants en exil est né des humiliations quotidiennes et continuelles sous la domination Han. Des sections plus radicales du mouvement tibétain, qui espèrent obtenir une attention avant les Jeux Olympiques ont placé leurs vues sur le 10 mars, ont voulu utiliser l’anniversaire du soulèvement de 1959 vaincu par la dictature chinoise. Les Tibétains exilés au nord de l’Inde ont alors organisé deux marches dans le but de franchir la frontière et de continuer vers Lhassa. Ces manifestations ont été détournées par les forces de sécurité indienne, mais cela a néanmoins obtenu un écho à l’intérieur du Tibet parmi la jeunesse, y compris chez les jeunes lamas (moines), qui ont occupé les rues. Tout a commencé par une série de marches de protestation non-violentes.

    Propagande de guerre

    Les protestations ont pris une envergure hors de tout contrôle le vendredi, avec une grande quantité d’émeutes, de pillages, d’incendies de magasins et de rapport d’attaques aveugles contre des civils Han, contre les pompiers et même contre des Tibétains. Les médias commandés par le régime ont naturellement donné une énorme prééminence aux entrevues avec les victimes de ces attaques hospitalisées. Dans un mouvement sans organisation ou direction, il est tout à fait possible qu’une couche de jeunes tibétains marginalisés aient participé à des attaques racistes contre des civils Han. Les socialistes et les travailleurs politiquement conscients ne pardonnent pas de telles actions. Mais nous devons également préciser que c’est un fait connu que les forces d’Etat envoient des agents provocateurs dans les manifestation et utilisent aussi des gangsters « loués » pour semer la confusion et le chaos afin de discréditer le mouvement de protestation et donner de ce fait un prétexte pour une répression impitoyable. C’est exactement le même modèle que l’an dernier en Birmanie, quand les conseillers militaires chinois ont donné des leçons particulières à la junte birmane sur la façon de scinder et écraser le mouvement de masse. La colère a monté et il n’y a aucun organisme démocratique pour canaliser la lutte dans des moyens plus disciplinés et plus efficaces de protestation comme la grève. De plus, il est assez commun en Chine que des mouvements de protestation attaquent et parfois brûlent des véhicules de police et des bâtiments gouvernementaux.

    Le régime chinois veut condamner la violence des manifestants et dépeindre les protestations tibétaines comme des pogroms raciste anti-Chinois afin de renforcer l’indignation nationaliste à travers la Chine pour noyer toute critique de la politique répressive au Tibet. Ainsi, l’éditorial d’un quotidien tibétain contrôlé par le régime a qualifié la situation de « combat de vie ou de mort », en faisant même appel aux associations militaires de « guerre » contre le séparatisme (c.-à-d. contre les revendications indépendantistes). L’attaque médiatique de Pékin vise également à neutraliser la critique internationale : Qiangba Puncog, le Président du gouvernement régional du Tibet a demandé à cet effet: « Y a-t-il un pays démocratique régit par la loi capable d’accepter une telle violence ? »

    Mais les méthodes brutales employées par les forces de sécurité dans les régions tibétaines sont aujourd’hui exactement les mêmes que celles employées contre les travailleurs et fermiers chinois Han chaque fois qu’ils luttent pour leurs droits. Pour cette raison, les travailleurs et les socialistes de partout devraient exiger la fin de la répression au Tibet, la levée immédiate de la loi martiale et le retrait de la police paramilitaire et des unités armées.

    La tragédie de la situation au Tibet, comme ailleurs en Chine, est l’absence complète d’organismes indépendants de la classe ouvrière – syndicats et partis politiques – qui pourraient organiser des groupes de défense de quartier multiethniques pour protéger les vies et les bâtiments tout en lançant une lutte commune des travailleurs Chinois Han et des pauvres tibétains contre les maux qui se posent aux deux communautés : les prix des denrées alimentaires qui sont pris dans une spirale ascendante, la pénurie de logements accessibles, le manque de travail pour les jeunes, ou encore l’effondrement des services publics.

    Parmi la jeunesse tibétaine, il y a un sentiment d’urgence – quelque chose doit être fait – même si ils ne sont pas exactement certains de ce qui devrait être fait. Les socialistes défendent le droit des tibétains de décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’indépendance, avec des droits et des garanties nationales intégraux pour la minorité chinoise Han et pour les autres groupes ethniques présents au Tibet.

    Pour réussir, le mouvement au Tibet doit entièrement tirer les leçons de sa propre histoire, mais également d’autres libérations nationales et luttes anti-despotiques, particulièrement dans l’ère du capitalisme et de l’impérialisme généralisés. Un regard autour de la région prouve que l’indépendance nationale sur une base capitaliste ne peut nullement résoudre les problèmes des masses appauvries.

    Prenez les exemples du Bhutan dit « indépendant » et du Népal. Ces Etats sont dominés par des puissances étrangères, ruinés par la pauvreté, et dirigés par des élites antidémocratiques et racistes. Pourtant, même ce type d’”indépendance” ne sera pas à portée de main pour le Tibet aussi longtemps que l’actuelle dictature pro-capitaliste règne en Chine.

    Même l’option du Dalai Lama d’une autonomie plus véritable semblable à celle obtenue par Hong Kong est impossible sur base de la puissance d’Etat existante en Chine. Le régime de Pékin tolère un degré large d’autonomie pour Hong Kong pour des raisons économiques et historiques particulières, mais craint à juste titre que des concessions semblables pour le Tibet n’ouvrent une boîte de Pandore de demandes d’autonomie d’autres provinces, ce qui menacerait la Chine d’un démantèlement territorial. En raison de leur propre prestige et puissance, le gouvernement autoritaire de Pékin ne peut récompenser l’insubordination tibétaine.

    Pour s’opposer à un Etat si puissant, soutenu d’ailleurs dans sa politique appliquée au Tibet par les capitalistes du monde entier, les masses tibétaines doivent donc lier leur lutte pour les droits démocratiques de base et pour la fin de l’occupation militaire chinoise à la lutte de la classe ouvrière chinoise surexploitée.

    La jeunesse tibétaine doit particulièrement soutenir et établir des liens avec la lutte de la jeunesse et des travailleurs chinois qui combattent le même oppresseur et recherchent fondamentalement les mêmes libertés : la fin du règne du parti unique et de la terreur policière, la liberté d’assemblée, la liberté d’expression et de culte religieux, le droit de s’organiser et l’abolition de l’exploitation de classe par la nationalisation de l’industrie sous contrôle et gestion démocratique des travailleurs.

    Le socialisme démocratique véritable n’a rien en commun avec les dictatures bureaucratiques de parti unique de Mao ou de Staline, et encore moins avec le « communisme » néo-libéral qui règne en Chine et dans la Région autonome du Tibet. En s’alliant également aux masses opprimées de la région de l’Inde et de l’Himalaya, la lutte du peuple tibétain – comme la lutte socialiste et anti-impérialiste – pourrait inspirer un mouvement continental pour mettre fin au système putréfié et corrompu du capitalisme et établir le socialisme international.

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  • Oppression des femmes en Iran: la lutte est nécessaire !

    Les lois portant sur l’infériorité de la femme en Iran illustrent à quel point la situation pour les femmes en Iran est des plus violentes sous le régime barbare des forces réactionnaires religieuses. Ainsi, une femme appartient à son père, puis à son conjoint dès qu’elle est mariée.

    Laure, EGA-ULB

    Ceux-ci ont le droit de vie ou de mort sur elle, ils peuvent la tuer par exemple s’ils estiment qu’elle a déshonoré la famille. Elle doit obtenir leur approbation si elle veut travailler, voyager,… La lapidation pour infidélité et les crimes d’honneur sont autorisés et choses courantes en Iran. Certaines femmes ont tout de même accès à des postes dirigeants, mais ce n’est que pour mieux cacher l’oppression qu’elles subissent, taire les révoltes et calmer la colère. Afin de mieux comprendre la situation et tracer des perspectives un retour historique est nécessaire.

    En 1979 a eut lieu la révolution contre la dictature du Shah. Les femmes ont d’ailleurs joué un rôle important pour faire renverser le régime. A l’époque, le parti communiste avait une grande autorité parmi les travailleurs et possédait un grand potentiel pour mener à bien la révolution. Mais malgré les aspirations socialistes de grand nombre de travailleurs et de femmes, la direction du PC n’a pas saisi ce potentiel. Leur stratégie était, à l’instar des théories staliniennes, « Tous contre le Shah, les ennemis de nos ennemis sont nos amis ! ». Ainsi, ils s’allièrent avec tous ceux qui prétendaient combattre le régime, quel que soit ce qu’ils comptaient mettre à la place. De cette façon, ils contribuèrent à la mise en place du régime fondamentaliste islamique dirigé par Khomeini. Deux semaines après qu’il ait accédé au pouvoir, ce dernier proclama l’obligation du port du voile. Le lendemain (le 8 mars 1979), deux millions de femmes (voilées ou non) étaient dans la rue pour s’opposer à l’imposition et défendre leur droit d’en décider. Leur lutte a obligé Khomeini de reculer temporairement. Du moment que le mouvement des femmes s’est affaibli, le régime réactionnaire a pu imposer l’obligation du port du voile.

