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Category: Amérique du Nord
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INTERVIEW: Ty Moore, de Socialist Alternative (CIO-USA)
Le Comité pour une Internationale Ouvrière a publié une interview-vidéo de Ty Moore, membre de Socialist Alternative. Il y revient sur la signification de l’élection d’Obama ainsi que sur les discussions politiques qui se développent actuellement aux Etats-Unis. Il parle aussi de la crise économique et de son impact sur la société américaine. Cette interview en anglais donne donc un bon aperçu de la situation actuelle aux USA.
CWI (socialistworld.net)
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Un changement dans la politique extérieure des Etats-Unis ?
Déjà avant les élections, le président Obama avait annoncé le retrait progressif des troupes US d’Irak. Depuis lors, il a créé une ouverture pour des négociations avec l’Iran et même avec les Talibans « modérés » d’Afghanistan. Un nouvel élan a aussi été donné à la collaboration entre l’OTAN et la Russie. Ces éléments indiquent-ils un vrai changement dans la politique extérieure des Etats-Unis ?
La « nouvelle » position d’Obama n’implique pas une rupture avec la politique impérialiste de son prédécesseur. Le retrait des troupes d’Irak sera utilisé pour envoyer plus de troupes vers l’Afghanistan afin d’y mener la « guerre contre le terrorisme ». Pourtant, après presque huit années de guerre, il n’y a aucune perspective de victoire pour les troupes de l’OTAN. En outre, l’avancée des Talibans au Pakistan a coupé des itinéraires de ravitaillement cruciaux pour l’OTAN entre ce pays et l’Afghanistan.
Afin de pouvoir envoyer un plus grand nombre de soldats en Afghanistan (Obama parle de 17.000 militaires en plus), les Etats-Unis ont du changer leur attitude envers la Russie et l’Iran. Ils avaient besoin de la Russie pour transporter leur ravitaillement vers l’Afghanistan ainsi que de l’Iran pour conclure des accords et des alliances avec des populations afghanes qui parlent le persan (comme en Iran).
La volonté affichée par Obama de parler avec les Talibans « modérés » en Afghanistan ne marque pas non plus une rupture fondamentale avec la politique impérialiste des Etats-Unis. Au cours de la guerre civile en Afghanistan, les partenaires pakistanais et saoudiens des USA ont créé puis soutenu les Talibans, d’abord contre les troupes soviétiques dans les années ’80, puis ensuite dans la guerre entre les divers «seigneurs de guerre» durant les années ‘90. Ils ont été soutenus tacitement par les Etats-Unis.
Actuellement les Talibans progressent au Pakistan, le pays où ce mouvement a été mis en place sous la surveillance et même avec le soutien des pouvoirs militaires et politiques locaux (y compris le PPP de Benazir Bhutto). L’impérialisme américain veut aujourd’hui empêcher un développement des Talibans dans toute la région et essaie d’utiliser sa vieille politique de diviser-pour-régner.
Pendant qu’Obama tente de créer une ouverture pour des négociations avec le régime religieux en Iran, il évoque aussi la possibilité de mener davantage d’actions militaires au Pakistan. A côté des opérations dans la province nord-ouest (où se trouve entre autre le district de Swat, dans lequel le pouvoir des Talibans est plus ou moins officiellement reconnu par les autorités pakistanaises et où ils appliquent la sharia), il pourrait y avoir une augmentation des actions dans la province du Balouchistan. Cela peut faire monter les tensions régionales et accroître l’instabilité politique au Pakistan avec la possibilité de graves conséquences pour le régime en place qui dispose de l’arme nucléaire.
Les tentatives d’Obama pour jouer avec les différences ethniques en Afghanistan sont vouées à l’échec. La même politique a été utilisée dans les années 1970 par plusieurs grandes puissances (URSS, USA, GB) dans l’espoir de bloquer une radicalisation des travailleurs et paysans dans le pays. Le résultat a été un carnage terrible et une guerre civile qui apparait interminable et que la nouvelle politique des Etats-Unis va relancer. La guerre civile risque en plus de s’étendre, en particulier vers le Pakistan. Plus que jamais, l’impérialisme risque de mener à la barbarie.
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“Contre-attaquer fait une différence” – Occupation d’usine au Canada
“Contre-attaquer fait une différence ” – on pouvait lire ce slogan sur les pancartes des travailleurs qui occupaient leur ancien lieu de travail, l’usine Aradco – un des fournisseurs de Chrysler – à Windsor, dans la province de l’Ontario au Canada.
Clare Hudson, (CIO-Canada)
Après que l’usine ait fermé ses portes la semaine dernière, des syndicalistes d’Aradco et d’Aramco, toutes deux détenues par la compagnie Catalina Precision Products Ltd basée aux USA, ont rejeté la semaine dernière à 64% une offre de 200,000 dollars d’indemnité de licenciement. Il a été calculé qu’il leur est encore dû 1,7 million de dollars de primes de licenciements, de pécules de vacances et de compensations de fin de contrats. Quelle contradiction avec les 165 millions de dollars que les patrons d’A.I.G. se sont offerts en bonus !
Les travailleurs sont entrés dans le bâtiment et ont soudé l’entrée de l’intérieur pour protester contre l’offre négligeable qui leur avait été proposée. Les travailleurs savaient que s’ils ne prenaient aucune mesure, il était peu probable qu’ils obtiennent quoi que ce soit. L’option d’occuper leur lieu de travail était la dernière chose qu’ils pouvaient faire, comme les machines n’avaient pas encore été retirées. C’était le dernier pouvoir de négociation qu’il leur restait. Le responsable local du CAW (syndicat automobile canadien) a déclaré:
«Certains travailleurs ont décidé d’occuper l’usine. C’est la seule chose qu’ils ont à faire afin d’obtenir l’argent qui leur revient.»
Le mercredi 18 mars, l’occupation s’est terminée après que les représentants syndicaux aient passé un accord avec l’ancienne direction. Cet accord a offert aux travailleurs 400,000 dollars à la place des 200,000 prévus d’origine. Tout en ne remplissant pas les exigences et les besoins des travailleurs, ce fut une grande amélioration par rapport à l’offre faite au début de la semaine.
Contre-attaquer en période de récession
Ce que cette action illustre, c’est que se battre fait une importante différence. La lutte paie. Elle a aussi donné à de nombreux travailleurs canadiens confiance en leurs capacités de s’organiser pour mener une lutte victorieuse – même dans une période de récession quand beaucoup affirment qu’il n’y a rien à faire.
