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10e Congrès Mondial du CIO : Croissance précaire et crise en Amérique Latine
La fin du siècle dernier et le début de celui-ci ont connu des mouvements et des luttes majeurs contre le néolibéralisme à travers toute l’Amérique Latine. Lors du Congrès Mondial du CIO de décembre dernier, une commission spéciale a été consacrée à l’Amérique Latine et s’est concentrée sur les problèmes d’ampleur et fondamentaux auxquels sont confrontées la classe ouvrière et les masses de ce continent. En attendant la résolution consacrée à l’Amérique Latine, voici un rapport de la discussion qui a pris place.
Rapport de la discussion
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10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) s’est déroulé en décembre en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela.
Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.
Nous allons publier sur ce site différents textes et résolutions concernant ce Congrès.
- Rapport de la discussion sur les relations mondiales
- Résolution sur L’Europe (1)
- Résolution sur L’Europe (2)
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L’arrivée au pouvoir du régime de Chavez au Venezuela et la lutte explosive de la classe ouvrière pour contrer la tentative de coup d’État en 2002, la révolte massive en Argentine en 2001, la guerre de l’eau et la guerre du gaz en Bolivie, ainsi que l’élection dans ce pays de son tout premier Président indigène, Evo Morales, mais aussi le renversement de trois Présidents en Équateur et l’élection de toute une série de gouvernements qui s’opposent au néolibéralisme, voilà des événements dont l’impact a largement dépassé le cadre de l’Amérique Latine et a touché le monde entier.
La croissance économique en Amérique Latine entre 2003 et 2008, de 5,5% en moyenne, a “interrompu” la lutte contre le néolibéralisme dans de nombreux pays. Toutefois, la crise économique mondiale qui a débuté en 2008 a temporairement tranché à travers cette période de croissance exceptionnelle, et le PIB a décru de 1,9% en Amérique Latine et aux Antilles. Le chômage s’est accru de 3 millions de personnes dans la région. Les plans de relance et l’intervention des gouvernements sous la forme de crédits à bas taux ont aidé à éviter une récession prolongée et on prévoit de la croissance pour 2010. La dépendance croissante par rapport à la Chine a eu un impact profond. Tandis que les exportations de l’Amérique Latine ont chuté de 22,6% en 2009. On estime qu’elles vont maintenant croitre de 21,4% en 2010, surtout grâce à l’augmentation des ventes à l’Asie et à la Chine.
La situation économique n’est pas uniforme à travers toute l’Amérique Latine. Le Mexique et les pays d’Amérique Centrale comme El Salvador, le Honduras, le Nicaragua et le Costa Rica sont ceux qui ont le plus souffert de la crise mondiale, tout comme le Venezuela, qui a été gravement affecté par la chute des prix du pétrole.
La nouvelle dépendance par rapport à la Chine
La relation économique avec la Chine et la hausse des prix des matières premières ont aidé la région à sortir de la récession, mais cela ne s’est pas fait sans en payer le prix. En 2000, les échanges commerciaux entre l’Amérique Latine et la Chine étaient d’une valeur de 10 milliards de dollars par an. Aujourd’hui, la valeur de ces échanges est de 100 milliards de dollars par an ; on a donc assisté au décuplement de ce commerce. On estime que d’ici quelques années, la Chine va dépasser l’Union Européenne en tant que second partenaire commercial de l’Amérique Latine. Mais cette relation s’avérera au final nocive pour les masses du continent. Le commerce est concentré sur la vente de matières premières à la Chine qui, à son tour, exporte des produits industriels finis. Par conséquent, l’accroissement du commerce avec la Chine mène petit à petit à une désindustrialisation en Amérique latine et renforce sa dépendance à l’exploitation de matières premières.
Contrairement aux discours de certains gouvernements, ceci ne représentent pas un grand pas en avant pour l’Amérique Latine. La relation avec la Chine n’est pas progressive, et cette période ne sera pas comme celle des années ’30, période durant laquelle de nombreux pays sont sortis renforcés par la hausse de leur industrialisation. C’est tout à fait le contraire qui est maintenant en train de se produire.