    Aujourd’hui, la situation est celle que l’on sait, pourtant cela n’empêche pas le courage des femmes iraniennes de lutter contre leur oppression. Elles constituent une force importante et représente notamment 60% des étudiants. Ce n’est donc pas un hasard si elles n’ont pas le droit de s’organiser sur leur lieu de travail. Le régime islamique utilise l’oppression des femmes comme outil pour opprimer l’ensemble de la classe ouvrière et pour la diviser. Mais la lutte des femmes contre leur oppression doit être élargie en lutte contre le régime réactionnaire et contre l’oppression qu’il fait subir à l’ensemble des travailleurs, les jeunes, les homosexuels, les minorités religieuses, etc. Ce n’est pas certainement l’impérialisme américain ou l’instauration d’une société capitaliste qui permettra aux femmes d’être réellement libérées. En Europe, sur le plan légal la lutte des femmes a obtenu l’égalité mais sur le plan économique une inégalité de fait entre les hommes et les femmes persiste. Elles n’assurent pas non plus le bien être aux travailleurs, ni quelconque égalité entre eux et leurs patrons. La lutte pour l’émancipation des femmes en Iran, tout comme la lutte pour l’émancipation de l’ensemble de la classe ouvrière ne pourra aboutir que lors de l’avènement d’une société socialiste. L’expérience de la révolution de 1979 a démontré que cette lutte ne pourra être menée que dans une unité de classe (non dans l’alliance avec des personnes dont les intérêts sont divergeants) dont les protagonistes auront pour seul objectif l’avènement d’une telle société. Une société dans laquelle l’économie sera démocratiquement planifiée par et pour la population et non en fonction des profits et des privilèges d’une poignée, comme c’est le cas aujourd’hui, en Iran ou ici.

  • Pakistan : Malgré l’appel au changement, aucune grande modification en vue

    Comme prévu, le parti du président Musharraf a subi une défaite lors des élections pakistanaises. L’appel au changement a amené certains à voter pour les partis d’opposition – le PPP (parti du peuple pakistanais, mené par Asif Ali Zardari, le veuf de Benazir Bhutto) et le PML-N (la Ligue musulmane, menée par Nawaz Sharif) – et d’autres à s’abstenir. S’il est clair qu’on a voté contre Musharraf, on ne peut pas dire que la confiance soit grande envers les partis d’opposition.

    Article de Geert Cool

    Les chiffres

    Lors des élections de ce lundi 18 février, 272 sièges ont été directement attribués dans les circonscriptions électorales, 70 autres sièges sont réservés à des femmes et à des minorités religieuses et seront attribués proportionnellement aux résultats des partis. Au total, le parlement pakistanais comptera donc 342 sièges.

    Les élections ayant été reportées à certains endroits, il n’y a provisoirement que 337 sièges : 113 pour le PPP, 84 pour le PML-N de Sharif et 55 pour le parti de Musharraf, le PML-Q. Le parti nationaliste local MQM, allié fidèle de Musharraf, obtient 25 sièges à Karachi. Les fondamentalistes musulmans du MMA ont été quasiment évincés dans la province frontalière du nord-ouest. Ils ont subi une lourde défaite, après une période de participation au gouvernement de coalition provincial. Nationalement, Le MMA n’obtient plus que 7 sièges, contre 63 en 2002. Le fait que les islamistes soient rayés de la carte n’a pas fait la « une » des médias occidentaux mais a assurément une grande importance.

    Les chiffres indiquent que, avec 197 sièges, une majorité PPP et PML-N serait possible. Cependant, ils devront s’allier avec d’autres partenaires s’ils veulent atteindre la majorité des 2/3 requise pour pouvoir modifier la Constitution.

    Les médias occidentaux se sont surtout focalisés sur le rôle du PPP et avaient prévu une grande victoire pour le parti de Benazir Bhutto. Le PPP a, en effet, obtenu un bon score (avec un gain de 32 sièges) mais c’est surtout le score important du 2e parti, le PML-N, qui est frappant, alors qu’il était moins attendu par les médias. Le PML-N passe de 19 à 84 sièges (avec de bons scores surtout dans la province du Punjab). Ce n’est pas étonnant : le chef du parti, Nawaz Sharif, s’était résolument élevé contre Musharraf et est ainsi apparu, encore plus que le PPP, comme une figure d’opposition.

    La direction du PPP avait, quant-à-elle, communiqué le fait qu’un gouvernement de coalition avec le parti de Musharraf ne constituerait pas un problème fondamental pour elle. Un tel partage du pouvoir était le point de départ du PPP avant l’assassinat de Bhutto mais le scénario n’a pas été changé après sa mort.

    En outre, dans les cercles politiques pakistanais, une grande importance est accordée au rôle d’un chef de parti, considéré comme le centre de ce parti. La disparition de Benazir Bhutto a, de ce fait, très certainement eu un effet négatif pour le PPP.

    A la suite des résultats, le PPP a modifié son attitude en annonçant vouloir former des coalitions avec d’autres partis d’opposition. Il veut réaliser de telles coalitions dans les 4 provinces et au niveau national. Le leader du parti, Zardari, a clairement mentionné le PLM-N comme un partenaire de coalition potentiel. Il a, en même temps, fait savoir qu’il ne songeait aucunement à une coalition avec le PLM-Q.

    L’attitude à adopter envers le président Musharraf sera certainement un point important de la discussion. En effet, Nawaz Sharif veut la démission de Musharraf, tandis que le PPP serait satisfait si le président ne remplissait plus qu’une fonction purement protocolaire, avec transmission du pouvoir au 1er ministre.

    La réalité derrière les chiffres

    Le faible taux de participation est le reflet du manque de confiance dans l’establishment politique. Il y a une immense insatisfaction, encore activée par les fortes augmentations des prix, ces derniers mois : la nourriture est devenue très chère. Aucun parti traditionnel n’a apporté de réponse à cela.

    Ces élections sont une défaite pour Musharraf mais pas encore une victoire pour les partis d’opposition qui vont peut-être former un gouvernement. Dans quelle mesure ces partis sont-ils prêts à rompre avec la politique néolibérale de Musharraf ?

    La seule raison pour laquelle Musharraf a renversé Nawaz Sharif par un coup d’Etat en 1999 était que celui-ci avait tenté de s’approprier le pouvoir sur l’armée. Il n’y avait pas de différence politique fondamentale, c’était uniquement une question de pouvoir.

    Quant au PPP, malgré son passé de force populaire de gauche et ses discours sur une « économie socialiste », il a aussi un programme néolibéral. Cela a été démontré à l’époque où Bhutto était au pouvoir, fin des années ’80 et dans les années ’90. L’insatisfaction est profonde et les élections démontrent la victoire de celui qui s’est exprimé le plus fort contre Musharraf. Les partis qui avaient localement participé à des coalitions provinciales ont aussi été sanctionnés. C’est, entre autres, le cas des islamistes dans la province frontalière du nord-ouest.

    Il n’y a pas de doute, la fraude et la corruption n’ont pas été absentes de ces élections. Une majorité des sièges avait été fixée au préalable, comme cela avait déjà été le cas en 2002 et, lors d’élections précédentes. Cela a déjà conduit bien des fois à des réactions et des bagarres. A la fin des années ‘70, la fraude électorale et la réaction contre celle-ci ont mené à la chute définitive du père de Bénazir Bhutto, Zulfikar Ali Bhutto (qui avait déjà perdu son soutien parce qu’il n’avait pas rompu avec le capitalisme).

    Mais, indépendamment de la fraude, le résultat général est assurément une expression relativement correcte du sentiment qui prédomine au Pakistan : un sentiment de dégoût envers Musharraf et sa clique.

    Et après ?

    La question centrale n’est pas tellement de savoir quel gouvernement de coalition sera formé et qui y prendra quelle fonction. Les mêmes grandes et puissantes familles qui contrôlent l’élite politique depuis déjà bien des années continueront de le faire.

    La question principale est de savoir quelle sera l’attitude de l’armée. Celle-ci contrôle une grande partie des services publics mais aussi un bon nombre d’entreprises privées du pays. De plus, l’armée est partout présente, dans la vie sociale et dans la rue. Il est peu probable celle-ci s’accroche au président Musharraf qui en a récemment démissionné pour pouvoir continuer à siéger en tant que président civil.

    L’armée essayera probablement d’arriver à un compromis avec le nouveau gouvernement. Si jamais celui-ci tentait de limiter le pouvoir de l’armée, il ne serait pas exclu qu’elle se remette à jouer un rôle politique plus actif comme en 1999, lorsque Musharraf, alors chef militaire, a, avec le soutien de l’armée, fomenté un coup d’Etat. Il est probable que l’armée admette que Musharraf soit sacrifié en tant que symbole et qu’il doive quitter la scène, mais la restriction de la puissance militaire ne pourra beaucoup déborder du terrain symbolique.

    Une autre question est de savoir quelle sera l’attitude des USA et ce que deviendra le soutien du Pakistan à la guerre américaine contre le terrorisme. Bush a déjà déclaré qu’il continuerait, avec Musharraf ou n’importe quel gouvernement démocratique.

    Cela ne sera assurément pas difficile : les leaders du PPP ont déjà tenté bien des fois de « se mettre bien » avec les USA et affirment vouloir mener le combat contre le fondamentalisme musulman. Cependant, la population pakistanaise éprouve une grande aversion envers l’impérialisme américain, notamment suite à la guerre en Afghanistan et en Irak. Si le nouveau gouvernement veut quelque peu conserver le fragile soutien de la population, il devra en tenir compte. D’autre part, la pression internationale venant des USA risque d’être très forte.

    Le nouveau gouvernement va se trouver devant le même dilemme que Musharraf : se laisser utiliser en tant qu’allié des USA dans la guerre contre le terrorisme (malgré l’aversion que la population éprouve pour cela) ou alors se déclarer « isolé », avec les sanctions qui pourraient en découler et le risque d’une confrontation avec l’armée pakistanaise qui pourrait profiter d’un affaiblissement international du gouvernement pour reprendre les rênes en main. En résumé, tous les ingrédients sont réunis pour aller vers une période d’instabilité et les partis traditionnels n’auront pas de solution à apporter.

    Quels que soient les choix des partis établis, la clé du changement ne se trouve pas chez eux. Les ouvriers et les paysans pauvres pakistanais doivent s’organiser dans leur opposition contre le pouvoir néolibéral, qui est défendu par tous les partis traditionnels et aussi par l’armée.