Le fait est que même après des paquets de sauvetage et des diminutions de taxes, l’industrie automobile a toujours des problèmes. Ces usines doivent être nationalisées. Si les industries nationalisées sont en surproduction – comme c’est le cas avec la production de voitures ou de camions – ces entreprises doivent être reconverties pour fournir les produits et les services dont a besoin la classe ouvrière.
Les pénuries d’équipement ne manquent pas dans les hôpitaux ou les écoles. De nouveaux logements abordables et de qualité devraient aussi être construits pour répondre aux problèmes des sans-abris et de la précarité qui touche de nombreux canadiens.
Les pertes d’emploi ne cessent d’augmenter au canada, jetant des centaines de milliers de travailleurs qualifiés au chômage. En janvier, 129.000 emplois ont été perdus, ce qui a fait monter le taux de chômage national à 7.2%. Presque tous ces emplois étaient à temps-pleins. Autour de 101.000 de ces emplois étaient dans l’industrie, la plus grande perte d’emploi jamais enregistrée dans le secteur.
Dans l’Ontario, ou beaucoup d’industries sont basées, a été durement frappée avec 36.000 suppressions d’emplois. La province a été suivie de celle de Québec avec 30.000 pertes d’emploi et de la Colombie-Britannique avec 18.000. Il y a également eu une brusque chute dans les chantiers immobiliers, mettant beaucoup d’ouvrier de la construction sans emploi.
Pourtant, à l’automne dernier, durant les élections fédérales, Stephen Harper, le premier ministre conservateur, a promis au Canadiens au cours de sa campagne électorale qu’ils ne souffriraient pas de la récession, que le Canada était une économie forte et qu’il n’y aurait aucun déficit dans les prochaines années.
Pour beaucoup de travailleurs et de jeunes, ces mots n’ont pas été oubliés. La colère et la frustration grandissent, alors que les effets de la crise économique mondiale s’étendent.
Le chômage augmente et un déficit de 64 milliards de dollars est estimé pour les deux prochaines années. Beaucoup de travailleurs qui tentent de réclamer l’allocation de chômage dont ils ont droit se font répondre qu’il faut attendre de nombreuses semaines pour recevoir le premier payement – laissant ainsi des milliers de travailleurs qui ont cotisé durant de nombreuses années inquiets de savoir comment rembourser leur prêt et acheter de la nourriture.
L’inflation augmente
Cette semaine, Statistics Canada a annoncé que l’inflation avait encore augmenté et atteint 1,4% alors qu’elle était déjà de 1,1% en janvier. La conséquence principale a été l’augmentation du prix de la nourriture et du logement. Les denrées alimentaires ont augmenté en moyenne de 7,4% l’année drnière. Les légumes frais ont par exemple augmenté de 25%.
Cette situation rend encore plus difficile pour les travailleurs et les jeunes de s’offrir les nécessités de base.
Bien qu’il soit vrai que le Canada n’a pas encore ressenti les effets de la crise économique à un point comparable aux USA ou à beaucoup de pays européens, il n’y a aucun doute sur le fait que l’impact, jusqu’ici, a frappé plus durement les travailleurs et les jeunes et a créé beaucoup d’incertitude quant à l’avenir. La réalité que le Canada est entrée dans une profonde récession frappe les esprits.
Mais comme les actions des travailleurs de Windsor le montrent, contre-attaquer doit être l’option. Il est plus que probable que cette occupation ne sera pas la dernière. Les syndicats à travers le pays doivent intensifier ces luttes avec des actions pour défendre les emplois et les services publics, en relation avec les travailleurs du monde entier. La nécessité d’un nouveau parti des travailleurs est une tâche urgente qui doit être construite par la classe des travailleurs et de la jeunesse au Canada pour leur permettre d’avoir les outils nécessaires pour créer une réelle opposition face à la crise du capitalisme.
Tant que vivra le système capitaliste, responsable de la crise, il n’y aura pas de fin au cercle vicieux de croissance et de récession où ce sont toujours les travailleurs qui payent le prix fort. La nécessité d’une société socialiste et démocratique n’a jamais été si urgente. La tâche assignée aux travailleurs et à la jeunesse doit être de changer la manière dont la société fonctionne – pas pour les besoins de quelques uns mais pour les besoins de la majorité – et ainsi d’assurer un avenir décent à chacun.
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Obama sera-t-il à la hauteur ?
L’élection du premier président «afro-américain », dans un pays dont l’histoire est marquée par le racisme, la ségrégation et l’esclavage, a éveillé les espoirs d’une large couche de la communauté noire. Surfant sur une opinion publique massivement hostile à la guerre en Irak et sur une crise économique qui a jeté le discrédit sur les politiques néo-libérales menées durant les années Bush, les accents « progressistes » du discours d’Obama ont fait mouche.
Jalil (Etudiants de Gauche Actifs-ULB)
Obama arrive pourtant au pouvoir avec en toile de fond la plus profonde crise économique que le capitalisme ai traversé depuis 1929, ce qui l’a rapidement forcé à dilapider l’essentiel de ses promesses électorales : il a prévenu que le système d’assurance-santé pour tous ne serait pas pour cette année. Surtout, face à l’hécatombe qui frappe le marché du travail (2,6 millions d’emplois ont disparu en 2008), ces promesses en termes de création d’emplois paraissent bien dérisoires. Avant d’être élu, il parlait de créer 5 millions d’ emplois. Une fois au pouvoir, le chiffre était retombé à 3 millions . C’est de la « sauvegarde » de 3 millions d’emplois dont il s’agit à présent…alors que le nombre officiel de chômeurs avoisine déjà les 11 millions !
Sauver le capitalisme américain, sur le dos des travailleurs
Obama a décidé de plafonner la rémunération des banquiers à 500 000 dollars. Cette mesure ne s’applique pourtant pas à ceux qui ont bénéficié du plan de sauvetage de Bush, comme les dirigeants de Merryll Linch qui ne seront pas contraints de revenir sur la distribution des 4 milliards de dollars qu’ils s’étaient accordés avant que leur banque soit absorbée par la Bank of America. De plus, les limites imposées ne concerneront pas les dividendes et elles seront levées lorsque les prêts de l’Etat auront été remboursés. Il ne s’agit pas, a déclaré Obama, d’une « prise de contrôle par l’Etat. L’initiative privée suivra son cours mais il faudra rendre des comptes et se montrer responsable».