En 1999, les matières premières représentaient 26,7% du total des ventes de l’Amérique Latine, mais ce chiffre s’est accru jusqu’à 38%. Par exemple, le Brésil fournit 45% de l’ensemble du soja qui est importé par la Chine. Au cours des quatre premiers mois de 2009, les exportations du Brésil vers les États-Unis ont chuté de 37,8%, tandis que celles en direction de la Chine ont crû de 62,7%. Cette relation économique croissante avec la Chine a aidé à “protéger” la majorité de la région contre les pires conséquences de la crise internationale.
Le Mexique a connu une chute de 6,5% de son PIB en 2009, et est plongé dans une crise sociale majeure, avec une véritable guerre civile entre les trafiquants de drogue et le gouvernement qui a perdu son contrôle sur plusieurs régions. Au cours des quatre dernières années, 28.000 personnes ont perdu la vie au cours de cette “guerre”, avec 10.000 morts rien qu’en 2010! Quatorze maires et préfets ont été assassinés par les narcotrafiquants, et une corruption rampante impliquant la police a gravement limité la capacité de l’État à faire face à cette crise majeure.
Crise au Venezuela
Le Venezuela est en récession, on y prévoit une chute du PIB de 3% cette année. Reflétant une chute du soutien à Chavez et à son gouvernement lors des élections à l’Assemblée nationale, les “Chavistas” ont obtenu une majorité des députés mais pas des voix. Chavez n’a plus la majorité des deux tiers à l’Assemblée, qui lui permet de faire passer les législations importantes, et la droite dispose maintenant d’une importante tribune parlementaire. Si les forces capitalistes de droite parviennent à présenter une candidature unie, il serait alors possible que Hugo Chavez connaisse une défaite lors des élections présidentielles de 2012. Cependant, à l’heure actuelle, l’alliance de la droite est précaire et il lui manque un candidat crédible. Par conséquent, le plus probable reste la réelection de Chavez.
La baisse de son soutien et la récession ont poussé Chavez à adopter un langage “plus radical”. Il a introduit plus de nationalisations – bien que sur une base capitaliste – et parle de plus en plus de socialisme ; mais cela ne se reflète pas dans la politique du gouvernement. Il y a une tendance de plus en plus prononcée vers la bureaucratisation et la corruption, et il y a un renforcement des forces qui cherchent un compromis avec la droite et avec la classe dirigeante au sein du mouvement chavista. Sur le court terme, le régime pourrait continuer à zigzaguer d’une politique de gauche à une politique de droite et vice-versa, afin de maintenir sa position et sa base de soutien.
L’économie est dépendante du pétrole pour 90% de son revenu, et Chavez a tenté de rompre la dépendance du Venezuela par rapport aux exportations vers les États-Unis (75% des exportations de pétrole du Venezuela vont aux États-Unis, 15% vont vers la Chine). Le prix record du pétrole qu’on a connu les années passées a été la base de la stratégie des réformes de Chavez, qu’il a dénommée le “socialisme du 21ème siècle”. La chute des prix du pétrole et la récession ont coupé court à cette stratégie, qui a été remplacée par un programme de coupes dans les budgets sociaux à hauteur de 30% des dépenses, ce qui a eu un impact profond sur l’éducation et les soins de santé. 65% de tous les produits consommés sont importés, ce qui reflète l’échec persistant à industrialiser le pays. Jusqu’à 25% de l’économie a été nationalisée sur une base capitaliste, mais à cause de la bureaucratie, la plupart de ces entreprises ont fait faillite ou ont un impact négatif sur l’économie. Des accords sont en train d’être négociés avec des capitaux privés afin de transformer certaines de ces entreprises en partenariats publics-privés, au détriment des conditions pour le personnel !