    Il est indispensable de rétablir à nouveau la tradition des organisations de travailleurs, sous la forme de syndicats et au niveau politique. La population pakistanaise a une énorme tradition de lutte pour le changement. Le mouvement révolutionnaire de 68-69 a totalement renversé la scène politique, avec un fort appel pour un changement socialiste. Aujourd’hui, l’appel au changement ne s’exprime peut-être pas aussi fort en termes d’alternative socialiste, mais l’insatisfaction à l’encontre des effets du capitalisme est grande.

    Le Socialist Movement Pakistan, notre organisation-sœur au Pakistan, y travaille, en construisant une force socialiste active dans la création de syndicats combatifs et la formation de cadres politiques susceptibles d’intervenir dans des situations de changement rapide, en présentant un programme socialiste conséquent.

    Liens

  • Le débat chinois. La contre-révolution capitaliste chinoise

    Dans notre série d’articles "Le Débat Chinois", entamée dans le numéro d’avril 2007 de Socialism Today (magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise de notre Internationale), nous publions ici un article de Vincent Kolo, qui offre son point de vue sur la nature de l’Etat chinois, sujet actuellement en débat dans notre internationale.

    Vincent Kolo

    La contre-révolution capitaliste chinoise

    Les marxistes, comme tout le monde d’ailleurs, débattent beaucoup au sujet de la Chine, un pays qui est devenu crucial dans les développements économiques et politiques au niveau mondial. Un aspect important de cette discussion est la manière dont nous considérons l’Etat chinois. Tout Etat (la police, l’armée, la justice et, dans le cas de la Chine, le Parti « Communiste » au pouvoir) est, comme l’a expliqué Lénine, « une machine destinée à maintenir la domination d’une classe sur une autre » (1). Mais dans le cas de la Chine, quelle est la classe dominée, et quelle est la classe dominante ?

    Cette discussion peut être énormément bénéfique dans l’approfondissement de notre compréhension des processus en Chine et des perspectives pour la période à venir. Notre point de départ est la contre-révolution sociale brutale des dernières deux décennies, qui a vu l’ancienne bureaucratie maoïste-stalinienne, à l’instar de ses alter-egos de l’Union Soviétique et d’Europe de l’Est, abandonner la planification centrale et passer à une position capitaliste. Si on nous demandait quelle classe en Chine a bénéficié de ce processus, nous répondrions sans hésiter que c’est la bourgeoisie, à la fois la bourgeoisie chinoise et la bourgeoisie mondiale. En 1949, la révolution chinoise a signifié un bouleversement dans le rapport de forces des différentes classes à l’échelle internationale. Aujourd’hui, la contre-révolution a complètement renversé ce rapport de force. Il n’y a absolument rien de progressiste dans l’Etat chinois actuel.

    La Chine d’aujourd’hui est synonyme d’ateliers de misère géants, et de la plus brutale exploitation du travail par le capitalisme domestique et mondial. La majorité de la « nouvelle » classe ouvrière industrielle, pour la plupart composée d’immigrés ruraux qui sont chez nous l’équivalent des immigrés « sans-papiers » d’Europe et d’Amérique, travaillent douze heures ou plus chaque jour, pour un salaire de misère, dans des usines non-sécurisées, sous un régime quasi-militaire, plein de règles et d’amendes. Cet édifice de super-exploitation est bâti autour de l’Etat répressif unipartiste du PCC (Parti « Communiste » Chinois), qui réprime violemment toute grève et toute tentative de construire des syndicats indépendants.

    Les propriétaires des usines et des mines, lesquels sont impliqués dans des « accidents » de travail effarants et en dépit de toute réglementation (136 000 morts au travail en 2004), sont protégés par les dirigeants du PCC et par la police. Après la mort de 123 mineurs l’an passé dans une mine de charbon de la province de Guangdong (Canton), il a été découvert que la moitié des actionnaires étaient des dirigeants du parti. Un officier de police avait des actions dans cette mine pour une valeur d’environ 30 millions de yuan (€2,8 millions).

    C’est là le portrait d’un capitalisme mafieux, aussi brutal et irresponsable que celui de Russie et d’autres régions de l’ancienne Union Soviétique. Les hauts échelons de l’Etat chinois, y compris le gouvernement central de Beijing (Pékin), sont maintenant complètement intégrés dans le système capitaliste mondial – grâce à la politique d’ouverture que le président Hu Jintao décrit comme étant « la pierre angulaire » du développement économique de la Chine. La conséquence est que la Chine a été retournée sens dessus-dessous, d’une des sociétés les plus égalitaires du monde à une des plus inégales – dont le gouffre entre riches et pauvres est plus grand que ceux des Etats-Unis, de l’Inde ou encore de la Russie. Ce programme « complètement capitaliste » est crucial dans toute discussion portant sur la nature de classe de l’Etat et du régime du PCC.

    « Néolibéralisme radical »

    « La Chine a mis en œuvre une politique néolibérale parmi les plus radicales au monde », explique Dale Wen, un auteur chinois, dont le rapport, « China copes with Globalisation » (2), fournit un des meilleurs résumés du soi-disant « processus de réformes ». Wen compare la politique des 20 dernières années aux programmes du FMI et de la Banque Mondiale dans le monde néocolonial, faisant remarquer que « la principale différence est que le gouvernement chinois applique ces mesures de plein gré ».

    Sous la pression des masses qui avaient été enthousiasmées par la révolution de 1949, l’Etat maoïste a fourni d’immenses améliorations sociales sur les plans de l’éducation, de la santé, du logement et de la réduction de la pauvreté. Cette politique était rendue possible par le fait que les bases économiques de cet Etat reposaient sur la propriété nationalisée et la planification centralisée, malgré leur confinement aux limites étroites d’un bureaucratisme national. La plupart de ces acquis sociaux ont été démantelés par la contre-révolution capitaliste. Tout ce qui reste pour les masses chinoises, sont les résidus du stalinisme – terreur policière et absence des plus élémentaires des droits démocratiques – combinés aux pires aspects du capitalisme – exploitation extrême et absence de tout réseau de sécurité sociale.

    Les faits suivants illustrent les effets dévastateurs de la politique du PCC :

    • Education: les fonds privés comptent maintenant pour 44% des coûts éducationnels totaux en Chine, la plus grande proportion au niveau mondial, excepté pour le Chili. Il n’existe plus aucune éducation gratuite. Les droits d’entrée normaux pour les écoles secondaires dans la plupart des villes s’élèvent à 200€ par an – l’équivalent de deux mois de salaire pour un salarié moyen. A Shanghai, le ménage moyen dépense 25% de son revenu en frais d’école (comparé à 10% aux Etats-Unis). Il y a plus d’un demi-million de professeurs sous-qualifiés, et des milliers d’écoles bas-de-gamme, non reconnues, qui rassemblent les 20 millions d’enfants d’immigrés privés d’accès aux écoles d’Etat. Le taux d’analphabétisation monte de plus en plus, dû à la décroche scolaire, en particulier dans les zones rurales et chez les filles.
    • Santé: le système des soins de santé chinois faisait à une époque rêver toute l’Asie. Aujourd’hui, le pourcentage de fonds privés dans les soins de santé est plus grand en Chine qu’aux Etats-Unis. A la campagne, un tiers des cliniques et des hôpitaux sont au bord de la faillite, et un autre tiers sont déjà fermés. Quatre cent millions de Chinois, un chiffre équivalent à la population totale de l’Union Européenne, ne peut plus se payer de docteur.
    • Un processus similaire s’est déroulé dans les logements et les transports.

    Le rôle de la Chine dans le monde

    Alors que l’économie mondiale est plus interconnectée que jamais, on ne peut se contenter d’approcher la question du caractère de classe de l’Etat et du régime chinois sur le seul plan national. La Chine est plus intégrée dans l’ordre capitaliste mondial que la Russie et les autres Etats staliniens. Les capitalistes étrangers contrôlent aujourd’hui un quart de la production industrielle chinoise (3). Le modèle économique du PCC est basé sur "un niveau d’ouverture inhabituellement élevé à l’économie mondiale – le commerce international compte pour 75% du PIB", selon Susan L Shirk (dans son livre "Fragile Superpower" (4)). Ce taux est équivalent au double de celui de l’Inde, et au triple de ceux du Japon, de la Russie ou des Etats-Unis.

    Le régime du PCC actuel est un instrument de la mondialisation du néolibéralisme. En aucun cas on ne peut dire que ce processus est ambigu : au contraire, il crève les yeux. Les entreprises chinoises, dont la plupart appartiennent à l’Etat, sont détestées à travers de larges couches en Afrique, en raison de leurs pratiques anti-syndicales, corrompues, illégales et polluantes. Les banques chinoises se sont révélées être aussi parasitaires que n’importe quelle autre banque dans le monde capitaliste – déversant par exemple des milliards de dollars dans les "dérivés" des subprimes américains. En Iraq et dans les autres pays débiteurs, les représentants chinois présentent des contrats avec exactement les mêmes conditions que celles exigées par les autres puissances capitalistes : privatisations, dérégulations et autres politiques néolibérales. Cette politique étrangère n’est bien entendu qu’une extension de la politique intérieure – il n’y a pas ici de grande muraille.

    La contre-révolution agraire

    On estime à 70 millions le nombre de paysans qui ont perdu leur terrain lors des vingt dernières années, expropriés pour faire de la place à la construction d’usines, de routes, et de projets de prestige tels que hôtels et terrains de golf. La plupart de ces expropriations étaient illégales, se jouant des tentatives du gouvernement central de contrôler ce processus.

    On retrouve plus d’une douzaine de magnats de l’immobilier sur la dernière liste du magazine Forbes des 40 plus grands milliardaires chinois. En tête de liste, se trouve Yáng Huíyàn, une dame âgée de 26 ans, à la tête d’un empire immobilier de Guăngdong, et dont la fortune personnelle en 2007 s’élevait à $16,2 milliards, cadeau de son père. En comparaison, une proportion stupéfiante de 42% de la population rurale a subi un déclin absolu de son revenu sur la période 2000-2002.