La notion de “sacrifice” est centrale dans les discours d’Obama : ce dernier se prépare à faire payer la crise sur le dos des travailleurs et des couches pauvres de la population. Le nouveau paquet de sauvetage de près de 800 milliards de dollars va tout au plus atténuer les effets de la crise, mais ne permettra pas d’enrayer la vague de fermetures d’entreprises et de licenciements de masse qui accompagnent la récession. Dans ce plan de relance, 40% des fonds seront destinés à de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises et les classes moyennes. Au-delà de l’inefficacité avérée de telles mesures pour relancer l’économie, Obama montre par là sa volonté de tendre la main aux Républicains dans un objectif de réconciliation bipartisane ; le Washington News commentait récemment : “Le président élu propose des baisses de taxes qui pourraient faire rougir George W. Bush”…
Le plan de relance d’Obama est avant tout destiné à sauver le capitalisme américain de la faillite, et non un plan destiné à venir en aide aux travailleurs et à leurs familles. Le déficit budgétaire pour l’année 2009 est estimé à 1,2 trillions de dollars (8,3 % du PIB) avant même la mise en oeuvre du plan de relance. Il est clair que, d’une manière ou d’une autre, ces dettes gigantesques vont devoir être repayées par la collectivité à un stade ultérieur, tandis que les capitalistes et les gros actionnaires continueront de s’octroyer de généreux profits.
Obama : question de race ou question de classe ?
Obama se profile habilement comme un successeur de figures historiques du mouvement noir comme Martin Luther King. De nombreux commentateurs nous présentent aujourd’hui l’élection d’Obama comme la réalisation du « rêve américain » et annoncent l’avènement d’une société « postraciale ». Pourtant , la politique réactionnaire d’une Condoleeza Rice ou d’un Colin Powell dans l’ancienne administration Bush illustrent que le racisme et l’oppression des noirs ne diminueront pas par la simple arrivée au pouvoir d’un président de couleur. Sarkozy a utilisé la même technique en insérant trois ministres « d’ouverture » dans son cabinet (Rahcida Dati, Fadela Amara et Rama Yade). Ce gouvernement continue néanmoins ces politiques d’austérité contre les acquis sociaux, une répression accrue contre les jeunes des quartiers populaires, les sans-papiers et le droit de grève.
La population noire et immigrée traverse une situation sociale dramatique. Premières victimes de la crise, les noirs américains subissent de plein fouet le chômage de masse (l’an dernier, 20.000 noirs ont perdu leur emploi rien que dans le secteur automobile) et les expulsions de logement dues à la crise immobilière. Aujourd’hui, un adulte afro-américain sur quinze est en prison, et les discriminations contre les immigrés sont toujours aussi nombreuses que par le passé. Une enquête officielle provenant du FBI illustre même que les attaques et discriminations à caractère raciste ont tendance à augmenter dernièrement. La répression policière contre les jeunes afroaméricains nous a été rappelée par le récent meurtre d’un jeune afro-américain par un agent de la BART (la police des transports) à Oakland le soir du nouvel an.
La pauvreté énorme de nombreux quartiers aux Etats-Unis et les incessantes discriminations touchant la population noire et immigrée ne pourront être combattue que par une lutte commune des travailleurs et des jeunes de toutes les origines pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et contre le capitalisme, qui se nourrit de la division et des problèmes sociaux. Telle est la principale leçon du mouvement pour les droits civiques. Cette leçon, Obama ne l’a pas faite sienne, enfermé qu’il est dans une logique capitaliste, et voulant transcender les divisions sociales au nom de « l’unité de la nation ».
Vers une ère de paix ?
Obama a été porté au pouvoir grâce notamment à son positionnement contre la guerre. La promesse de retrait des troupes du bourbier irakien dans les 16 mois a été un élément-clé pour remporter les primaires démocrates contre Hillary Clinton. La réalité est bien moins réjouissante, comme l’atteste la confirmation au secrétariat à la défense de Robert Gates, l’un des principaux va-t-en guerre de l’ancienne administration.
La situation irakienne ne demande plus un tel contingent militaire car les intérêts américains en Irak sont maintenant protégés par le gouvernement fantoche mis en place par les USA. Cependant, la « sécurité » en Irak reste extrêmement précaire, et le plan de retrait reste conditionné à une évolution sur le terrain qui laisse supposer que non seulement un retrait rapide et unilatéral est tout sauf probable (les 16 mois se sont déjà transformés en 23 mois), mais laisserait en outre derrière lui un pays dévasté et en proie à des tensions explosives. L’objectif de doubler les effectifs militaires en Afghanistan permet lui aussi de nuancer les volontés « pacifistes » d’Obama.
Le coup médiatique sur la fermeture de Guantanamo ne peut cacher les dizaines d’autres prisons sans droits éparpillées dans le monde comme Bagram en Afghanistan ou Diego Garcia, un territoire britannique situé dans l’océan Indien. Les ordres signés par Obama ne remettent pas en cause la procédure connue sous le nom d’« extradition extraordinaire », par laquelle les Etats-Unis ont, durant les années Bush, kidnappé des présumés terroristes et les ont envoyés dans des pays étrangers ou des prisons secrètes de la CIA pour les torturer. Le président ne s’est toujours pas expliqué non plus sur ce qu’il comptait faire avec le Patriot Act 1 et 2, qui limite les libertés individuelles au nom des lois anti-terroristes.
Quant au conflit israélopalestinien, les seules prises de position publiques qu’Obama a prises sur le sujet visait à assurer son soutien inébranlable à la sécurité d’Israël, tout en ne soufflant mot sur l’occupation et les bombardements à Gaza. On se souvient également de son plaidoyer devant une association de lobby pro-israélienne aux USA, pour que Jérusalem devienne la “capitale indivisible d’Israël”. Le Congrès -à majorité démocrate- a quant à lui renouvelé pour 10 ans l’aide annuelle de 3 milliards de dollars à l’Etat d’Israël…Tout ça porte à croire qu’à part une plus grande dose de concertation avec les autres grandes puissances, la politique étrangère d’Obama au Moyen-Orient ne va pas subir de changements fondamentaux.
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Plan de relance d’Obama
Parviendra-t-il à éviter une dépression prolongée et à relancer la croissance ?
Avant même de reprendre la présidence américaine, Obama a été forcé de se pencher sur la crise économique la plus profonde depuis la Grande Dépression des années ‘30. Les données effarantes sur le chômage publiées en janvier ont révélé un abrupt déclin dans l’économie américaine, et le début d’une récession profonde et, très probablement, prolongée. Un million d’emplois ont disparu entre novembre et décembre, ce qui amène le total des pertes d’emploi pour 2008 à 2,6 millions.
Lynn Walsh, article de ‘Justice’, mensuel de Socialist Alternative (CIO-USA)
Lors d’un important discours sur l’économie, le 8 janvier, Obama a présenté son plan de relance destiné à créer trois millions d’emplois et à redémarrer une nouvelle croissance. Quel est le caractère de ce plan, et peut-il éviter une dépression prolongée et relancer la croissance ?