Au cours des deux dernières années, il y a eu une importante hausse de la lutte, avec 6000 grèves et actions de protestation différentes. Ceci est un important développement puisque, jusqu’à présent, la lutte de la classe ouvrière restait en général “à l’ombre” du régime. Mais maintenant, on voit de plus en plus d’indépendance parmi certains secteurs. Chavez subit des pressions provenant de trois côtés différents : la pression internationale des forces étrangères qui s’opposent à son gouvernement, la pression des forces bourgeoises de droite au Venezuela, mais surtout, la pression croissante de la part de la classe ouvrière.
Il y a eu une hausse de la répression des groupes politiques qui critiquent Chavez. Les grèves ont été interdites dans le secteur de l’alimentation : on a dit aux travailleurs que le fait de partir en grève serait considéré comme un acte de trahison ! Cependant, malgré les méthodes réformistes, la bureaucratie grandissante et la répression de la part du gouvernement, le régime Chavez sont toujours perçues par beaucoup de travailleurs et de pauvres comme étant un obstacle au retour de la droite au pouvoir, ce qui amènerait une situation véritablement désastreuse pour eux.
En Bolivie, le gouvernement du MAS d’Évo Morales a remporté de très larges majorités lors des élections qui se sont déroulées en 2009 et en avril 2010. Le soutien de 64% à Morales est un reflet du désir des masses boliviennes de défaire les forces capitalistes droitières qui aimeraient renverser la roue de l’Histoire et retourner à la période d’avant Morales. Même Salvador Allende n’a jamais obtenu un tel niveau de soutien au Chili. Toutefois, le MAS et Morales n’ont pas utilisé ces victoires pour renforcer le développement du socialisme. Au lieu de ça, le gouvernement a continué à choyer les multinationales dans les régions minières et gazières, et s’est opposé aux mineurs et aux enseignants en grève.
Les camarades ont également bien illustré la crise et le vide politiques qui existent en Argentine, et qui ont été approfondi depuis la mort d’Ernesto Kirchner, et aussi par le rôle de la bureaucratie syndicale qui freine la classe ouvrière. Les travailleurs ont bien souvent toujours l’idée de Peron dans leur conscience, mais n’ont pas trouvé qu’aucun des récents gouvernements péronistes étaient véritablement “péronistes”. Il y a de plus en plus de soutien pour l’idée d’un nouveau parti des travailleurs.
Lors du Congrès, les camarades ont aussi discuté de la manière de faire face aux énormes illusions qui existent dans les gouvernements “de gauche” en Amérique latine, comme celui de Morales en Bolivie, qui sont arrivés au pouvoir en tant que représentants de mouvements révolutionnaires de masse des travailleurs et des pauvres, mais n’ont pas rompu de manière décisive avec le capitalisme, et ont maintenu intacts l’État et l’économie capitalistes. Ces gouvernements mettent maintenant en danger les acquis de ces processus révolutionnaires. La construction de mouvements de masse organisés de manière indépendante par les travailleurs, qui puissent exiger que ces mouvements révolutionnaires aillent jusqu’au bout – jusqu’au socialisme international – et se préparent à jouer un rôle décisif dans le développement de la révolution en Amérique latine, est un pas nécessaire et crucial qui reste à réaliser.
Des événements tragique ont commencé à Cuba, avec la décision de la part du Parti communiste cubain d’introduire d’importantes coupes dans les dépenses publiques, ce qui aura pour conséquence le licenciement d’un million de travailleurs du secteur public. La première vague de 500 000 licenciements est prévue pour mars 2011. Ces plans vont mener au renvoi de 20% des travailleurs cubains ! Le gouvernement de Raul Castro a décidé d’“encourager” ces travailleurs à démarrer leur propre entreprise et à devenir indépendants. Des sections entières de la bureaucratie cubaine sont en faveur d’une restauration du capitalisme à Cuba, tandis que d’autres s’y opposent ou hésitent. Les tentatives de faire emprunter à Cuba le même chemin que la Chine ne se dérouleront pas de manière simple ni linéaire. Cuba n’est pas la Chine, et les tentatives d’encourager les petites entreprises et, potentiellement, d’importantes privatisations capitalistes, sont compliquées par la crise économique mondiale et par les capitalistes cubains exilés à Miami et qui attendent la moindre opportunité pour revenir réclamer leurs propriétés qui leur ont soi-disant été volées. Un document de 32 pages a été publié par le Parti communiste afin de clarifier les procédures de développement du marché, de la légalisation des petites entreprises dans 118 zones et concernant le droit à acheter, vendre ou louer leur maison.