    Dans les années 1950’s, le régime de Mao avait nationalisé la terre, et cette mesure n’a pas été officiellement annulée, bien qu’une série de "réformes" partielles aient privatisé l’utilisation de la terre, tout en laissant à l’Etat la propriété du sol. Mais, comme l’a expliqué Lénine, la nationalisation de la terre ne constitue pas en elle-même un rempart contre le capitalisme : "Une telle réforme est-elle possible dans le cadre du capitalisme ? Elle n’est pas seulement possible, mais représente la forme la plus pure, la plus cohérente, la plus idéalement parfaite du capitalisme… selon la théorie de Marx, la nationalisation du sol signifie une élimination maximale des monopoles moyen-âgeux et des relations médiévales dans l’agriculture, une liberté maximale dans le rachat et la vente de terres, et une aisance maximale pour l’agriculture à s’adapter au marché" (Démocratie et narodnikisme en Chine, 15 juillet 1912).

    Un Etat en perte de vitesse

    En conséquence des "réformes" néolibérales et de la croissance capitaliste anarchique, le pouvoir économique de l’Etat s’est sérieusement dégradé. Elle est longue, la liste des sphères de l’économie sur lesquels le régime de Bĕijing a perdu tout contrôle : secteurs de la construction et de l’immobilier urbain, crédit et investissement, sécurité médicale et alimentaire, protection environnementale, marché du travail, la plupart de l’industrie manufacturière et, comme nous l’avons vu plus haut, l’attribution des terres agricoles.

    Chaque année, la Heritage Foundation, un cercle de réflexion capitaliste, produit un Index de la Liberté Economique, dans lequel la Chine dépasse régulièrement, et de loin, la Russie et les autres ex-Etats staliniens. Sous la catégorie "Liberté provenant du gouvernement", par exemple, basé sur un aperçu des dépenses gouvernementales et des privatisations, la Chine était jugée à 88,6% "libre" tandis que la Russie avait un score de 71,6%, et l’Ukraine seulement 61,9%. En Chine, la totalité des dépenses gouvernementales en 2006 équivalait 20,8% du PIB, un taux bien inférieur à celuide la Russie (33,6%), de l’Ukraine (39,4%), et à peine un tiers de celui de la Suède (56,7%).

    En Russie comme en Ukraine, les entreprises appartenant à l’Etat et la propriété gouvernementale de la propriété contribuent pour une part significativement plus élevée des revenus gouvernementaux, respectivement 6,1% et 5,6%, que par rapport à leur contribution au budget de l’Etat chinois, 3,1% (chiffres de 2006). Dans le contexte de l’Asie Orientale, avec sa tradition de "capitalisme d’Etat", la faiblesse de ce chiffre est encore plus flagrante. Les gouvernements malaisien et taiwanais tirent pour leur part 11,5% et 14,4% de leur revenu du secteur d’Etat respectivement.

    La taille du secteur d’Etat en lui-même n’est pas décisif pour la détermination de la nature de classe d’une société – quelle classe possède le pouvoir économique ? Dans son analyse du stalinisme, "La Révolution trahie", Léon Trotsky avait prédit qu’une contre-révolution bourgeoise en Union Soviétique serait forcée de conserver un important secteur d’Etat. En Chine, ceci est encore plus le cas, étant donné la tradition confucianiste d’intervention économique de la part du gouvernement, une influence répandue à travers toute l’Asie Orientale. Il existe aujourd’hui des pays qui ont un bien plus grand degré d’étatisation de l’économie que la Chine – l’Iran, par exemple, où l’Etat contrôle 80% de l’économie.

    Privatisation et restructuration

    Selon le Bureau National des Statistiques de septembre 2007, les entreprises étrangères et privées comptent maintenant pour 53% de la production industrielle de la Chine, une hausse de 41% depuis 2002. Les entreprises d’Etat y jouent toujours un rôle important, et prédominent dans la liste des plus grandes entreprises. Mais les seuls secteurs de l’industrie dans lesquels les entreprises d’Etat occupent une position dominante sont les mines, l’énergie et les services. Un rapport de l’OCDE de décembre 2005 révélait que les dans les 23 plus importants secteurs industriels, des textiles aux télécommunications via l’acier et les automobiles, le privé emploie les deux-tiers de la main d’œuvre et produit les deux-tiers de laa valeur ajoutée.

    Aujourd’hui, « les trois-quarts des employés urbains sont en-dehors du secteur d’Etat » (Shirk, "Fragile Superpower"). Ceci est le résultat du rythme frénétique des privatisations et restructurations du secteur d’Etat au cours de la dernière décennie, accélérée par les préceptes de l’OMC. Comme l’a dit Zhou Tianyong, professeur de l’Ecole du Parti du Comité Central du PCC, « le nombre d’employés des entreprises d’Etat et des coopératives est tombé de 130 millions de personnes dans les années 90’s, à 30 millions aujourd’hui » ("China Daily", 8 octobre 2007).

    En termes du nombre d’employés affectés, il ne fait aucun doute que ceci est le plus grand programme de privatisation jamais mis en vigueur dans aucun pays de tous les temps. Etant donné que l’agriculture avait déjà été privatisée dans les années ‘80, la vaste majorité des Chinois – plus de 90% – sont maintenant engagés dans le secteur privé.

    Aujourd’hui, le secteur d’Etat est un levier pour le développement de l’économie capitaliste, fournissant un cadre d’industries essentielles, telles que l’énergie et les communications, auxquelles on doit ajouter les investissements ciblés dans certains secteurs de haute technologie suivant les modèles japonais et coréens. Il serait incorrect de parler de secteurs "capitalistes" et "non-capitalistes", comme si le secteur d’Etat opérait sur une base alternative, non capitaliste.

    Les entreprises d’Etat chinoises ont été transformées, vague après vague de "réformes" corporatistes, de fusions et de licenciements, de rachats d’actions par les cadres, de recrutement de managers éduqués à l’Occident, de listings publics, de joint venture avec du capital étranger, et de différents niveaux de privatisation. Même lorsqu’un entreprise appartient totalement à l’Etat (ce qui est aujourd’hui devenu une rareté), elle père pour faire du profit, de la même manière qu’une entreprise privée. Parlant des attaques du gouvernement Thatcher sur les industries nationalisées en Grande-Bretagne, un journaliste du Financial Times a écrit que « la transformation de British Airways et de British Steel dans les années 80’s n’était pas le résultat d’une privatisation – c’est au contraire la transformation qui a précédé la privatisation et qui l’a rendue possible » (John Kay, 26 septembre 2007).

    C’est exactement cela qu’il s’est passé en Chine – mais sur une toute autre échelle. Les secteurs industriels et commerciaux consistent en unités complètement autonomes et, dans la plupart des cas, semi-privatisés. Ceci représente une forme de « capitalisme étatique » semblable à Gazprom, le conglomérat de l’énergie étatique qui produit à lui seul 8% du PIB russe.

    Investissements dirigés par l’Etat

    Il est vrai que l’essentiel des investissements en Chine proviennent du secteur d’Etat. Mais ceci est également le cas en Russie. En Chine, cependant, la plupart des décisions d’investissement sont prises sur le plan local, et très souvent en contradiction avec la politique du gouvernement central. Une grande proportion des dépenses d’infrastructure des gouvernements locaux va à des projets de prestige, destinés à attirer des « investisseurs » privés – hôtels de luxe, centres de conférences, nouveaux aéroports « internationaux », parcours de golf et centre commerciaux à moitié déserts.

    Ceci représente un gaspillage dément de fonds publics – commandé par un capitalisme débridé – et est le prélude à un crash économique similaire à celui qui a frappé l’Asie du Sud-Est il y a dix ans. Aucun gouvernement socialiste, ni même réformiste à l’ancienne, ne considérerait la question de l’investissement public d’une manière aussi criminelle. Mais aujourd’hui, chaque municipalité et région chinoise veut son lien direct avec le marché mondial, à une époque où la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger est proche de "l’extermination". Le besoin le plus pressant est de développer le marché interne chinois, mais cela ne peut être réalisé que par la rehausse du niveau de vie de la population, et la reconstruction des services publics de base tels que la santé, l’éducation et des logements décents – des secteurs dans lesquels les dirigeants locaux du PCC refusent catégoriquement d’investir.

    Le secteur bancaire chinois appartient en majorité à l’Etat. Mais cela également n’est pas un cas isolé, surtout en Asie. Les quatre plus grosses banques d’Etat chinoises (les "Big Four"") comptent pour 71% de tous les prêts bancaires, et 62% des dépôts. En comparaison, la plus grande banque d’Etat russe accapare 60% des dépôts des ménages et 40% des prêts. En Inde, les banques d’Etat reprennent 75% de toutes les opérations bancaires commerciales (Bank of International Settlements).

    Ce serait une erreur de juger les "réformes" néolibérales (privatisations partielles, fusions avec des entreprises étrangères) dans le secteur bancaire et les autres secteurs comme étant superficielles – les changements sont bien trop réels et extrêmement préjudiciables aux intérêts des salariés ordinaires, en Chine comme à l’étranger. Une part de plus en plus grande de la gigantesque réserve d’épargne chinoise – à peu près 1800 milliards de dollars – est en train d’être rognée par la spéculation partout dans le monde, enrichissant les hedge funds et les autres parasites financiers, plutôt que d’être utilisée à la reconstruction des services public agonisants.

    Réforme ou révolution ?