Le plan d’Obama
Obama propose un plan de relance de l’économie de 775 milliards de dollars sur deux ans, tout en suggérant qu’il pourrait s’approcher d’un trillion (mille milliards) de dollars. Près de 300 milliards de dollars (40% de ce budget) serviront à financer des baisses de taxes pour des familles de la « classe moyenne » et des entreprises. Près de 500 milliards de dollars serviront à des dépenses keynésiennes de travaux publics. Ceci inclurait des aides aux Etats (les gouverneurs d’Etats déclarent avoir besoin d’entre 100 et 150 milliards de dollars afin d’éviter des coupes sauvages dans leurs budgets sociaux).
Des fonds supplémentaires iront à l’assurance-chômage, aux timbres alimentaires, à Medicaid, etc. Obama propose aussi d’accorder des subsides aux contributions d’assurance santé. Il y aura de plus un investissement extensif dans l’infrastructure et les installations publiques : routes, ponts, transport public, bibliothèques, réseaux de diffusion publics, conservation de l’énergie, électricité solaire et éolienne, etc. S’il est accepté, ce plan sera le plus gros plan de dépenses étatiques jamais mis en oeuvre dans le monde depuis le New Deal de Roosevelt dans les années ‘30, seconde guerre mondiale exceptée.
Obama a en outre annoncé une révision de la deuxième partie du programme de renflouement bancaire (le soi-disant Programme d’Aide aux Actifs en Danger), pour lequel il reste 350 milliards de dollars sur les 700 milliards initialement prévus. Obama promet de diminuer ce budget afin d’aider les familles de travailleurs, d’aider les propriétaires à éviter les expulsions, et de soulager le fardeau des autres dettes (emprunts automobiles, dettes des consommateurs, prêts au étudiants, etc.). Jusqu’à présent, toutefois, il n’a encore mis en avant aucune proposition détaillée afin d’annuler ou de modifier les hypothèques prédatrices, même si plus de deux millions de propriétaires sont maintenant confrontés aux expulsions.
Opposition au Congrès
Malgré ses espoirs, Obama n’a que peu de chances de voir son plan être approuvé par le Congrès dès son inauguration le 20 janvier. Dans sa forme actuelle, ce plan doit faire face à l’opposition de la droite comme de la gauche.
De nombreux Républicains – de même que certains Démocrates conservateurs – s’opposent à tout nouveau plan de relance par principe, surtout à une hausse des dépenses publiques (mais pas aux baisses de taxes). Ceci reflète en partie des calculs électoraux.
Il y a toujours une colère largement répandue face aux 700 milliards de dollars prélevés sur le compte des contribuables pour renflouer les banques et les financiers – les magnats assoiffés de profit qui ont déclenché la crise. Il y aura sans doute des soupçons quant au fait qu’une grosse portion du prochain plan de sauvetage finira dans les coffres des grosses entreprises et dans la poche des politiciens.
L’opposition des « conservateurs fiscaux » reflète aussi une adhésion doctrinaire à l’idée du « marché libre » – malgré l’effondrement financier du libre marché que nous voyons aujourd’hui – et une opposition au déficit gouvernemental.
Cependant, confrontés à une crise économique et financière profonde, qui suscite la peur de soulèvements sociaux et de radicalisation de classe, les principaux représentants du capitalisme ont abandonné l’orthodoxie de l’ultra libre marché qui prévalait du temps de la présidence de Reagan. «Lors d’une grave crise, a récemment déclaré Bernanke (président de la Réserve Fédérale américaine), l’orthodoxie peut se révéler être une très mauvaise stratégie» (Financial Times du 4 janvier).
Malgré la perspective d’un énorme déficit du gouvernement fédéral et le danger, plus tard, d’une inflation explosive, les stratèges de la classe dirigeante américaine sont en faveur d’un plan de relance massif afin de sauver leur système de l’effondrement. Obama agit dans leur intérêts.
Critiques de la gauche
Il y a des Démocrates de gauche, toutefois, qui sont critiques face au plan de relance proposé à cause des 40% (300 milliards de dollars) prévus en baisses de taxes. De ceci, 150 milliards iront aux contribuables de la « classe moyenne » (500 $ chacun), tandis que 100 milliards iront aux entreprises.
La plupart des remises de taxe personnelles sont épargnées en banque ou utilisées pour rembourser des dettes, comme l’a montré le plan de remise de taxes d’une valeur de 168 milliards de dollars lancé par Bush en février 2008. Les remises de taxes sont bien moins efficaces que les dépenses publiques pour augmenter la demande de biens et de services et pour créer des emplois.
Obama peut très bien penser que les baisses d’impôt sont toujours les bienvenues et qu’elles permettront de mieux faire passer le plan dans l’opinion publique. A part cela, il cherche certainement à apaiser les critiques des Républicains au Congrès, et donc à s’assurer un soutien bipartisan. (Étrangement, alors qu’ils se disent contre tout déficit budgétaire, les conservateurs fiscaux ne s’opposent jamais aux remises d’impôts, qui réduisent pourtant les revenus gouvernementaux et donc augmentent le déficit.)
A propos des baisses d’impôts pour la classe moyenne et les entreprises proposées par Obama, Keith Olbermann (présentateur sur MSNBC) a dit: «Le présidentiable propose des baisses de taxes qui, au total, pourraient faire rougir George Bush» (Washington News, 6 janvier).
Bien que ce soit le plus gros plan de relance jamais mis en oeuvre depuis le New Deal, quelques Démocrates de gauche doutent de sa capacité à relancer la croissance économique. Un fervent partisan d’Obama, Paul Krugman, qui a été contraint de le convaincre de mettre en oeuvre un plan de dépenses keynésiennes, maintenant juge le plan d’Obama «quelque peu décevant… il est bien loin de ce dont nous avons réellement besoin» (New York Times, 8 janvier).
«Notre économie pourrait chuter à un trillion de dollars en-dessous de sa pleine capacité (sur la période 2009-2010)» a déclaré Obama dans son discours du 8 janvier. Toutefois, comme le fait remarquer Krugman, le Bureau du Budget du Congrès estime la perte à 2,1 trillions de dollars, le double du chiffre avancé par Obama. Alors que seuls 500 milliards des dollars promis par Obama iront à des dépenses keynésiennes, ce plan pourrait ne pas suffire pour éviter «une dépression prolongée».
Enorme déficit
Obama a bien répété qu’il y aurait un énorme déficit gouvernemental – et de plus en plus grand – impliquant par là le fait qu’il a hérité d’une situation désespérée. Le déficit pour l’année fiscale 2009 s’élèvera sans doute à 1,2 trillions de dollars (8,3% du PIB) – le record d’après-guerre – même avant que n’ait été mis en œuvre le plan d’Obama.