Le Parti communiste cubain a perdu sa base de soutien parmi la jeune génération à cause du rôle de la bureaucratie, et il s’est engagé dans une manœuvre extrêmement ardue. Le CIO est convaincu que l’avenir de Cuba ne se trouve pas dans la restauration du marché capitaliste avec toutes ses déficiences, ni dans la continuation du status quo sous la direction du Parti communiste.
Au lieu de cela, la classe ouvrière cubaine doit engager la lutte pour une véritable démocratie ouvrière, de sorte que l’économie planifiée cubaine soit placée sous le contrôle de la classe ouvrière et que pour une fois, le socialisme véritable puisse prospérer et devenir un point de ralliement pour les masses en lutte à travers toute l’Amérique Latine, les Antilles et le reste du monde.
Le Brésil et le Mexique sont les deux pays les plus développés de la région. Les multinationales brésiliennes sont en train de développer d’importants investissements dans les autres pays d’Amérique Latine, et le Brésil joue un rôle de puissance impérialiste régionale, avec Lula qui se présente comme le pompier du capitalisme qui tente d’empêcher le positionnement encore plus à gauche de pays tels que le Venezuela ou la Bolivie. Sur les 500 plus grandes entreprises opérant en Amérique Latine, 226 sont brésiliennes. Petrobras compte pour 17% du PIB bolivien. Les élections fédérales de 2010 ont vu la victoire de Dilma, le candidat soutenu par Lula, qui a remporté la majorité à la Chambre comme au Sénat. Les camarades du Brésil ont expliqué comment la vague de “lulaïsme” actuelle s’est développée et s’est maintenue sur base de la conjoncture économique actuelle et des réformes limitées qui ont été mises en place. Par exemple, 3 millions de jeunes en plus ont maintenant rejoint l’université. Cela ne va pas durer indéfiniment, et pourrait mener à une crise majeure. D’un autre côté, il y a une polarisation sociale croissante au Brésil. Il y a cinq millions de chômeurs et afin de d’éviter la crise économique, Lula a instauré un plan de relance de 300 milliards de réals (135 milliards €). La société brésilienne est aussi touchée par la malédiction de la drogue et de la dégradation sociale. Il y a eu une tentative par l’État de militariser les bidonvilles. La police a occupé certains bidonvilles, et les morts de personne du peuple au cours de la “guerre contre la drogue” ne sont pas rapportées dans les médias. Seul 1% des habitants de ces bidonvilles sont liés au trafic de drogue ; 90% des habitants des bidonvilles sont noirs.
Lula va pouvoir se représenter aux élections présidentielles de 2014, et en attendant, il espère que son allié Dilma va pouvoir maintenir sa base de soutien. Afin de construire une alternative au PT et à Lula/Dilma, le CIO au Brésil continue à lutter pour construire un soutien au sein du PSOL et pour mettre un terme à son virage vers la droite.
Le Congrès mondial du CIO a représenté un pas en avant pour les forces du marxisme en Amérique Latine, avec la reconnaissance de deux nouvelles sections au Venezuela et en Bolivie, et pour la première fois, la participation de camarades d’Argentine.
Il est essentiel que de véritables partis de la classe ouvrière soient construits en Amérique Latine afin de contribuer à la construction et à la direction des courageuses luttes des masses du continent dans la direction de la transformation socialiste, seule solution pour débarrasser cette région de la malédiction du capitalisme.