    L’Etat chinois – comme les gouvernements d’Allemagne et de Grande-Bretagne récemment – peut et va intervenir à la rescousse de ses banques en faillite ou d’autres entreprises stratégiques, et ceci pourrait inclure des renationalisations. La renationalisation sur une base capitaliste, toutefois, ne représente pas un retour à la planification. Seul un mouvement révolutionnaire massif des travailleurs surexploités et des paysans peut démolir ce qui sont maintenant des fondations économiques capitalistes puissantes en Chine, étroitement liées au capitalisme mondial. Un tel mouvement ne voudra pas revenir au maoïsme-stalinisme, mais s’efforcera d’atteindre une authentique planification socialiste démocratique, basée sur le potentiel colossal du prolétariat chinois, qui compte maintenant 250 millions de personnes.

    Le processus de contre-révolution en Chine a été complexe et parfois extrêmement contradictoire, mais néanmoins, la victoire de la contre-révolution bourgeoise, bien que sous une forme particulière "confucéenne", est aujourd’hui extrêmement claire. Une révolution politique – "anti-bureaucratique" – n’est plus suffisante pour amener la classe salariée au pouvoir. De la même manière, il n’est pas non plus correct de dire qu’une nouvelle révolution combinera les tâches d’une révolution politique et d’une révolution sociale – ceci est vrai pour chaque révolution sociale, lesquelles induisent une modification des bases économiques et donc, par nécessité, de la superstructure politique, l’Etat. Un changement qualitatif a eu lieu, par lequel un renversement de la contre-révolution capitaliste chinoise n’est plus possible autrement que par une nouvelle révolution sociale prolétarienne, qui devra renverser l’Etat actuel et exproprier ses principaux bénéficiaires, les capitalistes chinois et étrangers. Ce point est extrêmement important lorsque nous parvenons à la question des perspectives et d’un programme pour la Chine.

    Qu’est-ce que la bureaucratie ?

    En tant que marxistes, nous ne basons pas notre caractérisation du régime chinois sur la simple utilisation occasionnelle de symboles et de phraséologie "communistes" (ou plutôt, staliniens). Ce vernis extérieur est un facteur entièrement secondaire, de la même manière qu’il existe des partis "socialistes" ou "communistes" en Europe et ailleurs, qui organisent une manifestation le jour du Premier Mai et chantent "l’Internationale, tout en menant une politique entièrement capitaliste. Le caractère de classe de n’importe quel organisme, parti ou régime est déterminé par la classe dont il sert les intérêts – sa base sociale.

    Le régime maoïste, par la ruse, les manœuvres et la répression, a été un obstacle à toute tentative de la classe salariée de s’organiser en mouvement indépendant. Mais en même temps, afin de maintenir ses propres privilèges et son pouvoir, il a défendu la propriété d’Etat et les acquis sociaux de la révolution. C’est cela qui a donné au régime son caractère contradictoire – une combinaison d’éléments réactionnaires et progressistes. Cela n’est aujourd’hui plus le cas. S’étant vendu corps et âme au capitalisme, l’Etat chinois a perdu son caractère ambivalent et contradictoire.

    Trotsky a décrit la bureaucratie stalinienne comme étant une tumeur, un cancer sur le corps de l’Etat ouvrier. Il a expliqué que "une tumeur peut grandir jusqu’à une taille prodigieuse, et même étouffer l’organisme duquel elle vit, mais elle ne peut jamais vivre indépendamment de cet organisme" ("La nature de classe de l’Etat soviétique", 1933).

    La "tumeur" de la bureaucratie chinoise ne peut acquérir une vie indépendante, étant donné sa relation aux moyens de production, et n’est certainement pas en elle-même le reposoir des mesures socialement progressistes issues de la révolution de 1949. C’est même plutôt l’inverse qui est vrai. Sous le stalinisme et le maoïsme, ces acquis existaient dans la conscience et dans la pression de masse des travailleurs et des paysans, malgré le rôle de désorganisateur et de confusion joué par la bureaucratie. Trotsky a aussi expliqué que « la présence de la bureaucratie, avec toutes les différences de ses formes et de son poids spécifique, caractérise TOUT régime de classe. Sa force est un reflet. La bureaucratie, indissolublement liée à la classe économiquement dominante, est nourrie par les racines sociales de celle-ci, se maintient et tombe avec elle » (ibid., italiques par Vincent Kolo).

    Mais aujourd’hui, quelle est en Chine la classe économiquement dominante ? Avec le démantèlement de l’économie planifiée, ce ne peut plus être la classe salariée. Une partie de l’ancienne bureaucratie maoïste s’est reconvertie par le « processus de réformes » en une nouvelle classe de propriétaires.

    La connexion entre capital privé et étatique n’est pas rigide, mais fluide, reflétant une large gamme d’arrangements intermédiaires, en partie privés, en partie publics. La classe capitaliste est dépendante de l’Etat actuel pour ses contrats, ses emprunts, ses faveurs et, surtout, pour être protégée de la classe salariée. Parmi les 20 000 plus riches hommes d’affaires chinois, 90% sont membres du PCC ou comptent des membres du parti dans leur famille.

    Pas de ‘big bang’ ?

    Le régime du PCC et la bureaucratie dans son ensemble n’ont jamais constitué, en elles-mêmes, un rempart à la contre-révolution capitaliste – c’est là la clé de la compréhension de tout ce qui s’est passé. Comme en Russie et dans les autres ex-Etats staliniens, c’est la résistance de la classe salariée qui était le seul vrai obstacle à la contre-révolution capitaliste. Cette résistance – qui, à certains moments, a acquis des proportions de masse – fut néanmoins vaincue en Chine par toute une combinaison de facteurs. La violence excessive et terrifiante qui fut utilisée pour écraser le mouvement révolutionnaire naissant de 1989 fut un facteur critique. La rapidité de la croissance économique (d’à peu près 10% par an tout au long de la dernière décennie) a aussi fourni au régime une certaine "soupape de sécurité".

    Pour Trotsky, la menace de la restauration capitaliste ne reposait pas sur le fait que le parti stalinien soit ou non renversé. Cela n’était pour lui qu’une des perspectives : « mais la restauration bourgeoise, en parlant de manière générale, n’est concevable que sous la forme d’un revirement brutal et décisif (avec ou sans intervention), ou sous la forme de plusieurs réajustements successifs… »

    « Donc, aussi longtemps que la révolution européenne n’a pas triomphé, les possibilités d’une restauration bourgeoise dans notre pays ne peut pas être reniée. Laquelle de ces deux voies est la plus probable dans nos circonstances : celle d’un revirement contre-révolutionnaire abrupt, ou celle d’une série de glissements, avec un peu de chamboulement à chaque étape, et une dérive thermidorienne pour étape la plus imminente ? Cette question ne peut être tranchée, je pense, que d’une manière extrêmement conditionnelle » ("Le Défi de l’Opposition de gauche", 1926-27, italiques par Vincent Kolo).

    Cette "voie de réajustement successifs" est une excellente description de ce qui s’est passé en Chine. Le capitalisme a été restauré, bien que selon un mode chinois particulier. Cette restauration est le fruit de ce qui fut d’abord un réflexe empirique de la part du régime stalinien à la fin des années 70’s, cherchant à trouver une issue à la crise politique et économique, avec des éléments de guerre civile, qu’il avait hérité de Mao. Dans ses premiers stades, ceci était une tentative d’exploiter certains mécanismes de marché au sein d’une économie étatique stalinienne. Mais de tels processus possèdent une logique qui leur est propre, d’autant plus que la révolution socialiste mondiale se faisait attendre, et étant donné la crise et l’effondrement du stalinisme partout dans le monde, et l’accélération féroce de la mondialisation néolibérale.

    Au contraire de l’Union Soviétique, il n’y a pas eu en Chine de "big-bang", d’implosion de l’Etat unipartite, et le PCC est resté au pouvoir. Mais les classe capitaliste émergente, surtout dans la Fédération du Russie, considérait le démantèlement de l’Etat stalinien comme un pré requis au succès de sa contre-révolution. Dans le cas de la Chine, par contre, avec toute son histoire de guerres féodales et de fragmentation, et la menace immédiate de manifestations de masse, exorcisée par le massacre de 1989, la position de la classe capitaliste émergente était différente. Ici, ce fut la continuation du règne du PCC qui était la base la plus avantageuse pour développer le capitalisme – afin de maintenir "l’ordre" et le pays entier.

    Qui donc aujourd’hui demande un changement de régime en Chine ? Certainement pas les capitalistes, qui comprennent que, par la répression de la gigantesque classe salariée chinoise, le régime actuel est le meilleur qu’ils pourraient sérieusement espérer. Même la bourgeoisie "démocratique" – et elle est en minorité – ne recherche pas la chute du régime du PCC, mais plutôt sa "réforme". Ceci donne la plus claire des réponses qui puisse être données à la question de quels intérêts de classe sert l’Etat chinois aujourd’hui.


    1. Lénine, "De l’Etat", 1919, NDT.
    2. Qu’on peut traduire par "La Chine s’en sort bien avec la mondialisation", NDT.
    3. OCDE, 2005.
    4. Ce qu’on pourrait traduire par "Une frêle superpuissance", NDT.

    Pour en savoir plus :

    Extrait de l’édition de décembre 2007-janvier 2008 de Socialisme Today, le magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise du CWI

  • Interview d’un socialiste chinois

    Dean Roberts, du journal australien "The Socialist" (journal du Socialist Party, section australienne du CWI, notre Internationale), s’est récemment rendu en Chine. Durant son voyage, il a rrencontré Li Gang, un socialiste de 25 ans, qui travaille en tant qu’employé à Shanghai, à l’administration dans l’entreprise d’Etat des Chemins de Fer Chinois. Ci-dessous, vous trouverez le compte-rendu d’un entretien qui s’est déroulé à la mi-décembre.

    Dean Roberts

    Peux-tu me parler des conditions de travail auxquelles doivent faire face les Chinois ?