Un déficit gouvernemental est en soi un stimulus, dans le sens que la dette du gouvernement finance des emplois et des dépenses qui autrement ne contribueraient pas à la croissance économique. Cependant, une énorme portion du déficit actuel (le dernier déficit de Bush s’élevait à 455 milliards de dollars) vient du renflouement des banques et des agents financiers – qui ont mis leur argent au frais et limitent toujours les prêts, réfrénant ainsi la croissance.
Si le plan de relance d’Obama est mis en œuvre dans les deux prochaines années, il poussera le déficit du gouvernement fédéral à environ 10% du PIB. Le rapport de la dette nationale totale cumulée par rapport au PIB augmentera de 36,9 à 54,2%, un record si l’on excepte la période de la deuxième guerre mondiale. Selon certains Républicains, nous avons déjà un « désastre fiscal », et Obama va empirer les choses.
Pour les stratèges de la classe dirigeante, cependant, le plan Obama est un mal nécessaire, afin de remettre à flots leur système qui bat de l’aile. Ils reconnaissent le fait que des dépenses déficitaires à une échelle massive pèseront sur les générations futures qui devront rembourser une dette colossale. Toutefois, ils déchargeront plus tard de ce fardeau sur le dos de la classe salariée, à travers de nouvelles taxes et des coupes dans les budgets sociaux.
Pendant trente ans, les dirigeants capitalistes ont maintenu l’orthodoxie monétaire, condamnant l’inflation comme la peste. Mais maintenant que leur système est menacé par la crise, ils sont prêts à soutenir le recours à la presse à billets afin de renflouer les banques, contrer la déflation et (au moins en partie) les dépenses publiques.
Inévitablement, l’impression d’argent aujourd’hui réveille le spectre de l’inflation demain. Mais l’éditorial du New York Times, sous son titre «Le remède de la planche à billets», concluait que «l’action de la Fed est correcte» (23 décembre 2008). Plus tard, ils reviendront au type de politique monétariste sauvage en vigueur sous Reagan dans les années ‘80, qui restreignait les dépenses publiques et augmentait le coût réel de la dette pour les travailleurs.
Obama lui-même a laissé entendre que le prix serait payé par les travailleurs dans le futur. «Je ne suis pas sur le point d’augmenter la taille du long-terme gouvernemental» a-t-il déclaré dans le New York Times du 9 janvier. Selon Obama, une partie importante de son budget sera utilisée pour «réparer» de grands programmes de droit, la sécurité sociale, Medicare (soins de santé pour les retraités) et Medicaid (soins de santé pour les pauvres).
«Réparer» signifie coupes : plus de contributions des taxes sur les salaires, la hausse de l’âge de la retraite, moins d’allocations de santé. Le plan d’Obama, selon le chroniqueur David Brooks (New York Times du 9 janvier), «n’est pas une tentative d’utiliser la crise pour édifier un Etat social de type européen». Les dépenses keynésiennes sont là en cas d’urgence, afin d’empêcher l’effondrement économique et des remous politiques. Ensuite, les dirigeants capitalistes tenteront de revenir au conservatisme fiscal.
Perspectives pour l’économie
Le plan d’Obama pourra-t-il éviter une dépression prolongée et relancer la croissance ? Malgré l’ampleur de l’intervention étatique (le déficit cyclique, en plus du plan de renflouement des banques et du plan de relance proposé), ce plan est toujours limité en comparaison aux forces économiques qui ont été déchainées par les Etats-Unis et le ralentissement mondial. Obama vise à créer trois millions d’emplois, mais il y a déjà onze millions de chômeurs, et la situation va encore empirer.
En réalité, le scénario le plus favorable pour le capitalisme américain est un scénario dans lequel l’intervention keynésienne permettrait d’atténuer la récession et de prévenir le début d’une dépression. Même cela, toutefois, n’est pas garanti. Une nouvelle crise du système financier mondial ou américain, une chute du dollar, et d’autres convulsions dans l’économie mondiale pourraient exacerber la crise du capitalisme américain.
Même si elles permettent d’éviter une dépression prolongée, les dépenses keynésiennes en elles-mêmes ne redémarreront pas nécessairement l’économie, produisant une croissance qui se renforce elle-même. Cela requérrait un investissement en capital renouvelé et extensif de la part des grandes entreprises – et les capitalistes n’investiront que s’ils sont assurés d’un taux de profitabilité acceptable.
Une grande proportion de la dette toxique et de la surcapacité industrielle, étant donné le niveau actuel de la demande soutenue par l’argent, devra être extraite hors du système avant qu’il puisse y avoir un quelconque retour à une croissance basée sur de solides fondations.
La récession actuelle va très probablement se poursuivre aux Etats-Unis et dans le monde pour un certain temps, et la reprise, lorsqu’elle commencera, sera probablement lente et inégale. Même si des mesures keynésiennes atténueront l’impact de la récession, c’est la classe salariée qui devra payer le prix fort de la crise capitaliste, à travers des bas salaires, un chômage de masse, et la pauvreté. Les mesures keynésiennes ne parviendront pas à surmonter l’anarchie des forces du marché ni purger la soif de profit des capitalistes.
En même temps, les attaques sur les travailleurs vont provoquer des luttes puissantes, une remise en question du système capitaliste, et la recherche d’une réelle alternative. Au mieux, le keynésianisme n’offre qu’un palliatif temporaire à la crise capitaliste. L’idée d’une planification socialiste démocratique, d’un autre côté, va gagner de plus en plus de soutien en tant que seule manière d’atteler la science, la technologie et les forces de production afin de subvenir aux besoins de la société, dans son ensemble.
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USA : Un jeune afro-américain tué par la police à Oakland le soir du Nouvel An
Durant la nuit du Nouvel An, à Oakland (Californie), la police procède à plusieurs interpellations de jeunes afro-américains dans une station de métro sous le regard attentif de dizaines de passagers. Ces agents de la BART (la police des transports) ont été appelés sur les lieux suite à une bagarre et font sortir plusieurs jeunes gens d’une rame de métro pour les aligner sur le quai. Parmi eux se trouve un jeune nommé Oscar Grant, 22 ans.
