Notre système de soins de santé maltraite ses malade mentaux

De nos jours, de nombreux éléments manquent à des soins de santé pour qu’ils soient efficaces en santé mentale. Entre autre manque de moyens pour la réinsertion des patients et manque de soutien psychologique dans les unités de soin psychiatrique.

Par Benjamin (Liège), contribution d’un sympathisant

Le circuit qui est mis en place pour soigner les malades mentaux qui n’ont pas un filet de sécurité (un entourage familial ou bien un revenu de remplacement) est défectueux. Lorsque quelqu’un va dans un hôpital psychiatrique, on traite son cas en urgence et puis généralement, si le traitement de la personne en ambulatoire est impossible (c’est-à-dire chez elle et en rendez-vous réguliers chez un professionnel), les professionnels de la santé mentale ont mis en place un circuit de réinsertion sociale qui passe par des institutions de soin comme des habitations protégées ; c’est-à-dire des structures où des gens se retrouvent dans une vie en communauté dans une maison gérée en partie par une équipe de soignants qui va traiter les cas à l’individuel.

Depuis les coupes budgétaires dans les soins de santé du début du gouvernement Michel, les soignants ne peuvent plus faire face à la demande. Le résultat, c’est qu’il existe un système tordu où l’on propose à des malades mentaux un circuit de réinsertion mais ce circuit ne prend pas en charge tout le monde. Le système de soin de santé à évolué grâce aux méthodes thérapeutiques et s’est doté d’un circuit de soin qui a pour but d’aider les patients à aller vers l’autonomie. Il permet par exemple à un patient d’avoir un suivi après son hospitalisation et d’intégrer des structures plus légères.

Les coupes dans les soins de santé et le manque de structures existantes engendre des difficultés. Vous allez trouver dans la rue des gens que l’Etat n’est pas capable de soigner par manque de moyens. Des gens sont donc en dehors de ce fameux circuit de soins qui permet de les accompagner après leur passage à l’hôpital. Rien n’est prévu pour les aider. De nos jours, il y a tout simplement trop peu de structures pour faire face à la demande. Le constat est clair et sans équivoque, il y a des gens dans une situation précaire et qui ont besoin d’une médication et d’un encadrement psychiatrique.

Pour continuer dans le système « débrouillez-vous », à présent, la tendance est à prescrire à outrance des médicaments aux patients. Si les thérapies médicamenteuses sont absolument nécessaires dans certains cas, le problème survient quand elle ne sont pas couplées avec un suivi psychologique, infirmier ou simplement des échanges humains avec le personnel soignant. Pourtant les soins de santé en psychiatrie passent aussi par la psychothérapie et la communication. Il ne sert à rien de bourrer les gens de médicaments sans analyser ce qu’il y a comme problèmes chez eux. Au-delà des problèmes liés à certaines méthodes et limites thérapeutiques, il n’existe presque plus de traitement par la parole dans la plupart des hôpitaux psychiatriques. La science a établi qu’il est nécessaire que la personne suive un traitement médicamenteux mais aussi qu’elle soit suivie par une thérapie par la parole ou bien des activités. Ce type de thérapie existe mais est sous-financée et sous-encadrée. Il existe donc des problèmes de suivi thérapeutique qui peuvent mener une personne en difficulté psychologique à ne plus faire confiance aux professionnels qui ne font que la bourrer de cachets. C’est le deuxième symptôme de ce circuit qui est cassé. Au lieu de prévoir l’évolution de l’état mental d’un patient dans un avenir proche ou plus ou moins lointain, on bourre les patients de cachets avec pour horizon un retour « à la normale » sans savoir s’ils ont besoin d’être soutenus à moyen ou long terme.

Tout cela est bien sûr occulté par le point de vue dominant que la Belgique a un système de soins de santé ultra performant. En réalité, comme dit plus haut, le secteur des soins de santé mentale est cruellement sous-financé et ce sous-financement est légitimé par les gouvernements en mettant en avant que les usagers touchent des allocations. Mais à quoi sert une allocation si elle ne permet pas d’avoir des soins de première nécessité ou bien d’un accompagnement à long terme ? Parce que les soins en santé mentale ne sont pas seulement un problème d’allocations ou bien de médicaments. En vrai, les politiciens ne connaissent que l’argent que cela coûte à la société et considèrent souvent les personnes qui sont handicapées par des troubles psychiques comme des « parasites ». Nos dirigeants ont facile en pointant du doigt les « profiteurs » et leur « paresse ».