    Li Gang : En gros, les travailleurs en Chine sont divisés en deux groupes. Le premier est constitué de ceux qui ont été assez chanceux que pour pouvoir aller à l’université, et qui visent à obtenir un poste d’employé dans une entreprise d’Etat. Dans les grandes villes, comme Shanghai et Beijing, les diplomés gagnent environ 2000 Yuan par mois (210€).

    Le problème, cependant, est que beaucoup de ces diplomés universitaires ne trouvent pas de travail car il n’y nulle part assez de place. Il y a eu beaucoup de restructurations massives dans les compagnies étatiques ces dernières années, et dans les entreprises privées les salaires et les conditions de travail sont bien moindres. Dans les entreprises d’Etat, on peut travailler de 8h à 17h, du lundi au vendredi et recevoir une assurance-santé et autres avantages.

    L’autre groupe des travailleurs, est celui de ceux qui n’ont pas eu de place à l’université, et des gens de la campagne qui migrent vers les villes pour y trouver un emploi. C’est surtout dans les usines qu’on retrouve tous ces gens, ou sur les chantiers de construction et dans les autres secteurs moins bien payés, comme la vente. Bon nombre d’entre eux travailleraient aussi dans le secteur informel. Le revenu moyen pour ces travailleurs est de seulement 1000 Yuan par mois (105€). Ils n’ont aussi droit qu’à 4 jours de repos par mois, s’ils sont chanceux, et peuvent travailler jusqu’à 12h par jour !

    Dans les boîtes privées, il n’y a pas d’assurance-santé, tout ce qu’on reçoit, c’est un salaire. Une journée de travail typique commence à 8h et ne se termine pas avant que tout le travail n’ait été effectué, ce qui signifie travailler jusqu’à 21 ou 22h !

    Les immigrés en provenance de la campagne subissent une forte discrimination, et ont beaucoup moins de droits que les gens nés dans les villes, et ceci à cause du hùkou. Le hùkou est un système de permis qui détermine où les gens ont le droit de travailler en Chine. Les gens sont grossièrement répartis en travailleurs "ruraux" ou "urbains". Pour une personne venant d’une région rurale, il est quasiment hors de question de pouvoir obtenir un job dans une entreprise d’Etat.

    Quel est l’état des syndicats en Chine ?

    Li Gang : En Chine, le pouvoir des syndicats est très limité, pour employer un euphémisme. Par exemple, les grèves sont interdites par la loi. Comparé à celui des pays les plus développés, le droit du travail en Chine n’est qu’une farce.

    En Chine, les syndicats "officiels" ne sont rien de plus qu’une division de l’Etat. Ils sont un mécanisme de contrôle des travailleurs, pas de combat. Je comprends évidemment que la plupart des syndicats australiens soient plus intéressés par l’obtention d’ordinateurs bon marché et de tickets de cinéma plutôt que par une réelle représentation industrielle des travailleurs, mais en Chine, cet état de fait se situe sur un autre plan. Les syndicats sont extrêmement efficaces pour l’organisation de visites de musées ou de voyages à la Grande Muraille, mais il ne leur viendrait même pas à l’idée de même protester contre la super exploitation actuelle.

    Sur mon lieu de travail, le permanent syndical a son bureau dans la même pièce que le gérant, et il est considéré comme un cadre !

    Plus généralement, quels sont les autres problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs chinois ?

    Li Gang : Par où commencer ?! … Le coût de la vie pour les gens ordinaires est extrêmement élevé. Le prix du logement est un gros fardeau, de même que les soins de santé. Croyez-moi, en Chine, vous devez vraiment vous assurer de ne jamais tomber malade ! Une simple visite à l’hopital coûte jusqu’à 500 Yuan (50€). Puis, il faut payer les médicaments. On trouve de la corruption partout dans le secteur de la santé. Nous sommes dans une situation où les docteurs reçoivent des backchiches de la part des entreprises pharmaceutiques, afin qu’ils prescrivent des médicaments très chers mais inutiles.

    L’éducation en Chine est loin d’être gratuite. Les minervals peuvent aller jusqu’à 5000 Yuan (520€). Quand on regarde le salaire moyen en Chine, on constate que ceci est hors de porrtée de la plupart.

    Les dégâts environnementaux sont un problème qui affecte de plus en plus directement les travailleurs en Chine. Dans les grandes villes, la pollution des cours d’eau et de l’air devient de pire en pire. Il y a déjà eu de nombreuses manifestations au sujet des problèmes environnementaux, et elles ne sont pas près de s’arrêter.

    Qu’est-ce qui t’a mené à te considérer socialiste ?

    Li Gang : En Chine, nous étudions le "marxisme" et le "socialisme" à l’école. L’Etat prétend même que nous vivons sous le socialisme en Chine ! Mais ils ne nous enseignent qu’une version déformée du marxisme, afin de contrôler la population ; en ce qui les concerne eux, le marxisme est une doctrine à réciter par coeur, plutôt qu’une gamme d’outils destinée à changer le monde. L’Etat se contente de nous apprendre la théorie, à condition que nous ne tentions jamais de la mettre en pratique !

    Les enseignements du gouvernement ne sont pas basés sur le marxisme authentique, et nous ne vivons pas sous le socialisme en Chine. Avec toutes les inégalités qui existent dans ce pays, personne ne croit que nous vivons ici un socialisme authentique. J’ai voulu apprendre par moi-même les vraies idées de Marx, Engels, Lénine et Trotsky, afin de pouvoir changer le monde.

    Je suis fâché du gouffre énorme qui existe entre les riches et les pauvres en Chine. Les inégalités qui existent ici seraient impossibles à croire pour la majorité des travailleurs du monde développé. Il y a tellement de gens en Chine qui n’ont pas d’argent ni pour des soins de santé de base, ni pour l’éducation, ni pour un logement décent. Il doit clairement y avoir une meilleure manière de gérer la société. Je veux combattre côte à côte avec les socialistes au niveau international pour une égalité des humains partout dans le monde.

    Quels sont les dangers auxquels doivent faire face les socialistes en Chine ?

    Li Gang : Être un socialiste en Chine est quelque chose de très dangereux. Nous risquons l’arrestation, des années de prison et même la mort. Il est en ce moment interdit par la loi de critiquer le gouvernement.

    On n’a qu’à regarder ce qui s’est passé en 1989 (NDT : le mouvement national de protestation en faveur de la démocratie, qui culmina avec le massacre de la place Tian’anmén du 4 juin 1989) pour voir comment le gouvernement gère le mécontentement. A cette époque, ils ont tué des milliers d’étudiants, dont le nombre réel ne sera jamais révélé. Ces étudiants se battaient contre la corruption de l’Etat et pour des droits démocratiques. Certains se battaient même pour un véritable socialisme.

    Que savent les jeunes des manifestations de 1989 ?

    Li Gang : Rien du tout ! Les événements de 1989 en Chine, et en particulier le massacre de la place Tian’anmén, furent un moment majeur de l’histoire mondiale, mais le gouvernement chinois aimerait faire croire aux gens que rien ne s’est jamais produit. La plupart des jeunes chinois ignorent complètement l’existence de ces manifestations. A cause de la censure, il est extrêmement difficile de trouver des informations à ce sujet, même sur internet. Le sujet tout entier a été rendu tabou par le gouvernement.

    Ce que nous pensons, c’est qu’une nouvelle situation comme les événements de 1989 est inévitable dans le futur. Le couvercle ne peut plus être maintenu bien longtemps sur la marmite bouillonnante qu’est la Chine. La politique actuelle du gouvernement ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu en créant de plus en plus d’inégalités. Les tensions dans la société ne peuvent que s’intensifier, avec l’aggravement de l’économie mondiale.

    La tâche des socialistes est de prendre une part active à la construction d’un nouveau mouvement ouvrier, et de s’y battre pour les idées du marxisme authentique. Lorsque ce mouvement se développera sur une plus large échelle, la classe salariée écrira une fois de plus une nouvelle page de l’histoire de la Chine, posant les bases pour un monde socialiste.

  • Luoyang: “Réforme” ou “trahison” ?

    Premier janvier, festival public à Luoyang organisé au cimetière des martyrs de la révolution

    Ceci est un rapport des manifestations qui se sont déroulées la semaine passée dans la ville de Luòyáng (1), province de Hénán, à la suite de la décision du gouvernement local de vendre le Cimetière Mémorial des Martyrs, qui sera transformé en un cimetière privé réservé aux riches. Cet événement est extrêmement symbolique, montrant bien que plus rien – même pas les tombes des héros militaires – n’est à l’abir de la folie de la privatisation qui s’est emparée des dirigeants "communistes" actuels.

    De la part d’un observateur local

    Démanteler, démanteler encore, démanteler les vivants, démanteler les morts ; démanteler la campagne, démanteler les villes, démanteler les masses, démanteler les martyrs.

    En décembre 2007, dans le Hénán, le journal "Dahe" (2), le premier, a divulgué l’information que le Cimetière Mémorial des Martyrs de Luòyáng allait être démantelé. Ce cimetière avait été construit pour commémorer les soldats de l’Armée de Libération Populaire (ALP) morts pour libérer Luòyáng du régime du Guómíndang lors de la période révolutionnaire de 1945-9. Sur un total de huit cimetières, six ont été démantelés par le gouvernement local afin de construire des cimetières privés avec des emplacements à vendre pour plusieurs dizaines de milliers du yuan (3).

    Les autres chaînes publiques ont rapidement relayé la nouvelle. Quelques personnes, surtout membres de la jeunesse maoïste et du "fenqin", un groupe nationaliste, ont publié des images et des articles critiquant les actions du gouvernement. Désireux de dissiper la colère de ces gens et de réagir aux critiques, le gouvernement de la ville de Luòyáng a répondu qu’il n’allait pas démanteler le cimetière des martyrs, mais au contraire le "rénover". Afin de couper court à toute objection, un des responsables du cimetière fut aussi viré.