Par Karim
Abattu en ‘live’
Malgré le mutisme quasi complet des médias officiels et les précautions prises par la police pour réquisitionner les portables de plusieurs témoins de la scène, des vidéos ont circulé internationalement sur internet (voir ci-dessous). Les vidéos montrent plusieurs hommes alignés le long du mur, mains en l’air. Oscar Grant, entouré de plusieurs policiers se retrouve subitement plaqué au sol, face contre terre. C’est alors que l’impensable se produit. Un des policiers dégaine son arme et abat froidement le jeune immobilisé par la contrainte physique d’un autre agent. Selon l’avocat de la victime, la balle a perforé les poumons du jeune homme avant de ricocher sur le sol. Oscar décèdera quelques heures plus tard.
La bavure provoque la colère
Quelques heures plus tard, alors que la nouvelle circule dans les quartiers d’Oakland, des incidents avec les forces de l’ordre éclatent. Il est clair que cette bavure nous fait repenser à la malheureuse rencontre qu’avait eu Rodney King au début des années ‘90 avec des policiers lors d’un contrôle de la route. Devant la résistance de Rodney King face à son interpellation, la police l’a violement tabassé, aussi face à une caméra. Cette vidéo et le fait que l’ensemble des policiers aient été acquittés quelque temps plus tard a provoqué l’indignation et la colère de la communauté noire aux Etats-Unis. De violentes émeutes ont alors éclaté un peu partout, mais essentiellement à Los Angeles. Ces émeutes sont aujourd’hui considérées comme les plus violentes du 20ème siècle (40 morts en 6 jours).
Le 7 janvier, une manifestation a été organisée en mémoire du jeune abattu et contre les brutalités policières qui ne font malheureusement pas exception dans beaucoup de quartiers aux USA. Plusieurs milliers de personnes ont participé à cette action et à la fin du cortège des incidents confrontant des jeunes avec la police se sont prolongés une bonne partie de la nuit.
Tous ensemble contre la violence policière et le racisme
Cet évènement risque d’entrainer des tensions entre les différentes communautés présentes dans la ville d’Oakland. En effet, le policier est d’origine ‘latino’. Des incidents racistes entre les deux communautés ont déjà été signalés. En tant que socialistes, nous comprenons très bien la colère qui existe parmi la population noire suite à cette nouvelle bavure impardonnable. Mais nous devons aussi absolument souligner l’importance de ne pas tomber dans le piège de la division et des tensions raciales.
Face à la pauvreté énorme de nombreux quartiers aux Etats-Unis et face aux discriminations persistantes par rapport à la population noire et immigrée, nous devons consciemment organiser la lutte pour l’amélioration de nos conditions de vie et de travail. De plus en plus d’américains, victimes de premier plan de la crise économique, vont se retrouver dans une situation sociale désastreuse. Et ce sont certainement les populations immigrées des quartiers les plus pauvres qui vont supporter encore plus durement les conséquences.
Nous appelons à discuter dans les quartiers de ces évènements mais aussi plus largement sur la politique pro-capitaliste du gouvernement américain. Nous savons que beaucoup d’illusions existent par rapport à Obama et à sa nouvelle administration. Mais n’oublions pas que les banques et les grosses multinationales américaines ont aussi voté pour Obama et exigeront en retour la défense de leurs intérêts. Obama et le Parti démocrate ne sont pas prêts à rompre avec la politique néolibérale et de nombreux aspects de leur programme l’expriment clairement. Nous sommes dès lors convaincus que nous ne pouvons compter que sur nos propres luttes pour en finir avec cette société qui n’entraine que pauvreté, violence et racisme.
Il est aujourd’hui d’une importance cruciale de renouer avec les meilleures traditions du mouvement pour les droits civiques, de la lutte des Black Panthers,… Ce n’est que via des mobilisations massives, impliquant la majorité des travailleurs et des jeunes, que l’on pourra éviter de nouvelles tragédies pour les jeunes comme Oscar et être capable d’en finir avec ce système barbare !
- Stop aux brutalités policières ! La police hors des quartiers !
- Pour la construction de comités démocratiques d’auto-organisation dans les quartiers !
- Pour un plan d’actions contre le racisme et la pauvreté ! Un emploi décent, un logement pour tous !
- Mobilisation des travailleurs et de leurs organisations contre la politique antisociale !
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Quel avenir pour le secteur automobile américain ?
Aux Etats-Unis, un plan de sauvetage d’un montant de 15 milliards de dollars a été approuvé pour le secteur de l’automobile. Des entreprises telles que General Motors, Chrysler et Ford menacent de tomber en faillite. La vente d’automobiles a fortement chuté aux USA ; des entreprises comme GM vendent moitié-moins que l’année dernière. En outre, les conséquences de la crise du crédit se font aussi fortement ressentir. Les démocrates songent à couronner un néolibéral pur et dur en tant que tsar de l’automobile.
Contrôle néolibéral ?
Nancy Pelosi (présidente de la fraction démocrate au parlement américain) a affirmé que le banquier Paul Volcker, âgé de 81 ans, serait le candidat idéal pour prendre la responsabilité du plan de sauvetage du secteur automobile. Actuellement, Volcker est le conseiller économique du président nouvellement élu, Obama. Entre 1979 et 1987, Volcker a été président de la Federal Reserve (la Fed); la banque centrale américaine.
En tant que président de la Fed, Volcker était partisan de la ligne néolibérale dure. Il a expliqué par après que la défaite de la grève des aiguilleurs du ciel en 1981 a constitué «l’acte individuel le plus important du gouvernement dans sa lutte contre l’inflation». En 1981, le personnel du trafic aérien américain est entré en grève pour se battre pour de meilleures conditions de travail et pour une semaine de 32 heures. De ce fait, l’interdiction de grève dans le secteur public avait été enfreinte. Le président Ronald Reagan savait que des remplaçants étaient formés en secret et il a donné l’ordre aux grévistes de reprendre le travail. 11.345 grévistes (sur les 15.000) ont été licenciés sur-le-champ. Le syndicat perdit sa reconnaissance. Cette grève symbolique a ensuite été utilisée pour justifier une politique néolibérale plus dure.
A présent, Volcker devrait s’occuper du secteur automobile. Il devrait surveiller toutes les transactions importantes et pourrait fermer les robinets si les restructurations n’étaient pas suffisantes. En d’autres termes, si l’on ne licencie pas suffisamment de travailleurs, alors, les cadeaux de la collectivité aux entreprises prendront fin.
Nationalisation…
Une autre piste dans la discussion au sujet de l’avenir du secteur automobile est venue du réalisateur Michael Moore. Moore est originaire de la ville de Flint et, ces dernières années, il a vu disparaître le secteur automobile dans cette ville. Il a publié quelques diatribes sur le plan de sauvetage et a aussi formulé certaines alternatives.