Nous sommes dans une société qui n’accueille plus les personnes handicapées mais qui les exclut : on les rejette parce que ce sont des personnes que l’on ne peut plus encadrer dignement. Le système de soins de santé n’est plus capable de prendre en charge les personnes qui souffrent d’une maladie mentale par manque de moyens. C’est un problème qui préoccupe des centaines de spécialistes et d’associations de patients depuis de longues années : le secteur associatif fait le travail des assistants sociaux des hôpitaux. Il tente de combler les carence des hôpitaux de première ligne (d’urgence) tout en faisant face lui aussi à un manque de moyens. Cet état de fait a des conséquences importantes sur la vie des personnes atteintes de troubles mentaux. Le tendance à la sur-médication a un impact sur l’intégration des personnes en situation de handicap qui sont des malades mentaux lourds (les schizophrènes etc.).

Pour résumer : l’une des possibles solutions au tournant libéral des dernières décennies est de refinancer le secteur pour pouvoir vraiment avoir un circuit pour la réinsertion des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Il faut engager du personnel qui permette un suivi des personnes qui ont un parcours psychiatrique et un suivi médicamenteux et psychologique digne.

Le suivi peut par exemple être basé sur le circuit institutionnel. Un tel circuit de soin repose sur une série d’institutions qui vont aider le patient à prendre pied dans société et à l’encadrer afin de veiller à son bien être et celui de la communauté. La réinsertion de patients étant le but d’un tel circuit. Cette dernière n’est pas juste une réinsertion par le travail mais parfois juste une porte de sortie pour pouvoir surmonter un handicap. Une réinsersion peut parfois passer par l’épanouissement personnel ou bien par un parcours de vie qui donne de la valeur dans la vie du malade, même si ce dernier n’est pas capable de travailler.

Il nous faut défendre une société inclusive, qui accueille et soigne indépendamment du milieu où de la difficulté psychologique. Cette dernière doit palier à ce carcan dans lequel se retrouvent certaines personnes en situation de maladie mental. C’est en effet un raccourci bien trop facile : enfermer pour exclure, pour ne plus avoir à affronter. En réalité, les personnes qui souffrent d’une maladie mentale sont bien moins dangereuses que la moyenne de la société et souffrent bien plus des stéréotypes sociaux du « psychopathe » : le malade mental tueur en série. Des stéréotypes, il y en a un tas sur les malades mentaux et cela va parfois définir notre projet de société. Est-il préférable d’accueillir et de s’occuper des personnes qui ont des problèmes ou bien on enferme et on construit des lieux d’exclusion où l’on donne des médicaments à tour de bras et qui est aliénante ?

Pour conclure, il faut financer le secteur, être penser à permettre à de plus petits services de santé mentale voir le jour. Par exemple, à Liège, il n’existe que 2 services de santé mentale. Il s’agit de services de proximité qui, à l’instar des maisons médicales, accueillent les malades mentaux. Il serait intéressant de voir fleurir plus d’initiatives de ce type. Ainsi, au lieu de laisser des malades mentaux vagabonder en ville ou bien enfermés en institutions, ils auraient un lieu où se réunir et se sentir en sécurité. De plus, un suivi dans ce genre de services permet un meilleur encadrement de la personne souffrante.

À nouveau, la question à se poser est de savoir que faire des malades que la société produit ?! Faut-il les exclure dans des structures où on les bourre de médicaments et puis les renvoyer chez eux avec des allocations sans aucune porte de sortie ? Les laisser comme sans aucun espoir de pouvoir chercher des relations amicales ou de travail ? La solution est multimodale : il faut non seulement permettre un suivi en hôpital plus humain mais aussi prévoir des circuits de réinsertion. Comme je l’ai expliqué plus haut, le parcours des personnes malades mentales n’a pas forcément pour but de travailler, une personne handicapée peut par exemple avoir une vie sociale épanouie grâce à un meilleur maillage d’institutions de terrain : j’en ai fait une expérience personnelle et cela m’a beaucoup aidé. Certainement bien mieux que d’être simplement bourré de cachets et renvoyé bêtement chez moi. Il faudrait un meilleur maillage du territoire par des services qui vont visiter les patient et qui permettent un accueil et une prise en charge qui inclus la personne dans un groupe de gens qui tout comme elles sont en voie de rétablissement afin de finalement se réinsérer.

La solution, c’est une société où l’on permet une vision inclusive de la maladie mentale : une société où l’on donne les moyens aux hôpitaux, structures et associations d’avoir la possibilité de donner une vie digne aux malades mentaux. Une véritable société socialiste ne peut pas exister sans prendre en compte ceux que le capitalisme laisse de côté par soucis d’économie.

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