    Ceci a mené à l’organisation d’un festival public au cimeetière, ce premier janvier 2008, en guise de protestation face à l’action du gouvernement local. A peu près 200 personnes se sont rassemblées dans le cimetière à neuf heures, surtout des membres des jeunesses maoïstes et pro-militaires, et quelques parents des martyrs. Le gouvernement de Luòyáng a alors envoyé des douzaines de gendarmes et de policiers anti-émeutes pour surveiller l’événement et barrer la route principale qui mène au cimetière. Mais tout se déroula dans le calme et la police se retira du cimetière.

    Un coup porté aux illusions

    L’impact du festival de protestation de Luòyáng perdure encore. Les manifestants ont bien expliqué que si le gouvernement ne donnait pas une réponse satisfaisante, la protestation reprendrait. Sans vouloir exagérer l’importance de cette affaire (qui n’est malheureusement en aucun cas le pire des crimes commis par ce gouvernement), nous trouvons tout de même ici face à un des actes de démolition des plus monstrueux et détestables.

    La réalité est le meilleur des professeurs. Cette affaire a porté un grand coup à tous ceux qui entretiennent encore des illusions dans le régime actuel, ainsi que pour tous ceux qui crient "mort aux USA et au Japon" et "rayez Taiwan de la carte".

    Nous respections ceux qui sont morts lors de la lutte de libération de la Chine de la domination impérialiste, et dont les idéaux étaient ceux de l’égalité sociale. Nous comprenons ceux qui aujourd’hui recherchent parmi cette génération un modèle et une inspiration, même si nous croyons en la nécessité d’une approche politique et d’un programme différents, càd. basés sur la classe salariée, socialistes et internationalistes. A cette occasion, nous aimerions rappeler à la jeunesse maoïste et au "fenqin" de ne pas se laisser leurrer par le "patriotisme" et le "socialisme à la chinoise".

    Un vernis "socialiste" ne peut plus suffir à cacher le noyau capitaliste qui prévaut dans la société actuelle. Qui est-ce qui vend le peuple ? Qui est-ce qui trahit la révolution ? Qui est-ce qui sert l’avidité du capital ? Tout ceci est bien assez clair.


    1. Luòyáng est une des plus anciennes villes de Chine, située dans le Hénán province de la Chine où on trouve le plus d’habitants, sur les rives du Fleuve Jaune, au centre du pays
    2. Presse d’Etat régionale, le Dahe est le 65ème plus grand journal du monde
    3. 10.000 yuan valent 1040€, et le salaire moyen d’un travailleur chinois est de 105€ par mois
  • Des étudiants arrêtés torturés en Iran

    Nous publions ici un rapport effectué sur base d’un tract diffusé par des étudiants en Iran. Ce rapport livre des informations sur la situation de dizaines d’étudiants arrêtés au début du mois de décembre. Ces étudiants subissent les formes les plus dures de tortures. Il est plus que nécessaire de protester contre ces sévices et d’exiger la libération immédiate des étudiants.

    Les étudiants de gauche iraniens sont très préoccupés par la situation de plus de 30 étudiants actuellement en prison après des actions menées début décembre. Aucun contact n’est possible avec les étudiants dans la prison qui est contrôlée par les services spéciaux de sécurité. La partie de la prison où ils sont détenus n’est même pas accessible pour le personnel ordinaire de la prison. Loin des témoins, les prisonniers subissent les supplices et tortures physiques, psychologiques et même sexuelles les plus dures pour les forcer à livrer de faux aveux.

    Les prisonniers sont forcés de répondre aux questions écrites ou orales des inspecteurs tout en étant assis sur des chaises en bois ou en métal en faisant face au mur. Ce genre d’interrogatoire dure des heures et des heures sans interruption. Si les prisonniers ne sont pas prêts à coopérer ou refusent d’admettre les accusations, alors commence un processus plus dur. Les inspecteurs insultent ainsi tous les membres de la famille, en étant particulièrement insultant pour les femmes. Ils mélangent les insultes aux menaces et frappent le dos, le cou et les épaules du prisonnier. Peu à peu arrive la période sombre de la torture. Ceux qui sont appelés par les inspecteurs les « briseurs de volonté » entrent en scène. Ils prennent le prisonnier à la cave, dans la salle pour le chauffage central ou dans l’arrière-cour. Les « briseurs de volonté » crient, insultent et menaces sans arrêt. Ils ordonnent au prisonnier de s’asseoir puis de se tenir debout et il ou elle doit choisir entre obéir ou être battu. Pendant ce processus, les « briseurs de volonté » continuent de parler de la maladie des parents du prisonnier, de la mère qui a eu une crise cardiaque en entendant parler de son enfant, etc. Au moment où le prisonnier entame un mouvement pour se reposer ou se tenir, ils commenceraient à le battre. Peu à peu, le prisonnier se sent fatigué et commence à devenir insensible des pieds. Ils ordonnent alors au prisonnier de rester sur une jambe. Ne pas obéir signifie recevoir des coups dans l’estomac ou des claques au visage. Ceci augmente la faiblesse de sorte qu’il est plus difficile de se tenir sur un pied. Les « briseurs de volonté » commencent ensuite à battre les pieds du prisonnier. Chaque coup force les genoux à se plier et à rompre l’équilibre. Alors ils commencent à battre l’arrière du cou. Les coups contre la colonne vertébrale causent un obscurcissement de la vision. Durant tout ce processus, le prisonnier doit fréquemment sombrer, mais les « briseurs de volonté » jettent de l’eau froide au-dessus du visage et dans le cou et attrapent le prisonnier par la taille pour le maintenir plus vigilant.

    Ils ramènent le prisonnier dans de telles conditions à la prison en voulant de lui qu’il remplisse 100 pages des papiers marqués du « tribunal de la révolution », en précisant que si les papiers ne sont pas remplis le jour suivant, la torture serait alors répétée. Après autant de pression, le prisonnier doit encore choisir entre ne pas dormir ou être encore torturé.

    En cas de refus de se plier à la volonté des inspecteurs ou des « briseurs de volonté », ils reviennent ensuite avec l’ordre Islamique de punition spécial du juge. Selon cet ordre, ils peuvent attacher les bras et les jambes à un lit en bois et battre le prisonnier avec une ceinture ou un fouet.

    Si l’équipe d’enquête n’a pas de certitude au sujet de la durée d’emprisonnement, ils ne rencontreront aucun risque pour peu qu’ils ne laissent aucune trace de torture sur le corps. Dans ce cas, ils emploient la torture blanche. Il existe ainsi des prisons individuelles de couleur blanche ou rouge dans lesquelles est maintenu le prisonnier durant quelques semaines sans que rien ne lui soit demandé. Il n’y a qu’une petite fenêtre de 20cm de longs et de 10 cm de large au bas de la porte pour pousser la nourriture à l’intérieur, le prisonnier ne peut ainsi même pas voir le garde. En raison de la couleur des murs, le prisonnier perd l’équilibre et est victime de tensions nerveuses graves. Si elle continue pendant longtemps, cette méthode de torture indolore rend le prisonnier complètement fou, il perd sa subjectivité et devient alors prêt à coopérer avec les autorités.

    Un autre genre de torture particulièrement utilisé contre les jeunes prisonniers est l’abus sexuel. Ils attachent les mains du prisonnier derrière le corps, couvrent ses yeux et le mettent contre le mur avec autour de lui trois ou quatre tortionnaires qui commencent par des menaces sexuelles et des attouchements à différentes parties du corps du prisonnier… Ce dernier devient si nerveux que qu’il est prêt à tout pour coopérer ou devient fou.

    Maintenir éveillé le prisonnier est une autre manière de torturer. Ils mettent le prisonnier dans une prison individuelle éclairée par des projecteurs très puissants distants de seulement 3 mètres et baignée constamment dans les bruits d’alarmes ou de la musique. Ainsi ils déchirent les nerfs des prisonniers et même lorsqu’ils perdent connaissance, ils les immergent dans de l’eau pour les tenir éveillés. Ce processus continue durant de 3 à 7 jours.

    Les descriptions ci-dessus sont seulement une part de ce qui se produit dans les prisons. Les « amoureux de la liberté et étudiants égalitaires » qui sont déjà dans les prisons du régime de la république Islamique d’Iran sont sous la menace des telles pratiques inhumaines et barbares. Ce danger est beaucoup plus grand pour les prisonniers qui ne pourraient pas avoir de contact avec leurs familles.

  • Pakistan. Après l’assassinat de Benazir Bhutto : Opposition de masse face aux militaires et au régime de Musharraf

    Le comité exécutif central du Pakistan People’s Party et la réunion du Conseil fédéral tenue dans la maison de la défunte Benazir Bhutto, dans la province de Sindh le 30 décembre, n’ont livré aucune surprise à ceux qui connaissent un tant soit peu le PPP et la politique pakistanaise. Le fils de Benazir Bhutto âgé de 19 ans, Bilawal Bhutto, a été nommé Président du parti, la coprésidence revenant au mari de Benazir, Asif Zardari. La direction du PPP a aussi décidé de contester l’élection générale prévue le 8 janvier et de poursuivre les politiques adoptées par Benazir Bhutto.

    Khalid Bhatti, Lahore, Socialist Movement Pakistan (section de notre internationale – le CIO – au Pakistan).

    Beaucoup de commentateurs politiques considèrent cette réunion comme une deuxième fondation du PPP, avec une nouvelle direction. Toutefois, en réalité, cette nouvelle direction ne fait que confirmer le règne de la famille Bhutto au-dessus du PPP, selon les volontés laissées par Benazir pour sa famille et le parti. Elle avait ainsi demandé à son mari de prendre la direction du PPP. Si ce dernier a laissé la présidence à son fils, c’est pourtant bien lui, Asif Zardari, qui continuera dans les faits à dominer le parti au nom des Bhutto.