Le secteur automobile demande des milliards de dollars au gouvernement pour «assainir» la production. Michael Moore affirme avec raison que les moyens de la collectivité ne doivent pas être utilisés pour mettre des milliers d’américains à la rue. Moore : «s’ils reçoivent les milliards, ils promettent d’assainir 20.000 jobs. Vous lisez bien : on leur donne des milliards pour jeter des milliers d’américains à la rue. Ces idiots ne méritent pas un cent. Virez-les et reprenez cette industrie pour le bien des travailleurs, du pays et de la planète».
Nous sommes tout à fait d’accord avec cela et pensons, tout comme Michael Moore, qu’il faut investir beaucoup plus dans la recherche pour des sources d’énergie alternatives et des voitures qui consomment moins d’énergie. Un plan public de travaux d’infrastructure et le développement de transports publics accessibles à tous ; voilà qui nous semble un emploi plus efficace des milliards qui seraient utilisés pour licencier des travailleurs.
… sous le contrôle des travailleurs
Seulement, Michael Moore reste assez superficiel lorsqu’il s’agit de la reprise des entreprises automobiles par la collectivité. Il suggère qu’il suffirait que le gouvernement rachète des parts dans les sociétés. Ensuite, il veut qu’un certain nombre d’experts en transport soient engagés pour diriger les entreprises. Nous ne sommes pas d’accord ; nous pensons que c’est une nationalisation sous le contrôle des travailleurs qui est nécessaire. Pourquoi chercher des experts extérieurs alors que les gens qui y travaillent quotidiennement ont une très grande expérience ?
La collectivité doit prendre le contrôle sur les secteurs-clés de l’économie. Cela est vraiment une meilleure option que de laisser piller les biens de la collectivité pour mettre en sécurité les profits d’un petit groupe de super riches.
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Occupation d’usine à Chicago
Un exemple militant de la voie à suivre pour le mouvement ouvrier
L’après-midi du vendredi 5 décembre, les 260 ouvriers de l’usine Chicago’s Republic Window and Door ont été mis au courant de la fermeture de l’usine et de leur licenciement. Les arriérés de retard en salaire et en vacance s’élèvent à approximativement 1.5 million de dollars. Il y a même des rumeurs selon lesquelles leurs chèques de paie les plus récents ont été refusés. Joyeux Noël.
Will Soto, Socalist Alternative (CIO-USA)
Il ne semble pas que la compagnie se soit totalement effondrée. Les travailleurs pensent plutôt que la compagnie essaye de déplacer la production vers un autre Etat où les salaires sont inférieurs.
L’entreprise pensait qu’elle avait juste à mettre tout le monde à la porte, sans prêter attention aux lois concernant les documents officiels ainsi qu’aux salaires et vacances en retard. Les travailleurs ont vu les choses différemment et ont occupé l’usine.
Un sit-in a commencé l’après-midi du vendredi 5 décembre. La police est arrivée, mais est ensuite repartie sans tenter de forcer le passage. Les travailleurs sont très bien organisés et l’occupation semble fort disciplinée et coordonnée. Ils occupent l’usine vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec trois équipes. Quelques travailleurs sont installés dans l’usine avec leurs familles.
Tous les visiteurs sur le terrain de l’usine sont escortés et les travailleurs gardent un œil sur tout. La compagnie a déjà emballé et emporté certaines machines, mais les travailleurs savent où elles sont et ils vérifient les machines toutes les quelques heures. Beaucoup d’habitants de Chicago aident en faisant des donations d’argent, de nourriture et de sacs de couchage. Ils ont eu un meeting de plusieurs centaines de personnes à l’extérieur du bâtiment le samedi 6 décembre.
Cette occupation d’usine est une cassure nette bienvenue dans la tendance aux fermetures et aux licenciements sans lutte. La compagnie déclare qu’elle ne peut pas se permettre de payer les travailleurs parce que la Bank of America ne prolongera pas le crédit. La Bank of América affirme que les dettes de la compagnie ne sont pas son problème. Les travailleurs éprouvent une colère justifiée contre la direction de l’usine et la banque. Cette même Bank of America fait partie des géants financiers qui ont fait la queue pour recevoir des milliards de dollars de renflouement de la part du gouvernement fédéral américain. Les travailleurs se demandent : où est notre renflouement ?
Une action qui montre le chemin à suivre
Il n’y a pas de question à avoir : cette étape courageusement franchie par ces travailleurs est un grand pas en avant. Ils méritent le soutien de tous les travailleurs et du mouvement ouvrier entier. Socialist Alternative (notre section-sœur aux Etats-Unis) salue ces travailleurs et soutient l’occupation. Ce pays n’a pas vu beaucoup d’occupations d’usines ce dernier demi-siècle. Il y a 70 ans, dans le Michigan, que l’United Auto Workers a lutté et remporté la grève de Flint de 1936-37. Après quarante jours de lutte amère, ils ont vaincu la compagnie et ont inspiré une vague d’occupation à travers le pays. Beaucoup de dirigeants de cette occupation connaissent certainement cette histoire et se préparent à la possibilité d’une longue occupation.
Il est important de noter l’histoire unique du syndicat auquel ces travailleurs sont affiliés. L’United Electrical Workers est un syndicat indépendant sorti de la fédération syndicale du CIO (Congress of Industrials Organisations) et des traditions radicales du syndicalisme industriel des années ‘30. À la différence de certaines directions syndicales corrompues, ses représentants n’obtiennent pas de salaires exorbitants. Pendant les années ‘90, ils ont soutenu la création d’un parti des travailleurs indépendant. La devise du syndicat est «les membres dirigent ce syndicat.» Les travailleurs ont voté démocratiquement pour occuper l’usine.
L’UE et le Conseil du Travail de Chicago doivent construire publiquement le soutien à cette grève de la part des travailleurs et des autres syndicats de la région de Chicago. Cette action héroïque par ces travailleurs pourrait être employée pour revitaliser le mouvement ouvrier à Chicago et pour établir une nouvelle tradition de militantisme parmi la classe ouvrière.
Cette lutte sera une inspiration pour d’autres travailleurs sur la nécessité de lutter contre les assainissements et les licenciements. Le mouvement ouvrier doit combattre chaque licenciement et assainissement en expliquant que si la propriété publique peut être utilisée pour protéger les riches investisseurs, alors les travailleurs doivent bénéficier de ces mêmes politiques.
Ces travailleurs sont unis et déterminés pour gagner tous ce qu’ils peuvent. La victoire est à peine garantie, mais les occupations d’usines sont une tactique éprouvée employée partout autour du monde par des travailleurs qui n’ont souvent aucun autre recours contre les licenciements et les fermetures. Mais de façon plus importante, les occupations d’usine affirment le droit des travailleurs à contrôler leur propre lieu de travail. Comme l’a dit un travailleur en plaisantant samedi : «nous avons beaucoup, nous avons le bâtiment entier.»
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Congrès du Parti Communiste du Québec (PCQ)
Des débats démocratiques et ouverts
Dans sa lutte contre le règne du monde des affaires, le mouvement ouvrier ne peut se permettre de négliger l’internationalisme ni la solidarité internationale. Ceci permet de comprendre pourquoi le MAS/LSP est affilié au Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, Comittee for a Workers’ International – CWI). Qui plus est, le CIO et ses sections maintiennent une correspondance animée avec d’autres groupes ailleurs dans le monde, tels que le Parti Communiste du Québec (PCQ).
Eric Byl, MAS/LSP (section belge du CIO)

J’ai eu la chance de représenter le CIO au 16ème Congrès du PCQ. J’y étais accompagné d’un camarade de Toronto, qui représentait la section canadienne du CIO. Le congrès s’est tenu au Québec, un pays qui a la taille d’un continent, mais qui n’est peuplé que de 7 millions d’habitants. Je renvoie les lecteurs au site du PCQ pour y trouver les photos du cadre splendide dans lequel s’est déroulé le Congrès. Il m’a fallu un peu de temps pour m’adapter au dialecte québécois, mais j’ai été reçu avec une chaleur qui n’était pas sans me rappeler celles des Flamands, des Wallons, des Ecossais, des Bretons ou des Gallois.
Qu’est ce que le PCQ ?
Le PCQ a pour origine les partis communistes traditionnels, et s’est également inscrit dans la tradition maoïste. Parmi sa jeune génération, on trouve un intérêt croissant pour les idées du trotskysme. Le PCQ admet ne pas voir atteint la même clarté politique que le MAS ou le CIO. Le parti évolue. Cette évolution se déroule, cependant, de la manière la plus sincère, ouverte, et démocratique qui soit, sans aucune manœuvre sous-jacente. Tout au long du Congrès, j’ai été agréablement surpris par la volonté de considérer chaque proposition et d’adapter chaque formulation afin d’en ôter les obstacles.
Ce n’est qu’en 2006 que le PCQ a supprimé toute référence au « marxisme-léninisme » de ses statuts. C’est généralement de cette tendance que se réclament les adeptes du « socialisme dans un seul pays », du parti unique et de la discipline autoritaire au sein du parti, ce qui n’a rien à voir avec Marx ni avec Lénine. En supprimant ces références, le PCQ a insisté sur son objectif d’atteindre un socialisme démocratique. C’est également ainsi qu’il se définit dans son journal mensuel, La Voix du Peuple: «révolutionnaire, avec comme objectif le remplacement du capitalisme mondial par un socialisme démocratique».
Dans la même présentation, le PCQ écrit qu’il désire se battre pour toute amélioration de la condition des travailleurs, mais argumente aussi en faveur de l’abolition de l’exploitation. Le PCQ appelle au «démantèlement des Etats capitalistes du Canada et des Etats-Unis», et à leur remplacement par des «Etats ouvriers basés sur des conseils des travailleurs démocratiquement élus».«Ces Etats ouvriers pourraient alors combiner leurs forces dans le cadre d’une nouvelle confédération, basée cette fois non pas sur l’exploitation, mais sur la coopération sur une base volontaire». Toutes ces déclarations sont des idées avec lesquelles peuvent s’identifier le MAS/LSP et le CIO. Le PCQ est en faveur d’un Québec indépendant et socialiste, dans le cadre d’une confédération socialiste des Etats nord-américains.
En même temps, le PCQ doit admettre qu’il a besoin de plus de temps pour arriver à une vision commune en ce qui concerne les événements passés en Union Soviétique et en Chine, en 1956 en Hongrie et en 1968 à Prague. De même quant aux discussions autour du «socialisme dans un seul pays», des fronts populaires par contraste au front unique contre le fascisme, et en ce qui concerne le besoin d’un programme de transition. Le processus de discussions approfondies sur les perspectives politiques, économiques et sociales pour définir à partir de ces discussions quelles sont les tâches concrètes du moment – qui est une tradition chez le CIO et le MAS/LSP – est inconnu du PCQ.
Toutefois, une similarité importante existe avec le CIO et le MAS/LSP, dans le sens que le PCQ avance lui aussi la nécessité d’un nouveau parti large des travailleurs. Tout comme le CIO et le MAS/LSP, le PCQ fait tout son possible pour promouvoir la création d’un nouveau parti des travailleurs. Que ce soit dans la création du CAP en Belgique, de la fondation du PSoL au Brésil, et dans l’édification du WASG en Allemagne, les sections du CIO ont à chaque fois joué un rôle important. De la même manière, le PCQ a mis sa force militante à contribution dans la fondation de l’Union des Forces Progressistes (UFP) et, ensuite, de Québec Solidaire (QS), qui compte aujourd’hui environ 6500 membres.
Ouvert et démocratique
De la même manière que les différentes sections du CIO, le PCQ a fait l’expérience d’autres groupes qui parlaient d’ «unité de la gauche» mais gardaient leurs militants bien en sécurité hors de tout. En outre, d’autres groupes ont tenté d’imposer toutes sortes de restrictions au PCQ, expérience familière au CIO. Comme pour le SAV (section allemande du CIO) dans Die Linke, et le MAS/LSP dans l’alliance UAG (Une Autre Gauche) puis dans le CAP, le PCQ a dû mener une lutte constante au sein de l’UFP, puis également dans QS, pour pouvoir préserver son droit à continuer d’exister en tant qu’organisation indépendante. Heureusement, au sein de l’UFP, ce débat a été mené de manière démocratique et a été soumis au vote d’un Congrès lors duquel une large majorité des trois cents délégués s’est déclarée en faveur des droits du PCQ. Une autre ressemblance frappante est que le PCQ a été confronté aux manœuvres d’autres groupes. Contrairement au PCQ, certains groupes préférèrent ne pas se battre pour le droit à une existence indépendante, tout en manœuvrant afin de faire élire leurs membres soi-disant «indépendants» aux organes exécutifs de QS.
Le PCQ est un petit parti, et toujours en cours d’évolution. En ce qui concerne la construction et la clarification des idées, beaucoup doit encore être fait, mais ce parti est bien positionné, surtout eu égard à sa longue expérience au sein de l’UFP et de QS. Son attitude dans QS lui a gagné du respect. Son honnêteté, son ouverture et son attitude démocratique lors des débats internes sont des accomplissements immenses, pour lesquels il mérite de l’admiration. Nous allons rechercher une intensification du processus d’échange d’idées et de solidarité avec le PCQ dans la période à venir.