    Cette tradition de transmission familiale du pouvoir avait déjà été utilisée par Zulifqar Ali Bhutto en 1979 quand il a remis la direction du parti à sa fille, Benazir, sans aucune consultation. La tradition féodale dynastique est ainsi toujours d’application au 21ème siècle…

    L’avenir de la politique du PPP

    La disparition soudaine de Benazir Bhutto a créé un vide énorme non seulement au sein du PPP, mais également dans la politique nationale, où elle était une personnalité incontournable avec derrière elle une histoire de lutte et de sacrifice contre l’establishment et la dictature militaire. Son image anti-établissement s’était cependant considérablement fanée, particulièrement ces derniers mois, en raison des accords qu’elle essayait de conclure avec le général Musharraf, avec le soutien de l’impérialisme occidental.

    Malgré tout, la mort violente du chef du PPP a fait d’elle un symbole de la lutte ou encore du courage contre le fondamentalisme et la dictature. Cette situation va la laver de plusieurs trahisons et erreurs politiques qu’elle a commises durant sa carrière politique.

    La direction du PPP va utiliser la vague de sympathie et de peine pour poursuivre les politiques qui servent leurs propres intérêts. Le PPP est maintenant plus susceptible de maintenir intacte son unité et d’éviter de grandes scissions à court terme tout en étant plus capable de remporter une majorité lors des prochaines élections pour la formation d’un gouvernement. La direction féodale du PPP emploiera l’atmosphère actuelle et la colère contre le régime pour rassembler à son avantage le soutien des masses pour se tailler un nouvel accord avec l’establishment militaire afin de partager le pouvoir.

    Une fois au gouvernement, le PPP devra traiter des véritables problèmes. Les masses laborieuses ne vont pas donner énormément de temps à un gouvernement du PPP pour résoudre leurs problèmes. S’il est une chose qui est très claire, c’est que le parti de Bhutto ne saura pas résoudre les problèmes rencontrés par la classe ouvrière et les pauvres : il ne possède aucun programme alternatif ni aucune stratégie pour cela. Ce parti ne fera que poursuivre les politiques économiques soumises au marché « libre » que les précédents gouvernements du PPP avaient appliquées, avec en conséquence une baisse de son soutien. Le plus probable est que le PPP poursuive sa politique pro-américaine et soutienne la prétendue « guerre contre la terreur ».

    Le PPP comporte beaucoup de factions et de groupes résultant du culte des personnalités au sein du parti. Les dirigeants les plus connus du PPP ont chacun leurs propres groupes de supporters basés non pas sur des idées, des principes ou des programmes différents, mais bien sur le simple soutien à des figures connues pour en retirer le maximum de gains politiques. Ces groupes et factions peuvent s’engager dans une bataille ouverte pour obtenir le contrôle de l’appareil du parti. Asif Zardari ne pourra pas maintenir le PPP intacte pendant une longue période. De grandes ou plus modestes scissions peuvent apparaître autour de différentes questions.

    Alors que le PPP souffre de l’absence d’un programme clair capable de l’unifier, il n’y a maintenant plus de chef charismatique pour rassembler le parti sur le long terme, à la manière de Benazir Bhutto. À l’avenir, la PPP peut se diviser en différents groupes qui peuvent mener à de nouvelles formations.

    Si un mouvement de la classe ouvrière commence à se développer dans les prochains temps, alors une formation plus radicale pourrait se développer, autour de dirigeants comme Aitzaz Ahsan (le chef du récent mouvement des avocats). La taille et la nature de n’importe quelle scission du PPP dépendra des conditions concrètes du moment mais une chose est claire : la route politique sur laquelle le PPP s’engage le conduira dans le désordre et la crise la plus profonde.

    Sentiments de la classe ouvrière

    La probable victoire électorale du PPP sera décrite par de nombreux commentateurs comme la renaissance d’une tradition politique. Le PPP va assurément gagner un certain appui électoral sur base de la vague de sympathie et de peine. L’assassinat de Benazir Bhutto a certainement enclenché une colère contre l’establishment auprès des masses. Cette sympathie et cette colère peuvent s’exprimer en assez de voix pour que le PPP puisse défaire les partis pro-Musharraf. Mais ce phénomène a des limites et ne sera que de courte durée. Il ne changera pas fondamentalement la conscience et l’attitude de la classe ouvrière envers le PPP.

    Le plus probable est que le PPP sera incapable de rétablir sa base et son appui dans la classe ouvrière. Toute sympathie disparaîtra dès que ce parti arrivera au pouvoir pour appliquer les mêmes mesures contre les travailleurs et les pauvres. Quelques sections de la classe ouvrière sortiront pour diriger leurs votes contre le régime et, en l’absence d’une alternative viable pour la classe ouvrière, ces voix iront en faveur du PPP.

    Il n’est pas possible pour le PPP de redevenir le parti des masses comme il a pu l’être dans le passé. Il sera vu différemment. Les couches les plus avancées des travailleurs ne sont pas prêtes à accorder leur confiance à la direction du parti. Même dans les couches plus larges, la sympathie ne se manifeste pas en appui pratique. La majorité écrasante de la classe ouvrière n’est pas prête à s’exprimer politiquement pour la plateforme du PPP.

    La province de Sindh pourrait toutefois être une exception dans cette situation. Le PPP bénéficie de l’appui des masses à l’intérieur de cette province (les régions les plus rurales et féodales) en raison d’une montée du nationalisme sindhi. Faute d’alternative pour les travailleurs, le PPP peut maintenir un important appui électoral parmi des sections des masses laborieuses. Néanmoins, il n’est pas possible pour la direction du PPP de transformer le parti en force politique capable de rencontrer les espoirs répandus parmi les masses.

    Dans la période qui a précédé sa mort, Benazir Bhutto n’a pas réussi à mobiliser les masses derrière son parti. Ses meetings électoraux et publics comprenaient moins de monde en comparaison des campagnes électorales précédentes.

    Les seules personnes au Pakistan à croire encore que le Pakistan People’s Party peut être remanié ou transformée en une organisation radicale de gauche, une organisation de combat pour la classe ouvrière sont les prétendus marxistes révolutionnaires qui travaillent en son sein. Néanmoins, il est possible que quelques dirigeants ou sections du PPP, sous la pression des masses, adoptent – au moins verbalement – des positions plus à gauche, radicales, anti-impérialistes ou sociale-démocrates.

    Des leçons qui n’ont pas été tirées

    Zulifqar Ali Bhutto – père de Benazir et président-fondateur du PPP – avait tiré les conclusions de ses échecs politiques avant de se retirer en 1979. Dans son dernier livre écrit en prison, « Si j’étais assassiné », il concluait ainsi : « Je passe mon temps dans cette cellule de mort parce que j’ai essayé de faire des compromis entre deux classes en lutte – la classe ouvrière et la classe dirigeante. Aucun compromis ne peut être fait entre ces classes aux intérêts contradictoires. Cette guerre de classe finira seulement avec la défaite décisive d’une des classes. C’est la leçon de ma condition présente ».

    Bhutto n’a pas eu l’opportunité d’une seconde chance après avoir tiré cette conclusion mais sa fille a refusé d’apprendre les leçons de son expérience. Z.A. Bhutto a eu la chance de pouvoir transformer la structure d’Etat et le système politique, mais il n’a finalement fait que le renforcer : il a appliqué des réformes qui ont blessé la classe régnante et l’ont décidé à prendre sa revanche. Bhutto a essayé de reformer l’Etat et le système, mais a échoué.

    Benazir Bhutto avait essayé la même chose et a misérablement échoué. Elle n’a pas défendu et ni favorisé les intérêts de la classe ouvrière et des masses pauvres, mais a par contre fait tout ce qui était possible pour passer des compromis avec l’establishment, sans toutefois jamais réussir à obtenir leur confiance. Ses efforts se limitaient à apaiser la classe dirigeante pakistanaise et à sembler acceptable pour l’impérialisme.

    La lutte pour la liberté, la démocratie, les droits fondamentaux, pour une transformation politique et sociale, pour résoudre tous les problèmes rencontrés par la classe ouvrière et les masses pauvres du Pakistan est une lutte pour changer le système et la structure d’Etat. Cela signifie une lutte contre le capitalisme, le féodalisme, l’impérialisme et l’Islamisme politique de droite – tout cela en même temps. Chaque aspect est lié avec les autres ; n’importe quel effort contre un seul d’entre eux échouera parce que les autres viendront à son secours.

    Benazir Bhutto a voulu en finir avec le fondamentalisme religieux réactionnaire sans en finir avec le capitalisme, l’impérialisme et le féodalisme. C’est irréalisable. La lutte contre la pauvreté, le chômage, l’inflation des prix et la faim est liée à la lutte pour le renversement du capitalisme et pour l’instauration du socialisme.

    La direction actuelle du PPP n’est pas prête à engager cette lutte contre le capitalisme et le féodalisme. Au lieu de cela, ce parti veut renforcer le « statut-quo » : le système actuel tel qu’il est putréfié. La direction du PPP n’est pas prête à apprendre les leçons du passé et semble prêt à en reproduire les erreurs. Les travailleurs et les pauvres, cependant, seront disposés à tirer des conclusions sur base de leur expérience et des déceptions amères qu’ils auront eues. Au regard de la manière dont la « succession » de Benazir Bhutto a été réglée et de l’absence de volonté de la part des chefs du PPP pour une véritable rupture avec le féodalisme, le capitalisme et l’impérialisme, il ressort clairement que la nécessité d’un mouvement et d’un parti indépendant pour les travailleurs et les pauvres est un besoin urgent. Ce serait là une force avec laquelle pourrait être engagé le combat pour un réel changement des conditions de vie des masses de la population du Pakistan et pour mener la lutte pour le socialisme.

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